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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé au Burkina Faso.


par Issa SOMBIE
Université de Ouagadougou - Master en Population et Santé 2006
  

Disponible en mode multipage

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Par Issa

Email :

Université de Ouagadougou

Institut Supérieur des Sciences de la Population
Master- Population et Santé

Année académique 2005-2006

Mémoire

Thème :

 
 

Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

Sous la direction

SOMBIE Pr. Dieudonné OUEDRAOGO
sombiss@yahoo.fr

 
 
 
 

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

REMERCIEMENTS

Mon père n'a eu cesse de me répéter, à chaque fois que je recevais un présent sans dire mot en retour, ceci : « Fais un effort de ne jamais oublier de dire merci quel que soit ce que l'on te fait car dire merci est un signe de reconnaissance des efforts des autres mais aussi et surtout une marque de distinction ».

Conscient que l'aboutissement de ce travail n'a été possible que grâce à l'assistance de nombre de bonnes volontés, je me fais l'obligation de témoigner ma sincère gratitude à : - Pr. Dieudonné OUEDRAOGO. En votre qualité de Directeur de l'ISSP, vous avez su faire preuve d'une grande compréhension à mon égard, toute chose qui m'a permis de participer à cette formation. En tant que Directeur académique, j'ai appris beaucoup à vos côtés. En effet, votre parfaite maîtrise des questions relevant des politiques publiques, votre rigueur méthodologique et enfin, votre démarche pédagogique empreinte de respect et de considération est autant de vos qualités que je ne cesserai de louer.

- La coordination du Master et l'ensemble du corps professoral pour la qualité des enseignements reçus.

- Valéry RIDDE de l'Université de Montréal, pour ses conseils et orientations. Aussi, il ne s'est lassé à me faire parvenir des documents pour une meilleure maîtrise de mon thème. - Le coordonnateur de la CADSS et l'ensemble de ses collaborateurs pour avoir accepté de nous compter parmi eux durant les deux mois qu'a duré mon stage.

- Dr Abel BICABA pour sa remarquable disponibilité et ses orientations intelligentes. - Dr Issiaka SOMBIE, mon frère ainé qui m'a fraternellement apporté son concours financier, affectif et académique.

- Mes collègues étudiants de la première cohorte, nous avons ensemble passé une année à apprendre. Sachez que les discussions, les commentaires que nous avons eu, m'ont permis de forger davantage mon esprit critique.

- Toutes les personnes qui ont accepté de participer à ce travail à travers diverses formes d'assistance.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

TABLE DES MATIERES

1. Introduction 7

1.1 Justification du stage 7

1 .2 Contexte de l'étude 8

1.3 Le système de santé actuel 10

1.3.1 La structure 11

1.3.2 L'organisation administrative 12

1.4 Problématique 13

1. 4.1 Questions de recherche 16

1.4.2 Objectifs de l'étude 16

1.4.3 Hypothèses 17

2. Revue de littérature 17

3. Méthodologie 21

3.1 La décentralisation du système de santé, une politique publique 21

3.2 Définition de quelques concepts 22

3.3 La méthode par hypothèse 23

3.4 Population d'étude et échantillonnage 26

3.5 Sources de données et méthodes d'analyse 26

3.6 Les limites de l'étude 27

4. Présentation des résultats 24

4.1 Du niveau de décentralisation des districts 24

4.1.1 La pluralité 24

4.1.2 La dispersion 26

4.1.3 La spécialisation 26

4.1.4 La sensibilité 26

4.1.5 L'aplatissement 27

4.1.6 La délégation 27

4.1.7 La participation des populations aux décisions courantes 28

4.1.8 La participation des populations aux décisions reconfigurantes 29

4.1.9 Commentaire 30

4.2 Facteurs d'influence de la mise en oeuvre 31

4.2.1 Les contenus de la politique et la réaction des acteurs 31

4.2.2 Des stratégies non expérimentées 33

4.2.3 Contexte politique et social 34

4.2.4 Jeu d'intérêts et logiques d'intervention des acteurs 37

5. DISCUSSION et recomandations 43

5.1 Discussion 43

5.1.1 Le débat, un préalable nécessaire 43

5.1.2 Une vision étriquée de l'accessibilité 44

5.1.3 Décentraliser pour qui ? 44

5.1.4 Une politique en panne d'évaluation 46

5.1.5 La question des ressources humaines reste posée 47

5.1.6 Décentralisation et équité 48

5.1.8 La décentralisation, une question d'approche au changement 49

5.1.9 Ce qui marche 51

5.2 Recommandations 52

6. Conclusion 55

Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Tableau 1 : Tendance de quelques indicateurs de santé 10

Tableau 2 : Les dix logiques repérées 18

Tableau 3 : la décentralisation sanitaire : une politique publique 22

Tableau 4 : Echantillon de l'étude 26

Tableau 5 : Situation du personnel au CMA 25

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Figure 1 : Cadre d'analyse de la mise en oeuvre d'une politique de santé 25

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

SIGLES ET ABREVIATIONS

ICP : Infirmier Chef de Poste

CMA : Centre Médical avec Antenne chirurgicale

MCD : Médecin Chef de District

ECD : Equipe Cadre de District

CoGes : Comité de Gestion

CSD : Conseil de Santé de District

CSPS : Centre de Santé et de Promotion Sociale

CHR : Centre Hospitalier Régional

CADSS : Cellule d'Appui à la Décentralisation du Système de Santé

CHN : Centre Hospitalier National

PNDS : Programme de National de Développement Sanitaire

DRS : Direction Régionale de la Santé

INSD : Institut National de la Statistique et de la Démographie

MBDHP : Mouvement Burkinabé des Droits de l'homme et du peuple

IB : Initiative de Bamako

UIDH : Union Interafricaine des Droits de l'Homme

ONG : Organisation Non Gouvernementale

PDSN : Projet de Développement Santé et Nutrition

PADS : Projet d'Appui aux Districts Sanitaires

PRSS : Programme de renforcement des Structures Sanitaires

MATD : Ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation

MFB : Ministère de Finances et du Budget

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

1. INTRODUCTION

1.1 Justification du stage

Depuis la rentrée académique 2005-2006, l'université de Ouagadougou à travers l'Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP) a initié un programme de formation sur les questions de population et santé avec pour objectifs de disposer pour la sous région en cadres à même d'analyser les problèmes de population et santé, formuler des politiques, mettre en oeuvre les programmes issus de ces politiques, faire également les suivis et les évaluations y afférentes. Cette formation accorde une importance en analyse des politiques en dotant les étudiants de compétences pour leur permettre non seulement d'adresser des critiques aux programmes formulées mais aussi de faire des recommandations réalistes et pertinentes dans l'optique d'une meilleure amélioration tant dans l'élaboration que dans la mise en oeuvre des politiques. A ce titre la formation vient à point nommé vu que les déficits dans l'identification des priorités, la détermination des d'objectifs, le choix des instruments et stratégies, tous éléments préalables à la formulation des politiques sociales, restent une réalité palpable dans les pays de l'Afrique subsaharienne. Nous avons eu la chance de faire partie de la première cohorte de cette formation inédite dont la fin est sanctionnée par un stage autour d'un thème en rapport avec les questions de populations et santé.

C'est ainsi que nous avons sollicité et obtenu un stage au sein de Cellule d'Appui à la Décentralisation du Système de Santé (CADSS). Cette structure est logée au niveau du secrétariat général du ministère de la santé avec pour mission de suivre, d'évaluer et d'orienter la mise en oeuvre de la politique de décentralisation du système de santé. Notre séjour à la CADSS nous a permis non seulement d'accéder à certaines données mais aussi et surtout faciliter notre contact avec des personnes ressources et d'autres structures partenaires. Nous y avons passé six semaines.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

1 .2 Contexte de l'étude

Le Burkina Faso a entrepris depuis les années 1980, une réforme de son système de santé sous l'inspiration de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et l'impulsion de la Banque Mondiale. Après la conférence de Alma Ata tenue en 1978, le Burkina Faso, à l'instar de nombre pays du continent, a ratifié la charte de développement sanitaire de la région africaine d'ici l'an 2000, qui était fondée essentiellement sur les soins de santé primaires comme stratégie pour atteindre l'objectif de la «santé pour tous d'ici l'an 2000 ».

De nombreuses autres initiatives ont été développées sur le continent pour impulser une véritable dynamique à la promotion de la santé. On peut citer la conférence de Lusaka (Zambie) en 1985, celle de Harare (Zimbabwe) en 1987 et enfin celle de Bamako(Mali) en 1987. Le Burkina Faso a participé à toutes ces conférences et a adhéré à toutes les résolutions qui y ont été prises. En 1992, un atelier national sur le renforcement des sons de santé primaires s'est tenu à Bobo Dioulasso, avec pour but la définition des orientations générales de la politique nationale en la matière. Ce fut le début de la mise en application de l'Initiative de Bamako. C'est en ce moment que le système de santé a connu une restructuration avec une pyramide à quatre niveaux : les CSPS (Centre de Santé et de Promotion Sociale), le Centre Médical avec Antenne Chirurgicale(CMA), le Centre Hospitalier Régional(CHR), le Centre Hospitalier National(CHN). Sur le plan administratif, le système de santé comprend trois niveaux : le niveau central, le niveau intermédiaire avec les Directions Régionales de la Santé et enfin les districts sanitaires. Depuis 1994, en ce qui concerne les districts, les efforts convergent vers l'opérationnalisation de ces entités par la construction d'infrastructures, d'équipement, de renforcement des capacités des acteurs, d'une mise en place de structures d'appui.

Aussi, afin de disposer d'un cadre de référence pour toutes les interventions dans le domaine de la santé, le gouvernement a adopté en 2000 la première politique nationale de santé de son histoire. Pour donner effet à cette politique, un plan national de développement sanitaire (PNDS) a été élaboré pour la période 2001-2010. Le PNSD qui poursuit 8 objectifs et 22 objectifs spécifiques, a été adopté en juillet 2001. Pour faciliter sa mise en oeuvre, des plans triennaux sont

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

élaborés régulièrement. Au moment où nous rédigeons ce document, le PNDS vient de boucler son premier plan triennal. Le rapport d'évaluation mentionne que « on peut conclure que le PNDS a obtenu d'importants résultats en matière de réforme du secteur de la santé et de l'amélioration de certains indicateurs de santé. Un des résultats probants est l'extension géographique de la couverture sanitaire à travers la normalisation1 de 65% des dispensaires et maternités. L'amélioration de l'accessibilité financière n'est pas clairement documenté par le PNDS » (Ministère de la santé, 2005).

La communalisation intégrale est de nos jours une réalité au Burkina. En effet, le processus entamé en 1992 avec les premières élections municipales qui avaient consacré 45 localités en commune, s'est poursuivi avec la division du territoire en 13 régions avec chacune à sa tête un gouverneur ; 305 communes rurales ont été crées ainsi des conseils régionaux. Le code général des collectivités territoriale en ses articles 7 et 13 précise que : « Le Burkina Faso est organisé en collectivités territoriales. La collectivité territoriale est une subdivision du territoire dotée de la

personnalité juridique et de l'autonomie financière. Elle constitue une entité d'organisation et de

coordination du développement. Les collectivités territoriales sont : la région et la commune » . Cependant, cette avancée significative sur le chemin de la démocratie ne sera pas sans conséquence sur la décentralisation du système de santé en cours.

Au regard du niveau de quelques indicateurs de santé du moment, on note que la santé des populations tarde à s'améliorer tel que souhaitée. Les réformes mettent du temps à produire les effets escomptés. Le tableau suivant donne un aperçu sur quelques indicateurs de santé.

1 Normaliser un dispensaire ou une maternité, c'est la transformer en un CSPS qui comprend : une maternité, un dispensaire, quelques salles d'observation, un dépôt pharmaceutique, un forage, des logements pour l'infirmier et l'accoucheuse auxiliaire.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

Tableau 1 : Tendance de quelques indicateurs de santé

Indicateurs

1995

2000

2005

Prévalence de la malnutrition (pour 100)

 
 

15, 26

Taux de mortalité infantile (pour1000)

93,7

105,00

83

Taux de mortalité maternelle (pour 1000)

566

484

484

Taux de couverture prénatale (pour 100)

47, 77

61,05

79,97

Prévalence contraceptive (pour 100)

8,32

11,84

21,89

Taux d'utilisation des formations sanitaires (pour 100)

18, 17

20,56

34,08

Source : Annuaire des Statistiques de santé 2005/DEP/Ministère de la santé

La réflexion pour aboutir à un système de santé performant à même de permettre d'améliorer l'état de santé des populations s'impose. C'est dans ce sens que, nous avons choisi de travailler sur le thème: « Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso ». Nous comptons de ce fait, apporter notre modeste contribution au débat sur la réorganisation du système de santé dans l'optique de l'adapter aux besoins et aux conditions de vie des populations.

1.3 Le système de santé actuel

Dans son rapport sur la santé dans le monde de l'année 2000, l'OMS définit le système de santé comme « toutes les activités dont le but essentiel est de promouvoir, entretenir ou maintenir la santé ». (OMS 2000, p5). Ainsi, le système de santé inclut la prestation des professionnels de soins médicaux, les actions des guérisseurs traditionnels et toutes les autres formes de médication, des activités traditionnelles de santé publique comme la promotion de la santé et la prévention des maladies. D'autres actions favorables à la santé comme l'amélioration de la sécurité routière et l'environnement, les mesures de scolarisation des fillettes font également partie du système de santé. Cette définition nous semble trop englobant et ne saurait convenir à nos attentes dans le cadre de ce travail. C'est pourquoi, nous retiendrons comme définition opérationnelle la suivante « le système de soins regroupant les interventions préventives, curatives et palliatives menées par les services publics ». Le système sanitaire est structuré suivant une pyramide à quatre niveaux.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

1.3.1 La structure

L'architecture du système de santé correspond à une pyramide à quatre niveaux :

> Le Centre de Santé et de promotion Sociale (CSPS) est le niveau de soins le plus périphérique, le premier échelon de soins. Il comprend dans une enceinte un dispensaire et une maternité. Il a une capacité d'hospitalisation de 6 lits (2 au dispensaire et 4 lits à la maternité). L'effectif de son personnel est de 4 agents. Un paquet minimum d'activités a été défini pour le CSPS : la consultation curative, la consultation prénatale, celle des nourrissons sains, la planification familiale, les accouchements eutociques (qui s'effectue dans les conditions normales) et la participation communautaire. La prise en charge des maladies chroniques et la réhabilitation nutritionnelle deviennent également effectives dans les CSPS. Les patients dont les problèmes d santé ne peuvent être résolus au CSPS sont transférés au centre médical.

> Le Centre Médical (CM) est le deuxième niveau de soins. Il est le premier échelon de référence et de recours des CSPS. Il comprend des services d'hospitalisation (20lits dont 8 lits pour la maternité) et des services de soins ambulatoires. L'effectif de son personnel est de 16 agents qualifiés. Le paquet minimum d'activités du CM est le suivant : la consultation curative de référence et l'hospitalisation, les accouchements dystociques (difficiles), des activités de laboratoire et d'évaluation des services des CSPS. Il lui a été adjoint la prise en charge des urgences médico-chirurgicales (césarienne, cure de hernies, de grossesse extra-utérine, appendicectomie), d'où le changement d'appellation de Centre Médical en Centre médical avec Antenne chirurgicale (CMA). Le CMA a une capacité d'hospitalisation de 40 à 60 lits.

