J.V. : Au départ, les institutions n'étaient
pas trop réticentes pour organiser ce festival ?
O.B. : Ce n'était pas vraiment évident c'est
vrai que nous avons envoyé une centaine de courrier dans toutes les
communes du coin qui nous semblait adaptées. On a eu une dizaine de
retours et des retours plus ou moins farfelus. Sur la première
édition 4 que nous ont répondu vraiment favorablement et qui
était intéressées. L'accueil n'était pas
forcément très évident aussi au premier rendez-vous ils se
sont rendu compte que nous n'avions pas de dreads, que nous n'étions pas
des babas cool. Après nous on y allait aussi en leur disant que qu'on ne
cherchait pas de subvention on voulait juste un terrain et être
indépendant. Donc on avait aussi le côté financier des
retombées économiques qu'il peut y avoir par rapport à
l'événement ça les a motivés un peu. Il y avait
aussi l'inconnu du volume sonore qui n'était pas forcément
évident à comprendre parce
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qu'on a été vraiment cash avec eux en leur
disant que ça allait jouer fort longtemps et tard. Le bruit c'est le
bruit mais ça va, ça ne les a pas trop dérangés.
J : Du coup ils en sont contents aujourd'hui est-ce que
vous en avez fait ?
O : En tout cas nous on a changé 3 fois, Ça a
été formateur on expérience mais à chaque fois les
communes qui nous ont accueillies voulaient nous garder. C'était des
soucis plutôt d'ordre préfectoral, on était sur des sites
classés des sites Natura 2000 et ça ne pose pas de
problème pour la faune et la flore il y a aucun souci mais c'est
vraiment plus compliqué sur des sites classés par des
bâtiments de France du coup c'est le caractère historique des
sites sur lesquels nous étions et qui fait que l'on n'avait pas le droit
de mettre de camping ou de chapiteaux. On a eu des autorisations les
premières années mais on a dû changer de commune sur la 3e
édition et on s'est retrouvé avec le même problème,
en gros autour de Nantes les salles terrains disponibles et chouettes sont des
terrains en bord de Loire et de l'Erdre du coup qui sont classés donc on
s'est retrouvé sur un plan B et même après sur un plan C en
2016 sur la commune de Carquefou. On a dû changer de site 10 jours avant
le début du festival car le site était inondé en tout cas
la mairie nous a bien suivi là-dessus aussi le fait que ce soit bien
passé les deux premières éditions. En 2017 on a
trouvé le site a Joué-sur-Erdre et du coup on n'a pas eu trop de
difficultés pour trouver un nouveau site pour 2017, on avait trois
vraies pistes et celle-ci s'est trouvée la plus adaptée et
ça s'est fait en une semaine. On a rencontré les élus le
lundi soir et le mercredi on a signé. Ça s'est passé hyper
vite mais voilà, toujours avec le même discours en disant qu'on ne
voulait pas de subventions, on voulait un site.
J : En cherchant sur internet j'ai vu que vous aviez
quelques subventions ?
O : Oui, on a des subventions. C'est vrai que la politique de
l'association à ce niveau-là, à un peu
évoluée. Au départ, on était vraiment à se
dire qu'on voulait complètement être indépendant, ne pas
dépendre de subventions etc. On s'est vite rendu compte que
c'était compliqué, à la fois d'organiser des
événements un peu originaux, accessibles financièrement et
en même temps sans demander de subventions. Donc on a fait des demandes
de subventions, mais l'idée pour nous c'est qu'elles ne doivent pas
servir au projet c'est juste des plus qui ne doivent pas mettre en péril
le projet associatif. Par exemple, les subventions de la région de cette
année servent à faire venir la fanfare qui joue devant la mairie,
à faire des masters class, à faire le mini dub camp, des
expositions etc. mais si ces événements n'ont pas lieux parce
qu'on n'a pas les subventions pour ces plus, ça ne met pas en
péril le festival.
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J : D'accord, c'est juste un plus !
O : Oui c'est ça, en tout cas pour le moment on ne veut
pas en dépendre même si on en a. donc là, on a la
région qui nous soutient un peu mieux que les premières
années, la première année on avait 3000€ de la
région et cette année on est à 15000€. Donc ça
c'est plutôt chouette. Le département on était à
1000€ au début et on doit être à 6000€ et la
ville de Nantes nous donnait 1000€ et là c'est plutôt des
subventions de fonctionnement et axé sur l'accessibilité, nous
faisons un gros travail au sein de l'association sur l'accessibilité.
