Nouvelles politiques monétaires :
Quelle théorie monétaire ?
HELLAL Claudia
Mémoire de Master Recherche en Economie et
Finance
Internationale (SIEF),
Soutenu le 16 Juin 2015
Jury :
M. Alain Raybaut, Chargé de Recherches CNRS
M. Dominique Torre, Professeur à l'Université Nice
Sophia Antipolis, directeur de mémoire.
Je dédie ce mémoire,
A mon père, Maroune, qui m'a tout donné,
qui a fait de moi quelqu'un d'ambitieux et quelqu'un de juste,
Qui m'a soutenu jusqu'au bout et qui continue de
répondre présent peu importe mes problèmes
Je ne te remercierai jamais assez.
A mes soeurs, Raïssa et Anaïs avec qui j'ai
partagé les plus beaux moments de ma vie. Je vous remercie d'être
toujours présentes et souhaite que l'amour que nous partageons ne
s'éteigne jamais...
A mon ami, Thomas Turanskij, dont le coeur est juste et
la parole
infaillible
A mon maître de mémoire M. Torre Dominique
pour son soutien
pédagogue et pour sa patience
1
A M. Raybaut Alain qui a bien voulu être membre de
ce jury
2
INTRODUCTION
Suite à l'incapacité probante des politiques
discrétionnaires à relancer les économies depuis la fin
des années 60, les débats autour des politiques
économiques se sont beaucoup enrichis et ont vu naître des
concepts novateurs tels que celui des anticipations rationnelles. Les
politiques budgétaires ont étaient délaissées au
profit des politiques monétaires dont le mandat à
été complètement modifié et dont la gestion est
depuis confiée à des autorités indépendantes. Les
autorités chargées de la direction des politiques
monétaires, riches de leurs expériences et averties par les
travaux académiques considérables réalisés, ont
finalement et de façon quasi-uniforme opté pour la mise en oeuvre
d'une politique monétaire conforme aux principes fondateurs de la «
nouvelle synthèse néoclassique ».
Cela à prévalu jusqu'à l'aube de la crise
des subprimes, et c'est alors que cette nouvelle crise, la deuxième plus
grande après celle de 1929, a joué son rôle moralisateur et
a initié de nouvelles controverses et débats académiques
sur ce sujet.
Nous nous intéresserons dans ce mémoire à
comprendre les fondements des politiques monétaires (Partie 1 - TITRE
1), à décrire les décisions stratégiques prises par
les banques centrales pendant la récente crise (Partie 1 - TITRE 2), et,
dans une dernière grande partie, nous étudierons de
manière approfondie les orientations à venir des règles de
politiques monétaires et nous éclairerons le lecteur sur les
principaux travaux académiques en cours sur ce sujet.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PARTIE 1 : Les fondements de la politique
monétaire et la « grande dépression »
TITRE 1 : Les fondements théoriques de la
politique monétaire d'avant crise dans les économies
développées 5
I. Les fondements économiques à la base de
la politique monétaire 5
II. Les principes fondamentaux de la politique
monétaire actuelle 12
III. La stratégie des banques centrales
14
1. Objectifs finaux et objectifs intermédiaires: 14
2. Méthodologie de la prise de décisions : analyse
monétaire et analyse économique 15
IV. Les instruments de la politique monétaire
16
1. Les opérations d'open-market et de crédit
16
2. Les facilités permanentes et les réserves
obligatoires 17
3. Opérations exceptionnelles : 18
V. Les canaux de transmission de la politique
monétaire 19
1. Le canal du taux d'intérêt 19
2. Le canal du taux de change 20
3. Les canaux du prix des actifs autre que la monnaie 20
4. Le canal du bilan 21
5. Le canal du crédit 22
TITRE 2 : La politique monétaire depuis le
début de la « grande dépression » : Le bilan
24
I. Les principaux défis de la politique
monétaire et les limites des stratégies conventionnelles
24
II. Le recours aux politiques monétaires non
conventionnelles 25
1. Les politiques de « quantitative easing »
(assouplissement quantitatif) 25
2. Les politiques de « credit easing »
(assouplissement des conditions d'accès au crédit) 26
3. L'utilisation des politiques monétaires non
conventionnelles durant la crise 28
III. Bilan d'efficacité des politiques
monétaires dans la gestion de la crise 33
IV. Le défi de l'EXIT pour les politiques
monétaires : quelle stratégie adopter ? 36
PARTIE 2 : Résurgence des débats
académiques : Quelles évolutions théoriques pour la
politique monétaire ?