> Le Centre Hospitalier Régional (CHR) est le troisième niveau de soins. D'une capacité d'hospitalisation de 140 lits environ, le CHR compte un service de Médecine (40 lits), un service de Pédiatrie (30 lits), un service de Gynéco obstétrique (30 lits), un service de Chirurgie (30 lits), un service de Maladies infectieuses (8 lits) et un service de Santé mentale (2 lits). Il sert de référence et de recours aux CM., CMA et CSPS. Sa fonction est

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

donc essentiellement curative. L'effectif de son personnel est d'environ 35 agents technique

> Le Centre Hospitalier National est le niveau de soins le plus élevé. Sa vocation est de prendre en charge les patients dont le problème de santé n'a pu être résolu au niveau des échelons de soins précédents. Il est également lieu de formation des différentes catégories de personnels et de recherche.

1.3.2 L'organisation administrative

Sur le plan administratif, le système de santé comprend trois niveaux :

> Un niveau central qui est organisé autour du cabinet du ministre, du secrétariat Général, des autres directions, services et programmes nationaux. Ce niveau définit les orientations stratégiques en matière de politique nationale.

> Un niveau intermédiaire qui comprend les Directions Régionales de la Santé (DRS). Elles jouent un rôle d'appui et de coordination des différentes interventions et sont chargées de la mise en place de la politique nationale de santé à l'échelon régional. Il convient de noter que les directions provinciales de la santé (DPS) feront leur apparition dans le paysage administratif du ministère de la santé (Arrêté N 2003- 109/MS/CAB du 4 mars 2003).

> Un niveau périphérique qui est représenté par les districts sanitaires, entités opérationnelles les plus décentralisées du système. Le territoire national est découpé en 55 districts sanitaires. Le personnel de santé des CSPS et des CM est essentiellement constitué d'infirmiers et de sages femmes.

Il convient de préciser qu'à côté de cette organisation publique de système de santé, il existe de structures de soins privés à but lucratif ou non. Ce système de santé fonctionne -t-il convenablement ?

13

Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

1.4 Problématique

Dans l'univers des politiques publiques, les politiques de décentralisation occupent une place particulière en ce sens qu'elles sont encadrant d'autres politiques (Lemieux, 2001, pp7). En effet, ces politiques se caractérisant généralement par un transfert d'attributions du centre vers la périphérie ou en sens inverse sont susceptibles d'engendrer des modifications au niveau d'autres politiques déjà en place, du fait qu' elles restent des tentatives de régulation selon des normes , en réponse à des situations où se posent des problèmes publics de distribution des ressources. Cette régulation peut se faire à différents niveaux et à partir de plusieurs stratégies ou techniques.

Ramenées dans le domaine particulier de la santé, les politiques de décentralisation adoptées depuis quelques dizaines d'années par nombre de pays dont le Burkina Faso afin de faire face aux difficultés financières, organisationnelles et institutionnelles qui caractérisent le secteur de la santé, portent d' abord sur une réorganisation du ministère de la santé par une redéfinition des pouvoirs et des responsabilités des différentes instances constitutifs du ministère et ensuite par une régulation des rapports avec son environnement externe.

Depuis 1993 le ministère de la santé du Burkina Faso s'essaie à cet exercice par la privatisation des pharmacies, l'érection des nationaux et régionaux en établissements publics à caractère administratif(EPA) et la création des districts sanitaires, instances de gestion des questions de santé au niveau périphérie. L'innovation majeure introduite par cette nouvelle démarche repose sur l'autonomie de gestion qui rythme désormais les rapports entre ces différentes instances et le niveau central représenté par le ministère.

Dans le cadre du présent mémoire, les investigations se focaliseront essentiellement sur la décentralisation à travers les districts car les districts impliquent mieux et touchent directement les populations dans l'amélioration de leur santé.

Il existe plusieurs démarches analytiques dans l'étude des politiques publiques. En effet, l'approche des déterminants pose comme question de cherche principale les facteurs économiques et politiques qui conditionnent les politiques publiques. Elle explique selon Lemieux les politiques publiques par un ensemble de facteurs disposés dans une séquence, qui

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

va des conditions historiques et géographiques au comportements des élites, en passant successivement par les facteurs socio- économiques , le comportement des masses et les institutions gouvernementales. L'approche qui consiste à distinguer les étapes des politiques publiques, il s'agit d'une démarche descriptive qui s'intéresse au déroulement temporel des politiques. Considérant les acteurs comme des fins calculateurs, le modèle de l'action rationnelle fait des règles ou aménagements institutionnels du jeu des acteurs l'objet de recherche en politiques publiques. Enfin, le modèle de relation de pouvoir qui met un accent particulier sur la capacité de contrôle des ressources des différents acteurs impliqués dans une politique publique. Partant d'une typologie des ressources et considérant certaines comme « contraignants » et d' autres comme « habilitantes » , ce modèle postule que c' est grâce à des ressources utilisées à titres d' atouts que les acteurs peuvent participer aux politiques publiques et chercher à contrôler les distributions des ressources qui en sont les enjeux. Il y a contrôle de leur part quand le résultat des opérations correspondent à leurs préférences, ce contrôle se traduisant en du pouvoir, partagé ou non, par rapport à d'autres acteurs (Lemieux, 2002, pp23).Cette approche nous semble pertinente pour étudier le fonctionnement des districts sanitaires qui sont les unités les plus décentralisées du système de santé du Burkina Faso. Si les districts rencontrent des obstacles à leur fonctionnement, c'est parce que les acteurs au niveau sont dépossédés du contrôle des ressources habilitantes.

Après plus d'une décennie de la mise en oeuvre de la politique de décentralisation sanitaire, il semble opportun de s'interroger sur le fonctionnement effectif des districts sanitaires et la nature réelle des pouvoirs qui leur sont concédés.

Le discours officiel les présente comme des entités décentralisées, jouissant d'une autonomie de gestion certaine qui s'observe dans la planification des activités, la liberté dans les dépenses, la quête de partenariat, le recrutement de personnel, l'imputabilité.

A côté de ce discours «politique », des propos discordant indiquent que dans la pratique, d'énormes efforts restent à pourvoir afin de concéder une réelle autonomie aux districts. Des études mentionnent que les districts ne disposent pas encore de pouvoir et de compétences suffisants pour assurer la gestion des ressources humaines. (ABSP, CRDI, 2001). Aussi, on note

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

que beaucoup de districts ne parviennent à exécuter leurs plans d'actions pour deux raisons essentielles : le manque de moyens financiers et l'exécution ou la réalisation d'activités non planifiées comme les campagnes de vaccination (Enq02). Sur le plan financier, la contribution de l'Etat aux districts selon une étude, varie entre 20 à 30% de leur budget total ; et que le niveau central n'a alloué en 1998 que 14% du budget total aux 53 districts tandis que les hôpitaux nationaux recevaient 22% de ce même budget (Bodart et al.., 2001). Sur le plan de la participation communautaire, des écrits soulignent que la participation communautaire semble se limiter à générer des ressources financières à partir de la vente des MEG(Médicaments Essentiels Génériques) et de la tarification des prestations (GTZ, 1997 ; A. Meunier, 1999).

La disparité observée dans le fonctionnement des districts se caractérise par une absence de personnel notamment les médecins, une insuffisance d'infrastructures et d'équipement, des insuffisances considérables dans le fonctionnement des CoGes et bien d'autres obstacles. Une étude menée en 2001, remarquait qu'à l'échelle du pays, moins de 5 districts disposaient en 2000 du nombre requis de médecins et seulement 17 des 53 hôpitaux de district étaient en mesure de réaliser des césariennes ( Bodart et al.., 2001). Une autre étude affirmait que sur un total de 57 médecins formés en gestion en 1994, 38 (67%) étaient dans les districts sanitaires en 1999 (Catrayé et al, 2001). Pour les médecins formés en chirurgie essentielle à partir de 1992 au nombre de 47, seulement 26 (55%) servaient encore dans les districts en1999 (Ministère de la santé, décembre 2000). Selon un rapport de la CADSS (1999), à la fin de l'année 1999, aucun des districts ne satisfaisait à l'ensemble des critères d'opérationnalité. Un autre document (Ministère de la santé, 2001) notait qu'à la fin de l'année 2000, un seul district (celui de Boulsa) sur les 53 pouvait prétendre répondre à l'ensemble des critères retenus : soit 2% de district opérationnels. La récente évaluation du PNDS (2005) indiquait des avancées notables au niveau de la couverture sanitaire. Il reste néanmoins que l'opérationnalisation des districts, passage obligé pour leur autonomie, éprouve d'énormes difficultés dans son déroulement. Dans une étude menée en 2006 dont le titre est : décentralisation et réduction de la pauvreté au Burkina Faso : quelles stratégies, Hervé Kafimbou et Jean Sanou font une analyse critique de la décentralisation de façon générale au Burkina Faso. Ils ont relevé un nombre important de contraintes et d'écueils au bon fonctionnement des communes parmi lesquels on peut citer l'absence de ressources humaines compétentes, faiblesse des ressources, le refus des citoyens de payer les impôts et les

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

taxes, les incessantes dissensions au sein des conseils municipaux. Ces contraintes et écueils handicapent sérieusement le développement des communes ne seront pas sans conséquences sur les capacités de participation des conseils municipaux à l'opérationnalisation des districts.

La mise en oeuvre d'une politique publique constitue une étape cruciale pour son aboutissement. En effet, à cette étape il peut y avoir des « ré-reformulations et même des ré-émergences », aussi ce moment constitue une opportunité pour certains acteurs de s'exprimer. Cette étape cristallise tant d'enjeux qu'elle est déterminante pour sa réussite. De nombreux facteurs (les solutions proposées, le contexte, le temps, le niveau de formation des acteurs, la nature des parties impliquées, les stratégies de mise en oeuvre, etc.) peuvent de façon isolée ou combinée, influencer la réalisation d'une politique. Ce travail se donne fixe pour objectif de s'interroger sur les facteurs qui influencent la mise en oeuvre de la politique de décentralisation du système de santé.

Le profil que présentent les districts sanitaires oblige à se garder de les créditer du label d'unité décentralisée. Au regard des insuffisances qui caractérisent le système de santé de district au Burkina Faso, il nous paraît pas aisé d'arguer que les districts sanitaires dans leur situation actuelle présentent tous les attributs d'un service décentralisé : accessibilité, adaptabilité, capacité et participation des populations. Ce questionnement nous amène à formuler les questions, hypothèses et objectifs de recherche suivants.

1. 4.1 Questions de recherche

1. Les districts sanitaires dans leur situation actuelle, présentent -ils les caractéristiques d'un service décentralisé ?

2. Le processus actuel de la mise en oeuvre de la décentralisation favorise t- il le bon fonctionnement des districts sanitaires ?

1.4.2 Objectifs de l'étude

1. Rendre compte du niveau actuel de décentralisation des districts sanitaires.

2 Identifier et expliquer les facteurs qui influencent le processus d'opérationnalisation des

districts sanitaires.

Les hypothèses suivantes nous guideront dans notre quête de réponses aux questions ci-dessus formulées.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

1.4.3 Hypothèses

1. Au delà des discours et des textes, dans la pratique, les districts sanitaires ne possèdent pas les fondamentaux d'un service décentralisé.

2. Les disparités et difficultés observées dans le fonctionnement des districts sanitaires trouvent leurs explications dans le processus de mise en oeuvre de la décentralisation sanitaire.

2. REVUE DE LITTERATURE

Notre ambition est de répertorier un ensemble de facteurs à même de nous permettre de construire nos cadres conceptuels.

D'après Kochen et Deutsch(1980), la prestation des services est d'autant plus décentralisée que les relations de communication et de contrôle entre les prestateurs et les prestataires de services prennent moins de temps et sont plus directes que dans la centralisation. Cette conception de la décentralisation les a amenés à définir 8 variables qui à leur sens, permettent de juger du niveau de décentralisation d'une organisation qui dispense des services aux publics. Les 8 variables sont les suivantes : la pluralité, la dispersion, la spécialisation, la sensibilité, l'aplatissement, la délégation, la participation courante et la participation reconfigurante. Nous reviendrons en détails sur ces variables que les auteurs nomment dimensions dans la section suivante. Nous emprunterons ce cadre pour vérifier notre première hypothèse.

Valéry Ridde (2005) a relevé 10 logiques d'acteurs dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative de Bamako. Ainsi, dans leur lutte pour le contrôle des ressources, les différents acteurs, chacun en fonction de sa position et des bénéfices escomptés, met en pratique les stratégies susceptibles de lui permettre d'engranger le maximum de profits. Les logiques sont contenues dans le tableau suivant :

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

Tableau 2 : Les dix logiques repérées

Accaparement

Neutra /domination

Discours

Clientélisme

Opacité

Connivence

Evitement

Suspicion

Substitution

Mépris du service public

Source : Ridde, 2005

Ce cadre nous semble bien pertinent et pourra nous aider à analyser le jeu des acteurs dans la mise en oeuvre de la décentralisation sanitaire.

Selon Walt et Gilson (1994), les facteurs à prendre en compte dans l'analyse des politiques publiques sont au nombre de quatre : le contenu des politiques, les stratégies d'implantation, le contexte dans lequel elles se déroulent et enfin les acteurs affectés ou influents par rapport à cette nouvelle politique.

Le contenu des politiques fait référence à la nature des solutions pour venir à bout des problèmes qui ont fait l'objet de la formulation de la politique. Dans le cas particulier de notre étude, la politique de décentralisation est un concentré de solutions aux diverses difficultés que traverse le secteur de la santé. Aussi, faut- il que les solutions proposées soient capables d'apporter les changements souhaités et indispensables. Généralement, on constate que dans beaucoup de pays du sud, les solutions ne s'adaptent pas aux problèmes pour lesquels elles ont été formulées, car importées d'ailleurs, loin des réalités locales.

Les stratégies d'implantation comprennent l'ensemble des mesures et dispositions qui doivent être prises pour la mise en oeuvre de la politique. Ces dispositions et mesures doivent permettre d'atteindre les objectifs visés. Il est souvent fait référence aux stratégies « top-down ou bottom-up » (voir Sabatier 1986, Hill 1997 cités par Ridde, 2005). Une autre distinction originale a été proposée par Elmore (1979 ; 1982) autour de deux approches différentes. D'un côté, il y a le « forward mapping » laissant penser que les dirigeants contrôlent l'ensemble du processus d'implantation qui se déroule conformément aux attentes initiales. De l'autre côté, il est possible

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de concevoir la mise en oeuvre au regard des comportements des personnes pour qui les politiques publiques sont implantées afin de répondre à leurs besoins, soit le « backward mapping », partant du principe que « that is not the policy or the policymaker that solves the problem, but someone with immediate proximity » (Elmore 1979, p 612) (cité par Ridde, 2005, p 23).

