Numéro:
UNIVERSITE DE KARA
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FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES
POLITIQUES
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MEMOIRE
En vue de l'obtention MASTER DE RECHERCHE
Domaine : Sciences Juridiques, Politiques et
d'Administration
Mention : Sciences Politiques
Spécialité : Gouvernance internationale
ANALYSE DES CRISES SOCIOPOLITIQUES DANS L'ESPACE CEDEAO
DE 1990 à 2020 : CAS DU TOGO ET DE LA CÔTE D'IVOIRE
Présenté et soutenu par:
BARTCHE Gnimpale
Le 31 Mai 2022
Structure de recherche:::
Laboratoire de Droit et des Sciences Politiques (
LaDROSPO ) Directeur de Mémoire:
Monsieur Adama KPODAR, Professeur Titulaire de
droit public et sciences politiques.
Co-directeur de Mémoire:
Monsieur MAWUNOU Zinsê, Maitre-Assistant
en Sciences politiques
Jury
Président: M. AHLINVI Messanh
Emmanuel, Maître de Conférences Agrégées
de
sociologie politique à l'Université de Parakou
Examinateur: M. AGBENOKO Koffi Donyo,
Maître-assistant de philosophie politique et
éthique à l'Université de Kara
Membre: M. BAFEI Abaï,
Maître-assistant en histoire contemporaine à
l'Université de
Kara
Année académique:
2021- 2022
AVERTISSEMENT
1
L'université de Kara n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire;
elles doivent être considérées comme propres à
l'auteur.
2
DEDICACE
Je dédie ce travail à :
o Mon cher père BARTCHE Foaguinin Didjientin
;
o A ma chère mère DJIKONI Arzouma ;
o A mon défunt oncle BARTCHE Wonepo, rappelé
très tôt par le Seigneur; puisse Dieu tout puissant assurer le
repos de ton âme par sa sainte miséricorde;
o A toute ma famille en témoignage de ma profonde
affection.
3
REMERCIEMENTS
«Sentinelle, que dis-tu de la nuit? La nuit est longue mais
le jour vient, répond la sentinelle».
Par ces mots d'introduction du père de
l'indépendance togolaise, Sylvanus Olympio à 0 heure le 27 avril
1960, date de la proclamation dans l'allégresse de l'indépendance
du Togo, nous tenons au terme de ce travail de recherche, à exprimer nos
sincères remerciements à la Faculté de Droit et des
Sciences Politiques de l'Université de Kara qui nous a ouvert les portes
de son établissement afin d'y effectuer nos études;
Nous tenons à adresser nos plus chaleureux
remerciements à notre directeur de mémoire Monsieur Adama
KPODAR, Professeur Titulaire de droit public et sciences politiques.
Il n'a pas simplement accepté de diriger notre mémoire ; nous
avons pu apprécier non seulement sa dimension scientifique, mais aussi
son importante dimension humaine. Nous en profitons pour lui exprimer ici notre
plus profonde gratitude;
Nous exprimons également notre profonde gratitude
à notre codirecteur, Monsieur MAWUNOU Zinsê,
Maître-assistant en Sciences politiques, ainsi que tout le corps
administratif et professoral, pour les conseils, les directives et les
encouragements prodigués le long de notre formation;
A Monsieur KANATI Lardja et à toute sa
famille, merci pour le soutien sans cesse qui nous a été
accordé durant le long de notre formation;
Aux Frères des Écoles
Chrétiennes, nous vous témoignons notre reconnaissance
pour l'accompagnement que nous bénéficions de vous depuis notre
classe de sixième;
A toute notre famille et à tous nos promotionnels qui
ont contribué à la réalisation de ce mémoire, nous
vous souhaitons le meilleur dans vos projets. Merci pour la convivialité
entretenue;
Nos remerciements vont également à ces personnes
si tendres en particulier nos amis M'BITA Chantal, NADJOMBE Piou
Samuel, DJANGBIOG Mindyéme, KONLANI Dambé, WARA Acklesso,
KOLMOGUELONE Souglman, DAMPATY Nataneman, N'SARMA Woumpouguini et
NAM-TCHOUGLI Yendouman ;
Enfin, nous remercions tous ceux qui ont contribué
à mener à terme ce travail.
4
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
APG : Accord Politique Global
APO: Accord de Paix de Ouagadougou
CEDEAO : Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest
CEI : Commission Electorale
Indépendante
CNE : Commission Nationale Electorale
CNO : Centre-Nord-Ouest
CNSP : Comité National de Salut Public
CNT: Conseil National de Transition
CS: Conseil de Sécurité
CURDIPHE : Cellule Universitaire de Recherche et
de Diffusion des idées et des actions
Politiques du président Henri Konan Bédié
ECOMOG: Economic Community for West African
States Cease-fire Monitoring Observer Group
FAFN : Forces Armées des Forces
Nouvelles
FMI : Fonds Monétaire International
FPI: Front Populaire Ivoirien
MICECI : Mission de la Communauté
Economique en Côte d'Ivoire
OMP : Opération de Maintien de la Paix
ONU: Organisation des Nations Unies
OTAN: Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord
PDCI : Parti Démocratique de
Côte-d'Ivoire
PIT: Parti Ivoirien des Travailleurs
RDR : Rassemblement des républicains
RHDP: Rassemblement des Houphouetistes pour la
Démocratie et la Paix
RPT : Rassemblement du Peuple Togolais
SADC : Southern African Development Community
(Communauté de
Développement de l'Afrique Australe)
SDN: Société Des Nations
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
UNIR : Union pour la République
URSS: Union des Républiques Socialistes
Soviétiques
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION 7
PREMIERE PARTIE : ETUDE SOCIOLOGIQUE DES CRISES
SOCIOPOLITIQUES
AU TOGO ET EN COTE-D'IVOIRE DE 1990 A 2020 17
CHAPITRE I : Les origines des crises sociopolitiques au Togo
et en Côte-d'Ivoire 20
CHAPITRE 2 : Les crises sociopolitiques au Togo et en
Côte-d'Ivoire et l'implication de la
CEDEAO 34
DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES
DE
SOLUTIONS
|
..52
|
CHAPITRE 1 : Les conséquences des crises togolaises et
ivoiriennes de 1990 à 2020
|
55
|
CHAPITRE 2 : Les perspectives de solutions aux crises
sociopolitiques
|
64
|
CONCLUSION
|
78
|
RESUME:
Ce mémoire intitulé « analyse des crises
sociopolitiques dans l'espace CEDEAO de 1990 à 2020 : cas du Togo et de
la Côte-d'Ivoire » ambitionne d'être le reflet de trente ans
d'histoire politique de deux pays de l'Afrique de l'Ouest à savoir le
Togo et la Côte-d'Ivoire. L'étude sociologique des crises
sociopolitiques dans ces deux pays est examinée à travers les
origines de ces crises et l'implication de la CEDEAO. Toutefois, les multiples
conséquences entraînées par ces crises sont d'ordre interne
qu'externe. Les impacts négatifs de ces crises conduit à faire
une analyse sur les perspectives de leurs résolutions qui sont
également de deux dimensions à savoir interne et
international.
Mots-clés : Crises-sociopolitiques,
CEDEAO, Togo, Côte-d'Ivoire.
ABSTRACT:
This thesis entitled « analysis of socio-political crises
in the ECOWAS region from 1990 to 2020: the case of Togo and the Ivory
Coast» aims to reflect thirty years of political history of two African
countries in the West, namely Togo and the Ivory Coast. The sociological study
of the sociopolitical crises in these two countries is examined through the
origins of these crises and the involvement of ECOWAS. However, the multiple
consequences of these crises are both internal and external. The negative
impacts of these crises leads to an analysis of the prospects for their
resolutions which are also of two dimensions, namely internal and
international.
6
Keywords: Crises, socio-political, ECOWAS, Togo,
Ivory Coast.
7
INTRODUCTION
8
La fin de la guerre froide, caractérisée par la
chute du mur de Berlin a fait naître au niveau global, un
phénomène structurant : l'universalisation de la
démocratie libérale. En effet, le mouvement démocratique
au début des années 1990, marqué par les
conférences nationales dans les pays de l'Afrique à l'instar du
Zaïre (actuelle RDC), du Congo, du Bénin, du Gabon et autres vont
apporter de profondes mutations dans la vie sociopolitique africaine. La
scène politique démocratique va très vite connaître
de nombreuses crises dues généralement aux mécanismes
d'organisation et d'exercice démocratiques du pouvoir
politique1. En s'appuyant sur les propos d'André
ADJO2, on peut estimer que cette période qui s'enclenche dans
les années d'après-guerre froide au niveau de l'espace africain,
est ce moment qui permet à la forme africaine de sortir du
colonialisme.
Mais aujourd'hui il y a de cela plus de trois décennies
après le déclenchement du renouveau démocratique en
Afrique, on assiste à de multiple crises sociopolitiques dans cette
partie du globe. Cette situation chaotique que vit le continent nous rappelle
la thèse de René Dumont selon laquelle « l'Afrique noire
est mal partie »3.
Dans la suite de cette recherche, nous procéderons tour
à tour à la présentation du sujet, la
problématique, la clarification conceptuelle, la justification du choix
du sujet, la présentation du cadre théorique et
méthodologique de la recherche, les difficultés
méthodologiques, in fine à l'organisation du travail.
1. Présentation du sujet
Les questions de paix et de sécurité ont
toujours été l'une des préoccupations des relations
internationales. A cet effet, « maintenir la paix et la
sécurité internationale et à cette fin, prendre des
mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les
menaces à la paix »4 constitue l'un des principes
fondateurs de l'Organisation des Nations Unies. Ainsi donc, le maintien de la
paix ne peut s'établir dans une logique unilatérale mais
plutôt multilatérale. Ce mécanisme dénommé
« sécurité collective » est une notion des
relations internationales qui prône une collaboration entre les Etats en
matière de sécurité. Autrement dit, c'est un
système de défense mis en place par plusieurs Etats souverains et
qui sont liés par
1 KOUMASSI Afandi, Réflexions sur la
problématique du coup d'état en Afrique, mémoire de Master
2 en Droit Public Fondamental, Université de Lomé, 2015
2 ADJO André, le système international africain
post-décolonisation : morphogenèse des configurations nouvelles
cadre d'analyse topologique, perspective scientifique, thèse de doctorat
en science politique, Université Jean Moulin Lyon 3, 2008.
3 DUMONT René, L'Afrique noire est mal partie,
Revue française de science politique, 1964, pp. 588-590.
4 Charte des Nations Unies, chapitre 1, article 1
9
des accords militaires ou tout autre accord leur permettant de
prévenir les conflits armés entre eux, de les résoudre si
ceux-ci éclatent et aussi faire face efficacement à toute
agression extérieure dirigée contre leurs membres. C'est sans
doute le cas de l'Organisation des Nations Unies (ONU), en remplacement de la
société des Nations (SDN) qui avait vu le jour au lendemain de la
première guerre mondiale (1914-1918).
Depuis sa création jusqu'à nos jours, le bilan
de l'ONU révèle une multitude de crises qu'elle a
géré sur le plan mondial. Sur le plan régional, des
institutions telles que l'Union Européenne et l'Union Africaine se sont
également données pour mission la prévention des crises et
le maintien de la paix. Plus que n'importe quel autre continent, la fin de la
guerre froide a créé un climat de remise en cause d'un
système international et d'une évolution politique en vogue dans
les pays africains. Au début des années 1990, Robert Kaplan
invoquait dans une formule restée célèbre, « the
coming anarchy »5. En rapprochant ce concept de l'auteur
au cas africain, le continent était alors celui des haines ethniques et
de la violence aveugle ; Sonia Le Gouriellec soulignait en son temps que «
vingt ans plus tard, le gagnant du prix Pulitzer, Jeffrey Gettleman,
peignait le tableau, se désespérant que les guerres ne terminent
jamais et s'étendent, comme pour reprendre ses termes, une
pandémie virale »6. Allant dans le même sens,
Mohammed BEDJAOUI décrit la situation déplorable dans laquelle se
trouve le continent africain. Pour lui, l'Afrique d'aujourd'hui est
menacée par des conflits meurtriers qui se caractérisent par une
implosion interne des Etats et des nations; des guerres internes ont permis de
découvrir avec horreur et stupéfaction, les moyens barbares
d'extermination massive des populations.
Le renouveau démocratique dans les années 1990 a
provoqué des crises sociopolitiques au plan interne dans de nombreux
Etats. Le nombre croissant et la complexité grandissante de ces
situations de crise ainsi qu'un intérêt moins marqué de la
communauté internationale pour la région au lendemain de la
guerre froide, ont conduit de nombreux Etats et organisations africains
à prendre les initiatives pour trouver les solutions à leurs
propres problèmes7. C'est à cet effet qu'avec
l'expérience des regroupements de coopération régionale,
les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont témoigné de beaucoup de
solidarité et d'esprit communautaire à travers la création
de la CEDEAO et sa vocation à élargir ses objectifs au maintien
de la paix dans les années 1990. En effet, la création de la
CEDEAO, marquée par les querelles de
5 KAPLAN Robert., (1994), « The Coming Anarchy »,
Atlantic Monthly, vol. 273, n° 2, pp. 44-76.
6 LE GOURIELLEC Sonia., Gestion de crises et résolution
des conflits en Afrique subsaharienne, revue défense nationale,
2016, pg. 15-1
7 FARIA Fernanda., « La gestion des crises en Afrique
subsaharienne : le rôle de l'Union Européenne », 2004.
10
leadership sous régional va se concrétiser avec
le Traité de Lagos le 28 Mai 1975 regroupant à l'origine seize
Etats à savoir: Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte
d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Liberia,
Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sierra Leone, Sénégal, Togo.
Aujourd'hui, « le nombre est ramené à quinze suite au
retrait de la Mauritanie en 2011 »8.
L'idée de création de la CEDEAO est née
d'une initiative des Présidents nigérian Yakubu Gowon et togolais
Gnassingbé Eyadema, qui proposent dès 1972 la création
d'une zone d'intégration économique régionale. L'objectif
était donc à l'époque, de créer un véritable
bloc économique régional, bien plus large que l'union
douanière de l'ouest africain formé en 1959 par les pays du
Conseil de l'Entente et du Mali. Par ailleurs, la conflictualité dans
cette partie du continent va emmener l'organisation à repenser ses
missions notamment en se penchant sur les questions de paix, de
sécurité et de stabilité. C'est ainsi que, avec la prise
de conscience de la dangerosité des crises qui sévissent dans
cette partie du continent, la CEDEAO va mettre au centre de ses
intérêts, la promotion de la paix et de stabilité,
condition sine qua non du développement régional qui va
se concrétiser par la mise en place d'une sécurité
collective.
2. Problématique
Malgré les initiatives en matière de
sécurité collective, les conflits sociopolitiques ne cessent de
se répéter dans la plupart des pays membres de ces organisations
sous régionales africaines telles que la CEMAC, la CEDEAO et autres.
Cela témoigne sans doute que l'Afrique est la victime de ses propres
impuissances. Durant la période 1990-2020, le Togo et la Côte
d'Ivoire ont connu de multiples crises sociopolitique qui ont eu de nombreuses
conséquences tant sur le plan interne que sur le plan international. La
perpétuation de ces crises sociopolitiques et l'impact qu'elles ont eu
durant cette période et même aujourd'hui suscitent des
interrogations qui font objet de notre recherche.
Dans le cadre de cette recherche la question principale est de
savoir : comment appréhender les crises sociopolitiques au Togo et en
Côte d'Ivoire entre 1990 et 2020 ? Pour mieux répondre notre
question principale, nous nous sommes posé deux questions
spécifiques. La première est de savoir quelle étude
sociologique peut-on faire des crises sociopolitiques au Togo et en Côte
d'Ivoire entre 1990 et 2020 ? La deuxième question est de savoir quelles
sont
8 SALL Alioune., Les mutations de l'intégration
régionale des Etats de l'Afrique de l'Afrique de l'Ouest, Paris,
l'Harmattan, 2007, p.45-46
11
les conséquences et les approches de solutions aux
crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne?
3. Hypothèses
Les interrogations que nous nous sommes posées
précédemment suscitent des hypothèses. Dans son cours de
méthodes et techniques de recherche en sciences sociales, MAGNETINE
Assindah soulignait que « les hypothèses sont les idées
provisoires ou des solutions provisoires qu'il faut éprouver
»9. En guise d'hypothèse principale, notre
recherche postule que les crises sociopolitiques au Togo et en
Côte-d'Ivoire entre 1990 et 2020 s'appréhendent à plusieurs
niveaux à savoir leur sociologie, leurs conséquences et les
approches de solutions. De façon spécifique, d'une part,
l'étude sociologique de ces crises renferme les causes et l'implication
de la CEDEAO et d'autre part, les conséquences ainsi que les approches
de solution.
4. Objectifs
Cette recherche vise un objectif général et
deux objectifs spécifiques. L'objectif général consiste
à analyser les crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990
à 2020. De cet objectif général, se dégagent deux
objectifs spécifiques. Le premier est de faire l'étude
sociologique des crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990
à 2020 et le second à pour ambition d'analyser à partir
des conséquences de ces crises, pour proposer des solutions.
5. Clarification conceptuelle
Un chercheur conscient de ses besoins ne peut s'en passer de
clarifier les concepts ; car une exigence essentielle de la recherche est que
le concept soit défini avec une clarté suffisante pour lui
permettre de progresser. Selon Madeleine GRAWITZ, « le concept n'est
pas seulement une aide pour percevoir, mais une façon de concevoir. Il
organise la réalité en retenant les caractères
distinctifs, significatifs des phénomènes. Il exerce un premier
tri au milieu du flot d'impressions qui assaillent le chercheur
»10.
Dans le but de rendre une lecture aisée de ce travail
et éviter des interprétations contradictoires, la
définition de certains concepts fondamentaux s'avère
nécessaire pour mener à bien notre étude. Il convient donc
de définir les concepts de « crise » et «
9 MAGNETINE Assindah, Cours inédit de méthodes
et techniques de recherche en sciences sociales, Master Sciences politiques,
Université de Kara, 2019-2020
10Méthodes des sciences sociales,
éditions Dalloz, 1984, p.307
12
sociopolitique ». On ne peut définir la notion de
«crises sociopolitiques»sans passer en revue ce qu'est une crise
parce que ce concept porte souvent à confusion avec celle de conflit.
Selon William Zartman, la différence s'opère par rapport au
conflit qui peut être armé ou non.
5.1. Crise
Le mot "crise" est issu du vocabulaire médical
où il représente l'étape charnière, le moment
paroxystique d'une maladie, qui peut en ce point "critique" évoluer vers
la guérison comme vers la mort. Selon Natacha Ordioni,
« cette connotation déborde le champ
médical. Dans la Guerre du Péloponnèse, l'historien
Thucydide d'Athènes affirme que les combats auraient permis de "rendre
la crise", c'est-à-
dire de prendre une décision, de trancher, au sein d'un
conflit entre Perses et Grecs (Starn, 1971). Il reste que le terme demeure
longtemps utilisé principalement dans le domaine médical, son
extension métaphorique à d'autres sphères se
déroulant en plusieurs étapes (Grand Robert), entre le XVIIe
(période de crise) et le XIXe siècles »11.
La crise par définition, déborde les
capacités de compréhension et d'action ; en termes
généraux, la crise est une situation d'anomie provoquée
par le changement. On distingue plusieurs type parmi lesquelles on peut citer
la crise alimentaire, la crise sécuritaire, la crise sanitaire, crise
sociopolitique, la crise économique et autres. La notion de « crise
» s'oppose en principe à celle de « normalité ».
Pour certains auteurs telle que Madeleine GRAWITZ, la crise est une
modification brutale d'un équilibre. Une situation est
qualifiée de crise si elle présente des caractéristiques
considérées comme anormales sur une période donnée
et si, sur cette période, les outils de régulation existants
s'avèrent inadéquats. Ainsi une situation présentant des
signes d'anomalie ne devient crise que si les organisations compétentes
faillissent à restaurer la normalité. La crise connaît donc
une dynamique qui est en partie fonction de sa gestion et des processus de
décision qui se mettent en place pour y faire face. Selon Marcel MAUSS,
« la crise est un état dans lequel les choses
irrégulières sont la règle et les choses
régulières impossibles »12.
La notion de crise connote l'idée de perturbation ou de
dysfonctionnement dans le fonctionnement routinier d'un système ou le
déroulement d'un processus. Dans le cadre de notre recherche, la crise
est un état d'instabilité brusque qui peut durer sur une
période donné et avoir des répercussions.
11 ORDIONI Natacha, « Le concept de crise : un paradigme
explicatif obsolète ? Une approche sexospécifique », Mondes
en développement, 2011/2 (n°154), p. 137-150.
12 Cité par BARRY S., Analyse sociopolitique de la
crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso: Cas de
l'université de Ouagadougou, Mémoire de DEA Droit Public: Option:
Science Politique, Université de Ouagadougou, 2011
13
5.2. Sociopolitique
La « sociopolitique » renvoie à la fois au
politique et au social. Il s'agit de deux concepts intimement liés. Le
social embrasse tous les aspects de la vie humaine. Madeleine GRAWITZ le
définit comme étant tout ce qui concerne les hommes en
société. Quant à Max WEBER, la politique est la direction
du groupement politique que nous appelons aujourd'hui Etat, ou l'influence que
l'on exerce sur cette direction.
Par ailleurs, selon David EASTON, le système politique
se présente comme un ensemble de relations politiques. Pour lui, le
système politique n'est pas isolé des autres systèmes
sociaux car il entretient des échanges avec son environnement
économique, culturel et religieux. Il conçoit le système
politique en termes de « réponse » dynamique à son
environnement social.
Dans le cadre de notre étude, on entend par «
crises sociopolitiques », les crises s'inscrivant dans le monde politique
et dont les répercussions englobent toute la société.
D'ailleurs la politique concerne directement la société.
6. Justification du choix du sujet
Les années 1990 ont été des moments de
libéralisation de l'espace politique dans les Etats africain et
particulièrement au Togo et en Côte d'Ivoire. Très
tôt, l'objectif de consolidation de la démocratie se heurte aux
crises sociopolitiques dans ces pays. Au Togo, tout a commencé avec la
conférence nationale en 1991 tandis qu'en Côte d'Ivoire, c'est la
mort du Président Houphouët Boigny qui a enclenché
l'instabilité politique due à la succession. Derrière
toute cette panoplie de crises que ces pays ont connues jusqu'en 2020,
l'analyse de leur origine s'avère donc important. Il convient
également d'analyser l'implication de la CEDEAO dans ces crises, les
conséquences de ces crises ainsi que les approches de solutions. Nous
avons choisi de limiter notre étude de 1990 à 2020 pour le fait
que c'est à partir de 1990 que le continent africain et
précisément le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connu un
tournant décisif dans leur vie politique avec l'avènement des
crises sociopolitiques. Notre étude s'arrête à 2020
parce-que nous n'avons pas voulu embrasser une période trop vaste.
7. Cadre théorique et
méthodologique
Toute recherche scientifique doit se baser sur une
théorie. Selon Mucchielli,
14
« la recherche constructiviste doit faire appel à
un cadre de référence théorique plus large et souple qui
est vu comme une carte provisoire du territoire, composée de
connaissances générales à propos du
phénomène qu'il s'apprête à étudier, ainsi
que les repères interprétatifs »13.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons choisi la
théorie de la sociohistoire et celle du libéralisme
institutionnel. La première est une approche historique apparue dans les
années 1990 avec une méthodologie propre empruntant des
éléments à la sociologie et aux autres disciplines des
sciences sociales. N'ayant pas d'aspiration théorique, elle se
présente comme une « boite à outils ». Son objectif est
de comprendre relativement au passé historique, comment les choses du
présent fonctionnent. Depuis les années 1990, la
définition de la sociohistoire n'est pas entièrement
établie. D'après Gérad Noiriel, la sociohistoire combine
les « principes fondateurs »14 des deux disciplines. Parmi
les précurseurs de cette théorie, on compte le sociologue
Durkheimien Maurice Halbwachs, le sociologue historique Norbert Elias et
autres. Selon Norbert Elias, « la sociohistoire veut mettre en
lumière l'historicité du monde dans lequel nous vivons, pour
mieux comprendre comment le passé pèse sur le présent
»15. Quant à François Buton et Nicolas
Mariot, ils résument l'approche sociohistorique appliquée
à la science politique de la façon suivante:
« on dirait volontiers que son penchant la porte à
la fois vers la restitution la plus fine possible des logiques de construction
des institutions, au sens anthropologique du terme et vers l'investigation la
plus approfondie possible du rapport des individus à ces mêmes
institutions »16.