TITRE 1 : Politiques monétaires et
stabilité sur les marchés financiers 40
I. Le rejet de l'hypothèse de stabilité
financière : une relation à double sens entre dynamique
financière
et politique monétaire 41
1. Le nouveau visage de la finance 42
2. Le retour de l' « hypothèse d'instabilité
intrinsèque » de la finance 44
3. La responsabilité de politique monétaire dans
les crises financières : Le canal de la prise de risque,
un canal jusqu'alors sous-estimé 46
3.1. Fonctionnement du canal de la prise de risque 46
3.2. Preuve de l'existence du canal de la prise de risque :
approches empiriques 47
4. L'efficacité limitée des politiques
monétaires pour empêcher la propagation des crises
financières 47
4
II. La révision du mandat des banques centrales :
rejet partiel du principe de séparation entre politique
monétaire et financière. 50
1. L'objectif de stabilité financière et ses
instruments 50
1.1. Limites des politiques prudentielles 50
1.2. La politique monétaire et l'objectif de
stabilité macro-prudentielle 51
2. Les arguments du débat entre « leaning against
the wind » et « cleaning aftermath » 52
3. Quelle conjugaison entre politique monétaire et
politique prudentielle ? 54
3.1. Avantages et inconvénients d'une collaboration plus
avancée entre les deux politiques : 55
3.2. Quelle collaboration ? Quel partage des pouvoirs ? Quelle
règle de décision ? 55
TITRE 2 : Politique monétaire et dette publique
57
I. Conséquences d'une crise des dettes
souveraines : Pourquoi les autorités monétaires
doivent-elles
réagir ? 57
1. La dette publique et l'objectif de stabilité des prix
: quelle relation ? 58
1.1. Dominance budgétaire et risque pour la
stabilité des prix 58
1.2. L'état des finances publiques comme principale
source des anticipations et des ajustements des
prix 60
1.3. Implications 61
2. Dettes publiques, rationnement du crédit et taux
d'intérêt 61
2.1. Dette publique, canal du taux d'intérêt et
stabilité financière, un rappel. 61
2.2. Déficit publique et canal du crédit 62
3. Dette publique et risque de crise institutionnelle en Europe
63
II. Le rôle de la politique monétaire dans
le désendettement publique 63
1. Le rôle de la politique monétaire dans
l'assainissement budgétaire : de nouvelles perspectives 63
2. Démonstration de T. Hellebrandt, A. S. Posen et M.
Tolle (2012) 65
3. Présentation du modèle proposé par O.
Jeanne (2012) : Une approche intéressante des arbitrages
potentiels entre défaut et assistance 67
4. Mots de conclusion 69
TITRE 3 : Vers un modèle amélioré
de politique monétaire : La sous - optimalité de la règle
de
Taylor pour conduire une politique monétaire
optimale 70
I. Les grands « oublis » de la politique
monétaire 71
1. L'absence de la microéconomie bancaire dans l'analyse
du canal du crédit 71
2. L'importance cruciale des frictions sur le marché du
travail dans la transmission des politiques
économiques 74
3. L'existence de fortes non-linéarités dans les
réactions des agents 78
II. Autres considérations sur la pertinence des
fondamentaux de la politique monétaire 80
1. Discussions autour du ciblage de l'inflation : Quel taux ?
Quelle cible ? 80
1.1. Le ciblage de l'inflation 80
1.2. Le ciblage du niveau des prix 81
2. Le retour de la théorie discrétionnaire de la
politique monétaire 83
CONCLUSION 86
BIBLIOGRAPHIE 87
5
PARTIE 1
Les fondements de la politique monétaire et
la « grande dépression »
TITRE 1 : Les fondements théoriques de la
politique monétaire d'avant crise dans les économies
développées
Cette première partie du mémoire a pour objet de
recadrer les évolutions théoriques qui ont conduit à la
formulation de la politique monétaire telle qu'on la connait aujourd'hui
et depuis les années 70.
Dans un premier temps, il s'agira de replacer historiquement la
théorie de la monnaie.
Puis, dans un second temps, nous détaillerons les
fondements théoriques de la politique monétaire actuelle, ses
objectifs, ses instruments, sa mise en oeuvre.
I. Les fondements économiques à la base de
la politique monétaire
De tout temps, les hommes se sont intéressés au
pouvoir de la monnaie. Certains ne lui conférant que le rôle de
moyen d'échange, d'autre la désirant ardemment pour le pouvoir
qu'elle confère (Thésaurisation).
Dans tous les cas, la monnaie est d'une importance capitale
dans le bon fonctionnement des échanges puisqu'elle permet
d'éliminer les problèmes liés au troc. Aujourd'hui la
monnaie qui circule dans l'économie est de forme fiduciaire (i.e. sans
valeur intrinsèque), et est frappée par les banques centrales qui
contrôlent son volume afin d'éviter entre autres les
problèmes de dévaluation et d'inflation. Cette monnaie tient sa
légitimité dans le fait qu'elle soit socialement acceptée
par la population qui place leur confiance en sa valeur inter temporelle.
La monnaie assure trois fonctions principales :
- celle de moyen d'échange, elle permet l'extinction
immédiate d'une dette ;
- celle d'unité de compte, c'est-à-dire
d'échelle de mesure de la valeur des biens. A ce titre, elle est souvent
résumée à un voile à l'échange. Les prix
étant de ce fait des prix
6
avant tout relatifs entre les biens (base de la théorie
des préférences du consommateur).
- celle de réserve de valeur, c'est-à-dire de la
capacité de la monnaie à maintenir son pouvoir d'achat dans le
temps. Ce dernier point a une importance capitale dans les domaines de
l'économie et de la finance avec des thèmes phares comme la
spéculation (immobilière, boursière, sur les devises
etc.), les mouvements internationaux de capitaux et la formation des
décisions d'investissement ou de consommation des agents
économiques etc. La majorité des agents économiques
forment des anticipations sur les risques d'inflation à venir ou de
dévaluation de la monnaie qu'ils détiennent.
Définition de l'Inflation :
l'inflation consiste en une augmentation sur une période
relativement longue du niveau général des prix
(généralement calculé de façon annuelle). Cet
indice est en fait évalué sur la base des prix des principaux
postes de dépense des ménages (alimentation, logement,
téléphonie, loisirs, habillement, éducation entre autres).
