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La culture sound system: Etat des lieux d'une pratique musicale en plein essor sur le territoire français: le cas du Dub Camp Festival

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par Jeanne VIONNET
EAC Lyon - Master 1 - Manager Culturel 2017
  

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Conclusion Chapitre 2

Les musiques jamaïcaines, le reggae, le dub et la culture sound system se sont progressivement importés dans le paysage musical français depuis la fin des années 1990. Toute une communauté s'est passionnée pour cette culture et a su mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour diffuser cette manière d'appréhender la musique au grand public.

Les années 2000 ont marqué un temps fort l'histoire du dub en France grâce à des artistes et groupes musicaux qui ont reproduit les techniques de dub avec des instruments sur scène.

Les années 2010 ont pris un tout autre tournant pour cette fois développer la culture sound system au plus grand nombre. De nombreux collectifs et acteurs se sont passionnés pour cette culture et ont montré à d'autre que le mouvement était accessible. Certains ont l'objectif d'en vivre, d'autres veulent seulement trouver une échappatoire et un espace de liberté grâce à cet outil de diffusion, le sound system.

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61 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père de la musique électronique » Op. Cit.

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Conclusion Première Partie

Nous venons de voir dans cette première partie que la Jamaïque est un véritable cluster musical. L'essor de cette culture en Angleterre et dans le monde entier a développé les différentes techniques musicales originaire de l'île. De nombreux acteurs et artistes se sont appropriés ces techniques et ont donné naissance à de nouveaux genres musicaux des musiques actuelles.

Les musiques jamaïcaines, le reggae, le dub et la culture sound system se sont progressivement importés dans le paysage musical français depuis la fin des années 1990. Les français se sont d'abord approprié le dub en le jouant avec des instruments.

La scène sound system s'est aujourd'hui imposée en France. Nous remarquons une forte importance de collectifs qui se forment quant aux formations artistiques de dub live instrumentales qui sont devenues minoritaires. Toute une communauté s'est passionnée pour cette culture et a su mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour diffuser cette manière d'appréhender la musique au grand public.

Le fonctionnement initial de la contre-culture musicale jamaïcaine, dans l'indépendance la plus totale, perdure encore aujourd'hui. De nombreuses recherches et entretiens avec les acteurs de cette culture nous permettront de comprendre, dans la seconde partie de ce mémoire, pourquoi les acteurs de ce mouvement gardent cette indépendance et y tiennent, comme une véritable tradition. Nous nous pencherons également sur les acteurs de ce secteur, actifs et visibles, en dépit d'une totale indépendance.

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Deuxième partie - La scène sound system française actuelle Introduction deuxième partie

Nous venons de voir que la scène dub française se divise en deux pratiques bien distinctes : la scène live et la scène sound system. Nous allons à présent nous focaliser sur la scène sound system dub en France, sujet principal du présent mémoire.

Une poignée de passionnés se sont emparés de la culture sound system dub pour développer des médias spécialisés, organiser des événements, écrire des articles et ouvrages empreints des problématiques intrinsèques à cette musique si particulière. En revanche, très peu d'ouvrages fondamentalement sociologiques nous ont permis d'accéder à une analyse concrète de ce mouvement. Cette constatation nous mène à deux réflexions : la culture sound system est un phénomène relativement récent en France et ce mouvement reste, comme toujours, très indépendant. C'est pourquoi nous avons fait le choix de construire nos propos aux moyens d'un ensemble de rencontres et d'échanges, au contact des acteurs de cette culture qui évolue hors des sentiers battus.

Les différents médias spécialisés furent essentiels dans les recherches que nous avons menées. L'ensemble des réponses des personnes interrogées et le contenu existant des différents médias indépendants nous ont permis de comprendre pourquoi les acteurs de ce mouvement conservent l'indépendance de ce mouvement, comme le veut la tradition.

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Chapitre 1 - Développement, fonctionnement et visibilité des acteurs Introduction chapitre 1

Nous allons ici tenter de soulever les différentes caractéristiques de l'indépendance de la culture sound system en France par le biais de douze entretiens réalisés tout au long de l'année, dans le milieu de culture sound system dub. Par leurs propos, leur enthousiasme et leur positivisme, l'ensemble des personnes interrogées nous ont renseigné sur l'engouement actuel autour de cette culture.

Nous montrerons également, dans cette nouvelle partie, que le fonctionnement initial de la culture sound system dans l'indépendance la plus totale en Jamaïque reste le même aujourd'hui, notamment en France. Comment ces acteurs restent-ils actifs et visibles tout en s'affranchissant, tant que possible, des aides financières de l'État ?