Nous avons choisi la théorie de la sociohistoire d'une
part parce-que les bornes d'étude de cette recherche font partie
intégrante de l'histoire et d'autre part parce-qu' il faut s'appuyer
beaucoup plus sur des données du passé pour expliquer la
recrudescence des crises sociopolitiques.
Ensuite, selon le libéralisme institutionnel, «
ce sont les institutions internationales qui sont dotées d'un
pouvoir stabilisateur. Elles consolident, en l'institutionnalisant, la
coopération entre les Etats jusqu'à la rendre, dans les cas les
plus avancées comme l'Union
13 Cité par MAGNETINE Assindah., « Analyse des
relations civilo-militaires dans une démocratie en construction: cas du
Togo », Thèse de doctorat, Université de Lomé,
2015
14 NOIRIEL Gérard., Introduction à la
sociohistoire, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2006,
p.3
15 Idem
16 BUTON François et MARIOT Nicolas., Pratiques et
méthodes de la sociohistoire, Paris, Presses universitaire de
France, 2009, p. 11
15
Européenne, irréversible
»17. Cette théorie postule que la communication et
la coopération entre les Etats dans divers domaines est un gage de
limitation des mésententes et de conflits, et donc de
sécurité. Les Etats devraient en ce sens dépasser leurs
intérêts unilatéraux et chercher à régler
leurs conflits, soit par des procédures juridiques mises en place par
les organisations internationales, soit par le processus de
sécurité collective. Telle est la démarche suivie par la
CEDEAO à travers les dispositions prises pour dissuader les Etats
cherchant leurs intérêts unilatéraux et pour encourager la
coopération dans la gestion et le règlement des crises. Le choix
de cette seconde théorie s'inscrit dans la logique d'analyser la CEDEAO
en tant qu'organisme de sécurité collective et son rôle
dans la gestion des crises sociopolitiques.
La méthodologie se définit comme l'ensemble des
procédés et des techniques propres à un domaine
spécifique et des techniques pouvant conduire à atteindre un
objectif. Ici nous devons cerner d'abord le sens de la recherche dite
scientifique18.
En effet, selon Paul N'DA :
« La recherche scientifique, c'est avant tout un
processus, une démarche rationnelle d'examiner des
phénomènes, des problèmes à résoudre, et
d'obtenir des réponses précises à partir d'investigations.
Ce processus se caractérise par le fait qu'il est systématique et
rigoureux et conduit à l'acquisition de nouvelles connaissances
»19.
La méthode est définie comme une démarche
intellectuelle qui vise d'un côté à établir
rigoureusement un objet de science et de l'autre côté, à
mener le raisonnement portant sur cet objet de la manière la plus
rigoureuse que possible20. Pour traiter l'application
concrète, elle doit s'appuyer sur un certain nombre des
procédés qui ne sont autres que les techniques de recherche ;
définit d'ailleurs comme étant : « un outil, un
instrument ou moyen concret utilisé par le chercheur pour
récolter ou traiter les informations »21. Quelques
techniques nous ont permis de récolter et d'analyser les données
de cette étude. D'abord, la technique documentaire nous a aidé
à exploiter les documents issus de diverses sources. Il y'a notamment
les documents issus des bibliothèques mais aussi des documents de
l'internet (rapports, articles, mémoires, et autres) afin de bien
dresser notre état de la question et de donner un appui théorique
aux données recueillies. Ensuite, l'analyse de contenu nous a
17 TSHILOBO MATANDA Winnie., Op.cit.
18 DEGBE Kossi., « la CEDEAO et la crise sociopolitique
togolaise », Mémoire, Université de Lomé, 2012
19 DEGBE Kossi., Op.cit.
20 JAVEAU Comi. ; Comprendre la sociologie, Paris,
Marabout, 1976, P 68
21 DEGBE Kossi., Op.cit.
16
permis d'exploiter le fond des données
récoltées tout au long de nos recherches et investigations. Nous
les avons analysées en y appliquant une critique raisonnable pour donner
un sens scientifiquement acceptable à notre réflexion.
8. Difficultés méthodologiques
L'élaboration de ce document a rencontré de
multiples difficultés. Sur le plan théorique, les
difficultés sont liées à la définition du concept
de crise qui se distingue de celui de conflit dont les interprétations
diffèrent d'un auteur à l'autre. Sur le plan pratique, les
difficultés rencontrées sont liées au difficile
accès à la documentation dans les différentes
administrations traitant des crises au Togo en particulier et également
à l'insuffisance des sources documentaires due à la carence des
bibliothèques publiques.
Cependant ces difficultés ne sauraient être une
excuse quant à l'évaluation de la qualité de cette
recherche. Face à ces difficultés, nous avons eu recours à
l'achat des ouvrages en ligne, à la consultation des documents en ligne
grâce aux bibliothèques en ligne telle que Cairn info, dont notre
université est l'un des abonnés. Nous nous sommes
également appuyés sur les travaux tels que les thèses,
mémoires et articles en ligne ainsi que les documents qui nous ont
été fourni par nos directeurs.
9. Organisation du travail
Les résultats de la recherche sont organisés en
deux parties. D'abord, l'étude des origines des crises sociopolitiques
qui nous conduira à analyser les fondements endogènes et les
fondements exogènes et l'analyse de l'implication de la CEDEAO. Ensuite,
partant des conséquences tant sur le plan interne que sur le plan
externe, nous analyserons quelques approches de solutions à ces crises.
Pour ce faire, nous aborderons dans une première partie l'étude
des crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire de 1990 à
2020 et dans une seconde partie nous partirons des conséquences de ces
crises pour aborder les approches de solutions.
17
PREMIERE PARTIE : ETUDE SOCIOLOGIQUE DES CRISES
SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN CÔTE D'IVOIRE DE 1990 A 2020
18
Les crises sociopolitiques ne sont pas un
phénomène nouveau pour l'Afrique. Elles apparaissent lorsqu'une
population perd confiance dans son régime politique ou le gouvernement,
lorsqu'un régime veut s'accaparer le pouvoir de façon
illégale ou encore lorsqu'il y a un coup d'état. Par ailleurs, le
coup d'état peut être constitutionnel ou militaire. Dans le cadre
du Togo et de la Côte d'ivoire, on a assisté à plus de
coups d'états constitutionnels. La période 1990-2020,
marquée par le processus de démocratisation, a connu une
ascension fulgurante de crises dans toute l'Afrique. Ce désir de passage
d'un régime autoritaire à un gouvernement démocratique,
s'inscrit dans l'esprit du respect des libertés et droits politiques de
l'Homme. A ce point, « le début des années 1990 a
été une période de grandes espérances en ce qui a
trait aux enjeux de stabilité dans le monde en général, et
en Afrique en particulier »22. Ainsi, les années
1990 ont été marquées sur le continent africain par des
mouvements de contestations animés par divers acteurs23.En
effet, ces crises ont pris de l'ampleur dans les années 1990 et n'ont
perdu de leur acuité ni de leur actualité jusqu'en 2020. Le Togo
et la Côte d'Ivoire ont vécu des moments de troubles durant cette
période. On peut noter par exemple, l'organisation de la
conférence nationale au Togo, la crise de succession de Félix
Houphouët Boigny en Côte d'Ivoire, les tentatives de renversement du
pouvoir en place, les soulèvements populaires, les coups d'Etats
constitutionnel, politique et autres. Leurs origines sont multiples et peuvent
être analysées de diverses façons tant sur le plan
structurel c'est-à-dire à des raisons internes, que conjoncturel
c'est-à-dire lié aux jeux d'intérêt en relations
internationales.
Par ailleurs, dans cet environnement conflictuel, plusieurs
organisations internationales telles l'ONU et l'UA ont joué un
rôle significatif. La CEDEAO, une organisation régionale
d'intégration économique au départ, n'est pas
restée les bras croisés ; avec sa force d'intervention
ECOMOG24, elle a joué un rôle
prépondérant pour le maintien de la paix et de la
stabilité dans cette partie du continent ; toutefois, elle a
rencontré d'énormes insuffisances.
22 COULON Jean, Le guide du maintien de la paix 2005,
Montréal, Athéna Éditions, 2004, p. 99-124.
23 PRE N'Gwè, « Médias et dynamique
démocratique au Togo : cas de la presse écrite privée
», mémoire de Master, Université de Kara, 2020
24 ECOMOG: Economic Community for West African States
Cease-fire Monitoring Observer Group. De groupe de supervision, l`ECOMOG est
devenu une force d`interposition en 1999. Composé de plusieurs modules
polyvalents (civils et militaires) en attente dans leurs pays d`origine et
prêts à être déployés dans les meilleurs
délais, l`ECOMOG est chargé entre autres : de la mission
d`observation et de suivi de la paix; du maintien et rétablissement de
la paix; de l`action et de l`appui aux actions humanitaires; du
déploiement préventif; des opérations de consolidation de
la paix, du désarmement et de la démobilisation.
19
Cette gestion des crises africaines par les Africains
eux-mêmes tire ses origines dans les années 1990 dans l'appel
à la « coopération avec les acteurs et les organismes
régionaux »25 du secrétaire Général de l'ONU,
Boutros Boutros Ghali dans son agenda pour la paix publié en 1992. Pour
Luk Van Langenhove, c'est ce qu'on appelle l'« ordre mondial
régional »26.
A l'égard des différentes crises sociopolitiques
qui se sont déroulées entre 1990 et 2020 au Togo et en Côte
d'Ivoire et pour répondre aux questions que nous nous sommes
posées, nous étudierons dans une première partie les
origines des crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire (Chapitre
1) et dans une seconde partie, nous analyserons l'implication de la CEDEAO dans
les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire (Chapitre
2).
25 Chapitre VIII. Examen des questions relevant de la
responsabilité du Conseil de sécurité à
l'égard du maintien de la paix et de la sécurité
internationales, consulté en ligne le 12 décembre 2021 sur
https://www.un.org/fr/sc/repertoire/89-92/CHAPTER%208/GENERAL%20ISSUES/item%2029_Agenda%20for%20peace_.pdf
26 VAN LANGENHOVE Luk, Vers un ordre mondial régional,
Essai in Chroniques ONU, N° 3, 2004
20
CHAPITRE I : LES ORIGINES DES CRISES SOCIOPOLITIQUES
AU TOGO ET EN COTE-D'IVOIRE
« Les démocraties jeunes ou vieilles ne sont
pas à l'abri du déclenchement des haines identitaires, dès
lors que l'irresponsabilité politique s'installe au pouvoir
»27. Ces propos de Denis Cogneau illustrent très
bien plus de quinze années après la chute du mur de Berlin, le
fait que le continent africain soit le théâtre de multiples crises
sociopolitiques qui rendent difficile l'objectif de démocratisation. La
recrudescence de ces crises emmène le chercheur tel que Mamadou Gazibo
à s'interroger sur leurs origines. Dans le cadre de cette étude,
il est question d'analyser le lien entre les crises sociopolitiques en Afrique
et l'histoire du contact avec l'Occident puisque les dynamiques de
décolonisation et la période postcoloniale ont fourni un terreau
particulièrement fertile au développement des crises
sociopolitiques. L'implication des superpuissances n'a cessé
malgré l'accession des Etats à la souveraineté
internationale. Aujourd'hui on constate un nouvel interventionnisme des grandes
puissances autour d'enjeux stratégiques ou économiques qui
s'inscrivent dans une logique non pas de bloc, mais d'intérêt
national. Toutefois il faut noter que pour Hans Morgenthau,
« les hommes d'Etats pensent et agissent en terme
d'intérêt défini comme puissance. L'histoire a
confirmé cette supposition qui nous permet de retracer et de
prévoir le pas qu'un homme d'Etat passé, présent ou futur
a fait ou fera sur scène politique. Les hommes d'Etat distinguent entre
leur devoir officiel qui est de penser et d'agir en termes
d'intérêt national et leur désir personnel qui est de voir
triompher leurs propres valeurs morales et les principes politiques
réalisés partout dans le monde »28.
En s'inspirant de la logique de Hans Morgenthau, il faut
comprendre que les hommes d'Etat des puissances étrangères dans
leurs apports avec les Etats d'Afrique n'ont que pour objectif principal de
servir leur nation.
Durant la période 1990 à 2020, les origines des
crises sociopolitiques du Togo et de la Côte d'Ivoire sont d'ordre
endogène et exogène.
Dans cette partie de notre étude, nous analyserons
d'une part les fondements endogènes (Section 1) et d'autre part les
fondements exogènes (Section 2). Toutefois, il convient de noter que les
facteurs qui seront analysés ici sont loin d'être exhaustifs.
27 COGNEAU Dénis, « Côte d'Ivoire :
histoires de la crise », Afrique contemporaine, vol. 206, no. 2,
2003, pp. 5-12.
28 Hans Morgenthau, cité par MWAYILA Tshiyembé,
« Ambition rivale dans le monde diplomatique », n° 29, janvier,
1999.
21
SECTION 1 : LES FONDEMENTS ENDOGENES
Il ne fait aucun doute que l'on assiste à un regain
d'intérêt pour l'étude des crises sociopolitiques en
Afrique au niveau national, régional et international. Par fondements
endogènes, il faut comprendre les raisons internes qui minent le
continent Africain et qui font objet des crises sociopolitiques.
L'une des caractéristiques communes aux crises
togolaises et ivoiriennes tire ses origines dans l'histoire précoloniale
; même si certains auteurs pensent que la « colonisation en
Afrique a été généralement brève
»29, il faut noter cependant que la colonisation a
impacté et continue d'impacter la recrudescence des crises
sociopolitiques en Afrique et plus précisément au Togo et en
Côte-d'Ivoire. De même, les différences identitaires surtout
l'ethnie et la nationalité ont eu un fort impact sur la politique
africaine.
A la lumière de ce qui a été dit et pour
mieux comprendre les fondements endogènes des crises sociopolitiques
togolaises et ivoiriennes, il sera question d'analyser d'abord
l'héritage de la colonisation et ensuite les différences
ethniques comme moyen d'instrumentalisation politique.
Paragraphe 1 : l'héritage de la colonisation
L'intérêt de cette approche historique convient
à notre travail car il est question de dénuder en quoi la
colonisation constitue une source des crises en Afrique. Autrement dit, on peut
se demander si cette période coloniale a introduit une rupture
fondamentale dans la trajectoire des pays africains ou si elle n'a
affecté que légèrement leurs formes et leurs pratiques
politiques.
L'idée selon laquelle elle n'a affecté que
légèrement leurs formes et leurs pratiques politiques est
probablement celle qui résiste le moins à l'analyse, que ce soit
d'un point de vue expérimental lorsqu'on observe les
sociétés africaines ou d'un point de vue théorique,
notamment lorsqu'on adopte une approche institutionnelle et, plus
particulièrement, les perspectives postulant la force des institutions
et des politiques.
En se situant par contre dans l'idée selon laquelle la
colonisation a introduit une rupture fondamentale dans la trajectoire des pays
africains, il faut noter que l'histoire sociopolitique africaine est
marquée par de multiples périodes sans doute bouleversantes. La
colonisation a
29 Hans Morgenthau, cité par MWAYILA; iOp.cit
22
été généralement brève en
Afrique selon les auteurs tel que C. Young30 ; pour autant, d'autres
tel que Mamadou Gazibo souligne que « ses répercussions sont
impressionnantes et continuent à être ressenties aujourd'hui
encore »31. Ces propos de Mamadou Gazibo illustrent
très bien l'impact qu'a eu la colonisation sur la société
africaine. Selon Mathieu Le Hunsec,
« près d'un demi-siècle après le
mouvement de décolonisation qui a transformé le visage de
l'Afrique occidentale, la région reste fragmentée. La progression
vers la coopération est lente en raison d'une grande diversité
linguistique et culturelle, les divergences entre Etats anglophones et
francophones, notamment, demeurant fortes »32.
En poursuivant son analyse, il déclare que les
divergences entre Etats anglophones et francophones « sont largement
héritées de la colonisation, qui a joué un rôle
ambigu dans le processus d'unification de la zone »33.
La colonisation, bien qu'ayant duré sur une
période relativement courte, a introduit des modifications
significatives sur le continent africain. A ce propos, Mamadou Gazibo affirmait
qu'« elle a créé de nouveaux Etats, redéfini les
enjeux de pouvoir, réorienté les formes économiques,
cristallisé de nouveaux intérêts
»34.
La conséquence la plus évidente de plusieurs
siècles de contact avec l'Europe a été de reconfigurer la
conception de la distribution territoriale et de l'exercice de
l'autorité. De ce contact entre les blocs africain et occidental sont
nés après les indépendances, des États et des
formes institutionnelles dont l'extériorité a pu conduire
certains auteurs à les qualifier de « produits de pure
importation ». A cet effet, on peut citer Crawford Young, qui a bien
mis en justesse l'importance de l'héritage colonial dans l'État
postcolonial africain, son aménagement et ses pratiques politiques.
Young postule la grande capacité d'ingérence de l'État
colonial et ceci, malgré le volontarisme des élites nationalistes
qui, aux indépendances, étaient déterminées
à retrouver une authenticité africaine et de nouvelles formules
institutionnelles et politiques rompant avec le système colonial.
Toute littérature sur l'Afrique, qu'elle soit d'origine
africaine ou européenne et américaine, est dominée par le
dualisme du bon système politique et du mauvais. En effet, constate
François Borella,
30 Crawford Young, The Politics of Cultural Pluralism,
Madison, University of Wisconsin Press, 1976
31 GAZIBO Mamadou, Op.cit.
32 LE HUNSEC Mathieu, « De l'AOF à la CEDEAO. La
France et la sécurité du golfe de Guinée, un essai
d'approche globale », bulletin de l'institut Pierre Renouvin,
2009
33 LE HUNSEC Mathieu, Op.cit
34 GAZIBO Mamadou, Op.cit.
23
« Le bon pouvoir est démocratique, respectueux des
droits et libertés, dévoué au bien public et à
l'intérêt général. Le mauvais pouvoir, et dans les
pays d'Afrique il est la règle, est tyrannique, prédateur,
patrimonial ou néo patrimonial, c'est la politique du ventre du haut en
bas de l'appareil d'Etat »35.
L'Afrique coloniale a connu des évènements qui
influencent depuis les indépendances sa vie sociopolitique. En effet,
pendant les indépendances, plusieurs militaires appelés «
tirailleurs sénégalais »36 ont combattu aux
côtés des Français. Selon Pierre Bouvier, « entre
1939 et 1945, plusieurs centaines de milliers de soldats coloniaux et
ultramarins revêtent encore une fois l'uniforme pour défendre la
France »37. Au lendemain des
indépendances, ces militaires ont été rapatriés
dans leurs pays d'origine. C'est le cas par exemple du Togo sous la
présidence de Sylvanus Olympio. Revenus au pays dans l'espoir de
retrouver une vie meilleure, ces derniers se voient mépriser et mal
considérés ; on aurait dit « de l'espoir à la
désillusion ». Cette attitude de ces dirigeants africains
vis-à-vis des tirailleurs sénégalais a été
peut-être l'une des causes du coup d'Etat militaire le 13 janvier 1963 au
Togo qui plongea le pays dans un chaos sans fin.
L'impact de la colonisation n'a pas cependant qu'un versant
politique ; il faut noter que sur le plan économique, la colonisation a
plongé les Etats africains dans une situation difficile au profit des
colonies. L'impact de la monopolisation des ressources a entraîné
une pauvreté sur l'ensemble du continent et surtout en Afrique
francophone. Selon Simon-Pierre Ekanza, « en l'absence de formulation
explicite d'une politique de développement, on peut cependant en
déceler certains indices dans la politique de « mise en
valeur » ou, plus exactement, d'exploitation qui voit le jour
dans toute l'Afrique »38. En effet, poursuit-il
en ces termes:
« La première phase de la colonisation,
c'est-à-dire la période qui va de 1900 à 1910, fut
particulièrement dramatique pour l'Afrique. Rêvant des
trésors du continent, soucieuses de rentabilité, les puissances
coloniales se précipitent dans une exploitation économique
effrénée, caractérisée par le pillage des richesses
naturelles, mais aussi par la violence sous toutes ses formes :
réquisitions, travail forcé, cultures obligatoires, impôts,
expropriations... »39.
35 BORELLA François, « L'État en Afrique :
crise des modèles et retour aux réalités »,
Mélanges René Gendarmes, Editions Serpenoise, 1996, pp.
229-236.
36 Les tirailleurs sénégalais étaient un
corps de militaires appartenant aux troupes coloniales constitué au sein
de l'Empire colonial français en 1857, principal élément
de l'Armée Noire et dissous au début des années 1960.
37 BOUVIER Pierre, La longue marche des tirailleurs
sénégalais. De la Grande Guerre aux indépendances,
Paris, Belin, 2018, pp. 189-227.
38 EKANZA Simon-Pierre, « Le double héritage de
l'Afrique », Études, vol. 404, no. 5, 2006, pp. 604-616
39 Idem
24
La méconnaissance du passé colonial est un fait
à ne pas négliger. Le partage de l'Afrique à la
conférence de Berlin (1884-1885) occupe une place importante pour
déterminer les enjeux liés à l'ethnicité sur le
continent africain de nos jours. Kouamé N'Guessan affirmait à
juste titre que « la Côte d'Ivoire héritée de la
colonisation est une Côte d'Ivoire pluriethnique
»40. Les ambitions coloniales loin de favoriser un
développement du continent africain, se sont transformées en
« ambiguïtés »41 comme héritage pour
l'Afrique. Son impact dans les crises sociopolitiques dans les Etats africains
à l'instar du Togo et de la Côte-d'Ivoire n'est plus à
négliger. Par ailleurs il faut noter que le problème ethnique
constitue également un facteur majeur des crises en Afrique.
Paragraphe 2 : l'instrumentalisation politique de
l'ethnie
Dans l'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en
Côte d'Ivoire, plusieurs variables peuvent être mises en jeu. Mais
la variable la plus couramment utilisée est celle de l'ethnie. En effet,
l'ethnie constitue un déterminant majeur dans les luttes politiques. Si
le concept d'ethnie connaît depuis quelques temps un grand succès
en dehors du cercle des sciences sociales, il est un autre terme, celui d'
« identité », dont l'usage est de plus en plus
fréquent.
Considérée très peu dans les
écrits des pères fondateurs de la sociologie politique, la notion
d'ethnicité est aujourd'hui entrée dans le langage commun alors
même que peu d'auteurs prennent le temps de définir les contours
de ce concept. Pour reprendre les propos de Jean-Claude Fritz,
« l'ethnie est un groupe dont le fondement est historique
et culturel; la référence ethnique est un des
éléments d'identité sociale, entraînant des
sentiments d'appartenance et d'identification d'une personne avec un certain
groupe, en même temps que des sentiments de différenciation
vis-à-vis d'autres groupes »42.