A chaque poste est attaché un poids (pondération en fonction de
l'importance de la dépense dans le revenu des ménages). La
structure de cet indice est révisée ponctuellement afin de tenir
compte des évolutions des modes de consommation dans le temps. Des
efforts pour annuler les effets « inflation - qualité » ont
été investis mais font encore l'objet de rectifications.
La déflation est le
phénomène inverse.
À partir de cette définition de l'inflation, on
peut facilement expliquer qu'à salaires nominaux inchangés, une
hausse de l'inflation consiste en réalité à une baisse du
pouvoir d'achat via une baisse du salaire réel (i.e. évaluation
du salaire nominal en termes de biens).
Mais l'inflation va au-delà de la perte de pouvoir
d'achat des ménages. Il conditionne aussi les décisions
d'investissement des entreprises. Par exemple, en cas de déflation
avérée ou d'anticipation de déflation, les entrepreneurs
vont diminuer le volume de leur production et licencier des travailleurs ;
tandis que ceux qui avaient des projets d'investissement
préféreront attendre avant d'investir. Le raisonnement inverse
devrait s'appliquer dans le cas d'une inflation non anticipée.
La déflation a aussi pour conséquence
d'augmenter la charge de la dette réelle contractée par les
agents privés ou publiques. Et de l'alléger dans le cas
d'inflation.
Un autre exemple de l'importance de l'inflation est l'impact
qu'elle aura sur le commerce extérieur en rendant les biens nationaux
moins compétitifs et moins demandés.
La dévaluation a aussi une importance capitale à
ce titre puisqu'elle consiste en une augmentation du taux de change au certain
(baisse de la valeur relative de la monnaie nationale), ce qui induit le
renchérissement des importations contre une augmentation des commandes
à l'exportation.
7
Aussi, une monnaie dont la valeur est instable fait fuir
investisseurs et capitaux financiers qui recherchent des placements
sûrs.
Enfin, notons que l'inflation revêt un rôle
considérable sur les marché financiers, alimentant la
spéculation sur les devises, le recours aux produits
dérivés et de l'assurance (opérations de couverture contre
le risque de change).
Pour résumer assez rapidement, la déflation et
l'inflation sont néfastes pour les économies. Leurs coûts
économiques et sociaux sont importants en termes de croissance, de
chômage et de bien-être. D'où l'importance d'inclure dans
les missions des autorités politiques celle de conduire une
« politique monétaire » qui puisse
contrôler la volatilité de la valeur de la monnaie.
Les objectifs que doit poursuivre la politique
monétaire sont un sujet de discorde très vif qui oppose
principalement keynésiens et monétaristes. Le point le plus
important de leurs divergences est celui de la question du rôle de la
politique monétaire.
Les monétaristes considèrent que la politique
monétaire ne doit avoir pour objectif que celui de gérer la masse
monétaire en circulation dans l'économie de telle sorte que
celle-ci augmente de façon strictement parallèle aux besoins de
monnaie découlant de l'augmentation des activités
économiques dans le temps. Elle doit alors ancrer la croissance de la
masse monétaire sur l'évolution du volume d'activités
économiques, assurer la gestion des réserves de change et des
opérations de change. Pour les monétaristes comme pour les
classiques et les néoclassiques, la monnaie doit être neutre et
« l'inflation est toujours et partout un phénomène
monétaire » M. Friedman. Ainsi, l'objectif final de la
politique monétaire est celui du maintien de la stabilité
des prix. Selon cette approche, et conformément aux
prévisions de la théorie quantitative de la monnaie, toute
augmentation de la masse monétaire non justifiée par une
augmentation du volume d'activité économique a pour
conséquence de produire un ajustement par l'inflation de
l'équation de Fisher.
Cette vision s'oppose à la vision Keynésienne de
la monnaie qui confère à la politique monétaire la
capacité de pouvoir influencer l'économie réelle en
orientant les décisions des agents. La politique monétaire comme
la politique budgétaire endosse selon cette école la mission
d'intervenir ponctuellement dans l'activité économique en vue de
palier aux blocages et aux déséquilibres qui peuvent se former et
persister de manière durable (contrairement à la vision classique
qui suggère que ces déséquilibres disparaissent
d'eux-mêmes à court ou moyen terme). La politique
économique endosse en ce sens le rôle de guide et les
déséquilibres sont dus majoritairement à un défaut
d'adaptation entre l'offre et la demande de biens. C'est ainsi que selon les
keynésiens, des politiques dites de relance sont nécessaires afin
de remettre les agents économiques sur les bonnes positions. Ce sont des
politiques de relance tournées vers la demande, l'offre étant
considérée comme suivant une marche d'adaptation automatique
à la demande. Aussi, dans les modèles keynésiens, la
monnaie n'est
8
plus un simple voile aux échanges mais a en plus la
capacité d'influencer les comportements d'investissement et de
consommation et la caractéristique d'être demandée
pour elle-même comme tout autre bien. En effet, elle peut
être demandée à la fois pour des motifs de transaction mais
aussi pour des motifs de précaution et de spéculation. Ainsi
l'objectif de la politique monétaire n'est pas la lutte contre
l'inflation mais la relance de l'économie. Nous ne rentrerons pas dans
les détails du modèle d'équilibre général,
ce n'est pas le sujet de notre mémoire, nous conclurons cependant que ce
modèle représente en une grande avancée pour les sciences
économiques puisqu'il a non seulement permis d'approfondir l'analyse
microéconomique des choix des agents, a introduit le fonctionnement des
marchés financiers, a alimenté le débat sur la politique
économique, a réussi à mettre en relation les grandes
variables économiques afin de justifier de la formation de la richesse
nationale et a introduit ce que l'on nomme aujourd'hui les canaux de
transmission à l'origine de l'efficacité de toute politique
économique.