Le dub en France : l'importation et son évolution

Depuis quelques années, l'apparition de plusieurs centaines de collectifs et la naissance de plusieurs événements dédiés à la culture sound system révèle un réel intérêt des français. On peut observer que cette scène attire un public de plus en plus jeune, attiré par une réelle expérience physique, vibrante, englobante. Un des bénévoles de l'association dijonnaise Skanky Yard explique la présence des amateurs de cette culture dans la ville de Dijon : « Je pense qu'avec les sessions régulières qui s'organisent depuis plusieurs années, un public s'est constitué. À Dijon il n'y a pas vraiment d'autres soirées donc plus les personnes viennent, plus elles en parlent autour d'elles. Ça a aussi dû donner l'envie à d'autres de monter leur collectif car le mouvement a montré que c'était accessible et possible pour tout le monde d'en faire partie. Ce qui est bien dans le sound system, c'est de faire partie d'un collectif. En plus de l'équipement sonore, il y a un vrai engagement militant dans les collectifs qui se montent en France62».

62 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

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Le sound system : une passion à temps plein

Les entretiens réalisés mettent en évidence un élément crucial. La majorité des acteurs sont passionnés. Mais les entretiens révèlent aussi que la plupart des acteurs exercent aussi une profession, en parallèle. Est-ce un choix ou une nécessité ? DopeShack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System63, nous en dit plus sur son choix : « Je n'ai jamais eu l'ambition que ce sound system devienne mon métier, c'est mon espace de liberté. Je suis ingénieur à côté avec tout ce que ça peut impliquer concernant la rigueur et le cadre. Du coup, dans le sound system, j'essaie de m'affranchir de tout ça64 ». Le point de vue de Polak, sélecteur et MC de Legal Shot Sound System65, nous fait comprendre que c'est un choix pour son collectif de ne pas en vivre, il explique pourquoi : « On joue une fois par mois environ. C'est une volonté de notre part, si on veut faire plus on peut mais on respecte les vies de famille de chacun et le rythme professionnel de chacun puisqu'on a tous nos activités à côté. Il serait difficile, pour un sound qui tourne juste une fois par mois, de faire vivre correctement 5 copropriétaires. C'est mission impossible66 ». En revanche, Quentin, MC et cofondateur de Brainless Sound System67 a pour ambition de professionnaliser l'activité du collectif « Au départ, nous faisions des contrats de représentation bénévole et nous faisions un cachet artiste qui rentrait dans les sous de notre association. Petit à petit, on a tous arrêté nos études et un besoin s'est fait à ce niveau-là. Du coup, les contrats d'intermittence se sont enchaînés pour Théo, puis pour Léo, qui nous a rejoint rapidement. Moi, je suis sur des cachets de booking puisque je m'occupe de la diffusion de Brainless avec l'association Exoria68 ».

L'association dijonnaise Skanky Yard, organisatrice d'événements, avait engagé deux employés grâce aux contrats aidés, aujourd'hui révolus, à leur grand regret : « Pendant un an jusqu'à novembre dernier, on était deux salariés dans l'association à temps partiel en contrat aidé. Ils ont supprimé les contrats et le nôtre se terminait en novembre dernier, on n'a pas eu de chance. On l'a mal vécu au début mais maintenant ce n'est pas grave, la machine est lancée et on se rend compte qu'on peut quand même la gérer. Avec notre travail à côté, on est obligés d'avoir un rythme69 ».

63 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

64 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

65 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

66 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

67 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

68 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

69 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

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Le sound system, une réelle profession pour une poignée de collectifs

Seulement trois collectifs français vivent de leur activité aujourd'hui. C'est le cas d'OBF sound system. Rico, le sélecteur du collectif, explique comment leur persévérance leur a permis d'en vivre depuis peu : « On en vit tous aujourd'hui. On est tout le temps sur la route. La semaine, on produit de la musique pour que les programmateurs aient envie de nous programmer. On bosse vraiment à fond, c'est notre métier ! Guillaume70 est le seul à avoir un travail à côté. Je m'occupe aussi du label Dubquake et d'organiser des soirées. On s'occupe de pleins de choses à côté de notre activité de production musicale mais tout est lié à OBF71 ».

C'est également le cas pour le collectif Stand High Patrol Sound System72. Morgan, manager, expose la situation du collectif à l'heure actuelle : « On avait tous des métiers à côté au début, on a tourné pendant cinq ans en étant vraiment amateurs et un jour on a décidé de changer puisque c'est beaucoup de travail avec le label. On s'est dit qu'on arrêtait nos trucs à côté pour se concentrer sur le label et qu'on allait devenir intermittents du spectacle. Le seul qui n'est pas intermittent du spectacle est le chanteur car il garde son métier, c'est important pour lui d'avoir un équilibre entre le son et son métier, ses deux passions73 ».

À l'heure actuelle, peu de collectifs réussissent à vivre de leur activité musicale. Certains s'en sortent grâce au statut d'intermittent du spectacle. Ils délaissent leurs professions respectives pour s'investir, intégralement, dans leur activité artistique et collective.