Selon la théorie quelque peu généralisant
de « l'Etat multinational », en Afrique, l'ethnie est la forme
d'organisation sociale historique, désignée successivement par
les termes de société acéphale, de société
éclatée, de société plurale dont la
caractéristique primordiale
40 KOUAME N'Guessan, (2015), Une réflexion
récente en Côte d'Ivoire sur le multipartisme et l'ethnicisation
de la vie politique : faut-il regretter le parti unique ? Pouvoirs anciens,
pouvoirs modernes de l'Afrique d'aujourd'hui. Presses universitaires de
Rennes, pp. 169-194
41 ETEMAD Bouda, L'héritage ambigu de la
colonisation. Économies, populations, sociétés.
Armand Colin, 2012, 238 pages,
https://www.cairn.info/l-heritage-ambigu-de-la-colonisation--9782200281335.htm
42 FRITZ Jean-Claude, « L'ethnique et le local dans les
luttes politiques contemporaines en Afrique australe », Revue Tiers
Monde, 1995, pp. 103-127
25
est le couplage d'une communauté culturelle (nous, eux)
avec la construction volontaire d'une société politique. Si bien
que, produit de la dynamique sociale et de la politique précoloniale,
l'ethnie est une création humaine égale à la nation.
L'homme est essentiellement un être de culture. Comme le
souligne Denys Cuche, « la culture permet à l'homme non
seulement de s'adapter à son milieu, mais aussi d'adapter celui-ci
à lui-même, à ses besoins et à ses projets,
autrement dit la culture rend possible la transformation de la nature
»43. En ce sens il faut noter l'importance de l'ethnie en
tant qu'un aspect dans nos sociétés africaines.
L'Afrique est l'un des continents qui compte le plus d'ethnies
dans le monde. En effet, elle compte plus de cent (100) ethnies si l'on s'en
tient aux estimations d'Adingra Prince-Florent MENZAN44. S'il est
vrai que « c'est la diversité des couleurs d'un tapis qui fait
sa beauté »45, il faut noter que cette
façon de voir les choses ne peut être totalement vraie que si dans
la diversité, les couleurs s'harmonisent et s'accordent. Or, quand on
sait l'usage que font les politiciens et autres leaders de cette grande
diversité ethnique sur le continent, l'on est en droit d'estimer que la
divergence n'est pas toujours un privilège.
Au lieu de jumeler davantage les peuples pour faire de leurs
différences une force et un avantage pour le continent, les leaders
africains et même les groupes de pression internes comme externes au
continent en font une arme redoutable de combat. Ils font naître de cette
diversité des maux affreux et effroyables tels le racisme, la
xénophobie, le tribalisme etc. Des difficultés qui forment une
incontestable poudrière en Afrique. Il n'y a qu'à se
référer à la multitude de crises tirant leurs origines des
différends entre groupes ethniques en Afrique, pour se rendre à
cette évidence.
Les promoteurs du recours à l'ethnicité dans les
luttes politiques se sont le plus souvent intéressés aux acteurs,
aux enjeux et aux stratégies utilisées par les politiciens pour
mobiliser les ethnies. Cependant en Afrique, les questionnements sur
l'identité, l'appartenance ethnique et les relations sociales
déterminent tant le milieu de vie que les choix politiques dans la
société africaine.
43 CUCHE Denys, La notion de culture dans les sciences
sociales, La Découverte, 2010, pp. 5-8.
44 MENZAN Adingra Prince-Florent, Les enjeux de l'Union
Africaine (UA), Brevet section diplomatie, ENA Côte-d'Ivoire, 2001
45 Extrait de la lettre d'Amadou Hampâté Bâ
à la jeunesse à l'occasion de l'Année internationale de la
jeunesse. 1985.
26
Le phénomène d'instrumentalisation ethnique
trouve sa cause dans le constat de la pluralité des ethnies. C'est en
effet un « fait» avéré de la société
postcoloniale d'Afrique qui engendre des crises tant au niveau national
qu'international.
La période postcoloniale en Afrique est marquée
par la recrudescence des crises, non plus entre les États, mais entre
les différentes identités qui se retrouvent au sein d'un
même creuset national. Comme l'a remarqué Mbonda, « les
ennemis, on ne les trouve pas en dehors des frontières, mais à
l'intérieur, et ils sont identifiables non pas à leurs uniformes,
mais à leurs appartenances ethniques »46. En
Afrique, dans les Etats issus de la décolonisation, l'ethnie constitue
un obstacle au fonctionnement de la société. Selon Labité
Sodjiné AGBODJAN-PRINCE, « elle plonge l'Etat dans
l'incapacité d'assumer ses fonctions régaliennes et remet ainsi
en cause le constitutionnalisme qui le fonde »47.
En effet au Togo, selon le rapport de la mission d'établissement
des faits chargée de faire la lumière sur les violences et les
allégations de violations des droits de l'homme survenues au Togo avant,
pendant et après l'élection présidentielle du 24 avril
2005, dit rapport Koffigoh, « la crise togolaise s'est
également traduite par une exacerbation du facteur ethnique et
xénophobe dans la vie politique et sociale de ce pays
»48. En effet, il faut noter avec Labité
Sodjiné AGBODJAN-PRINCE, l'importance de l'ethnie dans le processus
d'adhésion aux partis politiques et dans leur fonctionnement. Analysant
sa pensée, il fait le constat selon lequel « la victoire des
partis politiques ou des candidats revêt un caractère quasi
ethnique »49.
Depuis longtemps les luttes politiques au Togo se sont
déroulées dans ce contexte de rivalité entre le Nord et le
Sud regroupant respectivement des communautés d'ethnies
différentes. On a parfois cru que les élections se
déroulaient entre Kabiyè et Ewé. Cette division est
souvent à l'origine des crises sociopolitiques comme par exemple le
soulèvement populaire du 19 Août 2017 organisé par le Parti
National Panafricain. Ce soulèvement a donné l'air d'un
affrontement entre Kabyès et Tem. Selon le rapport de la mission des
Nations Unies à propos de la crise électorale de 2005, quelques
manifestations majeures traduisent l'exacerbation du facteur ethnique et
xénophobe dans la vie politique et sociale du Togo. Il
46 Cité par BAMAZE N'Gani, E., « Politiser ou
privatiser l'ethnie? Réflexion à propos du bien commun en Afrique
postcoloniale », Philosophiques, 45(2), 419-444, consulté
en ligne le 15 Août 2021 sur
https://doi.org/10.7202/1055270ar
47 AGBODJAN-PRINCE Labité Sodjiné, L'ethnie dans
le fonctionnement des partis politiques au Togo : cas du CAR, de l'ex-RPT et de
l'UFC, mémoire de Maitrise ès-lettres et sciences humaines,
Université de Lomé, 2012
48 RFI, la mission d'établissement des faits
chargée de faire la lumière sur les violences et les
allégations de violations des droits de l'homme survenues au Togo avant,
pendant et après élection présidentielle du 24 avril 2005,
rapport de la mission des Nations unies, consulté en ligne le 11 Avril
2022 sur
http://www1.rfi.fr/actufr/articles/069/article_38809.asp
49 Cité par BAMAZE N'Gani E. Op.cit.
27
s'agit de la volonté de conserver coûte que
coûte la place centrale des Kabyès dans les structures du pouvoir
et le ciblage, dans la répression politique et dans la violence, de
certaines communautés étrangères et de certains groupes
ethniques internes tant par les forces de l'ordre que par des milices et des
militants des partis politiques.
Dans le cas de la Côte-d'Ivoire, cette question a
également eu un impact sur la vie sociopolitique du pays. Plusieurs
interrogations survinrent au sujet de l'identité nationale et la
question de l' « ivoirité » qui a divisé le
pays et entraîné des milliers de morts. La question ethnique en
Côte-d'Ivoire s'est concrétisée avec la révision
constitutionnelle approuvée par le référendum du 23
juillet 2000. En effet selon l'article 35 de la nouvelle constitution qui fonde
la deuxième République,
« le président de la République doit
être ivoirien d'origine, né de père et de mère
eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé
à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais
prévalu d'une autre nationalité. Il doit avoir
résidé en Côte d'Ivoire de façon continue pendant
cinq années précédant la date des élections et
avoir totalisé dix ans de présence effective
»50.
Cette consécration constitutionnelle de
l'ethnonationalisme avait pour objectif d'écarter
M. Alassane OUATTARA de l'élection
présidentielle. Toutefois ce dernier a participé à cette
consécration. Il se justifie au cours d'un entretien en ces termes:
« La présente constitution ne me pose pas
problème au plan du droit. C'est parce que la Cour Suprême
était aux ordres (de la junte) qu'une telle interprétation en a
été faite pour m'exclure. Je suis persuadé que si nous
avions un système judiciaire indépendant, ma candidature ne
ferait l'objet d'aucun doute, d'aucune ombre. Cela étant, je
considère que c'est une constitution qui divise plus les Ivoiriens et
fait naître des frustrations. Ce texte crée différentes
catégories d'Ivoiriens, et cela est contraire à la notion de
nationalité. Tous les Ivoiriens doivent avoir les mêmes droits et
les mêmes devoirs »51.
Ces divisions historiques en Côte d'Ivoire ont
été à l'origine de plusieurs affrontements qui ont
engendré des pertes en vies humaines et de multiples blessés. La
vie sociopolitique togolaise et ivoirienne fut longtemps et continue
d'être entachée de différences ethniques qui contribuent un
tant soit peu à l'accentuation des crises sociopolitiques sur leurs
territoires. Par ailleurs la question des facteurs des crises sociopolitiques
dans ces Etats ne se résume pas
50 Article 35 de la constitution ivoirienne de la deuxième
République
51 AKINDES Francis, «Les racines de la crise
militaro-politique en Côte-d'Ivoire, 2004, consulté en ligne le 20
avril 2021 sur
https://codesria.org/IMG/pdf/Akindes.pdf
28
uniquement aux fondements structurels tels que
l'héritage de la colonisation et l'instrumentalisation politique de
l'ethnie ; on distingue également des fondements conjoncturels.
SECTION 2 : LES FONDEMENTS EXOGENES
Nous entendons ici par fondements exogènes, les raisons
qui ne sont pas de la volonté des Etats africains mais qui
relèvent plutôt de l'implication des grandes puissances dans les
affaires internes de ces Etats.
L'Afrique est sans doute le continent le mieux doté en
richesses naturelles. D'une superficie d'environ 30,3 millions de
kilomètres carrés, le continent couvre environ six pour cent de
la surface du globe et un cinquième des terres émergées.
Depuis toujours, ses richesses naturelles sont au coeur de la machine politique
et des relations internationales, soit en tant qu'instrument de contrôle
ou de domination. En effet, les richesses africaines font l'objet de
convoitises de la part des grands groupes industriels ainsi que des Etats
étrangers. La convoitise du continent africain par des puissances
étrangères se justifie par plusieurs raisons. D'aucuns justifient
la présence étrangère sur le continent africain par leur
volonté de contribuer au développement de l'Afrique. En effet,
selon Yves Viltard, « l'usage qui est fait aujourd'hui de la notion
d'amitié en relations internationales revêt un doute sur sa
sincérité »52. Il poursuit en soulignant qu'
:
« en fait, le tort de l' « amitié » dans
la compréhension que nous partageons aujourd'hui est d'être
indissolublement liée au registre des sentiments privés, un
sentiment des plus nobles et des plus exigeants, mais dont la profession dans
les affaires publiques ne peut justement pour cette raison qu'éveiller
la méfiance »53.
Alexander Wendt distingue trois cultures qui
déterminent le comportement des Etats : « celle de Hobbes, en
vertu de laquelle les Etats sont des ennemis les uns pour les autres, celle de
Locke, selon laquelle les Etats sont des partenaires rivaux et celle de Kant
selon laquelle les Etats sont des amis »54. L'angle
d'analyse de cette recherche va épouser la théorie
réaliste de Hobbes selon laquelle les Etats sont des ennemis les uns
pour les autres. Le Général De Gaulle disait d'ailleurs que la
France n'a pas d'amis, mais des intérêts. Dans cette
52 VILTARD Yves, « Que faire de la rhétorique de
l'amitié en relations internationales ? », Raisons
politiques, n°33, Presses de Sciences Po, 2009, p.127-147
53 VILTARD Yves ;Op.cit
54 ETHIER Diane, Introduction aux relations
internationales, Montréal, Presses de l'université de
Montréal, 2010, p. 135-198
29
partie, il est question d'analyser l'importance des
matières premières (paragraphe 1) et l'ingérence
extérieure (paragraphe 2) comme fondements de crises sociopolitiques en
Afrique et particulièrement pour ce qui concerne cette recherche, sur le
Togo et la Côte-d'Ivoire.
Paragraphe 1 : Le rôle des matières
premières
Avec une superficie estimée à 30 415 873
km2, le continent africain est sans doute le continent le plus
doté en richesses naturelles. Pour Hegel, « c'est le pays de l'or
»55.
L'origine de la richesse de ce continent se trouve dans son
sol. L'Afrique possède plusieurs types de minerais. Selon Isabelle
Ramdoo, on peut estimer à environ 60 types de minerais
différents, totalisant ainsi un tiers des réserves
minérales mondiales, tous les minerais confondus. Elle poursuit en
soulignant qu' « à titre d'exemple, elle est dotée de 90
pour cent des réserves de platinoïdes ; 80 pour cent de coltan ; 60
pour cent de cobalt; 70 pour cent du tantale ; 46 pour cent de diamant; 40 pour
cent des réserves aurifères et 10 pour cent des réserves
pétrolières »56.
Reconnu mondialement, la Côte d'Ivoire est connue comme
un grand producteur de café et de cacao dans le domaine de
l'agriculture. Dans le domaine de l'industrie, ce pays produit également
de l'Or et autres.
L'immensité des richesses de ces pays du continent fait
d'eux un terrain où se jouent les intérêts de bon nombre de
puissances. A cet effet, comme le remarque Tanguy STRUYE DE SWIELANDE,
« la conquête de l'Afrique, un continent riche en
matières premières (pétrole, or, cobalt, diamant, bois,
uranium etc.) constitue, en ce début de XXIe siècle,
un enjeu majeur. Il est, en outre, au coeur d'un jeu d'influence de plus en
plus agressif, souvent au détriment des pays africains eux-mêmes.
On observe dès lors sur l'échiquier africain un vrai jeu de go,
chaque puissance essayant de s'y profiler »57.
Ces propos de Tanguy Struye de Swielande illustrent
très bien les enjeux des matières premières africaines et
les risques qui peuvent en découler. En effet, les ressources
naturelles
55 FRIEDRICH Hegel, La Raison dans l'histoire.
Introduction à la philosophie de l'histoire, Paris, UGE, 1965, p.
247.
56 RAMDOO Isabelle, « L'Afrique des ressources naturelles
», International Institute for sustainable Development, 2019
57 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, La Chine et les grandes
puissances en Afrique: Une approche géostratégique et
géoéconomique, Presses universitaires de Louvain, 2011,
consulté en ligne le 07 octobre 2021 sur
https://books.openedition.org/pucl/1222?lang=en#:~:text=La%20%%AB%20conqu%C3%AAte%20%
%BB%20de%20l%27,des%20pays%20africains%20eux%2Dm%C3%AAmes.
30
constituent un enjeu stratégique en raison de leur
valeur économique et du pouvoir qu'elles consacrent aux pays qui y ont
accès. La ruée des ressources fut l'un des enjeux majeurs de
l'entreprise coloniale et a poursuivi de l'être même après
la décolonisation.58 Roland Marchal et Christine Messiant
soulignent que la fin de la guerre froide a considérablement
modifié la configuration des relations internationales, avec des
conséquences sur les guerres.59
Dans un monde où les Etats cherchent à
étendre leurs puissances au détriment des autres, c'est
l'histoire et la vie du continent africain qui en payent les risques. C'est ce
qui fait dire Geraud Magrin que:
« la course aux ressources observée depuis la fin
des années 1990, attisée par la montée en puissance des
pays émergents géants (Chine, Inde, Brésil), semble
conforter l'assignation du continent à sa fonction de pourvoyeur
vulnérable et dominé de produits primaires. Une telle trajectoire
a souvent été qualifiée de «malédiction des
ressources naturelles», construite sur l'idée contre-intuitive que
les pays riches en ressources, lorsqu'ils ont des institutions faibles,
seraient déterminés à subir toutes sortes de
dysfonctionnements (économiques, politiques, sociaux)
»60.
En conséquence il faut noter que la conquête des
ressources naturelles menace la paix et la stabilité des Etats africains
; elle a pris une place prépondérante surtout dans un monde
où les ressources deviennent rares. La présence des pays
émergents tel que souligné précédemment n'est pas
vaine de sens ; cela est également dû à la faiblesse des
Etats africains. Après avoir été un enjeu de la
rivalité Est-Ouest et la chasse gardée des anciennes puissances
coloniales, l'Afrique est désormais la proie des pays émergents
à l'instar de la Chine et Inde. Pour reprendre les propos de Jean-Joseph
Boillot et Stanislas Dembinski dans leur ouvrage
Chindiafrique61, au centre du « grand jeu »
planétaire, le continent est l'échiquier des luttes d'influence
aux multiples facettes.
Selon Demba Moussa Dembélé62, la
ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud,
particulièrement celles de l'Afrique se fait sous des formes diverses,
en particulier à travers des interventions militaires dans les
régions riches en ressources énergétiques, au nom
d'objectifs « humanitaires », comme « le droit de
protéger» ou « l'ingérence humanitaire ».
58 WACKERMANN G., Géographie des conflits
non-armés, Ellipses, Paris, 2011, p.130
59 MARCHAL Roland et MESSIANT Christine, « Une lecture
symptomale de quelques théorisations récentes des guerres civiles
», Lusotopie, 2006, consulté le 28 octobre 2021 sur
http://journals.openedition.org/lusotopie/1382
60MAGRIN Géraud, « L'Afrique entre
« malédiction des ressources » et « émergence
» : une bifurcation ? », Revue Française de
Socio-Économie, vol. -, no. 2, 2015, pp. 105-120.
61 BOILLOT Jean-Joseph, DEMBINSKI Stanislas,
Chindiafrique, Odile Jacob, 2013, 368 p
62 DEMBELE Demba Moussa, « Libye : réflexions sur une
guerre », Afroscopie, l'Harmattan, 2012.
31
La crise du capitalisme mondial a exacerbé la
ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud,
particulièrement celles de l'Afrique. Cette ruée se fait sous des
formes diverses, en particulier par des interventions militaires dans les
régions riches en ressources énergétiques (pétrole
et gaz) ». Cette doctrine a été mise en oeuvre de
manière tragique en Libye par l'impérialisme occidental, par les
soins de son bras armé, l'Organisation du traité de l'Atlantique
Nord (OTAN). Le but réel de cette intervention n'était nullement
la protection de la population, mais un moyen d'assurer la mainmise des
entreprises occidentales sur les ressources du pays
Selon les données de la Banque Mondiale, la Côte
d'Ivoire « enregistre une croissance économique dynamique,
forte et stable depuis 2012 avec un ralentissement en 2020, dû aux
conséquences de la crise de COVID-19 »63. Ce pays
Malgré tout, demeure le principal poumon économique d'Afrique de
l'Ouest francophone et exerce une réelle influence dans la
région. Toutefois les réalités géopolitiques
influencent et sont influencées par les ressources naturelles du
continent. Ces dernières sont à l'origine d'une grande partie des
crises, tensions et manifestations d'instabilité que vit le continent.
La volonté des puissances étrangères d'avoir accès
à ces ressources les conduit à un certain contrôle de
l'organe politique tendant à le manipuler. C'est le cas également
au Togo avec le phosphate par exemple. Les richesses naturelles de la
Côte-d'Ivoire font également d'elle un pays convoité par de
nombreuses puissances qui travaillent dans l'installation de la machine
politique des Etats africains. Autrement dit, ces puissances instrumentalisent
la vie politique des Etats africains à l'instar du Togo et de la
Côte-d'Ivoire. C'est ce qui entraîne parfois les crises
sociopolitiques dans les Etats africains. En dehors de la quête des
matières premières qui constituent un facteur majeur dans la
recrudescence des crises sociopolitiques, il sera question dans le second
paragraphe d'analyser la part de l'ingérence extérieure.
Paragraphe 2 : les ingérences
extérieures
L'analyse des crises sociopolitiques en Afrique
révèle plusieurs raisons de leur recrudescence dans cette partie
du globe. Des observations ont été faites depuis plusieurs
années et fort a été de constater pour de nombreuses
puissances, un regain d'intérêt pour le continent africain. Si les
États-Unis et les Européens ont fait un retour remarqué
à la fin des années 1990, ils sont loin d'être les seuls
à avoir réinvesti cet ensemble régional. En effet, des
63La Banque mondiale Côte-d'Ivoire,
consulté en ligne le 10 mai 2021 sur
https://www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire/overview#1
32
pays tels que le Japon, la Russie, l'Inde, le Brésil
et, plus encore, la Chine ont accru leur présence dans ce qui
constituait il y a peu encore le « pré carré historique
» européen.
Depuis la période coloniale, l'on assiste à la
présence des puissances étrangères en Afrique. Ce
continent, riche en matières premières constitue un enjeu
très important. Plusieurs interprétations peuvent être
faites quant à la présence des puissances
étrangères en Afrique. Ainsi, comme le soulignait Edward W.
Said:
« fondamentalement, impérialisme signifie
visée, installation et maintien sur une terre qu'on ne possède
pas, un territoire lointain où d'autres vivent et qui leur appartient.
Pour toutes ces raisons, cette perspective séduit certains et implique
souvent pour d'autres des malheurs sans nom »64.
L'ingérence des puissances extérieures dans les
affaires politiques africaines se résume à leur volonté de
profiter des richesses de ce continent. En effet selon Demba Moussa
Dembélé, « la crise du capitalisme mondial a
exacerbé la ruée vers les ressources naturelles des pays du Sud,
particulièrement celles de l'Afrique »65.
Il poursuit en disant que : « cette ruée se fait sous des
formes diverses, en particulier par des interventions militaires dans les
régions riches en ressources énergétiques, au nom
d'objectifs humanitaires, comme le droit de protéger ou
l'ingérence humanitaire »66.
De ce qui précède, il convient de soutenir avec
Demba Moussa Dembélé en ce qui concerne l'intervention
française dans la crise ivoirienne de 2010, que « le but
réel de cette intervention n'était nullement la protection de la
population, mais un moyen d'assurer la mainmise des entreprises occidentales
sur les ressources du pays »67. En effet, il est important
de souligner que la situation difficile que vit le continent africain est
étroitement liée aux intérêts et aux manoeuvres des
puissances étrangères.
Les Etats indépendants disposent d'une grande marge de
manoeuvre vis-à-vis des puissances étrangères ; toutefois
sur de nombreuses questions d'ordre national, telle l'organisation de la
politique intérieure, les pays africains n'ont guère voix au
chapitre. De par leur nature même de sociétés
dépendantes, les gouvernements ou les Etats africains ne peuvent
être tout à fait indépendants de leurs « maîtres
étrangers ». Sur de nombreuses
64 SAID W. Edward, Culture et impérialisme,
Alger, APIC Éditions, 2013, p. 41.
65 DEMBELE Demba Moussa, « Ressources de l'Afrique et
stratégies d'exploitation », La Pensée, n°
381, 2015, p. 29-46, consulté le 13 septembre 2021 sur
https://www.cairn.info/revue-la-pensee-2015-1-page-29.htm
66 DEMBELE Demba Moussa; Op.cit
67 Idem.
33
questions de politique intérieure telle que le type de
système à adopter, ils sont obligés de tenir compte des
souhaits et des recommandations des puissances étrangères
auxquelles ils sont subordonnés.