L'insuffisance du modèle keynésien à
rendre compte du mécanisme de formation des prix, l'abstraction du
mécanisme de prise de décision du producteur qui est
considéré comme un robot, et son incapacité à
rendre compte des frictions sur le marché du travail ont imposé
l'élargissement du modèle afin que celui-ci soit conforme
à la réalité économique.
Sur la base de la théorie classique du producteur et de
l'enseignement du modèle WS-PS, le courant de la synthèse
néoclassique dirigé par Hicks corrige le modèle
d'équilibre général en y réintroduisant la
théorie microéconomique classique du choix de l'entrepreneur, en
modifiant ses hypothèses telle que soit prise en compte la
variabilité des prix et des salaires réels ainsi que l'existence
d'un marché du travail actif et déterminant dans la formation de
l'équilibre macroéconomique. La logique du modèle ISLM
n'est pas rejetée pour autant mais elle est résumée dans
une fonction de demande globale qui est fonction du prix et réagit aux
politiques économiques de la même façon que dans le
modèle de base ISLM. Une fonction d'offre globale émanant des
entreprises est formulée sur les principes de la théorie
classique de l'optimisation du profit en fonction des coûts de
production. Dans ce modèle, le progrès technique restant absent,
seul le coût du salaire importe. La fonction d'offre globale est
croissante avec le prix et n'est qu'indirectement influencée par les
décisions des politiques économiques. L'équilibre
général (Y, Prix) se fait à l'intersection de ces deux
courbes.
Les conclusions du modèle AS-AD implique que les
politiques économiques, qu'elles soient fiscales, budgétaires,
monétaires ou concerne la réglementation sur les salaires
ont un effet sur l'équilibre macroéconomique de court
terme. Cependant, il pose que les effets de ces politiques sur
l'équilibre de long terme sont neutres puisque le niveau de la
production nationale retourne systématiquement à son niveau
naturel Y* auquel correspond un niveau de chômage naturel
(équilibre structurel optimal). Ainsi, la courbe d'offre de long
terme est de forme verticale ce qui implique qu'à LT, une
politique économique qui tend à pousser le niveau de la
production au-dessus de son équilibre naturel crée de l'inflation
sans pour autant engendrer des améliorations dans l'économie
réelle.
Bref rappel des hypothèses du modèle AS-AD
: - Les prix sont variables
9
- Le marché du travail est actif
- Les salaires nominaux sont rigides à court terme
- Le niveau réglementaire des salaires, l'offre de
monnaie, le niveau des dépenses
publiques et de l'impôt sont des variables
exogènes
- Il n'y a pas de progrès technique et le stock de capital
fixe est constant
- Les rendements d'échelle sont constants
Keynes et Hicks ont posé les bases des modèles
d'équilibre général utilisés par les politiques
aujourd'hui. Certes selon des hypothèses différentes et avec des
cadres opérationnels qui ont été enrichis. Ces
modèles sont des moyens de décision et de prévisions
économiques et sont utilisés aujourd'hui sous la forme
d'innombrables modèles dits DGSE (modèle d'équilibre
général dynamique stochastique).
Les préconisations du courant keynésien en ce
qui est des politiques budgétaires et monétaires sont en grande
partie rejetées depuis la « grande inflation » des
années 70 - 80, laquelle avait été
précédée d'une instabilité notable du niveau
d'inflation. Cette période difficile s'accompagne en plus d'une
envolée des taux de chômage remettant en doute la logique de la
courbe de Philips (c'est la stagflation). Les politiques keynésiennes
s'acharnent dans des politiques de relance par la demande qui s'avèrent
vaines et coûteuses en ce sens qu'elles engendrent une explosion du
niveau des déficits publics. Le canal de l'offre est à l'origine
de cet échec, révélant que le comportement
d'investissement est plus complexe qu'il n'y paraissait. L'équilibre
macroéconomique ne se fait plus par les quantités mais par les
prix.
La théorie quantitative de la monnaie revient alors en
force, accusant les méandres des politiques interventionnistes et
replaçant la politique monétaire dans son seul rôle de
contrôleur de l'inflation. Les échecs des politiques de relance
par la demande ont par ailleurs impulsé la formulation d'une nouvelle
école de pensée, celle de la nouvelle école classique
(N.E.C.) avec des économistes comme Lucas, Friedman, Kydland, Prescott,
Wallace entres autres. La N.E.C. réintroduit la vision quantitative de
la politique monétaire et utilise le modèle standard AS-AD pour
ses analyses qu'elle corrige de nouvelles considérations. La plus grande
contribution de cette école à la théorie économique
est celle de la formulation du concept d'anticipation rationnelle
que l'on doit à l'économiste R. Lucas. Ce concept
révolutionne les modalités d'intervention des politiques
économiques et réussit à expliquer les échecs des
précédentes politiques. Selon la N.E.C., les décisions
économiques des agents (investissement, consommation, épargne,
embauche etc.) sont dictées avant tout par les anticipations qu'ils
forment quant au niveau à venir des prix.