Fonctionnement autonome des acteurs

Pourquoi peut-on définir la culture sound system comme indépendante ? Les réponses des personnes interviewées se rejoignent. À l'unanimité, les acteurs interrogés considèrent que la culture sound system est plus indépendante que d'autres branches de l'industrie musicale car le milieu, à l'heure actuelle, est encore assez peu structuré. Le fonctionnement singulier de ces acteurs nous en dit également plus sur leur indépendance.

Polak décrit sa vision : « Effectivement, il y a cette notion d'indépendance avec le Do It Yourself. On pourrait dire qu'il y a une grande part des sound systems qui se débrouillent eux-mêmes pour construire leurs enceintes, pour s'équiper et pour fonctionner. [...] Mais indépendant car c'est peut-être moins structuré quant à d'autres styles musicaux. Je ne sais

70 Guillaume, opérateur d'OBF Sound System.

71 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

72 Aperçu des sound systems des collectifs interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102

73 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

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pas trop comment l'exprimer. C'est vrai que les sound systems ne sont pas trop basés sur des labels, sur des maisons de disques, on compte vraiment sur nous-mêmes et c'est en ce sens qu'un sound system est assez indépendant. L'indépendance transparaît à plusieurs niveaux. C'est aussi lié au fait que ce soit des sonos mobiles aussi, on peut jouer un soir à un endroit, un soir à un autre, sous réserve des autorisations nécessaires évidemment 74 ». Rico complète l'avis de Polak : « Quand on amène notre sound system, on amène tout le matériel. On amène le matos pour sonoriser, notre matos pour pouvoir jouer dont les platines, on amène notre crew qui va installer, que nous allons nous-même conduire jusqu'au lieu de l'événement. Juste la façon de faire et de concevoir toute cette scène sound system, c'est autogéré et indépendant. On a construit nous-mêmes notre sound system, on fait développer toutes nos machines par nos amis, c'est très Do It Yourself et, déjà ça, dans l'approche et la manière de fonctionner, c'est indépendant75 ». Morgan ajoute : « Il y a des écarts incroyables entre les artistes qui vont se produire sur la scène sound system que l'on peut voir sur cette scène, certains sont médiatisés et d'autres pas du tout. Certains sont suivis du grand public et d'autres pas du tout. Parmi eux, certains se donnent une mission vraiment locale, [...] C'est ça qui fait que c'est un milieu assez riche où tu vas avoir des puristes très traditionnels sur le reggae, le roots classique et tu vas en avoir d'autres qui vont mélanger ça avec les musiques électroniques, plus proche de la techno76 ». Morgan n'est pas un manager comme ceux que l'on trouve dans les sphères musicales plus traditionnelles : « Avec Stand High, si j'ai cette position de «manager» c'est parce que je fais la coordination. À aucun moment je ne décide pour eux. En revanche, je suis l'intermédiaire entre eux et la prise des décisions. Je suis l'interlocuteur pour tout ce qui va être booking, labels, distributeurs. Si les professionnels de la musique veulent entrer en contact avec le groupe, ils passent par moi mais ce n'est pas moi qui prend la décision finale. C'est une position assez particulière et l'essentiel du travail c'est qu'on soit un collectif et qu'on décide de tout ensemble77 ». Naturellement, les plus petits collectifs partagent la même vision que les autres. Quentin, de Brainless sound system, pense : « On peut encore le dire, je ne sais pas encore pour combien de temps, mais la plupart des sound-systems sont autoproduits ou sont produits par des labels qui sont eux-mêmes indépendants78 ».

74 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

75 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

76 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

77 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

78 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

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Les organisateurs partagent la même vision que les collectifs. La culture est naturellement considérée comme étant indépendante. Frédéric Péguillan, organisateur du Télérama Dub Festival depuis seize ans décrit sa vision : « Ce n'est pas que je la considère, c'est qu'elle l'est ! Toutes ces associations fonctionnent en totale indépendance. [...] C'est leur choix et leur manière de fonctionner. Certains artistes créent leurs propres labels mais il n'y a pas de gros labels qui signent des sound system, donc ce n'est pas le but79 ». Les bénévoles de l'association Skanky Yard ont un fonctionnement particulier lors des événements qu'ils organisent : « On n'a jamais fait un planning bénévole car ça ne marche pas aux tanneries et ça désengage plus les gens qu'autre chose. Avec notre système, même au niveau de l'asso, cela permet aux gens de penser régulièrement à ce qu'il faut faire pour s'impliquer. C'est un peu du bon sens80 ». Cette liberté au niveau de l'organisation fait encore référence à la force intrinsèque des collectifs. Les compétences de chacun sont valorisées. Les bénévoles se sentent pleinement investis dans les soirées, sans sentir sur leurs épaules le joug de la contrainte.