Le contexte concerne les aspects sociaux, économiques, technologiques, politiques et organisationnels de la réforme. Selon le contexte, des occasions seront offertes et des contraintes pèseront sur les modalités de la mise en oeuvre (Monnier 1992). Nous choisirons ce modèle pour la vérification de notre deuxième hypothèse pour cause.

Les éléments qui forment ce cadre nous semblent à même de nous permettre d'expliquer la mise en oeuvre de la politique de décentralisation. En effet, nous soupçons que les contenus de cette politique, imposée plus ou moins par des « opérateurs politiques internationaux » conviendraient peu aux attentes de certains acteurs clés, ce qui ne va manquer de jouer sur leur participation au processus. Aussi, la littérature informe que l'échec de nombre de politique est imputable au choix de stratégies d'intervention ; il leur est reproché d'être inadaptées au contexte, exorbitant au niveau des coûts pour ne citer que ces exemples. Il va de soi que les stratégies d'intervention ne sont pas sans conséquence sur la réussite d'une politique. En outre, la mise en oeuvre des politiques dans les pays africains mobilise un nombre important d'acteurs, comme c'est le cas avec la décentralisation du système de santé du Burkina.

C'est le jeu des acteurs qui fait en partie que dans la mise en oeuvre des politiques, on s'écarte généralement de ce qui avait été prévu. Enfin, le modèle de Walt et Gilson accorde une importance au contexte qui est producteur, semble-t-il de situations, d'éléments à même d'entacher l'implantation d'une politique. Ce cadre est riche d'éléments susceptibles d'être pertinents dans l'explication de notre deuxième hypothèse.

Paul Sabatier (1986) propose quelques éléments, qui selon lui peuvent être favorables à une amélioration des résultats des politiques publiques. Il note que les politiques ayant atteint leurs buts disposaient d'objectifs raisonnables et clairement énoncés, de contenus proches des préférences des acteurs clefs et avaient un nombre de négociateurs réduit à un niveau gérable tout

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

en s'assurant que la majorité des acteurs sont favorables à l'initiative. Il met donc l'accent sur les objectifs, la nature des solutions et le nombre des acteurs impliqués dans une politique comme des éléments à suivre avec une attention soutenue dans la mise en oeuvre. Même s'il accorde une place aux acteurs dans la mise en oeuvre, ce cadre ne contient pas un certains types d'éléments (stratégies, le contexte, les ressources) qui peuvent être déterminants dans l'implantation de la décentralisation sanitaire.

Bridgman et Davis (1998) apportent quatre autres éléments. Selon eux, pour garantir le succès à une politique publique, il s'avère indispensable de réduire les étapes entre la phase de formulation et celle de la mise en oeuvre, d'opter pour une évaluation continue, aussi les dirigeants se doivent de s'investir sérieusement dans la mise en oeuvre. L'important au niveau de ce modèle est qu'il fait de l'évaluation un facteur non négligeable dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Dans nombre de cas concrets, on ne pense à l'évaluation qu'au moment où se termine le programme ou le projet. Ce modèle semble très restrictif des éléments d'influence de la mise en oeuvre.

Gun (1978) a dressé une liste de 10 conditions préalables à la réussite de la mise en oeuvre d'une politique publique. Ces conditions sont les suivantes : un contexte favorable, du temps et des ressources, des moyens disponibles à chaque étape de la mise en oeuvre, une politique fondée sur une théorie valide, un lien direct entre les causes et les effets désirés, une seule agence indépendante pour gérer l'implantation, une bonne compréhension et l'acceptation des objectifs, une liste d'activités bien spécifiques pour chaque participant à la politique, un niveau de coordination parfait et, enfin une autorité en mesure de faire respecter ses décisions2. Appliquer un tel modèle offre l'avantage d'aller dans les moindres détails dans l'explication du processus de mise en oeuvre. Seulement, il ne prend pas en compte les acteurs, qui, estimons-nous, portent en eux une grande capacité d'influence du processus. Les différentes logiques qui orientent les actions des uns et des autres dans la décentralisation sanitaire constituent un foyer d'éléments favorisant ou limitant la marche du processus.

2 Ce résumé de l'ouvrage de Gun a été recopié dans la thèse de Valery Ridde, pp20 et 21

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3. METHODOLOGIE

3.1 La décentralisation du système de santé, une politique publique

Selon Anne Mill (1991) la décentralisation consiste en un transfert d'autorité ou en un fractionnement de l'autorité publique entre le niveau national et les niveaux sous-régionaux ou plus généralement, entre l'administration centrale et les administrations régionale, locale, etc., en matière de planification, de gestion et de décision. Pour le cas du Burkina, la décentralisation du système de santé consiste en un transfert d'un certain nombre de sphères de décisions (administration, gestion financière, partenariat, etc.) du niveau central vers les districts sanitaires et les hôpitaux. Peut -on parler de politique publique dans ce cas ?

En effet, « la première difficulté à laquelle se heurte l'analyste des politiques publiques est le caractère polysémique du terme politique. Les choses sont plus simples pour les auteurs de langue anglaise, puisqu'ils disposent de mots différents pour désigner ce que le français réunit sous la notion de politique. Ce terme, en effet, recouvre à la fois la sphère (policy), l'activité politique (politics) et l'action publique (policy). La première fait la distinction entre le monde de la politique et la société civile (...), la seconde désigne l'activité politique en général (la compétition pour l'obtention de postes politiques, le débat partisan,....), la troisième acception, enfin désigne le processus par lequel sont élaborés et mis en place des programmes d'action publique, c'est-à-dire des dispositifs politico-administratifs coordonnés en principe autour d'objectifs explicites » (Muller, Surel, 1998, p13). La décentralisation du système de santé se situe dans le cadre de la troisième acception celle des policies. Une politique publique répond à un certains de caractéristiques. Le tableau suivant indique ainsi les caractéristiques de notre objet d'analyse.

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Tableau 3 : la décentralisation sanitaire : une politique publique

Une politique publique est :

La décentralisation sanitaire

La réponse à un problème public

Difficultés dans la réponse de demandes de soins et faible participation des populations dans la gestion des services de santé périphériques.

Par l'intermédiaire d'activités et de moyens

La construction d'infrastructures, la mise en place de structures d'appui, la formation des acteurs, adoption de textes législatifs et réglementaires

Grâce à l'action d'acteurs gouvernementaux

L'Etat à travers ses structures

Et d'autres acteurs

Les communautés et la coopération internationale

Qui agissent dans un environnement

A l'échelle d'un district ou d'une région sanitaire.

Et dans le temps

A moyen terme sous forme de projet et à long terme sous forme de programme.

Source : Howlett et Ramesh 1995 ; Lemieux 2002, cités par Ridde, 2005.

3.2 Définition de quelques concepts

Il s'impose de définir quelques concepts clés

3.2.1 Le système de santé

Dans son rapport sur la santé dans le monde de l'année 2000, l'OMS définit le système de santé comme « toutes les activités dont le but essentiel est de promouvoir, entretenir ou maintenir la santé ». (OMS 2000, p5). Ainsi, le système de santé inclut la prestation des professionnels de soins médicaux, les actions des guérisseurs traditionnels et toutes les autres formes de médication, des activités traditionnelles de santé publique comme la promotion de la santé et la prévention des maladies. D'autres actions favorables à la santé comme l'amélioration de la sécurité routière et l'environnement, les mesures de scolarisation des fillettes font également partie du système de santé. Cette définition nous semble trop englobante et ne saurait convenir à nos attentes dans le cadre de ce travail. C'est pourquoi, nous retiendrons comme définition opérationnelle la suivante « le système de soins regroupant les interventions préventives, curatives et palliatives menées par les services publics ».

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3.2.2 Le système de santé de district

Le district sanitaire est avant tout une aire géographique bien délimitée, cadre d'interaction entre les populations et les services de santé. Il est l'unité opérationnelle la plus proche des communautés et est structuré à deux échelons : le CSPS, point de premier contact et l'hôpital de district qui vient en appoint aux CSPS. Administrativement, il est dirigé par un collège appelé équipe cadre de district (ECD). Le système de district permet :

- une décentralisation géographique des soins via les centres de santé (CSPS)

- une qualité technique des soins tels que plus de 95% des problèmes de santé peut être pris en charge au niveau du district ;

- une qualité humaine de soins (continuité, globalité et intégration) ;

- une décentralisation de la prise de décision permettant la coexistence de la planification de haut en bas(normative) avec celle de bas en haut(qui prend en compte les desiderata de sa population de responsabilité bien définie géographiquement, et les spécificités sociales, économiques et culturelles de sa zone de couverture. (CADSS, module 1, formation des médecins)

3.3 La méthode par hypothèse

Afin d'éviter une généralisation méthodologique qui peut s'avérer peu constitutive, nous avons choisi de présenter notre démarche en lien avec chaque hypothèse.

Hypothèse 1 : Au delà des discours et des textes, dans la pratique les districts sanitaires ne possèdent pas les fondamentaux d'un service décentralisé.

Pour vérifier cette hypothèse, nous avons procédé à une revue documentaire permettant de juger du caractère décentralisé d'un service. Ainsi, nous avons trouvé chez des auteurs (Kochen et Deutch) huit dimensions qui nous semblent pertinentes pour nous permettre d'apprécier le niveau de décentralisation des services de santé à travers les districts sanitaires. Ce sont :

La pluralité : fait référence à la disponibilité des prestataires en nombre suffisants par rapport au nombre d'utilisateurs de services.

La dispersion : elle indique la répartition géographique du service dans sa zone de couverture.

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La spécialisation : a trait aux différentes fonctions que les prestataires remplissent dans l'établissement. Le temps consacré à chaque fonction pourrait faire perdre beaucoup de temps aux usagers.

La sensibilité : permet de se rendre à l'évidence du niveau de collaboration entre usagers et prestataires. L'occasion est- elle donnée aux utilisateurs de s'exprimer ? Leurs doléances sont-elles prises en compte ?

L'aplatissement : a trait aux paliers de supervision qui existent à l'intérieur du service. Moins il y a de palier, les individus sont plus libres dans la prise des décisions.

La délégation : indique la nature des décisions qui peuvent être prises au niveau le plus décentralisé d'une agence. Pour le cas du système de santé, il s'agit de juger de la nature des décisions qui sont l'apanage des districts.

La participation courante : réfère à l'implication d'autres acteurs, en plus des prestataires de service dans la prise des décisions courantes. Elle met l'accent sur le fait que les autres acteurs doivent disposer de ressources à même de permettre d'influencer les décisions prises.

La participation reconfigurante : indique l'implication des utilisateurs de service à un niveau plus élevé de prise de décisions. Il importe de relever que dans tous les services ,la prise de certaines décisions importantes exige la mise sur pied de structures de décisions particulières. Dans le contexte du système de santé, il peut s'agir de conseil de discipline, de conseil d'administration et autres.

Pour appliquer ce cadre, il nous a semblé plus indiqué de partir du cas concret d'un district sanitaire et d'aller y voir. C'est ainsi que nous avons choisi de façon aléatoire le district sanitaire de Kombissiri, situé dans la région sanitaire de centre-sud. Le cas de ce district servira de prétexte pour illustrer le niveau réel d'autonomie des districts sanitaires

Hypothèse 2: Les disparités et les difficultés observées dans le fonctionnement des districts sanitaires trouvent leurs explications dans le processus de mise en oeuvre de la décentralisation sanitaire.

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Comme nous l'avons précédemment mentionné, le modèle de Walt et Gilson nous permettra d'identifier et d'expliquer les facteurs susceptibles d'influencer la mise en oeuvre de la décentralisation sanitaire. Le modèle comprend quatre éléments importants qui peuvent avoir une portée considérable sur le processus d'implantation d'une politique publique. Ces quatre éléments sont représentés dans le schéma suivant

Figure 1 : Cadre d'analyse de la mise en oeuvre d'une politique de santé

Contexte

Acteurs

Contenu Stratégies d'implantation

Source : Walt et Gilson cité par V.Ridde (2005, p24)

Le modèle nous donne à voir la place considérable qu'occupent les acteurs dans la mise en oeuvre d'une politique de santé. Aussi, les comportements des acteurs ne trouvent- ils pas leur origine dans le contexte, les contenus des politiques et les stratégies d'intervention. Il ne faut pas se méprendre cette simplicité schématique. Elle est inversement proportionnelle à la complexité des relations qu'entretiennent ces quatre facteurs fondamentaux pour l'analyse des politiques de santé (Ridde, 2005).

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3.4 Population d'étude et échantillonnage

L'étude a inclus des responsables de la CADSS, des membres de l'ECD, des médecins, et des infirmiers. Le tableau ci-dessous présente les détails sur l'échantillon.

Tableau 4 : Echantillon de l'étude

Cibles

Nombre

Responsables CADSS

4

Membres ECD

9

Médecins

5

Infirmiers

12

3.5 Sources de données et méthodes d'analyse

Les données qui ont servi à la vérification de nos hypothèses proviennent d'une part d'études antérieures, de rapports, de compte rendu de réunion et des entretiens que nous avons eus avec certains acteurs d'autre part. Trois études ont été d'un apport significatif (Bodart, C. et al, 2001 ; Catrayé, J et al, 2000 ; Ministère de la santé, juin 1995). Pour les entrevues, nous avons échangé avec des cadres au niveau central, d'anciens cadres du ministère de la santé et enfin des acteurs de terrain que sont les médecins chef de district, les communautés, les partenaires au développement, les associations et ONG. La rencontre avec les acteurs au niveau central nous a permis de comprendre les motifs qui ont guidé au choix des composantes de la politique, la définition des stratégies, le contexte d'émergence, de formulation et de mise en oeuvre de la décentralisation sanitaire. Avec les médecins de district et les autres acteurs de terrain tel les populations, les partenaires au développement, les ONG, nous avons discuté des difficultés rencontrées dans le fonctionnement des districts, leurs causes éventuelles. Aussi, l'étude de cas du district de kombissiri a constitué une source importante de données.

Vu que l'essentiel de nos données reste des discours, le modèle d'analyse utilisé dans ce travail est l'analyse de contenu.

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3.6 Les limites de l'étude

La première limite de cette étude réside dans la qualité des données. En effet, il est admis de douter de la véracité de certaines données tant elles varient d'une source à l'autre. Par exemple, nous avons relevé que les chiffres concernant le nombre d'agent, le nombre de CSPS, certains taux varient selon que l'on consulte l'Annuaire des statistiques de santé ou les plans d'action des districts sanitaires.

La seconde limite à notre sens émane de notre niveau très approximatif de la langue anglaise. La plupart des documents concernant l'analyse des politiques publiques sont disponible en anglais. Ce faisant, nous n'avons pas pu exploiter comme il se doit certains documents d'importance.

La troisième limite se rapporte au temps imparti à notre travail, environ 8 semaines, ce qui fait que nous n'avons pas pu interroger le maximum d'acteurs.

La quatrième limite concerne le refus de certains acteurs clés du système de santé de se prêter à nos questions prétextant un agenda très chargé pour ne pas nous consacrer quelques minutes d'échange. Vu leurs responsabilités, ils nous auraient fourni des informations sans doute capitales pour la compréhension et l'analyse de la décentralisation du système de santé.