Le concept d'anticipation rationnelle: Si on
considère que les choix des agents économiques sont
déterminés par leur ambition à venir, il semble clair que
les décisions de cet agent, à un moment donnée,
dépend principalement des projections qu'il établit concernant
l'état de la conjoncture économique à venir. Or,
l'hypothèse des anticipations rationnelles suppose que les agents
apprennent du passé, comprennent le présent et anticipent
l'avenir avec un faible risque d'erreur puisqu'ils utilisent pour formuler leur
anticipations les mêmes
10
modèles macroéconomiques que leur dirigeant.
Ainsi, leur probabilité de se tromper est d'espérance nulle. Cela
ne signifie cependant pas que l'inflation anticipée est toujours
égale à l'inflation effective. La N.E.C. considère les
anticipations rationnelles comme une variable économique
déterminante à prendre en compte dans le modèle
d'équilibre général. Les implications de ce concept sont
entre autres que :
- Seules des variations non anticipées du niveau
général des prix peuvent engendrer des changements dans
l'économie réelle et un ajustement de court terme. A long terme,
l'économie retourne à son niveau potentiel avec un niveau des
variables réelles identiques à celui d'avant l'introduction de la
politique. Cependant, la politique économique ne peut pas
systématiquement tromper les agents économiques au risque de
créer des phénomènes de forte inflation.
Pour être plus précis : Les salaires nominaux
étant rigides à court terme, l'augmentation non anticipée
des prix aura pour conséquence de diminuer les salaires réels
effectifs et de placer le niveau optimal de production à un niveau
supérieur ; ce qui implique alors une baisse du niveau de chômage
et une augmentation de la demande de consommation. Cependant, à plus
long terme, les salaires nominaux s'ajustent à l'inflation, l'offre et
le chômage retrouvent leur niveau initial.
Mais aussi, l'augmentation non anticipée des prix a
pour effet de diminuer le taux d'intérêt réel (taux
d'intérêt nominaux - inflation) et ainsi de rendre plus
intéressant la réalisation de projet d'investissement. Par
ailleurs, la baisse de ce taux a pour effet d'alléger le poids de la
dette des emprunteurs et prend la forme d'un effet richesse qui peut jouer
positivement sur l'économie. À long terme, le taux
d'intérêt nominal s'ajuste à la hausse.
- L'annonce d'une politique budgétaire de relance ou
d'une politique monétaire expansionniste engendre des anticipations de
hausse de l'inflation à venir qui induisent des pressions à la
hausse sur les salaires nominaux (négociations syndicales) et une
augmentation quasi - immédiate du niveau des prix. Le rapport entre les
agrégats économique reste inchangé. Seul le niveau des
prix d'équilibre se trouve augmenté. Ces politiques sont vaines
et n'engendrent pas d'amélioration dans l'économie réelle.
Elles sont également très dangereuses si elles sont
réalisées de manière répétitive puisqu'elles
engendrent des risques d'hyperinflation avec les multiples problèmes que
cette situation engendre, tout en accroissant le niveau des déficits
publics.
- Une politique salariale telle que les salaires nominaux
légalement fixés sont revus à la baisse engendre une
diminution du chômage et une augmentation du revenu national. Cependant,
les effets sur la demande restent ambigus.
11
- Les excès de demande peuvent être durablement
taxés par l'inflation si les anticipations des entreprises sont
mauvaises. Cela justifie l'intérêt d'élaborer des
indicateurs statistiques comme celui du « sentiment de l'entrepreneur
».
- Seule des modifications dans la structure de l'offre peuvent
faire varier l'équilibre réel de long terme. Ce changement peut
être engendré par des innovations techniques, des modifications de
la structure de la demande, aux phénomènes de
délocalisations entre autres.
- À court terme, l'économie peut être
sujette à des chocs d'offre ou de demande sans pour autant que la
politique monétaire ne doive intervenir puisque l'équilibrage de
long terme définit les niveaux naturels des variables
économiques.
- Un taux d'inflation instable implique des niveaux
d'équilibre économique sous optimaux et une perte du
bien-être social
- Les autorités monétaires doivent être
indépendantes, doivent avoir pour mission principale, voire pour seule
mission, celle de la maîtrise de l'inflation. Cet engagement solide de la
politique monétaire à assurer sa mission, rend sa politique
crédible aux yeux des agents économiques et permet ainsi d'ancrer
et de piloter les anticipations de ces derniers de manière à ce
que son intervention ait des résultats optimaux.
Conclusion
Cette présentation chronologique des modèles
macroéconomiques qui sont à la base des décisions des
politiques monétaires était nécessaire et importante
puisqu'elle nous permet dès lors de comprendre la portée des
politiques économiques sur l'activité réelle. Mais
surtout, elle nous permet de comprendre pourquoi, la maîtrise de
l'inflation est la mission la plus importante assignée aux
autorités monétaires. La maîtrise de l'inflation est aussi
le gage de ne pas tomber dans une spirale déflationniste, mouton noir
des économies.
Aussi, l'impact crucial qu'ont les anticipations des agents
dans la formation des principaux agrégats économiques explique
pourquoi, aujourd'hui, le pilotage des anticipations est un
défi majeur pour les banques centrales et que les politiques
discrétionnaires ont fait place à des politiques
monétaires fortement engagées sur une règle
compréhensive et explicite. Aussi, la transparence quasi-totale des
banques centrales indique leur croyance en la nocivité des politiques
discrétionnaires.
12
II. Les principes fondamentaux de la politique
monétaire actuelle
La doctrine monétaire qui a été retenue
après la « grande inflation » des années 70 par les
principales banques centrales des pays développés est
basée sur les principes de la N.E.C. et utilise des modèles dits
D.S.G.E.