Les médias indépendants et spécialisés dans cette culture partagent une vision identique. Alex Dub, fondateur et rédacteur du magazine en ligne Culture Dub explique : « Le sound system est diffuseur de la musique que les acteurs composent eux-mêmes, pressent en vinyles eux-mêmes, diffusent à partir de labels qu'ils ont créé. Cela permet une certaine indépendance, pour développer une économie parallèle. De fait, cette façon de faire avancer ce mouvement lui permet de sortir du formatage radiophonique, de défendre un message sans compromis. En 2018 il est très rare de pouvoir, comme cela, maîtriser une culture de A à Z, sans se faire approprier par des étatiques81 ». Emmanuel Valette, rédacteur pour le webzine Musical Echoes, donne aussi son avis sur la question : « Je ne sais pas si c'est toujours indépendant mais en tout cas, ce qui est bien, c'est qu'il y a des collectifs qui commencent à gagner leur vie dans tout ça. Mais à quel prix ? À quel rythme ? Faire des soirées tous les week-ends, c'est épuisant. Mais les autres donnent tous leurs moyens et n'en vivent pas forcément. C'est un gouffre financier énorme quand on s'y met, l'équipement est coûteux82 ».

Les acteurs rencontrés partagent, globalement, la même vision de la culture sound system. Les collectifs, organisateurs et médias revendiquent leur fonctionnement autonome. L'esprit

79 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p.79

80 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

81 Entretien avec Alex Dub, fondateur et rédacteur du webzine Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1 p. 71

82 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77

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d'équipe se ressent profondément au sein d'un collectif mais toutefois au sein de la culture à part entière.

Dynamique et visibilité des collectifs de sound system

Internet est, aujourd'hui, un outil essentiel pour un collectif de sound system. C'est le meilleur outil de communication, le meilleur moyen de développer une visibilité publique, à moindre frais. La diffusion de la musique en ligne permet de partager les projets avec le plus grand nombre, sans aucune frontière.

Pour preuve, OBF, un des collectifs aujourd'hui fort reconnus, a profité de l'émergence d'Internet et des réseaux sociaux pour se rendre visible : « On a eu la chance de commencer avant l'engouement au début des années 2000. On a eu la chance d'arriver avant tous ces nouveaux sound systems qui arrivent sur le marché, qui sont en masse et qui n'arrivent pas à se différencier. C'est pour ça qu'on arrive à rester visible, maintenant tout le monde peut se rendre visible avec Internet. Même si tu es indépendant ! [...] On travaille beaucoup, on bosse énormément au studio pour pouvoir sortir des morceaux et le plus possible83 ». Polak exprime également les pratique de collectif dont il est copropriétaire : « La détermination nous a permis de rester actif et visibles, tout simplement ! On croit en notre collectif, en la qualité de notre son, notamment au niveau acoustique, de notre sélection, de ce qu'on est capable de faire en clash, de ce qu'on est capable de faire en tant que producteurs. Ce n'est pas pour prouver quoi que ce soit aux autres ou à nous-mêmes, mais juste être honnête par rapport à sa musique, à notre musique84 ». Le collectif Brainless oeuvre d'arrache-pied pour rester dans la mouvance : « On va essayer de continuer d'être présent, de promouvoir les dates sur lesquelles on va jouer, de promouvoir le pendant, l'après. On va essayer de sortir des morceaux en téléchargement gratuit pour faire avancer le mouvement. On n'a pas forcément 200€ de sponsors à mettre dans chacun des publications qu'on fait sur Facebook, on n'est pas financé par une major mais ça n'empêche pas de grossir un auditoire pour autant85 ».

Nous remarquons que les sound systems créent de la visibilité par eux-mêmes. Souvent, ils s'invitent les uns les autres, pour jouer ensemble sur la sonorisation d'un collectif ou en assemblant leurs sound systems respectifs. DopeShack évoque une dimension importante de ce

83 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

84 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

85 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

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régulier partage : « En ce moment on est bien lié avec Brainless, avec qui on joue depuis longtemps et qui, eux, tournent beaucoup. Là on a une date avec eux au mois d'avril où on va assembler les sonos. C'est rare qu'on ait plus de deux ou trois mois de visibilité, on n'a jamais un an de dates calées mais des fois tu te dis qu'il n'y a rien et d'un coup on te propose une date sans t'y attendre. Une fois par mois ça nous va bien86 ». Les bénévoles de l'association Skanky Yard expliquent également : « On est un vrai crew, tous les artistes ont l'impression que nous sommes une grande famille. Il n'y a pas cette ambiance partout. Les artistes mangent avec nous et c'est convivial. De l'extérieur, on peut croire que tous ces gens qui travaillent bénévolement travaillent pour le sound system mais en fait, de l'intérieur, c'est le sound system qui travaille pour tout le monde. D'un point de vue d'union collective, c'est parce qu'on a monté ce sound system que maintenant nous pouvons l'allumer, faire jouer des artistes dessus. C'est aussi un luxe de recevoir des gens, de parler anglais tous les mois87 ». Cet état d'esprit au sein du milieu se construit sur l'entraide. Les sound clashs continuent, prouvant encore une fois que la tradition jamaïcaine continue mais, à présent, dans un climat totalement pacifiste.