Donc voilà, on a trois subventionneurs, la mairie de Joué sur
Erdre ne nous en donne pas mais on a aussi la COMPA, la communauté de
commune dont dépend Joué-sur-Erdre, nous soutient aussi à
hauteur de 20 000 € sur la gestion de déchets et le tri des
déchets. Quand on était sur les autres communes on
dépendait de la métropole de Nantes qui nous soutenait en nous
mettant à disposition des bennes à ordures, toute la gestion des
déchets, du tri sélectif etc. Du coup, quand on est arrivé
à Joué-sur-Erdre, on leur a demandé de nous soutenir
à hauteur de ce que nous soutenait la ville de Nantes qui
représente un fonctionnement de 20 000€, enfin ça
représente plutôt 25 000€ en comptant les achats des sacs
poubelles, de l'intervention des connexions. Du coup, les subventions sur le
budget de l'association représentaient jusqu'à l'année
dernière 1,5% et là elles représentent 2,5%. On est quand
même assez indépendants vis-à-vis des subventions mais en
même temps on a changé un peu notre vision en se disant qu'on ne
peut pas faire sans eux de toute façon. Et puis à un moment
donné, on paye tous des impôts et tant qu'à faire autant
qu'ils servent à ce genre de projets plutôt qu'à d'autres !
La seule inquiétude c'est de ne pas en dépendre.
J : Du coup, je me demande si vous avez des sponsors
?
O : On avait vraiment une vraie vie associative, on a un
conseil d'administration qui se réunit une fois par mois, un bureau de
l'association qui se réunit tous les 15 jours où une centaine
d'adhérents sont impliqués dans différentes commissions,
différentes organisations. Donc il y a aussi une commission de valeurs
et éthique, tout ce qui est partenariats, subventions, sponsoring et
mécénat, nous en tout cas notre politique c'est qu'on ne
travaillera jamais avec des gros industriels type Kronenbourg Heineken etc.
L'idée c'est qu'on soit bien au clair avec les produits qu'on propose,
donc on a du sponsoring mais au niveau local, on a de l'aide du crédit
mutuel aussi ; plutôt en valorisation, ils nous prêtent de la
rubalise et des tours de cou. Après on fait aussi des partenariats et du
mécénat avec le supermarché du coin et d'autres
entreprises locales.
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J : Penses-tu que cette culture pourrait
intéresser les institutions dans les années à venir
?
O : Oui, pour moi elle les intéresse
déjà, c'est vrai que c'est quelque chose qui est assez atypique
mais en même temps quand on voit le nombre de personnes et la moyenne
d'âge du public qui est sur ce type d'événement, qui est en
moyenne entre 18 et 25 ans pour la majorité et puis on va dire 16 et 40
ans pour élargir un petit peu. Je me dis qu'il y a vraiment de l'avenir
en tout cas, et que c'est l'avenir aussi des futurs électeurs entre
guillemets pour ces gens-là. En tout cas, nous on est l'exemple parfait
et les institutions nous soutiennent donc je me dis quand même qu'elles
s'intéressent à ce que l'on fait.
J : Quels médias de masse se sont
déjà intéressés au Dub Camp ?
O : Oui, on a eu France 3 qui est venu en 2015, 2016 et 2017,
ils ont fait différents reportages deux fois uniquement sur le festival
et une fois sur le festival sous un angle axé sur les risques auditifs.
Du coup, tout ce que l'on mettait en place de notre côté au niveau
de la prévention du son et c'était assez intéressant.
Autrement on a aussi Radio Nova qui nous soutient depuis le début. On a
aussi Télérama qui fait des articles tous les ans sur le Dub
Camp, Le Monde aussi qui a fait une page en 2017 sur le festival,
Libération également qui avait publié une page. Et aussi
les radios, France Bleu ou des radios comme ça. Après, les
journaux aussi comme Ouest France qui nous soutient bien depuis le
début, ce n'est pas forcément évident parce que suivant
les différents journalistes, certains s'intéressent à
l'aspect musical et culturel et d'autre qui s'intéressent plutôt
aux aspects organisationnels, sûreté, sécurité donc
il faut jongler un e-petit peu entre les différents interlocuteurs qu'on
a en face de nous mais là, par exemple, on a eu au moins trois pages
nationales cette années dans Ouest France qui étaient
plutôt intéressantes aussi. Et ce n'est pas forcément eux
qui s'intéressent, on a un gros travail avec notre responsable de
communication. Il y a tellement d'événements, si on veut qu'ils
en parlent c'est à nous de les solliciter.
