I.2. Facteurs (causes) et conséquences
2.1.Facteurs des conflits intercommunautaires à
Fizi
a. La transhumance
La transhumance c'est le déplacement du bétail
d'un lieu vers un autre à la recherche du pâturage. Ce mouvement
constitue cependant un problème dans le territoire de Fizi où,
deux communautés qui sont dans le même territoire et dans le
même pays, mais qui se trouvent différemment adaptées du
point de vue mode de vie. La survie de Babembe dépendant de leurs
activités agricoles entreprises, contrairement aux Banyamulenge dont la
survie dépend de l'élevage qu'ils développent.
Le noeud du problème réside au niveau du
déplacement du bétail par les Banyamulenge à la recherche
du pâturage. Les Bembe étant sédentairement des
agriculteurs, alors que les Banyamulenge sont naturellement des
éleveurs, souvent envahisseurs d'espaces et nomades. Ce
déplacement du bétail des banyamulenge conduit leurs vaches
à ravager et détruire les champs des agriculteurs Bembe, ce qui
conduit ces derniers à développer des mécanismes de
réponse conduisant l'extermination du bétail des Banyamulenge, et
c'est là le début d'un cycle de violence entre ces
communautés.
69 Entretien organisé avec un membre
représentant la mutualité Banyamulenge dans le Barza
intercommunautaire du Sud-Kivu à Bukavu, le 13/11/2020
70 Propos du représentant de la
mutualité de Babembe dans le Barza intercommunautaire du Sud-Kivu,
recueillis lors d'un entretien organisé à Bukavu, le
13/11/2020
39
b. La revendication territoriale
Ce facteur est parmi les principaux facteurs
évoqués dans l'alimentation des conflits intercommunautaires
à Fizi, a en croire une source de la mutualité Babembe
interviewé lors nos recherches qui a requis l'anonymat, estimant que
« les banyamulenge cherchent un espace car ils ont cette tendance de dire
qu'ils voulaient avoir une partie du sol leur appartenant, en oubliant que les
propriétaires foncier du territoire de Fizi ce sont les Babembe dans la
majorité des groupements »71
L'érection de Minembwe en commune rurale (en 2016), la
récente installation des animateurs de cette commune (en 2020) et les
réactions qui s'en est suivi d'abord au conseil des ministres,
conduisant à la suspension par le président de la
république du procès-verbal de l'installation des animateurs de
cette nouvelle commune rurale ; en suite à l'assemblée nationale,
avec l'interpellation du Ministre de la décentralisation et des affaires
coutumières fils de la commune à problème et membre de la
communauté Banyamulenge, et en fin à l'assemblée
provinciale du Sud-Kivu, avec l'interpellation du ministre provincial de
l'intérieur, montre toute la pertinence de cette question dans la
dynamique de ce conflit.
c. L'identité
Autant que la transhumance, la revendication territoriale ou
le foncier, l'identité constitue également un facteur très
capital dans la dynamique des conflits intercommunautaires entre les
banyamulenge et le Babembe à Fizi. Au tour de leurs identités les
milices se créent, les violences et les massacres se font de part et
d'autres.
Ici, les Babembe ont du mal à accepter les banyamulenge
comme étant des congolais parlant la langue rwandaise, plusieurs d'entre
les Babembe conçoivent les Banyamulenge comme étant des
réfugiés Rwandais vivant au Congo. Dans un entretien
organisé à ce sujet, un membre de la mutualité de Babembe
souligne que : « chez nous à Fizi, il n'y a pas des
Banyamulenge,...le kinyamulenge (Banyamulenge) n'existe pas à Fizi, il
n'y a que le Kinyarwanda (Banyarwanda),...il y a plutôt des
réfugiés rwandais qui sont utilisés par le pouvoir du
Rwanda pour nous déstabiliser »72, ces propos prouvent
à suffisance la considération qu'a le problème de
l'identité dans la dynamique de ces conflits, ce qui pousse les
Banyamulenge à dire que l'un des principaux facteurs de ce conflits,
c'est l'inacceptation mutuelle, comme nous le verrons ici-bas.
71 Propos recueillis lors d'un entretien
organisé avec un membre du mutuel des Babembe à Bukavu, le
13/11/2020
72 Ibidem
40
d. L'inacceptation mutuelle
Tout comme le foncier, la transhumance, l'identité,
l'inacceptation mutuelle constitue également un facteur capital dans la
dynamique des conflits entre les Banyamulenge et les Babembe à Fizi, ce
qui constitue une menace terrible à la cohabitation entre ces
communautés qui sont désormais appelées à vivre
ensemble pour toujours.
Dans un entretien organisé avec un membre de la
communauté banyamulenge, l'interviewé postule à ce sujet
que : « le principal facteur c'est d'abord l'inacceptation mutuelle,
c'est-à-dire, ils ne s'acceptent pas et vous pouvez même en guise
d'exemple, voir sur les réseaux sociaux comment les Babembe
déclarent, ils n'acceptent pas aussi la cohabitation et c'est de cette
façon que ça crée la violence.»73
e. La manipulation politicienne
En quête du positionnement politique au niveau
provincial, national et international, les leaders politiques de tout bord
utilisent abusivement leurs moyens, leurs pouvoir et leur position pour
manipuler certains jeunes et les leaders communautaires et coutumiers de ces
communautés dans le but de tirer profit dans ces conflits et de
déstabiliser la zone pour des raisons qu'eux-mêmes connaissent.
Toutes les personnes avec lesquelles nous nous sommes
entretenus, soutiennent que les politiciens jouent un rôle très
important dans le financement des milices tribales au travers desquelles ils
tirent des avantages fiscaux et politiques d'une façon directe ou
indirecte.
Tableau n°2 : Conception des
enquêtés sur les facteurs des conflits intercommunautaires
à Fizi.
Paramètres
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Identité
|
20
|
25
|
Inacceptation mutuelle
|
22
|
27.5
|
Foncier
|
17
|
21.25
|
Transhumance
|
21
|
26.25
|
Autre
|
0
|
0
|
Total
|
80
|
100
|
Source : Notre enquête à Bukavu,
2020
Commentaire : il ressort de ce tableau que le
facteur principal qui alimente les conflits intercommunautaires entre les
Banyamulenge et les Babembe à Fizi, c'est l'inacceptation
73 Entretien organisé avec un membre de la
communauté Banyamulenge à Bukavu
41
mutuelle entre les membres de ces deux communautés
soeurs avec un score de 27.5% ; mais il faut noter aussi le rôle
important joué par ces autres facteurs comme la transhumance 26.25%,
l'identité 25% et le foncier 21.25%.
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