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4. PRESENTATION DES RESULTATS

4.1 Du niveau de décentralisation des districts

Nous mentionnions que pour vérifier l'hypothèse en relation avec cet objectif, nous avons opté pour une étude de cas. C'est le district sanitaire de Kombissiri qui, à titre illustratif a été choisi; une brève présentation de cette entité s'impose.

Le district sanitaire de Kombissiri est situé au sud de Ouagadougou, dans la région sanitaire du centre -sud. Il relève administrativement de la province du Bazéga et couvre une superficie de 2 .435Km2. Il est limité au nord-est par le district sanitaire de Zorgho, au nord par le district sanitaire du secteur 30 de Ouagadougou, à l'ouest par le district sanitaire de Saponé, au sud par le district sanitaire de Manga. La population du district était estimée en 2005 à 192 980 habitants. Le taux de natalité était à la même année de 45,2 %° avec une espérance de vie de 51 ans (Source, Plan d'action 2005) Le taux de mortalité était de 0, 11%. Quant au taux de scolarisation, il est estimé à 38, 06%. Le district sanitaire de Kombissiri compte 19 CSPS et un CMA.

Notre modèle d'analyse se structure autour de huit dimensions et ce sont ces dimensions que nous vérifions à présent : pluralité, dispersion, spécialisation, sensibilité, aplatissement, délégation, participation courante, participation reconfigurante.

4.1.1 La pluralité

La pluralité est mesurée par le nombre d'agents qui dispensent les services et le nombre de personnes qui sont habilitées à les recevoir, toute chose qui oblige à faire le point du personnel présent dans le district. Ce point est fait à partir de trois structures essentielles du district à savoir le CMA, le laboratoire et les CSPS.

Le tableau suivant donne un aperçu sur la situation du personnel au niveau du CMA

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

Tableau 5 : Situation du personnel au CMA

Catégorie

Nombre

recommandé

Nombre disponible

Médecin en chirurgie

2

1

Attaché de santé en chirurgie

2

2

Attaché de santé en ORL

1

0

Attaché de santé en odonto-

1

0

Attaché en santé mentale

1

1

Anesthésiste

2

1

Infirmiers diplômés d'Etat

3

2

Infirmiers brevetés

2

1

Agents itinérants de santé

-

-

Accoucheuses auxiliaires

-

-

Source : Plan d'action 2005 /District sanitaire de Kombissiri

On note au niveau du CMA, une insuffisance de personnel qualifié pour rendre opérationnel à temps plein l'antenne chirurgicale. (Médecins formés en chirurgie essentielle, attaché en anesthésie).

Au niveau des CSPS, il ressort que sur les 19 que compte le district, seulement 8 répondent aux normes minimales en personnel, c'est à dire, un IDE ou un IB + AA +AIS3. Le déficit en personnel au premier niveau dans le district était estimé à une vingtaine d'agents, toute catégorie confondue.

S'agissant du Laboratoire, composante non moins importante dans le dispositif du district, on note l'absence d'un technicien supérieur. En lieu et place se trouvent deux techniciens de niveau inférieur, ce qui limite les possibilités d'examens.

Le district sanitaire de Kombissiri n'est pas suffisamment pourvu en personnel pour répondre aux préoccupations des usagers des services de santé. Ce district est loin de répondre aux normes de l'OMS qui sont 1 médecin pour 10 000 habitants et 1 infirmier pour 5.000 habitants.

3 IDE : Infirmier Diplômé d'Etat ; IB : Infirmier Breveté ; AA : Accoucheuse Auxiliaire ; AIS : Agent Itinérant de Santé.

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4.1.2 La dispersion

La dispersion qui est la deuxième dimension de notre indicateur d'accessibilité, est estimée à

travers le nombre de CSPS et la distance entre ces CSPS et le CMA. On compte 19 CSPS sur une superficie de 2.435 km2 soit un CSPS sur 128 km2. Concernant les distances, on observe que seulement 4 CSPS sont à moins de 15km du CMA ; les 15 autres sont à plus de 20 km. On trouve 6 CSPS qui sont à 45km de l'hôpital du district. A ces distances s'ajoute l'état impraticable des routes. Considérant la distance entre la majorité des CSPS et l'hôpital de district (environ 25Km en moyenne) et la non disponibilité d'une ambulance au niveau de ces CSPS, on image toutes les difficultés que rencontrent les patients pour bénéficier des services de l'hôpital de district.

4.1.3 La spécialisation

La spécialisation renvoie aux différentes fonctions que remplit un agent de santé dans une

structure de soins. Dans les formations sanitaires de premier contact du district (CSPS), les agents de santé font face aux activités suivantes : la consultation curative, la consultation prénatale, celle des nourrissons sains, la planification familiale, les accouchements eutociques (qui s'effectue dans les conditions normales), les vaccinations, les causeries/sensibilisation. L'effectif du personnel dans les formations de base étant retreint, amène à se demander si le fonctionnement de ces entités permet de répondre aux besoins des usagers. Ce mode de fonctionnement ne fait -il pas perdre plus de temps aux patients, attendant que l'agent de santé oscille d'une activité à l'autre. Souvent, pendant les campagnes de vaccinations, certaines formations du district sont fermées pour permettre aux agents de santé d'aller à la rencontre des populations là ou ces dernières habitent. Le constat établi est les CSPS du district avec la quantité de personnel disponible, exécutent difficilement le paquet d'activité qui leur est dévolu.

4.1.4 La sensibilité

La sensibilité a trait aux demandes des usagers et surtout à la réponse des agents de santé,

autrement dit, elle se réfère au degré de satisfaction des usagers des services de santé. Quels sont les canaux que le district prévoit et qui permettent de prendre en compte les besoins des populations et surtout les réponses qui leur sont réservées ? De l'avis des premiers responsables du district, en cas d'insatisfaction, les populations ont la possibilité d'écrire contre l'agent ou le service incriminé.

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Selon les premiers responsables, en 2005, il eut des protestations sous forme de lettre adressée au MCD par des CoGes qui n'étaient pas satisfait des agissements de deux agents de santé. Ainsi, suite leur a été donnée car ils ont été écoutés et les agents fautifs ont été mutés. Contre cet argument, deux responsables de CoGes que nous avons rencontrés estimaient que les plaintes des populations recevaient rarement des réponses. Le fonctionnement actuel des districts n'oblige pas les agents de santé à une interaction franche avec les communautés. Le changement de comportement indispensable à une meilleure sensibilité tarde à s'installer chez les agents de santé.

4.1.5 L'aplatissement

L'aplatissement selon les auteurs concerne les paliers de supervision qui existe dans un système décentralisé. Ainsi, plus il y a de paliers, moins l'entité est décentralisée. Nos données laissent comprendre que le district sanitaire de Kombissiri fait souvent l'objet de supervision par la DRS et certains partenaires directs du district. A l'intérieur, le seul palier de supervision est le MCD, qui par trimestre fait le tour des CSPS pour s'enquérir des difficultés techniques, organisationnelles, sociales rencontrées. C'est un palier de supervision que compte le district de Kombissiri à l'interne.

4.1.6 La délégation

La délégation renvoie aux types de décisions que le district est en droit de prendre. L'arrêté (Arrêté N°93 /146/SASF/SG) portant organisation, attribution et fonctionnement des districts sanitaires stipule que les districts sont compétents pour planifier leurs activités de soins cliniques, de supervision, de formation, de gestion et de recherche- action. En un mot, les districts sont autonomes. Nous avons choisi de mesurer cette autonomie à travers la gestion financière et celle de la gestion des ressources humaines car il reste que ces deux domaines sont essentiels ou les plus grandes décisions sont prises.

Les ressources financières du district de Kombissiri proviennent essentiellement des allocations de l'Etat, du PADS (Programme d' Appui aux Districts Sanitaire), du paiement direct des actes, de la contribution de certains partenaires. Pour bien comprendre comment ces fonds sont gérés, nous avons focalisé notre attention sur les types de dépenses effectués par le district ainsi que les procédures de dépense.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

Chaque année le district de Kombissiri évalue et exprime ses besoins à travers son plan d'action annuel. Une fois que le plan est adopté, il est transmis au niveau du ministère et du PADS ; il est également transmis aux autres partenaires du district.

A partir de cet instant, le PADS qui met à la disposition du district 50 million par an, s'arroge le droit d'effectuer les grosses dépenses (construction d'infrastructures, achat de moto, d'ordinateurs et de ses accessoires, du matériel médical, etc.) en lieu et place des districts. Une commission d'attribution des marchés, dirigée par le Secrétaire Général du ministère de la santé sélectionne les fournisseurs pour des commandes groupées.

Pour ce qui est des fonds que l'Etat alloue au district de Kombissiri, ils sont placés dans un compte au niveau du trésor, toute dépense à engager doit faire l'objet d'examen par une commission provinciale d'attribution des marchés présidée par le Secrétaire Général de la province. L'autonomie financière du district de Kombissiri se limite aux dépenses en carburant, et autres dépenses de fonctionnement.

Concernant la gestion des ressources humaines, nous avons estimé le degré d'autonomie à travers les possibilités de sanctions qui sont accordées au district. Nos investigations ont abouti au constat que le district de Kombissiri ne dispose d'aucune possibilité de sanction directe sur les agents même au niveau des affectations. En cas de faute d'un agent, le MCD écrit au DRS qui dispose de pouvoir pour imposer à l'agent incriminé un blâme, les autres types de sanction incombent au niveau central. Il s'impose à travers le cas de Kombissiri de relativiser la notion d'autonomie de gestion que le niveau central croit concéder aux districts.

En conclusion, on peut dire que les districts ne sont pas autonomes dans leur gestion financière en témoignent les commissions qui limitent considérablement leur pouvoir.

4.1.7 La participation des populations aux décisions courantes

La première forme de participation des populations à la gestion des questions de santé se trouve dans la mise en place des CoGes qui siègent au niveau des CSPS. Les élections ont lieu tous les deux ans et sont organisées par les autorités administratives notamment les préfets. Est éligible, tout ressortissant d'une localité se trouvant dans les limites géographiques d'une formation sanitaire, jouissant de ses droits civiques. Le mode de désignation est le vote.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

Dans le district sanitaire, le nouvellement des CoGes a lieu en 2005 dans l'ensemble des 19 formations sanitaires. Les populations ne manifestent pas les mêmes intérêts à cette structure lorsqu'on passe d'une formation sanitaire à une seconde. En effet, alors que dans certaines, l'élection des membres des CoGes mobilisent les communautés, dans d'autres une grande majorité ne sent pas concerner et participe à peine aux élections. Un informateur témoignait que la mise en place des CoGes draine les foules dans les formations sanitaires non loin du chef lieu de la province que dans celles qui sont très éloignées car, ceux qui sont proches, poursuit- il, comprennent plus l'importance de ces structures que les autres. Il a déploré la faible participation des femmes de façon générale à ces élections. Aussi, il est des cas ou les bureaux des CoGes sont mis en place par consensus. Ce fut le cas dans 5 CSPS des 19 que compte le district en 2005. La participation des populations au vote pour la mise en place n'est pas aussi élevée.

La deuxième forme de participation concerne les activités quotidiennes des CoGes qui représentent les populations et agissent en leur nom. En concertation avec l'infirmier chef de poste, les membres du CoGes gèrent au quotidien les problèmes de santé des populations. Il faut noter que les membres du CoGes ne participent pas aux activités au même rythme.

4.1.8 La participation des populations aux décisions reconfigurantes

La participation reconfigurante a été mesurée à travers la participation des populations à certains types de réunion que nous avons estimée déterminantes : les réunions de l'équipe cadre du district, l'instance décisionnelle du district, les réunions disciplinaires, les rencontres avec les partenaires. Il ressort que leur participation se limite à la présence de quelques membres des CoGes à ces réunions. C'est plus de la figuration que d'une présence active. Il faut noter que les possibilités de participation aux décisions déterminantes sont faibles. En effet, un cadre de concertation des populations n'a pas été prévu au niveau des hôpitaux de district. A ce niveau, les décisions sont prises exclusivement par le personnel médical et paramédical.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

4.1.9 Commentaire

Après avoir apprécié les huit dimensions du cadre de Kochen et de Deutch, des observations s'imposent :

- le district sanitaire dispose de pouvoir très limité dans la gestion des ressources humaines ;

- l'autonomie de gestion des ressources financières semble une chimère car jusqu`à nos jours, plusieurs autres structures de l'Etat prennent activement part dans le processus des dépenses des districts. Le niveau central continue toujours à exécuter une part importante des dépenses en lieu et place des districts.

Il appert de ce constat que les districts ne peuvent pas être considérés comme des unités décentralisées. Nous estimons que les domaines clés d'une décentralisation restent les ressources financières, les ressources humaines, la planification. Ainsi, tout service qui s'adjuge le label de décentralisé doit au moins disposer du contrôle total sur ces ressources humaines, la gestion des fonds, la planification et l'exécution de son plan d'action. Le degré de décentralisation se mesure non seulement par rapport aux compétences et au financement des organisations décentralisées mais aussi par à l'autorité de ces organisations (Lemieux, 1997) S'administrer, se gérer financièrement sont essentielles pour la décentralisation d'un service publique. Or tel ne semble pas le cas pour les districts qui en matière de gestion du personnel ne possèdent aucun pouvoir de sanction ; dans le domaine des dépenses, ils sont à la remorque du niveau central et de l'administration publique au niveau décentralisé. Le mode actuel de financement des districts accorde une place importante au niveau local et aux services financiers publics qui relèvent du ministère des finances. Aucun district ne peut engager des dépenses sans l'accord de ces derniers par qui tout passe en ce qui concerne les finances car les comptes des districts sont désormais logés au niveau du trésor en lieu et place des banques comme cela se faisait il y a quelques années.

Au vue de ce qui se passe en réalité sur le terrain, nous osons affirmer sans ambages que beaucoup d'efforts sont à pourvoir afin de faire des districts, des services décentralisés comme le discours politique tend de le faire admettre. Le système de santé de district en cours vient si besoin en était, confirmer une tare majeure des politiques. En effet, entre ce qui était prévue et ce qui est fait en réalité, l'écart est toujours grand dans le domaine des politiques publiques. Rares sont les politiques qui sont mises en oeuvre tel que prévue depuis la phase de la formulation. Cette

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difficulté inhérente aux politiques publiques émane de l'action des acteurs qui est très difficile à prévoir et à canaliser. Dans le cas de la décentralisation du système de santé, une réelle autonomie concédée au district n'allait t- elle pas restreindre le champ de pouvoir de certains acteurs ? La lutte des uns pour élargir leur sphère de pouvoir et le combat des autres afin de conserver leurs prérogatives est ce qui caractérise et explique la mise en oeuvre de cette réforme de santé.