J : Le Dub Camp s'inscrit-il dans la politique
culturelle de la Ville de Nantes, réputée pour développer
la culture ?
O : Effectivement, je ne sais pas si ça s'inscrit
vraiment dans la politique culturelle de Nantes mais après on est
soutenu par la Ville de Nantes donc à priori oui ! C'est vrai que quand
on a organisé le Dub Camp, la première idée c'était
de l'organiser à Nantes, la mairie de Nantes était
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vraiment motivée, on a cherché pleins de sites
pour le faire et le souci c'est que la ville est trop urbanisée. Donc
oui, je peux dire que oui effectivement !
J : Est-ce que le Dub Camp a contribué à
la scène sound system française d'aujourd'hui,
c'est-à-dire qu'il y a pleins de collectifs qui se montent partout en
France, que ça se démocratise partout, que tout le monde s'y
intéresse de plus en plus ?
O : C'est vrai que c'est quelque chose que nous n'avions pas
forcément conscience au départ. En tout cas que nous on n'avait
pas forcément conscience au sein de l'association, mais effectivement
les retours des artistes ou en tout cas de certains artistes montrent que c'est
vraiment important pour eux de pouvoir venir jouer au Dub Camp. Nous, on voit
les choses comme ça en fait, on programme des artistes qui
éthiquement et musicalement nous conviennent, après c'est
toujours un équilibre financier à trouver. On n'en avait pas
conscience effectivement de l'impact que ça pouvait avoir pour certains
on va dire petit sound systems. Après, je pense qu'à notre petit
niveau, en tout cas nous, on a participé à l'essor de ce
mouvement-là mais il y en a pleins d'autres. Je n'ai pas la
réponse mais je ne sais pas si c'est un événement qui
était attendu en France.
J : Comment tu imagines l'avenir de cette scène et
l'avenir du Dub Camp ?
O : Ce n'est pas évident, je pense que la
difficulté que je vois moi en tout cas, de l'avenir du mouvement sound
system en France, c'est qu'en tout cas il y a énormément de sono
qui se construisent à droite à gauche, je pense qu'on est un des
pays d'Europe ou même du monde où il y a le plus de sound system
reggae ou en tout cas construits. Après la vraie difficulté c'est
de trouver des endroits pour jouer, en tant qu'organisateur, nous au
départ on avait l'intention de construire un sound system mais on s'est
vite rendu compte que c'était compliqué d'allier l'artistique et
l'organisationnel et qu'il fallait faire un choix. On a fait un choix
là-dessus et en tant qu'organisateur on est confronté à
des problèmes de salle et on voit en France que les salles sont vraiment
compliquées à trouver. Je pense que la limite commence à
se trouver un petit peu et il y a aussi une autre particularité de ce
mouvement là c'est qu'il y a des gardiens du temple entre guillemets qui
sont présents et je pense qu'il y a une complexité entre le
mouvement sound system à doit être comme ça et les nouveaux
qui arrivent avec un dub un peu plus différent, un style musical un peu
plus dub électro. J'ai l'impression et je ne le souhaite pas qu'à
l'avenir il y aura peut-être deux clans entre guillemets ou deux
esthétiques entre le mouvement sound
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system plus orthodoxe on va dire et les nouveaux qui s'en
foutent que ça pogote en soirée sound system. Je pense qu'il y a
un juste milieu à trouver quand même et l'objectif du Dub Camp
avant tout c'est de faire découvrir la musique sound system au plus
grand nombre et casser ces clichés et de rendre accessible aussi au plus
grand nombre ce mouvement qui est quand même assez underground.
J : Mais vous n'êtes pas contre le fait qu'il y
ait des sound system qui peuvent jouer un dub plutôt techno ou autre
?