Comme nous l'avons vu dans la partie précédente,
les autorités monétaires ont complètement modifié
leur manière de communiquer. Les politiques discrétionnaires sont
délaissées au profit d'une politique solidement engagée
sur une règle explicite.
La recherche de transparence des banques centrales en ce qui
concerne leurs objectifs, leurs méthodes, leurs intentions et leurs
prévisions est justifiée par le fait que la doctrine
monétaire à complètement intégré la
théorie des anticipations rationnelles et en a déduit que cette
transparence est une des conditions nécessaires afin d'aligner
les décisions des agents économiques sur ses
objectifs.
En nous basant sur l'analyse très pertinente de
F.MISHKIN sur les « neuf principes scientifiques de base » de la
politique monétaire contemporaine, nous pouvons la définir selon
les principes suivants :
? « L'inflation est partout et toujours un
phénomène monétaire » (vision monétariste) ?
La stabilité des prix est source de bénéfices
importants
? Il n'existe pas de relation à long terme entre
l'inflation et le chômage. La courbe de Philips de long terme est
verticale (approche néoclassique de la courbe de Philips cf. partie
précédente)
? Les anticipations jouent un rôle crucial dans la
formation de l'inflation et dans la transmission de la politique
monétaire à l'économie réelle : la politique
monétaire intègre le management des anticipations
supposées rationnelles à son activité
? Le respect du principe de Taylor
conditionne la stabilité des prix : il s'agit là de la
règle de Taylor qui établit de façon
explicite la dynamique de fixation des taux directeurs par les autorités
monétaires. La formulation de cette règle est le résultat
de travaux empiriques et est construit comme suit :
13
avec le taux directeur fixé par la banque centrale
à l'instant , le taux d'inflation, la
cible d'inflation de la banque centrale, le taux
d'intérêt réel à l'instant , et les
niveaux respectifs du PI3 et du PI3 potentiel et et des
coefficients. (Source
Wikipédia)
Les niveaux des coefficients sont déterminés par
les autorités monétaires en fonction des
spécificités des économies.
Cette règle est l'illustration de l'arbitrage que fait
la banque centrale entre les écarts d' inflation et les écarts de
P113 sachant que l'éloignement du P113 de son niveau potentiel
suggère un risque de récession et que la politique
monétaire a les moyens d'intervenir indirectement sur cet agrégat
en décidant de baisser son taux directeur. Elle le fera sous condition
que cela ne nuise en rien à son ciblage de l'inflation, soit dans le cas
où l'inflation reste contenue dans la bande de 0 - 2%.
Cependant, dans les cas où le niveau de l'inflation
dépasse sa cible, la politique monétaire devra réagir par
une augmentation de son taux directeur, la maîtrise de l'inflation
étant sa mission principale, ce qui déprimerait encore plus la
production. On voit bien ici les défis que représenterait un
épisode de stagflation. Mais aussi les défis auxquels
sont confrontées les banques centrales à l'heure actuelle avec
des risques de tombée dans une spirale inflationniste et des taux
d'intérêts directeurs déjà à leur niveau
plancher.
Pour conclure, l'équation de Taylor reste l'assurance
d'un bon cadrage de la politique monétaire et son application a
pu assurer durant près de 30 ans la stabilité économique
des pays qui l'ont adopté. Elle formalise le comportement des
banques centrales ainsi que leurs principaux objectifs que sont la lutte contre
l'inflation et le maintien de P113 proche de son niveau potentiel.
? Il existe un décalage temporel notable entre les
impulsions de la politique monétaire et leur transmission à
l'économie : on peut dire que la politique monétaire fonde ses
décisions sur la formulation de projections économiques
en se servant pour cela des modèles D.S.G.E. qu'elle retient
pour ses analyses économiques.
Cela est encore plus vrai en période
d'instabilité puisque les canaux de transmission de la politique
monétaire se retrouvent « enroués » comme nous avons
d'ailleurs pu le constater pendant la récente crise.
? L'indépendance des banques centrales est une des
conditions d'efficacité de la politique monétaire : en effet, la
crédibilité de la politique monétaire, et par
conséquent sa capacité à orienter le comportement des
agents économiques, est intimement liée à l'image
d'impartialité qu'elle renvoie au public. Aussi, comme le soutiennent de
multiples travaux, ce principe d'indépendance est aussi un moyen de
limiter les comportements
14
irresponsables des agents économiques qui ne peuvent
plus s'assurer du secours de la banque centrale en cas de difficulté.
? L'engagement ferme à mener leurs actions dans le but
de satisfaire des objectifs finaux fixés explicitement est
déterminant dans la bonne conduite des politiques monétaires.
Les frictions sur les marchés financiers jouent un
rôle important dans les cycles d'affaires : cette croyance n'est pas
clairement mentionnée dans la dynamique de décision des
politiques monétaires. Cependant, sa pertinence vérifiée
en fait un thème important dans les orientations stratégiques des
banques centrales.
III. La stratégie des banques
centrales
1. Objectifs finaux et objectifs intermédiaires:
Les objectifs finaux officiels poursuivis par les
autorités monétaires sont, comme nous l'avons mentionné et
expliqué à plusieurs reprises dans les parties
précédentes, en premier lieu la recherche de la
stabilité des prix et, dans le cadre limitatif imposé
par ses statuts, le maintien du niveau de production assez proche de
son niveau potentiel.