L'autonomie dont on crédite les districts sanitaires semble de façade car, entre ce qui est prévu par les textes et ce qui se donne à voir sur dans la réalité, l'écart est considérable et suscite des interrogations légitimes. En effet nous n'avons trouvé dans aucun des textes qui créent et réglemente, le fonctionnement des districts que certains types de dépenses devraient être exécutés par le niveau central, encore moins que le secrétaire général d'une province avait le droit de s'immiscer dans les passations des marchés pour le compte des districts. Telle que les choses se déroulent sur le terrain, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la réussite d'une décentralisation sectorielle dans un contexte de gestion globale centralisée. Quelles garanties le ministère de la santé a- t- elle reçu des autorités à même de permettre aux districts de s'affranchir des mécanismes empreints de lourdeur et implication de plusieurs structures étatiques dans le processus des dépenses des services de santé ? La réalité des faits démontre que l'autonomie dont on crédite les districts est sous perfusion

4.2 Facteurs d'influence de la mise en oeuvre

Il convient de rappeler que nous avons opté d'utiliser le modèle de Walt et Gilson pour analyser les facteurs d'influence. Ce cadre met en exergue quatre facteurs : le contenu de la politique c'est à dire les choix opérés, les stratégies adoptés pour l'implantation, le contexte et enfin le jeu des acteurs impliqués dans la mise en oeuvre. Nous restons fidèles à notre engagement.

4.2.1 Les contenus de la politique et la réaction des acteurs

La politique de décentralisation accorde une importance certaine à la formation des médecins en

chirurgie et en gestion.

Force est de constater que le principe même de formation en chirurgie essentielle ne semble pas être bien accepté par les médecins. Certains estiment que c'est un alibi pour le ministère de réduire ou de retarder la formation des chirurgiens. Il faut préciser que ce choix politique n'a pas

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reçu l'assentiment de tous les acteurs du système. A commencer par les enseignants de la Faculté de médecine qui doutaient fort de l'efficacité de cette formation. Former un médecin en 6 mois en chirurgie lui permettrait- il de prendre réellement en charge les patients ? Il reste que ce choix politique continue toujours à faire l'objet de discussion vu qu'il ne semble pas pertinent. La composante technique (formation des médecins en chirurgie) introduite par la politique de décentralisation est loin d'être la solution pour un meilleur fonctionnement des hôpitaux de districts. La formation des médecins en chirurgie, introduit sans nul doute des changements dans leurs activités traditionnelles qu'ils ne sont pas prêts à accepter, toute chose préjudiciable à la mise en oeuvre effective de cette politique. Selon Paul SABATIER, une des conditions de réussite d'une politique est attribuable aux choix des composantes techniques qui ne doivent être loin de la préférence des principaux acteurs. (Paul Sabatier 1986, cité par Ridde, 2005, p 21).Ce qui ne semble pas le cas ici. Les manifestations caractéristiques du désaccord se trouvent dans le refus de certains médecins pourtant ayant reçu la formation de poser des actes chirurgicaux ; d'autres usent de leurs relations pour être mutés hors des districts. C'est ce qui explique en partie le déficit récurrent de médecins dans les districts. On note une faible motivation des médecins à accepter ce choix : « C'est faute de mieux que nous acceptons d'y aller. Tu sais, ce sont des risques énormes que nous prenons pour effectuer les interventions chirurgicales et au finish, tu n'as rien. Tu n'es pas un spécialiste, tu abats un grand boulot et c'est toujours le même salaire. Nous n'avons aucun avantage, même pour les spécialisations, on vient passer le concours comme tous les autres. Franchement, on ne gagne rien à travailler dans un district. C'est ce qui fait que chacun cherche mieux ailleurs », nous affirmait un médecin de district.

Un autre choix qui ne semble pas rencontrer l'assentiment des populations est la facturation des actes médicaux. Pour bénéficier des soins, les utilisateurs doivent débourser de l'argent. Ce sont les frais générés par les actes médicaux et la vente des MEG qui alimentent les fonds des districts en sus des subventions de l'Etat et des contributions d'autres partenaires. Ce qui est reproché à ce choix est qu'on tente d'uniformiser le cout des actes à travers l'ensemble du pays alors qu'il est indéniable que les régions ne disposent pas des mêmes atouts. Dans un rapport d'évaluation (Ministère de la santé 1994), des consultants ont mentionné qu'il fallait tenir compte des réalités économiques de chaque région dans la facturation des actes médicaux car c'est aussi une façon de travailler dans le sens de l'instauration de l'équité dans la gestion des questions de santé. Ils prévenaient que la tarification des actes sans tenir compte des réalités locales explique

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dans une large mesure le faible taux de fréquentation des services de santé dans certaines parties du pays.

4.2.2 Des stratégies non expérimentées

Une des étapes importantes dans la mise en oeuvre des politique publiques est la définition des stratégies qui sont, sommes toutes, très déterminantes pour l'aboutissement de la politique. On note souvent qu'il y a un décalage entre la formulation et la mise en oeuvre et certains auteurs (Muller et Surel, 1998, Pineault R, Daveluy, 1995 ; OMS, 1995) estiment que ce décalage est en partie attribuable au choix des stratégies pour l'implantation. Les stratégies qui servent à l'implantation de la politique de décentralisation sanitaire se résument à :

- la formation des médecins en chirurgie essentielle et en gestion

- la mise en place des CoGes ;

- le bénévolat dans les CoGes ;

- la mise en place des ECD

- la construction tout azimut de CMA

- la co-gestion des structures sanitaires avec les populations.

Pour la mise en oeuvre de la politique de décentralisation du système de santé, le ministère de la santé n'a pas jugé nécessaire de procéder à une expérimentation à travers une phase pilote avant une extrapolation à échelle du pays. Un ancien cadre du ministère justifie ce choix en ces termes : « Je trouve que la meilleure décision, c'est celle qui a été prise. La raison fondamentale, c'était une question d'équité. On ne peut vouloir résoudre ces genres de questions en disant voilà notre plan de développement ; on va mettre 5 districts cette année, et l'année prochaine et ainsi de suite. Comme on connaît nos pays, dix après on peut ne pas finir notre plan de couverture et là ça devient difficile. Et comment justifier qu'on développe une zone avec tout le nécessaire et on dit de l'autre côté, ça c'est dans 3 ans alors qu'il y a un minimum qui permet de commencer ? La question de fond était que là on ne peut pas faire une intervention chirurgicale, on peut faire autre chose dans le cadre du développement du district. Le district, c'est tout processus de développement qui peut avoir des stades différents d'un moment à l'autre selon la dynamique des régions ». (Enq02)

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Les raisons invoquées par les autorités sanitaires de l'époque pour justifier l'absence de phase pilote dans la mise en place des districts ne semblent pas convaincre certains acteurs. En effet, selon un jeune médecin rencontré : « Avec l'IB, on a pris soins d'expérimenter le recouvrement des coûts avant de commencer ; même avec ça, il reste qu'il y a des difficultés. On aurait fait la même chose que certaines difficultés seraient relevées et analysées profondément pour déboucher sur des solutions efficaces. Tout ce qu'on fait, c'est de tourner en rond sans bien sur avancer ». (Enq04)

Nous estimons qu'une phase pilote aurait été nécessaire pour des « raisons techniques et tactiques ». En effet, cette étape aurait permis de tester la faisabilité de la décentralisation sanitaire telle que conçue au Burkina, tout chose qui n'allait pas manquer de faire surgir les premières difficultés, de juger de la pertinence et de l'efficacité de certains choix techniques. Il reste que tout choix technique a un coût et oblige à des changements. Ce faisant la phase pilote offre une opportunité d'évaluer réellement le coût des composantes techniques de la politique, d'estimer la capacité à innover des différents acteurs. Former un médecin de district en chirurgie et en gestion coûterait environ 3.000 000 millions de FCFA. Ce sont de nos jours environ 300 médecins qui ont bénéficié de cette formation, ils ne sont plus nombreux à exercer dans un district. La phase pilote n'aurait -elle pas permit de réfléchir sur ce choix avant d'engager des dépenses importantes. Sur le plan tactique, cette phase allait être mise à contribution pour engager un véritable débat avec les principaux acteurs, tout élément indispensable à leur adhésion au projet.

Une phase pilote aurait permis l'expérimentation et l'adoption progressive des différentes stratégies. Il aurait également été judicieux de développer quelques activités de recherche sur les capacités contributives réelles des populations et sur les modalités de payements des services de santé. (Ministère de la santé, 1994).

4.2.3 Contexte politique et social

En rappel, la mise en oeuvre de la décentralisation sanitaire est intervenue à partir de 1993. Sur le plan politique, cette période correspond à un renouveau, marqué par l'avènement de la IV République. En 1991, l'adoption de la constitution venait sceller l'ouverture politique avec pour conséquence la prolifération de partis politiques, des associations de la société civile.

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De proche en proche, le débat public commençait à prendre corps avec les actions des différents partis politiques et la rivalité politique avec. Dans son combat pour l'hégémonie politique qui passe l'adhésion du maximum d'individus à ses idéaux, le parti au pouvoir use de toutes sortes de stratégie dont la politisation de l'administration publique. Ainsi, tous les postes stratégiques et aux prérogatives juteux sont confiés aux militants du parti. Les cadres sont choisis moins à cause de leur technicité que de leur militantisme avéré. C'est cette façon de cooptation des cadres qui explique les incessants changements au niveau des directions des différents ministères dont celui de la santé.

En effet, de 1993, date du début du processus de décentralisation à nos jours, ce sont quatre ministres qui se sont succédés à la tête du ministère de la santé. Le changement de ministre est généralement suivi d'un mouvement de personnel. Le nouveau ministre met en place une nouvelle équipe à même de l'assister dans l'exécution de ses nouvelles fonctions. Le changement de cadres aux postes de responsabilité ne s'arrête pas seulement au niveau central, il touche aussi la périphérie. C'est ainsi que les coordonnateurs de programme et projets, les directeurs régionaux et les médecins chef de district subissent le changement. Il est très souvent reproché aux ministres de procéder à des nominations de complaisance dans certains cas car ne privilégiant que des critères politiques. Combien sont- ils, les cadres dont les compétences ne font l'objet d'aucun doute qui sont réduits à leur plus simple expression car mis en rebut, victimes de leur appartenance politique. Ils ne sont pas nombreux les cadres, membres des partis de l'opposition à occuper des postes importants au niveau du ministère de la santé et même dans les autres ministères. La politisation de l'administration porte un coup dur à la mise en oeuvre des politiques, car elle favorise la mise à l'écart de certaines sensibilités dont la participation pourrait apporter un plus. Une des conditions de l'aboutissement d'une politique publique est sans conteste la mobilisation et l'implication de tous les acteurs dans le processus.

Un médecin, ayant occupé de hautes fonctions au sein du ministère de la santé précisait que l'essentiel des cadres ayant travaillé sur le dossier de la décentralisation sanitaire pendant la conception, ont été écartés lorsqu'il s'est agit de la mise en oeuvre car on leur rapprochait mais sans le leur dire ouvertement, de ne pas s'afficher politiquement, d'être de connivence avec des syndicats. (Enq04).

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Le traitement du dossier de la décentralisation sanitaire relevait des compétences de la direction générale de la santé et de la CADSS. Ces deux structures ont toujours été touchées par les vagues de mouvement de cadres. En effet, un de nos informateurs précisait que de 1993 à 2006, ce sont 5 directeurs généraux de la santé qui se sont succédé et plus de 7 coordonnateurs au niveau de la CADSS. Les motifs de départ ne sont autres que politiques (Enq03). Cette instabilité n'est pas sans conséquence sur le déroulement du processus.

L'une des conséquences majeures de cette réalité reste la mauvaise couverture du pays en structures sanitaires. En effet, pendant que des régions ne disposent pas du minimum, on procède l'implantation de CSPS, CMA et autres dans des localités pour tout simplement faire plaisir au ministre dans l'optique de conserver son poste.

La politisation de l'administration tue la compétence tout en valorisant le clientélisme, le népotisme, le favoritisme. Cette façon de gérer l'administration ne favorise pas la présence de « mémoire vivante »4, tout élément qui conduit à revenir à la case départ à tout moment. Le processus de décentralisation du système sanitaire souffre moins de manque de sources finacières que de compétences pour lui impulser un nouvel dynamisme. Les cadres du ministère qui peuvent traiter cette question sont mis au garage, ce qui a poussé certains à partir. (Enq04).

La politisation de l'administration influe les orientations ou du moins la compréhension des orientations. Qu'un nombre important de cadres pilote le processus de décentralisation du système de santé, imprime au processus, différentes visions dont la gestion ne peut que saborder la mise en oeuvre. Il aurait été plus salutaire de confier le processus d'implantation à une équipe inamovible pour une durée bien déterminée, ce qui à n'en point douter aurait permis d'avancer convenablement, avec plus de professionnalisme et de clarté.

La plupart des CoGes se caractérise par un taux d'analphabétisme très élevé des membres avec logiquement une méconnaissance des textes ; d'ou un mauvais fonctionnement qui se traduit par des malversations de toutes sortes. Il est indéniable que le niveau de scolarisation n'est pas sans

4 Nous parlons de ces cadres qui ont passé beaucoup de temps dans leurs postes, ce qui leur donne l'avantage d'être bien informés

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conséquence sur l'efficacité et le bon fonctionnement des CoGes qui jouent un rôle important voire même capital dans le dispositif de la décentralisation du système de santé.

Le taux de scolarisation dans l'ensemble du pays est très faible. Selon l'INSD (2005) le taux brut de scolarisation au primaire en 2005 était de 55% soit 107% en milieu urbain contre 48% en milieu rural. Dans beaucoup de localités notamment en milieu rural, peu de personnes savaient lire et écrire. Or l'essentiel des CoGes siègent en zone rurale. La difficulté de trouver des personnes sachant lire et écrire pour animer ces structures est réelle. Ce qui dénote leur faible niveau de fonctionnement actuel. Aussi, le contexte économique se distingue par un taux de chômage très élevé et des activités économiques qui se réduisent aux activités agricoles ; 81,9% des ménages du pays pratique l'agriculture comme principale activité économique (INSD, 2005). Cette situation dénote une faiblesse des revenus des ménages ; ce qui n'est pas sans conséquences sur leurs capacités contributives au financement de la santé. Les conditions de vie des ménages n'encouragent pas les membres des CoGes à accepter le bénévolat. C'est sans doute ce qui explique leur absentéisme fréquent dans l'animation de ces structures d'appui.

4.2.4 Jeu d'intérêts et logiques d'intervention des acteurs

« La construction des politiques publiques n'est pas un processus abstrait. Elle est au contraire indissociable de l'action des individus ou des groupes concernés, de leur capacité à produire des discours concurrents, de leurs modes de mobilisation. Elle dépend aussi de la structure plus ou moins fluctuante de leurs relations et des stratégies élaborées». (P. Muller ; Y Surel, 1998, p 79) La mise en oeuvre de la décentralisation du système de santé mobilise une gamme variée d'acteurs sociaux : les cadres au niveau central, les DRS, les MCD, les membres des ECD, les membres des CSD, les membres des CoGes, les communautés, les fournisseurs, les associations et ONG, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les partis politiques, les élus locaux, les confessions religieuses, la chefferie traditionnelle, etc.

Chaque groupe d'acteurs va non seulement se caractériser par les types et l'importance des ressources qu'il contrôle (financières, humaines matérielles, symboliques) et mais aussi par le type de logique qui devrait servir à réguler et les interactions dans le système (Ibid).