Les organisateurs et les médias participent évidemment à la visibilité des collectifs. Frédéric Péguillan explique que le Télérama Dub Festival offre trois axes de développement aux artistes : « Le premier est de faire venir des artistes qui ont une notoriété mais qu'on ne voit pas souvent en France. En second, c'est du développement, c'est-à-dire plein de jeunes artistes. Il y en a plein à qui le festival a permis de donner une notoriété qu'ils n'avaient pas auparavant, ça leur a donné un peu des coups de pouce. La troisième dimension à laquelle je tiens fortement c'est la dimension création, car le dub est un peu un terrain d'exploration musicale où on peut quasiment tout faire. C'est beaucoup les rencontres, des créations spéciales, faire travailler des gens d'univers différents. Je cite toujours, en exemple, Kali live dub qui était venu faire un concert au Télérama Dub Festival et il était venu avec Éric Truffaz, un trompettiste de Jazz 88».

Alex Dub décrit sa façon de promouvoir les organisateurs et les collectifs : « Aujourd'hui, en plus de mettre en avant le maximum de sorties des collectifs, Culture Dub accompagne les artistes dans leur développement, leur diffusion. Culture Dub est au service du

86 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

87 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

88 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

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peuple à travers son site, ses deux émissions radiophoniques, son label, l'organisation de soirées, la promotion d'artistes...89 ».

Emmanuel Valette explique le fonctionnement, singulier, du média pour lequel il écrit bénévolement : « À l'origine, Musical Echoes n'a pas été pensé comme quelque chose qui fait de la promotion. Ce ne sont pas les artistes qui nous disent de faire la promotion de leur album, c'est plutôt nous qui choisissons. On dit ce que l'on pense, si on n'aime pas quelque chose on peut en parler, ou alors écrire clairement que l'on n'aime pas, ça n'arrive pas souvent mais c'est déjà arrivé. Même si on est tout petit, je pense qu'on se différencie des autres médias, justement, qui vont plus être dans la promotion et dire que tout est génial et super. L'axe de développement, c'est aussi des sélection vinyles tous les mois et ça peut être une vitrine pour les artistes, c'est vraiment une carte blanche aux artistes pour faire connaître et partager leurs influences90 ».

La visibilité du secteur et de ses acteurs s'est développée et pérennisée grâce au déploiement de la diffusion en ligne, tant par les collectifs eux-mêmes que par les médias spécialisés. Les acteurs de la scène dub mutualisent leurs compétences, dans un esprit de solidarité, d'entraide et de bienveillance pour rester dans la mouvance.

Indépendance financière

Les sound systems sont nés, nous l'avons vu, dans la plus totale indépendance financière, en Jamaïque. Les acteurs français, nous l'aurons compris, conservent cette tradition. Est-ce par le simple respect des mécanismes passés ou par nécessité au regard de l'économie actuelle?

L'association Skanky Yard de Dijon nous expose son fonctionnement financier : « On n'a pas de partenaire. On s'autofinance avec les événements. On paye les artistes, les Tanneries, l'entretien du sound system quand on casse du matériel91 ». Rico, sélecteur d'OBF sound system, explique également les manoeuvres pour rentabiliser les coûts que le collectif engage dans toute la chaîne de production et de diffusion : « Nous n'avons jamais eu de subventions. Quelquefois, c'est dur parce que maintenant qu'on est des travailleurs légaux, on a beaucoup de taxes à payer, on a beaucoup de frais. Vu qu'on est organisé, plusieurs personnes travaillent

89 Entretien avec Alex Dub, fondateur et rédacteur du webzine Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1 p. 71

90 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77

91 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

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pour nous et tout le monde est rémunéré à juste valeur. A la fin d'une session, je ne sais pas si des gens pensent qu'on se fait de l'argent mais... on n'a pas grand-chose. Tout est autogéré, autoproduit, que ce soit le label, les clips, les enregistrements, l'entretien et l'évolution du sound system92 ». DopeShack, sélecteur de King Hi-Fi, explique également leurs sources de revenus : « Non, financièrement nous ne sommes pas soutenus. On a mis de l'argent au début et le projet s'autofinance, en quelque sorte, aujourd'hui. Vu qu'on joue régulièrement et qu'on a réussi à maintenir un niveau de cachet correct, ça nous permet d'investir, de réparer et de racheter du matériel. On est en totale autoproduction93 ». Quentin de Brainless explique également le fonctionnement de son association : « Aujourd'hui, on fait rentrer de l'argent dans l'association quand on organise des événements, mais c'est une petite partie de notre activité puisqu'on fait deux évènements par an. Sinon, c'est le sound-system. À chaque fois qu'on le sort on fait des factures. On le loue, entre guillemets, mais c'est plutôt un défraiement. Ça nous fait un petit fond de roulement dans l'association pour pouvoir réinvestir par derrière94 ». Pour Polak, le fonctionnement de Legal Shot rejoint celui des autres : « Nous finançons le collectif grâce à l'argent que celui-ci rapporte avec le merchandising et en produisant des dates. Les bénéfices et excédents sont réinvestis dans l'outil de travail, le sound system95 ».

