

EAC
École des Arts et de la Culture
Établissement d'enseignement supérieur
LA CULTURE SOUND SYSTEM
État des lieux d'une pratique musicale en plein
essor sur le territoire français : le cas du Dub Camp
Festival
Mémoire présenté et soutenu publiquement
par
JEANNE VIONNET
M. Julien BOUVIER Programme Mastère 1 Manager Culturel
Directeur de Mémoire : Année de formation :
2017/2018
JURY DE SOUTENANCE DU MÉMOIRE DE : JEANNE
VIONNET
Promotion Mastère 1 Manager Culturel - 2017/2018
La culture sound system -- État des lieux d'une
pratique musicale en plein essor sur le territoire français : le cas du
Dub Camp Festival.
Présidente du Jury : Mme Anne Grumet
Responsable pédagogique des mastères à l'EAC
Lyon.
Directeur de mémoire : M. Julien
Bouvier
Régisseur général, programmateur des Dub
Echo à l'association Totaal Rez
et programmateur de la scène sound system du Démon
d'Or festival.
Membre du Jury : Mme Francesca Quercia
Intervenante en module de méthodologie de mémoire
« L'EAC n'entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans les mémoires de fin d'études.
Elles sont propres à leurs auteurs. »
NOTA BENE
Les paroles des entretiens sont reprises telles quelles,
dans toutes leurs oralités, parce qu'une réécriture de
notre part aurait dénaturé la spontanéité des
acteurs interrogés.
|
Enfin, je remercie les membres du jury dans le cadre de la
soutenance de ce mémoire :
Anne Grumet, responsable pédagogique à l'EAC Lyon,
Julien Bouvier et Francesca Quercia.
Remerciements
Je tiens à remercier tout particulièrement mon
directeur de mémoire, Julien Bouvier, régisseur
général, programmateur des Dub Echo au Transbordeur (Lyon) et
programmateur de la scène dub du festival Démon d'Or
(Poleymieux-au-Mont-d'Or), pour avoir accepté de diriger mon
mémoire. Ses connaissances, sa patience, son attentive relecture et ses
conseils me furent précieux.
J'adresse un grand merci à ma marraine dans le cadre de
ce mémoire, Anna Chevance, professeur à l'École des
Beaux-Arts de Beaune et de Dijon et graphiste indépendante à
l'Atelier Tout Va Bien à Dijon, pour la relecture de mon mémoire
et ses précieux conseils.
Je tiens également à remercier Francesca
Quercia, intervenante dans le module de méthodologie de mémoire
à l'EAC, pour son accompagnement et sa bienveillance, durant toute cette
année de formation.
Je remercie, pour leur temps et leur ouverture, l'ensemble des
acteurs culturels rencontrés et
interviewés qui m'ont été indispensable dans
le traitement de mes analyses :
-- Alcor Walter, DJ de Bass Music (Dijon) ;
-- Nicolas Pebreuil, rédacteur du Dubzine Version
(Cébazat) ;
-- Angélo, Idriss et Johanna, membre du groupe Aziz Sound
(Lyon) ;
-- Fabien, membre du groupe Full Dub (Dijon) ;
-- Trois bénévoles de l'association Skanky Yard et
du sound system Dubatriation (Dijon) ;
-- Dopeshack, membre du sound system King Hifi (Lyon) ;
-- Alex Dub, membre fondateur du webzine Culture Dub
;
-- Rico, membre du sound system OBF, ORIGINAL BASS FOUNDATION
(Genève) ;
-- Morgan Le Godec, manager de Stand High Patrol Sound System
(Morlaix)
-- Emmanuel Valette, membre du webzine Musical Echoes
;
-- Frédéric Péguillan, organisateur du
Télérama Dub Festival (Paris) ;
-- Polak, membre de Legal Shot Sound System
-- Quentin Deniaud, copropriétaire de Brainless Sound
System (Bourg-en-Bresse) ;
-- Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef à Trax
Magazine (Paris)
-- Olivier Bruneau, directeur et programmateur de l'association
Get Up !
et du Dub Camp Festival (Nantes)
-- Christian Jadeau, premier adjoint et responsable de la culture
de la Mairie de Joué-sur-
Erdre
Sommaire
Sommaire 5
Première partie - La culture sound system
:
naissance d'une contre-culture en Jamaïque et son
essor en Europe 10
Chapitre 1 - Naissance et essor d'un contre-culture 11
Chapitre 2 - Une culture en plein engouement dans le paysage
français 20
Deuxième partie - La scène sound system
française actuelle 28
Chapitre 1 - Développement, fonctionnement et
visibilité des acteurs 29
Chapitre 2 - Le cas du Dub Camp festival, la culture
sound system dans tous ses états 45
Conclusion Générale 54
Synthèse 58
Lexique 63
Annexes 65
Bibliographie 106
6
Introduction générale
La musique anime la vie à différents niveaux,
dans différentes circonstances, avec différentes
intensités sonores. Nous nous intéressons ici aux musiques
héritées de l'île de la Jamaïque et, plus
particulièrement, au mouvement dub et à la culture sound
system.
Nous constatons que le mouvement des sound systems dub adopte
un mode de production et de diffusion en marge de l'industrie musicale
classique. Cette dimension, tout spécialement, retient notre attention.
Cette culture, émergée il y a presque soixante-dix ans, est
aujourd'hui en plein essor dans l'ensemble du paysage européen, et
surtout en France.
Nous avons choisi d'étudier et de comprendre ce sujet
et ses modes de fonctionnement en rencontrant ses acteurs et ceux qui gravitent
autour : collectifs, programmateurs, organisateurs, manager, rédacteurs
de médias spécialisés, rédacteur d'un média
national, premier adjoint au maire et responsable de la culture. Nous verrons
que la culture sound system se développe massivement dans l'hexagone, et
ce depuis plusieurs années. Des centaines de collectifs ont vu le jour
en moins de dix ans, dans une indépendance remarquable. Les publics
jeunes, adolescents, étudiants et jeunes adultes en quête
d'expérimentations physiques et sonores, sont tout
particulièrement concernés.
Définition des termes
Le secteur de la culture sound system dub comprend l'ensemble
des personnes actives et passionnées contribuant au développement
des musiques d'origine jamaïcaine par l'intermédiaire d'un outil
majeur, le sound system. Le caractère indépendant de cette
culture correspond ici à l'autonomie dans laquelle elle est née,
puis s'est développée dans le monde entier. L'essentiel des
acteurs qui la font vivre et perdurer prennent en charge eux-mêmes, d'un
bout à l'autre, toutes les étapes nécessaires, en partant
de la construction du sound system jusqu'à sa visibilité
générale. Par le terme « acteurs », comme nous l'avons
esquissé plus haut, nous ferons référence à
l'ensemble des personnes contribuant à son essor et à son
développement : collectifs, organisateurs, médias, labels,
acteurs politiques.
Mais qu'est-ce qu'un sound system ? C'est un outil de
diffusion sonore constitué, dans sa plus simple combinaison, d'un
lecteur, d'un amplificateur et d'un réseau d'enceintes
dédiées à diffuser du son avec un volume important.
Né dans les ghettos jamaïcains du milieu du XXe
7
siècle, il permettait à tous d'écouter de
la musique hors des sphères aisées où se jouaient les
concerts, et de suivre les actualités en se regroupant dans l'espace
public. Il représentait, pour ainsi dire, la voix du peuple et fit
rapidement partie de la culture jamaïcaine. À l'heure actuelle, le
terme « sound system » est utilisé à double sens. Il
désigne à la fois l'outil de diffusion et les acteurs qui s'en
servent, que nous désignerons souvent par les termes « collectif
» ou « collectif de sound system ». Suite à des
recherches en ligne et, surtout, grâce à de nombreuses discussions
avec des acteurs du secteur, nous constatons que les collectifs fonctionnent,
pour la plupart, en autoproduction. Ils développent leur propre label et
se produisent seuls. Ils construisent leur matériel de sonorisation
« de A à Z » et sont très attentifs à la
qualité de leur son. Ils sont très peu représentés
dans les médias de masse. Aussi, les institutions et acteurs politiques
méconnaissent cette culture quand bien même un soupçon de
reconnaissance se ressent de plus en plus, petit à petit, dans le
paysage français.
La migration de cette culture, de la Jamaïque à
l'Angleterre, a permis à plusieurs artistes de s'emparer de l'outil
jamaïcain, le sound system, pour diffuser leur musique et leur message. Du
ska au dub en passant par la drum'n'bass, la jungle, la techno ou la house, il
est devenu un mode de sonorisation incontournable pour diffuser les musiques
électroniques, dans le monde entier. Le mouvement des « free
parties » s'en est notamment inspiré dans les années
1990.
Le milieu des sound systems reste aujourd'hui très en
marge de l'industrie musicale. Sa capacité à se produire hors des
sentiers battus lui confère un statut presque communautaire, que nous
appelons justement « culture sound system ». Le nombre de collectifs,
toujours accru depuis les années 2000, est sans doute lié l'essor
même de cette culture, diffusée par une poignée de gens
passionnés et, de fait, passionnants. Suite à l'examen de la
culture sound system en France et grâce à l'expertise de
l'ensemble des personnes interrogées dans le cadre de cette recherche,
nous tenterons de comprendre, à travers l'étude du Dub Camp
Festival, pourquoi la culture sound system fonctionne-t-elle de
manière plus indépendante que les autres secteurs de l'industrie
musicale et comment les acteurs restent-ils actifs et visibles tout en
maintenant, au sein de leur activité, ce caractère
indépendant ?
La culture sound system a créé sa propre
économie, dans l'indépendance la plus totale. L'ensemble des
acteurs qui la composent militent pour sa visibilité et souhaitent
l'éloigner tant que possible des stéréotypes qui
l'entourent souvent, liés à l'usage excessif, par les publics, de
substances stupéfiantes (nous avons fait le choix,
délibéré, de ne pas évoquer cet aspect dans le
8
corps du présent mémoire dans la mesure
où le coeur du sujet ne s'y trouve pas). Malgré tous les efforts
de ses défenseurs, militants amateurs ou professionnels, la culture
sound system reste encore méconnue du très grand public. Les
médias spécialisés sont pourtant de plus en plus nombreux
et participent, par de multiples moyens, à son développement :
articles, reportages et interviews en ligne, dubzines, radios locales. Internet
et, surtout, les réseaux sociaux ont une importance cruciale, dans la
mesure où ils peuvent atteindre des millions de personnes hors des
réseaux des médias de masse.
Présentation du terrain
La culture sound system est un mouvement très
récent en France. Les collectifs français perpétuent
l'indépendance de cette culture comme une tradition. Ceci explique
pourquoi les ouvrages sociologiques ou analytiques français
dédiés à ce mouvement sont, à l'heure actuelle,
extrêmement rares, voire inexistants. Cette dernière raison nous a
mené à adopter une démarche liée aux rencontres.
Nous avons multiplié les entretiens pour avoir l'avis de l'ensemble des
acteurs de ce mouvement. Nous avons interviewé douze personnes au total
dont plusieurs collectifs, quelques médias spécialisés et
certains organisateurs événementiels, tous passionnés par
ce mouvement. Nous avons pu ainsi accéder tant à une vision
d'ensemble qu'à des avis très personnels sur les questions
liées à la culture sound system. De plus, nous avons eu
l'opportunité d'interviewer un acteur politique, Christian Jadeau,
premier adjoint et responsable de la culture de la commune de
Joué-sur-Erdre (Loire-Atlantique) -- commune qui accueille le Dub Camp
Festival.
Le Dub Camp Festival figure comme l'étude de cas
principale de ce présent mémoire. Ce festival est un
concentré du mouvement sound system en France. Il existe depuis cinq ans
et se tient à Joué-sur-Erdre depuis maintenant deux
éditions. Il regroupe l'ensemble des acteurs de la culture sound system
dub et revêt un caractère unique en Europe par son
originalité à promouvoir cette culture en plein air. Son
apparition dans le paysage français a sans doute contribué
à l'essor massif de cette culture. Il programme des artistes
exclusivement issus de la scène sound system du monde entier, un tiers
venant de France et le reste venant du reste du monde.
9
La première partie du présent mémoire
exposera le contexte dans lequel la culture sound system est apparue, un
mouvement social et musical que nous pouvions appeler à l'époque,
en Jamaïque, une « contre-culture ». Nous
révèlerons ensuite pourquoi, et par quels moyens, cette culture
a-t-elle pris son essor en Europe, notamment en Angleterre, puis en France.
Dans la deuxième partie, nous nous focaliserons sur le
développement de la culture sound system dub en France. Dans un premier
temps, nous chercherons à comprendre le fonctionnement singulier de ses
acteurs puis, dans un second temps, nous examinerons l'exemple précis
d'un événement incontournable, le Dub Camp Festival, qui
constitue notre étude de cas dans la mesure où la culture sound
system y est présente, dans tous ses états.
10
Première partie - La culture sound system :
naissance d'une contre-culture en Jamaïque et son essor en Europe
Introduction première partie
Il nous a semblé important, dans cette
première partie, d'expliquer les origines de la culture sound system,
contre-culture initialement née en Jamaïque, pour donner le
contexte du sujet principal de notre problématique. Cet historique nous
permettra de comprendre dans quel cadre l'outil de diffusion, le sound system,
a pris une place importante dans la vie quotidienne des jamaïcains pour
faire intégrante de leur culture et de leurs racines.
Le terme contre-culture que nous employons ici fait
référence à la définition donnée par le
sociologue Theodore Roszak créé en 1969. Selon lui, la
contre-culture désigne un ensemble de manifestations culturelles,
d'attitudes, de valeurs, de normes utilisées par un groupe, qui s'oppose
à la culture dominante ou la rejette. Il s'applique à un
phénomène structuré, visible, significatif et persistant
dans le temps.
Dans un premier chapitre, nous tenterons de retracer
brièvement l'historique des musiques Jamaïcaines, indissociables de
la culture sound system né en Jamaïque. Dans un contexte où
l'île de la Jamaïque était colonisée par l'Angleterre
jusqu'en 1962, nous comprendrons dans quel cadre et pourquoi les
jamaïcains ont donné naissance à cette contre-culture dans
un pays colonisé. Les conditions sociales et politiques de l'île
de la Jamaïque ont conduit la population à immigrer pour fuir la
misère. Nous découvrirons comment et pourquoi cette culture s'est
exportée principalement en Angleterre. Cette immigration massive a
provoqué une xénophobie dans la population britannique.
Dans un second chapitre, nous retracerons rapidement
l'historique des musiques jamaïcaines en France. Nous porterons notre
intérêt sur le mouvement sound system dub en France
assurément indissociable du dub et de ses dérivés. Les
multiples recherches et entretiens sur le terrain nous permettront de
comprendre comment les artistes français se sont appropriés le
dub pour ainsi saisir par quels moyens la culture sound system s'est
exportée en France grâce à plusieurs acteurs majeurs qui
ont contribué à son développement.
11
Chapitre 1 - Naissance et essor d'un contre-culture
Introduction chapitre 1
La Jamaïque, petite île des Caraïbes,
renferme une richesse culturelle et musicale souvent méconnue du grand
public. L'île est le berceau des musiques électroniques actuelles,
tant au niveau des techniques de composition que des chemins de
création.
Nous découvrirons dans quel contexte les
jamaïcains ont inventé plusieurs styles de musiques pour ainsi
donner naissance à un outil de diffusion sonore majeur et
emblématique dans le monde entier, le sound system. Initialement apparu
dans les ghettos de Kingston, capitale de l'île, les sound systems se
sont très vite intégrés dans la vie quotidienne des
jamaïcains pour aujourd'hui faire partie intégrante de leur
culture. Les techniques de composition, de sampling et de mix actuels
découlent d'une erreur produite par un producteur de studio.
Nous comprendrons ainsi comment les conditions sociales et
politiques de l'île de la Jamaïque ont poussé le peuple
jamaïcain à fuir la misère pour immigrer dans d'autres pays,
notamment en Angleterre. Le peuple jamaïcain a longtemps souffert de
xénophobie en Grande-Bretagne. Cette immigration massive a
contribué au développement des musiques jamaïcaines et de la
scène sound system puisque les jamaïcains ont emporté
l'intégralité de leur culture dans leur bagage, y compris leur
sound system. Le seul moyen pour eux de remédier à leur
souffrance de dénigrement raciale était d'écouter de la
musique sur leur sound system.
Naissance de la culture sound system en
Jamaïque
Tout commence à la fin du XIXe
siècle, dans les zones rurales de l'île, avec une musique
très populaire: le mento, ancêtre du reggae. Ce genre musical,
accompagné de danses, remonte aux rituels ashantis1. Il est
considéré comme un mélange de rythmes percussifs d'Afrique
de l'ouest et il rassemble des influences franco-anglaises avec le quadrille,
danse à figures liée à l'histoire coloniale de la
Jamaïque sous domination anglaise au XVIIe siècle. Au
mento se mêlent des rythmes créoles voisins de
Trinidad2, de la rumba cubaine, du tango et de la samba
d'Amérique latine. Les paroles reflètent le caractère
insaisissable et rebelle d'un peuple refusant de se
1 « Cycle Histoire des musiques caribéennes
: le Mento » Cases-Rebelles, mars 2013 [en ligne].
Disponible sur :
https://www.cases-rebelles.org/cycle-de-musiques-caribeennes-le-mento/
2 MULLER Philippe, « L'évolution de la
musique jamaïcaine et des sound systems, partie 1 », Dub Camp
Festival, 23 juin 2017 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.dubcampfestival.com/levolution-de-la-musique-jamaicaine-et-des-sounds-systems-part-1/#
edn1
12
soumettre aux traditions bourgeoises et conventionnelles
importées d'Europe3. Les paroles du mento abordent
différents registres. Elles peuvent se montrer grivoises (et sont, de
fait, une ancienne forme du slackness4 des années 1980)
jusqu'à être parfois censurées, elles sont aussi rebelles
et insurrectionnelles, représentatives de la dure condition des paysans,
travailleurs exploités dans les champs de canne à sucre.
À partir des années 1930, le jazz occupera, en
Jamaïque, le devant de la scène. Il sera rejoint, à la fin
des années 1940, par le rhythm and blues. L'industrie du tourisme
motivera encore l'installation du jazz avec la formation d'orchestres dans les
nombreux hôtels, clubs et théâtres à destination des
voyageurs aisés. Une grande majorité de la population locale ne
peut s'en permettre l'accès : c'est ainsi que les plus pauvres
investissent l'espace public, dans les banlieues, pour oublier la misère
en dansant et, surtout, en jouant de la musique5.
La diffusion de la musique par les sound
systems
À la toute fin des années 1940, les premiers
sound systems voient le jour grâce à Hedley Jones, un musicien et
inventeur touche-à-tout jamaïcain, pionnier de la culture sound
system. Les installations sont initialement équipées d'une simple
platine tourne-disque, d'un amplificateur et de plusieurs enceintes, les plus
imposantes possibles. Hedley Jones conçoit un amplificateur
répondant à toutes les fréquences en hertz (de 15 Hz
à 20 Hz) à l'aide d'un égaliseur qui sépare les
basses, les médiums et les aigus, un système très rare
à l'époque. Il se sert de ce matériel pour diffuser des
disques qu'il vendait aux clients de sa boutique de réparation de
radios. En 1950, Thomas « Tom » Wong anime des soirées, juste
en face de l'espace occupé par Jones. Un beau jour, leurs disques sont
passés en même temps. Tout le monde afflue vers Jones, dont le
matériel diffuse une meilleure qualité sonore. La légende
raconte que Tom commande immédiatement un amplificateur à Jones
et le nomme Sound System, dès sa réception. Naît
alors une expression entrée dans le langage commun, que l'on peut
comparer aux discothèques mobiles6.
À partir des années 1950, la musique
jamaïcaine évolue. De nouveaux courants voient le jour sur les
sound systems : d'abord le ska*, puis le rock steady* et le reggae*. À
l'époque de sa création, et aujourd'hui encore, un sound system
ne fonctionne pas seul. Toute une équipe
3 MULLER Philippe, « L'évolution de la
musique jamaïcaine et des sound systems, partie 1 » Op. Cit.
4 Paroles à caractère sexuelles.
5 BRADLEY Lloyd (2000), Bass Culture, quand le
reggae était roi, Paris, Allia, 2017, p.21
6 CARAYOL Sébastien, « Hedley Jones,
père des Premiers sound systems » Philharmonie de Paris,
17 mai 2017 [en ligne]. Disponible sur :
https://philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/hedley-jones-pere-des-premiers-sound
systems
13
de techniciens le compose. Parmi eux se trouvent un
opérateur*, un sélecteur*, un MC* et un ou plusieurs boxmen*.
Dans un collectif, le sélecteur se compare au disc-jockey actuel : il
sélectionne et enchaîne les disques. Le MC chante, parle et
improvise sur les titres joués. Sa technique d'improvisation se
nomme toasting et donnera naissance, au début des années
1970, au rap des ghettos états-uniens.
Il est admis que les sélecteurs des sound systems
s'affrontent régulièrement en sound clash. Cette
pratique consiste à organiser des combats musicaux entre plusieurs sound
systems, affrontements impliquant une sélection méticuleuse de
disques inconnus pour faire danser le public le plus intensément
possible. La concurrence est déjà rude. Les sélecteurs
sont à l'affût des dernières nouveautés venues des
États-Unis. Ils enlèvent les étiquettes des vinyles
diffusés pour en garder l'anonymat et, de fait, l'exclusivité. La
compétition entre sound systems est si dure que les sound clashs se
terminent parfois en véritables rixes. Duke Reid, à la tête
du sound system Trojan, est réputé pour avoir en permanence deux
armes sur lui7. Certains sound systems, parfois affiliés
à des bandes de casseurs, organisent de violentes descentes dans les
soirées adverses pour détruire les disques et le
matériel.
« Le phénomène des sound systems en est
venu à jouer un rôle central au sein de la
société jamaïcaine, façonnant la manière
dont sont vécus musique et divertissement8
».
La naissance de plusieurs sound systems est associée
à une nouvelle pratique commerciale des magasins de vente d'alcool : la
musique est diffusée pour attirer la clientèle. Les sound systems
y trouvent leur compte en sollicitant le public pour une petite participation
financière. Duke Reid9 et Coxsone Dodd sont les premiers
à faire affaire, de manière conséquente.
Prince Buster fait ses débuts aux côtés de
Coxsone Dodd et monte son magasin de disques. Il crée son propre sound
system, The Voice Of The People10, en 1957. Il est alors
âgé de dix-neuf ans. Inspiré par Marcus Garvey, il souhaite
que son sound system devienne la station de radio du peuple et fait le choix,
militant, de diffuser les musiques issues des ghettos et des campagnes de
Jamaïque ; contrairement à ses concurrents qui jouent du rhythm and
blues
7 GUEUGNEAU Christophe, Jamaïque, 1950-1968.
« Naissance d'une nation... du sound system » Mediapart,2
août 2011[en ligne]. Disponible sur :
https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/020811/jamaique-1950-1968-naissance-d-une-nation-du-sound
system
8 CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du
peuple jamaïcain, Catalogue de l'exposition Jamaïca
Jamaïca, 6 avril 2017, p.34
9 Aperçu du sound system de Duke Reid. Cf.
Annexe 6, p. 101
10 Aperçu du sound system de Coxsone. Cf.
Annexe 6, p. 101
14
américain. Il participe d'ailleurs à
l'introduction des musiques rastafaris* dans la musique populaire
jamaïcaine.11
Les années 1950 sont marquées par
l'arrivée de la radio. Moins de 20% des foyers en sont
équipés, mais les plus pauvres s'arrangent entre eux et se
réunissent pour écouter, collectivement, les deux seules radios
locales12. Mais ces dernières ne répondent pas aux
envies de la population jamaïcaine. C'est pourquoi les gens se tournent
vers les sound systems des ghettos, qui deviendront un moyen
privilégié de diffusion des musiques sur l'île et
s'imposeront comme « la voix du peuple ». Cette pratique,
tournée par essence vers l'extérieur et l'espace public, a permis
aux populations de s'approprier les espaces urbains. Les
événements sonorisés grâce aux sound systems sont
accessibles à tous et ne sont muselés par aucune forme de
censure. Ce sont des lieux de rencontre et d'échange entre les habitants
des quartiers, ils constituent un refuge, un véritable espace de
cohésion sociale13.
« En Jamaïque, la danse de rue est un
événement symbolique car elle reflète la relation duale
entre célébration de la communauté et l'appropriation
revendicative de l'espace public14 ».
En 1967, deux ingénieurs du son jamaïcains, King
Tubby et Lee Scratch Perry, sont à l'origine du développement
populaire des musiques électroniques. Ils auraient inventé, de
façon fortuite, un nouveau genre. Selon la légende, la prise de
voix d'un vinyle de reggae aurait été omise au pressage. La
musique diffusée, sans paroles, donna lieu à un nouveau genre
ayant connu un succès immédiat dans les foules. Cet «
accident » signe la naissance du dub. Depuis, la face A des vinyles
contient musique et paroles et la face B reste instrumentale. Les notions de
sampling*, de récupération et de remix du dub ont
légué un grand héritage technique, esthétique et
culturel aux musiques populaires des années 1980 et 1990, que les
producteurs, aujourd'hui encore, continuent d'exploiter15. À
la fin des années 1960, les sound systems jamaïcains se
professionnalisent et créent des emplois. Ainsi, les deux fameux
propriétaires de sound systems Duke Reid et Clément «
Coxsone » Dodd fondent leur propre studio pour enregistrer des
inédits : musiques dont les paroles chantent la gloire de leur sound
system dans le but de
11 AUGRAND Alexandre, Le DJ, médiateur
de transferts culturels dans la Dance Culture : Comment des cultures globales
sont devenue globale. Thèse de doctorat de sciences de l'Homme et
de la Société, Université de Paris-Saclay, sous la
direction de Damien Ehrhardt, 24 novembre 2015, p. 50
12 Radio Jamaïca Rediffusion et Jamaïca
Broadcasting Corporation
13 CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du
peuple jamaïcain. Op. Cit. p.34-35
14 CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du
peuple jamaïcain. Op. Cit. p.34-35
15 « Ce que la techno et la house doivent au Dub »
One-one-six [en ligne]. Disponible sur :
https://one-one-six.fr/ce-que-la-techno-et-la-house-doivent-au-dub/
15
promouvoir le rock steady16. Un disque produit en
Jamaïque ne se retrouvait sur le marché seulement après
avoir été testé sur un sound system. Évolutions
technologiques aidant, de nouveaux instruments électroniques, dont les
boîtes à rythme, font leur arrivée. Pendant les deux
dernières décennies du XXe siècle, le dub se
diffuse de manière accrue et il s'affine, de plus en plus
électronique, pour devenir genre musical à part
entière.
À la fin des années 1980, le dancehall,
également appelé raggamuffin ou digital reggae, s'étend
lui aussi, en adoptant un langage plus provocateur que le reggae.
« La Jamaïque peut se targuer d'être la
source d'une musique qui, dans toutes ses déclinaisons, est une des
rares à être écoutée aux quatre coins du
monde.17 »
Migration de la culture en
Angleterre
Dans les années 1950, la Jamaïque est encore sous
domination britannique. Un dixième de la population jamaïcaine
émigre en Grande-Bretagne en une décennie. Il s'agit, en
majorité, d'ouvriers peu qualifiés, fuyant la misère. Ils
emportent avec eux la culture sound system. Ces mutations sociales
s'accompagnent de profonds changements socioculturels car les jamaïcains
ont emportés leurs propres valeurs et normes, contribuant ainsi à
l'émergence de contre-culture tant au niveau religieux (rastafarisme)
que musical (sound-system)18.