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Muller et Surel discernaient deux types de facteurs essentiels chez les acteurs, qui à leur sens, pourraient avoir un impact considérable sur les politiques publiques : il s'agit des ressources et des répertoires d'action. Prolongeant la liste des caractéristiques des acteurs à même d'influencer la production d'une politique publique, Valéry Ridde(2005) a identifié et documenté dix logiques chez les acteurs impliqués dans la mise en oeuvre de l'IB, lesquelles logiques ont eu une influence non négligeable sur cette politique. Nous nous servirons de ce cadre pour analyser le jeu des acteurs dans la mise en oeuvre de la décentralisation en cours dans le secteur de la santé.

4.2.4.1 L'accaparement

L'accaparement est définit comme une stratégie visant à acquérir certaines ressources pour des intérêts personnels. La nature des ressources dans un district sanitaire est diverse : les ressources financières, les positions de pouvoir qui permettent d'accroître le capital social. Cette logique est mobilisée pour le positionnement favorable à l'occupation d'un poste, passage obligé vers les ressources. Le MBDHP (Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme) et l'UIDH (Union Interafricaine des Droits de l'Homme) ont à maintes reprises (Rapports annuels, 2002, 2004), critiqué le prisme de certains chefs traditionnels et religieux dans la gestion des affaires publiques locales. Dans leur lutte d'influence certaines sommités s'immiscent sous plusieurs formes dans la conduite des affaires. Ainsi, ils sont présents par procuration dans toutes les institutions au niveau locale. Dans le cadre de la décentralisation sanitaire, ils se sont accaparés du contrôle des CoGes. Les données empiriques informent que dans la plupart des localités où il existe un CSPS, il est très fréquent de constater que les comités de gestion sont composés par des proches du chef de village ou de certains chefs religieux. Cette façon de procéder découle d'une logique d'accaparement de toutes les instances décisionnelles et surtout de profiter des dividendes qui seront générées ; l'argent généré par la vente des MEG, le contact avec les partenaires (ONG, institutions internationales, etc.) constituent les principaux enjeux. Un interlocuteur, précédemment MCD témoignait que les détournements sont fréquents dans les CoGes, sans toutefois que des mesures disciplinaires soient prises car les personnes incriminées sont dans la majorité des cas des protégés de certaines autorités locales. Cette logique est également mobilisée par certains infirmiers qui usent de leurs relations pour se faire affecter dans un CSPS ou ils ont la chance d'être ICP. Ce poste est stratégique dans le contrôle des ressources. En effet, l'ICP est le conseiller des CoGes et mieux, il se trouve être généralement la personne la plus instruite dans le CoGes, ce qui n'est pas sans constituer un avantage non négligeable dans la

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gestion des affaires locales. Selon une étude (Ministère de la santé, 2002) beaucoup d'ICP s'accaparent de la gestion des CoGes en se muant en trésorier ou en président, ordonnateur des dépenses.

4.2.4.2 L'opacité

Une autre logique qui guide les acteurs dans leurs rapports avec les autres, reste l'opacité définit « comme la volonté délibérée de certains acteurs de cacher les informations à d'autres protagonistes ». Cette attitude est très présente dans la gestion des CoGes. En effet, ils sont nombreux les membres de certains CoGes qui ne disposent pas d'information sur leur structure. Une étude révélait que certains présidents de CoGes gardaient par devers eux tous les outils de gestion afin de cacher aux autres les malversations dont ils sont l'auteur. La même étude indiquait que certaines informations (les bénéfices émanant de la vente des MEG, certains types de dépenses, le montant des enveloppes financières de certains partenaires) ne faisaient pas l'objet de large diffusion aussi bien au sein des CoGes que dans les districts (Catrayé et al , 2001). Cette manière d'agir est savamment utilisée par certains acteurs (IPC, MCD, Président de CoGes) dans l'optique de maintenir les autres collaborateurs dans l'ignorance. C'est ce qui explique que moins qu'une équipe, c' est plutôt une poignée de complices qui gère les CoGes, les ECD. Cela affaiblit et dénature la participation communautaire.

On pourrait être tenté de dire que l'opacité est institutionnellement admise dans la gestion des dépôts répartiteurs des districts. En effet, chaque district dispose d'un dépôt de médicaments qui sont vendus au sein des CMA et qui servent à ravitailler les dépôts des CSPS. A ce niveau, aucune structure communautaire n'a été prévue par les textes pour contrôler le fonctionnement de cette structure. Les bénéfices engrangés ne sont pas connus des communautés, ce qui donne toute la latitude aux membres de l'équipe cadre de se répandre dans toutes sortes de dépenses, qui sont loin des intérêts des populations. Il reste que l'opacité favorise la prolifération des rumeurs de toute sorte qui contribuent à saper le moral des communautés. La conséquence de l'opacité est la faible fréquentation des structures de santé, un manque de confiance au système de santé, etc.

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4.2.4.3 Le clientélisme et la connivence

Le clientélisme et la connivence sont des logiques que les acteurs mettent en branle dans leurs rapports de tous les jours avec les autres dans le but d'atteindre les objectifs personnels escomptés. On pourrait définir le clientélisme comme « l'usage et l'entretien de relations personnelles avec certains responsables à des fins diverses ». Cette arme est très souvent utilisée par les fournisseurs et les entrepreneurs et s'observe dans les présents et opportunités d'affaires qu'on offre à certains acteurs importants tels les cadres au niveau central, les DRS, les MCD contre leur silence devant les manquements , le non respect des termes de contrat. Pour s'en convaincre, il suffit d'aller voir les conditions dans lesquelles certaines oeuvres sont exécutées sans que les premiers responsables n'osent porter des critiques. Beaucoup d'infrastructures sont de nos jours mal réalisées, des équipements de qualité approximative livrés au su et au vu de nombre de responsables, qui préfèrent sacrifier les intérêts collectifs contre une villa, une voiture. Aussi bien au niveau des CSPS que des CMA, ces logiques sont mises en contribution par les différents acteurs, chacun dans le sens de maximiser ses profits. Selon, un informateur, le ministère de la santé est très souvent victime de la mauvaise construction de certaines infrastructures, de la faible qualité de certains équipements, de détournements des derniers publics, des cas de manquement graves de certains à la discipline, à la déontologie médicale. Mais dans la plupart des cas, soit les auteurs ne sont pas dénoncés pour diverses raisons, soit ils ne sont pas sanctionnés à cause des relations qu'ils entretiennent avec certains cadres influents. Pour illustrer ces propos, notre informateur a mentionné que deux blocs opératoires qui viennent à peine d'être construit connaissent de sérieux problèmes d'étanchéité sans que des sanctions soient prises à l'encontre de l'entreprise et de ses complices.

4.2.4. 4 La suspicion

La suspicion se caractérise par le manque de confiance entre les acteurs. Soit on doute de la compétence des autres, soit on reste septique quant à leur bonne foi. Cette situation conduit à la méfiance ou à un contrôle poussé de l'autre. Cette façon de penser et d'agir caractérise l'intervention de certains acteurs dans le processus de mise en oeuvre : il s'agit des agences de coopération bilatérale et multilatérale, de certaines ONG. Elles n'ont pas confiance à l'administration publique dans son ensemble et aux agents de l'Etat en particulier. Une telle façon de concevoir les rapports n'est pas sans conséquence sur la collaboration et s'illustre par la complexité et la lourdeur des outils de gestion que ces institutions imposent aux agents de l'Etat à chaque fois qu'elles interviennent dans le processus. La rigueur de gestion qui prétend

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caractériser les institutions de coopération crée sans nul doute des désagréments et des ratés qui ralentissent la progression du processus. Un directeur de service regrettait le fait que des districts n'arrivent pas épuiser les fonds mis à leur disposition par l'UNFPA, tout simplement à cause des péripéties des procédures administratives. Ce que ces institutions exigent dépassent dans nombre de situation, les compétences du personnel disponible dans les districts. (Enq02).

4.2.4.5 L'évitement

« Nous avons qualifié cette stratégie d'évitement dans la mesure où elle fait référence à des comportements humains cherchant à tout prix à éviter la survenue d'un conflit direct entre les acteurs sociaux ». (Ridde, 2005) Le but de l'évitement poursuit l'auteur, est l'instauration et la pérennisation de la paix sociale. Pour ce faire, il est essentiel d'empêcher l'éclatement des conflits, des poursuites judiciaires et autres sanctions à même d'entamer les bonnes relations indispensables à la collaboration.

L'évitement s'exprime dans le refus de dénoncer les agents qui se répandent dans des comportements peu orthodoxes, qui inhibent l'utilisation des services de santé et le fonctionnement des structures d'appui. Afin de sauvegarder la cohésion sociale, certains membres des CoGes ne s'aventurent pas à s'opposer de façon affichée et tranchée à certaines dérives des présidents ou des trésoriers dont la gestion compromet l'avenir de leur CSPS. Cette logique guide nombre d'acteurs dans leurs relations avec les autres. Nous pensons que cette façon de se conduire ouvre la voie à toutes de sortes de dérives dans la gestion des districts.

4.2.4.6 La substitution

Définie comme « un processus de travail entrepris par des acteurs pour effectuer certaines tâches en lieu et place d'autres personnes », la logique de la substitution semble caractérisée le comportement de certains acteurs dans les districts sanitaires. Les données disponibles informent de l'existence de cette stratégie d'acteur(substitution) dans la relation entre les membres du CoGes, entre le personnel médical et paramédical, entre les ICP et les membres du CoGes.

En effet, le rapport de l'évaluation de la gestion des ressources financières des CoGes (Ministère de la santé, 2002) faisait ressortir des insuffisances profondes au niveau des rôles et des fonctions des différents membres, pourtant bien définis dans les statuts. Ainsi, des ICP et des trésoriers se substituent aux présidents dans l'ordonnancement des dépenses ; des présidents et des ICP

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tiennent les outils de gestion en lieu et place des trésoriers. Des aides opérateurs font des interventions chirurgicales devant l'absence des médecins. La mobilisation de cette stratégie par les infirmiers, « outre le fait que cela peut leur permettre, pour les moins honnêtes, d'accaparer quelques ressources, ils veillent à maintenir leur pouvoir sur les communautés et à montrer à leur hiérarchie administrative que leur centre de santé fonctionne bien » (Ridde, 2005). Quant aux membres des CoGes, cette démarche procède des intentions de malversation dans la plupart des situations. Pratiquée avec de bonnes intentions, la substitution favorise un meilleur fonctionnement des districts, elle est dans ce cas louable.

4.2.4.7 Le mépris du service public

La dernière des logiques d'intervention, qui pensons-nous s'applique au contexte de la décentralisation du système de santé est le mépris du service public. Dans leur course vers l'enrichissement, certains acteurs s'arc boutent sur l'Etat et partant les biens publics. Que ce soit les entrepreneurs, les fournisseurs, les cadres au niveau central et périphérique, les communautés, tous font preuve d'une perception erronée de la chose publique. Il suffit d'observer les rapports avec les matériels de l'Etat pour comprendre la profondeur du mépris du service public. Cette situation conduit à un gaspillage de ressources car le matériel atteint rarement la longévité escomptée faute d'entretien. Appliquer au processus de décentralisation, cette réalité se traduit par les pannes fréquentes des ambulances, l'utilisation à des fins personnelles du matériel médical, le détournement du carburant, l'insalubrité de certains locaux, les surfacturations, les absences injustifiées, les infrastructures inachevées, les sessions de formation bâclées, etc. La décentralisation sanitaire s'installe dans un contexte général empreint de laxisme, de favoritisme, de laisser aller, bref de corruption. Le sérieux, l'engagement sincère des acteurs, gage d'un meilleur aboutissement du processus, laissent petit à petit la place à la maximisation des avantages matériels et personnels. Que ce soient les passations de marché, les activités de supervision, de formation, de soins, rien n' est fait avec une application certaine. La préoccupation première réside dans les prises en charge et autres avantages matériels. La question fondamentale que nous posons est la suivante : le personnel médical et paramédical oeuvre- il dans le sens d'un aboutissement heureux du processus ? La mise en oeuvre de la décentralisation ne saurait s'affranchir du prisme de la faiblesse de conscience professionnelle et de l'effondrement progressif et accéléré du civisme.

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5. DISCUSSION ET RECOMANDATIONS 5.1 Discussion

5.1.1 Le débat, un préalable nécessaire

Un ancien cadre, alors artisan de la décentralisation sanitaire nous confiait qu'une des insuffisances de la politique de décentralisation sanitaire est sans conteste le manque de débat aussi bien à l'interne qu'à l'externe. La conduite du processus avait été confiée à un noyau de cadres convaincus de la nécessité d'une telle réorganisation du système de santé, qui ne rendaient compte qu'au ministre de la santé. Il eut peu d'échanges avec les autres acteurs du ministère. Cette situation s'expliquerait par le fait que la mise en oeuvre a été engagée sous pression de la Banque mondiale et qu'il fallait faire les choses selon les exigences des bailleurs de fonds. Le ministère n'a pas voulu d'un débat car, les incompréhensions et les tensions qui en résulteraient, constitueraient sans nul doute de sérieux obstacles.

Il reste que les conséquences de cette situation pèsent lourdement sur le fonctionnement des districts. En effet, cette façon de procéder a généré des mécontents au sein du ministère qui sont, si on peut l'exprimer ainsi les opposants à cette politique et s'investissent assidument pour prouver son impertinence. Ce qui fait qu'à chaque changement de ministre, on note une rupture dans la marche du processus ; des activités sont supprimées, de nouvelles directives sont mises en circulation souvent en contradiction avec des textes en vigueur.

Une autre conséquence de l'absence de débat s'exprime dans la faible participation des populations dans la gestion des districts sanitaires. Les structures dites communautaires mises en place à la faveur de la décentralisation sanitaire ne sont la plupart que l'ombre d'elles sans une emprise réelle sur la gestion des services de santé qui est resté confinée entre les mains du personnel médical et paramédical. Des échanges francs et simples assortis des séances de sensibilisation auraient permis aux populations de prendre conscience de leurs devoirs et de comprendre qu'elles peuvent et doivent demander des comptes aux gestionnaires des questions de leur santé. Comment les populations peuvent-elles jouer pleinement leurs rôles dans l'ignorance. Il aurait fallu un débat tant avec les acteurs à l'interne qu'à l'externe pour aplanir

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certaines divergences, lever des équivoques, toute chose favorable à une participation et une adhésion des différents acteurs. Un débat aurait permis de prendre compte les préoccupations de tous les acteurs et d'agir en conséquence.

5.1.2 Une vision étriquée de l'accessibilité

Le discours officiel ne cesse de se référer au rayon de couverture pour témoigner des efforts faits pour rapprocher les centres de soins des utilisateurs. Lorsqu'on aborde la question de l'accessibilité certains cadres avancent que le rayon d'action des CSPS est passé de 20 km à 8km. Tous les efforts vont ainsi dans le sens de construction des services de santé afin d'augmenter la couverture sanitaire qui est d' ailleurs l'objectif 1 du PNDS.