L'intégralité des collectifs fonctionnent en autoproduction. Ils organisent des événements mais ne font pas de profit ; l'argent rémunère les artistes, rembourse les frais de l'entretien du sound system et une petite marge permet parfois d'alimenter la trésorerie de leurs associations. Leur fonctionnement ne leur permet pas de faire de profit et ce n'est pas, pour la majorité, ce qu'ils souhaitent.

Autoproduction ou production sur des labels indépendants

La majorité des collectifs créent leur propre label dans la mesure où ils préfèrent produire leur musique, et celles d'autres artistes du milieu, pour conserver leur fameuse indépendance. La production d'autres artistes permet d'étoffer quelque-peu la trésorerie des associations comme le faisait déjà Duke Reid ou Coxsone en Jamaïque. DopeShack explique pourquoi il est important, pour un collectif, de monter son propre label : « À force de sélectionner des disques, pour se différencier, il faut produire de la musique. Le but, c'est aussi de faire avancer le

92 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

93 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

94 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

95 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

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mouvement. À force de jouer, j'ai rencontré pas mal de chanteurs, de riddim makers. On travaille avec tous ces gens pour sortir des productions sur le label. Un lien s'effectue aussi avec mon métier d'ingénieur. Il faut gérer toute la chaîne, l'aspect musical mais aussi tout l'aspect technique, faire le mastering, presser les vinyles, gérer la distribution, la communication, le lien avec les graphistes pour le macaron du vinyle96 ». Morgan Le Godec, manager de Stand High Patrol, témoigne également : « Tout l'argent qui entre dans le label est réinvesti directement dans le disque, dans de nouveaux albums pour produire de nouveaux artistes, payer le graphiste de la pochette, les photos, les clips... Il peut aussi servir à entretenir le sound system ou le faire évoluer. [...] Mais le label c'est vraiment quelque chose qui s'autogère, enfin qui fonctionne tout seul sur un modèle associatif. Le fait d'être indépendant permet de sortir ce que tu veux. Tu t'en moques que ça plaise à un label ou non puisque le label, c'est le tien97 ».

Les collectifs n'ont pas pour ambition de se produire chez des majors*, des labels traditionnels ou des maisons de disques importantes. Ils préfèrent sortir leurs albums et leurs morceaux sur des labels indépendants comme Original Dub Gathering, e-label proposant une base de données libre de droits sur internet : Quentin, cofondateur du sound system Brainless le décrit : « La plupart des sound systems sont autoproduits ou sont produits par des labels qui sont eux-mêmes indépendants. Tout est basé sur des rapports humains. En général il n'y a pas de contrat avec les maisons de disques. Sur ODG, on a sorti un EP en digital. À aucun moment on nous a fait signer un contrat, on ne nous demande rien98 » ; ou favoriser les labels indépendants comme celui de Jarring Effects à Lyon, qui perdure depuis 1995 et a fait sa place dans le milieu : « Il y en a plein qui préfèrent rester avec cette structure indépendante, des gens comme High Tone par exemple. Ils ont été pendant longtemps les plus gros vendeurs en France et n'ont jamais voulu aller sur des gros labels. Ils n'ont jamais voulu quitter Jarring Effect. C'est un état d'esprit aussi et c'est ce qui fait le charme de la chose99 ».

Aucun collectif n'a ni l'ambition, ni l'envie de faire produire ses disques chez une major. Les réseaux de production sont libres et multiples : certains s'autoproduisent en créant leur propre

96 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

97 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

98 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

99 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

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label, d'autres produisent leur vinyle sur des labels indépendants, sous-entendus eux-mêmes des collectifs de sound systems.