Faisant cas de l' « ingérence démocratique
en Afrique », le professeur Joseph KEUTCHEU68 explique qu'elle
tend à s'inscrire dans la routine. En effet, selon le Professeur
KEUTCHEU, on peut évoquer les résolutions de l'Assemblée
générale et les déclarations du président du
Conseil de sécurité condamnant le coup d'Etat de 1993 contre le
président burundais Melchior Ndadaye, pour ne citer que quelques
exemples. De même, le renversement par un putsch, le 25 mai 1997, du
président élu de Sierra Leone, Ahmad Tejan Kabbah, est suivi par
de vives condamnations par le Conseil de Sécurité des Nations
Unies et même par la Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO). Il convient de mentionner dans le même sillage la
prise de position du Conseil de Sécurité et sa condamnation avec
fermeté dans la tentative de coup d'Etat du 19 septembre 2002 en
Côte-d'Ivoire qui a engendré la formation d'une
rébellion.
Ces interventions à vocation démocratique dans
les Etats africains s'appuient sur le principe de la violation des
règles démocratiques dans ces Etats. On retrouve ainsi,
principalement, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le
Canada, l'Allemagne et des organisations telles que Human Rights Watch, Amnesty
International, International Crisis Group, l'Organisation des Nations Unies
(ONU).
En effet, la politique de la Françafrique a d'ailleurs
fait objet de multiples discussions quant à son rôle dans le
fonctionnement des politiques africaines. Selon Aïcha Myriam Coulibaly,
« le terme « Françafrique » a été
développé pour refléter l'interventionnisme
français. Il s'agit d'une expression, clairement péjorative,
visant à dénoncer les actions à connotation
néocoloniale que la France poserait sur le continent africain
»69. Cet interventionnisme loin de vouloir aider les Etats
africains à se développer n'est qu'un moyen pour protéger
les intérêts français. Cette idée sera
partagée avec bon nombre d'auteurs tel que Verschave70. Selon
l'auteur, depuis les indépendances africaines en 1960, la politique de
la France par rapport au continent africain vise avant tout à
défendre les intérêts français sur les
68 KEUTCHEU Joseph. (2014), « L'ingérence
démocratique en Afrique comme institution, dispositif et scène
», Études internationales, 425-451, consulté en
ligne le 13 octobre 2021 sur
https://doi.org/10.7202/1027554ar
69 COULIBALY Myriam Aïcha, La Françafrique, un
nouveau visage?, mémoire de master, École supérieure
d'affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa, 2016
70 Cité par COULIBALY Myriam Aïcha,
ibidem
34
plans stratégique (bases militaires) et
économique (exploitation de ressources naturelles). Selon cette
conception, la France a toujours été présente en Afrique
là où il y a intérêt et a toujours son mot à
dire. Cet interventionnisme tant politique qu'économique rend le
continent encore dépendant ; dépendant à tel point que la
pauvreté sévit dans ce pays et les dirigeants accusés de
mauvaise gouvernance sont contraint de trouver d'autres moyens pour se
maintenir au pouvoir. Cette façon parfois anticonstitutionnelle
entraîne des crises sans précédent.
Au terme de ce premier chapitre, il ressort que les crises
sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire de 1990 jusqu'à 2020
tirent leurs origines aussi bien sur le plan endogène que sur le plan
exogène. Ces fondements sont très souvent le fruit de la
volonté des africains eux-mêmes. Le jeu des intérêts
au plan international et l'histoire coloniale de ce continent influencent la
vie sociopolitique des pays de continent.
CHAPITRE 2 : LES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN
COTE-D'IVOIRE ET L'IMPLICATION DE LA CEDEAO
Maintenir la paix, la sécurité et la
stabilité régionale par la promotion et le renforcement du bon
voisinage est l'une des missions fondamentales de la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à travers son
article 4 du 28 mai 1975 qui a été révisé en
1993.
Les crises sociopolitiques dans le monde posent de plus en
plus de défis non seulement aux Etats, mais aussi et surtout à la
communauté internationale dans le cadre du suivi et du maintien de la
paix. Plusieurs organisations internationales à l'instar de
l'Organisation des Nations Unies, l'Union Africaine, l'Union Européenne
font déjà preuve d'un grand effort. Par ailleurs, « face
au désengagement conjoncturel du conseil de sécurité dans
des problématiques sécuritaires montrant de plus en plus une
incapacité à supporter le coût des opérations de
maintien de la paix »71, l'implication des organisations
régionales et sous régionales devient donc une option pour le
maintien de la paix. C'est ainsi que la Charte des Nations unies, dans son
chapitre VIII72 consacré aux accords régionaux,
reconnaît sous réserve de compatibilité avec les buts et
principes édictés, la possibilité pour les États
membres de constituer des organismes régionaux «
destinés à régler les affaires qui, touchant
71 MVE Ella Léandre, « Le rôle des
organisations africaines dans la crise malienne », Civitas
Europa, vol. 31, no. 2, 2013, pp. 123-144.
72 Le chapitre VIII de la Charte des Nations unies fournit la
base juridique de la participation des organisations régionales au
maintien de la paix et de la sécurité internationale dont le
Conseil de sécurité porte cependant la principale
responsabilité.
35
au maintien de la paix et à la
sécurité internationales, se prêtent à une action de
caractère régional »73. Elle poursuit en
précisant que « toutefois, aucune action coercitive ne sera
entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes
régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité
»74.
C'est dans cette perspective et pour répondre à
ses objectifs que la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest intervient dans de nombreuses crises de son espace. Marqués par
de multiples crises sociopolitiques, le Togo et la Côte d'Ivoire ont
connu une vie politique très mouvementée de 1990 à 2020.
Dans cette partie de notre étude, nous ferons la sociogenèse des
crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de 1990 à 2020 (Section
1) et dans une seconde partie nous analyserons l'implication de la CEDEAO dans
ces crises (Section 2).
SECTION 1 : LA SOCIOGENESE DES CRISES TOGOLAISES ET
IVOIRIENNES
Les crises togolaises et ivoiriennes des années 1990
à 2020 feront l'objet de notre analyse. Situés dans une zone
ouest africaine qui a traditionnellement pour référent
organisationnel politique la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connu de
multiples crises sociopolitiques qui influent sur la politique et la vie des
populations. Nous étudierons d'une manière chronologique les
crises sociopolitiques de ces pays depuis 1990 jusqu'à 2020 en
commençant par les crises togolaises (Paragraphe 1) pour en venir aux
crises ivoiriennes (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Des crises togolaises
L'amollissement de l'URSS à la fin des années
1980 a eu des effets directs sur les Etats africains alignés sur le
modèle soviétique. Au Bénin, le marxiste-léniniste
Kérékou est contredit par le peuple à la fin de
l'année 1989. Aussitôt, une conférence nationale des forces
actives en février 1990 est organisée et l'on assiste à la
tenue d'élections multipartites libres en mars, remportées par
Nicéphore Soglo. Cette alternance politique par voie légale donne
des idées au reste du continent. Le Togo n'en sera pas des moindres.
73 Charte des Nations Unies, article 52
74 Charte des Nations Unies, article 53
36
Pour Balowa KOUMANTIGA en ce qui concerne 1990, «
c'est l'année où s'exprima de manière explicite une
volonté de rompre avec le système du parti unique
»75. En effet, poursuit-il en soulignant qu'entre 1980 et
1990,
« on assiste à une détérioration de
la situation économique, sociale et politique qui accentue la
précarisation de la vie. De loin, la chute du mur de Berlin,
l'effondrement du bloc soviétique et surtout le discours de la
Baule76 vont constituer le soubassement des soulèvements qui
embrasent le continent africain au début des années 1990 et dont
le Togo ne sortira pas indemne »77.
L'année 1990 fut également marquée selon
lui, par des troubles sociopolitiques qui vont aboutir deux ans plus tard,
à l'adoption d'une nouvelle constitution réinstaurant le
multipartisme : c'est la fin de la troisième République.
Plusieurs crises vont jalonner la vie sociopolitique de ce pays de 1990
jusqu'à 2020. Par ailleurs, si les années 1990, ont
été un espoir de démocratisation pour les Etats africains,
il faut noter que l'espoir du Togo était dans les mains d'un homme
politique venu au pouvoir par un coup d'Etat.
L'histoire politique du Togo a laissé des stigmates
dans la sphère de l'ère démocratique. Arrivé au
pouvoir à la faveur du coup d'Etat du 13 janvier 1967, « le
lieutenant-colonel Gnassingbé Eyadema dissout par décret
n°67-1 du 11 mai 1967 »78 les partis existants ainsi
que les associations affiliées et opta pour le monolithisme politique.
Pour lui, le multipartisme avait conduit à un affrontement entre
partisans de différentes tendances. Selon Cornevin, cette mesure visait
donc à « éviter les affrontements sanglants et les
déchirements dans lesquels le Togo eut perdu son âme
»79. La politique du parti unique prendra fin au
début des années 1990 avec la résurgence des
revendications populaires en faveur d'une démocratie pluraliste
facilité avec le discours de François Mitterrand au sommet de la
Baule en 1990.
Les manifestations du 5 octobre 1990 dont l'objet était
de mettre fin au parti unique, aboutirent aux assises nationales puis à
l'adoption d'une nouvelle constitution instituant de nouveau le multipartisme
au Togo deux ans plus tard ; la troisième République venait de
prendre fin et la quatrième république venait de naître.
C'est alors que « le Togo s'engagea
75 BALOWA Koumantiga, « Le parti unique et la question de
l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990 », Maîtrise
ès Lettre Sciences Humaines, Université de Kara, 2013
76 Discours prononcé par le Président
Français François Mitterrand le 20 juin 1990 lors du 16ème
sommet France-Afrique. Dans ce discours, le président Mitterrand
recommandait aux gouvernements africains de s'engager dans un processus
démocratique.
77 BALOWA Koumantiga, op.cit.
78 JORT numéro 357 du 16 juin 1967 p. 267, cité par
Balowa KOUMANTIGA, op.cit.
79 Cité par BALOWA Koumantiga, op.cit.
37
sur la voie de la démocratie, une voie qui fut
parsemée d'embuches et de traquenards, alors qu'elle était
sensée déboucher sur le succès politique, le
progrès social et le développement »80.
Dès lors, le Togo vit une ère de turbulence et à chaque
fois que l'occasion se présente, les Togolais n'hésitent pas
à s'affronter. Selon Brice Rambaud, pour des raisons d'intransigeance du
pouvoir en place, le « vent de l'est» se propage au Togo où le
processus de transition démocratique prend un caractère
très violent. Il souligne que:
« plusieurs raisons sont à l'origine de ce
mouvement de contestation. Raisons endogènes: l'usure d'un pouvoir
corrompu, la crise économique, l'augmentation des
inégalités ainsi que la langue de bois des médias d'Etat
et la confiscation du droit d'expression de la population entraînent les
revendications démocratiques. Facteurs exogènes : le nombre
croissant d'étudiants africains dans les pays occidentaux, la
réception »81.
Malgré l'ouverture à la démocratie
imposée à un régime réputé pour être
parmi les plus autoritaires du continent ainsi que les victoires
remportées par les Togolais sur le terrain des libertés
individuelles, le Togo connaîtra un échec au niveau du pouvoir
exécutif et du pouvoir législatif. Alain Macé souligne
à cet effet que : « de 1993 à 1998, le
général président GNASSINGBE Eyadema fit de nouveau main
basse sur les institutions, cela malgré le désaveu de la
communauté internationale »82.
Dans cet environnement de crise, a eu lieu le 21 juin 1998,
l'élection présidentielle. Alors que le décompte des voix
indique la victoire du leader de l'UFC Gilchrist Olympio, principal adversaire
au président sortant, les autorités suspendent le processus
électoral. L'armée confisque les urnes et le ministre de
l'intérieur proclame Etienne Gnassingbé Eyadema vainqueur avec
52% des voix. La mission d'observation de l'union européenne condamne la
conduite du processus électoral et est contrainte de quitter le pays
sous la menace des autorités togolaises. Selon Amnesty international,
des centaines d'opposants sont arrêtés et exécutés
de manière sommaire par les forces armées.
Après un règne de quelques années, la
constitution de 1992 adoptée par le peuple togolais au
référendum à plus de 97%, fut modifiée en 2002
d'une façon unilatérale par
80 BALOWA Koumantiga, op.cit.
81RAMBAUD Brice, « La presse écrite
togolaise, acteur et témoin de l'ère Eyadema (19672005)
»Transcontinentales, consulté en ligne le 07 Octobre 2021
à l'adresse
http://journals.openedition.org/transcontinentales/415
82MACE Alain, « Politique et Démocratie
Au Togo, 1993-1998: De l'espoir à La Désillusion »,
Cahiers d'Études Africaines, vol. 44, no 176, EHESS, 2004, pp.
841-85, consulté le 25 novembre 21 à l'adresse
http://www.jstor.org/stable/4393438.
38
l'Assemblée Nationale d'alors le 31 décembre
2002, dominée majoritairement par le RPT. En effet, cette modification
constitutionnelle consacra l'illimitation du mandat et du mode de scrutin.
Cette manoeuvre du pouvoir politique en place d'alors avait pour but principal
de permettre à GNASSINGBÉ Eyadema, au pouvoir depuis 1967, de se
représenter pour un troisième mandat de cinq ans car la
constitution dans sa version originale en limitait le nombre à deux. De
plus, la révision constitutionnelle de 2002 a opéré un
renforcement des pouvoirs du Président au détriment du Premier
ministre.
Selon le journal Jeune Afrique, en début février
2005, alors que le Président sentait un malaise, si l'on en croit le
ministre de la communication d'alors, Pitang Tchalla, le président de
l'Assemblée Nationale Fambaré Natchaba, qui séjourne en
mission à Bruxelles, est alors contacté : « rentre au
plus vite, le président veut te voir »83. Le 5
février 2005 alors que le pays était sous la présidence de
GNASSINGBÉ Eyadema, ce dernier décède à la suite
d'une crise cardiaque. Un double coup d'Etat militaire et constitutionnelle
plaça son fils M. Faure Essozimna Gnassingbé à la
tête du pays. Suite à des protestations populaires et aux
pressions internationales, celui-ci abdiqua mais reviendra à la suite
d'une élection désordonnée qui généra des
violences singulières avec plus de 500 morts selon un rapport de l'ONU
et de nombreux réfugiés dans les pays voisins. Au lendemain de la
crise post-électorale de 2005, le président de la
République, S.E.M. Faure Essozimna Gnassingbé s'était
engagé aussitôt après sa prise de pouvoir, dans un dialogue
avec la classe politique et la société civile du Togo.
Les évènements qui ont suivi de 2005 à
2020 ont marqué la vie politique togolaise. En effet, les contestations
électorales de 2010, 2015 et 2020 ont été des
phénomènes qui ont basculé la vie sociopolitique
togolaise. En effet, après plusieurs manifestations pour revendiquer les
réformes en 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, les Togolais vont exiger en
2017 au retour à la version originelle de la constitution de 1992,
à la révision du code électoral et au vote des Togolais de
la diaspora. Aux yeux de plusieurs observateurs internationaux, ces troubles
conduiront à la médiation de la CEDEAO et fera plusieurs morts.
C'est dans ce contexte que le Togo poursuivra sa politique avec une
majorité parlementaire qui sera élu aux élections
législatives de 2018 après de boycott de certains partis de
l'opposition. Cette situation facilitera la réélection du
Président de la République Monsieur Faure Essozimna
Gnassingbé lors de l'élection présidentielle du
83 SOUDAN François et MORAUX Jean-Pierre, « Ce
jour-là : le 5 février 2005, les dernières heures de
Gnassingbé Eyadema », jeune Afrique, consulté le 17 octobre
2021 à l'adresse
https://www.jeuneafrique.com/108827/politique/de-p-re-en-fils-les-derni-res-heures-de-gnassingb-eyad-ma/
39
22 février 2020 après une modification de la
Constitution lui permettant de se présenter une quatrième fois.
Le Togo a eu une histoire sociopolitique mouvementée de 1990
jusqu'à 2020. Ce phénomène n'a pas épargné
la Côte d'Ivoire. Cette étude abordera dans la partie suivante,
les crises ivoiriennes (paragraphe 2).
Paragraphe 2 : Des crises ivoiriennes
Le vent de l'Est qui a soufflé sur le continent
africain a engendré de profondes mutations dans les discours politiques.
Si dans certains pays, la libéralisation du champ politique a
été rapide, il faut noter qu'en Côte d'Ivoire, elle a
été confrontée à de multiples affrontements.
Considérée comme la seconde puissance économique de la
sous-région ouest-africaine, la Côte-d'Ivoire, tout comme d'autres
pays africains, a connu une période de crises plus meurtrières
qui ont perturbé toute la sous-région. L'analyse de ces crises ne
peut se faire sans un retour sur les piliers de l'idéologie structurante
des trente-trois années de régulation politique de Félix
Houphouët-Boigny, l'homme charismatique qui aura orienté, de
façon décisive, la pratique et la pensée politique dans ce
pays. Au bout d'un long règne, celui-ci a marqué la
destinée de la Côte d'Ivoire en l'emmenant à une
indépendance négociée en 1960. Après
l'indépendance, il est resté à la tête de ce pays
jusqu'à sa mort en 1993. Il a laissé un héritage
politique, mieux, une ingénierie politique appelée «
houphouétisme », diversement appréciée. En effet,
« l'houphouétisme est un ensemble de principes structurants et
de pratiques diversement interprétées ; il fonctionne comme un
système de référence et une culture politique socialement
reconnue mais non conceptualisés »84.
A la mort de Félix Houphouët-Boigny, une lutte de
succession déclenche et c'est le Président de l'assemblée
nationale, Henri Konan Bédié, conformément à
l'article 11 de la constitution, qui achève le mandat
présidentiel.
Pour augmenter son stock de ressources politiques et prendre
le pouvoir, Henri Konan Bédié crée et manipule
l'idée de l' « ivoirité » et fait des
différences régionales et ethno-religieuses le principal enjeu
politique afin d'exclure de la course au pouvoir l'ancien premier ministre
Alassane Ouattara, un musulman du nord du pays et actuel Président de la
République de Côte-d'Ivoire depuis le 6 mai 2011. Le 8
décembre 1994, un nouveau code électoral est adopté ;
imposant aux candidats aux élections de prouver leur ascendance et leur
nationalité ivoirienne. En effet le concept d' « ivoirité
» d'après Georges Niangoran-Bouah, c'est « l'ensemble des
données socio-historiques, géographiques et linguistiques
qui
84 AKINDES Francis,Op.cit.
40
permettent de dire qu'un individu est citoyen de
Côte d'Ivoire »85. L'individu qui revendique son
ivoirité est supposé avoir pour pays la Côte d'Ivoire,
né de parents ivoiriens appartenant à l'une des ethnies
autochtones de la Côte d'Ivoire.
C'est en décembre 1994, sous un climat
déjà tendu, que le Code électoral est
révisé. Dans la révision, il est imposé aux
candidats à la présidence de prouver leur ascendance ivoirienne,
garante de leur citoyenneté. Contrairement à certaines opinions
comme le souligne Saliou Touré, « la notion d'ivoirité
n'est ni sectarisme étroit, ni expression d'une quelconque
xénophobie; elle est la synthèse parfaite de notre histoire,
l'affirmation d'une manière d'être originale, bref, un concept
fédérateur de nos différences »86.
Benoït Sacanoud souligne également que, «
l'ivoirité est ce lien essentiel qui se tisse au fil du temps entre
notre pays et la manière dont chacun y vit et travaille, mais aussi un
message de fraternité et de progrès pour réussir une
intégration régionale économique profondément
humaine »87.
Cependant, plusieurs auteurs ne sont pas de cet avis. Ainsi,
plusieurs faits, souligne le professeur J.-N. Loucou, peuvent justifier
l'inquiétude des Ivoiriens:
« ... c'est d'abord l'importance numérique des
étrangers en Côte d'Ivoire [...] liée à un fort taux
d'immigration et à une forte natalité [...]. Les étrangers
[...] occupent une place prépondérante parfois
hégémonique dans l'économie ivoirienne. Cette
présence étrangère menace donc de rompre
l'équilibre socio-économique du pays. En deuxième lieu,
l'angoisse du comment peut-on être ivoirien, renvoie à la
quête d'une identité culturelle nationale. [...] Enfin, le comment
peut-on être ivoirien traduit la revendication politique d'être
chez soi. [...] L'ivoirité est, selon nous, une exigence de
souveraineté, d'identité, de créativité. Le peuple
ivoirien doit d'abord affirmer sa souveraineté, son autorité face
aux menaces de dépossession et d'assujettissement: qu'il s'agisse de
l'immigration ou du pouvoir économique et politique
»88.
Toujours dans un climat politique mouvementé, une
nouvelle modification constitutionnelle survient le 30 juin 1998
renforçant les pouvoirs du Président de la République.
Mais le quinquennat du Président Henri KONAN BEDIE fut interrompu par le
coup d'état du 24 Décembre 1999. A la suite de ce putsch, un
Comité National de Salut Public (CNSP) ayant pour Président, le
Général de Brigade Robert GUEI, était mis en place. Le
changement de pouvoir était suivi de la dissolution des institutions et
de la suspension de la
85 Curdiphe, « L'ivoirité, ou l'esprit du nouveau
contrat social du Président H. K. Bédié »,
Politique africaine, vol. 78, no. 2, 2000, pp. 65-69
86 TOURE Saliou, Cité par la Curdiphe, op.cit.
87 SACANOUD Benoït, cité par la Curdiphe,
op.cit.
88 J.-N. Loucou, cité par la Curdiphe, op.cit.
41
constitution. Le 23 juin 2000, une nouvelle constitution est
adoptée par referendum à la grande majorité de 86,53% de
OUI contre 13,47% de NON. Selon Maitre Françoise Kaudjhis-Offoumou,
« ce OUI massif signifiait la haute portée historique de poser
cet acte juridique fondamental afin de sortir le pays de la période de
transition et permettre les élections présidentielles et
législatives pour avoir une vie institutionnelle
normale»89. L'article 35 de cette constitution stipulait:
« ...le Président doit être ivoirien d'origine, né
de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit
n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne
doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité
»90. Cette disposition constitutionnelle conduira à
éliminer Alassane Ouattara de l'élection présidentielle du
fait de ses origines burkinabés ainsi que plusieurs autres candidats.
Sur 19 dossiers de candidatures dont 9 émanaient du PDCI et 1 du RDR,
réceptionnées par la Commission Nationale Electorale (CNE), 14
ont été rejetés par la chambre constitutionnelle de la
Cour Suprême présidée en ce temps-là par Monsieur
TIA KONE. Monsieur Laurent GBAGBO, candidat du FPI dont la candidature a
été retenue, s'exprime à travers le journal N° 731
« Notre Voie » le 19 octobre 2000 en ces termes : « nous ne
nous laisserons pas faire face à la fraude qui se prépare
»91. Lors de son passage à SAN Pedro, il dira:
« chers parents, nous allons gagner le 22 Octobre
même si certaines personnes veulent bourrer les urnes. On dit qu'à
Abidjan, quand on arrête les bandits, on les amène à
l'école de police, dans les camps militaires et on met leurs empreintes
sur les bulletins de vote. Je voudrais dire à ceux qui font ça
qu'ils pensent à la Côte d'Ivoire parce qu'ils sont en train de
préparer la guerre civile. Les enfants de Côte d'Ivoire ne se
laisseront pas faire. Nous avons lutté. Nous sommes comme les enfants de
Dieu sortis d'Egypte, qui ont marché pendant 40 ans dans le
désert. Nous voyons la terre promise, et tous ceux qui se dresserons
contre nous, nous allons les combattre ... si nous élisons Dimanche
prochain un militaire arrivé à la suite d'un coup d'Etat, la
Côte d'Ivoire sera mise au ban des nations ... chaque chose a son temps.
Ceux qui parlent d'Houphouët-Boigny oublient que le temps Houphouët
est passé »92.