La BCE a fait le choix de fixer une cible stricte d'inflation
à 2%. Le taux d'inflation annuel harmonisé de la zone EURO doit
alors être contenu entre 0 et 2 % mais proche de 2% afin d'éviter
les risques de déflation.
La Fed et la banque d'Angleterre ont pour leur part fait le
choix de ne pas fixer de cible d'inflation formelle.
Les banques centrales ne peuvent pas atteindre directement ces
objectifs qui sont en réalité les résultats d'ajustements
macroéconomiques complexes ayant lieu dans l'économie
réelle.
Elles peuvent cependant influencer la marche des
économies à travers des outils tels que les variations
des taux d'intérêts directeurs et celui de la masse
monétaire.
Elles vont alors fixer des « objectifs intermédiaires
» concernant :
- Le taux de croissance de la masse monétaire
évaluée généralement sur la base de
l'agrégat M3 pour l'Europe M2 pour les États-Unis. La BCE a
officiellement fixé cet objectif à 4 % par an mais le
dépasse assez souvent.
15
- Les taux d'intérêts directeurs : le niveau de
ces taux est aujourd'hui le principal objectif intermédiaire retenu par
les banques centrales.
- La maîtrise des taux de change : par l'achat et la
vente à terme de devises sur la base de ses réserves ou en
utilisant son taux directeur pour influencer de manière indirecte la
demande pour la monnaie nationale. Cette dernière solution est en
réalité difficilement applicable puisque le canal du taux de
change est considéré comme secondaire dans la transmission de la
politique monétaire.
La manière dont ces objectifs intermédiaires
agissent sur les objectifs finaux dépend de leurs impacts sur la
formation des agrégats économiques. Impacts que nous avons pu
clairement préciser dans la première partie de ce mémoire
lorsqu'on a expliqué le fonctionnement des modèles IS-LM, AS-AD
et de la N.E.C. Comme nous l'avons aussi précisé, chaque banque
centrale retient et élabore ses propres modèles de
prévisions avec des dynamiques souvent plus complexes que ces premiers
modèles.
La manière dont ces objectifs intermédiaires
agissent sur l'économie réelle à court terme peut
être résumée par l'identification des principaux
canaux de transmission de la politique monétaire. Cette analyse
via les canaux de transmission est primordiale puisque l'une des principales
préoccupations des banques centrales mais aussi des économistes
en général concerne l'efficacité effective de ces canaux
de transmission et par extension celle du choix des objectifs
intermédiaires. Nous détaillerons le fonctionnement de ces canaux
de transmission dans la section suivante.
2. Méthodologie de la prise de décisions :
analyse monétaire et analyse économique
Les banques centrales prennent leurs décisions
après avoir clairement déterminé les influences de la
conjoncture économique et des évolutions de la masse
monétaire sur les mouvements futurs des prix et de l'activité
économique. Elle procède alors à des analyses
monétaires sur la base de l'équation de Fisher et à des
analyses économiques sur la base des modèles D.G.S.E. à sa
disposition. Dans le cas de l'analyse économique, les banques centrales
vont observer des variables clés telle que le PIB, les taux de change,
les prix à la production, la balance commerciale, le niveau des
salaires, le niveau d'endettement des ménages, le niveau des primes de
risque, le prix des actifs financiers etc. Son analyse lui permet de comprendre
l'évolution de l'économie réelle, de formuler des
projections économiques et d'établir l'évolution future
des prix et même de mettre à jour les anticipations des agents
économiques au moment de l'analyse. En ce qui concerne l'analyse
monétaire, elle va s'intéresser à la demande de monnaie,
aux différents agrégats monétaires ainsi qu'au
degré de liquidité et de substituabilité des actifs
monétaires entrant dans l'agrégat M3 afin d'identifier en
définitive les pressions éventuelles sur les prix futurs
16
IV. Les instruments de la politique
monétaire
Afin de mettre en oeuvre sa politique monétaire, la
banque centrale, après avoir fixé ses objectifs
intermédiaires, endosse son rôle de fournisseur de monnaie banque
centrale aux institutions financières qui lui empruntent de la monnaie
pour couvrir principalement les opérations de compensation entre banques
commerciales et de refinancement liés à leurs activités de
prêteur. Il s'agit de la constitution de réserves en monnaie
banque centrale parallèlement à l'octroi de prêt aux agents
économiques et d'opération de refinancement lié à
l'utilisation de ces lignes de crédit par les agents concernés.
Les banques commerciales ne pouvant pas créer de monnaie, banques
centrales doivent systématiquement compenser les opérations
qu'elles réalisent.
La politique monétaire possède alors
différents instruments d'intervention sur le marché
monétaire. Ces instruments sont les suivants :
Définition du marché monétaire
:
Le marché monétaire est un marché de la
liquidité à court terme (de 24 heures à 1 an voire 2 ans
dans certains cas) et sur lequel interviennent les institutions
financières que sont entre autres les banques commerciales, les
Trésors publics, les assurances, certains fonds financiers mais aussi
certaines grandes entreprises. Ces dernières placent (offre) ou
empruntent (demande) de la monnaie en échange de titres tels que les
bons du trésor, les certificats de dépôt négociables
(CDN) pour les banques, les billets de trésorerie (BT) pour les grandes
entreprises etc. Ce marché se décompose en deux sous -
marchés : le marché interbancaire composé
uniquement d'établissements de crédit et qui possède un
fonctionnement propre (durée, taux, conditions) et le
marché des titres de créances négociables (TCN),
BT, CDN, bons du trésor etc., lesquels ne sont pas côtés et
sur lequel interviennent tous les acteurs du marché monétaire.