Nous pensons que cette seule acception qu'on donne à la notion d'accessibilité est préjudiciable à la décentralisation du système de santé. L'accessibilité est une question de disponibilité, une considération de l'autre, un plaisir à collaborer et à servir, une possibilité financière. Que prévoit la décentralisation sanitaire pour éviter aux populations de perdre du temps dans les formations sanitaires en augmentant le nombre du personnel ? A-t-on prévue des activités pour permettre aux prestataires des soins de santé de se comprendre et de se remettre en cause afin d'aboutir à des comportements favorables à une meilleure collaboration avec les utilisateurs. Il urge de comprendre que l'accessibilité des services de santé dans un contexte de décentralisation passe en plus de la construction des infrastructures, par l'augmentation du nombre des agents de santé et un impératif de changement de comportement des prestataires de soins, la prise en compte des plus démunis.

5.1.3 Décentraliser pour qui ?

« L'imputabilité, c'est ce qui manque le plus dans la décentralisation sanitaire chez nous » ainsi s'exprimait un de nos interlocuteurs (Enq04). L'imputabilité est ce principe selon lequel les administrateurs publics doivent à la fois reconnaître l'obligation de réaliser les mandats qui leur sont confiés et rendre compte à la société ou à ses mandataires de leurs activités et de tout le processus de transfert. (Turgeon J, Lemieux Vincent, 1999, P 175). L'imputabilité pose à notre sens, d'une part la question de la conscience que les administrateurs ont des missions qui leur sont confiées et l'obligation des bénéficiaires de demander des comptes aux premiers.

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

La politique de décentralisation sanitaire, afin de promouvoir la participation des communautés a prévu la mise en place d'un certain nombre de structures dites communautaires à même de constituer un cadre de contrôle, d'expression et de revendication pour les populations ; ce sont les CoGes. L'existence seule de ces structures suffit aux autorités sanitaires à justifier de la participation des populations à la gestion de leurs problèmes de santé. Ce qui est le plus important, pensons-nous, est d'aller voir dans les pratiques, les pouvoirs que détiennent ces structures vis-à-vis des services de santé.

Leurs activités des CoGes se limitent pour l'instant à la gestion des fonds émanant de la vente des médicaments. Cette structure représentative des populations entreprend rarement des actions devant les cas d'absentéisme chronique et injustifié des agents de santé, au cas de manquement aux principes élémentaires de la bienséance qui caractérisent le comportement de certains agents de santé. Le personnel médical et paramédical utilise dans certains cas cette structure comme des caisses de résonance ou des alliées pour spolier les communautés. Autant de lacunes qui témoignent des énormes insuffisances qui entachent l'existence de cette structure sensée défendre les intérêts des populations.

Si les populations sont représentées au sein des CSPS qui sont les premiers point de contact avec le système de santé, elles sont quasiment absentes au niveau de la structure de gestion du district qui est l'équipe cadre. Aucune structure représentative des utilisateurs des services de santé n'a été prévue à ce niveau. Comment comprendre cet état des faits quand on sait que c'est à ce niveau que les questions importantes concernant la vie du district sont débattues ? On ne rend pas compte aux utilisateurs des bénéfices générés par le dépôt répartiteur et la pharmacie de l'hôpital des districts. Seule l'équipe du district, composée du personnel médical et paramédical, a un droit de regard et d'utilisation de ces fonds. Quelle différence avec la forme de gestion d'avant ? Que fait le MCD et son équipe cadre des plaintes des utilisateurs du comportement des prestataires, ou des cas de malversions des agents de santé ?

Ce qui se laisse voir dans la pratique, nous autorise à affirmer que la décentralisation dans sa forme actuelle n'accorde aucun pouvoir aux communautés. Ce qui permet à certains agents de santé d'utiliser des ressources des populations à des fins personnelles avec l'onction de certains

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cadres au niveau central. Devant les cas de malversions constatés ça et là dans les districts, la sanction la plus grave consiste à affecter le coupable dans un autre district ou il est probable qu'il se répande dans le même type comportement. L'argumentaire qui fait croire que la décentralisation permet l'amélioration de la capacité de répondre aux besoins des citoyens puisque ceux nouvellement chargés de les écouter seraient plus proches d'eux, est battue en brèche par le comportement des agents de santé qui sont loin de considérer et d'accepter les utilisateurs comme des partenaires et pourquoi pas des employeurs potentiels. Partant de ce constat, on est en droit de se demander pour qui on décentralise le système de santé ?

5.1.4 Une politique en panne d'évaluation

L'une des tares dans la mise en oeuvre des politiques publiques dans les pays en développement, facteur d'échec de bon nombre de programmes, est sans conteste l'absence ou du moins la faiblesse des évaluations. On consacre plus de temps et de ressources à la formulation et à l'implantation au détriment de l'évaluation. Combien sont- ils, les politiques, les programmes et projets qui ont englouti beaucoup de ressources et qui n'ont jamais fait l'objet d'évaluation. Qui plus est, certains de ces programmes sont souvent reconduits avec les mêmes insuffisances. Alors qu'il aurait suffit d' une évaluation pour tirer des leçons.

Une évaluation périodique du processus de mise en oeuvre de la décentralisation du système sanitaire aurait permis de se rendre vite compte de l'inadéquation de certaines activités, du coût élevé de certaines stratégies, des comportements souvent inacceptables de certains partenaires, de la non application de certains textes et bien d'autres choses encore. Cela fait plus de dix ans que le processus est en marche, pourtant, il n' existe aucun rapport d'évaluation globale de l'implantation de cette politique. D'évaluations, nous avons trouvé deux études (Catrayé et al, 2000 ; Ministère de la santé, juin 1995 et mai 2001) qui portent sur certaines composantes de cette politique. Des études menées par d'autres structures portent des critiques sur la politique de décentralisation du système de santé (Bodart et al 2001 ; GTZ, 2000). Un responsable d'une agence participant à la mise en oeuvre de cette politique justifiait l'irrégularité des évaluations par un manque de moyens financiers et surtout de volonté politique pour conclure en ces termes « c'est vous qui connaissez l'importance de l'évaluation. Est-ce que dans l'administration publique, cette question intéresse les gens ; s'ils le font c'est pour justifier des dépenses. Les

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résultats ne sont pas du tout utilisés. Ce que je sais, toutes les évaluations de programme qui ont été faites, l'ont été parce que des bailleurs l'ont voulu. C'est dommage, on reprend les programmes avec les mêmes insuffisances. Que voulez vous. (Enq06). Il est urgent à notre sens de procéder à une évaluation sérieuse de cette politique afin de lui donner une orientation claire et précise à même de lui permettre d'atteindre les résultats escomptés.

5.1.5 La question des ressources humaines reste posée

La crise du système de santé publique renvoie en premier lieu au comportement non professionnel du personnel médical, paramédical et administratif. C'est ce comportement qu'il s'agit de redresser, en autonomisant les formations sanitaires, en responsabilisant le personnel et en le motivant (J.F Médard, 2006). Dans un contexte de décentralisation, il est impératif d'engager une refonte dans la gestion des ressources humaines pour les rendre performantes.

Selon l'OMS (Rapport 2006), la performance du personnel se mesure à travers quatre indicateurs à savoir : disponibilité, compétence, réactivité et productivité. Peut- on dire dans l'état actuel de fonctionnement des districts que le personnel qui sert dans ces structures fait preuve de performance ? Que prévoit la politique de décentralisation dans le sens de renforcer la performance du personnel.

En plus de leur insuffisance, le personnel de santé se caractérise par une mauvaise répartition. Ainsi, 60, 06% des médecins, 62,06% des sages femmes se trouve dans les deux grands centres urbains du pays (Annuaire des statistiques sanitaires 2005). La question de la compétence pose fondamentalement la question de la formation. Les ateliers, séminaires et autres sont-ils des cadres efficaces de renforcement des capacités du personnel. Aussi, les formations dispensées aux agents de santé ne répondent pas à un besoin réel et ne s'adaptent pas aux tâches qu'ils accomplissent. De même, respecter les patients et tenir compte de leurs remarques ne semblent pas bien compris des agents de santé. La décentralisation sanitaire risque de se trouver à la croisée des chemins si elle ne prend pas en compte la question des ressources humaines.

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5.1.6 Décentralisation et équité

L'équité selon le petit Larousse illustré 2006 se définit « vertu de celui qui possède un sens naturel de la justice ou encore justice naturelle ou moral considérée indépendamment du droit en vigueur ». Le concept d'équité se définit en termes de justice mais en référence surtout à la distribution de biens et de services entre individus et groupes d'individus. La philosophie qui sous tend l'idée est de donner à chacun selon son besoin. Dit autrement, l'équité doit amener à une distribution des biens et des services de telle sorte que ceux qui ont le plus besoin y accèdent facilement. Appliqué à la santé, le concept a toujours été rattaché à la réduction des inégalités. Ainsi, l'une des définitions les plus souvent citées de l'iniquité en santé se réfère à de différences de santé considérées comme évitables et injustes (Gwatkin, 2000). Parlant d'équité les pauvres sont ceux qui ont le plus besoin de soins mais dans la pratique ce sont eux qui éprouvent d'énormes difficultés financières à se faire soigner.

C'est pourquoi, depuis plus d'une décennie, il est revendiqué plus d'équité dans le domaine de la santé. « La santé pour tous » au-delà d'être un slogan reste de nos jours un principe fondateur de nombre de politique de santé. L'application de ce principe se traduit par le développement d'un certain nombre de stratégies : le partage des couts, le ciblage, la décentralisation. La décentralisation du système de santé du Burkina a-t-il favorisé l'équité ? Fautes d'enquête de terrain, nous nous servirons de données empiriques et la littérature disponible pour essayer de discuter la question précédente. Notre ambition est moins de faire une analyse de l'équité dans les politiques publiques de santé comme on l'a bien fait Valéry Ridde (2005) que de rendre compte de ce que les études précédentes mentionnent au sujet de l'équité dans le contexte de décentralisation du système de santé.

«Eu égard des études disponibles, nous croyons que ce sont les questions d'administration et de gestion qui ont pris le pas sur les préoccupations d'accès aux soins. Dit autrement, l'aspect équitable de l'IB a été négligé et les préoccupations premières des acteurs ont été concentrées sur l'efficacité de l'organisation à mettre en place » (Ridde, 2005) .Nous souscrivons au constat de l'auteur, ce d'autant plus que la mise en oeuvre de l'IB et l'implantation de décentralisation sont difficilement séparables. La décentralisation dans la pratique est focalisée sur ce qu'on appelle au niveau du ministère de la santé l' opérationnalisation des districts qui se résume à la

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construction des infrastructures, l' équipement des salles de soins, la mise en place des structures, la formation des acteurs. Peu d'attention est accordée au fonctionnement des districts, comme il suffit de mettre en place les structures pour que tout fonctionne. L'organisation du pays en district sanitaire ne semble pas permettre de prendre en compte les préoccupations des pauvres. Des mécanismes existent dans les districts pour traiter de la situation des plus démunis ? Nous affirmons que non car ni les données empiriques, ni les études antérieures n'ont fait cas de l'existence de « règles connues, claires et transparentes » dans un quelconque district pour favoriser l'accès des pauvres aux services de santé. En effet, la question de l'équité occupe une bonne place parmi les recommandations de plusieurs études. (Ministère de la santé juin 1995, 2001, ABSP 2000 ; Nitiéma, Ridde et al, 2003), toute chose qui indique qu'en dépit des nombreuses réformes assorties de bonnes intentions en faveur des pauvres, la santé continue d'être un luxe pour une bonne partie des pauvres. Pour l'instant, la décentralisation du système de santé comme stratégie de réduction des iniquités ne semble pas pertinente ; les efforts des districts et de leurs partenaires convergent plus vers la réalisation d'infrastructures, l'achat de matériel, que vers l'instauration d'un débat franc qui aurait permis de débaucher sur des solutions à cette question. Le taux d'utilisation des services de santé ne connaîtrait une amélioration véritable que lorsque cette question aurait trouvé une réponse satisfaisante. La décentralisation, comme bien d'autres stratégies adoptées dans le secteur de la santé ne pourront venir à bout de l'équité car « il est extrêmement rare que l'on ait défini des objectifs de santé en termes pertinents du point de vue du renforcement de l'équité ou du recul de la pauvreté. Les objectifs sanitaires sont presque toujours exprimés en moyenne pour l'ensemble de la société (Gwatkin, 2000). Aussi, « les acteurs des réformes sanitaires en Afrique, comme dans bien d'autres continents, semblent plus préoccupés par la maximisation de leurs gains et de la conversation de leurs pouvoirs que par l'amélioration des systèmes de santé et la prise en charge des exclus permanents ». (Ridde, 2005).

5.1.8 La décentralisation, une question d'approche au changement

« Le concept de changement est généralement entendu et défini soit comme un processus, soit comme un écart dans le contenu de ce qui est observé. Dans le premier cas, le terme changement est utilisé pour désigner la progression des évènements, le cheminement entre des situations

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différentes dans le temps. Dans le second, il est utilisé afin de décrire le bilan des différences observables empiriquement dans la forme, la qualité ou l'état des situations elles-mêmes ». (Dufour Y ; Lamothe L, 1999). Les politiques de santé conduisent généralement à des changements dans l'organisation des différentes fonctions du système de santé que sont l'administration générale, le fonctionnement, la prestation des services et la génération des ressources (OMS, 2000). Les résultats mitigés de la décentralisation du système de santé nous commandent à nous interroger sur la façon dont les changements escomptés ont appréhendés et suscités.

La littérature offre aux perspectives d'analyses, quatre approches au changement dans les systèmes de santé (Rouleau et Séguin 1995, cités par Doufour et Lamothe, 1999). Ce sont l'approche classique, l'approche contingente, l'approche du comportement organisationnel et l'approche politique. La différence fondamentale entre ces différentes approches se focalise sur les places qu'elles accordent aux structures, au processus, aux mécanismes de gestion, à l'environnement et aux acteurs dans le processus de changement ; ce qui fait dire à Dufour et Lamothe que « l'approche classique et celle des contingences considèrent l'organisation comme un système technique alors que l'approche politique et celle du comportement la voient plutôt comme un système social ». En effet, les aspects techniques, la qualité du contenu et la formulation, les démarches de mise en oeuvre du changement, la forme organisationnelle, l'environnement restent les éléments qui cristallisent les attentions lorsqu' on adopte l'approche classique et celle des contingences. Ce sont donc un noyau d'experts qui conçoit le changement et l'importe dans un milieu donné. Le changement dans cet ordre n'est pas endogène ; il est exotique. Par contre les approches du comportement organisationnel et celle politique prônent que les individus doivent être mis à contribution dans la mise en oeuvre du changement organisationnel car l'aboutissement d'une réforme passe par une authentique adhésion des acteurs à l'objectif poursuivi un engagement soutenu envers l'organisation. En effet, il pas utile de rappeler qu'une organisation est une somme d'individus qui partagent des traits de personnalités, des attitudes, des valeurs, des aspirations auxquels ils sont sérieusement attachés. Or, ces caractéristiques ne sont pas épargnées par le changement. C'est pourquoi, il est fortement indispensable de réserver une place de choix aux individus, ce qui permet sans aucun doute de prendre en compte leurs préoccupations et d'agir en conséquence. Nous pensons que ces

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caractéristiques ne sont pas sans conséquence sur la motivation, la mobilisation et la coopération des individus dans un projet de changement comme celui de la décentralisation du système de santé.