L'ambiance de la période de campagne laissait
déduire qu'en réalité sur les 5 candidats à
l'élection, le jeu devait se faire entre deux : GBAGBO et GUEI. Lors de
son dernier meeting à Yopougon, GBAGBO déclare:
89Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU Françoise,
«Les Elections ivoiriennes de l'an 2000 », Journal of African
Election, Vol.1, Mai 2001, consulté en ligne à l'adresse
https://www.eisa.org/pdf/JAE1.1Offoumou.pdf
90 Article 35 de la constitution de Côte-d'Ivoire
91 Maître KAUDJHIS - OFFOUMOU Françoise,
op.cit.
92 Idem
42
« le choix qui s'offre à la Côte d'Ivoire :
soit une alternance à la sénégalaise c'est-à-dire
en douceur et dans la dignité, soit une alternance à la
Yougoslave où la rue se charge d'imposer sa volonté. Si on vous
vole votre victoire, prenez la Radio, la Télévision, la
Primature, la Présidence de la République »93.
De son côté, le Général Robert GUEI
affirmait :
« soyez assurés d'une chose, mes chers
compatriotes. Si je venais à être battu aux prochaines
élections, c'est en digne héritier du Président
Félix HOUPHOUET BOIGNY et en démocrate convaincu et
sincère que je remettrai le pouvoir selon les formes légales
à son nouveau titulaire que le peuple Ivoirien aura librement choisi
»94.
A l'issu de cette élection remportée par
Monsieur Laurent Gbagbo avec 59,36%, le pays connu une fois encore des
manifestations sans précédent. Cet évènement
inaugure une situation d'instabilité politique qui durera jusqu'en avril
2011. Le mandat de Laurent Gbagbo, marqué par un coup d'Etat
échoué en 2002 et un conflit avec les rebelles du Nord du pays,
les Forces Nouvelles et leur branche armée des Forces Armées des
Forces Nouvelles (FAFN). Après plusieurs accords dont les accords de
Linas Marcoussis (France) et l'Accord de Paix de Ouagadougou (APO) il sera
décidé de se désarmer et dans cet environnement, aura lieu
le premier tour du scrutin présidentiel le 31 octobre 2010.
Malgré tout le second tour de cette élection opposant M. Laurent
GBAGBO et M. Alassane OUATTARA suscitera des revendications sans
précédent après les résultats du 2 décembre
2010 par la Commission Electorale Indépendante95 proclamant
M. Alassane OUATTARA vainqueur de l'élection avec 54,10% des voix contre
45,90% pour le candidat Laurent GBAGBO.
Face à ces résultats, s'autosaisissant du
dossier, Paul Yao NDRE, le Président du Conseil
Constitutionnel96, a invalidé les résultats de sept
départements97 tous situés en zone Centre-Nord-Ouest
(CNO). Il a proclamé Laurent GBAGBO vainqueur de l'élection
présidentielle de 2010 avec 51,45 % contre 48,55 % pour Alassane
OUATTARA.
Le représentant spécial du Secrétaire
général des Nations Unies, s'appuyant sur des critères
d'authentification acceptés par les acteurs politiques ivoiriens suivant
l'accord de
93 Maître KAUDJHIS - OFFOUMOU Françoise,
op.cit.
94 Maître KAUDJHIS - OFFOUMOU Françoise,
op.cit
95Election présidentielle ivoirienne de 2010,
consulté en ligne le 11 janvier 2022 sur
https://en.wikipedia.org/wiki/2010_Ivorian_presidential_election#:~:text=Presidential%20elections%20were%2
0held%20in%20Ivory%20Coast%20in,Alassane%20Ouattara%2C%20was%20held%20on%2028%20November
%202010.
96 Election présidentielle ivoirienne de 2010,
Op.cit.
97 Bouaké, Korhogo, Ferkessédougou, Katiola,
Boundiali, Dabakala et Séguéla
43
Pretoria du 6 avril 2005 et en référence aux
copies des procès-verbaux des résultats compilés par les
bureaux de vote ainsi qu'aux résultats finaux de la commission
électorale indépendante, déclare M. Alassane OUATTARA
vainqueur de l'élection en estimant que les résultats
données par le Conseil constitutionnel n'étaient pas conforment
à la réalité des faits. Selon le rapport d'enquête
sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire
survenues dans la période du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011, «
la victoire d'Alassane Ouattara a été reconnue par la CEDEAO,
l'Union Africaine, l'Union Européenne et l'ONU et la Communauté
Internationale dans son ensemble »98. Le 4 décembre
2010, alors que M. Laurent GBAGBO prêtait serment au Palais
Présidentiel, le même jour, M. Alassane OUATTARA a
prêté serment par écrit à l'hôtel du Golf.
Le refus de M. GBAGBO de reconnaître les
résultats de l'élection tels que certifiés par le
Représentant Spécial du Secrétaire Général
des Nations Unies et reconnu par la communauté internationale,
régionale et sous régionale fera l'objet d'une contestation sans
précédente et aboutira à son arrestation. Sous la
présidence de Monsieur Alassane OUATTARA, la Côte-d'Ivoire
évoluera toujours dans la perspective de la construction de
l'unité nationale. Il sera réélu une deuxième fois
dès le premier tour le 25 octobre 2015 et une troisième fois le
31 octobre 2020. En effet, la toute dernière élection a subi le
boycott de l'opposition et laisse place au président sortant Alassane
OUATTARA d'être réélu dès le premier tour.
La multiplicité des crises dans cette partie du
continent, c'est-à-dire la région ouest africaine
nécessite une organisation en charge de leur gestion. C'est ainsi que la
CEDEAO va se lancer dans cet élan de maintien de la paix à
travers ses organes. La seconde section sera consacrée à
l'implication de la CEDEAO dans les crises sociopolitiques.
SECTION 2 : LA NECESSAIRE IMPLICATION DE LA CEDEAO
Depuis les années 1990, le monde connaît de
nombreuses crises sociopolitiques. L'Organisation des Nations Unies, une
organisation à vocation universelle ayant pour objectif principal le
maintien et la consolidation de la paix et de la sécurité
internationale, face à cette multitude de crises, a confié la
gestion de ces dernières aux organisations régionales. C'est dans
ce prolongement que l'UA se verra confier la gestion des crises au niveau
continental. La dimension continentale de l'Union africaine limite sa
capacité à résoudre des conflits à
98 Rapport d'enquête sur les violations des droits de
l'homme et du droit international humanitaire survenues dans la période
du 31 octobre 2010 au 15 mai 2011
44
caractère sous régional. L'approche de l'UA a
donc été de confier la gestion des crises à ses
correspondantes dans le sous-continent concerné, les organisations
d'intégration régionale, voire à des regroupements ad hoc.
C'est ainsi que la situation au Mali a été confié à
l'IGAD et celle du Zimbabwe à la SADC. L'Afrique de l'Ouest ne sera pas
en marge de cette donne ; ainsi donc et en s'alignant derrière Francis
Saudubray99, la gestion des crises togolaise et ivoirienne sera
confiée à la CEDEAO.
Créée au départ en 1975 à Abuja
avec pour objectifs le développement, la coopération et
l'intégration économique, sociale et culturelle pour aboutir
à une union économique et monétaire, la CEDEAO comme son
nom l'indique, est un regroupement des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Son
traité a été révisé le 24 juillet 1993 pour
élargir les objectifs de cette dernière à la
prévention et au règlement des conflits régionaux de la
communauté.
En effet, la multiplicité des conflits en Afrique de
l'ouest, la prise de conscience de la dangerosité de ces crises qui
prévaut dans cette partie du continent et la nécessité de
l'afro-appropriation des crises sont quelques raisons qui vont emmener la
CEDEAO à s'immiscer dans les crises sociopolitiques de son espace avec
pour objectif de maintenir la paix et la sécurité.
Il sera question d'étudier ici dans un premier
paragraphe, la sécurité collective de la CEDEAO et dans un second
paragraphe, les actions de cette dernière dans les crises togolaises et
ivoiriennes.
Paragraphe 1 : La sécurité collective au
sein de la CEDEAO
Au cours du XXe siècle, la communauté
internationale a pris conscience que la paix ne se décrète pas
par des traités, mais qu'elle dépend largement de l'instauration
d'une communauté internationale capable d'agir comme acteur collectif.
Un nouveau millénaire a été ainsi donc inauguré par
la fin de la guerre froide. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué la
naissance des organisations internationales telles que la SDN, l'ONU. Selon
Delphine Deschaux-Dutard, « la création des Organisations
internationales a introduit une idée nouvelle : la guerre et
l'équilibre des puissances entre les Etats ne constituent plus des
instruments permettant de garantir une sécurité durable sur la
scène internationale »100 ; poursuivant son
analyse, elle souligne que « la fin de la guerre froide a offert
aux
99 SAUDUBRAY Francis, « Les vertus de
l'intégration régionale en Afrique », Afrique
contemporaine, vol. 227, no. 3, 2008, pp. 175-185.
100 DESCHAUX-DUTARD Delphine. « Les acteurs
régionaux et la sécurité internationale »,
Presses universitaires de Grenoble, 2018,
45
organisations régionales de sécurité
comme l'OTAN, l'Union européenne ou l'Union africaine une
opportunité sans précédent de s'occuper de la
sécurité internationale »101. En
effet, cela reste l'une des répercussions de la fin de la confrontation
Est-Ouest. Barry Buzan, l'un des premiers universitaires à
s'intéresser dans les années 1980 aux « complexes
régionaux de sécurité » postule que le niveau
classique d'analyse de la sécurité internationale,
c'est-à-dire le niveau du système interétatique, qui se
focalise sur quelques puissances majeures, ne permet pas de rendre compte de
l'ensemble des problématiques de sécurité contemporaines
pour les Etats. Dans cette perspective, va naître au sein des Nations
Unies la promotion des accords régionaux destinés à
régler les affaires qui touchent à la paix et à la
sécurité internationale. A titre illustratif, on peut citer
l'article 52 de la charte des Nations Unies qui dispose qu' :
« aucune disposition de la présente Charte ne
s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux
destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien
de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent
à une action de caractère régional, pourvu que ces accords
ou ces organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et
les principes des Nations Unies »102.
L'origine de la discipline des Relations Internationales et le
principe de « sécurité collective » «
découlent tous deux des effets terribles de la Première
Guerre mondiale et tous deux ont eu pour objectif d'éviter que ne se
reproduise une telle catastrophe »103. Par ailleurs, ce
concept de « sécurité collective » diffère de
celle de « communauté de sécurité » dite
pluraliste, théorisé par Karl Deutsch. Ainsi selon Paul Elvic
Batchom, « si cette dernière proscrit l'usage de la violence,
elle est toutefois, comme la sécurité collective, centrée
sur les États qui en sont membres, entre lesquels le recours à la
force est impensable »104.
Depuis 1999, la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est devenue un acteur majeur dans la
sécurité collective ouest-africaine qu'elle s'évertue par
ailleurs à structurer et à consolider. L'évaluation de son
agenda et de ses activités durant 1990 à 2020 confirme la
prépondérance des problématiques liées à la
paix et à la sécurité. En effet, à partir des
années 1990, le continent africain a été affecté
par le phénomène des instabilités politiques et la
mauvaise gouvernance. En 1991, alors que l'on vivait le conflit
Sierra-Léonais, des militaires réunis grâce à
l'organisation sous régionale CEDEAO
101 DESCHAUX-DUTARD Delphine, Op.cit.
102 Article 52 de la Charte des Nations Unies
103 HATTO Ronald, Le maintien de la paix. L'ONU en
action, Armand Colin, 2015, pp. 21-35.
104 BATCHOM Paul Elvic, « La sécurité
collective en Afrique post-guerre froide », consulté
en ligne le 13 Novembre 2021 à l'adresse
https://www.academia.edu/10517034
46
s'engagent comme observateurs en soutien au président
Joseph Momoh qui fait face à une rébellion du RUF. Mais la
première intervention explicite de la CEDEAO a lieu comme corollaire
à la décision Dec. A/DEC/7/8/97 intervenue suite au coup
d'Etat du 25 mai 1995, qui renverse le président démocratiquement
élu Ahmed Tejan Kabbah. Comme il a été souligné
précédemment, ce n'est qu'à partir de 1999 que la CEDEAO
décide de faire de l'Economic Community of West African States
Cease-Fire Monitoring Groupe (ECOMOG) une instance permanente dotée
d'objectifs105 précis. Selon Paul Elvic Batchom, il
s'agissait d'une institutionnalisation dont les usages ont constitué la
première phase d'un processus de redéfinition institutionnelle.
Cette politique de la sécurité collective n'est pas
principalement en Afrique de l'Ouest. En effet, c'est le cas également
dans d'autres espaces sous régionales telles que la CEMAC avec la crise
politique en 2002 qui opposait le Président Ange-Félix
Patassé au général François Bozizé
Yangouvounda en RCA.
L'élargissement des compétences de cette
dernière, conformément au protocole A/SP1/12/01 sur la
démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au
mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ; ce protocole
a vu le jour avec la participation des Chefs d'Etats et de Gouvernement des
Etats membres de cette communauté. En effet, dans la perspective de
restaurer la paix et la sécurité dans la sous-région, la
CEDEAO s'est dotée le 10 décembre 1999 à Lomé, d'un
mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des
conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Ce
mécanisme réaffirme les engagements pris au titre du protocole de
non-agression signé à Lagos le 22 avril 1981 et les dispositions
de la déclaration des principes politiques de la CEDEAO adopté
à ABUDJA le 06 juillet 1991 sur la liberté, les droits des
peuples et la démocratisation.
Par ailleurs, la CEDEAO comporte plusieurs institutions
à savoir la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements, le
conseil de médiation et de sécurité, le secrétariat
exécutif. Le mécanisme dispose de trois organes : la commission
de défense et de sécurité, le conseil des sages, le groupe
de contrôle du cessez-le-feu de la CEDEAO-ECOMOG.
Depuis son adoption, les institutions du mécanisme ont
été mises en place et ont pris en charge l'ensemble des questions
relatives à la paix et à la sécurité dans la
sous-région. Les
105 Les objectifs de l'ECOMOG sont : 1) observer et superviser
les cessez-le-feu ; 2) maintenir et construire la paix ; 3) effectuer des
interventions humanitaires ; 4) effectuer les déploiements
préventifs ; 5) désarmer, démobiliser les forces
armées non régulières.
47
différentes crises sont examinées de
façon profonde par les structures appropriées du mécanisme
en vue de restaurer une paix durable dans la sous-région.
L'analyse de la sécurité collective au sein de
la CEDEAO nous révèle de multiples interventions. L'heure n'est
pas au bilan, mais il s'agit tout simplement de s'interroger sur la question
des actions de la CEDEAO tant au Togo qu'en Côte-d'Ivoire.
Paragraphe 2 : Les actions de la CEDEAO dans la
résolution des crises togolaises et ivoiriennes
La gestion d'une situation de crise implique bon nombre
d'action. En effet, pour gérer une crise, il est important de prendre en
compte trois périodes. Il s'agit de la période avant la crise, la
période pendant la crise et la période après la crise.
Généralement, il y'a crise lorsque les mécanismes mis en
place pour le prévenir ont été inefficaces. C'est le cas
de toute cette panoplie de crises sociopolitiques que nous vivons partout dans
le monde et en Afrique en particulier.
Le continent africain à partir des années 1990 a
connu de multiples crises. Ces crises ont toujours fait l'objet d'intervention
d'une organisation internationale ou régional. L'Afrique de l'ouest est
cette partie du continent qui intéresse cette étude et plusieurs
actions ont été menées pour résoudre les crises
dans les pays de cet espace. Les actions menées par la CEDEAO au Togo et
en Côte-d'Ivoire dans la résolution de leurs crises
sociopolitiques peuvent varier les unes des autres en raison de la
spécificité des crises.
Face à ces situations de crises, la CEDEAO a
utilisé deux mécanismes fondamentaux pour intervenir dans les
crises et conflits qui secouent ces deux Etats membres. Il s'agit de la
diplomatie et de la force avec toutes les conséquences qui en
découlent. Ces mécanismes ont permis de faire face aux crises qui
ont eu lieu au Togo et en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, il faut noter que
ces deux mécanismes ont été employés en
Côte-d'Ivoire ; par contre au Togo, il a été question
d'utiliser la diplomatie pour amener le pays a une sortie de crise.
Durant la période 1990 à 1998, les
émissaires de la CEDEAO et des envoyés spéciaux des
Nations Unies et de la France avaient pris part aux pourparlers de la
conférence nationale de 1991 au Togo. Ceci sur appel de l'élite
intellectuelle togolaise qui composait la classe de l'opposition politique
d'alors. Cette sollicitation pour observer les dérives du pouvoir du
général Eyadema, aboutit à la suspension de l'aide de
l'Union Européenne au développement. C'est d'ailleurs la seule
mesure contraignante de la communauté internationale envers le
48
régime d'Eyadema. Ainsi, c'est dans cette situation de
tension que la constitution de 1992, fut votée et adoptée par
référendum.
Aux lendemains de la conférence nationale togolaise
dont la CEDEAO a joué un rôle très important qui a abouti
à la constitution de 1992, et déboucher sur les pressions de la
communauté internationale notamment l'UE, la CEDEAO n'a joué
qu'un rôle minime sur cette période au Togo. L'élection du
général Eyadema à la présidence de la CEDEAO en
1999 va être le départ d'une nouvelle forme d'immixtion de
l'organisation ouest africaine dans la crise togolaise.
Durant la période 1998 jusqu'à la mort du
général en 2005, la CEDEAO a de nouveau intervenu dans les crises
togolaises. Mais après les élections présidentielles
`'douteuses»de 1998, les répressions de l'union européenne
étaient fermes. Après plusieurs tentatives, le
général n'a pu résoudre les crises qui minent ; la
sous-région se retrouve face à une crise économique. Le
pays entre dans une crise politique pointue que les échanges
engagés à la fin de l'année 1998 entre le gouvernement et
l'opposition ne parviennent pas à résoudre. Boycottées par
l'opposition, les élections législatives de mars 1999
confèrent au RPT la totalité des sièges au Parlement.
Grâce à la médiation de plusieurs pays africains et
européens, le dialogue inter-togolais aboutit au mois de juillet
à la signature d'un accord entre gouvernement et opposition. C'est ainsi
que « la situation politique au Togo, ne trouvera une réelle
amélioration tant sur le plan des violations des droits de l'homme, que
sur le plan de la décrispation de la situation politique, que si une
volonté du pouvoir en place est effective »106.
A la suite de l'élection présidentielle de juin
2003, la CEDEAO tout comme la communauté internationale ont
dénoncé le processus électoral mais ont pris acte du
résultat final. Dans les conditions de détente
politico-économique du pays, le Président Eyadema trouva la mort
le 5 février 2005. Cette situation va permettre la CEDEAO de jouer un
rôle capital dans la crise sociopolitique togolaise étant
donné que le mentor et personne à craindre de l'institution
n'était plus, on pourrait sans doute agir sans peur de
représailles de quelle nature que ce soit.
La crise de succession déclenchée à la
suite de la mort du général Eyadema va conduire à la
démission de Faure Gnassingbé, fils du défunt censé
le remplacer malgré que les dispositions constitutionnelles
prévoyaient que ce soit le Président de l'Assemblée
nationale. L'intervention du Président en exercice d'alors de la CEDEAO,
M. Mamadou TANDJA en
106 DEGBE Kossi, Op.cit.
49
compagnie du Président malien, M. Amadou Toumani TOURE,
a permis la signature le 28 février 2005 d'un accord politique entre le
Gouvernement et l'opposition sur les principaux points de divergence concernant
l'organisation de l'élection présidentielle. L'élection
présidentielle de 2005 a connu une double intervention. Il faut noter
que la CEDEAO a joué un rôle crucial dans la gestion de cette
crise électorale tout comme en 2010. La CEDEAO a assuré la
sécurité des élections présidentielles de 2010.
Conformément à articles 3 de la section IV du protocole
additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie de la CEDEAO qui
stipule que « l'armée et les forces de sécurité
publique participent à l'ECOMOG dans les formes prévues à
l'Article 28 du Protocole »107, la CEDEAO a envoyé
200 officiers qui ont rejoint quelques jours plus tard par une centaine
d'observateurs civils. Après le passage de dénomination du «
RPT » à « UNIR », les revendications se poursuivent
à propos de l'Accord Politique Général (APG). Aux
lendemains de l'élection de 2015, le pays vit une ère de
soulèvement populaire entraînant des morts. L'insatisfaction des
partis politiques de l'opposition conduit aux manifestions d'août 2017.
Dans cette crise, la recomposition de la Cour constitutionnelle, la limitation
à deux du mandat présidentiel, le mode de scrutin à deux
tours pour l'élection du président de la République, la
réalisation des réformes et le vote de la diaspora constituent
les principales recommandations de la feuille de route de la 53e
session ordinaire de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
de la CEDEAO sous la facilitation de Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha
Condé de la Guinée. Malgré tout, ce dernier finira son
mandat et sera réélu en 2020 face au candidat de l'opposition
Agbéyomé Kodjo qui dénonce les fraudes et revendique la
victoire. L'intervention de la CEDEAO au Togo est loin d'être l'unique en
Afrique de l'ouest.
Plusieurs crises ont jalonné le territoire ivoirien
durant la période 1990 jusqu'à 2020. Par ailleurs, la CEDEAO a
toujours été présente dans la promotion de la paix
à travers son protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance
additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité. Dans l'optique où les organisations africaines
veulent s'approprier la gestion des crises, le rôle de la CEDEAO dans les
crises ivoiriennes a été très capital. En effet, que ce
soit dans le domaine de l'observation électoral, la bonne gouvernance ou
le règlement des conflits, la CEDEAO a toujours joué son
rôle. La crise ivoirienne de 2002 a été pour elle un moment
fort où elle a joué un rôle décisif avec la
bénédiction de l'Union africaine.
107 Article 3 Chapitre IX du protocole additionnel sur la bonne
gouvernance et la démocratie de la CEDEAO
50
En effet, après la tentative de coup d'Etat
manqué dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, la CEDEAO a clairement
défendu le respect des institutions républicaines en Côte
d`Ivoire. En effet, le Secrétaire Exécutif de la
Communauté, Mohamed Ibn Chambas, dans un communiqué le 19
septembre a condamné fermement les violences perpétrées en
Côte d'Ivoire. C'est une attitude anticonstitutionnelle avait-il
ajouté. De même, plusieurs actions ont été
entreprises dans la crise ivoirienne de 2010. Parmi ces actions, on peut noter
par exemples la signature du cessez-le-feu du 17 octobre 2002, les
négociations de Lomé (12 décembre 2002), le
déploiement de la MICECI (18 décembre 2002), accord d'Accra II,
sommet d'Abuja (6 octobre 2005), accord de Ouagadougou (4 mars 2007) et le
démantèlement de la « zone de confiance
»108. La mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire (MICECI)
sera la première opération de maintien de la paix entreprise par
l'organisation depuis l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme
sur la prévention, la gestion et le règlement des conflits, la
paix et la sécurité. Malgré toutes ces actions, une crise
survient au lendemain des élections du 31 octobre 2010. La CEDEAO ne
restera pas en marge de la gestion de la crise postélectorale qui
s'éclate. C'est alors que la « CEDEAO avec les autres
organisations internationales et pays notamment l'ONU, l'Union africaine, la
Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union
européenne, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, pour ne
citer qu'eux, ont appelé Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir
»109. En effet, aux yeux de la CEDEAO et de l'UA, «
il est important de s'assurer que le cas ivoirien ne constitue pas un
précédent qui ouvrirait la voie à la contestation des
résultats électoraux par les candidats vaincus, dès lors
que ceux-ci peuvent se prévaloir d'un soutien militaire
»110.
Ainsi, après plusieurs tentatives de médiation
et face au refus de Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir, la force militaire
était le seul moyen qui puisse lui contraindre à la
démission. Déjà, l'on vivait un conflit opposant les
« commando invisibles » d'Ibrahim Coulibaly aux troupes loyales
à Laurent Gbagbo. La généralisation de ce conflit sur tout
l'ensemble du territoire conduira à une attaque de la résidence
présidentielle par l'ONUCI ainsi que la force Licorne de l'armée
française conformément à la résolution 1975 du
Conseil de Sécurité (CS). C'est ainsi que Laurent Gbagbo sera
fait prisonnier.