Le premier sound system jamaïcain fabriqué sur le
sol britannique est celui de Duke Vin the Tickler, en 195519. Il
popularise la musique jamaïcaine et joue dans plusieurs clubs
réputés de Londres. La culture sound system fait partie du
paysage underground britannique. Les jeunes jouent dans des caves, friches et
autres lieux désaffectés, loin des oreilles et de la vigilance
des polices de quartier. À l'origine, l'intention des sound systems est
d'éduquer les jeunes, de leur inculquer des valeurs de respect pour
éviter qu'ils sombrent dans la délinquance. Les deux messages
primordiaux des sound systems sont le partage et l'expérience à
travers la musique.
16 BINET Stéphanie, « Les sound systems,
plus qu'un son, une religion », Le Monde, 21 juin 2013 [en
ligne]. Disponible sur :
https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/20/les-sound
systems-plus-qu-un-son-une-religion_3433082_3246.html
17 VENDRYES Thomas, « Wi likkle but wi
tallawah ! » L'écho musical d'une petite île des
Caraïbes, Volume, vol. 13:2, no. 1, 2017, pp. 7-23.
18 « Sound-system: miroir du petit peuple jamaïcain
», Samarra Blog, mai 2016 [en ligne]. Disponible sur :
http://samarrablog.blogspot.com/2015/05/sound-system-miroir-du-petit-peuple.html
19 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la
Jamaïque a « colonisé » la musique britannique »
Mediapart, 9 août 2011[en ligne]. Disponible sur :
https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/210711/comment-la-jamaique-colonise-la-musique-britannique
16
Aba Shanti et Channel One Sound system, artistes aujourd'hui
reconnus de la scène anglaise, diffusent ces messages, aujourd'hui
encore dans leur musique20.
En 1966, Duke Vin the Tickler participe à la fondation
du carnaval de Notting Hill. Cet événement se déroule
chaque année, le dernier week-end d'août, dans les rues du
quartier de Notting21 Hill à Londres. Plusieurs millions de
personnes s'y rendent annuellement. C'est le deuxième plus grand
carnaval au monde, après celui de Rio. À son initiative, la
communauté antillaise de Londres, désireuse faire connaître
leur culture à travers la musique, la cuisine, la mode et les traditions
afro-caribéennes. À côté de la traditionnelle parade
festive, de fait, à dominance culturelle afro-caribéenne, nous
retrouvons la culture sound system dans son état le plus pur. Plus de
quarante sound systems y diffusent, des heures durant, différents styles
de musique : reggae, roots, dub, jungle, grime, drum and bass, hip-hop, jazz,
swing, etc.
Au début des années 1970, l'immigration massive
des jamaïcains en Angleterre provoque un mouvement discriminatoire
terrible. La Grande-Bretagne prend des mesures en limitant l'immigration dans
le pays. Les jamaïcains résistent et revendiquent leur
culture22. Les sound systems servent à la résistance
dans le pays23. C'est une époque où les publics,
aveuglément dirigés par la politique anglaise, ne se
mélangent pas24.
Lloyd Bradley est né en Angleterre, de parents
jamaïcains. Il est l'auteur de « Bass culture : Quand le reggae
était roi ». Par le prisme de son vécu, il
témoigne sur le carnaval de Notting Hill : « C'était une
époque où le public n'était pas mélangé,
Londres appliquait une ségrégation raciale efficace. C'est en
1974 que tout a changé. Les sound systems ont commencé à
apparaître dans les rues sous le Westway25. C'était des
installations adéquates pour la révolution qui se
déroulait à cette époque. Les gens faisaient même un
cercle dans le public pour les danseurs. Ces ambiances en ont inspiré
plus d'un, moi en particulier, qui se sont mis à construire leurs
propres sound systems, qui ne passaient pas forcément du reggae
d'ailleurs.26 » Comme le démontre Lloyd Bradley, le
carnaval de Notting Hill a permis à la culture sound system de se
produire en Angleterre pour ensuite attirer un public au-delà des
20 RYCKWAERT Maxime, « Immersion dans
l'univers sound system anglais avec Aba Shanti I et Channel One »,
Pinata Mag, 27 novembre 2016 [en ligne]. Disponible sur :
https://pinatamag.com/abashantichannelone/
21 Aperçu du Carnaval de Notting Hill en 1985
et en 2016. Cf. Annexe 7, p. 101
22 HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les
racines de Notting Hill », Redbull, 21 août 2013 [en
ligne]. Disponible sur :
https://www.redbull.com/fr-fr/notting-hill-carnival-history-lloyd-bradley-1974
23 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la
Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Op.
Cit.
24 BEN Rubens, « Les plus beaux sound systems du
carnaval de Notting Hill 2016 », Traxmag, 5 septembre 2016 [en
ligne]. Disponible sur :
http://fr.traxmag.com/article/36223-les-plus-beaux-sound
systems-du-carnaval-de-notting-hill-2016
25 Autoroute à l'ouest de Londres
26 HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les
racines de Notting Hill » Op. Cit.
17
frontières : « Le Carnaval de Notting Hill est
un événement obligatoire pour n'importe quel jeune. Il est
passé d'une affaire nostalgique d'immigrants caribéens à
un rendez-vous obligatoire pour tous les jeunes londoniens, il fallait y
être.27 »
Simultanément, l'Angleterre connaît l'effet Bob
Marley. C'est l'émergence d'une réelle reconnaissance des
événements ouverts, publics, sonorisés par des sound
systems. En 1976, le reggae et le punk s'associent pour créer le
mouvement Rock Against Racism. Pour la première fois, des noirs
et des blancs jouent sur les mêmes scènes. La culture reggae
réunit un nouveau public et prend un nouvel essor, notamment avec Mickey
Dread, membre de Channel One Sound system, ou Steel Pulse, qui fera la
première partie du groupe The Police28.
L'heure des sound systems
récupérés par le mouvement techno
La musique électronique, dont le dub est un
ancêtre, n'a pas seulement servi à créer des riddim*. Elle
a également pris une autre direction, aux États-Unis comme en
Grande-Bretagne, en inspirant tout le mouvement rave de la musique
électronique29.
En 1987, à l'heure où Margaret Thatcher,
ancienne Première Ministre du Royaume-Uni, décide de fermer
l'intégralité des clubs à deux heures du matin, les sound
systems vont réintégrer les camions et retrouver, de fait, leur
forme originale des années 1970 en Jamaïque. C'est l'époque
du Summer of Love, des premières rave parties,
où les publics vibrent à l'unisson dans la paix, l'amour,
l'unité et le respect. La fête n'a plus de durée, ni de
scène, ni de lieu attitré. Le volume sonore n'a plus aucune
limite hors celle de la technique et les tenues correctes ne sont plus
exigées. Les annonces et points informatifs relatifs à ces
événements, souvent clandestins, se font par
bouche-à-oreille30. L'expression rave signifie,
littéralement, « s'extasier » mais aussi « battre la
campagne ». La résistance par le sound system est une
référence à cette fameuse Zone d'Autonomie Temporaire. Ce
concept a été défini par Hakim Bey, chercheur au
MIT31. Ces rassemblements sont une manière de fuir, de
résister, sans
27 HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les
racines de Notting Hill » Op. Cit.
28 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la
Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Op.
Cit.
29 GUEUGNEAU Christophe, « Comment la
Jamaïque a « colonisé » la musique britannique » Op.
Cit.
30 DEMOULIN Anne, « Comment Margaret Thatcher est
à l'origine des raves et des free parties ? » 20minutes, 8
juillet 2018 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2304067-20180708-video-rave-fait-toujours-rever-comment-margaret-thatcher-origine-raves-free-parties
31 Massachusetts Institute of Technology
18
chercher à faire la révolution mais en
créant des espaces de vie temporaires, des lieux
cathartiques32.
La première technoparade33 s'est
déroulée en Allemagne, en 1989, sous le nom de Love
Parade. Elle fut un symbole contre le mur de Berlin et a rassemblé
150 personnes autour d'un sound system véhiculé. Les
technoparades sont des événements publics ayant lieu autour des
musiques électroniques et, plus particulièrement, de la techno.
Elles se déroulent comme un carnaval, dans la rue, autour d'un ou
plusieurs camions sonorisés. Elles réunissent des hommes et
femmes généralement déguisés, pour
allègrement festoyer. De nombreuses technoparades ont lieu dans le monde
entier mais la Love Parade a été l'une des plus
importantes manifestations musicales après le carnaval de Rio,
rassemblant jusqu'à 1 500 000 personnes en 1999.
32 MAILLOT Élodie, « Les liens du son
(3/5) - Sound systems et free parties » France culture, 23
août 2017 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-series-musicales-dete/les-liens-du-son-35-sound
systems-et-free-parties
33 RHODES Duncan, « The Love is back... »,
Local Life, 12 janvier 2007 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.local-life.com/berlin/articles/berlin-love-parade
Conclusion chapitre 1
19
La Jamaïque est un véritable berceau des
musiques actuelles. L'île a vu naître l'art du deejay*, avec les
premières techniques de mix, et les pratiques des versions*, du remix,
du dub, du riddim*, du sample* et du toasting aujourd'hui connu sous la forme
du rap.
Ces événements sonorisés par des
sound systems célèbrent la communauté et l'appropriation
de l'espace public par la danse et la « domination sonore ».
L'importance de faire ressentir la basse, physiquement parlant, est un effet
recherché par les sound systems. Les musiques jamaïcaines
recouvrent de l'identité nationale, culturelle et sociale du
pays.
L'ensemble des styles musicaux issus l'île se sont
étendus, bien au-delà de ses frontières, pour
métamorphoser l'île en un véritable cluster34
musical. La musique a évolué et le monde entier s'est
approprié les sons jamaïcains pour donner naissance à la
techno à Détroit, ou la Drum'n'bass en Angleterre, exemples parmi
tant d'autres.
Le fonctionnement initial de la contre-culture musicale
jamaïcaine, dans l'indépendance la plus totale, perdure encore
aujourd'hui. De nombreuses recherches et enquêtes sur ce terrain en
France nous permettront de comprendre pourquoi les acteurs de ce mouvement
gardent cette indépendance et y tiennent, comme véritable
tradition. Nous nous pencherons également sur les des acteurs de ce
secteur, actifs et visibles, en dépit d'une totale
indépendance.
34 Cluster : D'après Thomas Vendryes, le
cluster est un regroupement géographique restreint d'acteurs d'un
même secteur d'activité.
20
Chapitre 2 - Une culture en plein engouement dans le
paysage français
Introduction chapitre 2
Dans ce second chapitre, nous tenterons de retracer
l'historique des musiques jamaïcaines en France. Nous nous
intéresserons plus particulièrement au mouvement sound system en
France, indéniablement indissociable du genre musical du dub. Les
multiples recherches sur les acteurs du milieu nous permettront de comprendre
comment les artistes français se sont approprié les musiques
jamaïcaines, précisément le dub et ses dérivés
et par quels moyens les français se sont appropriés la culture
sound system.
Exportation des musiques jamaïcaines en
France
À la fin des années 1970, en France comme dans
le monde entier, les musiques jamaïcaines ont connu une large diffusion
grâce aux de concerts de Jimmy Cliff, Steel Pulse, The Gladiators, Peter
Tosh, pour ne citer que les plus célèbres. Lorsque Bob Marley
entreprend une tournée mondiale Uprising Tour en 1980, le
reggae termine de se répandre dans le monde entier. Certains artistes
français déjà reconnus, notamment Serge Gainsbourg et
Bernard Lavilliers s'approprient le genre, de manière ponctuelle.
Petit à petit et en parallèle des
événements qui se passent en Angleterre, plusieurs
français exportent les musiques jamaïcaines, et plus
particulièrement le dub, pour les revisiter d'une manière tout
à fait singulière. C'est d'abord dans un registre classique, en
façade35, que les français ont commencé
à jouer du dub sur scène, dans les années 1990. Puis,
plusieurs artistes émergent et se démarquent en jouant sur
scène avec des instruments de musique reproduisant le style du dub :
High Tone (Lyon), Zenzile (Angers), Brain Damage (Saint-Étienne),
Improvisators Dub (Bordeaux), Kali Live Dub (Lyon), Kanka (Rouen), parmi tant
d'autres36. En 1998, High Tone, groupe emblématique du dub
français, sort son premier vinyle. Il fête aujourd'hui ses vingt
ans. Fabrice, le batteur du groupe, témoigne37 : «
À l'époque il y avait peu de sound systems et le dub
était peu répandu. En gros, ça se résumait à
Improvisators Dub, Zenzile, Brain Damage et nous. Pendant longtemps, cette
scène-là s'est inspirée du dub
35 Autrement dit quand l'artiste est au-dessus du
public, sur une scène en hauteur et non à-même le sol comme
dans le milieu de la scène sound system.
36 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le
grand-père de la musique électronique », La Nuit
Magazine, 7 juin 2018 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.lanuitmagazine.com/high-tone-dub-grand-pere-de-musique-electronique/
37 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le
grand-père de la musique électronique » Op. Cit.
21
jamaïcain et anglais, puis elle s'est
démarquée de celle-ci en faisant une formule live avec beaucoup
d'instruments ». L'ensemble des publics ayant découvert
l'univers du dub en France ont commencé par écouter la
scène dub live, comme l'indique un bénévole de
l'association dijonnaise Skanky Yard : « Dans notre
génération, on a tous commencé par High Tone. Par
ça, on a découvert Brain Damage, qui a un style anglais et
après Alpha & Omega, Vibronics et Disciple pour ensuite se tourner
sur les autres artistes de cette scène, jamaïcains et anglais
compris.38 »
Prémices de la culture sound system en
France
En parallèle de la scène live, qui s'est
fortement développée, dans les années 1990, d'autres
amateurs français de dub se déplacent à Londres, au
carnaval de Notting Hill. Ils découvrent cette fameuse scène
sound system anglaise. Polak, un des cinq copropriétaires du sound
system breton Legal Shot décrit son expérience : « Nous
sommes allés Londres au carnaval Jamaïcain pour voir comment
était jouée la musique jamaïcaine en sound system. Tu avais
beau lire tout ce qu'il y avait sur le sujet, voir des photos ou des
vidéos, tant que tu n'avais pas vécu l'expérience pour
sentir la basse qui percute le corps, voir les enceintes montées en
château et les accumulations d'amplis, d'effets. Ils jouaient des
morceaux que je connaissais déjà mais j'avais l'impression que
c'était une autre version, c'était simplement qu'ils les jouaient
sur un sound system et je redécouvrais des disques que je connaissais
déjà. Il faut vraiment y aller pour avoir l'aspect physique et
comprendre le sound system39 ».
En France, la culture sound system en a conquis plus d'un.
Certains d'entre eux se sont lancés dans l'aventure, comme plusieurs
membres interrogés. Polak continue de décrire son ressenti :
« On n'a pas été bien long à se convertir !
Après c'était parti, on a commencé à vouloir savoir
comment ça se construisait, comment c'était possible de faire
sonner un son avec autant de basses et on s'est renseigné sur tout,
comme on dit Rome ne s'est pas fait en un jour donc c'est un processus
assez long et coûteux puisque forcément, c'est matériel et
il en faut du bon40 ».
Julien est un des six membres de Dub Invaders, projet
parallèle du groupe d'High Tone, créé en 2009 : «
Dès les années 1990 à Lyon, il y avait
déjà Vibronics, Disciples, Iration Steppas [...] qui
tournaient, parfois ils étaient programmés dans des
événements techno. Et
38 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
39 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal
Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
40 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal
Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
22
puis on est allés en Angleterre, à Notting
Hill ou dans la banlieue de Londres, pour voir des sound system. Donc c'est une
grosse influence pour nous, même si, à l'époque, on n'avait
pas envie de copier ça quand on a commencé le live avec High
Tone. Pour nous, le sound system est lié à l'histoire de la
culture underground, à notre culture41 »
Beaucoup de monde s'est passionné pour cette culture.
Furent rapidement fondés des médias indépendants comme
Alex Dub, fondateur de Culture Dub. Il détaille son vécu
après avoir découvert la scène sound system anglaise :
« En découvrant ces basses rondes et profondes que l'on vit au
plus profond de notre corps, je me suis dit : «Le Dub ne s'écoute
pas mais se vit !» En rentrant en France, je créais Culture dub en
2000 et je publiais le 1er fanzine dub français. Le dub est
un outil qui me permettait de défendre mes idées et le sound
system, le matériel qui permettait de l'emmener musicalement au
public42 ». Emmanuel Valette, fondateur de Musical
Echoes, décrit également la manière dont il a
découvert cette scène en France : « Pour ma part, je
suis arrivé dans cette culture par la scène dub française
live. [...] Tous ces artistes sont apparus en France à la fin
de XXe siècle. J'ai vraiment écouté du dub
avant d'écouter du sound system.43 ».
Au début des années 2000, les salles de concerts
n'acceptent pas encore les sound systems et les collectifs y étant
associés. L'alternative élaborée pour se produire par les
acteurs de ces scènes indépendantes est de se produire dans des
espaces autogérés ou des squats44. Rico, membre
d'OBF45, témoigne : « On a découvert le
milieu sound system roots UK dans les caves et les squats de Genève.
[...] Ça nous a donné envie d'organiser nos propres
soirées et on s'est vite rendu compte qu'il fallait qu'on ait notre
propre matériel. Donc on a construit nos deux premières boxes en
2003 pour répondre à ce besoin. En 2004, on en a construit quatre
de plus. Pendant deux années consécutives, on a organisé
pas mal de soirées au Kalifornia, un squat de Genève. Suite
à ça, on s'est souvent retrouvés en warm-up des concerts
de la scène dub française comme High Tone. Ça se passait
souvent à L'Usine de Genève qui est devenu notre fief en 2006
avec l'organisation des soirées Dubquake, notre événement
bimestriel46 ».
41 Emmanuel « Aku-Fen (Dub Invaders) : « Le
sound system est lié à l'histoire de la culture underground !
», Musical Echoes, 22 septembre 2016 [en ligne]. Disponible sur
:
https://musicalechoes.fr/2016/09/aku-fen-dub-invaders-le-sound-system-est-lie-a-lhistoire-de-la-culture-underground/
42 Entretien avec Alex Dub, fondateur et
rédacteur de Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1 p. 71
43 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et
rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77
44 Le squat désigne l'installation dans un
lieu pour y habiter sans l'accord du titulaire légal du lieu. Le squat
est par définition illégal.
45 Aperçu des sound systems des collectifs
interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102
46 Ju-Lion, « OBF : trois lettres majeures
», Reggae, 7 novembre 2016, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.reggae.fr/lire-article/3698
OBF---Trois-lettres-majeures.html
23
Les événement majeurs ayant
contribué au développement du mouvement sound
system
Plusieurs personnes séduites par la culture reggae dub
se sont emparées du phénomène. Elles ont pris l'initiative
d'organiser des événements, festivals et concerts, dans
l'intention de diffuser leur passion au plus grand nombre47. En
1989, le Garance Reggae Festival lance sa première
édition. Tout d'abord organisé à Paris, dans plusieurs
lieux, il est délocalisé à Bagnols-sur-Cèze en
2010. À l'origine, le festival invitait uniquement des artistes de la
scène reggae. Puis, en 2007, les organisateurs intègrent de dub
et les sound systems, en invitant notamment Blackboard Jungle48 et
Aba Shanti I49.
Revenons cinq ans en arrière avec
Frédéric Péguillan, fondateur du
Télérama Dub Festival, pionnier dans la promotion du dub
en live : « À la fin des années 90, il y a toute cette
génération spontanée de groupes de dub français qui
est apparu, Zenzile, High Tone, Improvisator Dub. Puis j'ai proposé
à Glazart50 de monter un festival autour du dub, ils
étaient partants. Télérama était d'accord pour
rajeunir son image. Le festival s'est créé en 2003 et
après ça a un peu fait boule de neige, on a fait venir des
anglo-saxons, des allemands, ça a grossi d'année en année.
[...] Au début on était les seuls en
Europe51 ».
Deux ans plus tard, en 2005, les Dub Stations
apparaissent au Trabendo, à Paris, organisées par
l'association Musical Riot. Un nouveau concept naît en France : plusieurs
collectifs viennent tandis qu'un seul prend en charge l'apport du sound system,
afin de sonoriser l'ensemble des concerts. Ces soirées, encore
d'actualité, se tiennent tous les deux mois et se sont exportées
à Lyon, Marseille, Barcelone, Rouen et, dernièrement, à La
Réunion.
Après la naissance des Dub Stations, un nombre
toujours accru d'événements se créent autour des sound
system. En 2008, l'association nantaise Get Up ! organise ses premières
Nantes Dub Club et Get Up ! Session. En 2009, l'association
dijonnaise Skanky Yard commence d'organiser des sessions* de dub aux
Tanneries52, un espace autogéré mythique de la
scène punk. La personne interviewée, qui souhaite garder
l'anonymat, explique le fonctionnement singulier de cette association : «
Skanky yard est initialement une association familiale, du coup j'ai tenu
à garder cet esprit de famille dans l'association. Chacun a
développé ses compétences dans notre équipe. Le
sound system a permis de sonoriser les
47 Aperçu des visuels des différents
événements cités. Cf. Annexe 9, p. 103
48 Un des premiers collectifs français à
s'emparer de la culture sound system en 1999.
49 Opérateur d'un sound system anglais et
producteur de dub depuis 1993.
50 Ancienne gare routière transformée en
salle de concert underground avec des groupes et DJ émergents.
51 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79
52 Espace autogéré des Tanneries :
centre social, culturel et politique situé à Dijon
24
premières soirées et continue de les
sonoriser aujourd'hui, encore aux Tanneries53 ». En 2014,
l'association Totaal Rez organise les Dub Echo au Transbordeur,
à Lyon. De nombreuses associations, partout en France, lancent des
initiatives analogues. La culture sound system est à présent bien
ancrée dans le paysage musical français.
L'intégration du dub dans de nombreux
festivals
Dernièrement, le dub a intégré de
nombreux festivals de reggae. Frédéric Péguillan explique
que les dub corners, littéralement traduits par un « coin de dub
», se sont développés sur les festivals de reggae : «
Les premiers qui ont fait ça c'était au Garance en 2013 avec
le «Dub Station Corner», après au Reggae Sun Ska en 2014 avec
le «Dub Foundation» et maintenant au No Logo avec les «Dub
Masters Clash». Et c'est très bien54 ». Depuis
2015, le festival de Dour55 a intégré un dub corner
organisé par le Reggaebus festival56. De nombreux festivals
ont, depuis, repris l'idée.
Au fur et à mesure, prenant conscience de l'engouement
des publics pour le dub, plusieurs festivals de grande ampleur ont
intégré le dub dans leur programmation principale, en
façade, dans des configurations où le public se trouve en dessous
du niveau de la scène : « Les organisateurs commencent à
se rendre compte que ça existe, qu'il y a une scène peut
être intéressante. Les gros festivals s'y mettent en se disant que
ça ramènera sûrement du monde. Je me souviens qu'à
Rock en Seine il y a deux ans, un artiste de la scène dub était
invité alors que le patron, qui déteste le dub, m'a toujours dit
«Jamais de dub à Rock en Seine !» ; je l'ai chambré
quand j'ai vu qui il invitait57 ».
53 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
54 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79
55 Festival belge d'une capacité de 242 000
personnes et de 235 artistes sur cinq jours.
56 Festival flamand de dub et sound system
57 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79
25
L'engouement actuel pour la scène sound
system
Depuis plusieurs années, la scène sound system a
largement dépassé la scène dub live émergente en
France à la fin des années 1990. D'après
Frédéric Péguillan, fondateur du Télérama
dub Festival, il n'y a plus une ville française qui n'ait pas son sound
system aujourd'hui. Il explique comment le Télérama Dub Festival
est né et comment la scène dub a évolué depuis la
création du festival en 2003 : « Au départ, le
Télérama Dub festival ce n'était pas tellement un festival
de sound system. À l'époque, la culture sound system existait
déjà beaucoup en Angleterre mais au départ le festival
s'est monté avec du dub live Ils reprenaient cette technique de studio
qui était le dub et ils le rejouaient en live. Ça a
été le point de départ et puis peu à peu, on a
intégré la dimension sound system qui est je dirais presque la
plus importante aujourd'hui. Donc effectivement, ça a pas mal
bifurqué là-dessus ces derniers temps, mais je tiens à ce
que le festival puisse être une présentation de tous les aspects
du dub : du live avec des instrumentistes, du sound system, du DJ set, du live
machines58 ».
Emmanuel Valette, fondateur du webzine Musical
Echoes, rejoint l'avis du fondateur du Télérama Dub Festival
: « Maintenant, il y a des soirées de partout, même dans
les petites villes. La réserve que l'on fait sur Musical
Echoes, c'est de montrer que cette culture ne vient pas de nulle part. Elle
est rattachée à une culture anglaise et jamaïcaine. C'est
vraiment une musique avec un message, un savoir-faire vraiment artisanal au
niveau du son généré par les sound
systems59 ».
Fabrice, membre du groupe High Tone donne son avis sur
l'évolution du mouvement en étant pionnier de la scène dub
française : « Les sound systems, ça donne toujours un
côté alternatif et je pense que les jeunes d'aujourd'hui sont
demandeurs de ce genre de choses. Si on revient aux origines, le principe de la
dubplate*, les sound systems, le fait de faire venir un MC, de remixer des
morceaux, ça se retrouve dans d'autres musiques. Le dub est le
grand-père du hip-hop, du jungle, du dubstep, de la bass music et de la
musique électronique. Et ça, les gens commencent à le
comprendre. C'est pour ça que ça plaît toujours autant.
J'espère juste que ça ne va pas finir par devenir trop commercial
comme d'autres genres60».
Le collectif Stand High Patrol, collectif également
pionnier en France, a également partagé sa vision sur
l'évolution du mouvement : « La scène sound system dub
en France a bien évolué. Il y a un certain renouveau, notamment
grâce au fait qu'il y ait plus de producteurs
58 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n°1 p. 79
59 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et
rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77
60 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le
grand-père de la musique électronique » Op. Cit.
qui bossent sur ordinateur. Nous, on fait principalement
du reggae et du dub mais on essaye aussi de faire d'autres styles. Nos
productions se rapprochent quelquefois du hip-hop. En fait, on ne se cantonne
pas à un style ou à vouloir faire évoluer un style. Encore
une fois, on fait juste ce qu'on kiffe, sans se mettre de barrières et
en gardant une certaine ouverture d'esprit. C'est ça qu'on veut garder
comme marque, l'ouverture d'esprit61 ».
Conclusion Chapitre 2
Les musiques jamaïcaines, le reggae, le dub et la
culture sound system se sont progressivement importés dans le paysage
musical français depuis la fin des années 1990. Toute une
communauté s'est passionnée pour cette culture et a su mettre en
oeuvre tous les moyens possibles pour diffuser cette manière
d'appréhender la musique au grand public.
Les années 2000 ont marqué un temps fort
l'histoire du dub en France grâce à des artistes et groupes
musicaux qui ont reproduit les techniques de dub avec des instruments sur
scène.
Les années 2010 ont pris un tout autre tournant
pour cette fois développer la culture sound system au plus grand nombre.
De nombreux collectifs et acteurs se sont passionnés pour cette culture
et ont montré à d'autre que le mouvement était accessible.
Certains ont l'objectif d'en vivre, d'autres veulent seulement trouver une
échappatoire et un espace de liberté grâce à cet
outil de diffusion, le sound system.
26
61 BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le
grand-père de la musique électronique » Op. Cit.
27
Conclusion Première Partie
Nous venons de voir dans cette première partie que
la Jamaïque est un véritable cluster musical. L'essor de cette
culture en Angleterre et dans le monde entier a développé les
différentes techniques musicales originaire de l'île. De nombreux
acteurs et artistes se sont appropriés ces techniques et ont
donné naissance à de nouveaux genres musicaux des musiques
actuelles.
Les musiques jamaïcaines, le reggae, le dub et la
culture sound system se sont progressivement importés dans le paysage
musical français depuis la fin des années 1990. Les
français se sont d'abord approprié le dub en le jouant avec des
instruments.
La scène sound system s'est aujourd'hui
imposée en France. Nous remarquons une forte importance de collectifs
qui se forment quant aux formations artistiques de dub live instrumentales qui
sont devenues minoritaires. Toute une communauté s'est passionnée
pour cette culture et a su mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour
diffuser cette manière d'appréhender la musique au grand
public.
Le fonctionnement initial de la contre-culture musicale
jamaïcaine, dans l'indépendance la plus totale, perdure encore
aujourd'hui. De nombreuses recherches et entretiens avec les acteurs de cette
culture nous permettront de comprendre, dans la seconde partie de ce
mémoire, pourquoi les acteurs de ce mouvement gardent cette
indépendance et y tiennent, comme une véritable tradition. Nous
nous pencherons également sur les acteurs de ce secteur, actifs et
visibles, en dépit d'une totale indépendance.
28
Deuxième partie - La scène sound system
française actuelle Introduction deuxième
partie
Nous venons de voir que la scène dub
française se divise en deux pratiques bien distinctes : la scène
live et la scène sound system. Nous allons à présent nous
focaliser sur la scène sound system dub en France, sujet principal du
présent mémoire.
Une poignée de passionnés se sont
emparés de la culture sound system dub pour développer des
médias spécialisés, organiser des
événements, écrire des articles et ouvrages empreints des
problématiques intrinsèques à cette musique si
particulière. En revanche, très peu d'ouvrages fondamentalement
sociologiques nous ont permis d'accéder à une analyse
concrète de ce mouvement. Cette constatation nous mène à
deux réflexions : la culture sound system est un phénomène
relativement récent en France et ce mouvement reste, comme toujours,
très indépendant. C'est pourquoi nous avons fait le choix de
construire nos propos aux moyens d'un ensemble de rencontres et
d'échanges, au contact des acteurs de cette culture qui évolue
hors des sentiers battus.
Les différents médias
spécialisés furent essentiels dans les recherches que nous avons
menées. L'ensemble des réponses des personnes interrogées
et le contenu existant des différents médias indépendants
nous ont permis de comprendre pourquoi les acteurs de ce mouvement conservent
l'indépendance de ce mouvement, comme le veut la tradition.
29
Chapitre 1 - Développement, fonctionnement et
visibilité des acteurs Introduction chapitre 1
Nous allons ici tenter de soulever les différentes
caractéristiques de l'indépendance de la culture sound system en
France par le biais de douze entretiens réalisés tout au long de
l'année, dans le milieu de culture sound system dub. Par leurs propos,
leur enthousiasme et leur positivisme, l'ensemble des personnes
interrogées nous ont renseigné sur l'engouement actuel autour de
cette culture.
Nous montrerons également, dans cette nouvelle
partie, que le fonctionnement initial de la culture sound system dans
l'indépendance la plus totale en Jamaïque reste le même
aujourd'hui, notamment en France. Comment ces acteurs restent-ils actifs et
visibles tout en s'affranchissant, tant que possible, des aides
financières de l'État ?
Le dub en France : l'importation et son
évolution
Depuis quelques années, l'apparition de plusieurs
centaines de collectifs et la naissance de plusieurs événements
dédiés à la culture sound system révèle un
réel intérêt des français. On peut observer que
cette scène attire un public de plus en plus jeune, attiré par
une réelle expérience physique, vibrante, englobante. Un des
bénévoles de l'association dijonnaise Skanky Yard explique la
présence des amateurs de cette culture dans la ville de Dijon : «
Je pense qu'avec les sessions régulières qui s'organisent
depuis plusieurs années, un public s'est constitué. À
Dijon il n'y a pas vraiment d'autres soirées donc plus les personnes
viennent, plus elles en parlent autour d'elles. Ça a aussi dû
donner l'envie à d'autres de monter leur collectif car le mouvement a
montré que c'était accessible et possible pour tout le monde d'en
faire partie. Ce qui est bien dans le sound system, c'est de faire partie d'un
collectif. En plus de l'équipement sonore, il y a un vrai engagement
militant dans les collectifs qui se montent en
France62».
62 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
30
Le sound system : une passion à temps
plein
Les entretiens réalisés mettent en
évidence un élément crucial. La majorité des
acteurs sont passionnés. Mais les entretiens révèlent
aussi que la plupart des acteurs exercent aussi une profession, en
parallèle. Est-ce un choix ou une nécessité ? DopeShack,
sélecteur de King Hi-Fi Sound System63, nous en dit plus sur
son choix : « Je n'ai jamais eu l'ambition que ce sound system
devienne mon métier, c'est mon espace de liberté. Je suis
ingénieur à côté avec tout ce que ça peut
impliquer concernant la rigueur et le cadre. Du coup, dans le sound system,
j'essaie de m'affranchir de tout ça64 ». Le point
de vue de Polak, sélecteur et MC de Legal Shot Sound
System65, nous fait comprendre que c'est un choix pour son collectif
de ne pas en vivre, il explique pourquoi : « On joue une fois par mois
environ. C'est une volonté de notre part, si on veut faire plus on peut
mais on respecte les vies de famille de chacun et le rythme professionnel de
chacun puisqu'on a tous nos activités à côté. Il
serait difficile, pour un sound qui tourne juste une fois par mois, de faire
vivre correctement 5 copropriétaires. C'est mission
impossible66 ». En revanche, Quentin, MC et cofondateur de
Brainless Sound System67 a pour ambition de professionnaliser
l'activité du collectif « Au départ, nous faisions des
contrats de représentation bénévole et nous faisions un
cachet artiste qui rentrait dans les sous de notre association. Petit à
petit, on a tous arrêté nos études et un besoin s'est fait
à ce niveau-là. Du coup, les contrats d'intermittence se sont
enchaînés pour Théo, puis pour Léo, qui nous a
rejoint rapidement. Moi, je suis sur des cachets de booking puisque je m'occupe
de la diffusion de Brainless avec l'association Exoria68
».
L'association dijonnaise Skanky Yard, organisatrice
d'événements, avait engagé deux employés
grâce aux contrats aidés, aujourd'hui révolus, à
leur grand regret : « Pendant un an jusqu'à novembre dernier,
on était deux salariés dans l'association à temps partiel
en contrat aidé. Ils ont supprimé les contrats et le nôtre
se terminait en novembre dernier, on n'a pas eu de chance. On l'a mal
vécu au début mais maintenant ce n'est pas grave, la machine est
lancée et on se rend compte qu'on peut quand même la gérer.
Avec notre travail à côté, on est obligés d'avoir un
rythme69 ».
63 Aperçu des sound systems des collectifs
interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102
64 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King
Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69
65 Aperçu des sound systems des collectifs
interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102
66 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal
Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
67 Aperçu des sound systems des collectifs
interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102
68 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de
Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
69 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
31
Le sound system, une réelle profession pour
une poignée de collectifs
Seulement trois collectifs français vivent de leur
activité aujourd'hui. C'est le cas d'OBF sound system. Rico, le
sélecteur du collectif, explique comment leur persévérance
leur a permis d'en vivre depuis peu : « On en vit tous aujourd'hui. On
est tout le temps sur la route. La semaine, on produit de la musique pour que
les programmateurs aient envie de nous programmer. On bosse vraiment à
fond, c'est notre métier ! Guillaume70 est le seul à
avoir un travail à côté. Je m'occupe aussi du label
Dubquake et d'organiser des soirées. On s'occupe de pleins de choses
à côté de notre activité de production musicale mais
tout est lié à OBF71 ».
C'est également le cas pour le collectif Stand High
Patrol Sound System72. Morgan, manager, expose la situation du
collectif à l'heure actuelle : « On avait tous des
métiers à côté au début, on a tourné
pendant cinq ans en étant vraiment amateurs et un jour on a
décidé de changer puisque c'est beaucoup de travail avec le
label. On s'est dit qu'on arrêtait nos trucs à côté
pour se concentrer sur le label et qu'on allait devenir intermittents du
spectacle. Le seul qui n'est pas intermittent du spectacle est le chanteur car
il garde son métier, c'est important pour lui d'avoir un
équilibre entre le son et son métier, ses deux
passions73 ».
À l'heure actuelle, peu de collectifs
réussissent à vivre de leur activité musicale. Certains
s'en sortent grâce au statut d'intermittent du spectacle. Ils
délaissent leurs professions respectives pour s'investir,
intégralement, dans leur activité artistique et collective.
Fonctionnement autonome des acteurs
Pourquoi peut-on définir la culture sound system comme
indépendante ? Les réponses des personnes interviewées se
rejoignent. À l'unanimité, les acteurs interrogés
considèrent que la culture sound system est plus indépendante que
d'autres branches de l'industrie musicale car le milieu, à l'heure
actuelle, est encore assez peu structuré. Le fonctionnement singulier de
ces acteurs nous en dit également plus sur leur indépendance.
Polak décrit sa vision : « Effectivement, il y
a cette notion d'indépendance avec le Do It Yourself. On pourrait dire
qu'il y a une grande part des sound systems qui se débrouillent
eux-mêmes pour construire leurs enceintes, pour s'équiper et pour
fonctionner. [...] Mais indépendant car c'est peut-être
moins structuré quant à d'autres styles musicaux. Je ne
sais
70 Guillaume, opérateur d'OBF Sound System.
71 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound
System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73
72 Aperçu des sound systems des collectifs
interviewés. Cf. Annexe 8, p. 102
73 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound
system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75
32
pas trop comment l'exprimer. C'est vrai que les sound
systems ne sont pas trop basés sur des labels, sur des maisons de
disques, on compte vraiment sur nous-mêmes et c'est en ce sens qu'un
sound system est assez indépendant. L'indépendance
transparaît à plusieurs niveaux. C'est aussi lié au fait
que ce soit des sonos mobiles aussi, on peut jouer un soir à un endroit,
un soir à un autre, sous réserve des autorisations
nécessaires évidemment 74 ». Rico
complète l'avis de Polak : « Quand on amène notre sound
system, on amène tout le matériel. On amène le matos pour
sonoriser, notre matos pour pouvoir jouer dont les platines, on amène
notre crew qui va installer, que nous allons nous-même conduire jusqu'au
lieu de l'événement. Juste la façon de faire et de
concevoir toute cette scène sound system, c'est autogéré
et indépendant. On a construit nous-mêmes notre sound system, on
fait développer toutes nos machines par nos amis, c'est très Do
It Yourself et, déjà ça, dans l'approche et la
manière de fonctionner, c'est indépendant75
». Morgan ajoute : « Il y a des écarts incroyables entre
les artistes qui vont se produire sur la scène sound system que l'on
peut voir sur cette scène, certains sont médiatisés et
d'autres pas du tout. Certains sont suivis du grand public et d'autres pas du
tout. Parmi eux, certains se donnent une mission vraiment locale, [...]
C'est ça qui fait que c'est un milieu assez riche où tu vas
avoir des puristes très traditionnels sur le reggae, le roots classique
et tu vas en avoir d'autres qui vont mélanger ça avec les
musiques électroniques, plus proche de la techno76
». Morgan n'est pas un manager comme ceux que l'on trouve dans les
sphères musicales plus traditionnelles : « Avec Stand High, si
j'ai cette position de «manager» c'est parce que je fais la
coordination. À aucun moment je ne décide pour eux. En revanche,
je suis l'intermédiaire entre eux et la prise des décisions. Je
suis l'interlocuteur pour tout ce qui va être booking, labels,
distributeurs. Si les professionnels de la musique veulent entrer en contact
avec le groupe, ils passent par moi mais ce n'est pas moi qui prend la
décision finale. C'est une position assez particulière et
l'essentiel du travail c'est qu'on soit un collectif et qu'on décide de
tout ensemble77 ». Naturellement, les plus petits
collectifs partagent la même vision que les autres. Quentin, de Brainless
sound system, pense : « On peut encore le dire, je ne sais pas encore
pour combien de temps, mais la plupart des sound-systems sont autoproduits ou
sont produits par des labels qui sont eux-mêmes
indépendants78 ».
74 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal
Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
75 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound
System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73
76 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound
system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75
77 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound
system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75
78 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de
Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
33
Les organisateurs partagent la même vision que les
collectifs. La culture est naturellement considérée comme
étant indépendante. Frédéric Péguillan,
organisateur du Télérama Dub Festival depuis seize ans
décrit sa vision : « Ce n'est pas que je la considère,
c'est qu'elle l'est ! Toutes ces associations fonctionnent en totale
indépendance. [...] C'est leur choix et leur manière de
fonctionner. Certains artistes créent leurs propres labels mais il n'y a
pas de gros labels qui signent des sound system, donc ce n'est pas le
but79 ». Les bénévoles de l'association
Skanky Yard ont un fonctionnement particulier lors des événements
qu'ils organisent : « On n'a jamais fait un planning
bénévole car ça ne marche pas aux tanneries et ça
désengage plus les gens qu'autre chose. Avec notre système,
même au niveau de l'asso, cela permet aux gens de penser
régulièrement à ce qu'il faut faire pour s'impliquer.
C'est un peu du bon sens80 ». Cette
liberté au niveau de l'organisation fait encore référence
à la force intrinsèque des collectifs. Les compétences de
chacun sont valorisées. Les bénévoles se sentent
pleinement investis dans les soirées, sans sentir sur leurs
épaules le joug de la contrainte.
Les médias indépendants et
spécialisés dans cette culture partagent une vision identique.
Alex Dub, fondateur et rédacteur du magazine en ligne Culture
Dub explique : « Le sound system est diffuseur de la musique que
les acteurs composent eux-mêmes, pressent en vinyles eux-mêmes,
diffusent à partir de labels qu'ils ont créé. Cela permet
une certaine indépendance, pour développer une économie
parallèle. De fait, cette façon de faire avancer ce mouvement lui
permet de sortir du formatage radiophonique, de défendre un message sans
compromis. En 2018 il est très rare de pouvoir, comme cela,
maîtriser une culture de A à Z, sans se faire approprier par des
étatiques81 ». Emmanuel Valette, rédacteur
pour le webzine Musical Echoes, donne aussi son avis sur la question :
« Je ne sais pas si c'est toujours indépendant mais en tout
cas, ce qui est bien, c'est qu'il y a des collectifs qui commencent à
gagner leur vie dans tout ça. Mais à quel prix ? À quel
rythme ? Faire des soirées tous les week-ends, c'est épuisant.
Mais les autres donnent tous leurs moyens et n'en vivent pas forcément.
C'est un gouffre financier énorme quand on s'y met, l'équipement
est coûteux82 ».
Les acteurs rencontrés partagent, globalement, la
même vision de la culture sound system. Les collectifs, organisateurs et
médias revendiquent leur fonctionnement autonome. L'esprit
79 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n° 1 p.79
80 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
81 Entretien avec Alex Dub, fondateur et
rédacteur du webzine Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1
p. 71
82 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et
rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77
34
d'équipe se ressent profondément au sein d'un
collectif mais toutefois au sein de la culture à part entière.
Dynamique et visibilité des collectifs de
sound system
Internet est, aujourd'hui, un outil essentiel pour un
collectif de sound system. C'est le meilleur outil de communication, le
meilleur moyen de développer une visibilité publique, à
moindre frais. La diffusion de la musique en ligne permet de partager les
projets avec le plus grand nombre, sans aucune frontière.
Pour preuve, OBF, un des collectifs aujourd'hui fort reconnus,
a profité de l'émergence d'Internet et des réseaux sociaux
pour se rendre visible : « On a eu la chance de commencer avant
l'engouement au début des années 2000. On a eu la chance
d'arriver avant tous ces nouveaux sound systems qui arrivent sur le
marché, qui sont en masse et qui n'arrivent pas à se
différencier. C'est pour ça qu'on arrive à rester visible,
maintenant tout le monde peut se rendre visible avec Internet. Même si tu
es indépendant ! [...] On travaille beaucoup, on bosse
énormément au studio pour pouvoir sortir des morceaux et le plus
possible83 ». Polak exprime également les pratique
de collectif dont il est copropriétaire : « La
détermination nous a permis de rester actif et visibles, tout simplement
! On croit en notre collectif, en la qualité de notre son, notamment au
niveau acoustique, de notre sélection, de ce qu'on est capable de faire
en clash, de ce qu'on est capable de faire en tant que producteurs. Ce n'est
pas pour prouver quoi que ce soit aux autres ou à nous-mêmes, mais
juste être honnête par rapport à sa musique, à notre
musique84 ». Le collectif Brainless oeuvre d'arrache-pied
pour rester dans la mouvance : « On va essayer de continuer
d'être présent, de promouvoir les dates sur lesquelles on va
jouer, de promouvoir le pendant, l'après. On va essayer de sortir des
morceaux en téléchargement gratuit pour faire avancer le
mouvement. On n'a pas forcément 200€ de sponsors à mettre
dans chacun des publications qu'on fait sur Facebook, on n'est pas
financé par une major mais ça n'empêche pas de grossir un
auditoire pour autant85 ».
Nous remarquons que les sound systems créent de la
visibilité par eux-mêmes. Souvent, ils s'invitent les uns les
autres, pour jouer ensemble sur la sonorisation d'un collectif ou en assemblant
leurs sound systems respectifs. DopeShack évoque une dimension
importante de ce
83 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound
System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73
84 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal
Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
85 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de
Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
35
régulier partage : « En ce moment on est bien
lié avec Brainless, avec qui on joue depuis longtemps et qui, eux,
tournent beaucoup. Là on a une date avec eux au mois d'avril où
on va assembler les sonos. C'est rare qu'on ait plus de deux ou trois
mois de visibilité, on n'a jamais un an de dates calées mais des
fois tu te dis qu'il n'y a rien et d'un coup on te propose une date sans t'y
attendre. Une fois par mois ça nous va bien86 ».
Les bénévoles de l'association Skanky Yard expliquent
également : « On est un vrai crew, tous les artistes ont
l'impression que nous sommes une grande famille. Il n'y a pas cette ambiance
partout. Les artistes mangent avec nous et c'est convivial. De
l'extérieur, on peut croire que tous ces gens qui travaillent
bénévolement travaillent pour le sound system mais en fait, de
l'intérieur, c'est le sound system qui travaille pour tout le monde.
D'un point de vue d'union collective, c'est parce qu'on a monté ce sound
system que maintenant nous pouvons l'allumer, faire jouer des artistes dessus.
C'est aussi un luxe de recevoir des gens, de parler anglais tous les
mois87 ». Cet état d'esprit au sein du milieu se
construit sur l'entraide. Les sound clashs continuent, prouvant encore une fois
que la tradition jamaïcaine continue mais, à présent, dans
un climat totalement pacifiste.
Les organisateurs et les médias participent
évidemment à la visibilité des collectifs.
Frédéric Péguillan explique que le Télérama
Dub Festival offre trois axes de développement aux artistes : «
Le premier est de faire venir des artistes qui ont une
notoriété mais qu'on ne voit pas souvent en France. En second,
c'est du développement, c'est-à-dire plein de jeunes artistes. Il
y en a plein à qui le festival a permis de donner une
notoriété qu'ils n'avaient pas auparavant, ça leur a
donné un peu des coups de pouce. La troisième dimension à
laquelle je tiens fortement c'est la dimension création, car le dub est
un peu un terrain d'exploration musicale où on peut quasiment tout
faire. C'est beaucoup les rencontres, des créations spéciales,
faire travailler des gens d'univers différents. Je cite toujours, en
exemple, Kali live dub qui était venu faire un concert au
Télérama Dub Festival et il était venu avec Éric
Truffaz, un trompettiste de Jazz 88».
Alex Dub décrit sa façon de promouvoir les
organisateurs et les collectifs : « Aujourd'hui, en plus de mettre en
avant le maximum de sorties des collectifs, Culture Dub accompagne les
artistes dans leur développement, leur diffusion. Culture Dub
est au service du
86 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King
Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69
87 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
88 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79
36
peuple à travers son site, ses deux
émissions radiophoniques, son label, l'organisation de soirées,
la promotion d'artistes...89 ».
Emmanuel Valette explique le fonctionnement, singulier, du
média pour lequel il écrit bénévolement : «
À l'origine, Musical Echoes n'a pas été
pensé comme quelque chose qui fait de la promotion. Ce ne sont pas les
artistes qui nous disent de faire la promotion de leur album, c'est
plutôt nous qui choisissons. On dit ce que l'on pense, si on n'aime pas
quelque chose on peut en parler, ou alors écrire clairement que l'on
n'aime pas, ça n'arrive pas souvent mais c'est déjà
arrivé. Même si on est tout petit, je pense qu'on se
différencie des autres médias, justement, qui vont plus
être dans la promotion et dire que tout est génial et super. L'axe
de développement, c'est aussi des sélection vinyles tous les mois
et ça peut être une vitrine pour les artistes, c'est vraiment une
carte blanche aux artistes pour faire connaître et partager leurs
influences90 ».
La visibilité du secteur et de ses acteurs s'est
développée et pérennisée grâce au
déploiement de la diffusion en ligne, tant par les collectifs
eux-mêmes que par les médias spécialisés. Les
acteurs de la scène dub mutualisent leurs compétences, dans un
esprit de solidarité, d'entraide et de bienveillance pour rester dans la
mouvance.
Indépendance
financière
Les sound systems sont nés, nous l'avons vu, dans la
plus totale indépendance financière, en Jamaïque. Les
acteurs français, nous l'aurons compris, conservent cette tradition.
Est-ce par le simple respect des mécanismes passés ou par
nécessité au regard de l'économie actuelle?
L'association Skanky Yard de Dijon nous expose son
fonctionnement financier : « On n'a pas de partenaire. On
s'autofinance avec les événements. On paye les artistes, les
Tanneries, l'entretien du sound system quand on casse du
matériel91 ». Rico, sélecteur d'OBF sound
system, explique également les manoeuvres pour rentabiliser les
coûts que le collectif engage dans toute la chaîne de production et
de diffusion : « Nous n'avons jamais eu de subventions. Quelquefois,
c'est dur parce que maintenant qu'on est des travailleurs légaux, on a
beaucoup de taxes à payer, on a beaucoup de frais. Vu qu'on est
organisé, plusieurs personnes travaillent
89 Entretien avec Alex Dub, fondateur et
rédacteur du webzine Culture Dub à Poitiers. Cf. Annexe n°1
p. 71
90 Entretien avec Emmanuel Valette, fondateur et
rédacteur de Musical Echoes à Paris. Cf. Annexe n°1 p. 77
91 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
37
pour nous et tout le monde est
rémunéré à juste valeur. A la fin d'une session, je
ne sais pas si des gens pensent qu'on se fait de l'argent mais... on n'a pas
grand-chose. Tout est autogéré, autoproduit, que ce soit le
label, les clips, les enregistrements, l'entretien et l'évolution du
sound system92 ». DopeShack, sélecteur de King
Hi-Fi, explique également leurs sources de revenus : « Non,
financièrement nous ne sommes pas soutenus. On a mis de l'argent au
début et le projet s'autofinance, en quelque sorte, aujourd'hui. Vu
qu'on joue régulièrement et qu'on a réussi à
maintenir un niveau de cachet correct, ça nous permet d'investir, de
réparer et de racheter du matériel. On est en totale
autoproduction93 ». Quentin de Brainless explique
également le fonctionnement de son association : « Aujourd'hui,
on fait rentrer de l'argent dans l'association quand on organise des
événements, mais c'est une petite partie de notre activité
puisqu'on fait deux évènements par an. Sinon, c'est le
sound-system. À chaque fois qu'on le sort on fait des factures. On le
loue, entre guillemets, mais c'est plutôt un défraiement.
Ça nous fait un petit fond de roulement dans l'association pour pouvoir
réinvestir par derrière94 ». Pour Polak, le
fonctionnement de Legal Shot rejoint celui des autres : « Nous
finançons le collectif grâce à l'argent que celui-ci
rapporte avec le merchandising et en produisant des dates. Les
bénéfices et excédents sont réinvestis dans l'outil
de travail, le sound system95 ».
L'intégralité des collectifs fonctionnent en
autoproduction. Ils organisent des événements mais ne font pas de
profit ; l'argent rémunère les artistes, rembourse les frais de
l'entretien du sound system et une petite marge permet parfois d'alimenter la
trésorerie de leurs associations. Leur fonctionnement ne leur permet pas
de faire de profit et ce n'est pas, pour la majorité, ce qu'ils
souhaitent.
Autoproduction ou production sur des labels
indépendants
La majorité des collectifs créent leur propre
label dans la mesure où ils préfèrent produire leur
musique, et celles d'autres artistes du milieu, pour conserver leur fameuse
indépendance. La production d'autres artistes permet d'étoffer
quelque-peu la trésorerie des associations comme le faisait
déjà Duke Reid ou Coxsone en Jamaïque. DopeShack explique
pourquoi il est important, pour un collectif, de monter son propre label :
« À force de sélectionner des disques, pour se
différencier, il faut produire de la musique. Le but, c'est aussi de
faire avancer le
92 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound
System à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73
93 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King
Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69
94 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de
Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
95 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal
Shot Sound System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
38
mouvement. À force de jouer, j'ai rencontré
pas mal de chanteurs, de riddim makers. On travaille avec tous ces gens pour
sortir des productions sur le label. Un lien s'effectue aussi avec mon
métier d'ingénieur. Il faut gérer toute la chaîne,
l'aspect musical mais aussi tout l'aspect technique, faire le mastering,
presser les vinyles, gérer la distribution, la communication, le lien
avec les graphistes pour le macaron du vinyle96 ». Morgan
Le Godec, manager de Stand High Patrol, témoigne également :
« Tout l'argent qui entre dans le label est réinvesti
directement dans le disque, dans de nouveaux albums pour produire de nouveaux
artistes, payer le graphiste de la pochette, les photos, les clips... Il peut
aussi servir à entretenir le sound system ou le faire évoluer.
[...] Mais le label c'est vraiment quelque chose qui
s'autogère, enfin qui fonctionne tout seul sur un modèle
associatif. Le fait d'être indépendant permet de sortir ce que tu
veux. Tu t'en moques que ça plaise à un label ou non puisque le
label, c'est le tien97 ».
Les collectifs n'ont pas pour ambition de se produire chez des
majors*, des labels traditionnels ou des maisons de disques importantes. Ils
préfèrent sortir leurs albums et leurs morceaux sur des labels
indépendants comme Original Dub Gathering, e-label proposant une base de
données libre de droits sur internet : Quentin, cofondateur du sound
system Brainless le décrit : « La plupart des sound systems
sont autoproduits ou sont produits par des labels qui sont eux-mêmes
indépendants. Tout est basé sur des rapports humains. En
général il n'y a pas de contrat avec les maisons de disques. Sur
ODG, on a sorti un EP en digital. À aucun moment on nous a fait signer
un contrat, on ne nous demande rien98 » ; ou favoriser les
labels indépendants comme celui de Jarring Effects à Lyon, qui
perdure depuis 1995 et a fait sa place dans le milieu : « Il y en a
plein qui préfèrent rester avec cette structure
indépendante, des gens comme High Tone par exemple. Ils ont
été pendant longtemps les plus gros vendeurs en France et n'ont
jamais voulu aller sur des gros labels. Ils n'ont jamais voulu quitter Jarring
Effect. C'est un état d'esprit aussi et c'est ce qui fait le charme de
la chose99 ».
Aucun collectif n'a ni l'ambition, ni l'envie de faire
produire ses disques chez une major. Les réseaux de production sont
libres et multiples : certains s'autoproduisent en créant leur propre
96 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King
Hi-Fi Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69
97 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound
system Stand High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75
98 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de
Brainless Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
99 Entretien avec Frédéric
Péguillan, fondateur et programmateur du Télérama Dub
Festival. Cf. Annexe n° 1 p. 79
39
label, d'autres produisent leur vinyle sur des labels
indépendants, sous-entendus eux-mêmes des collectifs de sound
systems.
Les médias et la culture sound
system
Les collectifs rencontrés n'ont pas tous la même
vision de l'intégration de la culture sound system dans les
médias dits « de masse ». Rico a la volonté de faire
rayonner cette culture et, de fait, ce que produit son collectif, au plus grand
nombre : « Il y a des gens qui pensent que ce n'est pas bien, qu'il
faut rester underground et, justement, ne pas intégrer ces
médias. Personnellement, je trouve que si on arrive à faire
passer notre message avec notre musique et notre vibe, ça peut faire du
bien à notre scène100 ». Quentin partage sa
vision et ses craintes quant à la médiatisation à grande
échelle : « Il faut prendre en compte que c'est récent.
Il y a 25 ans de ça, on en était encore au rock steady en
Jamaïque. J'ai du mal à me dire que ça va le rester, avec
tout le côté dub où il faut s'adapter et jouer sur des
scènes. L'effet Panda Dub et Rakoon, artistes qui ont vulgarisé
la chose auprès du grand public, c'est une bonne chose aussi, mais nous
espérons que les deux côtés seront conservés. Que le
plus de monde possible ait accès à ce style, je pense que
personne dans le milieu ne crachera dessus, mais il faut aussi qu'on puisse
continuer à mettre une sono sans se faire trop embêter. Je ne sais
pas si j'aurais envie qu'on parle de nous dans les médias de masse. Je
jetterais bien un coup d'oeil à ce qu'ils pourraient
dire101». Polak rejoint l'avis des autres
collectifs : « Si les médias de masse s'intéressent
à nous, on ne va pas cacher ce qu'on fait. Nous n'avons rien à
cacher et puis, si ça se vulgarise, j'en serais le premier ravi ! Je ne
m'oppose pas frontalement aux mass médias pour leur fermer les portes
parce que cette culture doit rester underground. Après, attention, il ne
faut pas que ce qu'ils en racontent et ce qu'ils en montrent soit
galvaudé. L'honnêteté doit être des deux
côtés, la transparence aussi102 ». L'avis de
Morgan rejoint ceux de Quentin et Polak. En tant que manager de Stand High
Patrol, il confirme les craintes précédemment
évoquées : « Oui, comme dans Trax ou
Tsugi, à partir du moment où tu as un bon journaliste et
que tu peux avoir un bon article, c'est cool ! Après, on a des
expériences d'interviews télé où le journaliste ne
connaît pas son sujet et, du coup, c'est une mauvaise expérience
pour l'artiste car il ne peut pas s'exprimer clairement. Ça ne donne pas
une bonne image de ce que l'on fait. Tout ce qui est télé ou
interview filmée, ce n'est pas des trucs qu'ils aiment car ils
ont
100 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System
à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73
101 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless
Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
102 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound
System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
40
eu des mauvaises expériences103
». En revanche, d'autres collectifs pensent que le dub et ses
dérivés sont uniquement voués à être
joués sur un sound system et que la musique n'aurait pas de sens en
diffusion radiophonique : « Pour moi, ce qu'on fait, c'est de la
musique dédiée pour être jouée en sound system. Ce
n'est pas de la musique qui est écrite pour passer à la radio.
Sur des enceintes de salon ou à la radio, tu n'entendras pas la basse,
et puis c'est de la musique assez minimaliste104 ».
Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef chez Trax
Magazine, presse écrite nationale spécialisée dans la
musique électronique, techno et house, nous en apprend encore davantage
sur cette culture. Pour lui, les acteurs des scènes dub ne cherchent
pas, effectivement, à se rendre visibles dans les médias de masse
: « Il faut savoir que nous, on parle de musiques électroniques
mais que le dub, notamment les sound systems dub, ce n'est pas forcément
du dub digital. On est très peu au courant et pourtant on est un
média national, on s'intéresse au rock, au rap, à plein de
styles mais pour tout ce qui va être sound system dub, on n'est pas au
courant de ce qu'il se passe. Je pense que c'est déjà
indépendant du point de vue de la communication, elle se fait via des
réseaux sociaux, des communautés qui se connaissent, des flyers,
des disquaires, mais pas par les médias traditionnels105
». Le magazine Trax cherche à entrer en contact avec les
collectifs : « Il y a comme une espèce de frontière.
Ça vient rarement des sound systems mais plutôt de nous. Quand on
va les voir sur une affiche, on se dit qu'on aimerait bien faire un truc avec
eux et c'est plutôt nous qui allons à leur rencontre pour leur
poser des questions106 ». Jean-Paul explique que les
acteurs et collectifs de ce mouvement ne cherchent pas forcément
à entrer en contact les médias de masse pour se rendre visibles
auprès du grand public : « Je pense que ça vient du fait
qu'ils ne connaissent pas le média, ils pensent qu'on ne parle que de
techno, de house et de musique de club. Du coup je pense qu'ils ne viennent pas
forcément nous voir car ils se réservent peut-être plus
pour Reggae vibes ou ce genre de magazine, plus porté sur la
culture jamaïcaine à la base107 ».
L'ensemble des acteurs ne se montrent pas réticents
à la médiatisation de cette culture. En revanche, si les
médias de masse veulent en parler, les acteurs insistent sur le fait
qu'ils devront restituer une information objective de cette culture au grand
public.
103 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand
High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75
104 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi
Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69
105 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef
à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85
106 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef
à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85
107 Entretien avec Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef
à Trax Magazine. Cf. Annexe n°1 p. 85
41
Les institutions et la culture sound
system
Pour quelle raisons cette culture, en plein essor dans le
paysage francophone, n'est-elle pas reconnue par les institutions et acteurs
politiques ? Nous avons posé la question à l'ensemble des acteurs
interviewés.
Frédéric Péguillan pense que les
collectifs n'ont pas envie d'être récupérés par les
institutions et vice-versa car : « Le problème, c'est que les
subventions dans la culture n'arrêtent pas de baisser, partout. Par
rapport au Télérama Dub Festival, on n'a jamais eu de subventions
ou juste quelque petites de l'ADAMI ou du CNV mais autrement, nous n'avons pas
de subventions d'État, de région, de département, nous
n'avons pas de sponsors. Au moins, quand les subventions baissent, ça ne
changera rien pour cette scène108 ». En effet, les
baisses générales de subventions culturelles en France ne
favorisent pas les acteurs de cette culture à les solliciter pour une
aide financière. DopeShack partage la même vision et pense que les
institutions ignorent totalement ce mouvement : « Je ne suis
même pas sûr qu'ils perçoivent cette culture en fait. C'est
tellement underground et marginal comme style de son par rapport au rap ou
à la techno, c'est un petit mouvement. Quand on fait des soirées,
c'est dans les clous, il y a le souci de basse et la réglementation ne
va pas dans notre sens mais à part ça ils ne nous connaissent
pas109 ». Rico rejoint la vision de Frédéric
Péguillan et de DopeShack, il ne souhaite pas les solliciter : «
Si tu construis quelque chose avec une institution, tu es obligé de
leur redonner quelque chose en échange. On en a déjà
parlé, on pourrait en avoir mais en contrepartie il faut mettre leur
logo sur la couverture de l'album et je n'en ai pas envie. On est
indépendant dans la façon de faire, on s'est toujours
débrouillé et on a envie justement de rester là-dedans et
de tout réussir par nous-mêmes. On n'a jamais demandé
l'aide de personne110 ». Polak pense que c'est une
question de visibilité et de fréquentations : « Quant au
fait de construire des liens avec les institutions, je préfère
être indépendant financièrement et ne pas dépendre
de subventions pour faire tourner l'association et le sound system. Là
où on en est actuellement, je trouve que l'indépendance a quand
même pas mal d'avantages, notamment au niveau
financier111 ».
Certains collectifs comment Skanky Yard ont tenté une
approche avec les acteurs politiques mais leur méconnaissance du secteur
ne les a pas poussés à continuer leur collaboration :
« La
108 Entretien avec Frédéric Péguillan,
fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe
n° 1 p. 79
109 Entretien avec Dopeshack, sélecteur de King Hi-Fi
Sound System à Lyon. Cf. Annexe n°1 p. 69
110 Entretien avec Rico, sélecteur d'OBF Sound System
à Genève. Cf. Annexe n°1 p. 73
111 Entretien avec Polak, MC et cofondateur de Legal Shot Sound
System à Rennes. Cf. Annexe n°1 p. 81
42
mairie de Dijon nous avait donné un lieu pour la
fête de la musique mais ils ne se sont pas intéressés
à ce qu'on allait y faire. Du coup, Le voisinage s'est plaint du volume
sonore et des basses, la mairie n'a pas voulu renouveler. On n'a rien à
leur offrir mais ils ne nous ont jamais remercié pour ce qu'on faisait
pour les jeunes de Dijon. On n'a pas envie de demander des subventions et de
leur rendre des comptes. De toute façon, on n'a pas les documents pour
faire une demande de subventions, ils limitent les demandes comme ça
aussi. On en revient à la définition de ce que l'on fait, c'est
underground et alternatif112 ».
Le collectif de Stand High Patrol a déjà eu
quelques expériences avec les institutions concernant la diffusion du
groupe à l'étranger mais il n'envisage pas de demander des
subventions pour le collectif en lui-même : «
Concernant les subventions, sur le label on n'en a pas mais sur le
booking, si tu veux monter une tournée à l'étranger, tu
peux demander des subventions et en avoir, on en a déjà eu
d'ailleurs ! Mais on n'a jamais vraiment compté sur les subventions pour
développer le collectif. Ça vient aussi de l'esprit sound system
à la base qui est plutôt «démerde-toi». C'est
toujours un bonus mais ce n'est pas la principale ressource113
».
En revanche, le collectif Brainless a une toute autre vision
des institutions. Il entretient des relations étroites avec les acteurs
politiques de la ville de Bourg-en-Bresse pour se produire : «
Ça s'est toujours bien passé avec la ville de
Bourg-en-Bresse quand on voulait organiser des événements
près de chez nous. L'année dernière, on a
fêté nos cinq ans et on a demandé des autorisations un peu
plus spéciales, c'est-à-dire ouvrir le skate parc, pouvoir y
mettre un sound system, faire un événement qui dure
l'après-midi puis faire une transition dans la salle de concert. Mais
c'est comme tout événement culturel, le sound system n'est pas
exclu ! Les institutions sont ouvertes au dialogue, nous avons pu
défendre et argumenter notre projet et ils ont su nous donner raison et
nous font désormais confiance. C'est important d'entretenir des liens
avec eux, ils ont toutes les clés. Et on n'a pas le choix, si on veut
perdurer et avoir plus d'argent pour faire ce que l'on a envie de faire, on se
doit de garder des liens avec les institutions114 ».
112 Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard et du sound system Dubatriation à Dijon. Cf.
Annexe n°1 p. 67
113 Entretien avec Morgan Le Godec, manager du sound system Stand
High Patrol à Morlaix. Cf. Annexe n°1 p. 75
114 Entretien avec Quentin Deniaud, cofondateur de Brainless
Sound System à Bourg-en-Bresse. Cf. Annexe n°1 p. 83
43
Nous remarquons que les institutions commencent à
s'intéresser à cet essor. La culture sound system a
intégré deux lieux culturels majeurs de la capitale de
l'hexagone. Sébastien Carayol fut commissaire de ces deux expositions
« Say Watt » à la Gaîté Lyrique à Paris du
21 juin au 23 août 2013 et « Jamaica Jamaica » à la
Philharmonie de Paris du 4 avril au 13 août 2017. La première
était consacrée à la culture sound system. La seconde
était plus largement dédiée à la Jamaïque
reconnue pour être à l'initiative de toutes les techniques de
composition et de productions musicales actuelles.
D'après l'ensemble des acteurs interrogés, la
culture sound system n'est pas encore reconnue par les institutions. En
revanche, pour d'autres, elle pourrait l'être dans quelques
années. Il faudrait que les collectifs fassent les démarches
nécessaires. Une minorité s'en rapprochent déjà
aujourd'hui. Les collectifs appartenant à la nouvelle
génération commencent à le faire.
44
Conclusion Chapitre 1
Depuis plusieurs années, de nombreux acteurs
s'approprient cette culture pour la promouvoir dans le respect des principes de
ses origines. Un essor considérable se remarque de nos jours avec la
création de collectifs de sound systems dans l'hexagone. À
l'heure actuelle, il serait impossible de chiffrer le nombre de collectifs mais
il y en aurait environ mille allant des plus amateurs jusqu'au plus
structurés.
Globalement, les acteurs rencontrés partagent la
même vision de la culture sound system, la même conscience de sa
capacité à s'affranchir des systèmes en place dans les
musiques actuelles sur le territoire français. Les collectifs n'ont ni
l'ambition, ni l'envie de faire produire leurs disques chez une major.
L'intégralité des collectifs fonctionnent en autoproduction. Leur
fonctionnement ne leur permet pas de faire de profit et ce n'est pas, pour la
majorité, ce qu'ils souhaitent. Les collectifs, organisateurs et
médias revendiquent leur fonctionnement autonome. L'esprit
d'équipe se ressent de manière tangible, le secteur crée
sa propre économie, si fragile soit-elle, et tous les acteurs se
complètent grâce aux compétences de chacun. La
majorité des acteurs rencontrés n'a pas l'ambition de
démarcher les institutions. Ils ont toujours été
indépendants et ne veulent aucune aide publique. Cependant, la nouvelle
génération des collectifs fera sûrement avancer le
mouvement, comme certains le font déjà, en entretenant des liens
avec les acteurs politiques afin de recevoir, à terme, des aides
financières, matérielles ou logistiques.
45
Chapitre 2 - Le cas du Dub Camp festival, la
culture sound system dans tous ses états
Introduction chapitre 2
L'association nantaise Get Up ! a vu le jour à
Nantes en 2008. Olivier Bruneau en est le responsable et directeur artistique.
L'association emploie six salariés à l'année et regroupe
une centaine d'adhérents. Elle joue un rôle majeur en
matière de développement de la culture des musiques
jamaïcaines dans l'agglomération et la région nantaise. Elle
organise plusieurs types d'événements où le sound system
est l'outil de diffusion utilisé. Le Dub Camp Festival rassemble une
importante partie des acteurs de la culture sound system tous les ans. Les
organisateurs invitent plusieurs collectifs avec leurs sound systems et de
nombreux artistes issus de cette culture, parmi eux, des artistes
jamaïcains, anglais, français, japonais, mexicains,
éthiopiens. Les amoureux de cette musique, artistes et festivaliers,
n'hésitent pas à venir de loin pour se produire ou écouter
de la musique jamaïcaine exclusivement sur sound system. Le Dub Camp
attire un public cosmopolite.
Ce festival est unique en Europe. Il est le premier
événement européen de dub en plein air à
défendre la culture sound system sous toutes ses formes. Dans ce
chapitre, nous présenterons le festival et les convictions des
organisateurs pour ensuite saisir les éléments clés de son
organisation quasiment indépendante financièrement. Nous aurons
ensuite l'opportunité d'avoir l'avis de Christian Jadeau, premier
adjoint au Maire et responsable de la culture de la commune de
Joué-sur-Erdre ; commune accueillant le festival depuis deux
éditions. Enfin, nous verrons que cet événement est
d'ampleur nationale voire internationale. Il rassemble des acteurs du monde
entier et les médias de masse n'hésitent pas à en parler
depuis sa première édition.
46
Un événement d'ampleur international
unique en Europe
Le Dub Camp festival a tenu sa première édition
en 2014. Pour sa cinquième édition en juillet dernier, plus de 26
000 festivaliers furent comptabilisés sur les quatre jours de
festival.
Cet événement réunit des artistes issus
des musiques jamaïcaines et son public féru est au rendez-vous pour
célébrer la culture sound system dans tous ses
états115. En 2018, la commission de programmation,
composée d'une dizaine d'adhérents, a choisi d'accueillir
dix-huit collectifs munis de leur sound system. Elle a invité plus de
150 artistes au total. Cette commission met un point d'honneur à
programmer des artistes provenant de tous les styles issus de tous les courants
; des plus anciens au plus récents : du ska au roots en passant par le
dub et le stepper. Les organisateurs tiennent à satisfaire tout le
monde. Ils mettent également un point d'honneur pour inviter des
artistes mexicains, anglais, espagnols, italiens, jamaïcains, turc et
autrichiens. Au-delà de réunir des collectifs, des artistes et
des acteurs du monde entier, le Dub Camp attire un public d'horizon
international : Mexique, Brésil, Allemagne, États-Unis, Italie,
Japon, Nouvelle-Zélande, Maghreb...
Le Dub Camp Festival est constitué de cinq
chapiteaux116, abritant tout un chacun une esthétique
différente de la culture sound system. En 2018, le Dub Club
Arena était un concentré des différents labels
portés par des collectifs de sound systems internationaux, le Sound
Meeting Arena rassemblait des sound systems venus du monde entier,
l'Outernational Arena regroupait plusieurs labels français et
anglais, le Rootsman Corner donnait une carte blanche à un
collectif et enfin, l'Uplift Corner représente un espace de
détente pour le public, animé par des conférences, des
expositions et un plateau radio diffusé en live, le tout en
lien avec la culture sound system.
L'association Get Up ! est un acteur majeur de la culture
reggae et sound system en région nantaise depuis 2008. Avant d'organiser
le Dub Camp Festival, l'association était déjà active et
organisaient des soirées dédiées à la culture sound
system117.
Pour des raisons d'ordre préfectoral, Olivier Bruneau
révèle que le festival a changé trois fois de lieu en cinq
ans : « C'est le caractère historique des sites sur lesquels
nous étions qui fait que l'on n'avait pas le droit de mettre de camping
ou de chapiteau. [...] En 2016, On
115 « Association Get Up ! « Adhérents - Get
Up ! », Le Pôle de Coopération pour les Musiques
Actuelles en Pays de la Loire, 2013 [en ligne]. Disponible sur :
https://lepole.asso.fr/adherents/2165/
116 Aperçu du site du Dub Camp Festival 2018. Cf. Annexe
5, p. 100
117 « Présentation de l'association »,
AssoGetUp, [en ligne]. Disponible sur :
https://www.assogetup.com/association/
47
a dû changer de site dix jours avant le début
du festival car il était inondé118».
Le festival se tient désormais sur les berges du lac de Vioreau
à Joué-sur-Erdre depuis les deux dernières éditions
: « En 2017 on a trouvé le site a Joué-sur-Erdre sans
trop de difficultés et ça s'est passé très vite
avec la Mairie. On a rencontré les élus le lundi soir et le
mercredi on a signé. En tout cas, on a changé trois fois de site
et ça a été formateur en expérience. Les communes
qui nous ont accueillies voulaient nous garder119».
À l'origine, le Dub Camp Festival a été
pensé et créé par les membres de l'association
passionnée par cette culture. Olivier Bruneau en dit plus sur la
façon dont le projet a été pensé : « Au
moment de la création de l'association en 2008, c'est déjà
quelque chose que l'on avait envie de voir. Un événement qui
rassemble les sound systems, un concentré des différents sound
systems et acteurs du milieu. Le Dub Camp est venu à la suite des
différentes soirées que nous organisions. L'envie des
adhérents de l'association était de créer un
événement d'ampleur national en plein air sur ce mouvement qui
n'était pas encore organisé en France ni en
Europe120 ».
Jusqu'à présent unique en France et dans le
paysage européen, nous pouvons affirmer que ce festival est d'envergure
internationale de par sa programmation121 et son public cosmopolite.
Ce festival a contribué à donner de la visibilité à
cette culture en France depuis ces dernières années. Il
était attendu par de nombreux acteurs. Les artistes et les collectifs se
réjouissent de venir durant quatre jours pour partager leur passion.
Un festival indépendant reconnu et soutenu par
les institutions de la région
En amont de la création du festival les organisateurs
ont démarché plusieurs communes dans l'idée de constituer
un partenariat pour disposer d'un lieu. Ils ont envoyé une centaine de
courriers dans les communes voisines de Nantes qui leur semblaient
adaptées : « On a eu une dizaine de retours plus ou moins
farfelus. Sur la première édition, quatre communes nous ont
répondu favorablement et étaient
intéressées122 ». Quelques aprioris et
réticences se sont ressentis lors des premières rencontres avec
les maires et élus des différentes communes : «
L'accueil aux premiers rendez-vous n'était pas forcément
évident mais ils se sont vite rendu compte que nous étions une
association sérieuse et impliquée. On voulait juste un terrain
et
118 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
119 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
120 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
121 Affiche du Dub Camp Festival 2018. Cf. Annexe 4, p. 99
122 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
48
être indépendant financièrement. Le
côté financier des retombées économiques qu'il peut
y avoir par rapport à l'événement les a motivés.
L''inconnu du volume sonore n'était pas forcément évident
à faire comprendre parce qu'on a été vraiment franc avec
eux en leur disant que ça allait jouer fort, longtemps et tard. Le bruit
c'est le bruit mais ça ne les a pas trop
dérangés123 ».
Christian Jadeau, premier adjoint au Maire de la commune et
responsable de la culture, révèle les circonstances dans
lesquelles la commune de Joué-sur-Erdre a accueilli favorablement le
festival : « C'est par relations que nous avons entendu parler de
cette association. Un ami de mon fils nous a parlé d'une association,
Get Up ! en l'occurrence, qui cherchait un lieu pour organiser un festival. En
priorité, ce n'était pas le fait que ce soit du dub ou autre
chose. C'était le fait d'organiser un festival sur un lieu
agréable, au bord du lac. On avait l'espace suffisant pour
répondre aux besoins de l'association. Nous avons donc pris contact avec
eux. Puis nous avons fait quelques réunions de préparation,
notamment avec les autorités préfectorales pour tout ce qui
concerne la sécurité. On a pu constater par la première
rencontre que l'association était sérieuse et que c'était
un travail important qu'elle entreprenait124». Le bilan de
la quatrième édition montre que les institutions sont
satisfaites. Olivier Bruneau présente le gain économique que le
festival engendre sur la commune et plus globalement sur le territoire
Loire-Atlantique grâce à des partenariats avec les
commerçants des communes voisines et régionales : « Nous
avons une commission de valeurs et éthique. Notre politique concernant
tout ce qui est partenariats, subventions, sponsoring et mécénat
est de ne jamais travailler avec des gros industriels type Kronenbourg ou
Heineken. On a du sponsoring mais au niveau local. Le crédit mutuel nous
aide avec de la valorisation, ils nous prêtent de la rubalise et nous
finance les tours de cou. On fait aussi des partenariats et du
mécénat avec le supermarché du coin et d'autres
entreprises locales125 ». Christian Jadeau ajoute : «
C'est assez difficile à chiffrer mais globalement la commune est
satisfaite. Nous pensons que cet événement apporte une certaine
notoriété à la commune au niveau départemental voir
régional. Les commerces locaux, pas seulement de la commune mais aussi
des communes voisines ont sûrement bénéficié de cet
apport temporaire de population126».
De manière générale, les habitants de la
commune ont accueilli très favorablement cet événement :
« Pendant quelques jours, on voit passer une population un peu
différente, des
123 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
124 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la
culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87
125 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
126 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la
culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87
49
jeunes qui viennent de loin. On est dans une petite
commune semi-rurale avec une population relativement âgée.
Même s'il y a une population jeune il y a quand même beaucoup
d'habitants qui auraient pu avoir un apriori négatif mais ça n'a
pas été le cas et c'est très
appréciable127 ».
Le festival reçoit des subventions et autres aides des
institutions depuis sa première édition. Ces aides prouvent
l'intérêt des institutions de la région nantaise. Le
coût total de fonctionnement du festival s'élève à
1,2 million d'euros en 2018. Les trois principaux financeurs du festival sont
la Ville de Nantes, via des subventions de fonctionnement octroyées pour
l'accessibilité, volonté primordiale des organisateurs ; le
département Loire-Atlantique participe à hauteur de 6000 €
et la région Pays de la Loire à hauteur de 25 000 € en 2018,
aide financière multipliée par cinq entre la première et
la cinquième édition du festival. La COMPA128 soutient
également le festival à hauteur de 25 000 € sur la gestion,
le tri des déchets et la mise à disposition de bennes à
ordures. Enfin, la commune de Joué-sur-Erdre couvre les frais de
l'aménagement matériel du site à hauteur de 25 000 €.
La commune met à disposition le personnel municipal, en 2017, les agents
ont réalisé les réseaux d'adduction d'eau potable et
d'évacuation des eaux usées. La commune fait appel à
l'association Les Connexions pour sensibiliser le public au cours du festival
sur la gestion des déchets et le développement durable.
Le bilan s'avère positif des deux côtés.
Le taux d'autofinancement du festival reste tout de même
élevé à 97,5% en 2018 : « On est quand même
assez indépendants vis-à-vis des subventions. C'est une force,
mais ce n'est pas forcément évident pour organiser le festival
sereinement. Le reste des revenus vient de la billetterie, du bar, du
merchandising. On a un peu changé notre vision en se disant qu'on ne
peut pas faire sans eux de toute façon129 ». Ces
aides financières ne suffisent pas au festival pour fonctionner dans sa
globalité. Si les subventions étaient amenées à se
réduire, elles ne mettraient pas le festival en péril. En
revanche, elles représentent un plus pour les organisateurs. Elles leur
permettent d'organiser des masters class, des expositions, un mini Dub Camp
pour les enfants, des conférences, un plateau de radio diffusé en
direct.
127 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la
culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87
128 Communauté de Commune du Pays d'Ancenis
129 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
50
Un événement reconnu par les
médias de masse
Olivier Bruneau nous explique130 que de nombreux
médias nationaux ont relayé des informations sur le Dub Camp .
France 3 a fait un reportage trois ans de suite pour la
prévention sur les risques auditifs que l'association met en place
chaque année en lien avec le volume sonore relativement
élevé des sound system. Radio Nova et
Télérama soutiennent également le festival depuis
ses débuts, en amont et en aval, en rédigeant des articles et des
reportages pertinents sur le festival, sur les artistes invités, sur les
collectifs munis de leur sound system tout en contextualisant cette culture
sound system dub. Les journaux Le Monde, Libération se sont
également penchés sur ce milieu et consacré une page au
festival. Le quotidien régional Ouest France montre un
réel intérêt pour ce festival en s'intéressant aux
aspects organisationnels au niveau de la sûreté et de la
sécurité et aux aspects musicaux et culturels. Ce quotidien
régional a consacré trois pages nationales au festival.
Cette médiatisation ne vient pas forcément
directement des médias. Elle est due à la stratégie de la
responsable de la communication de l'association. Son travail conséquent
les sensibiliser et les attirer pour en traiter et donner de la
visibilité au festival.
Une tradition écologique respectée et
récompensée
Le festival se démarque notamment d'autres festivals
pour son engagement lié au respect de la nature sur le site. Le Dub Camp
Festival a reçu le prix du Greener Festival en 2017, un trophée
de prestige pour récompenser les festivals les plus audacieux dans leur
démarche éco responsable parmi plus de 500 festivals
internationaux. Les candidats sont auditionnés selon onze
thématiques incluant les transports, les déchets,
l'énergie, l'eau et les impacts sur le territoire local. Seulement
quatre festivals français ont reçu ce prix en
2017131.
En effet, l'association Get Up ! se veut être
écoresponsable envers la planète pour limiter au maximum
l'empreinte écologique du festival. Des bénévoles sont
actifs sur le site pour sensibiliser les festivaliers au développement
durable. Olivier Bruneau, explique : « Cette pratique de
sensibilisation se passe très bien. Les festivaliers sont
réceptifs et généralement acquis à la cause
environnementale qui fait partie intégrante de la culture reggae en
général132
130 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
131 « Le Dub Camp est primé ! », Le
Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles en Pays de la
Loire, 24 janvier 2018 [en ligne]. Disponible sur :
https://lepole.asso.fr/article/1711/le-dub-camp-festival-est-prime
132 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 89
51
». En 2017, le festival a recyclé plus de la
moitié des déchets. Par ailleurs, les organisateurs incitent les
festivaliers au covoiturage pour privilégier les transports
mutualisés et diminuer l'afflux de voitures vers le site du
festival133.
Par ailleurs, ce festival représente un admirable
exemple en matière de développement durable et de respect des
traditions jamaïcaines. Par le biais de cette révérence, les
organisateurs confirment qu'il est possible d'organiser une manifestation
culturelle avec plusieurs milliers de personnes tout en respectant la
nature134. Christian Jadeau, premier adjoint au Maire de
Joué-sur-Erdre, témoigne : « Suite à la
première édition, nous avons fait un bilan entre la commune et
les organisateurs. On en était quand même très satisfait
parce que le site était bien entretenu et maintenu en état en
aval. On était donc partant pour recommencer cette
année135 ». Cette tradition du respect de la nature
et du développement durable est due à l'esprit de la culture
sound system et du mouvement rastafari, perpétués par les
adhérents et membres de l'association : « L'environnement,
c'est notre ADN136 », rappelle Olivier Bruneau.
L'avenir du mouvement
Olivier Bruneau nous livre sa vision quant à l'avenir
du mouvement : « Je pense que la difficulté de l'avenir du
mouvement sound system en France, c'est qu'il y a énormément de
sonos qui se construisent à droite à gauche, je pense qu'on est
un des pays d'Europe ou même du monde où il y a le plus de sound
system reggae ou en tout cas construits. En tant qu'organisateur on est
confronté à des problèmes de salles et on voit en France
que les salles sont vraiment compliquées à trouver. J'ai
l'impression, et je ne le souhaite pas, qu'à l'avenir il y aura
peut-être deux clans entre guillemets ou deux esthétiques entre le
mouvement sound system plus orthodoxe, on va dire, et les nouveaux qui s'en
foutent que ça pogote en soirée sound system. Je pense qu'il y a
un juste milieu à trouver quand même et l'objectif du Dub Camp
avant tout c'est de faire découvrir la musique sound system au plus
grand nombre et casser ces clichés
133 « Dub Camp Festival, Nature et Sound System »,
Le pôle, 16 août 2015 [en ligne]. Disponible sur :
https://lepole.asso.fr/article/1200/dub-camp-festival
134 « Dub Camp Festival, Nature et Sound System », Op.
Cit.
135 Entretien avec Christian Jadeau, premier adjoint à la
culture de Joué-sur-Erdre. Cf. Annexe n°1 p. 87
136 THOUAULT Bertrand, « Le Dub camp abrite la galaxie sound
system », Jactiv Ouest France, 20 juillet 2018
[en ligne]. Disponible sur :
http://jactiv.ouest-france.fr/sortir/musique/dub-camp-abrite-galaxie-sound-system-87206
pour rendre accessible au plus grand nombre ce mouvement
qui est quand même assez underground137 »
Conclusion Chapitre 2
Jusqu'à présent unique dans le paysage
français, ce festival a sans doute contribué à l'essor de
la culture sound system dans l'hexagone. Les organisateurs ont vu juste. Ils
sont à l'initiative d'un festival d'envergure internationale de par sa
programmation et son public cosmopolite. Ce festival représente un
concentré de la culture sound system mondiale en France, en recevant un
public cosmopolite et en programmant des artistes du monde entier. Cet
événement était attendu par des milliers de personnes.
À travers la programmation, les organisateurs laissent carte blanche
chaque année à un collectif pour inviter la scène locale
de leur ville ou pays d'origine. Ceci représente un aspect très
important pour donner de la visibilité à des collectifs plus
jeunes et moins célèbres.
Par le biais de cette étude de cas, nous pouvons
affirmer que cette culture fonctionne de manière plus autonome que les
autres festivals de l'industrie musicale. Le festival est autofinancé
à 97,5%. Nous comprenons que les organisateurs ne sont pas contre la
reconnaissance et l'aide financière des institutions de la
région, sous-entendu de l'État, mais ils ont l'ambition de rester
le plus possible indépendant pour s'affranchir, tant que possible, des
aides financières de l'État et ne pas devenir dépendant
financièrement des institutions. Les organisateurs
préfèrent fonctionner en autoproduction. Les quelques aides
qu'ils reçoivent ne sont pas dédiés au fonctionnement du
festival dans sa généralité mais permettent d'apporter un
plus au sein du festival comme des expositions, des conférences et des
enregistrements radio en live.
52
137 Entretien avec Olivier Bruneau, directeur et programmateur du
Dub Camp Festival. Cf. Annexe n°1 p. 87
53
Conclusion Deuxième Partie
Comme nous avons pu le constater tout au long de ce
présent mémoire, de nombreux acteurs de l'hexagone s'approprient
cette culture pour la promouvoir dans le respect des principes de ses origines.
Collectifs, journalistes, associations, commissaire d'expositions : ils sont de
plus en plus fervents et déterminés pour développer la
culture sound system et la faire découvrir au plus grand nombre.
Globalement, nous constatons que la majorité des
collectifs, organisateurs et médias interviewés revendiquent leur
fonctionnement autonome. Dans l'ensemble, ils considèrent que cette
culture est encore, à l'heure actuelle, autonome dans sa façon de
fonctionner tout en s'affranchissant, tant que possible, des aides
financières de l'État. L'ensemble des acteurs sont relativement
favorables au développement de cette culture quand bien même
certains d'entre eux ne voudraient pas qu'elle devienne mainstream et qu'elle
conserve son autonomie vis-à-vis des étatiques. Cependant, nous
remarquons que la nouvelle génération des collectifs compte faire
avancer le mouvement dans les prochaines années en entretenant des liens
étroits avec les acteurs politiques afin de recevoir, à terme,
des aides financières, matérielles ou logistiques.
L'essor de la culture sound system est à nouveau
confirmé par l'arrivée d'un festival d'ampleur international,
entièrement dédié à la culture sound system, sur le
territoire français. Le fonctionnement quasiment autonome de ce festival
et des acteurs qui l'entourent confirme que ce mouvement est encore en marge
des institutions sur le territoire français. En revanche, la
reconnaissance et les quelques aides financières en hausse que le
festival reçoit montre un certain intérêt par les acteurs
politiques.
Comme nous avons pu le constater en amont, les acteurs
politiques et les institutions connaissent encore peu cette culture. L'essor de
cette culture dans le paysage français commence de les sensibiliser.
Nous supposons qu'ils commencent de la percevoir. Les collectifs de la nouvelle
génération qui ont l'ambition de les solliciter les feront sans
doute prendre conscience de l'essor de cette culture en France.
54
Conclusion Générale
Afin de répondre à notre problématique
tout au long de ce présent mémoire, rappelons que nous cherchions
à comprendre pourquoi la culture sound system fonctionne en
parallèle de l'industrie musicale et comment ses acteurs parviennent
à rester actifs et visibles tout en maintenant, au sein de leur
activité, un caractère indépendant.
Dans le cas de ce présent mémoire, portant sur
la culture sound system en France, nous remarqueront que les acteurs ont
perpétué, telle une tradition, le caractère autonome de
cette culture initialement née en Jamaïque puis envolée en
Angleterre.
La culture sound system est-elle encore une contre-culture?
Nous constatons qu'elle ne l'est plus tout à fait à l'heure
actuelle. La culture sound system a créé sa propre
économie, gérée de A à Z, par des acteurs qui la
font vivre et la développent de jour en jour. Lors d'une prestation,
tous les collectifs de sound systems conçoivent, emmènent,
montent138, exploitent puis démontent eux-mêmes leur
sound system. La majorité d'entre eux se rend visible par
l'intermédiaire du bouche-à oreille et d'outils désormais
incontournables : Internet et les réseaux sociaux.
Souvenons-nous que l'artiste, le sound system et le public
sont au même niveau. Il n'y a pas de hiérarchie mais un
fonctionnement horizontal contrairement à notre société
pyramidale. La tradition du milieu est de rassembler tout le monde au
même niveau : le collectif, le sound system et le public sont au sol. La
distinction entre le public et l'artiste n'a jamais existé contrairement
aux autres secteurs de l'industrie musicale où les artistes sont en
hauteur, sur une scène surélevée.
Relevons que l'ensemble des acteurs du mouvement : collectifs,
organisateurs, médias, s'autoproduisent et ne comptent pas sur le profit
pour se développer. C'est un argument qui nous éclaire et
explique pourquoi la majeure partie des acteurs vivent cette culture sous forme
d'une passion et non comme une profession. Volonté de leur part ou
simple respect des traditions jamaïcaines, les acteurs considèrent
souvent cette passion comme un espace de liberté
138 Vidéo en accélérée sur le montage
du sound system de Stand High Patrol. Cf. Annexe 3, p. 98
55
pour s'affranchir des règles. La poignée de
collectifs qui en vit pleinement aujourd'hui, le fait grâce au
régime de l'intermittence du spectacle.
La nouvelle génération des collectifs a
l'ambition de faire avancer le mouvement et marque une volonté de se
rapprocher des institutions. Ils espèrent recevoir en retour des
subventions, des lieux pour se produire, des résidences artistiques.
Cependant, cette nouvelle génération n'a pas non plus l'intention
de renier les racines de cette culture. Ils tiennent à leur
indépendance.
Un point récent est à prendre en compte quant
à l'essor de cette culture dans l'hexagone. Les multiples rencontres
avec les acteurs de cette scène nous ont confié leurs craintes
quant aux nouvelles réglementations sonores que la scène sound
system est en train de subir. D'après le décret n° 2017-1244
du 7 août 2017139 relatif à la prévention des
risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, une nouvelle
législation en matière de gestion des niveaux sonores est en
cours d'application. D'ici le 1er octobre 2018, tous les lieux diffusant de la
musique : salles, discothèques, festivals, concerts en plein air,
bars... seront tenus d'appliquer cette nouvelle réglementation.
L'objectif de ce texte est de « protéger l'audition du public
exposé à des sons amplifiés et à des niveaux
sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du
public, clos ou ouverts, ainsi que la santé des riverains de ces
lieux140 ». Le niveau sonore maximum autorisé dans
les lieux diffusant de la musique amplifiée passera de 105 à 102
décibels A141.
Nous pourrions croire que les sound systems sont dangereux
pour l'audition. Cette idée reçue est liée à la
puissance des sons fortement amplifiés diffusés. Selon
Frédéric Péguillan, les basses ne sont pas dangereuses
pour l'audition142. Les plus redoutables sont les médiums et
les aigus143. D'après les acteurs rencontrés, cette
réglementation sera effective dans les SMAC144, salles
conventionnelles. Elles devront garder les enregistrements des décibels
produits des six derniers mois en cas de contrôle. Certains collectifs
pensent qu'elles accueilleront des live de dub et mettront «une croix sur
les sound systems». Des collectifs sont prêts à faire des
139 Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017
relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux
sons amplifiés. Cf. Annexe 10 p. 105
140 Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017
relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux
sons amplifiés. Cf. Annexe 10 p. 105
141 WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en concert :
«Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus jouer»
», France Info, 18 août 2017 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/baisse-du-niveau-sonore-en-concert-il-y-a-des-salles-ou-on-ne-pourra-techniquement-plus-jouer
2325883.html
142 Entretien avec Frédéric Péguillan,
fondateur et programmateur du Télérama Dub Festival. Cf. Annexe
n° 1 p. 79
143 Schéma des différentes fréquences sur un
sound system. Cf. Annexe 2, p. 98
144 Salles de Musiques Actuelles - Label donné par le
ministère de la Culture français à des salles de concert
adaptées aux musiques actuelles et musiques amplifiées
56
concessions pour continuer de se produire en régulant
la puissance sonore. S'il le faut, ils joueront moins fort. Cette
législation inquiète les acteurs de la scène sound system.
Elle marque un tournant pour l'avenir de cette scène. Certains puristes
se disent prêts à arrêter. D'autres se résoudront
à baisser le volume sonore pour continuer de se produire. C'est une
question aujourd'hui en suspens. Est-ce une fin annoncée pour la culture
sound system en France ?
Malheureusement, cette réglementation ne touche pas
seulement les sound systems. Dans un article de France Info paru le 18
août 2017, David Rousseau, électro-acousticien explique que :
« Ce qu'on demande de faire là, c'est juste impossible,
technologiquement parlant 145». Rénovations, achat
de sonomètres, acquisition de casques anti-bruit pour les enfants...
« Cette réglementation va avoir un impact financier très
important », prédit Angélique Duchemin, coordinatrice
d'AGI-SON, structure créée par les acteurs du spectacle vivant
pour traiter ces questions avec les pouvoirs publics. Elle ajoute qu'il faudra
d'autant plus « créer des zones de repos auditif ou, à
défaut, ménager des périodes de repos auditif, au cours
desquelles le niveau sonore ne dépasse pas (...) 80 décibels
selon le décret 146».
Pour clore ce mémoire, nous pouvons affirmer que
l'indépendance financière de ce mouvement musical
représente plus d'avantages que d'inconvénients pour les acteurs
de la culture sound system. La majorité des acteurs ont pu nous
l'affirmer au cours des différents échanges que nous avons eus en
cette année sur terrain.
Nous pouvons affirmer que la culture sound system a un
fonctionnement parallèle et en marge de l'industrie musicale dans sa
globalité. L'indépendance prône malgré un
développement massif en Europe par ses acteurs pour conserver et
perpétuer les principes dans lesquels cette culture est née en
Jamaïque. Nous assurons également que les acteurs qui l'entourent
se rendent visibles tout en étant indépendant dans leur
manière de fonctionner et dans leur façon de fonctionner, au sein
de leur activité, en autonomie totale vis-à-vis des institutions
et des acteurs politiques. L'indépendance financière de ce
mouvement musical représente plus d'avantages que d'inconvénients
pour ses acteurs. La majorité d'entre eux ont pu nous l'affirmer au
cours des différents échanges et entretiens que nous avons eus en
cette année.
145 WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en
concert : «Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus
jouer» », Op. Cit.
146 WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en
concert : «Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus
jouer» », Op. Cit.
57
Dans un contexte actuel où les subventions culturelles
baissent de manière signification et alarmante en France, le mouvement
sound system peut se réjouir de sa traditionnelle indépendance.
Le fonctionnement de la culture sound system pourrait-il devenir un
modèle pour envisager l'avenir de la diffusion musicale et, plus
largement, du développement culturel ?
58
Synthèse
Le secteur de la culture sound system dub se définit
par l'ensemble des personnes qui agissent et contribuent au
développement des musiques jamaïcaines par l'intermédiaire
d'un outil majeur, le sound system. La culture sound system a
créé sa propre économie, depuis sa naissance en
Jamaïque, son développement en Angleterre et son essor
incontestable dans le monde entier et, tout particulièrement, en France.
Elle a toujours évolué, et c'est encore le cas aujourd'hui, de
manière autonome, tant pour fonctionner que pour s'exporter. L'ensemble
des acteurs qui la composent agissent pour la rendre visible et pour la
débarrasser, tant que possible, des stéréotypes qui
l'entourent. Malgré tous leurs efforts et tout la force de leur
militantisme, la culture sound system reste encore assez méconnue du
très grand public. Les médias indépendants et
spécialisés dans cette culture sont de plus en plus nombreux et
contribuent à son développement par de multiples moyens :
articles, reportages et interviews en ligne, dubzines, radios locales. Ils
communiquent fortement par le biais des réseaux sociaux dans la mesure
où leur expression est absente dans les médias de masse et rare
au sein des majors de l'industrie musicale. À l'heure actuelle, et
depuis plus de dix ans, nous remarquons qu'un nombre toujours accru de
collectifs se forme. L'essor même de cette culture est sans doute
liée à l'enthousiasme qui l'entoure, transmis par une
poignée de gens passionnés et, de fait, passionnants. Suite
à l'examen de la culture sound system en France, grâce à
l'expertise de l'ensemble des personnes interrogées dans le cadre de
cette recherche et à l'aide de l'étude précise du Dub Camp
Festival, nous tenterons de comprendre pourquoi la culture sound system
fonctionne-t-elle de manière plus indépendante que les autres
secteurs de l'industrie musicale et comment les acteurs restent-ils actifs et
visibles tout en maintenant, au sein de leur activité, ce
caractère indépendant ?
Le mouvement sound system est très récent en
France et les collectifs restent fidèles au caractère
indépendant de cette culture, indépendance liée au
contexte de son émergence. Ces deux raisons expliquent pourquoi les
ouvrages sociologiques et analytiques français sont, à l'heure
actuelle, très rares, voire inexistants.
En réponse à ce manque, nous avons
décidé d'adopter une démarche liée aux rencontres.
Nous avons multiplié les entretiens pour avoir l'avis de l'ensemble des
acteurs de ce mouvement. Ces entretiens furent menés grâce
à une série de questions et des grilles d'entretien
spécialisées dont les orientations appellent des réponses
directement liées à notre problématique. Nous avons
59
interviewé douze personnes au total dont plusieurs
collectifs, quelques médias spécialisés et certains
organisateurs événementiels, tous passionnés par ce
mouvement. Nous avons pu ainsi accéder à moult avis, nous
éclairant sur le fonctionnement et les engagements de fond de cette
culture si singulière et surprenante. Le Dub Camp Festival constitue
l'étude de cas principale de cette analyse : il est présent pour
appuyer, de manière concrète, l'ensemble du propos. Nous
détaillerons ultérieurement son fonctionnement, si
particulier.
Pour faciliter la lecture et la compréhension du
présent mémoire, nous allons à présent livrer le
contexte d'émergence de la culture sound system. Les tout premiers sound
systems sont apparus dans les ghettos de Kingston, en Jamaïque, à
la fin des années 1940, pour permettre aux plus pauvres d'accéder
aux actualités radiophoniques et aux disques de musiques actuelles,
locales ou internationales (principalement américaines). À
l'origine, un sound system est une sonorisation autonome, embarquée dans
un camion, voyageant sur l'île, au gré des rencontres. Il est
accompagné d'une équipe dans laquelle se trouvent un
sélecteur, programmateur choisissant les morceaux pour faire bouger son
public, et un toaster, qui commente et anime au micro les sessions
élaborées par le sélecteur.
Au fil du temps, les jamaïcains ont inventé de
nombreux styles de musique. Deux ingénieurs du son, répondant aux
noms de King Tubby et Lee Scratch Perry, se sont rendus célèbres
par une erreur d'enregistrement qu'ils auraient, selon la légende,
commise dans un studio : l'omission, dans le pressage d'un disque vinyle, de la
piste vocale. Ils sont à l'origine du développement populaire des
musiques électroniques et auraient inventé, de façon
fortuite donc, un nouveau genre : le dub, sujet principal de ce mémoire.
La Jamaïque vibrera longtemps sur le dub diffusé sur l'outil de
référence si souvent cité en ces pages : le fameux sound
system.
Le contexte économique, social et politique de la fin
des années 1950 sur l'île de la Jamaïque a poussé de
nombreux habitants à migrer vers d'autres pays. Une grande
majorité s'est embarquée pour l'Angleterre, terre initialement
rattachée à l'île par la colonisation. Les jamaïcains
ont amené, dans leurs bagages, le sound system, objet devenu culte et
incontournable, malgré sa récente invention. Ils furent
rapidement confrontés aux souffrances liées à la
xénophobie des britanniques et ont longtemps lutté grâce
aux sound system, qu'ils sortaient souvent pour faire bouger les populations
des banlieues de londoniennes.
Plus tard, la création du Carnaval de Notting Hill,
concentré des cultures jamaïcaines dans le quartier de Notting Hill
à Londres, a favorisé le développement de la culture sound
system au début des années 1990. À postériori, de
nombreux styles musicaux se sont appropriés
60
cet outil de diffusion sonore, dans le monde entier. Le
phénomène des free-parties en a notamment fait son unique
dispositif sonore pour diffuser de la musique techno, et autres genres
dérivés, dans des espaces reculés.
À la fin des années 1990, plusieurs groupes de
jeunes français, à la recherche de sensations musicales fortes,
ont fait le déplacement jusqu'à ce fameux carnaval. Ils y ont
découvert le sound system jamaïcain, nouvel outil de diffusion
sonore, alors inconnu en France. L'expérience physique,
éprouvée notamment grâce aux basses, en a conquis plus
d'un. La culture sound system s'est alors exportée au sud de la
Manche.
D'abord lancée par des musiciens, par reproduction des
techniques de production du dub sur scène (c'est la naissance du «
dub live »), les sound systems se sont doucement développés
au tout début des années 2000. Une poignée de collectifs a
commencé à construire son propre matériel et à
constituer une grande collection de vinyles pour, à l'avenir, composer
et produire leur propre musique. Ces collectifs ont souvent organisé
leurs premières sessions dans des espaces autogérés ou
dans des bars. Ils ont, peu à peu, développé le mouvement
sound system en France. Ils en sont, sur notre territoire, les
précurseurs.
Dans les années 2000, une dizaine de collectifs ont
lancé leur activité. Aujourd'hui, nous remarquons que la culture
sound system a piqué un très grand nombre. Il nous est difficile
de tous les comptabiliser puisqu'ils ne sont pas tous
référencés. Il en existerait plus d'un millier en France,
à l'heure actuelle. Selon Frédéric Péguillan,
organisateur du Télérama Dub Festival, « toutes les
villes françaises ont leur sound system ».
Les collectifs précurseurs des années 2000
inspirent et montrent aux autres qu'il est possible de construire un sound
system et de le faire fonctionner grâce à un collectif. Cet essor
est sans doute lié aux envies des jeunes, de plus en plus sensibles aux
expériences musicales sensorielles. Certains d'entre eux en font une
véritable passion, autant qu'un engagement lié au fonctionnement.
Pour la plupart, les collectifs n'ont pas l'ambition de se professionnaliser
dans la mesure où l'activité représente, pour eux, un
espace de liberté créative en dehors des normes et des
règles qui régissent, de manière toujours plus
restrictive, le quotidien de tout un chacun. Leurs activités musicales
sont aussi une façon pacifiste de revendiquer leur mécontentement
vis-à-vis à notre société contemporaine.
Une dimension très importante à souligner ici
est l'idée de la mutualisation des compétences au sein des
collectifs et, plus généralement, du secteur lié à
la culture sound
61
system. Dans la plupart des cas, un collectif est une bande
d'amis complices et passionnés, dont chacun se voit attribuer un
rôle. Les acteurs de la culture sound system en France évoluent en
une véritable synergie. Dans le milieu, tout le monde se connaît.
Les acteurs révèlent avoir un esprit d'entraide
considérable. Aucune concurrence n'est jamais ressentie.
Le Dub Camp Festival, étude de cas principale du
présent mémoire, est un concentré du mouvement sound
system en France. Il existe depuis cinq ans et se tient à
Joué-sur-Erdre, commune voisine de Nantes, depuis maintenant deux ans.
Unique en Europe, il regroupe l'ensemble des acteurs de la culture sound system
dub. Son apparition dans le paysage français a sans doute
contribué, localement, à l'essor massif de cette culture. Les
artistes programmés sont exclusivement issus de la scène sound
system. Un tiers vient de France et le reste, accueilli à bras ouverts,
vient du monde entier.
Nous noterons que ce festival est une véritable
richesse pour la culture sound system dans le paysage français,
l'affirmant comme internationale, sans frontières. Nous ne saurions dire
comment cette culture est développée hors de France, notre
intérêt se portant, précisément, sur le cas de
l'hexagone. Cependant, une multitude d'acteurs cosmopolites se produisent sur
le Dub Camp Festival. Cet événement est une parfaite
représentation de la culture sound system dub en révélant
toute la force du partage, du bouillonnement et de la fraternité qui la
caractérise. Il permet de regrouper la totalité, ou presque, des
acteurs passionnés par cette culture dans le monde entier : collectifs,
médias, labels, organisateurs entourés d'un public effervescent,
enjoué, vivant. Du roots au stepper, en passant par le rock steady, le
reggae et le dub, il y en a pour tous les goûts. En mettant un point
d'honneur à diffuser l'intégralité des esthétiques
propres à ce mouvement multiple, le Dub Camp Festival est un
concentré de culture sound system.
En définitive, nous pouvons affirmer que la culture
sound system adopte, depuis ses origines, un fonctionnement parallèle
lui étant propre, en marge de l'industrie musicale classique.
L'indépendance est toujours prônée, en dépit d'un
développement massif sur le territoire européen. Nous pouvons
également assurer que les acteurs tiennent à leur autonomie,
notamment financière, vis-à-vis des institutions et manoeuvres
politico-culturelles. Contre toute attente, le refus de fonctionner grâce
à des systèmes de subventions engage, pour les acteurs, plus
d'avantages que d'inconvénients, liberté d'expression et de
menstruation à l'appui.
62
Dans un contexte actuel où les subventions culturelles
baissent de manière significative et alarmante en France, le mouvement
sound system peut se réjouir de sa traditionnelle indépendance.
Le fonctionnement de la culture sound system pourrait-il devenir un
modèle pour envisager l'avenir de la diffusion musicale et, plus
largement, du développement culturel ?
« Les enfants d'aujourd'hui seront les dirigeants de
demain.
S'ils écoutent dès leur plus jeune âge
des messages d'amour et de fraternité,
alors ils sauront comment bien mener leur vie.
Blancs, Noirs, Asiatiques ou Indiens, il faut se serrer les
coudes pour rendre meilleur le monde de demain. »
Jah Shaka, Pape de la scène sound system anglaise.
63
Lexique
Boxmen ou Boxgirl : Terme anglais pour
définir les personnes qui s'occupent de charger, décharger,
installer et démonter le sound system lors d'une prestation.
BPM : Battements Par Minutes
Deejay147 : ou toaster,
désigne celui qui, sur les versions*, va poser sa voix mais sans
chanter, une sorte de « parlé » plus mélodieux que du
rap. On peut d'ailleurs considérer que les premiers deejays sont
à l'origine du rap.
Dubplate148 : Morceau exclusif, ou
mix différent d'un morceau étant sorti. Parfois le chanteur cite
le nom du sound system, dans ce cas-là on parle de special.
Major149 : Plus communément
désignées comment étant les trois sociétés
qui se partagent l'essentiel du marché de la musique dans le monde
entier : Universal Music Group, Sony Music Entertainment et Warner Music
Group.
MC150 : C'est le
«maître de cérémonie», il anime la soirée,
présente les artistes, fait participer le public.
Opérateur151 :
l'ingénieur du son, il s'occupe instantanément des effets qu'il
donne à la musique (réverbération, échos, etc.)
Rastafari152 : le
mouvement rastafari est assimilé par certains à une religion, par
d'autres à une philosophie, ou alors à une idéologie. Les
croyants de ce mouvement sont des rastafariens, fréquemment
nommés par le diminutif « Rastas ».Les Rastas, eux, le
conçoivent comme un mode de vie, une façon de concevoir le monde
et tout ce qui le forme depuis sa création.
147 DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition
2018 du Dub Camp Festival », Nova, 6 août 2018 [en ligne].
Disponible sur :
http://www.nova.fr/retour-sur-ledition-2018-du-dub-camp-festival
148 DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018
du Dub Camp Festival », Op. Cit.
149 NICOLAS André, « « Les marchés de
la musique enregistrée » Cité-musique, 2011, p. 13,
[en ligne]. Disponible sur :
http://rmd.cite-musique.fr/observatoire/document/MME
S12011.pdf
150 PÉGUILLAN Frédéric, « Le dub en
cinq mots-clés », Télérama, 31 octobre 2013
[en ligne]. Disponible sur :
https://www.telerama.fr/musique/le-dub-en-cinq-mots-cles,104460.php
151 220 Sound System, « Lexique Sound System »,
Dancehall Attitude, 2010 [en ligne]. Disponible sur :
http://dancehallattitude.free.fr/Artistes/artistessoundsystem220.html
152 « Mouvement Rastafari » Histophilo, 9 mars
2010 [en ligne]. Disponible sur :
http://www.histophilo.com/mouvement
rastafari.php
64
Riddim153 : C'est la construction
rythmique de base d'un morceau, essentiellement axée sur la combinaison
basse, batterie et surtout la ligne de basse. Autour de celle-ci s'articulent
ensuite la rythmique et en dernier seulement la voix. Un Riddim Maker est
littéralement une personne qui crée des rythmiques de base d'un
morceau.
Reggae154 : Le reggae voit le jour
en 1968, dérivé du rock steady dont le tempo est ralenti entre 60
et 85 BPM*. Ses paroles se tournent vers des thèmes comme la justice
sociale, la spiritualité et les idéaux rastafaris.
Rock Steady155 : Au milieu des
années soixante, le ska ralentit son tempo entre 85 et 110 BPM pour
créer le rock steady. C'est l'introduction de la musique rastafari et de
ses thématiques grâce à la présence du chant proche
de la soul afro-américaine.
Sélecteur156 : membre
central du sound system, il est chargé de choisir et passer les disques,
équivalent du disc-jockey dans les autres musiques, mais très
souvent à l'aide d'une platine.
Session : Terme familier à la culture
sound system pour définir une soirée, une danse collective.
Ska157: Le ska est né
à la fin des années cinquante avec un tempo de 120 BPM. La
naissance du ska en parallèle de l'indépendance de l'île
symbolise l'émergence d'une identité culturelle propre à
la Jamaïque et participe ainsi à son indépendance.
Version158 : « Les deux
termes définissent la matière première du reggae-dub : un
morceau instrumental conçu pour que l'on chante dessus. Il se
décline en autant de versions qu'il y aura d'interprétations
vocales. Il devient un classique quand il est joué par de nombreux sound
systems. »
153 Dico du rasta, « Riddim », [en ligne]. Disponible
sur :
http://gismo6080.over-blog.com/article-1414610.html
154 KROUBO Jérémie, « Retour aux sources :
les origines du ska », Reggae, 2 février 2007 [en ligne].
Disponible sur :
http://www.reggae.fr/lire-article/889
Retour-aux-sources---les-origines-du-ska.html
155 KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les
origines du ska » Op. Cit.
156 DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018
du Dub Camp Festival », Op. Cit.
157 KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les
origines du ska » Op. Cit.
158 PÉGUILLAN Frédéric, « Le dub en
cinq mots-clés », Op. Cit.
65
Annexes
Annexe n°1 : Entretiens
Nom
|
Profession
|
Lieu
|
Date
|
Durée
|
Trois
bénévoles
|
Bénévoles de l'association Skanky Yard et de
Dubatriation Sound System, Dijon
|
Domicile personnel d'un bénévole, Dijon
|
21/02/2018
|
1h30 min
|
DopeShack
|
Sélecteur de King Hi-Fi Sound System, Lyon
|
Domicile personnel de DopeShack, Lyon
|
28/02/2018
|
51 min
|
Alex Dub
|
Membre fondateur du webzine Culture Dub, Poitiers
|
Skype
|
12/06/2018
|
41 min
|
Rico
|
Sélecteur d'OBF Sound system et organisateur du
Dubquake Festival, Genève
|
Skype
|
16/07/2018
|
51 min
|
Morgan Le Godec
|
Manager de Stand High Patrol Sound System,
programmateur du Télérama Dub Festival, Morlaix
|
Skype
|
16/07/2018
|
1h
|
Emmanuel Valette
|
Membre fondateur du webzine Musical Echoes, Paris
|
Téléphone
|
17/07/2018
|
40 min
|
Frédéric Péguillan
|
Organisateur du Télérama Dub Festival et
rédacteur en chef à Télérama Sortir, Paris
|
Skype
|
13/08/2018
|
45 min
|
Polak
|
Sélecteur de Legal Shot Sound System à
Rennes
|
Téléphone
|
18/08/18
|
40 min
|
66
Quentin Deniaud
|
MC (Chanteur) de Brainless Sound System, Villeurbanne
|
Téléphone
|
20/08/2018
|
40 min
|
-Jean-Paul Deniaud
|
Rédacteur en chef à Trax Magazine, Paris
|
Téléphone
|
27/08/2018
|
40 min
|
Olivier Bruneau
|
Directeur de l'association Get Up ! et programmateur du
Dub Camp Festival, Nantes
|
Téléphone
|
28/08/2018
|
30 min
|
Christian Jadeau
|
Premier adjoint et responsable de la culture à la
Mairie de Joué-sur-Erdre
|
Téléphone
|
06/09/2018
|
25 min
|
Les grilles d'entretien ont évolué au fil du
temps. Les premières grilles d'entretien m'ont servi de base pour
être très vite revues. Des questions plus affinées m'ont
permis de répondre à la problématique posée de
façon plus pertinente.
La population de l'enquête a été
construite de façon à rencontrer tous les différents
acteurs qui composent et font vivre la culture sound system en France. Cette
enquête nous a permis de les questionner, d'échanger avec eux pour
collecter le plus de points de vue possibles sur la culture sound system
française. La richesse et la diversité de leurs
témoignages constituent la matière qui nous ont permis de
répondre à la problématique du mémoire, les
ouvrages étant quasiment inexistant sur le sujet.
Cette population d'enquête est composée
d'artistes amateurs, locaux, régionaux et nationaux voir internationaux,
d'organisateurs de soirées ou de festivals, de médias, du maire
de la commune où se déroule le Dub Camp Festival et du directeur
du Dub Camp Festival quant à l'étude de cas de ce
mémoire.
À la demande de chacune des personnes
interviewées, certaines n'ont pas voulu se voir nommer sous leur
réelle identité. C'est pourquoi nous avons cité ces
personnes par leur nom de scène ou leur surnom tout au long du
mémoire et pour les comptes rendus des entretiens.
67
Entretien avec trois bénévoles de
l'association Skanky Yard, et du sound system Dubatriation,
Dijon
21 février 2018 au domicile d'un des
bénévoles.
Comment as-tu découvert le milieu du sound system ?
Depuis quand organisez-vous des soirées ?
Avez-vous d'autres activités en parallèle ?
Quels sont les problèmes rencontrés depuis la
création de l'association ?
Comment envisagez-vous l'avenir des soirées ?
Quelle sont les différences entre la scène sound
system et la scène classique, en façade ?
Comment communiquez-vous sur vos événements ?
Comment l'association se finance-t-elle ?
Qui sont les artistes de la scène dub française du
moment ?
Quel est l'avenir de cette culture en France ?
Quelles relations avez-vous avec les institutions ?
Pouvez-vous me raconter une anecdote pour terminer cet entretien
?
Compte-rendu de l'entretien :
Skanky Yard est une association de promotion de la
scène sound system basée à Dijon depuis 2009.
L'association produit principalement ses événements aux
Tanneries, espace autogéré de Dijon. Cette association en
fonctionne uniquement avec des bénévoles. Ils sont tous
impliqués dans les projets de structure. De plus, le collectif est
propriétaire d'un sound system digital et a fondé son label
indépendant. Lors de l'entretien, trois bénévoles
étaient présents.
Cet entretien a permis d'avoir la vision d'un collectif
organisateur d'événement dans un espace autogéré.
De plus, le collectif est en possession d'un sound system digital pour
sonoriser les événements qu'il organise. Le fonctionnement de
cette association est particulier, il n'y a pas de hiérarchie, tous les
membres s'impliquent à leur manière et apportent leurs
compétences et leur temps au sein du collectif. Par exemple, ils
expliquaient qu'ils ne font pas de planning bénévole pour que
chacun se sente impliqué à chaque événement ; avec
ce système, les membres pensent régulièrement à ce
qu'il faut faire et s'impliquent davantage. Ils n'envisagent pas l'avenir des
soirées à long terme. Ils s'organisent à court terme et
moyen terme à chaque saison mais ne voient pas plus loin. La
programmation se fait de manière collégiale, ils mettent
68
en place les dates possibles avec les Tanneries puis un membre
s'occupe de gérer le tout en aval.
Le collectif n'a plus besoin de faire de la communication pour
les événements qu'ils organise, compte tenu de la
popularité des Tanneries. Le bouche-à-oreille suffit pour remplir
la salle. Chacun contribue en donnant ce qu'il peut ou ce qu'il veut, le prix
fixé est de cinq euros.
L'association fonctionne intégralement en
autoproduction, grâce aux événements qu'ils produisent, au
label qu'ils ont monté et aux workshops qu'ils commencent d'organiser.
À Dijon, les événements culturels et musicaux à
moindre coût sont fréquents. Pendant un an, la SMAC dijonnaise de
la Vapeur a fermé pour une rénovation intégrale. Tout le
public dijonnais, en recherche d'un événement pour se divertir,
venait aux tanneries puisque c'était le seul endroit ouvert et avec une
entrée à prix libre.
L'association a déjà été en
contact avec la ville pour la fête de la musique. Le projet n'a
duré qu'une année car la ville n'avait pas compris ce qu'ils
allaient faire. Inévitablement, le sound system s'écoute fort et
les basses vont de pair. L'événement a causé des nuisances
sonores dans le voisinage. Depuis, la mairie ne veut plus rien entendre. Elle
ne veut plus donner l'autorisation à l'association d'investir un lieu
ouvert, comme par exemple le parc Darcy au centre-ville de Dijon.
69
Entretien avec DopeShack,
Sélecteur de King Hi-Fi Sound system,
Lyon. 28 février 2018 au domicile de DopeShack.
Pourquoi es-tu actif dans le milieu du sound system ?
En session, quel message veux-tu faire passer à ton public
?
Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system
est indépendante par rapport aux
autres genres musicaux ?
Par quels moyens pourrais-tu développer ton sound system
?
Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat,
lieux, intermédiaires)
As-tu déjà joué dans une SMAC ? Si non,
pourquoi ?
Par quels moyens finances-tu King Hi-Fi ?
Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en
étant indépendant ?
Pourquoi les institutions et les médias de masse ne
reconnaissent pas cette culture ?
Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les
institutions ? Pourquoi ?
Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi
?
Aimerais-tu être représenté dans les
médias de masse ? Pourquoi ?
Comment envisages-tu l'avenir des soirées/festival quant
aux limitations sonores ?
Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?
Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Compte-rendu de l'entretien:
DopeShack est le sélecteur de King Hi-Fi Sound system,
inauguré en 2010. Avant la création du collectif, il a
travaillé avec Artikal Hi-Fi, un sound system anglais construit en
Australie. Après deux ans d'économie, il est parti chercher la
sonorisation du frère d'un des membres d'Artikal Hi-Fi, à South
and Nancy, en Angleterre. Cet entretien nous donne la vision d'un collectif
dont l'ambition n'est pas d'en vivre mais de nourrir cette passion pour garder
un espace de liberté.
Initialement ingénieur, DopeShack a toujours
aimé la gestion de projets. Dans le collectif, il s'occupe de
l'organisation des dates, de la communication. Aujourd'hui, le crew compte
à son actif une dizaine de personnes, allant des boxmen aux chanteurs,
sélecteurs et opérateurs.
70
Pour se différencier des autres sound systems, il
explique qu'à force de sélectionner des disques à passer
lors d'une prestation, il faut produire de la musique pour faire avancer le
mouvement. La création d'un label s'impose et se nomme « Pure
Niceness Records ». Petit à petit, DopeShack a rencontré des
chanteurs et des riddim-makers* avec qui il travaille pour sortir des
productions sur le label. Faire le mastering, presser les vinyles, gérer
la distribution des disques, gérer la communication et le lien avec les
graphistes ; cette passion représente beaucoup d'investissement
personnel en termes de travail.
Concernant son ressenti au regard de l'évolution de
cette scène depuis son arrivée en France, DopeShack trouve assez
parlant le fait que la nouvelle génération parle du dub au
féminin, « la dub ». De plus, à part certains
collectifs pour ne pas les citer, il pense que beaucoup de collectifs manquent
de diversité et qu'ils restent trop fidèles à diffuser des
messages concernant le Rastafarisme. Il a du mal à véhiculer ce
genre de messages puisqu'il n'y croit pas.
Concernant la médiatisation de cette culture, DopeShack
pense que la musique est plus ou moins médiatisée. Elle est
accessible au grand public par le biais d'artistes tels que Panda Dub ou Stand
High Patrol. En revanche, il pense que la musique qu'il produit est plus
vouée pour être jouée en sound system que pour être
diffusée à la radio ou sur des enceintes de salon, sans basses.
King Hi-Fi jouent parfois sur la sonorisation du club transbo, au Transbordeur,
mais ce n'est pas leur ambition fondamentale. Ils préfèrent
sonoriser leurs prestations avec leur sound system.
Le collectif fonctionne indépendamment des institutions
et toutes autres sources d'aide financière. Dopeshack n'est même
pas sûr que les institutions sachent qu'ils existent. Pour lui, cette
culture est tellement underground et marginale par rapport au rap ou à
la techno. Il la considère comme un petit mouvement. Le collectif
s'autoproduit, l'argent injecté dans l'association contribue à
entretenir le sound system et à produire des vinyles sur leur label.
À Lyon et dans sa région, l'une des
difficultés qu'ils rencontrent est le manque de salle à prix
abordable pour se produire seul, sans producteurs ni organisateurs.
71
Entretien avec Alex Dub,
Membre fondateur du webzine Culture Dub,
Poitiers. 12 juin 2018 par Skype.
Pour quelles raisons soutiens-tu cette culture ?
Comment perçois-tu l'évolution de cette culture
depuis son arrivée en France ?
Pourquoi peut-on considérer que le sound system est encore
un média ?
Pour quelles raisons peut-on considérer la culture sound
system dub comme étant indépendante,
comparée aux autres genres musicaux ?
Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma
indépendant, non institutionnalisé ?
Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée
des médias de masse ?
Quels axes de développement permets-tu aux artistes via
votre média ?
Comment sélectionnes-tu les artistes pour votre
média ?
Comment finances-tu ce média ?
Combien de personnes se rendent sur Culture Dub par jour ?
Mensuellement ?
Comment imagines-tu l'avenir de cette culture en France ?
Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Compte-rendu de l'entretien:
Alex Dub est le fondateur du webzine Culture Dub. Il
est rédacteur en chef, animateur radio, programmateur, producteur,
organisateur et live reporter pour le même média. Culture
Dub est un webzine consacré à la culture dub et sound
system. Il rassemble tout ce qui est relatif à la culture : chroniques,
interviews, dates à venir, contenu vidéo et photos. Cet entretien
permet d'avoir l'avis du fondateur de ce média. Le média est
intégralement autofinancé et c'est une volonté depuis sa
création. Un peu plus de 2000 personnes uniques se rendent sur le site
chaque jour.
Alex a découvert ces énormes sono-mobiles en
Angleterre, Alex s'est dit que le dub ne s'écoute pas mais se vit ;
qu'il était puissant et dénonçait tout son
mécontentement de la politique de cette période. Il décide
de créer en 2000. Le dub est un outil qui lui permet de défendre
ses idées. Le sound system est le matériel qui lui permet de
l'emmener musicalement au public. Pour Alex, les collectifs de sound systems
jouent au sol et au même niveau pour produire une
72
unité où tout le monde est ensemble sans
hiérarchie. La culture sound system est indépendante du fait
qu'elle ait développé sa propre économie : le sound system
est construit par les acteurs, ils diffusent les musiques qu'ils ont
composés, ils pressent leurs vinyles eux-mêmes et diffusent leurs
musiques à partir d'un label qu'ils ont souvent créé
eux-mêmes. Selon Alex, les activistes du sound system dub ne se voient
pas comme des artistes, ils représentent un intermédiaire pour
transmettre des idées à un public. Au départ, la plupart
des activistes sont plus des activistes politisés que des artistes
compositeurs ou interprètes.
En revanche, quelques collectifs commencent à pouvoir
vivre de leur passion, un petit nombre en France arrive à devenir
intermittent du spectacle. Monter un sound system est un choix de vie, une
façon différente de s'investir dans la société. Par
la force des choses, les activistes se sont perfectionnés dans
l'organisation, dans la diffusion, en fondant des associations, en se formant
dans des radios locales associatives. Pour lui, avec de l'expérience,
ils ont pu créer leur propre structure, défendre leur
indépendance, ce qui permet de maîtriser son chemin et de ne pas
tomber dans le système institutionnel, sans jamais le renier
non-plus.
La culture sound system se répand incroyablement depuis
quelques années en France. Alex pense que les médias de masse
craignent de diffuser cette culture par méconnaissance de son histoire.
Néanmoins, certains artistes moins militants et plus
représentatifs de ce que peuvent attendre les médias sont de plus
en plus diffusés sur des chaînes grand public, à grand
audimat. Ces artistes, pour ne pas les citer, sont reconnus par des
organisateurs officiels.
73
Entretien avec Rico,
Sélecteur d'OBF Sound system,
Genève.
16 juillet 2018 par Skype
Pourquoi es-tu actif dans le milieu du sound system ?
Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system
est indépendante par rapport aux
autres genres musicaux ?
Par quels moyens pourrais-tu développer ton sound system
?
Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat,
lieux, intermédiaires)
As-tu déjà joué dans une SMAC ? Si non,
pourquoi ?
Par quels moyens finances-tu King Hi-Fi ?
Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en
étant indépendant ?
Pourquoi les institutions et les médias de masse ne
reconnaissent pas cette culture ?
Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les
institutions ? Pourquoi ?
Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi
?
Aimerais-tu être représenté dans les
médias de masse ? Pourquoi ?
Comment envisages-tu l'avenir des soirées/festival quant
aux limitations sonores ?
Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?
Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Compte-rendu de l'entretien:
Rico est le sélecteur de la partie artistique d'OBF
sound system basé à Genève depuis 18 ans. OBF s'inscrit
comme l'un des plus gros sound system dans le paysage français,
créé dans les années 2000. Le booking et la logistique du
collectif sont gérés par une personne extérieure. Ils ont
une équipe de boxmen qui les aident à charger, conduire et
décharger le camion de tout le matériel nécessaire aux
prestations. Chacun a son rôle et apporte ses compétences au sein
du collectif.
Cet entretien nous donne la vision d'un des plus gros
collectifs de France, actif depuis 18 ans. Depuis 2014, le collectif s'est
professionnalisé pour travailler légalement. L'ensemble des
personnes sont aujourd'hui rémunérées à leur juste
valeur en tant qu'intermittents du spectacle sauf l'opérateur pour des
raisons personnelles.
74
Selon Rico, la culture sound system est indépendante
dans la façon de faire. Il nous a décrit leur fonctionnement.
Lorsqu'un collectif transporte sa sonorisation pour une prestation, ils louent
un camion et emmènent tout avec eux : le matériel pour sonoriser,
celui pour jouer, l'équipe pour installer le tout qu'ils vont
eux-mêmes conduire. Ils ont construit leur sound system eux-mêmes
et ont fait développer leurs machines par leurs amis. « C'est
très DIY et déjà ça dans l'approche et la
manière de fonctionner c'est indépendant. »
Le public est friand de nouveauté. Internet et les
réseaux sociaux leurs permettent de rester actifs auprès de leur
public en composant de nouveaux albums, morceaux. Ils consacrent tous beaucoup
de temps pour cette passion devenue un métier pour la majorité
d'entre eux. D'ailleurs, ils ne sont pas contre les médias de masse pour
transmettent leur musique et leur message en bonne et due forme et faire
connaître cette culture au plus grand nombre. Ils pensent que cela ne
peut être que positif pour l'image de cette culture sound system en
France.
Le collectif s'inscrit dans une logique indépendante,
sans subventions, pour gérer le label, l'enregistrement des morceaux,
les clips, l'entretien du sound system et du matériel. Ils veulent
montrer aux institutions qu'ils peuvent continuer sans leur aide. Ils sont
indépendants dans la façon de faire et se sont toujours
débrouillés seuls car les médias et les institutions ne
s'intéressent pas à cette culture.
75
Entretien avec Morgan Le Godec, Manager de Stand
High Patrol Sound system, Programmateur du Télérama Dub
Festival, Morlaix. 16 juillet 2018 par Skype.
Comment perçois-tu de l'évolution de cette culture
depuis sa naissance en France ?
Pourquoi es-tu actif dans ce milieu ?
Pour quelles raisons soutiens-tu les artistes de cette culture
?
Quels axes de développement permets-tu aux artistes ?
As-tu remarqué des différences de
développement des artistes depuis que vous êtes engagé
pour
cette culture ? Si oui, lesquelles ?
Dans quelles conditions organises-tu des événements
avec les artistes que tu manages ?
(Contrat, lieux, intermédiaires)
Pourquoi peut-on considérer cette culture comme
étant indépendante ?
Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée
des institutions et médias de masse ?
Pourquoi les artistes fonctionnent dans un schéma
indépendant des autres genres musicaux ?
Comment envisages-tu l'avenir des sessions quant aux limitations
sonores ?
Comment imagines-tu l'avenir de cette culture en France ?
Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Compte-rendu de l'entretien:
Morgan est le manager de Stand High Patrol, un sound system
breton fondé en 2001. À l'origine, le collectif et le sound
system ont été monté par Rootystep et Mac Gyver,
très vite rejoints par Pupajim, le chanteur et compositeur officiel du
groupe. Ils ont monté leur propre label « Stand High Records »
en 2009 sur lequel de nombreux artistes produisent leur musique. Aujourd'hui,
la plupart des membres en vivent grâce à l'intermittence, sauf le
chanteur pour des raisons personnelles.
Cet entretien permet de comprendre le statut particulier d'un
manager dans le milieu du sound system. Ses compétences multiples lui
permettent d'aider le collectif sur différents domaines.
L'intégralité des décisions sont ici prises
collectivement. Le manager émet des idées qu'ils mettent en
place, ou s'inspirent, tous ensemble. Ils ambitionnent de rester
indépendant dans leur manière de fonctionner. Le label fonctionne
intégralement en autoproduction. L'intégralité
76
de l'argent est réinvestie dans le disque pour produire
de nouveaux artistes, payer l'ensemble des frais d'un disque ou pour
l'entretien du sound system. Le label a permis à Stand High Patrol
d'autoproduire trois albums, en cinq ans, aujourd'hui reconnus dans le milieu
du dub et du sound system français. Le collectif n'a jamais
compté sur les subventions pour atteindre un objectif mais ils en ont
déjà reçu quelques-unes concernant le booking, pour des
tournées à l'étranger.
Le milieu du sound system n'est pas un milieu star-system, les
artistes n'aiment pas se mettre en avant et ne souhaitent pas se retrouver en
couverture de magazine. En revanche, à la sortie d'un album, Morgan met
en oeuvre l'intégralité de ses compétences et de son
réseau pour donner de la visibilité au nouveau projet en
établissant des plans de communication pour vendre un maximum de disques
aux distributeurs et faire la promotion dans les médias. Morgan
amène un certain dynamisme au collectif, il leur donne des idées
pour s'inspirer ou les mettre en place s'ils sont tous en accord.
L'indépendance de cette culture permet au collectif de faire ce qu'il
veut, quand il veut, mais cela demande beaucoup de travail et de recherches
pour se différencier.
Cet entretien nous confirme que ce collectif, pourtant
à forte notoriété, fonctionne indépendamment des
institutions. D'ailleurs, Morgan nous expliquait que les promoteurs classiques
du milieu électronique ou rock ne comprennent pas toujours leur mode de
fonctionnement, du fait qu'ils ne travaillent pas avec une grosse agence de
booking ou un gros label. La scène sound system n'est pas
forcément prise au sérieux par la scène en
générale car elle fonctionne dans un système
complètement indépendant. Elle est parfois un peu vue de haut et
de travers par les professionnels de la musique.
En étant manager d'un groupe à forte
notoriété dans le milieu, il confirme les craintes des autres
personnes interviewées. Certains médias de masse, qui se sont
intéressés à Stand High Patrol, montrent qu'ils ne
connaissent pas cette culture. Ils ont tendance à vulgariser les propos
recueillis. Le milieu est exigeant. Néanmoins il y a des journalistes
compétents, l'exposition sur les sound systems, « Jamaïca
Jamaïca », à la Philharmonie de Paris l'année
dernière l'a prouvée. En revanche, le milieu du sound system
n'aime pas forcément se montrer. Stand High Patrol le prouve en ayant
seulement dix photos de presse en dix ans d'activisme, pour la plupart pas
nette, et c'est complètement voulu de leur part.
77
Entretien avec Emmanuel Valette,
Membre fondateur du webzine Musical Echoes,
Paris. 17 juillet 2018 par téléphone.
Pour quelles raisons soutenez-vous cette culture ?
Comment percevez-vous l'évolution de cette culture depuis
son arrivée en France ?
Pourquoi peut-on considérer que le sound system est encore
un média ?
Pour quelles raisons peut-on considérer la culture sound
system dub comme étant indépendante,
comparée aux autres genres musicaux ?
Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma
indépendant, non institutionnalisé ?
Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée
des médias de masse ?
Quels axes de développement permettez-vous aux artistes
via votre média ?
Comment sélectionnez-vous les artistes pour votre
média ?
Comment financez-vous ce média ?
Combien de personnes se rendent sur votre média par jour ?
mensuellement ?
Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?
Pouvez-vous me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Compte-rendu de l'entretien:
Emmanuel Valette est rédacteur pour le médias
indépendant Musical Echoes pour lequel il écrit
bénévolement. Cet entretien permet d'avoir une deuxième
vision d'un média spécialisé dans la culture sound system
et plus globalement dans les cultures jamaïcaines.
Emmanuel Valette nous raconte qu'il a d'abord connu cette
culture par le dub live français - il a découvert les sound
system au Garance Reggae Festival en 2006.
Il perçoit une forte évolution de cette culture
en France. La scène sound system a, selon lui, explosé à
partir de 2010 et encore plus à partir de 2015 : « il y a des
soirées de partout, même dans les petites villes ».
Il considère que la culture sound system est
indépendant quant aux autres genres musicaux car les collectifs vivent
dans un gouffre financier : « Peu de collectifs en vivent. Mais
à quel prix ? À quel rythme ? Faire des soirées tous les
week-end etc. C'est épuisant ».
78
Emmanuel Valette ne sait pas pourquoi cette culture se tient
éloignée des institutions et médias de masse mais en tout
cas, il pense que la médiatisation par les médias de masses
ramènerait plus de lumière. Il pense que tout le monde peut citer
au moins trois artistes de la scène reggae mais il n'est pas sûr
que chacun d'entre eux puissent citer des artistes de la scène dub et
sound system.
Enfin, il explique que Musical Echoes n'engage et ne
dégage aucun frais financier. De base, c'est un blog qu'il a
lancé en 2010. Il a ensuite créé une association pour
soutenir ce blog légalement et est en train de réfléchir
à la façon dont il pourrait dégager des
bénéfices. Il termine en disant qu'il a monté une
exposition au Dub Camp en 2018. L'entretien s'est déroulé en
amont du Dub Camp, à ce moment, il disait qu'il pourrait sûrement
vendre quelques photos et disques.
Cet entretien a été bénéfique pour
l'analyse et la rédaction de ce travail. Il nous a permis d'avoir la
vision d'un autre média indépendant - spécialisé
dans la culture reggae, dub et sound system.
79
Entretien avec Frédéric
Peguillan, Directeur artistique et fondateur du Télérama Dub
Festival, Rédacteur en chef à Télérama Sortir,
Paris. 13 août 2018 par Skype.
Comment avez-vous perçu, vous qui organisez un festival de
dub depuis 16 ans, l'évolution de
cette culture jusqu'aujourd'hui ?
Qu'est-ce qui vous a donné envie d'opérer dans ce
milieu, de promouvoir cette culture ?
Quels axes de développement permets-tu aux artistes via le
Télérama Dub Festival ?
Dans quelles conditions organisez-vous des
événements avec les artistes de cette scène ?
(Contrat, lieux, intermédiaires)
Pourquoi peut-on considérer cette culture comme
étant indépendante ?
Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée
des institutions ?
Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma
indépendant des autres genres musicaux ?
Par quels moyens le Télérama Dub Festival a t'il
été reconnu par les médias de masse et
institutions ?
Comment envisagez-vous l'avenir du festival quant aux limitations
sonores ?
Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?
Pouvez-vous me raconter une anecdote pour terminer cet entretien
?
Compte-rendu de l'entretien:
Frédéric Péguillan est le père
fondateur et directeur artistique du Télérama Dub Festival mais
il est avant tout rédacteur en chef à Télérama
Sortir. Cet entretien nous permet d'avoir la vision d'un organisateur d'un
festival depuis 16 ans ayant pour but de développer la culture dub en
France.
À la fin de années 90, l'émergence
spontanée de groupes de dub français sont apparus comme High
Tone, Zenzile, Improvisators Dub etc. Cette nouvelle vague lui a donné
envie d'aller faire un reportage, sur le terrain, pour Télérama.
Dès son retour, il a eu envie de mettre en avant cette scène dub.
Il a proposé à Glazart, salle de musique underground de Paris, de
monter un festival de dub pour rajeunir l'image du magazine
Télérama. Seize ans plus tard, le festival fête sa
16ème édition et arpente la France entière dans
plusieurs villes : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, ainsi que Barcelone cette
année pour la première fois. Le Télérama Dub
Festival était le premier festival de dub en Europe.
80
Frédéric partage à nouveau le même
avis que l'ensemble des personnes interviewées. La culture sound system
est indépendante, les acteurs sont dans un système de DIY, c'est
leurs choix et leurs manières de fonctionner. C'est un état
d'esprit et c'est ce qui fait le charme de cette culture. Pour exemple, le
groupe d'High Tone a longtemps été le groupe le plus vendeur en
France dans ce milieu mais il n'a jamais voulu partir de Jarring Effect, un
label indépendant basé dans les pentes lyonnaises.
Étant organisateur d'un festival de dub depuis seize
ans, Frédéric nous a livré sa manière de percevoir
l'évolution de cette culture depuis son introduction en France. Il
trouve dommage que la scène sound system ait pris le dessus sur la
scène live depuis quelques années. La dimension artistique et
innovante est un peu moins flagrante qu'avant même si certains sound
system le font toujours, comme OBF, qui tire un peu vers l'électro et la
techno ou Blackboard Jungle, qui reste dans le sound system reggae roots.
Frédéric permet trois axes de
développement aux artistes via le Télérama Dub Festival.
Le premier est de faire venir des artistes qui ont une notoriété
mais qu'on ne voit pas souvent en France. En second, le fait de
développer de jeunes artistes a permis à un certain nombre
d'entre eux de leur donner de la visibilité. Le troisième axe
auquel il tient particulièrement est la dimension de création.
Par exemple, cette année, Sly & Robbie viendront avec leur projet en
compagnie de Nils Petter Molvaer, un trompettiste de jazz norvégien.
À propos des institutions, « Je pense qu'ils n'ont
pas envie d'être récupérer et je pense que les institutions
n'ont pas envies de les récupérer non plus. » De nombreux
festivals souffrent des baisses de subventions, par conséquent,
l'indépendance et l'avenir de cette culture n'est pas touchée par
ces questions. De plus, le Télérama Dub Festival n'est pas
aidé par Télérama sauf pour l'impression des affiches et
des flyers. Le festival fonctionne totalement en autoproduction avec les ventes
des billets et le bar à Paris. Sur les dates en dehors de paris, le bar
revient au propriétaire de la salle.
Pour Frédéric, la concurrence n'existe pas,
quand bien même de nombreux événements et festivals autour
de la culture sound system se sont développés ces
dernières années. Plus la culture dub est, plus il est content.
Le dub intègre de nombreux festivals avec les dub corners et il trouve
cela formidable. Le dub intègre aussi de nombreux festival sur
scène, avec Panda Dub à Rock en Seine, par exemple.
81
Entretien avec Polak,
Sélecteur et MC à Legal Shot Sound
system, Rennes. 18 août 2018 par Skype.
Pourquoi es-tu actif dans le milieu du sound system ?
En session, quel message veux-tu faire passer à ton public
?
Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system
est indépendante ?
Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat,
lieux, intermédiaires)
Par quels moyens finances-tu Legal Shot ?
Vivez-vous de votre activité ?
Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en
étant indépendant ?
Pourquoi les institutions et les médias de masse ne
reconnaissent pas cette culture ?
Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les
institutions ? Pourquoi ?
Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi
?
Aimerais-tu être représenté dans les
médias de masse ? Pourquoi ?
Comment envisages-tu l'avenir des soirées/festival quant
aux limitations sonores ?
Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?
Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Compte-rendu de l'entretien :
Legal Shot Sound system est un collectif passionné
créé officiellement en 2000. Ils ont construit un sound system
à leur retour du carnaval de Notting Hill en Angleterre. Ils
collectionnent beaucoup de vinyles et au fur et à mesure du temps, ils
agrémentent leurs productions avec leur label, Legal Shot Record Studio.
Depuis 2011, ils produisent une émission hebdomadaire sur Party
Time, une émission de radio diffusée sur Fréquence
Paris Plurielle. Aujourd'hui, le collectif est reconnu et suivi par un public
de plus en plus nombreux. Il a l'ambition de partager et faire connaître
la culture sound system au plus grand nombre.
Polak est un des cinq copropriétaires de Legal Shot
Sound System, basé à Rennes, en Bretagne. Il s'occupe
principalement d'enregistrer les special et les dubplates. Lors d'une
prestation, il a un rôle de manutention comme tout autre
propriétaire et prend le rôle de sélecteur. Il est aussi
chanteur lors des guerres musicales entre sound systems.
Cet entretien permet de comparer la vision et la
manière de fonctionner de ce collectif avec les autres personnes
interviewée. Au-delà d'être un collectif
indépendant, les membres de
82
Legal Shot ont tous un métier et une vie de famille
à côté du sound system. Selon Polak, il serait difficile,
pour un sound system qui se déplace juste une fois par mois, de faire
vivre correctement cinq copropriétaires. L'intégralité de
l'argent des prestations et de toutes leurs activités contribue à
investir dans leur outil de travail, le sound system. Un sound system est un
investissement très couteux, de la conception à son entretien, en
n'oubliant pas les déplacements.
Legal Shot dispose d'une indépendance financière
totale des institutions. Polak préfère être
indépendant financièrement, l'indépendance à
certaines vertus, plus d'avantages que d'inconvénients. Leur association
a déjà reçue des subventions de la ville de Rennes sous
forme de prêt de matériel pour la fête de la musique mais ne
compte pas sur les institutions pour avancer et entretenir leur sound system
Concernant l'indépendance de la culture en France,
Polak partage la même vision que les autres personnes
interviewées. C'est un milieu peu structuré par rapport à
d'autres styles musicaux comme l'électro ou le hip-hop. Les sound
systems ne sont pas basés sur de grand labels ou maisons de disques. Les
collectifs comptent sur eux-mêmes, ils construisent eux-mêmes leur
sound system et l'entretiennent eux-mêmes, sans l'aide des
institutions.
Concernant leur manière de rester actif et visible,
Legal Shot est sur un business de très long terme. Polak nous a
donné une phrase qui revient souvent dans le milieu : « La
course n'est pas pour les rapides mais pour ceux qui peuvent l'endurer jusqu'au
bout. » Ils ont mis du temps à acquérir la
notoriété qu'ils ont aujourd'hui, ils ne comptent pas abandonner,
la détermination leur permet de rester actif et visibles.
À propos de l'institutionnalisation de cette culture,
Polak ne sait pas si l'État devrait s'en occuper, aux vues des
subventions en baisse considérable envers la culture en ce moment. Il
conclue ce sujet en affirmant que l'indépendance n'est pas si mal. En
revanche, il pense que la culture finira par s'institutionnaliser à
force du circuit qui s'organise et des collectifs qui se multiplient. C'est une
question de visibilité et de long terme. L'ampleur a déjà
évolué ces vingt dernières années. Concernant les
médias de masse, le collectif n'est pas contre le fait qu'ils
s'intéressent à eux, un jour. En revanche, la transparence et
l'honnêteté doit être des deux côtés. Par
contre, Polak veut faire connaître cette culture au plus grand nombre car
il trouve cette culture réellement géniale.
83
Entretien avec Quentin Deniaud,
Chanteur et diffuseur à Brainless Sound system,
Villeurbanne. 20 août 2018 par téléphone.
Pour commencer, peux-tu te présenter ?
Comment es-tu arrivé dans le milieu du sound system ?
En session, quel message veux-tu faire passer à ton public
?
Pourquoi peut-on considérer que la culture sound system
est indépendante par rapport aux
autres genres musicaux ?
Dans quelles conditions joues-tu le plus souvent ? (Contrat,
lieux, intermédiaires)
Par quels moyens financez-vous Brainless ?
Comment restes-tu actif et visible sur cette scène tout en
étant indépendant ?
Pourquoi les institutions et les médias de masse ne
reconnaissent pas cette culture ?
Penses-tu que cette culture pourrait sensibiliser les
institutions ? Pourquoi ?
Voudrais-tu construire des liens avec les institutions ? Pourquoi
?
Aimerais-tu être représenté dans les
médias de masse ? Pourquoi ?
Comment envisages-tu l'avenir des sessions par rapport aux
limitations sonores ?
Comment imagines-tu l'avenir de cette scène en France ?
Peux-tu me raconter une petite anecdote pour terminer cet
entretien ?
Depuis quand les dub corners se sont intégrés aux
festivals ?
Compte-rendu de l'entretien:
Quentin est un des deux fondateurs de Brainless Sound system,
qu'il a créé en 2012 avec Théo à
Bourg-en-Bresse.
Brainless est un petit collectif innovant dans leur
manière de fonctionner et d'évoluer. Dès la
création, chacun s'est dirigé vers certaines tâches.
Quentin s'est toujours occupé de la communication et de la prise de
contact avec les autres sound systems pour faire des collaborations.
Théo a pris le rôle d'ingénieur du son.
Cet entretien permet de comparer le fonctionnement d'un
collectif de sound system existant depuis six ans avec les autres collectifs
enquêtés. Cet entretien montre, une fois de plus, que les
collectifs sont indépendants dans leur manière de se construire,
de fonctionner et
84
d'opérer dans le milieu. Quentin ne sait pas encore
pour combien de temps la culture sera considérée comme
étant indépendante car la plupart des sound systems sont
autoproduits ou produits par des labels indépendants. Il n'y a pas de
contrats avec les maisons de disques, tout est basé sur des rapports
humains.
Pour rester actif et visibles, ils sont en constante
réflexion pour promouvoir leur activité sur les réseaux
sociaux sans forcément sponsoriser leurs publications. Ils essayent de
mettre en avant les dates sur lesquels ils seront présents et
communiquent pendant et après pour garder contact avec leur public. Ils
vont bientôt essayer de poster des morceaux en
téléchargement gratuit pour rester actif en dehors des
prestations.
Lors d'une prestation, le collectif fonctionne avec des
contrats d'intermittence et Quentin reçoit des cachets de diffuseur. Il
est aujourd'hui diffuseur de l'association Exoria, basée à
Villeurbanne. Son travail lui permet de diffuser plusieurs artistes
orientés dans la bass-music et le dub, dont Brainless Sound system qui a
intégré le catalogue dès qu'il est arrivé dans
l'association.
Pour Quentin, le concept de base de cette culture est qu'elle
soit en marge de toutes les institutions et médias de masses ; à
la base, c'était la radio de celui qui n'avait pas accès aux
grands médias. Cette culture est relativement récente, c'est
pourquoi elle est encore en marge. De plus, ses acteurs ont la volonté
de rester en marge des institutions. Par contre, certains artistes, pour ne pas
les citer, l'ont déjà vulgarisé auprès du grand
public. C'est positif qu'un maximum de personne ait accès à ce
style, toutefois, il serait judicieux de pouvoir continuer à sortir le
sound system sans se faire trop ennuyer.
Selon Quentin, le sound system n'est pas exclu de tout
événement culturel mais tout dépend de ce qu'il
véhicule et de ce qu'il transmet au public. Les institutions ont toutes
les clés pour permettre à un collectif de perdurer. Ils
entretiennent des relations avec la ville de Bourg-en-Bresse pour organiser des
événements. En défendant et argumentant leurs projets, la
ville leur a donné sa confiance. Par exemple, ils ont fêté
leurs cinq ans d'existence au skate parc de Bourg-en-Bresse en compagnie de
leur sound system. Ils n'ont jamais fait de demande de subvention mais ils ont
l'ambition de faire une demande de résidence pour créer un live
pour s'adapter aux demandes des organisateurs qui sont en forte demande de dub
live, sans sound system. Ils se doivent s'adapter aux évolutions en
développant leur expérience pour proposer différentes
formations artistiques en répondant aux exigences des programmateurs de
salles de concert et festivals.
85
Entretien avec Jean-Paul Deniaud, Rédacteur en
chef à Trax Magazine, Paris. 27 août 2018 par Skype.
Qu'est-ce que la culture sound system pour vous ?
Avez-vous remarqué une évolution depuis son
arrivée en France ?
En quoi cette culture est-elle indépendante ?
Est-ce une volonté de la part des collectifs de ne pas
vous contacter et de se rendre visible sans
votre aide ?
Pourquoi cette culture n'est-elle pas reconnue par les
institutions ?
Pourquoi cette culture n'est-elle pas reconnue par les
médias de masse ?
Qu'est-ce qui vous a poussé à faire un
numéro sur la culture sound system ?
Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?
Comment imaginez-vous l'avenir pour cette scène quant aux
limitations sonores ?
Compte-rendu de l'entretien :
Jean-Paul Deniaud est rédacteur en chef et à la
direction des publications chez Trax Magazine depuis bientôt cinq ans.
Cet entretien permet d'avoir l'avis d'un média national
spécialisé dans la musique, particulièrement
électronique.
Le magazine travaille actuellement sur la sortie de son
prochain numéro, qui est étonnamment spécialisé sur
la culture sound system. Jean-Paul explique qu'il a dernièrement
rencontré le Killasan sound system au Danemark, collectif organisant les
soirées « Wax Treatment » pour diffuser de la musique techno
sur un sound system reggae dub. Par ailleurs, Jean-Paul pense qu'internet
permet au grand public de découvrir ou redécouvrir des cultures
qu'ils ne connaissaient pas, les préjugés sur le reggae sont en
train de se casser progressivement auprès du grand public. Après
ce constat, Jean-Paul a décidé de faire un numéro
spécifique à cette culture.
D'un point de vue médiatique, notamment de Trax
(magazine national), Jean-Paul signifie qu'ils ne sont jamais au courant des
événements portés sur culture sound system dub. Cette
culture se rend visible par des médias indépendants, des
communautés, des disquaires ou des flyers et non via des médias
traditionnels. De plus, Jean-Paul estime que les pouvoirs
publics, les institutions et les marques privés
n'aident pas financièrement les collectifs de cette culture. En
revanche, une campagne s'est construite entre la marque Carhartt et le sound
system Killasan pour communiquer autour de Trojan Records.
Les collectifs et artistes de la culture sound system ne
savent pas que le magazine Trax n'est pas seulement orienté sur la
musique techno et house, ils se dirigent directement vers des médias
spécialisés, souvent indépendants, pour communiquer sur
leur événements et productions musicales. D'autre part, plusieurs
collectifs sont assez puristes et ne veulent pas forcément que d'autre
styles musicaux soient diffusés sur leur sound system, contrairement
à d'autres qui sont plus ouvert à ce type de fusion musicale. En
revanche, Trax a récemment publié un article qui a
cartonné sur le sound system OBF accompagné d'une
mixtape159. De plus, Jean-Paul explique que : « Les sound
systems viennent rarement d'eux-mêmes, c'est plutôt, nous quand on
va les voir sur une affiche, on se dit qu'on aimerait bien faire un truc avec
eux et c'est plutôt nous qui allons à leur rencontre.
»
Cette culture n'est pas reconnue par les institutions et
pouvoirs publics du fait qu'elle soit issue de Jamaïque et d'Angleterre,
c'est une culture de contre-pouvoirs, de rébellion qui n'a pas besoin
des institutions. Par ailleurs, cette musique est peu médiatisée
en France, l'histoire est méconnue des pouvoirs publics. Ils vont moins
être enclins à donner une autorisation ou à mettre en avant
ce type d'événement dans leur communication, de par leur
méconnaissance de cette culture. En revanche, le fait que
Télérama mette son nom sur un festival de dub
(Télérama Dub Festival) montre une estimation et une
reconnaissance de cette culture sound system et dub par un média
culturel très généraliste.
86
159 Compilation de plusieurs morceaux.
87
Entretien avec Christian Jadeau, Premier adjoint
à la culture de Joué-sur-Erdre.
Le 6 septembre par téléphone.
Pour quelles raisons soutenez-vous cette culture ?
Comment percevez-vous l'évolution de cette culture depuis
son arrivée en France ?
Pourquoi peut-on considérer que le sound system est encore
un média ?
Pour quelles raisons peut-on considérer la culture sound
system dub comme étant indépendante,
comparée aux autres genres musicaux ?
Pourquoi les artistes fonctionnent-ils dans un schéma
indépendant, non institutionnalisé ?
Pourquoi cette culture se tient-elle tant éloignée
des médias de masse ?
Quels axes de développement permettez-vous aux artistes
via votre média ?
Comment sélectionnez-vous les artistes pour votre
média ?
Comment financez-vous ce média ?
Combien de personnes se rendent sur votre média par jour ?
mensuellement ?
Comment imaginez-vous l'avenir de cette culture en France ?
Compte-rendu de l'entretien:
Christian Jadeau est le Premier adjoint et responsable de la
culture de la Mairie de Joué-sur-Erdre. Cet entretien permet d'avoir la
vision d'un acteur politique au fait de la culture sound system par
l'intermédiaire du Dub Camp Festival qu'il accueille, avec l'accord du
Maire, dans la commune de Joué-sur-Erdre.
La commune de Joué-sur-Erdre accueille le Dub Camp
Festival depuis maintenant deux éditions. Pour des raisons
expliquées en amont dans le développement de ce mémoire,
le festival a changé trois fois de site et donc de commune.
Christian Jadeau nous fait part de son avis sur ce festival
ainsi que les aides que la commune lui attribue. Globalement, il est satisfait
d'accueillir ce festival - il donne de la visibilité au niveau national
voire international de la commune de Joué-sur-Erdre.
Au début de l'entretien téléphonique,
Christian nous expliquait que la commune a accueilli ce festival par relations.
Un ami de son fils fait partie des membres de l'association Get Up. Ceci
explique pourquoi la commune n'a pas été réticente pour
accueillir ce festival. Il nous rapporte
88
qu'ils sont partants, avec l'accord du Maire
évidemment, pour reconduire une troisième édition en 2019.
En effet, le festival fait tourner l'économie locale de la région
par l'accueil de 26 000 personnes sur quatre jours. Il ne connaît pas les
retombées économiques qu'il engendre mais il est en est
réellement satisfait et ajoute que les habitants de la commune le sont
également, « ce qui est très appréciable
» en conclut-il. Il a participé aux deux éditions du
festival depuis qu'il est à Joué-sur-Erdre. Il nous indique que
le Maire se réjouit aussi de venir.
Christian Jadeau pense que les institutions, en
général, ne connaissant pas cette culture. Tout le monde
connaît le reggae de Bob Marley - pas plus. Il est d'ailleurs favorable
pour utiliser ce mémoire comme ressource pour l'écriture d'un
édito qu'il publiera dans le bulletin municipal de la commune.
Pour conclure le compte rendu de cet entretien, il nous a paru
important de signifier que l'avis de ce premier adjoint et responsable de la
culture relève d'un grand positivisme puisqu'il est au fait de cette
culture, en étant personnellement impliqué et de par sa position
de premier adjoint.
89
Entretien avec Olivier Bruneau, Directeur de
l'association Get Up ! Programmateur du Dub Camp Festival, Nantes Le 28
août par téléphone.
Pour quelles raisons avez-vous décidé d'organiser
un festival purement sound system ?
Quels axes de développement permettez-vous aux artistes
via le festival ?
Comment voyez-vous l'évolution de cette culture en France
depuis l'arrivée du Dub Camp ?
Pourquoi peut-on considérer cette culture comme
étant indépendante et en marge ?
D'après-vous, cette culture pourrait-elle
s'institutionnaliser dans les années à venir ?
Bénéficiez-vous d'aide financière pour
l'organisation du festival ?
Quels médias de masse se sont intéressés au
Dub Camp ?
Pensez-vous que le Dub Camp ait contribué à la
veine sound system qui se développe
actuellement dans le paysage français ?
Comment imaginez-vous l'avenir de cette scène en France
?
Comment envisagez-vous l'avenir du festival quant aux limitations
sonores ?
Peux-tu me raconter une anecdote pour terminer cet entretien ?
90
Retranscription de l'entretien :
Jeanne Vionnet : Qu'est-ce qui vous a poussé
à organiser festival de sound systems ?
Olivier Bruneau : Au moment de la création de
l'association, c'est déjà quelque chose que l'on avait envie de
voir, un événement qui rassemble les sound systems, un
concentré de différents sound system et des différents
acteurs du milieu sound system. On a créé l'association Get Up !
en 2008, on ne se retrouvait pas forcément dans les sessions qui avaient
lieues à ce moment-là. Le Dub Camp est venu à la suite des
différentes soirées que nous organisions, les Get Up !
Session et Nantes Dub Club. L'envie des adhérents de
l'association était de créer un événement d'ampleur
national sur ce mouvement. On s'est lancé comme ça dans
l'organisation de manière un petit peu amateur sur la première
édition même si on a essayé d'être le plus
carré possible et de prendre le moins de risques financiers notamment et
en termes de sécurité et de sûreté aussi on a mis le
paquet dès le début pour ne pas organiser un
événement trop concave non plus. Ça a grossi nous
l'objectif c'est de garder un rythme de croisière voire même la
décroissance du festival ou en tout cas de retrouver un esprit à
l'image de l'association et de ses adhérents.
J.V : C'est trop grand à vos yeux ?
O.B : Oui et non en tout cas je pense que là cette
année on a trouvé notre jauge entre guillemets. On se dit que
c'est peut-être la bonne jauge, entre 3500 personnes et 5000 personnes
par soir.
J.V. : Au départ, les institutions n'étaient
pas trop réticentes pour organiser ce festival ?
O.B. : Ce n'était pas vraiment évident c'est
vrai que nous avons envoyé une centaine de courrier dans toutes les
communes du coin qui nous semblait adaptées. On a eu une dizaine de
retours et des retours plus ou moins farfelus. Sur la première
édition 4 que nous ont répondu vraiment favorablement et qui
était intéressées. L'accueil n'était pas
forcément très évident aussi au premier rendez-vous ils se
sont rendu compte que nous n'avions pas de dreads, que nous n'étions pas
des babas cool. Après nous on y allait aussi en leur disant que qu'on ne
cherchait pas de subvention on voulait juste un terrain et être
indépendant. Donc on avait aussi le côté financier des
retombées économiques qu'il peut y avoir par rapport à
l'événement ça les a motivés un peu. Il y avait
aussi l'inconnu du volume sonore qui n'était pas forcément
évident à comprendre parce
91
qu'on a été vraiment cash avec eux en leur
disant que ça allait jouer fort longtemps et tard. Le bruit c'est le
bruit mais ça va, ça ne les a pas trop dérangés.
J : Du coup ils en sont contents aujourd'hui est-ce que
vous en avez fait ?
O : En tout cas nous on a changé 3 fois, Ça a
été formateur on expérience mais à chaque fois les
communes qui nous ont accueillies voulaient nous garder. C'était des
soucis plutôt d'ordre préfectoral, on était sur des sites
classés des sites Natura 2000 et ça ne pose pas de
problème pour la faune et la flore il y a aucun souci mais c'est
vraiment plus compliqué sur des sites classés par des
bâtiments de France du coup c'est le caractère historique des
sites sur lesquels nous étions et qui fait que l'on n'avait pas le droit
de mettre de camping ou de chapiteaux. On a eu des autorisations les
premières années mais on a dû changer de commune sur la 3e
édition et on s'est retrouvé avec le même problème,
en gros autour de Nantes les salles terrains disponibles et chouettes sont des
terrains en bord de Loire et de l'Erdre du coup qui sont classés donc on
s'est retrouvé sur un plan B et même après sur un plan C en
2016 sur la commune de Carquefou. On a dû changer de site 10 jours avant
le début du festival car le site était inondé en tout cas
la mairie nous a bien suivi là-dessus aussi le fait que ce soit bien
passé les deux premières éditions. En 2017 on a
trouvé le site a Joué-sur-Erdre et du coup on n'a pas eu trop de
difficultés pour trouver un nouveau site pour 2017, on avait trois
vraies pistes et celle-ci s'est trouvée la plus adaptée et
ça s'est fait en une semaine. On a rencontré les élus le
lundi soir et le mercredi on a signé. Ça s'est passé hyper
vite mais voilà, toujours avec le même discours en disant qu'on ne
voulait pas de subventions, on voulait un site.