Les médias et la culture sound system

Les collectifs rencontrés n'ont pas tous la même vision de l'intégration de la culture sound system dans les médias dits « de masse ». Rico a la volonté de faire rayonner cette culture et, de fait, ce que produit son collectif, au plus grand nombre : « Il y a des gens qui pensent que ce n'est pas bien, qu'il faut rester underground et, justement, ne pas intégrer ces médias. Personnellement, je trouve que si on arrive à faire passer notre message avec notre musique et notre vibe, ça peut faire du bien à notre scène100 ». Quentin partage sa vision et ses craintes quant à la médiatisation à grande échelle : « Il faut prendre en compte que c'est récent. Il y a 25 ans de ça, on en était encore au rock steady en Jamaïque. J'ai du mal à me dire que ça va le rester, avec tout le côté dub où il faut s'adapter et jouer sur des scènes. L'effet Panda Dub et Rakoon, artistes qui ont vulgarisé la chose auprès du grand public, c'est une bonne chose aussi, mais nous espérons que les deux côtés seront conservés. Que le plus de monde possible ait accès à ce style, je pense que personne dans le milieu ne crachera dessus, mais il faut aussi qu'on puisse continuer à mettre une sono sans se faire trop embêter. Je ne sais pas si j'aurais envie qu'on parle de nous dans les médias de masse. Je jetterais bien un coup d'oeil à ce qu'ils pourraient dire101». Polak rejoint l'avis des autres collectifs : « Si les médias de masse s'intéressent à nous, on ne va pas cacher ce qu'on fait. Nous n'avons rien à cacher et puis, si ça se vulgarise, j'en serais le premier ravi ! Je ne m'oppose pas frontalement aux mass médias pour leur fermer les portes parce que cette culture doit rester underground. Après, attention, il ne faut pas que ce qu'ils en racontent et ce qu'ils en montrent soit galvaudé. L'honnêteté doit être des deux côtés, la transparence aussi102 ». L'avis de Morgan rejoint ceux de Quentin et Polak. En tant que manager de Stand High Patrol, il confirme les craintes précédemment évoquées : « Oui, comme dans Trax ou Tsugi, à partir du moment où tu as un bon journaliste et que tu peux avoir un bon article, c'est cool ! Après, on a des expériences d'interviews télé où le journaliste ne connaît pas son sujet et, du coup, c'est une mauvaise expérience pour l'artiste car il ne peut pas s'exprimer clairement. Ça ne donne pas une bonne image de ce que l'on fait. Tout ce qui est télé ou interview filmée, ce n'est pas des trucs qu'ils aiment car ils ont

100 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

101 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

102 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

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eu des mauvaises expériences103 ». En revanche, d'autres collectifs pensent que le dub et ses dérivés sont uniquement voués à être joués sur un sound system et que la musique n'aurait pas de sens en diffusion radiophonique : « Pour moi, ce qu'on fait, c'est de la musique dédiée pour être jouée en sound system. Ce n'est pas de la musique qui est écrite pour passer à la radio. Sur des enceintes de salon ou à la radio, tu n'entendras pas la basse, et puis c'est de la musique assez minimaliste104 ».

Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef chez Trax Magazine, presse écrite nationale spécialisée dans la musique électronique, techno et house, nous en apprend encore davantage sur cette culture. Pour lui, les acteurs des scènes dub ne cherchent pas, effectivement, à se rendre visibles dans les médias de masse : « Il faut savoir que nous, on parle de musiques électroniques mais que le dub, notamment les sound systems dub, ce n'est pas forcément du dub digital. On est très peu au courant et pourtant on est un média national, on s'intéresse au rock, au rap, à plein de styles mais pour tout ce qui va être sound system dub, on n'est pas au courant de ce qu'il se passe. Je pense que c'est déjà indépendant du point de vue de la communication, elle se fait via des réseaux sociaux, des communautés qui se connaissent, des flyers, des disquaires, mais pas par les médias traditionnels105 ». Le magazine Trax cherche à entrer en contact avec les collectifs : « Il y a comme une espèce de frontière. Ça vient rarement des sound systems mais plutôt de nous. Quand on va les voir sur une affiche, on se dit qu'on aimerait bien faire un truc avec eux et c'est plutôt nous qui allons à leur rencontre pour leur poser des questions106 ». Jean-Paul explique que les acteurs et collectifs de ce mouvement ne cherchent pas forcément à entrer en contact les médias de masse pour se rendre visibles auprès du grand public : « Je pense que ça vient du fait qu'ils ne connaissent pas le média, ils pensent qu'on ne parle que de techno, de house et de musique de club. Du coup je pense qu'ils ne viennent pas forcément nous voir car ils se réservent peut-être plus pour Reggae vibes ou ce genre de magazine, plus porté sur la culture jamaïcaine à la base107 ».

L'ensemble des acteurs ne se montrent pas réticents à la médiatisation de cette culture. En revanche, si les médias de masse veulent en parler, les acteurs insistent sur le fait qu'ils devront restituer une information objective de cette culture au grand public.

103 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

104 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

105 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85

106 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85

107 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85

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Les institutions et la culture sound system

Pour quelle raisons cette culture, en plein essor dans le paysage francophone, n'est-elle pas reconnue par les institutions et acteurs politiques ? Nous avons posé la question à l'ensemble des acteurs interviewés.

Frédéric Péguillan pense que les collectifs n'ont pas envie d'être récupérés par les institutions et vice-versa car : « Le problème, c'est que les subventions dans la culture n'arrêtent pas de baisser, partout. Par rapport au Télérama Dub Festival, on n'a jamais eu de subventions ou juste quelque petites de l'ADAMI ou du CNV mais autrement, nous n'avons pas de subventions d'État, de région, de département, nous n'avons pas de sponsors. Au moins, quand les subventions baissent, ça ne changera rien pour cette scène108 ». En effet, les baisses générales de subventions culturelles en France ne favorisent pas les acteurs de cette culture à les solliciter pour une aide financière. DopeShack partage la même vision et pense que les institutions ignorent totalement ce mouvement : « Je ne suis même pas sûr qu'ils perçoivent cette culture en fait. C'est tellement underground et marginal comme style de son par rapport au rap ou à la techno, c'est un petit mouvement. Quand on fait des soirées, c'est dans les clous, il y a le souci de basse et la réglementation ne va pas dans notre sens mais à part ça ils ne nous connaissent pas109 ». Rico rejoint la vision de Frédéric Péguillan et de DopeShack, il ne souhaite pas les solliciter : « Si tu construis quelque chose avec une institution, tu es obligé de leur redonner quelque chose en échange. On en a déjà parlé, on pourrait en avoir mais en contrepartie il faut mettre leur logo sur la couverture de l'album et je n'en ai pas envie. On est indépendant dans la façon de faire, on s'est toujours débrouillé et on a envie justement de rester là-dedans et de tout réussir par nous-mêmes. On n'a jamais demandé l'aide de personne110 ». Polak pense que c'est une question de visibilité et de fréquentations : « Quant au fait de construire des liens avec les institutions, je préfère être indépendant financièrement et ne pas dépendre de subventions pour faire tourner l'association et le sound system. Là où on en est actuellement, je trouve que l'indépendance a quand même pas mal d'avantages, notamment au niveau financier111 ».

Certains collectifs comment Skanky Yard ont tenté une approche avec les acteurs politiques mais leur méconnaissance du secteur ne les a pas poussés à continuer leur collaboration : « La

108 Entretien avec Frédéric Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79

109 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69

110 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73

111 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81

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mairie de Dijon nous avait donné un lieu pour la fête de la musique mais ils ne se sont pas intéressés à ce qu'on allait y faire. Du coup, Le voisinage s'est plaint du volume sonore et des basses, la mairie n'a pas voulu renouveler. On n'a rien à leur offrir mais ils ne nous ont jamais remercié pour ce qu'on faisait pour les jeunes de Dijon. On n'a pas envie de demander des subventions et de leur rendre des comptes. De toute façon, on n'a pas les documents pour faire une demande de subventions, ils limitent les demandes comme ça aussi. On en revient à la définition de ce que l'on fait, c'est underground et alternatif112 ».

Le collectif de Stand High Patrol a déjà eu quelques expériences avec les institutions concernant la diffusion du groupe à l'étranger mais il n'envisage pas de demander des subventions pour le collectif en lui-même : « Concernant les subventions, sur le label on n'en a pas mais sur le booking, si tu veux monter une tournée à l'étranger, tu peux demander des subventions et en avoir, on en a déjà eu d'ailleurs ! Mais on n'a jamais vraiment compté sur les subventions pour développer le collectif. Ça vient aussi de l'esprit sound system à la base qui est plutôt «démerde-toi». C'est toujours un bonus mais ce n'est pas la principale ressource113 ».

En revanche, le collectif Brainless a une toute autre vision des institutions. Il entretient des relations étroites avec les acteurs politiques de la ville de Bourg-en-Bresse pour se produire : « Ça s'est toujours bien passé avec la ville de Bourg-en-Bresse quand on voulait organiser des événements près de chez nous. L'année dernière, on a fêté nos cinq ans et on a demandé des autorisations un peu plus spéciales, c'est-à-dire ouvrir le skate parc, pouvoir y mettre un sound system, faire un événement qui dure l'après-midi puis faire une transition dans la salle de concert. Mais c'est comme tout événement culturel, le sound system n'est pas exclu ! Les institutions sont ouvertes au dialogue, nous avons pu défendre et argumenter notre projet et ils ont su nous donner raison et nous font désormais confiance. C'est important d'entretenir des liens avec eux, ils ont toutes les clés. Et on n'a pas le choix, si on veut perdurer et avoir plus d'argent pour faire ce que l'on a envie de faire, on se doit de garder des liens avec les institutions114 ».

112 Entretien avec trois bénévoles de l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf. Annexe n°1 p. 67

113 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75

114 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83

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Nous remarquons que les institutions commencent à s'intéresser à cet essor. La culture sound system a intégré deux lieux culturels majeurs de la capitale de l'hexagone. Sébastien Carayol fut commissaire de ces deux expositions « Say Watt » à la Gaîté Lyrique à Paris du 21 juin au 23 août 2013 et « Jamaica Jamaica » à la Philharmonie de Paris du 4 avril au 13 août 2017. La première était consacrée à la culture sound system. La seconde était plus largement dédiée à la Jamaïque reconnue pour être à l'initiative de toutes les techniques de composition et de productions musicales actuelles.

D'après l'ensemble des acteurs interrogés, la culture sound system n'est pas encore reconnue par les institutions. En revanche, pour d'autres, elle pourrait l'être dans quelques années. Il faudrait que les collectifs fassent les démarches nécessaires. Une minorité s'en rapprochent déjà aujourd'hui. Les collectifs appartenant à la nouvelle génération commencent à le faire.

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