Il faut noter que l'intervention de la CEDEAO en Côte
d'Ivoire n'a pas été aussi facile comme le souligne Ndiaye Papa
Samba. En effet selon lui:
108 La zone de confiance est une zone qui séparait le nord
et le sud ivoirien depuis la fin 2002
109 CATHELIN M., la Côte d'Ivoire entre divisions
internes et stratégies internationales, institut d'études de
sécurité de l'Union Européenne, Mars 2011
110 Idem
51
« la mission de la CEDEAO en Côte d'Ivoire a
présenté quelques faiblesses comme : le manque de logistiques
propres bien intégrées permettant une intervention rapide et
réussie; jusqu'à présent, la CEDEAO n'a pas pu
générer ses propres ressources pour ses interventions; les
barrières linguistiques constituent toujours un obstacle pour la
compréhension mutuelle entre soldats même si en Côte
d'Ivoire le problème s'était posé avec moins
d'acuité; la CEDEAO en Côte d'Ivoire n'avait pas un commandement
stratégique qui donnait des orientations et des pistes à partir
de son siège à Abuja pour piloter la mission
»111.
Somme toute, l'étude sociologique des crises
sociopolitiques dans l'espace CEDEAO nous a permis d'analyser les origines de
ces crises au Togo et en Côte d'Ivoire et également d'aborder
l'implication de la CEDEAO dans la gestion de ces crises. Par ailleurs, on note
de multiples conséquences. Nous allons poursuivre cette recherche en
analysant les conséquences ainsi que les approches de solutions.
111 NDIAYE Papa S., « Entre contraintes et bonnes
intentions: Les difficultés des organisations internationales africaines
dans le domaine du maintien de la paix. L'exemple de la communauté
économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en
Côte d'Ivoire et ailleurs (Libéria, Sierra Leone, Guinée
Bissau) de 1990 à 2003 », thèse de doctorat en études
politiques, Université d'Ottawa, 2011.
52
DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES DE
SOLUTIONS
53
Partant de l'idée selon laquelle une conséquence
est une suite ou un ensemble d'événements entraînés
par une action ou un fait, les approches de solutions quant à elles,
sont un ensemble de décisions et d'actes qui peuvent résoudre une
difficulté ou les empêcher d'avoir lieu. Il s'agit là des
perspectives pour éviter ou résoudre un problème. Telle
que explicité, les conséquences et les approches de solutions
peuvent s'observer dans plusieurs domaines (social, juridique,
économique, politique...).
Dès lors, lorsqu'on parle des conséquences et
approches de solutions des crises sociopolitiques, c'est les effets des crises
et les moyens pour remédier à ces dernières. Plusieurs
réflexions ont été faites en ce sens. L'Afrique noire
étant d'ailleurs un lieu par excellence des crises sociopolitiques
depuis l'accession de ses Etats à la souveraineté
internationale.
A partir des années 1990, le continent africain a
été marqué par des changements significatifs. Bien avant,
un nouveau processus a débuté avec la fin de la guerre froide, et
la « troisième vague de démocratisation » selon Samuel
Huntington au début des années 1990 a concrètement
donné lieu à quelques expériences réussies tout en
maintenant en place une multitude de régimes politiques.
L'avènement du multipartisme dans cette partie du globe
a entraîné une reconfiguration de la politique au plan interne
comme au plan international. L'Afrique de l'ouest a été
confrontée par ces événements qui ont changé la vie
sociopolitique de cette partie du continent. En effet, la conférence
nationale au Togo par exemple a introduit les germes d'une démocratie
politique ; ce qui a permis une certaine multiplication des partis politique
sur la scène politique. C'est également le cas en
Côte-d'Ivoire lorsque le Président Houphouët Boigny
décédait et que le pays entrait dans une lutte de succession. La
conquête du pouvoir politique durant cette période a
entraîné des conséquences profondes dans la vie des peuples
tant au plan interne qu'externe.
Cette période, caractérisée par
l'émergence d'une importante littérature pour expliquer les
origines des mutations sociopolitiques s'identifie également par la
montée en puissance des crises sociopolitiques partout en Afrique sans
épargner le Togo et la Côte-d'Ivoire.
Comme le souligne un adage, les mêmes causes produisent
toujours les mêmes effets. C'est le cas des crises togolaises et
ivoiriennes durant la période 1990-2020. Face à ce constat
où les crises sociopolitiques engendrent des conséquences, il
convient d'y remédier.
54
Dans les lignes qui suivent, il sera question de
présenter dans un premier temps les conséquences des crises
togolaises et ivoiriennes de 1990 à 2020 (Chapitre 1) et dans un second
temps les perspectives de solutions aux crises sociopolitiques (Chapitre 2).
55
CHAPITRE 1 : LES CONSEQUENCES DES CRISES TOGOLAISES
ET IVOIRIENNES DE 1990 A 2020
Les crises que le Togo et la Côte-d'Ivoire ont connues
durant la période 1990-2020 sont énormes et leurs
conséquences varient selon les secteurs. En effet, les populations de
ces pays ainsi que les pays voisins ont souffert de ces crises petites ou
grandes qu'elles ont été. D'ailleurs, toute crise même
petite qu'elle soit, a des conséquences tant sur le plan politique,
économique et social. Par ailleurs, les effets de ces crises dans un
monde mondialisé ne se sont pas limités au plan interne ; on
enregistre plusieurs répercussions sur les territoires externes.
En effet, ce chapitre sera consacré à une
analyse des conséquences des crises sociopolitiques togolaises et
ivoirienne de 1990 jusqu'à 2020 aussi bien sur le plan interne (Section
1) et que sur le plan international (Section 2).
SECTION 1 : ANALYSE DES CONSEQUENCES INTERNES DES
CRISES SOCIOPOLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNES DE 1990 à
2020
Toute situation de crise implique nécessairement des
conséquences. L'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en
Côte-d'Ivoire sur la période 1990-2020 révèle de
nombreuses conséquences à l'intérieur du pays.
L'étude des causes de ces crises nous a permis de
relever des facteurs aussi bien internes qu'externes. En effet, ces crises ont
constitué un véritable casse-tête respectivement dans
chacun de ces Etats. Le constat fait par le mouvement Flambeau Citoyen debout
est que les crises sociopolitiques sont source d'énormes
préjudices non seulement pour les populations, mais aussi fragilisent
les fondements d'un Etat de droit.
Dans cet élan, il sera question dans un premier temps
d'aborder l'impact des crises sur le plan socio-économique et dans un
second temps, évaluer leurs effets sur le plan politique.
Paragraphe L'impact des crises sur le plan
socio-économique
Les évènements d'instabilités
sociopolitiques survenus au Togo et en Côte-d'Ivoire dans les
années 1990-2020 ont eu des conséquences très
sévères. L'analyse de quelques crises telles que celles de 2005
et 2017 au Togo et celles de 2002 et 2010 en Côte-d'Ivoire illustrent
très bien les effets que peuvent engendrer une crise politique au plan
interne.
56
Dans cette étude, il est question d'analyser les
conséquences sur deux plans ; d'abord sur le plan social et ensuite sur
le plan économique. Dans les deux cas, on dénombre pas mal de
conséquences.
Sur le plan social, malgré que le Togo ait
ratifié les principales conventions relatives aux droits de
l'homme112, il est à noter que les crises sociopolitiques
togolaises des années 1990 jusqu'à 2020, selon le rapport de la
mission des nations unies, ont constitué un coup sur la violation des
droits de l'homme, augmentation du nombre de personnes déplacés,
détérioration de la situation au niveau de la
sécurité etc.
Toutefois, ces conventions ratifiées par le Togo font
partie intégrante de la constitution togolaise. D'ailleurs l'article 140
de ladite constitution précise que « les traités ou
accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont,
dès leur publication, une autorité supérieure à
celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie »113. Il faut
également le rappeler, selon le rapport de la mission des nations unies,
« le Togo a été le premier pays africain à se
doter d'une Commission nationale des droits de l'homme en 1987
»114. En dépit de l'article 50 de sa
constitution qui stipule que « les droits et devoirs
énoncés dans la Déclaration Universelle des droits de
l'homme et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme,
ratifiés par le Togo font partie intégrante de la présente
Constitution »115, « La situation des droits de
l'homme au Togo était caractérisée par une absence
persistante de respect des droits de l'homme, des libertés
fondamentales, et un constant déficit démocratique
»116.
Ce constat qui est fait de la violation des droits de l'homme
lors de la crise togolaise de 2005 est presque le même en 2017. En effet,
la vie sociopolitique togolaise a été marquée par une
crise qui a débuté en août 2017. Cette crise faut-il le
rappeler portait sur la modification de la constitution pour limiter le nombre
de mandat et empêcher le président Faure Essozimna
Gnassingbé de se présenter aux élections
présidentielles de 2020. Cette crise a suscité au sein
112 Le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (en 1984), le pacte international
relatif aux droits civils et politiques (en 1984), la convention internationale
pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (en
1972), la convention sur l'élimination de la discrimination à
l'égard des femmes (en 1983), la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (en 1987) et la
convention relative aux droits de l'enfant (en 1990
113 Article 141 de la constitution togolaise
114 Rapport de la mission des Nations Unies
115 Article 50 de la Constitution togolaise
116 Rapport de la mission des Nations Unies
57
des populations togolaises une insécurité
grandissante. Les évènements qui se sont déroulés
à Mango, Kara, Bafilo, Sokodé et Lomé durant cette crise
en sont des illustrations.
En Côte-d'Ivoire, les évènements de 2002
et 2010 ont causé d'énormes conséquences sur le plan
social. On peut les relever sur deux catégories principales à
savoir l'éducation et la santé. Sur le plan éducatif, on
peut noter l'incendiassions des écoles françaises à
Abidjan et dans d'autres Villes du Sud par les « jeunes patriotes »
miliciens pro-gouvernementaux. Par ailleurs, sur le plan sanitaire, «
la situation sanitaire de la Côte d'Ivoire est une situation
préoccupante au point de vu spécifiquement national
»117.
Les conséquences sociales de ces périodes de
crise dans les deux pays sont nombreuses; toutefois on ne peut négliger
le poids qu'a connu le côté économique. En effet, les
périodes de crises ne favorisent pas l'investissement étranger
à cause de l'insécurité qui y règne. C'est ce qui a
été observé durant les crises sociopolitiques au Togo et
en Côte d'Ivoire depuis les années 1990.
En Côte d'Ivoire, et précisément dans les
années 2004-2005, l'exportation du cacao a été
confronté aux aléas de la crise ; ce qui a entraîné
des perturbations du cheminement vers le port d'Abidjan. Au premier semestre
2011 après la crise électorale, l'activité
économique est entrée en récession en lien avec la
paralysie engendrée par la pénurie de liquidités dans,
imputable à l'arrêt des activités de la
quasi-totalité des institutions financières ainsi que des
entreprises privées du fait de l'insécurité et de la
suspension du système de compensation bancaire par la Banque Centrale
des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO).
Au Togo, d'un point de vue général, les crises
sociopolitiques ont eu un impact négatif sur l'économie du Pays.
La cessation des activités commerciales et les difficultés de
transport dues au bouclage des villes par exemple en sont des illustrations
parfaites des causes qui ont rendu vulnérable l'économie du
pays.
Paragraphe 2 : Évaluation des effets des crises
sur le plan politique
Les événements survenus au Togo et en
Côte-d'Ivoire ont profondément impacté la situation
politique des deux pays. Dans cette quête du pouvoir qui conduit à
des manifestations sans précédents, certains régimes se
sont solidifiés dans certains pays tel que le
117 MIKOLO Halerre Herphi Bouyoméka et AVLESSI
Pascaline, Analyse des faits politiques en Afrique: cas de la Cote d'Ivoire,
projet cerco du Bénin, licence en communication et relations
internationales, 2010
58
Togo et d'autres ont connu des changements de régime
comme c'est le cas de la Côte-d'Ivoire avec la venue au pouvoir du
Président Alassane OUATTARA.
Au Togo, depuis les années 1990 avec les
conférences nationales jusqu'à la mort du président
Gnassingbé Eyadema, les crises sociopolitiques n'ont jamais pu renverser
le pouvoir en place. Certes, certaines crises ont apporté des coups au
pouvoir en place mais jamais n'ont pu renverser celui-ci. La conférence
nationale togolaise tenue du 8 juillet au 28 août 1991 a eu des effets
sur le plan politique. Dans une période où la démocratie
prend son élan avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc
soviétique, le pouvoir du président Gnassingbé Eyadema se
voyait remis en cause. A la suite de l'adoption par le peuple d'une nouvelle
constitution interdisant le président de la république de se
représenter pour un troisième mandat, une crise s'éclate
et avec la grande « défection » de 1993, le
Général conserva son fauteuil.
En 1998, à la suite du scrutin présidentiel,
plusieurs revendications ont été faite mais cela n'a pas
empêché que le président Gnassingbé Eyadema soit le
vainqueur de l'élection. Le règne du président
Gnassingbé Eyadema a été une période de
renforcement du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT).
De 1998 jusqu'à 2005, le pouvoir politique togolais a
été renforcé avec la modification constitutionnelle de
2002. En effet, la modification de 2002 avait pour but principal de permettre
au Général Gnassingbé Eyadema, au pouvoir depuis 1967, de
se représenter pour un troisième mandat de cinq ans car la
constitution, dans sa version originale, en limitait le nombre à deux.
Aussi, la révision intervenue a opéré un renforcement des
pouvoirs du président au détriment du Premier ministre qui se
retrouve dans un rôle de simple exécutant de la volonté du
président, alors que le texte constitutionnel dans sa version d'origine
octroyait la détermination et la conduite de la politique de la nation
au Premier ministre.
L'arrivée au pouvoir du président Faure
Essozimna Gnassingbé à la suite du décès de son
père fut marqué par un coup d'Etat constitutionnel qui a
suscité l'intérêt de la communauté
internationale.
Depuis son arrivée au pouvoir, le pouvoir de Faure
Gnassingbé s'est vu renforcé au fil du temps et le parti au
départ « RPT » change de domination pour devenir « UNIR
» le 14 avril 2012. A en croire certaines organisations de la
société civile du Togo,
59
« selon certains analystes, le parti UNIR n'est qu'une
nouvelle dénomination pour faire perdurer le système RPT. Selon
d'autres interprétations, le mouvement UNIR, doit servir pour le
président Faure d'acte de rupture avec le passé, et de
rassemblement des forces politiques du centre. Il doit permettre une
recomposition de l'espace politique togolais »118.
Ce changement de dénomination est une illustration des
changements politiques survenu au Togo depuis 1990. La question de la
transition reste encore poser ; car le fait que le fils succède à
son père ne constitue pas une transition. Ce problème s'illustre
bien à travers une phrase : « s'il n'y avait pas la question du
nom (fils de son père), le bilan est acceptable
»119. Le régime RPT-UNIR demeure malgré les
contestations des opposants tels que Tikpi Atchadam, Jean Pierre Fabre et
Agbéyomé Kodjo.
Contrairement au Togo, la Côte-d'Ivoire a connu des
changements politiques depuis l'avènement de la deuxième vague de
démocratisation jusqu'à 2020. Dans cette longue période,
la mort d'Houphouët Boigny a fait naître des divisions dans la
scène politique et principalement parmi les « trois
héritiers présomptifs »120.
Illustrant à juste titre les conséquences
politiques survenues en Côte-d'Ivoire à cause des crises
sociopolitiques, Herphi Halerre Bouyoméka Mikolo et Pascaline Avlessi
soulignent que:
« La rébellion de 2002 en Côte d'Ivoire a
divisé le pays en deux parties, avec le nord contrôlé par
les rebelles des Forces Nouvelles, qui ont soutenu Alassane Ouattara et le sud
aux mains du gouvernement dirigé par Laurent Gbagbo. Dès lors, la
Côte d'Ivoire a eu deux gouvernements, deux administrations, deux
armées, et deux leaders nationaux »121.
Aux évènements qui suivirent la
rébellion, plusieurs massacres ont eu lieu et « on
dénombre la mort de certains politiciens tels que Aboubacar Dosso, Adama
Cissé, Coulibaly Lanzeni, Coulibaly Seydou, le colonel Ouatara Oyenan,
Téhé Emile et Dodo Habib »122.
Cette liste de cas d'exécution pour des raisons
politiques est loin d'être exhaustive. L'ampleur de la crise que la
Côte-d'Ivoire a connu de 2002 à 2004 a entraîné un
grand
118 Rapport décennal 2005-2015 de six organisations de
la société civile du Togo, consulté en ligne le 08
décembre 2021 à l'adresse
https://www.fidh.org/IMG/pdf/rapport_togo_2015-.pdf
119 Idem
120 GBAGBO Laurent, BEDIE Henri Konan et OUATTARA Alassane
Dramane,
121 MIKOLO Halerre Herphi Bouyoméka et AVLESSI Pascaline,
Op.cit.
122 MIKOLO Halerre Herphi Bouyoméka et AVLESSI Pascaline,
Op.cit.
60
nombre de morts difficile a estimé en raison du doute
qui existe sur la fiabilité des sources et la véracité des
informations diffusées par les deux parties.
La crise post-électorale de novembre 2012 a
été également un moment de perte en vies humaines.
Toutefois, cette crise a entraîné le changement du régime
de Laurent Gbagbo au régime d'Alassane Ouattara. Cette crise a
également accentué la division nationale ; c'est ainsi que ce
pays fera de « la réconciliation nationale » son combat
prioritaire.
SECTION 2 : ANALYSE DES CONSEQUENCES EXTERNES DES
INSTABILITES POLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNE DE 1990-2020
Les crises sociopolitiques au Togo et en Côte-d'Ivoire
ont eu de nombreuses répercussions ; il ne s'agit pas des crises de tous
les temps, mais des crises de trois décennies après la
deuxième vague de démocratisation en Afrique. En effet, à
partir des années 1990, avec le retour du pluralisme dans de nombreux
pays africains jusqu'en 2020, le Togo tout comme la Côte-d'Ivoire ont
vécu des moments de trouble liés pour la plupart à la
conquête et l'exercice du pouvoir politique. Au Togo, sous le
règne du général Gnassingbé Eyadema jusqu'à
son fils Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé, le pays a fait face
à de multiples crises sociopolitiques. Ce fut également le cas en
Côte-d'Ivoire depuis la mort d'Houphouët Boigny qui a
déclenché des luttes de succession jusqu'à Monsieur
Alassane OUATTARA.
Sous l'effet du phénomène de la mondialisation,
ces crises qui étaient d'ordre interne ont eu des répercussions
sur le reste du monde. Dans cette section il sera question d'aborder les revers
sur l'échiquier international (Paragraphe 2) après avoir
analysé l'impact au niveau sous régional (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : L'impact au niveau sous
régional
Les violences et tueries post-électorales de novembre
2010 au Togo dépassent, de par leur nature et leur ampleur,
l'entendement humain; « elles nous font pénétrer de
plain-pied dans le monde de la barbarie et de l'animalité la plus
sauvage »123. Ces évènements de crise qui
ont émaillé le Togo et la Côte-d'Ivoire ont engendré
des répercussions sur le reste des pays voisins ou plus encore sur le
continent africain.
123 N'GUESSAN Kouamé (2015), Une réflexion
récente en Côte d'Ivoire sur le multipartisme et l'ethnicisation
de la vie politique : faut-il regretter le parti unique ? Pouvoirs anciens,
pouvoirs modernes de l'Afrique d'aujourd'hui. Presses universitaires de
Rennes, pp. 169-194, consulté le 28 octobre 2021,
http://books.openedition.org/pur/62407
61
Une analyse comparative des conséquences de ces crises
révèle des points de divergences et des points de convergences.
Contrairement aux conflits que connaissent la plus part des Etats et dont
certaines organisations apportent leur soutien tel qu'on l'appelle « aide
humanitaire » d'ailleurs jugé insuffisante, la Côte-d'Ivoire
a traversé des crises sociopolitiques qui ont engendré de fortes
conséquences. A ce propos, il faut noter que face à certaines
crises et à leurs impact directs et indirects, « il y a chez
ses voisins des pays affectés positivement (Togo, Ghana et dans une
moindre mesure Bénin), des pays affectés plus négativement
(Mali, Burkina) et des Etats peu affectés (Sénégal,
Guinée, Guinée-Bissau, Niger et Liberia)
»124.
Une crise, même si elle a des conséquences
dévastatrices pour certains, elle peut également être
bénéfique pour d'autres. Alors que la crise sociopolitique
sévissait en Côte-d'Ivoire et que la situation économique
était instable, les pays côtiers de la zone UEMOA de leur
côté en profitaient. Le Togo, le Ghana et le Bénin avaient
vu leurs infrastructures portuaires et côtières fortement
sollicitées. En effet, les autorités de ces pays côtiers
avaient dans cette crise qui sévissait en Côte-d'Ivoire,
imaginé à des politiques susceptibles accroître les
capacités portuaire. C'est dans ce sens que :
« au Ghana (Tema et Takoradi) on a assisté
à l'intensification des pratiques de shifting125 au
sein du port mais également à destination des autres ports de la
côte ; incitations tarifaires pour réorienter une partie du trafic
vers Takoradi afin d'éviter l'engorgement de Tema ; projet de mise
à disposition d'un nouveau terminal à conteneurs ; au Togo
(Lomé) : projet d'investissement dans un nouveau quai ; construction de
deux nouveaux sites à coton ; au Bénin (Cotonou) : projets
d'aménagement de nouveaux terre-pleins, projet de transfert du parc
à voitures à l'extérieur du port »126.
La crise explosée au lendemain du deuxième tour
de l'élection présidentielle de 2010 en Côte-d'Ivoire a eu
des conséquences sur l'économie béninoise compte tenu de
son poids économique dans la zone UEMOA. Une appréciation de ces
répercussions sur les performances des entreprises, les conditions de
vie des ménages et l'économie dans sa globalité
révèle que « les canaux de transmission potentiels de la
crise ivoirienne à
124 « La crise ivoirienne et son impact régional :
regard sur l'actualité et scénarios pour l'avenir »,
Afrique contemporaine, vol. 206, no. 2, 2003, pp. 129-150.
125 Le shift, ou travail en shift, est un travail portuaire
sans interruption. Sa durée est variable suivant les ports de 6 à
8H d'affilée.
126 « La crise ivoirienne et son impact régional :
regard sur l'actualité et scénarios pour l'avenir »,
Op.cit.
62
l'économie béninoise sont le commerce
extérieur, le trafic portuaire, les transferts de fonds des migrants et
le système financier »127. Ainsi, sur 417
entreprises sélectionnées sur toute l'étendue du
territoire et comprenant aussi bien des grandes et moyennes entreprises que des
petites entreprises, il ressort selon le Ministère de l'économie
et des finance béninoise qu'une entreprise sur cinq est impactée.
Également un autre constat qui est fait est que la grande
majorité des entreprises impactées a ressenti l'impact
négativement.
A contrario, les pays enclavés ont
été affecté par la crise ivoirienne de 2010. La suspension
de l'approvisionnement de ces pays a entraîné une augmentation du
coût des matières premières importées telles que
l'acier, tôle, matériaux de construction, et autres.
Au Mali, la situation a très vite suscité des
réflexions au sein du gouvernement et les opérateurs
économiques à travers la Chambre de commerce et d'industrie de
Bamako. Le fruit de ces réflexions a été la mise en place
d'un plan opérationnel relatif aux échanges commerciaux et aux
mouvements des populations victimes de la guerre. En effet ce nouveau plan se
résume principalement à un accès à de nouveaux
ports pour l'importation et l'exportation de produits, à la recherche de
solutions pour l'évacuation des marchandises stockées à
Abidjan, où plus de 8 millions de tonnes de marchandises ont
été bloquées, à la recherche de nouvelles sources
d'approvisionnement en hydrocarbures et matériaux de construction et au
retour des immigrés maliens résidant en RCI, où vivaient
plus de 2 millions de nationaux.