Nos données empiriques nous laissent affirmer que les approches de changement promues par la politique de décentralisation du système de santé au Burkina n'ont pas fait de places, aux préoccupations de certains acteurs pourtant essentiels (le personnel médical et paramédical, les communautés) dans la réussite de cette réforme. C'est une entorse grave au processus en ce sens que sans une motivation, un engagement sincère des médecins et des infirmiers, des communautés à ce processus, on aurait beau mobiliser les ressources financières que le projet n'atteindrait pas les résultats escomptés. Il ne faut pas oublier que le changement est porté par des individus, des acteurs qui ne peuvent être mobilisés que sur la base de leurs intérêts. L'instabilité des médecins, cette grosse épine qui entrave le bon fonctionnement des districts, pourrait être évitée si et seulement si, on avait mis pris sérieusement en compte les besoins du personnel en lieu et place de ceux de la structure. « Nous pensons que le rôle des acteurs est central dans la mise en oeuvre et l'appropriation d'un changement. Il nous semble que cela soit d'autant plus le cas lorsque nous avons affaire à une politique publique où des conflits liés aux valeurs peuvent amener les acteurs à tenter de bloquer ou d'entraver les réformes sanitaires » (Ridde, 2005). Ce faisant, il est important de choisir une approche de changement qui accorde une importance aux acteurs à travers une meilleure prise en compte de leurs préoccupations et de leurs intérêts. Notre idée est faite que la politique de décentralisation s'est plus focalisée sur les innovations, oubliant qu'elles se matérialisent à travers des acteurs. S'appuyer sur les approches politique et celle du comportement nous semble indiqué et indispensable pour garantir une meilleure réussite au processus de décentralisation sanitaire en cours depuis plus d'une décennie.

5.1.9 Ce qui marche

Nonobstant les difficultés qui jalonnent le processus de décentralisation, il convient de noter que la mise en oeuvre de cette politique est d'un apport considérable au système de santé si on s'en tient à la lutte contre la mortalité maternelle, au renforcement des compétences des acteurs du système de santé et à l'augmentation de la couverture sanitaire.

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En effet, la décentralisation a favorisé la mise en place des hôpitaux, appelé centre médical avec antenne chirurgicale dans beaucoup de localités du pays, ce qui permet de prendre en charge le césariennes et bien d'autres pathologie nécessitant une intervention chirurgicale. De nos jours le pays compte plus de 40 hôpitaux de district qui sont fonctionnels même si tout ne semble parfait. Quand on sait qu'avant l'avènement des districts, bénéficier d'une intervention obligeait à des longs déplacements, on comprend aisément que la décentralisation contribue substantiellement à la lutte contre la mortalité maternelle en disposant des plateaux techniques pour les besoins obstétricaux dans les zones périphériques.

Sur le plan du renforcement des capacités, on note avec la formation des médecins exerçant dans les districts en chirurgie essentielle. Chaque année depuis 1993, au moins une trentaine de médecin déjà en activité dans les hôpitaux de district reçoivent pendant 45 jours et sous les auspices de chirurgiens attitrés des cours théoriques assorties de stage. Cette formation vient à point nommer considérant les difficultés que rencontrent les pays en développement de disposer de chirurgiens en nombre suffisants. Outre la formation en chirurgie la décentralisation a introduit la formation des médecins en gestion dans l'optique de leur permettre prendre charge convenablement les districts. Il faut également relever le renforcement des capacités des autres acteurs (personnel paramédical, membres des CoGes) disposé sous forme d'atelier et de séminaire.

5.2 Recommandations

Nous formulons à présent quelques recommandations, à l'endroit de tous les acteurs du système de santé, dans l'optique de l'amélioration de la mise en oeuvre de la politique de décentralisation du système de santé.

> Instaurer un système d'évaluation périodique du processus. En effet, l'importance de l'évaluation pour une politique ou un programme est qu'elle offre la possibilité de découvrir ce qui marche bien ou non, et ce qu'il faut améliorer. C'est l'occasion de passer en revue aussi bien les objectifs fixés, les stratégies définies que les ressources mobilisées afin de juger de leur pertinence et de leur efficacité. Elle aidera à tirer des enseignements sur le déroulement du processus. Une évaluation fournira des

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informations précieuses et capitales aux décideurs, ce qui permettra d'orienter le

processus dans le sens d'une amélioration réelle de la santé des populations.

> Prendre en compte les intérêts matériels et stratégiques des deux acteurs clés du processus de décentralisation du système de santé à savoir le personnel de santé et les populations. Des solutions doivent être trouvées afin de faciliter aux médecins exerçant dans les districts de se spécialiser. On pourrait par exemple les exempter des tests pour la spécialisation.

> La décentralisation du système de santé ne sera efficace que si elle permet au plus grand nombre d'avoir accès aux soins. Des solutions urgentes et durables doivent être trouvées pour permettre aux plus démunis de se soigner. L'Etat doit accompagner les districts dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un système d'exonération pour les pauvres.

> Accorder aux districts l'exclusivité de leurs dépenses et mettre en place un système d'audit régulier. Cela permettra d'éviter de perdre du temps aussi bien dans les commandes que dans les délais de livraisons. La méthode de commandes groupées en vigueur actuellement au profit des districts ne semble pas adéquate ; elle est coûteuse en temps et en qualité. La preuve, le district de Kombissiri attend toujours des mobylettes qu'il était sensé recevoir en fin 2005.

> Renforcer la CADSS. En tant que structure conseil en matière de décentralisation, la CADSS se doit d'avoir les moyens techniques, financiers et politiques pour fonctionner convenablement. En lieu et place des fonctionnaires qu'on y affecte, la CADSS sera animée par un noyau de cadres sélectionnés sur la base de critères précis. Les compétences extérieures au ministère de la santé devraient être autorisées à participer à l'animation de la CADSS. Cette structure ne doit pas compter seulement sur les subventions de l'Etat pour fonctionner mais elle doit aller à la recherche de financements extérieurs à travers des projets de recherche pertinents et d'un intérêt populationnel et scientifique certains. Cette structure, combien important pour le

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Analyse de la politique de décentralisation du système de santé du Burkina Faso

processus de décentralisation sanitaire cessera d'être un service anonyme pour se constituer en un centre d'expertise.

> En lieu et place des CoGes qui siègent au niveau des CSPS et ne cessent de rencontrer de nombreuses difficultés, nous proposons de réfléchir à une autre alternative ; celle d'avoir un seul CoGes pour l'ensemble du réseau des CSPS du district. Aussi, les maires des différentes communes y seront d'office membres.

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6. CONCLUSION

Cet essai d'analyse des politiques publiques s'était donné pour but de comprendre et d'expliquer d'une part les facteurs d'influence du processus de mise en oeuvre de la décentralisation du système de santé du Burkina et de juger de l'effectivité du fonctionnement des districts sanitaires comme des entités décentralisées d'autre part. Pour ce faire, nous sommes allés à la rencontre des acteurs du processus, munis de deux approches théoriques : le modèle de Walt et Gilson (1994) qui comprend quatre éléments fondamentaux à savoir le contenu de la politique, les stratégies de mise en oeuvre, le contexte et enfin les acteurs, nous a permis d'expliquer les facteurs d'influence de l'implantation de la décentralisation. ; le cadre de Kochen et Deutsch (1980) composé de huit variables (pluralité, dispersion, spécialisation, sensibilité, aplatissement, délégation, participation courante, participation reconfigurante) a été utilisé pour estimer le niveau de décentralisation des districts sanitaires.

L'application du modèle de Walt et Gilson nous a offert l'occasion de comprendre que certains contenus de cette réforme ne rencontraient pas l'assentiment des acteurs clés. En effet, les médecins ne semblent pas satisfaits de ce que la décentralisation leur réserve. C'est ainsi qu'ils mettent tout en oeuvre en dépit de la formation complémentaire qu'ils reçoivent pour travailler hors des districts. Aussi, le paiement direct des actes est de loin ce que les populations pouvaient attendre de la décentralisation.

Il nous a également été donné de constater que les stratégies utilisées dans le cadre de la mise en oeuvre de la décentralisation n'avaient pas fait l'objet d'expérimentation à travers un projet pilote. Or, il est indéniable qu'un projet pilote offre une opportunité aux acteurs d'une intervention de tester de la pertinence, de l'efficacité et de l'efficience des stratégies d'intervention. C'est aussi le meilleur moment pour peaufiner et ajuster certains mécanismes, comprendre les ambitions, les aspirations et les attentes des acteurs afin d'en tenir compte lors de la phase d'extrapolation du projet. La décentralisation du système de santé n'a pas obéit à cette logique. Les conséquences de cette démarche d'intervention restent l'inadéquation de certaines stratégies, le coût exorbitant de certains choix, le difficile fonctionnement de certaines structures d'accompagnement des districts, une faible utilisation des services de santé par les communautés.

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Aussi, la décentralisation du système de santé intervient dans un contexte politique dominé par la suprématie écrasante du parti du pouvoir qui se traduit par une monopolisation de la gestion des affaires publiques ; ce qui écarte du coup les compétences des autres formations politiques qui pouvaient être mis à contribution dans la mise en oeuvre de ce processus. En sus, le niveau de pauvreté élevé des ménages annihile ou amenuise les capacités contributives des populations au financement de la santé. La faible scolarisation qui caractérise le pays se répercute au niveau de la gestion des CoGes qui se composent pour la majorité d'illettrés.

En somme, le modèle de Walt et Gilson s'adapte à l'analyse de la mise en oeuvre des politiques publiques. Toutefois, nous estimons qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des facteurs qui caractérisent l'implantation des politiques publiques dans un contexte africain. En effet, le caractère exogène des politiques publiques, le poids considérable des opérateurs5 politiques, l'imprécision des objectifs des politiques sont autant de facteurs qui pourraient enrichir le modèle de Walt et Gilson.

L'expérimentation du cadre de Kochen et Deutsch relatif au niveau de décentralisation d'un service nous autorise à corroborer la pertinence de modèle. L'application de ce modèle au cas d'un district dans le contexte du Burkina a révélé que le fonctionnement des districts en tant que système décentralisé contient de nombreuses insuffisances qui émoussent l'autonomie de ces structures de soins. En effet, la décentralisation n'a pas permis de résoudre le problème des ressources humaines, d'accorder suffisamment de pouvoir aux districts dans la gestion financière ainsi que l'administration du personnel. Nous estimons que décentraliser un service, c'est aussi réduire les longues procédures de dépenses, tout élément qui permet de gagner aussi bien en tant qu'en qualité. En dépit de la décentralisation, on constate que les procédures de dépenses des services de santé décentralisés continuent à souffrir du poids des mécanismes de décaissement qui impliquent une longue liste d'acteurs qui ne relèvent pas de la santé. Aussi, les services de santé rentent toujours inaccessibles à ceux qui en n'ont le plus besoins, c'est-à-dire les plus démunis.

5 Ce sont les organisations onusiennes et certaines ONG internationales que nous désignons sous ce vocable

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Il est admis que pour qu'un système fonctionne convenablement, en plus du fait que les rôles et responsabilités des acteurs doivent être clairement définis, il est indispensable que des relations de confiance s'installent entre les parties prenantes du système car « un système de santé fondé sur les relations de confiance entre les acteurs impliqués est en mesure d'apporter une contribution importante à la construction des valeurs sociales » .(Ridde, 2005) Dans le cas de la décentralisation du système de santé du Burkina, on note un manque de confiance entre les acteurs tant de l'intérieur que de l'extérieur. On observe un manque de confiance des populations à l'offre de soins qui se caractérise par une faible utilisation des services de santé, un manque de confiance entre le niveau central et la périphérie qui s'exprime dans la lourdeur des procédures et la pléthore de commissions, un manque de confiance des partenaires financiers à l'Etat qui se constate dans les mécanismes de décaissement , de dépenses et de contrôle qu'imposent ces partenaires, enfin un manque de confiance de certains ministères (MATD, MFB)à celui de la santé qui se manifeste par la présence de leurs agents dans les commissions d'attribution des marchés des districts sanitaires. Cette confiance pourrait être générée par un débat sincère, franc et direct avec tous les acteurs.

Tout système, toute organisation tire son existence et alimente son fonctionnement à partir d'une gamme de valeurs ; et pour que tout se déroule normalement, l'ensemble des acteurs doit se reconnaître en ces valeurs ; nous pensons que tel ne semble pas le cas dans le processus de décentralisation du système. La communalisation intégrale peut être une occasion pour ajuster le processus et établir la confiance minimum indispensable entre les acteurs.

L' analyse de la décentralisation procède de l'analyse des politiques publiques, ce faisant nous aurons pu l'aborder sous l'angle de l'identification du problème et son inscription sur l'agenda politique(genèse), à travers le processus de sa formulation et son adoption ou par les mécanismes du suivi -évaluation. En choisissant de l'analyser à travers sa mise en oeuvre, nous pensions que le processus étant en cours depuis plus d'une dizaine d'année, notre étude viendra en appoint dans l'identification des obstacles au déroulement du processus et éventuellement pourrait aboutir à des propositions de solutions pour une amélioration de la performance du système de santé. Il est souhaitable que d'autres études abordent la décentralisation du système de santé du Burkina

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Faso sous d'autres angles avec divers cadres conceptuels; ce qui permettra de disposer à la longue d'éléments d'appréciation sur cette politique dans sa globalité.

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Les productions du Ministère de la Santé

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V

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Liste des textes réglementaires consultés

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Arrêté N 2004- 202/MS/CAB du 5 juillet 2004 portant attribution, organisation et fonctionnement de la Cellule d'Appui à la Décentralisation du Système Sanitaire.

Décret n 93-001/PRES/MFLP/SASF/MAT du 28 janvier 1993 portant autonomie de gestion financière des formations sanitaires périphériques de l'Etat.

Décret n 95 - 462/PRES/MS/MEFP/MAT du 31 octobre 1995 portant statuts des comités de gestion des formations sanitaires périphériques de l'Etat.

Décret n 99- 102/PRES/PM/MS du 29 avril 1999 portant organisation du ministère de la santé.

Décret n 99- 102/PRES/PM/MS/MEF/MASF du 03 août 1999 portant statuts des établissements hospitaliers publics.

Arrêté N 2003- 109/MS/CAB du 4 mars 2003 portant organisation, attributions et fonctionnement des structures déconcentrées du Ministère de la Santé.

Arrêté n 93-015/SASF/MFP/MAT du 04 février 1993 fixant modalités de gestion dans les formations périphériques de l'Etat.

Arrêté n 93-146/SASF/SG du 30 novembre 1993 portant organisation, attributions et fonctionnement des districts sanitaires.

Arrêté n 94- 083/SASF/SG du 12 août 1994 portant application de la stratégie de renforcement des soins de santé primaires au Burkina.

Arrêté n 94-192/MS/SG du 12 août 1994 portant composition de l'équipe cadre de district sanitaire.

Arrêté n 96-195/MS /CAB du 08 août 1996 portant organisation des Directions Régionales de la Santé.

Arrêté n 486/MS/MATS, portant création attribution et compositions du Conseil de Santé de District.

Loi n 23 /94/ADP du 19 mai 1994 portant code de la santé publique. Loi n 030/98/AN du 18 mai 1998 portant loi hospitalière.






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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille