Résurgence des débats académiques
: Quelles évolutions
théoriques pour la politique
monétaire ?
« Il y a donc eu un naufrage intellectuel de la
doctrine monétaire en vigueur depuis les
années 1980 » M. Aglietta
(2013)
Il paraît clair que les autorités
monétaires ont eu beaucoup de mal à gérer la
récente crise. Il faut dire que cette dernière a pris une telle
ampleur que malgré toute la bonne volonté des politiciens, il en
fallait payer le prix et ce prix s'est révélé bien
élevé.
Selon les conclusions de Claudio BORIO, directeur du
département économique et monétaire à la B.R.I.,
reprises par M. Aglietta, « la doctrine monétaire a
été anéantie par les faits » et « les dogmes qui
la supportent ont été réfutés par la crise ».
Il énumère ces dogmes :
- « la stabilité des prix est une condition
suffisante de la stabilité macroéconomique
- la stabilité des prix est séparable de la
stabilité financière, donc la politique monétaire ne doit
avoir aucune part dans cette dernière
- le taux court piloté par la Banque centrale est
l'instrument pertinent unique de la politique monétaire ;
- les banques centrales n'ont à s'occuper que de
l'économie domestique. Les taux de change flexibles guidés par
les écarts de taux d'intérêt rendent le monde entier
stable. »
Dans un cheminement fragile vers la sortie de crise, de
nombreuses questions se posent encore. Notamment celles de savoir si cette
crise aurait pu être évitée si la banque centrale avait
adopté une meilleure stratégie, ou encore celle qui divise la
pensée à propos de savoir comment la banque centrale doit
gérer le problème des dettes souveraines et cela, plus
particulièrement dans une Europe hétérogène.
De nombreux intellectuels se questionnent surtout sur
l'optimalité de la règle de politique monétaire, et de
nombreux travaux tendent à démontrer la sous-optimalité de
la stratégie des banques centrales en ce sens qu'elles sous-estiment
l'importance fondamentale de certaines variables dans la définition de
leurs objectifs intermédiaires.
40
TITRE 1 : Politiques monétaires et
stabilité sur les marchés financiers
On le sait, les fluctuations sur les marchés
financiers jouent un rôle majeur dans l'ajustement
macroéconomique. Les travaux microéconomiques, pourtant
très nombreux, ont encore du mal à se regrouper dans l'optique de
permettre une fine compréhension de la façon
dont les chocs sur ces marchés financiers se transmettent à
l'économie réelle à travers l'enchainement des
décisions des différents agents économiques.
Les marchés financiers complètent le
marché monétaire dans l'allocation des financements dans les
économies. Les crises durables qui atteignent la sphère
financière impliquent forcément un déséquilibre
plus ou moins important sur le marché monétaire ce qui peut
générer dans des cas assez rares, des crises globales, durables
et coûteuses comme celle que nous vivons actuellement.
Les banques centrales ont un rôle majeurs dans la lutte
contre l'expansion des crises, principalement en assurant la fourniture des
liquidités suffisantes pour enrayer les contractions sur ces
marchés et diminuer les frictions ; cela, afin d'éviter que les
crises financières ne se transforment en crises globales.
La stratégie que les autorités
monétaires adoptent vis-à-vis de ces phénomènes est
celle du « cleaning aftermath », laquelle consiste
en une intervention dès l'occurrence d'une crise, mais à une
neutralité vis-à-vis des fluctuations sur les marchés
financiers avant la crise ; cela, conformément à
l'hypothèse de stabilité des marchés en
cas de la réalisation de la stabilité de la monnaie.
Un premier sujet phare revient donc au goût du jour et
au vu des événements récents. Il s'agit du lien effectif
entre la stabilité financière et la stabilité
monétaire.
Le principe de séparation entre la politique
monétaire et la politique prudentielle est soumis à une
sévère réévaluation. Nous nous intéresserons
dans cette première partie, à comprendre l'ampleur de ce
débat et ses implications en termes d'évolution probable du
mandat des banques centrales.
Afin de traiter ce sujet, nous décrirons dans un
premier temps la relation entre la dynamique de la politique monétaire
et celle des marchés financiers, en mettant l'accent sur les influences
des marchés financiers sur l'efficacité de la politique
monétaire.
Dans un second temps, nous nous demanderons dans quelles
mesures le mandat des banques centrales devrait être étendu.
Enfin, dans un dernier temps, nous nous demanderons de quelle
façon les objectifs de la politique monétaire et ceux de la
politique prudentielle pourraient être alignés.
41
I. Le rejet de l'hypothèse de stabilité
financière : une relation à
double sens entre dynamique
financière et politique monétaire
Il s'agit ici de décrire plus en détail la
relation qu'il existe entre le choix des agents sur les marchés
financiers et les décisions de politique monétaire. Cette
relation est à double sens et comporte de multiples facettes.
Jusqu'à présent, les autorités
chargées de la politique monétaire ne semblaient, pour juger du
fonctionnement des marchés financiers, n'apporter de
l'intérêt qu'à ce qui a été défini
comme le canal du taux d'intérêt et à celui du prix des
actifs. Ce dernier entrant dans le lot des nombreuses données retenues
pour l'analyse économique qui supportent leurs décisions.
Comme nous l'avons dit précédemment, le choix
de la banque centrale de ne pas considérer dans ses décisions la
dimension complexe et la nature instable de la dynamique financière, est
en réalité justifié par son attachement de ne cibler leur
politique que sur l'objectif de stabilité des prix et ainsi, de ne
retenir dans sa dynamique de décisions que les considérations qui
impliquent un risque pour la stabilité des prix. Dans cette optique, les
taux d'intérêt sur les marchés et le prix des actifs, de
par leurs implications en termes d'accès à la liquidité
pour le premier et d'effet richesse/pauvreté pour le second, constituent
des paramètres importants pour la politique monétaire en ce sens
qu'ils ont une influence indirecte sur les prix.
Mais la relation entre politique monétaire et
stabilité financière est bien plus complexe que cela et le
fonctionnement même de ces principaux canaux est en réalité
plus ambigu, notamment en période
d'instabilité.
Les travaux économiques récents ainsi que
l'expérience de la récente crise mettent en avant quelques
principaux résultats qui sont des résultats de base sur lesquels
la doctrine monétaire doit en partie être repensée.
- L'importance du canal de la prise de risque
dans l'occurrence de crises financières, lequel avait
été jusqu'alors écarté
- La stabilité du système financier est
une condition de stabilité de la monnaie et non pas son
résultat. Et inversement.
- Il existe dans une certaine mesure une relation
négative entre les objectifs de stabilité monétaire et de
stabilité financière
- Il existe un lien étroit entre
système bancaire et financier qui implique l'existence
d'une chaine complexe de transmission des risques
- Les crises financières ne se résorbent pas
toujours seules et les coûts économiques de ces crises peuvent
être énormes
42
1. Le nouveau visage de la finance
Le paysage financier n'est plus le même qu'il y a 50
ans, lorsque la politique monétaire avait alors décidé de
ne se préoccuper que de l'inflation et de supposer l'efficience des
marchés financiers.
Le fort développement des marchés, la
levée des contraintes sur leur fonctionnement, leur globalisation et
l'actualisation quasi immédiate des cours des actifs et des informations
ont permis à un grand nombre d'investisseurs de rejoindre ce
marché. Les perspectives de gains sont beaucoup plus grandes sur ces
marchés ce qui fait qu'ils attirent une très grande partie des
capitaux financiers notamment lorsque les rendements des placements bancaires
deviennent relativement moins intéressants. Aux USA et en UK, les
marchés représentent le principal moyen d'obtenir des fonds
importants tandis qu'en Europe, les banques restent maîtres des
ressources financières. Les marchés ont la caractéristique
d'être beaucoup plus sensibles aux chocs, même de faible envergure
entrainant des fluctuations continues et parfois importante. Cette
volatilité des prix des actifs est en grande partie associable à
des comportements spéculatifs et d'imitation. Certaines fois, la
formation de bulles spéculatives ou l'augmentation inattendue du
scepticisme (aversion au risque) peuvent paralyser ces marchés et porter
un coup plus ou moins important à l'économie dans son
ensemble.
Aujourd'hui, les marchés financiers se sont tellement
développés que leur fonctionnement est devenu très
complexe avec notamment les émissions de produits financiers
structurés dont les risques réels sont très difficiles
à identifier. Cependant, les taux élevés de rendement
qu'ils proposent rend intéressant leur détention.
De nombreuses plateformes parallèles ainsi que de
nouvelles formes d'intermédiation se sont aussi
développées, dont certaines plus ou moins opaques comme les
activités de « shadow banking » qui ne sont soumises à
aucune réglementation et dont les opérations
réalisées ne sont couvertes par aucune assurance des
dépôts et sont de ce fait plus risquées.
La multiplication des activités de shadow banking est
une innovation très inquiétante pour la stabilité du
système financier et économique. En effet, ce marché de
l'ombre est particulièrement sensible puisqu'il n'est couvert ni par des
assurances dépôt, ni par la banque centrale, ni par l'Etat.
L'activité sur ce marché consiste au financement non
réglementé des agents économique. Mais le plus grand
danger de ce marché réside dans l'identité de son
participant, la nature des actifs qu'ils émettent et le volume de la
liquidité qu'il gère. En effet, il s'agit souvent de
société de holding bancaire dont l'actif est souvent
composé sur la base de titrisation de créance par des banques
souvent très importante dans le fonctionnement du marché bancaire
et de l'investissement ; mais aussi des fonds de pensions, fonds
monétaires ainsi que d'autres agents dont la pérennité est
aussi importante pour le système. S'y échange des titres
présentant de hauts risque comme par exemple les CDS (« credit
default swaps ») qui ne bénéficient en réalité
qu'une faible assurance ou des opérations a haut risque
systémique comme des engament entre participant du dit marché.
43
Enfin, de nombreuses sociétés
financières, souvent dérivées de grandes
sociétés à dimension internationale, ainsi que de
nombreuses SICAV et fonds de pension voient le jour et attirent une grande
partie de l'épargne publique avec de meilleurs rendements mais aussi de
plus grands risques. Les investissements les plus rentables mais aussi les plus
risqués sont ceux proposé par des fonds d'investissement
alternatifs qui ne répondent à aucun benchmark, utilisent des
leviers très importants et financent très souvent des actifs de
long terme sur la base d'actifs de court terme.
Aujourd'hui, les principaux dealers sur les marchés
financiers sont de grandes banques d'investissement ainsi que les principales
banques commerciales de la planète. Ces institutions financières
y sont très actives et prennent des positions pour des volumes de
liquidité très importants.
Tous ces acteurs s'échangent des créances, des
dettes, des devises, des engagements à termes, des produits d'assurance
etc. qui sont soumis à cotation de telle sorte qu'un actif acheté
aujourd'hui puisse ne plus rien valoir demain, ou qu'un grand volume
d'obligations subissent un choc négatif et engage des pertes importantes
chez son détenteur.
Enfin, les investisseurs sur les marchés cherchent
généralement des placements à court terme pour leurs
excès de liquidités puisqu'à long terme ils ne sont pas
protégés d'un choc de liquidité.
Le but de ce rappel est de permettre au lecteur de se rendre
compte de l'importance que représentent les marchés dans la
stabilité économique puisque :
- Ils sont composés d'institutions dont la
pérennité est indispensable pour le bon fonctionnement
économique
- Comportent des risques de pertes sur investissement
très importants
- Qu'une majeure partie de la liquidité disponible
pour le financement de l'économie se retrouve sur ces marchés
- Qu'une partie croissante des opérations n'y est pas
contrôlée
- Que l'imbrication des participants au marché
implique des risques systémiques très importants en cas de
crise
Aussi, le point important à souligné est que,
comme les banques sont des participantes importante sur ces marchés,
alors on peut en déduire que les canaux du taux d'intérêt
et du crédit sont intimement liés et donc que le blocage de l'un
engage celui de l'autre.
Cela implique que la politique monétaire fait face
à un double défi lorsque seulement l'un ou l'autre de ces
secteurs entre en crise.
44
Cette présentation rapide rappelle pourquoi la
stabilité financière est essentielle pour la stabilité
économique.
2. Le retour de l' « hypothèse
d'instabilité intrinsèque » de la finance
Si nous avons décidé de donné des
détails sur cette approche formulée par Hyman Minsky en 1986,
c'est bien par ce qu'il est clair que les marchés financiers n'ont pas
été docilisé par la stabilité monétaire
puisque la formation de la récente crise se faisait alors même que
les pays connaissait une inflation très faible et maîtriser depuis
déjà plusieurs années. On se questionne alors sur le
fonctionnement effectif des marchés financiers et les origines de ses
instabilités. Cela afin de réévaluer de façon plus
juste l'importance des fluctuations sur ces marchés dans la direction de
la politique monétaire actuelle.
2.1. Les causes de
l'instabilité
La théorie d'Hyman Minsky est basée sur le fait
que les participants aux marchés ont une aversion au risque très
variable et qu'il est donc minimisateur de considérer que leur choix et
leurs réactions puissent être modélisés de
façon linéaire. Le risque a donc un prix variable qui est
fonction du degré d'aversion au risque des agents de telle sorte que
pour un actif risqué donnée, le prix que sera prêt à
payer un agent amateur de risque sera supérieur à celui d'un
agent averse au risque. Pour les actifs du marché obligataire, le prix
du risque correspond au niveau du taux d'intérêt exigé par
les agents. Dans tous les cas, les prix des actifs financiers sont
décroissants du degré d'aversion au risque moyen des
participants.
Cette hypothèse implique que l'augmentation soudaine
de l'aversion au risque sur le marché engendre un éloignement des
cours de leur valeur fondamentale et une augmentation des taux obligataires,
dont l'ampleur peut être très importante en fonction de
l'importance des asymétries d'information sur les marchés
lesquelles engendrent des défauts de coordinations.
Selon cette théorie d'instabilité
intrinsèque de la finance, dans ce contexte de forte sensibilité
des prix du risque aux choc pouvant se produire sur le marché, il faut
aussi considérer que le fonctionnement fondamental du marché
produit des « vulnérabilités » qui vont être la
cause même du déclenchement périodique des crises. Ces
vulnérabilités sont les suivantes :
- Des déséquilibres de terme entre le passif et
l'actif dans le patrimoine des agents
- L'augmentation de l'endettement des participants dans le
but d'investir sur des actifs porteurs
- La difficulté à retracer les origines des
actifs échangés et donc à estimer les risques réels
associés à la détention ces actifs
45
- Le développement des engagements croisés entre
une multitude d'agents qui a pour conséquence d'augmenter les risques
systémiques
2.2. Les crises comme conséquences de
l'accumulation des vulnérabilités
L'analyse décrit les enchaînements du cycle
financier de la façon suivante :
Au début du cycle financier, les valeurs des actifs sont
stables et proches de leur valeur
fondamentale, le prix du risque est faible,
Le marché attire les investisseurs et la valeur des
titres augmentent,
Les participants profitent d'un effet richesse qui se transmet
à l'économie réelle.
Les banques et les autres intermédiaires, voyant les
valeurs patrimoniales augmenter,
accroissent les volumes de prêts, Et placent leur
excédent de capital sur le marché.
Il s'agit du début de la phase d'endettement des
agents privés.
Une partie de ces emprunts se retrouve sur le marché et
les investisseurs accroissent leurs
bénéfices en profitant des effets de leviers
permis par la dette,
La confiance dans la croissance des valeurs mobilières
incitent les agents à acquérir de plus en
plus d'actifs avec des ressources de moins en moins durables.
La demande de capitaux s'intensifie et les emprunteurs
fournissent en garantie des emprunts
qu'ils contractent des titres qu'ils détiennent
(prêts sur titres),
L'euphorie continue d'attirer des investisseurs, les prix des
actifs continuent de grimper autant
que les risques de marchés,
De nouveaux actifs sont diffusés pour répondre
à la demande des investisseurs, lesquels n'ont
souvent aucun support tangible,
La bulle spéculative est alors formée et
les risques systémiques sont élevés.
De l'euphorie à la panique...
Un choc exogène sur le marché incite les
investisseurs ayant les positions les plus lourdes à se
débarrasser des actifs les plus risqués. Ils transmettent un
signal négatif à l'ensemble du marché
Les autres agents cherchent à se débarrasser
à leur tour des actifs risqués, la valeur de ces actifs
s'effondre rapidement et le prix du risque augmente. La panique se transmet
à l'ensemble des actifs.
Les agents s'étant fortement endettés et les
institutions financières très engagées sur le
marché et dont le patrimoine se trouve dévalué, ne
trouvent plus suffisamment de financement pour maintenir leur
solvabilité. Leur risque de défaut augmente.
Les risques de défaut engagent le bilan de l'ensemble des
participants du marché du fait des multiples engagements croisés
qui ont été engendré par l'euphorie.
Le marché financier ne fonctionnement plus, les
liquidités sont gelées, les banques ayant subit des pertes en
capital, essaient de rétablir leur équilibre financier en
limitant les volumes de crédit, en augmentant les taux
d'intérêt, en diminuant les échéances ou en
rationnant le crédit.
46
Nous connaissons bien les implications pour la croissance,
l'emploi et la stabilité des prix. Ces enchainements très
dommageables sont encore plus importants dans les pays ou les marchés
sont très développés puisque les risques concernent
directement les ménages moyens. La banque centrale doit alors se
soustraire au marché de gros de la liquidité alors
paralysé afin d'enrayer le développement des crises et
d'éviter que celles-ci n'entrainent des phénomènes de
déflation.
3. La responsabilité de politique monétaire
dans les crises financières :
Le canal de la prise de risque, un canal jusqu'alors
sous-estimé
3.1. Fonctionnement du canal de la prise de
risque
Une politique monétaire qui a comme seul objectif le
maintien d'une inflation basse et stable favorise une diminution forte du prix
du risque et une accumulation de vulnérabilités.
Le « risk-taking channel » doit
être considéré, à l'instar des canaux de taux
d'intérêt et de crédit, comme un canal de transmission
important de la politique monétaires au marché financier.
Celui-ci agit négativement sur les marchés dans le sens où
l'objectif de stabilité des prix et en contradiction avec celui
d'accalmie sur les marchés. Comment fonctionnent ce canal ?
Politique monétaire bien maîtrisée,
une stabilité illusoire...
Nous savons qu'un taux d'intérêt directeur plus
bas impliquent une hausse de la valeur des actifs et des collatéraux
(canal du prix des actifs) et donc une plus grande attractivité des
marchés (formation de bulles spéculatives), une tendance à
l'augmentation du niveau d'endettement des agents et à l'augmentation de
la taille des bilans des banques et intermédiaires financiers comme nous
avons pu le voir dans les sections précédentes.
Notons aussi que, en période d'expansion sur les
marchés, les fluctuations des prix restent modérées
puisque les prix du risque diminuent avec la hausse du prix des titres.
C'est l'illusion de stabilité qui va conduire
à l'euphorie.
Faiblesse des taux d'intérêt et incitation
à la prise de risque...
Aussi, des taux d'intérêt directeurs faibles,
incitent les agents à rechercher plus de rentabilité en
s'adressant au marché et en recherchant des actifs dont le couple
rendement - risque est plus élevé. Ces agents se tournent
principalement vers des fonds financiers comme les fonds de pension ou
d'assurance vie, lesquels ont des activités très actives sur les
marché et contribue de façon très importante à son
fonctionnement.
Enfin, des taux faibles permettent à des emprunteurs
risqués de pouvoir avoir accès au crédit ce qui augmente
le risque de défaut global du système. On peut
généraliser en disant que la
47
stabilité va créer une augmentation du volume de
crédit accordé à l'économie
(phénomène de surendettement). L'épisode de la crise des
subprimes en est un excellent exemple.
3.2. Preuve de l'existence du canal de la prise de
risque : approches empiriques
Nous présentons les récentes études
ayant été réalisées et qui mettent en avant
l'existence d'un tel canal :
Paligorova et Santos (2012) tentent
d'identifier les effets qu'a eu la politique monétaire américaine
sur l'incitation à la prise de risque dans la période
précédent la crise des subprimes. Ils trouvent que non seulement
la prise de risque a énormément augmentée avec le maintien
des taux directeurs à de faibles niveaux ; Mais aussi que le volume
moyen des prêts accordés a subit une forte hausse et que les
coûts moyens d'emprunt ont globalement beaucoup diminués. Leur
résultat le plus surprenant est qu'il semblerait que les coûts
d'emprunt des clients à risque aient été très
proche et souvent plus faibles que des clients moins risqués. Cela
pourrait s'expliquer par l'existence de conditions spécifiques pour ces
premiers contrats (ex : prêt garanti, terme de remboursement, taux
variable etc.)
Ioannidou, Ongena et Peydró (2009)
observent les effets de la politique monétaire américaine sur le
comportement de prêt des banques boliviennes sur la période de
1990 - 2010, ils trouvent qu'en période de taux bas, la
différence entre les taux de prêt risqués et ceux des
autres prêts diminue de façon notable.
Damar, Meh et Terajima (2010), sur la base
de travaux empiriques, démontrent l'existence d'une corrélation
positive forte entre la hausse des valeurs des actifs et la hausse des leviers
financiers. (cf. conséquence du canal des actifs sur le risque)
Jiménez et autres (2008) cherchent
à identifier les conséquences des décisions de la BCE sur
le niveau de risque des prêts accordés par les banques espagnoles
entre 1988 et 2008. Ils trouvent que les volumes de crédit augmentent
avec la baisse des taux d'intérêt mais encore que la proportion la
plus risquée des crédits accordés est majoritairement
émise par les banques les moins capitalisées.
4. L'efficacité limitée des politiques
monétaires pour empêcher la propagation des crises
financières
Comme nous l'avons bien mis en avant dans les sections
précédentes, l'économie réelle est très
fortement dépendante de la stabilité sur les marchés
financiers du fait du « nouveau visage de la finance » et du
fonctionnement du canal de la prise de risque. Une fois qu'une bulle
spéculative éclate, la propagation de la crise financière
à la crise globale est très rapide et les politiques
monétaires se trouvent souvent dépassées par la
rapidité des enchaînements.
48
Ce qu'il est important de mettre en avant ici, c'est que la
politique monétaire n'a pas seulement une certaine responsabilité
dans la formation des crises financières mais qu'aussi, les crises
financières peuvent impacter fortement l'efficacité des
politiques monétaires, notamment via les blocages des canaux de
transmission. Les coûts économiques concernent alors à la
fois le court terme, mais aussi, dans un pareil cas engendrent des risques
graves pour la stabilité des prix, dont l'importance est capitale pour
le bon fonctionnement de l'économie. Les banques centrales doivent faire
face à la fois aux problèmes de pertes immédiates et aux
risques pesant sur les prix avec des outils qui n'ont qu'une faible
portée en période de crise généralisée.
La récente crise nous donne quelques leçons
supplémentaires afin de comprendre l'impuissance partielle de la
politique monétaire à engager la sortie de crise :
- En période de crise financière, le canal du
taux d'intérêt est en partie bloqué. Même des taux
d'intérêt très faibles peinent à orienter à
la baisse les taux d'intérêt réels de long terme. De plus,
ces crises s'accompagnent de hausse des primes de risques et cette augmentation
peut être tenace malgré l'engagement des banques centrales.
- La crise de confiance généralisée et
les incertitudes pesant sur l'avenir atteint le secteur bancaire selon les
mécanismes cités plus haut. On connait les implications de tels
phénomènes. On comprend pourquoi la situation européenne
présente un grand défi pour la BCE.
- Une fois la crise installée, les recettes
budgétaires diminuent et les déficits publics augmentent. Cela
à deux effets qui contrarient l'efficacité des politiques
monétaires que sont l'augmentation des taux sur dettes souveraines.
Depuis la crise, les doutes formulés sur la solvabilité des Etats
font pression sur les taux d'intérêt obligataire et sur les
valeurs patrimoniales. Les Etats ne peuvent non seulement plus soutenir les
économies en crise mais sont pris dans un cercle vicieux de
surendettement (dans le cas de ceux qui ne bénéficie pas
d'excédents assez élevés). Des plans d'assainissements
budgétaires ont même été massivement entrepris en
Europe. Ce qui jouera hélas dans le sens de la déflation et du
chômage.
- Dans les cas où les anticipations d'inflation serait
mal ancrée, la déflation induite par les crises, engagerait des
anticipations de déflation, la hausse des intérêts
réels, l'augmentation des charges de l'endettement et donc
l'approfondissement de la récession (Cf. PARTIE 1 - TITRE 1 pour plus de
détail sur la déflation et les anticipations)
Une déduction logique des quatre
précédentes remarques est que l'ancrage des anticipations
d'inflation ne suffit pas à rassurer une économie en proie
à une forte crise de confiance
Ces faits nous rappellent avec force qu'une crise sur les
marchés financiers peut engendrer des scénarios catastrophiques.
Les politiques monétaire en sont même venu à renier en
partie leur principes d'indépendance lorsqu'on constate qu'elles sont
intervenus sur les marchés obligataire pour racheter de grands volumes
de dettes souveraines et de titres privés jugés risqués
tels que des ABS ou MBS (USA).
En plus des conséquences macroéconomiques des
crises financières et du biais d'inefficacité des politiques
monétaires qu'elles engendrent, les banques centrales peuvent
elle-même se retrouve en danger puisque :
- Le recours aux politiques non conventionnelles
dégrade leurs bilans et engage des doute quant à leur
pérennité (Cf. PARTIE 1 - TITRE 2)
- La crédibilité des banques centrales est remise
en doute (Cf. PARTIE 1 - TITRE 2)
- Les risques pesant sur la stabilité des prix sont
énorme puisque de telles politiques impliquent des risques
d'hyperinflation
- Les défis important qu'implique le
désengagement des banques centrales en cas de sortie de crise
49
La richesse du débat depuis l'occurrence de la
dernière crise incite à se demander comment et dans quelle mesure
les banques centrales doivent agir pour assurer les économies contre les
effets de nouvelles crises naissants sur les marchés
financiers.
Cela pourrait obliger les banques centrales à
réviser en partie leur mandat ou du moins la structure de leur
règle de décision de sorte à prendre en compte dans une
proportion plus importante qu'avant, les risques menaçant la
stabilité financière.
Nous discuterons alors ces propositions dans les parties
suivantes
50
II. La révision du mandat des banques centrales
: rejet partiel du principe de séparation entre politique
monétaire et financière.
1. L'objectif de stabilité financière et ses
instruments
Les banque centrales doivent avant tout approfondir leur
connaissance sur la structure des vulnérabilités induites par
l'activité normale du marchés afin de pouvoir empêcher leur
accumulation si elles devaient intervenir, ou du moins mieux les comprendre
pour mieux agir face à une crise financière (selon le point de vu
ou l'on se place). Cela leur permettrait de mieux considérer l'ampleur
qu'auront leurs décisions sur les comportements de marché et les
risques d'occurrence de crise systémique.
1.1. Limites des politiques
prudentielles
La Fed s'est déjà bien engagée dans ce
type de recherche avec les travaux d'économistes comme Adrian et
Ashcraft.
La réglementation prudentielle actuelle ne permet de
régler qu'une partie du problème dans le sens où
même si elle diminue le risque systémique global du
système, elle ne permet cependant pas de maitriser les comportements de
prise de risque des agents et leurs effets sur les actifs financier. En effet,
la réglementation prudentielle ne concerne que les institutions
financières et non l'ensemble des participants du marché.
Remarquons que même dans le cas de ces premières, en
période d'euphorie, la valorisation de leur actif permettant
l'augmentation de la taille de leur bilan, ne va pas dans le sens de l'objectif
initial de la politique prudentielle. De plus, un arbitrage entre coûts
des réserves obligatoires et gains espérés peut toujours
être réalisé par les banques (cf. Rochet 2004).
Alors, malgré l'existence d'une politique
prudentielle, une bulle spéculative peut quand même se former,
vivre et s'effondrer avec l'ensemble des valeurs mobilières.
Il faut alors mettre en oeuvre des politiques qui permettent
de lutter contre ce qu'on appelle « les vulnérabilités
dynamiques » du marché qui, différemment des
vulnérabilités structurelles sus décrite, sont les
conséquences de l'incitation à la prise de risque. Ces travaux
sont cependant aux stades primaires et demandent à être
approfondis.
Dans cette optique, si les banques centrales devaient
jouer un rôle dans l'empêchement de la formation de crises
financières, elle devrait s'équiper de nouveaux
instruments tels que : le droit de faire varier les ratios de levier et de
liquidité bancaires ; afin d'agir de manière
contra-cyclique contre la formation de bulles. Ces instruments auraient pour
effet d'atteindre plus directement les leviers de crédits et les
déséquilibre de terme que ne le peut la réglementation
prudentielle sur les fonds propres. Cette dernière, si elle ne peut pas
toujours
51
éviter les crises, permet tout de même de limiter
l'ampleur des crises systémiques grâce aux réserves
constituées.
Dans la quête de la stabilité financière,
il faudra tout de même sérieusement prendre en compte que des
réglementations, qu'elles soient d'origine monétaire ou
prudentielle, peuvent, si elles sont inadéquates, constituer un frein
à la croissance, ou encore à la reprise économique, ou
pire, elles peuvent précipiter l'explosion de bulles
spéculatives. Par exemple, des politiques trop strictes pourraient
contribuer négativement au retour de l'attractivité du
marché financier ou au déblocage du crédit aux agents
privés.
Il faudrait dès lors que les instruments de
ces politiques puissent être flexibles et soient utilisé par une
institution ayant un pouvoir réglementaire.
1.2. La politique monétaire et l'objectif de
stabilité macro-prudentielle
Avant tout, un repérage et une surveillance des
entités systémiques est à la base d'une intervention
réussie pour lutter contre les effets de l'instabilité
financière.
Selon les travaux de M. Aglietta en 2013, on peut
déjà avancer que dans une telle perspective :
- Les montants de capital réglementaire devront
être fonction de l'aversion au risque moyenne du marché.
- Dans la mesure où les bulles se forment souvent dans
des compartiments spécifiques du marché, les exigences en capital
pourraient être appliquées de façon
discrétionnaire
- La supervision des marchés doit être
effective, continue et des simulations de crise doivent être
effectué ponctuellement (stress -test)
- La réglementation sur les collatéraux doit
être envisagée Aussi, il propose par ailleurs que :
- La banque centrale surveillent directement les
opérateurs du « shadow banking » tels que certains «
hedge funds » et fonds monétaires (cf. I - 1. pour la
définition et les acteurs du « shadow banking »).
- Mais aussi, qu'elle devra agir pour restreindre leur
détention en collatéraux à des titres de
qualités.
La règle de Tinbergen propose pour ce faire l'utilisation
d'instruments tels que : - Les provisionnements dynamiques
52
- Les exigences en capital pro-cycliques - Le refinancement
sélectif
Jean-Paul Betbèze, Jézabel Couppey-Soubeyran et
Dominique Plihon propose dans la même lignée
l'établissement d'un système progressif de réserves
obligatoires sur les crédits dont l'objectif serait de contrer les
emballements du crédit.
Dans tous les cas, il faudra améliorer l'accès
aux informations sensibles et détaillées sur les
opérations à haute teneur en risque pour permettre une action
optimale des autorités de régulation pour combattre les crises
financières. Cependant, cela reste un sujet compliqué puisque
dans l'état des choses, il est très difficile d'imposer une
transparence totale des opérateurs financiers. Il est probable qu'en
interdisant juridiquement certaines formes de structure, en réglementant
l'existence de plateformes de type « black-pool » ou imposant une
centralisation obligatoire des opérations de compensations, la situation
puisse être améliorée.
Enfin, toujours dans la perspective d'une intervention des
banques centrales sur les marchés financiers, des travaux en cours
proposent une modification de la structure de la règle de Taylor
afin de rendre le niveau du taux directeur sensible aux
déséquilibres financiers, de prendre en compte le fonctionnement
du canal de la prise de risque et donc de permettre à cette règle
d'être éventuellement un outils d'action contra-cyclique.
La détermination de cette nouvelle règle devra
se baser sur une mise en relief des variables telles que celles : du
crédit et de l'endettement, des leviers financiers et de crédit,
de l'évolution de la composition par nature des actifs
échangés sur le marché, du prix des actifs, de la
structure des bilans etc.
Des études planchent actuellement sur ce sujet mais
devront être appronfondies. On pourra tout de même citer celles de
Ravenna et Walsh (2009) de Walsh (2014) ou d'Emmanuel Carré,
Jézabel Couppey-Soubeyran et Salim Dehmej (2013).
2. Les arguments du débat entre « leaning
against the wind » et « cleaning aftermath »
Une politique de « cleaning aftermath »
consacre le principe de neutralité ou de séparation de
la politique monétaire par rapport au fonctionnement du marché
financier. Elle consiste en l'intervention de la banque centrale qu'une fois la
crise survenue. Cette dernière assure alors la fourniture de
liquidité afin d'éviter des risques de contagion et donc de
déflation et assure par ailleurs la fonction de préteur en
dernier ressort.
Pourtant, comme nous l'avons montré dans les parties
précédentes, les conséquences d'une crise ne se limitent
pas au seul assèchement de la liquidité sur les marchés.
Ses coûts économiques peuvent être très importants et
la crise persistante de telle sorte à ce que celle-ci
53
finisse par s'auto-entretenir. De plus, si la banque centrale
fait face au problème du « zero lower bond », les
conséquences d'une telle crise peuvent être très
inquiétantes.
C'est pourquoi, les politiques dites de «
leaning against the wind » font l'objet de multiples travaux. Il
s'agit donc de conférer aux banques centrales un pouvoir d'intervention
sur les marchés financiers de telle sorte à contrer les tendances
excessives pouvant engendrer de grands déséquilibres et à
lutter contre la formation de bulles spéculatives notamment. Il s'agit
donc d'une politique d'action préventive. Des discussions sont en cours,
néanmoins aucune règle de décision n'a clairement
été formulée dans cette optique.
Afin de mieux réussir à se positionner dans ce
débat vif entre partisans de l'intervention et partisans de la
neutralité, nous allons énumérer les principaux arguments
soulevés contre cette dernière approche qui se veut
interventionniste :
L'intervention des banques centrales ont de grandes
chances de créer bien plus d'instabilité et une perte en termes
d'optimalité d'allocation des ressources financière que leur
neutralité.
· Les banques centrales, autant que les grands dealers
du marché, que les agences de notations ou encore les États, ont
une capacité limitée en ce qui est de repérer les crises
en formation
· Si par excès de prudence les banques centrales
interviennent de façon trop fréquente pour stabiliser les cours,
elles risquent d'empêcher le financement d'une bonne partie des projets
de l'économie qui de plus, dans une autre mesure, ne pourront plus
profiter des effets positifs des canaux de prix des actifs, du patrimoine, et
du bilan.
· Si au contraire la politique est trop passive, la
crise intervient quand même et la banque centrale perd en
crédibilité.
· Un marché trop contrôlé limite les
gains potentiel et fait fuir les capitaux au profit de marchés où
les rendements sont plus intéressants
· La banque centrale ne dispose pas des données
financières et d'entreprises suffisantes pour arbitrer ses
décisions.
· Les crises financières n'ont dans la grande
majorité des cas, pas besoin d'intervention quelconque des
autorités politiques. Elles se résorbent souvent d'elles
mêmes
· La crédibilité de la banque centrale et
donc sa capacité à influencer les anticipations d'inflation
risque d'être beaucoup dégradée.
54
? En cas de formation déjà engagée d'une
bulle spéculative, l'intervention de la banque centrale peut
précipiter l'éclatement de cette bulle
? Les objectifs de stabilité monétaires vont
quelque fois à l'encontre de celui de stabilisation financière.
Par exemple : en cas de choc positif d'offre qui tend à faire baisser
les prix tandis qu'il tend à augmenter les cours des actifs financiers.
La banque centrale est face au dilemme de savoir si elle doit baisser ses taux
ou les augmenter.
La récente crise nous a pourtant bien
montré qu'une passivité de la politique monétaire peut
entrainer des coûts très élevés qu'il faudrait
mettre en rapport avec ceux que pourrait engendrer les erreurs de politique
monétaire dans le cas d'une politique interventionniste.
Par ailleurs, les travaux récents ont permis
d'identifier des « profils récurrents » dans
la formation des crises, lesquels sont de très bons supports pour une
intervention cohérente de la banque centrale.
Cependant, ces études méritent d'être
approfondies. Dans le même axe de réflexion, nous discuterons dans
la partie suivante d'autres possibilités d'élargissement du
mandat des banques centrales.
3. Quelle conjugaison entre politique monétaire et
politique prudentielle ?
Si une synthèse pouvait être faite à
partir des différentes considérations précédentes
et notamment celles du débat « leaning VS cleaning », la
question principale qui en naîtrait serait celle de savoir
comment concilier politique prudentielle et monétaire
de telle sorte à ce qu'elles collaborent dans le but de
réaliser un même objectif final , celui de
stabilité conjointe des prix et des marchés financiers,
sans pour cela qu'aucune d'elles ne perde en crédibilité ni ne
s'éloigne de leur mission fondamentale.
Tout d'abord, les outils et les missions de la politique
prudentielle doivent être renforcés. Notamment en ce qui
concernent leur dimension macro-prudentielle*. Cependant il est clair que cette
politique est incapable d'assurer à elle seule la stabilité sur
les marchés financiers.
La politiques monétaire, conformément aux
raisons décrites précédemment, a aussi un rôle
à jouer, notamment sur le canal de la prise de risque, et doit donc
à son tour, élargir le cadre de référence qu'elle
retient pour sa prise de décision.
* politique macro prudentielle : la
politique macro-prudentielle a deux principaux objectifs, celui de limiter les
interconnexions entre institutions individuelles, et celui de lutter contre le
caractère pro-cyclique des crises (phénomène
d'amplification des déséquilibres engendrés par les
réactions des agents face à un choc)
55
3.1. Avantages et inconvénients d'une
collaboration plus avancée entre les deux politiques :
Dans les cas où les deux politiques doivent agir dans
le même sens afin de réaliser leur objectif, leur collaboration
permettra une meilleure synergie qui renforcera l'action de chacune
d'entre elle.
Cela pourrait être le cas si l'on considère par
exemple que le taux d'intérêt directeur de la banque centrale
doive être augmenté suite à une trop forte inflation et que
parallèlement, une hausse trop rapide des cours des actifs financiers
inquiète sur les marchés financiers.
On peut noter qu'en temps normal on se retrouvera souvent
face à ce type de situation puisqu'une inflation modéré
est généralement signe de bonne santé du secteur
privé.
Par contre, cela n'est pas toujours le cas et il peut aussi
arriver que les deux politiques se retrouvent è agir dans des sens
opposés.
Par exemple si l'on considère la formation d'une bulle
spéculative déconnectée de la sphère réelle
tandis que l'inflation reste proche de 0%. Une politique de hausse des taux
d'intérêt pour lutter contre la bulle en formation impliquerait
alors des risques de déflation. Leur baisse serait plutôt
préconisée.
Aussi, un avantage majeur d'une collaboration, en plus de
celui d'assurer une meilleure efficacité de chaque politique, serait
celle de permettre à chacune d'elle de converser toute leur
crédibilité puisqu'elles resteront concentrées sur leur
propre objectif.
3.2. Quelle collaboration ? Quel partage des pouvoirs
? Quelle règle de décision ?
Il faudra avant tout formuler un cadre d'analyse
intégré qui permette de rendre compte à la fois des
interactions entre :
- Économie réelle et dynamique
financière
- Politique monétaire et politique macro-prudentielle
Une fois ce cadre précisément établi,
les politiques monétaires et macro-prudentielles sauront comment
intervenir chacune pour ne pas/voire peu nuire à l'objectif
poursuivi par l'autre et chacune saura comment adapter leur
stratégie au regard des décisions de l'autre afin que celle ne
leur soit pas trop nuisible.
C'est aussi pourquoi, une communication directe et
stable doit être établie entre les deux institutions afin
de permettre un partage optimal des informations importantes et des
orientations stratégiques de chacune d'elles. Des débats
constructifs pourront aussi être ouverts par là même. Pour
cela, des réseaux d'information intégrés pourraient
être mis en place.
56
En plus de conjuguer leur stratégie en
établissant des fonctions prédéterminées de
réaction, la connaissance fine des interactions qui se
produisent entre sphère financière et économique, pourra
permettre à l'une ou l'autre des politiques, lorsque cela n'est pas
contraire à ses contraintes conjoncturelles, de porter
assistance à l'autre dans les moments difficiles. Par exemple
la banque centrale pourra augmenter ses taux pour contrer un mouvement de
hausse des actifs, tandis que la politique prudentielle pourra sévir en
cas de forte inflation afin d'influencer à la baisse les volumes de
liquidité échangés sur les marchés.
Néanmoins, il semble important que, pour des raisons
de crédibilité et d'efficacité, les mandats des politiques
prudentielles et monétaires restent bien délimités.