Malgré les mesures prisent par le gouvernement et les
opérateurs économiques à travers la Chambre du commerce et
de l'industrie du Mali, on note des retombés commerciaux. En effet,
« bien que relativement efficaces, ces mesures n'ont pas
empêché la montée des prix de certains produits comme le
ciment ou les fruits et légumes tropicaux sur les marchés maliens
»128. Aussi, « l'exportation vers la RCI de tous
les produits maliens, que ce soit pour la consommation ivoirienne ou en transit
vers le port d'Abidjan, a été également confrontée
à des difficultés »129. Il faut
également noter que le BURKINA-FASO n'a pas été
épargné par les secousses de cette crise ivoirienne.
127 Ministère de l'économie et des finances
béninoises. consulté e ligne le 11 novembre 2021 sur
https://www.dgae.finances.bj/wp-content/uploads/2021/05/Impact-de-la-crise-electorale-ivoirienne-sur-leconomie-beninoise.pdf
128 « La crise ivoirienne et son impact régional :
regard sur l'actualité et scénarios pour l'avenir »,
Op.cit.
129 Idem
63
L'impact des crises sociopolitiques au Togo a également
secoué la sous-région. En effet, tout comme celles ivoiriennes,
ces crises ont été une occasion d'évaluer le rôle de
la CEDEAO dans la promotion des valeurs démocratiques. Bien que
l'intervention de la CEDEAO ait participé à la résolution
des crises dans ces deux pays, il faut noter que plusieurs critiques ont
été faites à l'égard de cette institution
chargé normalement de la promotion des principes démocratiques.
Le poids qu'occupe la Côte-d'Ivoire a également
entraîné une légère régression dans le
processus d'intégration économique de la CEDEAO. Selon le
Professeur Kako Nubukpo, « la crise post-électorale en
Côte-d'Ivoire renferme les germes de la disparition du franc CFA et de
l'UEMOA »130.
Si sur le plan économique il y'a eu des
conséquences aussi lourdes pour les pays enclavés, ces pays ont
également été la terre d'accueil pour les
réfugiés.
Les crises togolaises et ivoiriennes ont menacé la vie
des populations. Cette tragédie a entraîné des
déplacements massifs hors de leurs Etat. Le phénomène de
déplacement massif des populations vers d'autres pays en période
de crise s'explique par la menace qui pèse sur leur survie. En
Côte-d'Ivoire comme au Togo, plusieurs personnes se sont
déplacées pour ces raisons. Les autres pays de la
sous-région ont été ainsi donc les endroits par excellence
des réfugiés.
Si ces crises sociopolitiques ont constitué des
défis pour la crédibilité de la CEDEAO, il est à
souligner que cette dernière a su également joué un
rôle important dans leur gestion. Mais le défis ne s'est pas
arrêté qu'avec les organisations sous régionales, il l'a
été également à l'échiquier
international.
Paragraphe 2 : Les revers sur l'échiquier
international
Le monde d'aujourd'hui se caractérise par sa
globalité. S'il est vrai qu'aucun Etat ne peut vivre en autarcie, il
faut également noter que les troubles sociopolitiques que connaissent
les Etats, impactent nécessairement les autres et apportent un coup sur
le reste du monde. Les crises sociopolitiques survenues au Togo et en
Côte-d'Ivoire sur la période 1990-2020 ont eu des
conséquences au niveau international.
130 NUBUKPO Kako, « La crise ivoirienne et l'avenir de
l'intégration économique et monétaire ouest-africaine
», L'Économie politique, vol. 51, no. 3, 2011, pp.
97-112.
64
Il faut entendre par « international », l'ensemble
généralisé de la société internationale
ainsi que les accords et traités au plan international. C'est
également cet ensemble au-delà des frontières qui concerne
plusieurs entités. Cet environnement a subi les impacts des crises
togolaises et ivoiriennes. En effet, la crise est comme l'environnement ;
autrement dit, les crises internes d'un pays ne demeurent pas internes quant
aux effets qu'elles produisent. Lorsqu'un Etat est en crise, toute la
scène internationale est interrogée puisque les effets pourraient
leur affecter.
Par ailleurs, l'intervention des puissances
étrangères dans les crises sociopolitiques au Togo et en
Côte-d'Ivoire est l'un des rares moments permettant de faire le bilan de
ces puissances sur leurs capacités à gérer les crises.
Aussi il faut noter que ces crises ont parfois touché
l'intérêt des puissances étrangères. C'est le cas en
Côte-d'Ivoire lors de la guerre civile. En effet, l'attaque de la base
française de Bouaké qui avait entraîné « 09
morts et 37 blessés parmi les soldats français et un civil
américain appartenant à une ONG »131.
En définitive, l'analyse des conséquences des
crises sociopolitiques togolaises et ivoiriennes sont d'ordres interne et
externe. Au plan interne, elles ont eu un impact sur les plans
socio-économiques et politiques. Au plan externe, il a été
question d'analyser les effets tant au plan régional qu'au plan
international. A l'égard de ces conséquences, il convient de
mener une réflexion sur les approches de solutions à ces
crises.
CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES DE SOLUTIONS AUX
CRISES
SOCIOPOLITIQUES
Les conséquences engendrées par les crises
sociopolitiques togolaises et ivoiriennes des années 1990 jusqu'à
2020 sont énormes tant sur le plan interne qu'externe ; c'est le fruit
d'un certain nombre d'insuffisances. En effet la gouvernance en Afrique s'est
toujours inscrite dans la dynamique de la conquête et de la garde du
pouvoir. Selon la formulation d'un proverbe congolais, « le pouvoir se
mange en entier ». Malgré l'avènement de la «
troisième vague» démocratique qui a frappé sur le
continent avec l'avènement du multipartisme, l'on constate une
recrudescence des crises sociopolitiques. Selon Vincent Foucher, « si
l'élection est la règle, la succession ne se fait toujours pas
sans mal, surtout dans sa forme extrême »132.
Face à tous ces maux qui minent le continent et respectivement le
Togo et la Côte-d'Ivoire, il
131 MIKOLO Herphi Halerre Bouyoméka et AVLESSI Pascaline,
Op.cit.
132 FOUCHER Vincent, « Difficiles successions en Afrique
subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel»,
Pouvoirs, vol. 129, no. 2, 2009, pp. 127-137.
65
convient alors de mener une réflexion sur des
perspectives de solutions pour enrailler le phénomène des crises
sociopolitiques dans ces espaces du continent.
En se basant sur l'étude qui a été faite
sur les origines de ces crises, il sera donc question de
réfléchir sur des perspectives de solution tant sur le plan
national (Section 1) que sur le plan international (Section 2).
SECTION 1 : LES PERSPECTIVES NATIONALES
Plusieurs phénomènes sont à l'origine des
crises sociopolitiques en Afrique. Sur le plan national, il faut noter que la
mauvaise gouvernance qui règne au sein des pays africains est l'une des
causes de ces crises. Cependant, pour pallier ce phénomène des
crises sociopolitiques, il convient nécessairement de penser à
des solutions internes qui puissent conjuguer aussi bien les
intérêts des gouvernants que des gouvernés.
Parmi les fondements de ces crises, il a été
abordé précédemment aussi bien les questions identitaires,
l'ingérence extérieure, le rôle des matières
premières et l'héritage de la colonisation. Dans cette partie de
la recherche, il est question de réfléchir sur les moyens pouvant
permettre d'empêcher ou du moins prévenir les crises
sociopolitiques. A cet effet, cette recherche se propose d'aborder l'aspect de
la promotion des valeurs démocratiques (Paragraphe 1) ainsi que la
suppression des barrières identitaires (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La promotion des valeurs
démocratiques
Il ne fait aucun doute que l'on parle de démocratie
dans la lutte contre les crises sociopolitiques. Faisant cas des conflits
interétatique, la théorie de la paix démocratique
défend l'idée selon laquelle les démocraties ne se font
pas la guerre entre elles. Cette affirmation est loin d'avoir donné lieu
à un consensus entre les politologues et est largement rejetée
notamment par les penseurs réalistes. Toutefois cette thèse
affirme que la démocratisation est un facteur de paix. Il est bien vrai
que ce raisonnement s'inscrit dans les relations entre Etats ; mais dans un
Etat démocratique, il est susceptible d'éviter ces crises.
Dans ce sens, il faut noter que les crises en Afrique sont
parfois le fruit des déviances démocratiques. Tel est le cas des
coups d'Etats constitutionnels, des fraudes électorales entraînant
les changements de régime ou maintenant ceux-ci. Ces manières de
faire qui sont devenu pour la plupart des Etats africains tel que, le Togo et
la Côte-d'Ivoire, la meilleur façon de garder le pouvoir.
66
Toutefois, la définition même de «
démocratie » pose problème ; rappelons-le, selon Anne-Marie
Le Pourhiet,
« il semble devenu nécessaire de déterminer
où en est le droit constitutionnel dans la définition de la
démocratie, compte tenu de la floraison d'adjectifs dont le mot est
aujourd'hui accompagné et d'un certain nombre d'idées à la
mode tendant à donner à ce terme un contenu fort différent
de celui auquel nous avions l'habitude de nous référer
»133.
Le mot démocratie tient ses origines du grec :
dêmokratia, formé de démos, « peuple », et de
kratos, « pouvoir ». On parle donc de pouvoir du peuple, de
gouvernement du peuple. Abraham Lincoln, président des États-Unis
de 1860 à 1865, aurait un jour déclaré que la
démocratie était « le gouvernement du peuple, par le peuple
et pour le peuple »134. Suivant ce principe, la
souveraineté appartient donc au peuple, qui choisit ceux qui le
gouverneront. Plusieurs auteurs ont donné une définition de la
démocratie. Ainsi donc, Hans KELSEN la définit comme
l'identité du sujet et de l'objet du pouvoir des gouvernants et des
gouvernés, en un mot le « gouvernement du peuple par le peuple
»135. Quant à Guy Hermet, « la
démocratie est la faculté que les gouvernés
possèdent de remercier les gouvernants en place puis d'en choisir
d'autres qu'ils pourront éventuellement renverser à leur tour
»136. Cette définition donnée par Guy Hermet
renvoie au contrôle politique dont dispose le peuple sur ces élus.
Ce contrôle s'opère lors des élections ; ainsi donc, le
peuple a le monopole de choisir un autre représentant ou d'en reconduire
l'ancien si ce dernier a fait son devoir.
La lutte ou la prévention des crises sociopolitiques au
Togo et en Côte-d'Ivoire passe par des variables démocratiques. A
cet effet, de l'analyse de l'état des lieux et des résultats
issus du projet de suivi de la gouvernance en Afrique de l'ouest, plusieurs
recommandations ont été faites en matière de gouvernance
politique. Faisant cas du Togo, il ressort qu'il faut:
« Réviser de façon consensuelle la
Constitution ; veiller à promouvoir la représentativité
équitable de toutes les couches sociales et tendances politiques de la
nation au sein de l'Assemblée nationale ; organiser des élections
honnêtes et transparentes qui répondent aux normes
démocratiques internationales aux fins de faire accepter à tous
les résultats des urnes ; organiser un débat national pour
consolider une politique et une stratégie qui,
133 LE POURHIET Anne-Marie, « Définir la
démocratie », Revue française de droit
constitutionnel, vol. 87, no. 3, 2011, pp. 453-464.
134 MERCIER Benoît et DUHAMEL André, La
démocratie; ses fondements, son histoire et ses pratiques,
Québec, Le Directeur général des élections, 2000,
p. 13 et 15.
135 Cité par GBOH Christelle, L'union africaine
à l'épreuve de la démocratie, Maîtrise en droit,
Université catholique de l'Afrique de l'Ouest, Unité
universitaire d'Abidjan, 2010
136 Idem
67
à terme, permettront de créer des richesses et
contribuer au développement socio-économique et, surtout,
à la création d'emplois ; négocier avec les forces
armées togolaises afin de les amener à devenir une authentique
armée républicaine et éviter toute emprise de leur part
sur la gestion du pays ; créer un État de droit respectueux des
droits humains et des institutions démocratiques ; réprimer la
corruption; restaurer et réhabiliter les institutions judiciaires et
appliquer effectivement des sanctions disciplinaires aux magistrats corrompus
et prévaricateurs ; travailler à la moralisation de la vie
politique et de la gestion de la chose publique ; combattre le tribalisme, le
régionalisme et toutes les formes de discrimination, notamment en
matière de genre ; instaurer la transparence dans la gestion des biens
publics ; consolider la liberté de la presse, la liberté
d'expression, les libertés politiques, les libertés
socio-économiques et culturelles ; consolider le rôle de
contre-pouvoir de la société civile et restaurer l'ensemble du
système de l'éducation civique »137.
A travers ces recommandations, l'on s'aperçoit les
traits caractéristiques de la gouvernance démocratique. Ces
recommandations, appliquées en Côte-d'Ivoire peuvent
s'avérer d'une grande utilité.
Par ailleurs, « la respiration démocratique
étant liée, dans tous régimes politiques, à un
travail de consolidation démocratique auquel les partis politiques sont
nécessairement associé »138, il est
nécessaire également de songer à la consolidation du
rôle joué par les partis politiques dans leur ensemble. Ils ne
doivent pas tourner simplement leur objectif sur la conquête et
l'exercice du pouvoir.
Au-delà des luttes pour le renforcement de la
démocratie en Afrique, il faut souligner que cette démocratie
telle que nous l'apercevons est une réalité imposée par
l'occident et qu'il faut donc que les Etats africains puissent avoir une
démocratie qui tienne compte de leurs réalités. Dans son
célèbre article « la fin de l'histoire », Francis
Fukuyama, analyste politique états-unien, affirme que la fin de la
Guerre Froide est « le point final de l'évolution
idéologique de l'Humanité et l'universalisation de la
démocratie libérale de l'Occident comme la finalité de la
gouvernance humaine »139. Une telle déclaration
décrit la volonté des protagonistes libéraux de
réfuter quelque idéologie contraire à la leur. On remarque
surtout
137 TOGOATA Apedo-Amah, TCHOTCHOVI Freitas et ALINON Koffi,
Etat de la gouvernance en Afrique de l'ouest, 2011
138 Idem
139 FUKUYAMA Francis, « La fin de l'histoire? »
n°16, Center for the National Interest, 1989, p. 3-18,
consulté en ligne le 10 décembre 2021 sur
http://www.jstor.org/stable/24027184.
68
que l'actuelle idéologie de bonne gouvernance
découle avant tout d'une démocratie basée sur un
système néolibéral.
Les élections en Afrique font objet de multiples
interprétations étant donné leur nature. Il est bien vrai
que depuis l'avènement du pluralisme, la plupart des pays africains ont
organisé en moyenne trois élections, témoignant ainsi des
réelles avancées enregistrées dans la vague de
démocratisation. Toutefois, ces élections font très
souvent l'objet de revendications dans la plupart des pays, leur plongeant dans
des crises interminables. A ce propos, il est important de se doter des
institutions fortes pouvant emmener les partis à accepter les
résultats des élections pour éviter les crises.
Après quelques décennies de transition
démocratique, les évolutions connues en Afrique dans ce domaine
sont loin d'être uniformes. Dans les pays où les élections
ont été organisées d'une manière
répétitive, certains ont connu des changements de régime ;
c'est le cas de la Côte-d'Ivoire. Par contre d'autre n'ont connu de
changement et c'est le cas du Togo. La culture des valeurs démocratiques
doit également conjuguer avec le sens du leadership des dirigeants
africain et leur capacité à respecter la constitution. Dans
plusieurs pays africains ayant réussi à organiser des
élections qui ont conduit à des alternances et au renforcement de
la démocratie, il y a eu une évolution saine visant à
consolider ces processus.
Malgré les dispositions de l'UA et de la CEDEAO contre
la prise du pouvoir par la force et la dénonciation des coups
d'État militaires, il y a eu une résurgence du militarisme et des
gouvernements militaires dans plusieurs pays. La nature de ces régimes
porte un coup dur sur la démocratisation en Afrique. Le cas du Togo par
exemple en est une parfaite illustration. Contrairement à d'autres pays
où la violence de l'État a pour origine principale les forces de
police, selon Ali-Diabacté, « au Togo ce sont les forces
armées qui sont plutôt au coeur du dispositif répressif
»140. Face à ce caractère politique de
l'armée qui participe au renforcement des régimes autoritaires,
il est donc nécessaire de rééduquer l'ensemble de
l'armée en les rappelant l'apolitisme dont cet organe doit faire preuve.
Selon Jean Meynaud, « l'unique rôle de la force armée est
de permettre au gouvernent légal de garantir l'ordre public interne et
de défendre le pays contre l'ennemi extérieur
»141. S'inscrivant dans cette logique, beaucoup de
constitutions disposent ces mesures ; mais le défis reste à
relever dans la réalité.
140 Cité par TOULABOR Comi, « Violence militaire,
démocratisation et ethnicité au Togo », consulté en
ligne sur
https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_7/autrepart/010019328.pdf
141 MEYNAUD Jean, « Les militaires et le pouvoir»,
Revue française de sociologie, 1961, consulté en ligne
sur
https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1961_num_2_2_5929
69
L'analyse de la promotion des valeurs démocratiques
dans le cadre de cette recherche participe à lutter contre les multiples
crises sociopolitiques qui minent le continent africain ; toutefois, il existe
également d'autres facteurs qu'il convient d'analyser.
Paragraphe 2 : La suppression des barrières
identitaires et des clichés régionalistes
L'une des causes des crises sociopolitiques en Afrique
relève des questions identitaires. Selon Alain Antil, « s'il
existe un grand malentendu concernant l'Afrique au sud du Sahara dans les
représentations collectives du nord, c'est certainement dans la
manière dont sont perçues les réalités sociales et
les identités »142.
Les questions identitaires ont toujours divisé les
populations africaines lorsqu'il s'agit d'intérêt; chacun de son
côté cherchant à vivre paisiblement. La crise ivoirienne il
convient de le dire, est aussi bien une crise politique qu'identitaire. A en
croire Losseni Cissé, « en analysant les différentes
étapes de celle-ci, l'on s'en rend bien compte
»143.
Le premier coup d'état du 24 décembre 1999 est
survenu suite à l'émergence du concept
d'"ivoirité" qui avait installé une certaine
méfiance entre des populations qui vivaient auparavant sans histoires.
L'on a pu voir venir une certaine "catégorisation" des ivoiriens, ceux
du nord à la majorité musulmane et ceux du sud, de l'est et de
l'ouest à majorité chrétienne. Les populations du nord
sont à tort assimilées au leader du RDR Alassane OUATTARA, qui
constituait semble-t-il une « menace » aussi bien pour le
régime de l'ex Président BEDIE, que pour le FPI de Laurent
GBAGBO. Les partisans du premier ministre OUATTARA seront dès lors
assimilés à des étrangers venant soit du Burkina Faso, du
Mali ou d'autres pays limitrophes. Cette situation va engendrer une
réelle crise identitaire sur fond de revendications de droits civils et
politiques de la part d'une classe de citoyens.
Toutefois, la troisième république a su
apporté les germes d'une réconciliation ou d'une volonté
du vivre ensemble. En effet, la troisième République, ou IIIe
République, officiellement République de Côte d'Ivoire, est
le régime en place en Côte d'Ivoire depuis le 8 novembre 2016,
date de la promulgation par Alassane Ouattara de la constitution
approuvée par le peuple lors du référendum du 30 octobre
2016. Elle a succédé à la Deuxième
République qui était en place depuis 2000. A en croire le
référendum a vu la victoire du Oui à
142 ANTIL Alain, « Mobilisations identitaires dans
l'Afrique francophone », programme Afrique Sud Saharienne, 2009.
143 LOSSENI Cissé, La problématique de l'Etat de
droit en Afrique de l'ouest: analyse comparée de la situation de la
Côte d'Ivoire, de la Mauritanie, du Libéria et de la Sierra
Léone, thèse en droit, Université Paris-Est, 2009,
70
93,42% de voix contre seulement 6,58% pour le Non. Le taux de
participation s'élève toutefois à 42,5% de la population.
Les partis favorables à la vielle constitution sont aussi bien de droite
(comme le Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix
(RHDP) que de gauche (le Parti ivoirien des travailleurs (PIT).
La problématique de l'ethnicité se pose
également au Togo. La formation des partis politiques dans ce pays en
est une parfaite illustration. L'instrumentalisation des ethnies est devenue
une arme pour les politiciens. En effet, selon Labité Sodjiné
AGBODJAN-PRINCE :
« l'approche instrumentaliste est un courant
d'idée qui prend en compte la compétition politique autant que
les pratiques politiques de l'exercice du pouvoir comme constitutives de
réalités ethniques. Ce courant circonscrit l'ethnicité
comme une idéologie servant non seulement à conquérir,
mais aussi à exercer et à conserver le pouvoir. Dans ce sens,
l'ethnicité fait état de l'appartenance à une
communauté par rapport à d'autres et intègre de cette
manière, la manipulation dans les relations sociopolitiques afin de
comprendre les dynamiques du politique »144.
Cette dynamique du politique est perçue par Bayart
comme une réappropriation de l'Etat par les ethnies. Selon lui, la
question de l'ethnicité est un passage obligé du «penser
l'Afrique».
Toujours faisant cas du Togo où le choix des officiers
de l'armée est majoritairement basé sur des questions ethniques,
il convient de relever que cette donne est la clé du renforcement du
régime depuis le général Gnassingbé Eyadema. Selon
une analyse du centre d'études stratégiques de l'Afrique,
« une armée composée
d'éléments issus de communautés réparties dans tout
le pays peut établir des bases solides sur lesquelles peut
s'édifier un État démocratique. Une force
diversifiée crée par ailleurs des conditions favorables à
la professionnalisation, du fait que les promotions s'y font davantage au
mérite que sur des bases ethniques et que son allégeance va
à la nation toute entière et non pas à une ethnie
particulière »145.
Selon cette analyse, la nécessité d'une
armée composée de plusieurs ethnies ou encore pour dire mieux, de
toutes les ethnies d'un pays peut contribuer au renforcement de la
démocratie. Comme il a été souligné
précédemment le respect de la démocratie participe
également à la prévention des crises sociopolitiques
basées très souvent sur des questions
144 AGBODJAN-PRINCE Labité Sodjiné,
Op.cit.
145 Rapport d'analyse n°6 : obstacles au
professionnalisme militaire en Afrique, centre d'étude
stratégiques de l'Afrique consulté en ligne sur
https://africacenter.org/fr/publication/obstacles-au-professionnalisme-militaire-en-afrique/
71
identitaires. L'exemple du soulèvement populaire du 19
août 2017 au Togo qui a vu une grande participation des Kotokoli illustre
également cette tendance des communautés ethniques à
vouloir s'affirmer politiquement.
Toutes ces habitudes nécessitent donc la construction
d'une identité nationale. En effet, la multiplicité des ethnies
en Afrique est l'un des obstacles de la construction d'une identité
nationale dans les Pays africains même si pour certains chercheurs «
c'est une notion qui divise, un concept qui hérisse, par-delà
les clivages politiques »146. L'acceptation de l'autre en
Afrique et la volonté de construire une identité nationale
demeure un moyen privilégié pour sortir le continent des crises
qui le minent.
SECTION 2 : LES PERSPECTIVES INTERNATIONALES
La persistance des crises sociopolitiques en Afrique
malgré l'intervention des forces de maintien de la paix et des
mécanismes de respect de la démocratie et de la bonne gouvernance
reste un défi pour la communauté internationale surtout les
organisations internationales à l'instar de l'ONU et de l'UA.