O : Nous on n'est pas forcément pour, je ne vais pas
juger le style musical mais la ligne directrice du Dub Camp, en tout cas, c'est
de rester sur l'esthétique du mouvement reggae et sound system.
Après, il y a des limites entre guillemets. Pour nous la limite, c'est
les artistes qui font du dub électro où il n'y a plus de skank
reggae etc. Mais l'avenir est plutôt rose quand même pour la
culture sound system, moi c'est vraiment en tout cas la moyenne d'âge
qu'il y a, la bienveillance qu'il y a entre différents artistes et
organisateur, on a de la chance nous en tout cas en France d'avoir su
créer une vraie communauté autour de ce mouvement et au
même titre que les métalleux etc qui sont des gens assez
fidèles et qui sont prêts à faire de la route pour venir en
session. Je trouve que le mouvement sound system dub, le reggae en tout cas
commence à trouver sa place.
J : Peux-tu me raconter une anecdote pour terminer cet
entretien ?
O : Par exemple, le capitaine des gendarmes me dit qu'il
connait bien OBF, qu'il vient d'Annecy et qu'il a déjà
assisté à leurs sessions et il me dit que son fils est en train
de construire un sound system avec l'école à Nantes, c'est leur
projet d'étude donc c'est assez original et il m'a montré que les
clichés sont en train de se casser de part et d'autre !
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Compte-rendu de l'entretien :
Olivier Bruneau est le directeur de l'association Get Up ! et
le programmateur du Dub Camp Festival, organisé par la même
association. Cet entretien permet d'avoir la vision du directeur du festival,
cet événement étant l'étude de cas principale de ce
mémoire.
Le Dub Camp Festival est un concentré des
différents sound systems et des différents acteurs de cette
culture. Les artistes invités sont français, anglais,
européens voir internationaux pour quelques-uns. A l'origine,
l'association organisait des soirées sound system à Nantes puis
les membres de l'association ont décidé de créer ce
festival, uniquement basé sur des scènes sound systems, sans
scène classique.
Pour résumer l'histoire du festival, les organisateurs
ont été contraints de changer trois fois de lieux pour des soucis
d'ordre préfectoral, où les sites étaient classés
par des bâtiments de France et la mise en place d'un camping et d'un
chapiteau n'était pas envisageable. Pour anecdote, le festival a
changé de site 10 jours avant l'ouverture en 2016 car le site initial
était inondé. Le festival a maintenant lieu à
Joué-sur-Erdre depuis 2017. L'accueil de ce festival a été
favorable du point de vue des institutions pour sa première
édition en 2014. Parfois réticentes, elles ont compris le projet
et sont en accord avec le projet de l'association.
L'association reçoit quelques subventions de la ville
de Nantes, du département et de la région. Elles ne permettent
pas au festival de fonctionner mais représentent un plus pour organiser
des masters class, des expositions, un mini Dub Camp pour les enfants et
d'autres animations. De plus, la communauté de commune de
Joué-sur-Erdre intervient grâce à une subvention pour la
gestion des déchets en mettant à disposition des bennes à
ordures et des bennes de tri sélectif. Au total, les subventions
représentent 2,5% du budget total de l'édition 2018 ; le festival
fonctionne pratiquement en autoproduction.
L'association dispose d'une commission « Valeur et
Éthique », ils n'ont pas pour ambition d'avoir de gros sponsors
comme Heineken ou Kronenbourg. Cette commission met en place des partenariats
avec plusieurs artisans locaux et supermarchés des alentours pour faire
fonctionner l'économie du département.
Concernant la médiatisation du festival, plusieurs
médias de masses mettent en avant et diffusent le festival de
manière plus ou moins pertinente. Le journal régional
Ouest-France soutient également le festival depuis le début par
des articles sur l'aspect musical et culturel ou sur l'aspect organisationnel,
de sécurité et de sûreté. Encore une fois, le Dub
Camp est un
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exemple parfait sur la médiatisation de cette culture
puisque des médias nationaux comme France 3, Le Monde, Libération
ou Télérama ont rédigé des articles.
Pour conclure le compte rendu de cet entretien, l'exemple de
ce festival confirme que les institutions ne sont pas réticentes
à la culture sound system quant au soutient qu'elles leurs apportent et
à la mise à disposition du site de Joué-sur-Erdre.
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