J : En cherchant sur internet j'ai vu que vous aviez
quelques subventions ?
O : Oui, on a des subventions. C'est vrai que la politique de
l'association à ce niveau-là, à un peu
évoluée. Au départ, on était vraiment à se
dire qu'on voulait complètement être indépendant, ne pas
dépendre de subventions etc. On s'est vite rendu compte que
c'était compliqué, à la fois d'organiser des
événements un peu originaux, accessibles financièrement et
en même temps sans demander de subventions. Donc on a fait des demandes
de subventions, mais l'idée pour nous c'est qu'elles ne doivent pas
servir au projet c'est juste des plus qui ne doivent pas mettre en péril
le projet associatif. Par exemple, les subventions de la région de cette
année servent à faire venir la fanfare qui joue devant la mairie,
à faire des masters class, à faire le mini dub camp, des
expositions etc. mais si ces événements n'ont pas lieux parce
qu'on n'a pas les subventions pour ces plus, ça ne met pas en
péril le festival.
92
J : D'accord, c'est juste un plus !
O : Oui c'est ça, en tout cas pour le moment on ne veut
pas en dépendre même si on en a. donc là, on a la
région qui nous soutient un peu mieux que les premières
années, la première année on avait 3000€ de la
région et cette année on est à 15000€. Donc ça
c'est plutôt chouette. Le département on était à
1000€ au début et on doit être à 6000€ et la
ville de Nantes nous donnait 1000€ et là c'est plutôt des
subventions de fonctionnement et axé sur l'accessibilité, nous
faisons un gros travail au sein de l'association sur l'accessibilité.
Donc voilà, on a trois subventionneurs, la mairie de Joué sur
Erdre ne nous en donne pas mais on a aussi la COMPA, la communauté de
commune dont dépend Joué-sur-Erdre, nous soutient aussi à
hauteur de 20 000 € sur la gestion de déchets et le tri des
déchets. Quand on était sur les autres communes on
dépendait de la métropole de Nantes qui nous soutenait en nous
mettant à disposition des bennes à ordures, toute la gestion des
déchets, du tri sélectif etc. Du coup, quand on est arrivé
à Joué-sur-Erdre, on leur a demandé de nous soutenir
à hauteur de ce que nous soutenait la ville de Nantes qui
représente un fonctionnement de 20 000€, enfin ça
représente plutôt 25 000€ en comptant les achats des sacs
poubelles, de l'intervention des connexions. Du coup, les subventions sur le
budget de l'association représentaient jusqu'à l'année
dernière 1,5% et là elles représentent 2,5%. On est quand
même assez indépendants vis-à-vis des subventions mais en
même temps on a changé un peu notre vision en se disant qu'on ne
peut pas faire sans eux de toute façon. Et puis à un moment
donné, on paye tous des impôts et tant qu'à faire autant
qu'ils servent à ce genre de projets plutôt qu'à d'autres !
La seule inquiétude c'est de ne pas en dépendre.
J : Du coup, je me demande si vous avez des sponsors
?
O : On avait vraiment une vraie vie associative, on a un
conseil d'administration qui se réunit une fois par mois, un bureau de
l'association qui se réunit tous les 15 jours où une centaine
d'adhérents sont impliqués dans différentes commissions,
différentes organisations. Donc il y a aussi une commission de valeurs
et éthique, tout ce qui est partenariats, subventions, sponsoring et
mécénat, nous en tout cas notre politique c'est qu'on ne
travaillera jamais avec des gros industriels type Kronenbourg Heineken etc.
L'idée c'est qu'on soit bien au clair avec les produits qu'on propose,
donc on a du sponsoring mais au niveau local, on a de l'aide du crédit
mutuel aussi ; plutôt en valorisation, ils nous prêtent de la
rubalise et des tours de cou. Après on fait aussi des partenariats et du
mécénat avec le supermarché du coin et d'autres
entreprises locales.
93
J : Penses-tu que cette culture pourrait
intéresser les institutions dans les années à venir
?
O : Oui, pour moi elle les intéresse
déjà, c'est vrai que c'est quelque chose qui est assez atypique
mais en même temps quand on voit le nombre de personnes et la moyenne
d'âge du public qui est sur ce type d'événement, qui est en
moyenne entre 18 et 25 ans pour la majorité et puis on va dire 16 et 40
ans pour élargir un petit peu. Je me dis qu'il y a vraiment de l'avenir
en tout cas, et que c'est l'avenir aussi des futurs électeurs entre
guillemets pour ces gens-là. En tout cas, nous on est l'exemple parfait
et les institutions nous soutiennent donc je me dis quand même qu'elles
s'intéressent à ce que l'on fait.
J : Quels médias de masse se sont
déjà intéressés au Dub Camp ?
O : Oui, on a eu France 3 qui est venu en 2015, 2016 et 2017,
ils ont fait différents reportages deux fois uniquement sur le festival
et une fois sur le festival sous un angle axé sur les risques auditifs.
Du coup, tout ce que l'on mettait en place de notre côté au niveau
de la prévention du son et c'était assez intéressant.
Autrement on a aussi Radio Nova qui nous soutient depuis le début. On a
aussi Télérama qui fait des articles tous les ans sur le Dub
Camp, Le Monde aussi qui a fait une page en 2017 sur le festival,
Libération également qui avait publié une page. Et aussi
les radios, France Bleu ou des radios comme ça. Après, les
journaux aussi comme Ouest France qui nous soutient bien depuis le
début, ce n'est pas forcément évident parce que suivant
les différents journalistes, certains s'intéressent à
l'aspect musical et culturel et d'autre qui s'intéressent plutôt
aux aspects organisationnels, sûreté, sécurité donc
il faut jongler un e-petit peu entre les différents interlocuteurs qu'on
a en face de nous mais là, par exemple, on a eu au moins trois pages
nationales cette années dans Ouest France qui étaient
plutôt intéressantes aussi. Et ce n'est pas forcément eux
qui s'intéressent, on a un gros travail avec notre responsable de
communication. Il y a tellement d'événements, si on veut qu'ils
en parlent c'est à nous de les solliciter.
J : Le Dub Camp s'inscrit-il dans la politique
culturelle de la Ville de Nantes, réputée pour développer
la culture ?
O : Effectivement, je ne sais pas si ça s'inscrit
vraiment dans la politique culturelle de Nantes mais après on est
soutenu par la Ville de Nantes donc à priori oui ! C'est vrai que quand
on a organisé le Dub Camp, la première idée c'était
de l'organiser à Nantes, la mairie de Nantes était
94
vraiment motivée, on a cherché pleins de sites
pour le faire et le souci c'est que la ville est trop urbanisée. Donc
oui, je peux dire que oui effectivement !
J : Est-ce que le Dub Camp a contribué à
la scène sound system française d'aujourd'hui,
c'est-à-dire qu'il y a pleins de collectifs qui se montent partout en
France, que ça se démocratise partout, que tout le monde s'y
intéresse de plus en plus ?
O : C'est vrai que c'est quelque chose que nous n'avions pas
forcément conscience au départ. En tout cas que nous on n'avait
pas forcément conscience au sein de l'association, mais effectivement
les retours des artistes ou en tout cas de certains artistes montrent que c'est
vraiment important pour eux de pouvoir venir jouer au Dub Camp. Nous, on voit
les choses comme ça en fait, on programme des artistes qui
éthiquement et musicalement nous conviennent, après c'est
toujours un équilibre financier à trouver. On n'en avait pas
conscience effectivement de l'impact que ça pouvait avoir pour certains
on va dire petit sound systems. Après, je pense qu'à notre petit
niveau, en tout cas nous, on a participé à l'essor de ce
mouvement-là mais il y en a pleins d'autres. Je n'ai pas la
réponse mais je ne sais pas si c'est un événement qui
était attendu en France.
J : Comment tu imagines l'avenir de cette scène et
l'avenir du Dub Camp ?
O : Ce n'est pas évident, je pense que la
difficulté que je vois moi en tout cas, de l'avenir du mouvement sound
system en France, c'est qu'en tout cas il y a énormément de sono
qui se construisent à droite à gauche, je pense qu'on est un des
pays d'Europe ou même du monde où il y a le plus de sound system
reggae ou en tout cas construits. Après la vraie difficulté c'est
de trouver des endroits pour jouer, en tant qu'organisateur, nous au
départ on avait l'intention de construire un sound system mais on s'est
vite rendu compte que c'était compliqué d'allier l'artistique et
l'organisationnel et qu'il fallait faire un choix. On a fait un choix
là-dessus et en tant qu'organisateur on est confronté à
des problèmes de salle et on voit en France que les salles sont vraiment
compliquées à trouver. Je pense que la limite commence à
se trouver un petit peu et il y a aussi une autre particularité de ce
mouvement là c'est qu'il y a des gardiens du temple entre guillemets qui
sont présents et je pense qu'il y a une complexité entre le
mouvement sound system à doit être comme ça et les nouveaux
qui arrivent avec un dub un peu plus différent, un style musical un peu
plus dub électro. J'ai l'impression et je ne le souhaite pas qu'à
l'avenir il y aura peut-être deux clans entre guillemets ou deux
esthétiques entre le mouvement sound
95
system plus orthodoxe on va dire et les nouveaux qui s'en
foutent que ça pogote en soirée sound system. Je pense qu'il y a
un juste milieu à trouver quand même et l'objectif du Dub Camp
avant tout c'est de faire découvrir la musique sound system au plus
grand nombre et casser ces clichés et de rendre accessible aussi au plus
grand nombre ce mouvement qui est quand même assez underground.
J : Mais vous n'êtes pas contre le fait qu'il y
ait des sound system qui peuvent jouer un dub plutôt techno ou autre
?
O : Nous on n'est pas forcément pour, je ne vais pas
juger le style musical mais la ligne directrice du Dub Camp, en tout cas, c'est
de rester sur l'esthétique du mouvement reggae et sound system.
Après, il y a des limites entre guillemets. Pour nous la limite, c'est
les artistes qui font du dub électro où il n'y a plus de skank
reggae etc. Mais l'avenir est plutôt rose quand même pour la
culture sound system, moi c'est vraiment en tout cas la moyenne d'âge
qu'il y a, la bienveillance qu'il y a entre différents artistes et
organisateur, on a de la chance nous en tout cas en France d'avoir su
créer une vraie communauté autour de ce mouvement et au
même titre que les métalleux etc qui sont des gens assez
fidèles et qui sont prêts à faire de la route pour venir en
session. Je trouve que le mouvement sound system dub, le reggae en tout cas
commence à trouver sa place.
J : Peux-tu me raconter une anecdote pour terminer cet
entretien ?
O : Par exemple, le capitaine des gendarmes me dit qu'il
connait bien OBF, qu'il vient d'Annecy et qu'il a déjà
assisté à leurs sessions et il me dit que son fils est en train
de construire un sound system avec l'école à Nantes, c'est leur
projet d'étude donc c'est assez original et il m'a montré que les
clichés sont en train de se casser de part et d'autre !
96
Compte-rendu de l'entretien :
Olivier Bruneau est le directeur de l'association Get Up ! et
le programmateur du Dub Camp Festival, organisé par la même
association. Cet entretien permet d'avoir la vision du directeur du festival,
cet événement étant l'étude de cas principale de ce
mémoire.
Le Dub Camp Festival est un concentré des
différents sound systems et des différents acteurs de cette
culture. Les artistes invités sont français, anglais,
européens voir internationaux pour quelques-uns. A l'origine,
l'association organisait des soirées sound system à Nantes puis
les membres de l'association ont décidé de créer ce
festival, uniquement basé sur des scènes sound systems, sans
scène classique.
Pour résumer l'histoire du festival, les organisateurs
ont été contraints de changer trois fois de lieux pour des soucis
d'ordre préfectoral, où les sites étaient classés
par des bâtiments de France et la mise en place d'un camping et d'un
chapiteau n'était pas envisageable. Pour anecdote, le festival a
changé de site 10 jours avant l'ouverture en 2016 car le site initial
était inondé. Le festival a maintenant lieu à
Joué-sur-Erdre depuis 2017. L'accueil de ce festival a été
favorable du point de vue des institutions pour sa première
édition en 2014. Parfois réticentes, elles ont compris le projet
et sont en accord avec le projet de l'association.
L'association reçoit quelques subventions de la ville
de Nantes, du département et de la région. Elles ne permettent
pas au festival de fonctionner mais représentent un plus pour organiser
des masters class, des expositions, un mini Dub Camp pour les enfants et
d'autres animations. De plus, la communauté de commune de
Joué-sur-Erdre intervient grâce à une subvention pour la
gestion des déchets en mettant à disposition des bennes à
ordures et des bennes de tri sélectif. Au total, les subventions
représentent 2,5% du budget total de l'édition 2018 ; le festival
fonctionne pratiquement en autoproduction.
L'association dispose d'une commission « Valeur et
Éthique », ils n'ont pas pour ambition d'avoir de gros sponsors
comme Heineken ou Kronenbourg. Cette commission met en place des partenariats
avec plusieurs artisans locaux et supermarchés des alentours pour faire
fonctionner l'économie du département.
Concernant la médiatisation du festival, plusieurs
médias de masses mettent en avant et diffusent le festival de
manière plus ou moins pertinente. Le journal régional
Ouest-France soutient également le festival depuis le début par
des articles sur l'aspect musical et culturel ou sur l'aspect organisationnel,
de sécurité et de sûreté. Encore une fois, le Dub
Camp est un
97
exemple parfait sur la médiatisation de cette culture
puisque des médias nationaux comme France 3, Le Monde, Libération
ou Télérama ont rédigé des articles.
Pour conclure le compte rendu de cet entretien, l'exemple de
ce festival confirme que les institutions ne sont pas réticentes
à la culture sound system quant au soutient qu'elles leurs apportent et
à la mise à disposition du site de Joué-sur-Erdre.
98
Annexe 2 - Schéma des différentes
fréquences sur un sound system

Annexe 3 - Vidéo accélérée
de l'installation du sound system de Stand High Patrol, Rennes - (Hyperlien
disponible en cliquant sur l'image)

99
Annexe 4 - Affiche du Dub Camp Festival 2018

100
Annexe 5 - Plan du site du Dub Camp Festival 2018

Annexe 6 - Photographies de deux sound systems
jamaïcains

Duke Reid - Trojan Sound System - Jamaïque
(1951)
Coxsone Dodd - Sir Clement Downbeat - Jamaïque
(1954)
Annexe 7 - Aperçu du carnaval de Notting Hill,
Londres

OBF SOUND SYSTEM GENÈVE
DUBATRIATION SOUND SYSTEM
DIJON
102
Annexe 8 - Photographies des sound systems des acteurs
interviewés
KING HI-FI SOUND SYSTEM
LYON
LEGAL SHOT SOUND SYSTEM
RENNES
BRAINLESS SOUND SYSTEM
BOURG EN BRESSE
STAND HIGH PATROL SOUND SYSTEM
RENNES

Annexe 9 - Sélection de visuels
d'événements placés dans leur ordre d'apparition160

GARANCE REGGAE FESTIVAL
|
TELERAMA DUB FESTIVAL
|
DUB STATION
(MARSEILLE)
|
NANTES DUB CLUB
(NANTES)
|
GET UP ! SESSION
(NANTES)
|
DUB ECHO
(LYON)
|
REGGAE SUN SKA
(BORDEAUX)
|
NO LOGO FESTIVAL
(FRAISANS)
|
103
REGGAEBUS FESTIVAL
(CHARLEROI, BELGIQUE)
|
DUB CORNER DOUR FESTIVAL
(DOUR, BELGIQUE)
|
ROCK EN SEINE FESTIVAL
(PARIS)
|
PROTECT THE DUB
(DIJON)
|

160 L'ensemble de ces visuels ont été choisis par
simple goût personnel pour donner une image de ce que les organisateurs
ou collectifs organisent en relation avec la culture sound system.
104
Annexe 10 - Extrait du Décret n° 2017-1244
du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques
liés aux bruits et aux sons amplifiés
JORF n°0185 du 9 août 2017 Texte
n°22
Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017
relatif à la prévention des risques liés aux bruits et
aux sons amplifiés
Public : exploitants, producteurs, diffuseurs et responsables
légaux de lieux accueillant des activités impliquant la diffusion
de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés.
Objet : règles visant à protéger
l'audition du public exposé à des sons amplifiés à
des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou
recevant du public, clos ou ouverts, ainsi que la santé des riverains de
ces lieux.
Entrée en vigueur : les dispositions du décret
s'appliquent aux lieux nouveaux mentionnés au I de l'article R. 1336-1
dès la parution de l'arrêté prévu aux articles R.
1336-1 du code de la santé publique et R. 571-26 du code de
l'environnement et, pour ceux existants, un an à compter de la
publication du même arrêté et au plus tard le 1er octobre
2018 .
Notice : le décret détermine les règles
visant à protéger l'audition du public exposé à des
sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans
les lieux ouverts au public ou recevant du public, clos ou ouverts, ainsi que
la santé des riverains de ces lieux. Les dispositions s'appliquent aux
lieux diffusant des sons amplifiés à l'intérieur d'un
local mais également en plein air, tels que les festivals.
Le texte définit notamment les niveaux sonores à
respecter au sein de ces lieux, ainsi que leurs modalités
d'enregistrement et d'affichage. Il détermine les mesures de
prévention des risques auditifs tels que l'information du public, la
mise à disposition de protections auditives individuelles et la mise en
place de dispositions permettant le repos auditif. Enfin, ce texte regroupe les
dispositions relatives à la prévention des risques liés au
bruit au sein d'un seul et même chapitre du code de la santé
publique.
Références : le décret est pris pour
l'application de l'article 56 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de
modernisation de notre système de santé. Les dispositions du code
de la santé publique modifiées par le présent
décret peuvent être consultées, dans leur rédaction
résultant de cette modification, sur le site Légifrance (
http://www.legifrance.gouv.fr).
105
Annexe 11 - Les sound systems sont utilisés dans
de nombreux événements : Plusieurs chars de la Biennale de la
Danse, Lyon - 16 septembre 2018

106
Bibliographie
ARTICLES EN LIGNE
CASES-REBELLES « Cycle Histoire des musiques
caribéennes : le Mento » Cases-Rebelles, mars 2013
[en ligne]. Disponible sur :
https://www.cases-rebelles.org/cycle-de-musiques-caribeennes-le-mento/
MULLER Philippe, « L'évolution de la musique
jamaïcaine et des sound systems, partie 1 », Dub Camp Festival,
23 juin 2017 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.dubcampfestival.com/levolution-de-la-musique-jamaicaine-et-des-sounds-systems-part-1/#
edn1
CARAYOL Sébastien, « Hedley Jones, père des
Premiers sound systems » Philharmonie de Paris, 17 mai 2017 [en
ligne]. Disponible sur :
https://philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/hedley-jones-pere-des-premiers-sound
systems
GUEUGNEAU Christophe, Jamaïque, 1950-1968. « Naissance
d'une nation... du sound system » Mediapart, 2 août 2011[en
ligne]. Disponible sur :
https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/020811/jamaique-1950-1968-naissance-d-une-nation-du-sound
system
ONE SIX SIX « Ce que la techno et la house doivent au Dub
» One-one-six [en ligne]. Disponible sur :
https://one-one-six.fr/ce-que-la-techno-et-la-house-doivent-au-dub/
BINET Stéphanie, « Les sound systems, plus qu'un son,
une religion », Le Monde, 21 juin 2013 [en ligne].Disponible sur
:
https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/20/les-sound
systems-plus-qu-un-son-une-religion 3433082 3246.html
SAMARRA BLOG « Sound-system: miroir du petit peuple
jamaïcain », Samarra Blog, mai 2016 [en ligne]. Disponible
sur :
http://samarrablog.blogspot.com/2015/05/sound-system-miroir-du-petit-peuple.html
107
GUEUGNEAU Christophe, « Comment la Jamaïque a «
colonisé » la musique britannique » Mediapart, 9
août 2011[en ligne]. Disponible sur :
https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/210711/comment-la-jamaique-colonise-la-musique-britannique
RYCKWAERT Maxime, « Immersion dans l'univers sound system
anglais avec Aba Shanti I et Channel One », Pinata Mag, 27
novembre 2016 [en ligne]. Disponible sur :
https://pinatamag.com/abashantichannelone/
HUTCHINSON Kate, « Un peu d'histoire : les racines de
Notting Hill », Redbull, 21 août 2013 [en ligne].
Disponible sur :
https://www.redbull.com/fr-fr/notting-hill-carnival-history-lloyd-bradley-1974
BEN Rubens, « Les plus beaux sound systems du carnaval de
Notting Hill 2016 », Traxmag, 5 septembre 2016 [en ligne].
Disponible sur :
http://fr.traxmag.com/article/36223-les-plus-beaux-sound
systems-du-carnaval-de-notting-hill-2016
DEMOULIN Anne, « Comment Margaret Thatcher est à
l'origine des raves et des free parties ? » 20minutes, 8 juillet
2018 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2304067-20180708-video-rave-fait-toujours-rever-comment-margaret-thatcher-origine-raves-free-parties
RHODES Duncan, « The Love is back... », Local
Life, 12 janvier 2007 [en ligne]. Disponible
sur :
https://www.local-life.com/berlin/articles/berlin-love-parade
BARBIER Sarah, « High Tone : Le Dub est le grand-père
de la musique électronique », La Nuit Magazine, 7 juin
2018 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.lanuitmagazine.com/high-tone-dub-grand-pere-de-musique-electronique/
MUSICAL ECHOES, « Emmanuel « Aku-Fen (Dub Invaders) :
« Le sound system est lié à l'histoire de la culture
underground !» », Musical Echoes, 22 septembre 2016 [en
ligne]. Disponible sur :
https://musicalechoes.fr/2016/09/aku-fen-dub-invaders-le-sound-system-est-lie-a-lhistoire-de-la-culture-underground/
108
Ju-Lion, « OBF : trois lettres majeures »,
Reggae, 7 novembre 2016, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.reggae.fr/lire-article/3698
OBF---Trois-lettres-majeures.html
BARBIER Sarah, « Interview : Stand High Patrol revient
sur A Matter Of Scale », 11 juillet 2016 [en ligne]. Disponible
sur :
https://www.lanuitmagazine.com/interview-stand-high-patrol-revient-sur-a-matter-of-scale/
Onglet «Association» du site de l'association Get Up !
« Présentation de l'association », AssoGetUp, [en
ligne]. Disponible sur :
https://www.assogetup.com/association/
THOUAULT Bertrand, « Le Dub camp abrite la galaxie sound
system », Jactiv Ouest France, 20 juillet 2018, [en ligne].
Disponible sur :
http://jactiv.ouest-france.fr/sortir/musique/dub-camp-abrite-galaxie-sound-system-87206
WELFRINGER Laura, « Baisse du niveau sonore en concert :
«Il y a des salles où on ne pourra techniquement plus jouer»
», FranceInfo, 18 août 2017 [en ligne]. Disponible sur :
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/baisse-du-niveau-sonore-en-concert-il-y-a-des-salles-ou-on-ne-pourra-techniquement-plus-jouer
2325883.html
DE LA FUENTE Mathias, « Retour sur l'édition 2018 du
Dub Camp Festival », Nova, 6 août 2018 [en ligne].
Disponible sur :
http://www.nova.fr/retour-sur-ledition-2018-du-dub-camp-festival
NICOLAS André, « « Les marchés de la
musique enregistrée » Cité-musique, 2011, p. 13,
[en ligne]. Disponible sur :
http://rmd.cite-musique.fr/observatoire/document/MME_S12011.pdf
PÉGUILLAN Frédéric, « Le dub en cinq
mots-clés », Télérama, 31 octobre 2013 [en
ligne]. Disponible sur :
https://www.telerama.fr/musique/le-dub-en-cinq-mots-cles,104460.php
220 Sound System, « Lexique Sound System »,
Dancehall Attitude, 2010 [en ligne]. Disponible sur :
http://dancehallattitude.free.fr/Artistes/artistessoundsystem220.html
109
HISTOPHILO, Mouvement Rastafari » Histophilo, 9
mars 2010 [en ligne]. Disponible sur :
http://www.histophilo.com/mouvement
rastafari.php
Dico du rasta, « Riddim », [en ligne]. Disponible sur
:
http://gismo6080.over-
blog.com/article-1414610.html
KROUBO Jérémie, « Retour aux sources : les
origines du ska », Reggae, 2 février 2007 [en ligne].
Disponible sur :
http://www.reggae.fr/lire-article/889_Retour-aux-sources---les-origines-du-ska.html
PODCASTS
MAILLOT Élodie, « Les liens du son (3/5) - Sound
systems et free parties » France culture, 23 août 2017 [en
ligne]. Disponible sur :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-series-musicales-dete/les-liens-du-son-35-sound
systems-et-free-parties
MAILLOT Élodie, « Jamaïque, au coeur des Sound
Systems» France culture, 8 août 2011 [en ligne]. Disponible
sur :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-series-musicales-dete/les-liens-du-son-35-sound
systems-et-free-parties
SITES INSTITUTIONNELS
Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles
en Pays de la Loire « Association Get Up ! « Adhérents - Get
Up ! », Le Pôle 2013 [en ligne]. Disponible sur :
https://lepole.asso.fr/adherents/2165/
Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles
en Pays de la Loire « Le Dub Camp est primé ! », Le
Pôle, 24 janvier 2018 [en ligne]. Disponible sur :
https://lepole.asso.fr/article/1711/le-dub-camp-festival-est-prime
Le Pôle de Coopération pour les Musiques Actuelles
en Pays de la Loire « Dub Camp Festival, Nature et Sound System »,
Le pôle, 16 août 2015 [en ligne]. Disponible sur :
https://lepole.asso.fr/article/1200/dub-camp-festival
OUVRAGES
BRADLEY Lloyd (2000), Bass Culture, quand le reggae
était roi, Paris, Allia, 2017, p.21
CHAMBERLAIN Joshua Sound system, la voix du peuple
jamaïcain, Catalogue de l'exposition Jamaïca Jamaïca, 6
avril 2017, p.34
AUGRAND Alexandre, Le DJ, médiateur de transferts
culturels dans la Dance Culture : Comment des cultures globales sont devenue
globale. Thèse de doctorat de sciences de l'Homme et de la
Société, Université de Paris-Saclay, sous la direction de
Damien Ehrhardt, 24 novembre 2015, p. 50
VENDRYES Thomas, « Wi likkle but wi tallawah ! »
L'écho musical d'une petite île des Caraïbes, Volume, vol.
13:2, no. 1, 2017, pp. 7-23.
VIDÉOS
GONACH Alexandre, United We Stand, part. 1, 2016,
documentaire.
110
HENZELL Perry, The Harder They Come, 1972, film
|