L'étude des causes des crises sociopolitiques en
Afrique conduit cette recherche à trouver son remède sur le plan
international. En effet, parmi les origines des crises sociopolitiques en
Afrique, l'ingérence des puissances étrangères joue un
rôle important. C'est d'ailleurs ce qui justifie l'intérêt
des puissances étrangères pour l'Afrique. Pour le Professeur
Domba Jean-Marc PALM147, « les empires coloniaux
constituaient des facteurs de puissance décisifs
»148.
La dynamique de la quête des intérêts dans
le système international entrave beaucoup la mobilisation internationale
dans la lutte contre les crises sociopolitiques en Afrique. Dès lors il
convient de penser à des politiques pouvant permettre les Etats
d'Afrique de pouvoir vivre d'une part leurs indépendances et d'autre
part de respecter vivement les principes émis au niveau
international.
146 WIEDER Thomas, « Aux racines de l'identité
nationale », Le Monde, 2009, consulté en ligne le 13
décembre
2021 sur
https://www.lemonde.fr/politique/article/2009/11/06/aux-racines-de-l-identite- nationale_1263699_823448.html
147 Historien, Institut des Sciences des
Sociétés, Centre National de la recherche Scientifique et
Technologique, Ouagadougou
148 Cité par BATCHANA Essohana, histoire politique de
l'Afrique contemporaine, Cours de Master sciences politiques, Université
de Kara, 2021
72
La participation des Etats africains dans les grandes
instances internationales telles que l'ONU, est en principe en dépit de
leur souveraineté internationale, un moyen pouvant empêcher ces
crises qui sont très souvent le fruit de la volonté des
dirigeants voulant perdurer au pouvoir et ce, de façon
inconstitutionnel. Le respect de la démocratie et des principes de bonne
gouvernance doit être imposé par les instances internationales aux
Etats africains afin de pouvoir limiter des cas de régime
autoritaires.
Il est vrai que les organisations internationales dans leurs
politiques, promeuvent la démocratie mais les mécanismes mis en
place pour atteindre cet objectif sont insuffisants. Le conditionnement des
prêts et des aides au niveau international par le respect des normes
démocratiques est certes une avancée mais derrière ce
conditionnement, se cache des ambitions personnelles de certains Etats.
Toutefois, il importe que les organisations internationales puissent prendre
des mesures pouvant obliger d'une manière ou d'une autre les Etats au
respect des normes démocratiques. Ce fut le cas en Côte-d'Ivoire
sous le régime de Bédié, qui a été
élu Président en 1995. En effet, durant le régime
Bédié, qui a duré six ans, son gouvernement a souffert
d'accusations de corruption et de mauvaise gestion qui se sont soldées
en 1998 par la suspension de leur aide économique par le Fonds
Monétaire Internationale, la Banque Mondiale et l'Union
Européenne.
Toutefois, le phénomène d'ingérence des
puissances étrangères semble constituer un
accélérateur des crises sociopolitiques. Les perspectives au
niveau international consisteront donc à dynamiser les organisations
régionales (Paragraphe 1) et ensuite renforcer les politiques de
non-ingérence des puissances étrangères (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La dynamisation des organisations
régionales
De nos jours, le monde en général et l'Afrique
de l'Ouest en particulier connaît une multiplicité de crises
sociopolitiques dues à plusieurs raisons. Comme il a été
souligné plus haut, les questions ethnique, l'héritage de la
colonisation, l'ingérence extérieure et les richesses du sous-sol
africain sont quelques-unes des raisons qui font que l'Afrique connaît
pas mal de crise.
L'analyse des crises sociopolitiques au Togo et en
Côte-d'Ivoire de 1990 jusqu'à 2020 permet de mieux
appréhender ces différents facteurs des crises sociopolitiques
dans ces Etats du continent africain. Toutefois, l'on ne peut rester les bras
croisé sans penser à des solutions pour endiguer ce
phénomène des crises sociopolitiques. C'est pourquoi il convient
dans la
73
perspective de prévention de ces crises, de penser
à la redynamisation des organisations régionales à
l'instar de la CEDEAO dont fait parties ces deux Etats.
Par-delà sa diversité humaine, ses contrastes
géographiques et ses différences économiques, l'Afrique de
l'Ouest forme une unité qui s'est construite aux plans historique et
politique. Par ailleurs, son engagement dans la gestion des crises politiques
depuis les années 1990 pose un certain nombre d'interrogation sur sa
capacité à endiguer ce phénomène.
Tel qu'il a été souligné plus haut dans
ce travail, à l'origine, la CEDEAO avait une vocation
d'intégration à base économique mais les dangers et les
changements de la vie de ses membres l'ont amenée presque sans
préparation, dans la gestion de la sécurité collective.
Son intervention dans quatre pays (Liberia, Sierra Leone, Guinée-Bissau
et Côte d`ivoire) a surpassé la théorie. Les leçons
de ces différentes actions doivent convenablement être retenues
pour instaurer une « Pax West Africana » dans cette région
troublée. Pour le cas ivoirien, les leçons retenues vont de la
mauvaise organisation au manque de financement en passant par le manque de
logistique et d'expérience des « casques verts » de la CEDEAO.
C'est à ce juste titre que GBERIE et ADDO que cite Lucien
Nadieline149 sont obligé d'affirmer que:
« It is apparent that there was a lack of strategic
support to deployment of the forces. The problem started with the advance
party, which deployed at very short notice, and had to rely on French for
mobility and support. There was also a very long period of waiting before the
first troops hit the ground. The force commander had to use his own initiative,
his own knowledge of the country and his own acquaintance to get things moving.
Even so, it took more than 100 days to set up basic force headquarters. When
the main body of detachment south deployed to Abidjan in March 2003, it had no
vehicles and no place to work 12 »150.
A la lumière des difficultés qui minent
l'organisation dans ses missions de maintien de la paix et de la promotion de
la démocratie, Mohamed Ibn Chambas affirmait dans une interview à
Afrique Relance, en 2004 :
149 NADIELINE Lucien, Le rôle de la CEDEAO dans la
résolution des conflits en Afrique de l'ouest, mémoire de master
2 en coopération internationale, Université Assane seck de
ziguinchor, 2016
150 Il est évident qu'il y avait un manque d'appui
stratégique au déploiement des forces. Le problème a
commencé avec le parti d'avance, qui a déployé à
très court préavis, et a dû compter sur le français
pour la mobilité et le soutien. Il y avait aussi une très longue
période d'attente avant que les premières troupes ne
n'atterrissent. Le commandant de la force devait utiliser sa propre initiative,
sa propre connaissance du pays et sa propre connaissance pour faire marcher les
choses. Même s'il a fallu plus de 100 jours pour mettre en place le
siège de la force de base. Lorsque le corps principal du
détachement sud a déployé à Abidjan en mars de
2003, il n'avait aucun véhicule et aucun endroit pour travailler.
Traduit par Lucien Nadieline, Op.cit.
74
« nous devons mener une action plus préventive,
anticiper et mettre en place des systèmes d'alerte rapide. Nous
renforçons nos capacités dans ce domaine. Nous disposons
maintenant de quatre bureaux régionaux, d'observatoires, qui sont
censés faire des analyses plus approfondies de la situation dans les
pays couverts par chaque bureau (...) Nous utilisons aussi le mécanisme
que constituent nos réunions de chefs d'Etat pour voir comment ils
peuvent se parler en toute franchise pour empêcher que les situations ne
dégénèrent. Malheureusement, nous n'avons pas fait preuve
de courage et de détermination nécessaires pour intervenir au
moment opportun afin d'empêcher les situations de crise d'empirer
»151.
La lutte contre les crises sociopolitiques en Afrique de
l'Ouest doit également passer par le respect des textes qui
régissent la communauté sous régionale. En effet, si les
principes démocratiques édictés par l'organisme sont
respectés, plusieurs évènements peuvent être
évités. C'est d'ailleurs pour cette raison que la
communauté s'est dotée d'un protocole sur la démocratie et
la bonne gouvernance. Toutefois, l'absence d'un organe pouvant obliger les
Etats parties au respect de ces textes reste un défi.
La volonté d'agir et la détermination à
faire respecter les textes normatifs dont l'organisation s'est dotée ne
suffisent pas pour espérer apporter une contribution décisive
à la recherche d'une paix et d'une stabilité durables dans des
contextes extraordinairement difficiles. Pour certains chercheurs tel que le
docteur Gilles Olakounlé Yabi:
« les missions de bons offices, la mise en contribution
de membres du Groupe de sages ou d'anciens chefs d'Etat pour convaincre des
présidents en exercice arrivés au pouvoir par des
élections démocratiques ou non de respecter la Constitution de
leur pays ou les engagements pris devant leurs citoyens et la suspension des
Etats retors des instances de l'organisation n'ont que peu de chances d'aider
des pays comme la Guinée-Bissau, la Guinée et quelques autres
dans la région à sortir de la trappe de l'instabilité, de
la militarisation, de la pauvreté et de la faiblesse des institutions
»152.
Contrairement à cette affirmation, il faut
néanmoins reconnaître que ces mécanismes mentionnés
connaissent très souvent des réussites et qu'il faut appuyer avec
d'autres mécanismes. L'appui de l'organisation dans les actions
politiques de ses pays membre demande à mettre une rigueur et un esprit
d'impartialité aux différentes parties. Dans ce sens,
151 Cité par BAPIDI- MBON Didier Parfait, La CEDEAO
dans la crise ivoirienne: 2002- 2007, mémoire de Master 2 en Science
politique, Université Jean Moulin Lyon 3, 2010
152 YABI Olakounlé Gilles, Le Rôle de la
CEDEAO dans la Gestion des Crises Politiques et des Conflits: Cas de la
Guinée et de la Guinée Bissau, Abuja, Nigeria, FES,
septembre 2010 consulté en ligne le 11 décembre 2021 sur
https://library.fes.de/pdf-files/bueros/nigeria/07449.pdf
75
« la tendance actuelle qui consiste à observer
et à faire superviser les élections par des acteurs locaux et
internationaux a joué un rôle important dans le renforcement de la
crédibilité et de la transparence des processus électoraux
»153. Toutefois, comme il a été
souligné plus haut, la pratique a surpassé la théorie.
Sur le plan économique, la précarité des
moyens économiques ne favorise pas l'atteinte des objectifs que
l'organisme s'est fixé et par conséquent, cela lui plonge dans
une dépendance financière vis-à-vis des partenaires
extérieures.
Mis à part les limites dont fait cas la CEDEAO et dont
certaines perspectives ont été abordées, il importe de
souligner le rôle important de l'UA dans la lutte contre les crises
politiques en Afrique. Sa passivité et ses positions ambiguës face
aux crises politiques en Afrique demande des réflexions. En effet, pour
éviter l'inaction, il serait très important que le
Président de la Commission intervienne très rapidement au
lendemain de l'éclatement des crises afin d'affirmer la position de
l'organisation. Le silence parfois des organisations régionales sur des
violations des principes démocratiques perpétue ces
phénomènes de coup d'Etat et de fraude électorale qui
entraîne des crises sans fin.
Paragraphe 2 : Le renforcement des politiques de
non-ingérence des puissances étrangères
« Et pourtant, sans émancipation politique et
stratégique, le continent noir ne peut ni construire, ni
préserver sa sécurité. Cette pré-condition est
d'autant plus nécessaire qu'un examen du fonctionnement des Etats
africains montre une dépendance stratégique et politique qui
trahit leur extraversion »154.
Les années 1960 ont constitué pour la plupart
des Etats africains, l'occasion d'accéder à leur
indépendance et de jouir de la souveraineté internationale.
Toutefois la volonté des puissances coloniales ayant toujours
été celle d'avoir la main mise entraîne de profondes
confrontations dans la politique interne de ces Etats. Depuis les
indépendances à nos jours, une forte présence de la
politique des puissances étrangères est notée dans les
affaires internes des pays africains. Ceci se traduit par cette
ingérence occidentale dans le processus de prise de décisions. En
d'autres termes ces Etats ne sont pas souvent libres dans la prise de
décision.
153 Rapport du groupe des sages de l'UA : « Les conflits
et la violence politique résultant des élections »,
international peace institut, décembre 2012 consulté en
ligne sur
https://www.ipinst.org/wp-content/uploads/2010/07/pdfs_les-conflits-electoraux.pdf
154 NADIELINE Lucien, Op.cit.
76
C'est pourquoi les processus électoraux en Afrique
subissent de plein fouet l'influence externe.
L'ingérence extérieure a toujours
été perçue comme un facteur des crises sociopolitiques en
Afrique. Les politiques des puissances coloniales telles que la France
continuent de nos jours à imposer le continent une façon de
faire. Cette façon de faire conduit à s'interroger sur
l'indépendance des Etats africains et leur capacité à
gérer les crises qui naissent en leur sein.
Pour pallier à ce phénomène, une analyse
sur la non-ingérence des puissances étrangères
s'avère donc nécessaire afin de combler les études
menées en ce sens.
Plusieurs faits démontrent la dépendance des
Etats africains précisément le Togo et la Côte-d'Ivoire
vis-à-vis des puissances étrangères. Tout d'abord, le fait
économique dont la problématique de la monnaie est encore
d'actualité, le fait politique dans le cadre de l'organisation des
élections et les aides financières dont la compréhension
reste ambiguë. Tous ces éléments tendent à remettre
en cause l'indépendance de ces Etats. A ce propos, affirmait Lucien
Nadieline, « Comment les africains peuvent-ils parler de
l'indépendance ou de la souveraineté s'ils continuent à
être soumis pour ne pas dire assujettis aux lois occidentales
»155. Pour sa part, Alain F. Tedom soulignait que «
les liens amicaux très étroits qui lient les gouvernements
occidentaux à certains dirigeants africains sont un facteur structurant
du déficit démocratique du continent et donc de sa
vulnérabilité face aux conflits »156.
La propension des grandes puissances à gérer les
crises politiques selon leurs intérêts économiques,
géopolitiques et/ou stratégiques est le constat qui est fait
selon les analyses. En Libye par exemple, les pays occidentaux ont
préféré reconnaître le Conseil National de
Transition et contribuer à la chute de Mouammar Kadhafi parce que ce
dernier leur avait fermé la porte à l'exploitation du
pétrole libyen. La crise n'a pas totalement pris fin quand d'importants
contrats pétroliers ont été signés avec le CNT,
permettant entre autres aux Français et aux Britanniques d'exploiter le
pétrole libyen. Cette tendance empêche un respect scrupuleux du
chapitre VIII de la charte des Nations Unies.
La lutte contre les crises sociopolitiques en Afrique peut
également résulter de la coopération en tant que
partenaire entre les Etats africains et les puissances
étrangères. Les
155 NADIELINE Lucien, Op.cit.
156 Cité par NADIELINE Lucien, Op.cit.
77
aides accordées aux Etats africains sont très
souvent conditionnées par des contrats d'exploitation des ressources
naturelles africaines et bien entendu cela entraîne un appauvrissement
des couches subalternes.
78
CONCLUSION GENERALE
79
Partout dans le monde et particulièrement en Afrique,
les crises sociopolitiques occupent progressivement une place au coeur de la
vie politique depuis le déclenchement de la deuxième vague de la
démocratie au début des années 1990. En effet, trente ans
après l'accession à la souveraineté, les Etats africains
se sont confrontés à de multiples crises sociopolitiques qui non
seulement ont engendré de nombreuses pertes en vies humaines mais aussi
ont ralenti leur développement. Selon Freedom House, au cours des
dernières années, l'Afrique subsaharienne est classée
comme la région la plus politiquement fragile, avec de grandes
percées démocratiques dans certains pays, les coups d'Etat, la
guerre civile et la répression autoritaire dans d'autres. Le pluralisme
politique par exemple a favorisé l'organisation régulière
des élections sous la base d'un jeu compétitif; mais très
souvent il est source de crise. Alors que la région a connu plusieurs
gains importants, en particulier en Afrique occidentale, les conflits civils et
l'émergence de groupes islamistes violents empêchent une mise
à niveau globale de la liberté politique. Le
phénomène des crises sociopolitiques en Afrique de l'ouest et
particulièrement au Togo et en Côte-d'Ivoire n'est pas un
évènement nouveau. A partir de 1990 jusqu'à 2020, ces pays
ont vécu de multiples crises sociopolitiques aux multiples facettes qui
ont entraîné de nombreuses conséquences tant sur le plan
interne que sur le plan international. L'engagement des organisations sous
régionales à l'instar de la CEDEAO a été un acquis
pour la promotion de la paix et de la sécurité sous
régional. Cette recherche est complexe en raison des conséquences
liées à l'étude d'un tel sujet. Toutefois, cela ne
constitue pas une excuse aux résultats que nous sommes parvenus.
Cette recherche sur l'analyse des crises sociopolitiques dans
l'espace CEDEAO de 1990 à 2020 : cas du Togo et de la
Côte-d'Ivoire nous a emmené à nous poser la question
principale suivante : comment appréhender les crises sociopolitiques au
Togo et en Côte-d'Ivoire entre 1990 et 2020 ? Tout au long de cette
recherche, nous avons analysé les causes, les conséquences et les
approches de solutions des crises sociopolitiques togolaise et ivoirienne de
1990 à 2020. Face à cette interrogation, il ressort que les
crises sociopolitiques au Togo et en Côte d'Ivoire entre 1990 et 2020
s'appréhendent à plusieurs niveaux à savoir leur
sociologie, leurs conséquences et les approches de solutions.
D'abord au plan sociologique, d'une part, plusieurs facteurs
permettent d'expliquer la recrudescence des crises sociopolitiques dans ces
deux pays ; d'autre part, la CEDEAO a joué un rôle important
même si certaines de ses actions ont été remises en causes.
En effet, au titre
80
de ces facteurs, nous avons distingué les facteurs
endogènes et les facteurs exogènes. L'analyse des facteurs
endogènes nous a fait comprendre que les crises sociopolitiques dans ces
deux pays sont dues à l'héritage de la colonisation qui
pèse sur eux et également l'instrumentalisation politique de
l'ethnie qui crée des crises identitaires lors des processus
électoraux. Quant aux facteurs exogènes, nous avons
examiné le rôle très important que les matières
premières et les ingérences extérieures ont joué.
Il faut souligner que l'analyse documentaire ainsi que la sociohistoire nous a
permis d'analyser les crises qui ont eu lieu dans les deux pays de 1990
jusqu'à 2020. Le rôle joué par la CEDEAO dans ces crises
est le fruit de sa politique de sécurité collective qui lui
permet d'intervenir dans ses pays membres qui seraient en crise.
Ensuite, quant aux conséquences, nous avons
relevé une multitude tant au plan interne qu'au plan international. Au
plan interne, nous avons relevé les impacts tant sur le plan
socio-économique, que sur le plan politique. L'atteinte aux efforts
démocratiques et aussi l'enracinement des régimes dictatoriaux
constituent en sont quelques illustrations au plan politique et social. Sur le
plan économique, les crises sociopolitiques ne favorisent pas le
développement économique des pays.
Enfin, quelques approches de solution permettent
d'éviter la recrudescence de ces crises. Au titre de ces solutions, nous
retenons qu'au vu des différentes causes que nous avons analysé,
il convient de proposer des solutions tant au plan national qu'au plan
international. Au plan national, il nous proposons la promotion des valeurs
démocratiques et la suppression des barrières identitaires qui
constituent des éléments importants de la cohésion sociale
et du respect des lois. Au plan international, il convient de dynamiser les
organisations régionales et renforcer les politiques de
non-ingérence des puissances étrangères.
Cette recherche est le fruit de trente ans d'histoire
politique du Togo et de la Côte-d'Ivoire; au vu de ce qui a
été relevé ici et là, l'on est emmené
à dire comme pour reprendre les propos de René Dumont, que
l'Afrique noire est mal partie. Les solutions proposées dans ce travail
mérite que les hommes politiques y prêtent beaucoup attention afin
d'éviter que de tels phénomènes se répètent
car elles répondent bien à nos hypothèses. .
La mauvaise gouvernance n'a pas été
mentionnée de façon directe ; toutefois, il faut noter qu'elle a
été et continue d'être un facteur capital de survenance des
crises sociopolitiques.
81
Les conclusions auxquelles nous sommes arrivés, sont de
mêmes susceptibles de modifications afin de s'approcher plus de
l'idéal. Les ajouts ou des retraits de notre travail, dans le but de le
rendre plus avéré et parfait, paraissent à notre avis
assurés. N'est-ce pas une manière de s'inscrire dans la
dialectique d'ANTOINE de Saint Exupéry quand il défend qu' «
il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à
ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher »157
?
157 LATOUR Christian, Manuel de gestion-réflexion,
consulté en ligne le 24 février 2022 à l'adresse
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régional », consulté en ligne sur
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89
TABLE DES MATIERES
90
AVERTISSEMENT 1
DEDICACE 2
REMERCIEMENTS 3
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS 4
SOMMAIRE 5
RESUME : 6
INTRODUCTION 7
PREMIERE PARTIE : ETUDE SOCIOLOGIQUE DES CRISES
SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN CÔTE D'IVOIRE DE 1990 A 2020 17
CHAPITRE I : LES ORIGINES DES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU
TOGO ET
EN COTE-D'IVOIRE 20
SECTION 1 : LES FONDEMENTS ENDOGENES 21
Paragraphe 1 : l'héritage de la colonisation
21
Paragraphe 2 : l'instrumentalisation politique de
l'ethnie 24
SECTION 2 : LES FONDEMENTS EXOGENES 28
Paragraphe 1 : Le rôle des matières
premières 29
Paragraphe 2 : les ingérences extérieures
31
CHAPITRE 2 : LES CRISES SOCIOPOLITIQUES AU TOGO ET EN
COTE-
D'IVOIRE ET L'IMPLICATION DE LA CEDEAO 34
SECTION 1 : LA SOCIOGENESE DES CRISES TOGOLAISES ET
IVOIRIENNES 35
Paragraphe 1 : Des crises togolaises 35
Paragraphe 2 : Des crises ivoiriennes 39
SECTION 2 : LA NECESSAIRE IMPLICATION DE LA CEDEAO
43
Paragraphe 1 : La sécurité collective au
sein de la CEDEAO 44
Paragraphe 2 : Les actions de la CEDEAO dans la
résolution des crises togolaises
et ivoiriennes 47
91
DEUXIEME PARTIE : DES CONSEQUENCES AUX APPROCHES DE
SOLUTIONS
52
CHAPITRE 1 : LES CONSEQUENCES DES CRISES TOGOLAISES
ET
IVOIRIENNES DE 1990 A 2020 55
SECTION 1 : ANALYSE DES CONSEQUENCES INTERNES DES
CRISES
SOCIOPOLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNES DE 1990
à 2020 55
Paragraphe L'impact des crises sur le plan
socio-économique 55
Paragraphe 2 : Évaluation des effets des crises
sur le plan politique 57
SECTION 2 : ANALYSE DES CONSEQUENCES EXTERNES DES
INSTABILITES POLITIQUES TOGOLAISES ET IVOIRIENNE DE 1990-2020 60
Paragraphe 1 : L'impact au niveau sous régional
60
Paragraphe 2 : Les revers sur l'échiquier
international 63
CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES DE SOLUTIONS AUX
CRISES
SOCIOPOLITIQUES 64
SECTION 1 : LES PERSPECTIVES NATIONALES 65
Paragraphe 1 : La promotion des valeurs
démocratiques 65
Paragraphe 2 : La suppression des barrières
identitaires et des clichés
régionalistes 69
SECTION 2 : LES PERSPECTIVES INTERNATIONALES
71
Paragraphe 1 : La dynamisation des organisations
régionales 72
Paragraphe 2 : Le renforcement des politiques de
non-ingérence des puissances
étrangères 75
CONCLUSION GENERALE 78
BIBLIOGRAPHIE 82
TABLE DES MATIERES 89
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