C'est sur ce marché monétaire qu'intervient la
banque centrale. Celle-ci va influencer les conditions de taux
d'intérêt du marché en fixant le volume de liquidité
qu'elle offre, i.e. un grand volume de liquidité tire les taux du
marché à la baisse, et en fixant son taux d'intérêt,
i.e. un taux d'intérêt faible tire les taux du marché
à la baisse.
1. Les opérations d'open-market et de
crédit
Les opérations d'open-market ont pour principales
caractéristiques, la fourniture temporaire de monnaie
banque centrale en échange d'une rémunération au
taux d'intérêt directeur et sous condition de fournir
à la banque centrale des garanties éligibles mises en
pension. Ces garanties sont principalement des TCN. Ces titres vont
alors figurer à l'actif de la banque centrale jusqu'à
échéance du prêt consenti.
17
Les principales opérations d'open-market sont
hebdomadaires et prennent la forme d'appels d'offre émis par la banque
centrale sur le marché monétaire dont les conditions sont le
volume de monnaie disponible aux prêts, la durée du prêt
(généralement 1-3 semaines) et le niveau du taux
d'intérêt applicable au prêt.
Tout besoin de refinancement non couvert par ces
opérations oblige les banques concernées à se tourner vers
le marché interbancaire, i.e. se financer à très court
terme auprès des autres banques commerciales, à un taux
d'intérêt calculé sur la base des taux
d'intérêt directeurs de la banque centrale. Il s'agit des taux
dits EONIA (au jour le jour) et EURIBOR (d'un mois à 3 ans).
Un autre type d'opération d'open-market existe, il s'agit
d'appels d'offre dont la fréquence est mensuelle. Leur
échéance est plus longue (généralement
supérieure à 3 mois) et le taux d'intérêt directeur
associé est plus élevé. Ces opérations sont
destinées à des institutions financières moins bien
intégrées sur le marché monétaire.
Enfin, des opérations dites de « réglages fins
» auxquelles aucune échéance n'est associée et sont
utilisées dans des situations exceptionnelles.
Ces 3 premiers instruments des banques centrales sont le point de
départ de la transmission de la politique monétaire à
l'économie réelle. Ils permettent la gestion de la masse
monétaire en circulation (objectifs intermédiaires) et la
poursuite de l'objectif intermédiaire de taux d'intérêt.
2. Les facilités permanentes et les réserves
obligatoires
En parallèle des opérations d'open-market, d'autres
instruments existent. Les facilités permanentes :
? Les facilités de prêt marginal :
consiste en des prêts dont la durée n'excède pas
une journée et dont le montant n'est pas limité. Il s'agit de
répondre à des situations exceptionnelles et urgentes. Les taux
d'intérêt associés à ces prêts sont
élevés et servent de plafond dans le calcul des taux
d'intérêt interbancaires.
? Les facilités de dépôt :
il s'agit du taux de rémunération des
dépôts des banques commerciales auprès des comptes de la
banque centrale. Ce taux est bien sûr strictement inférieur au
principal taux directeur.
18
Les réserves obligatoires :
La banque centrale peut agir sur le niveau de levier des
banques commerciales en leur imposant un taux de réserve obligatoire
constitué de dépôt de leurs clients. Ces réserves
doivent servir à couvrir les risques de liquidité associés
à leurs positions et assurer une meilleure stabilité des taux
d'intérêt du marché monétaire.
En résumé, les instruments que nous avons
présentés permettent de transmettre de façon directe au
marché monétaire les décisions stratégiques des
banques centrales ; et vont, via les canaux de transmission que nous allons
définir dans la partie suivante influencer l'économie
réelle, de telle manière à permettre en définitive,
la réalisation des objectifs finaux des banques centrales.
3. Opérations exceptionnelles :
D'opérations structurelles : consiste en l'achat/la
vente définitive de titres financiers par la banque centrale en vue
d'impacter de façon directe le volume de la masse monétaire ou
accessoirement le prix des actifs et les taux d'intérêt sur les
marchés obligataires entre autres. Ce type d'instrument a
retrouvé une place de choix durant la récente crise.
Les reprises de liquidité en blanc : vise
à diminuer la masse monétaire en proposant des
rémunérations intéressantes sur les dépôts
des banques auprès des BCN.
L'émission de certificats de dette : la banque
centrale devient créancière des autres banques dans le but de
retirer des liquidités de l'économie.
Les échanges de devises : influence les taux de
change.
On peut souligner ici l'importance du marché
interbancaire dans la transmission de la politique monétaire. Tout
disfonctionnement de ce marché peut être la source de graves
déséquilibres économiques et financiers. Le marché
interbancaire est ainsi « une plateforme de jeu interactive »
déterminante dans la quête de la croissance et de la
stabilité macroéconomique. Les mouvements des taux interbancaires
sont donc suivis de près par l'ensemble des acteurs financiers et
économiques, par les banques centrales mais aussi par les États.
Ce sont des indicateurs clés pour juger de l'état de la
conjoncture économique, de la nature des anticipations, et pour
élaborer des projections.
19
V. Les canaux de transmission de la politique
monétaire
Les principaux canaux de transmission considérés
pour la politique monétaire sont ceux du crédit et du taux
d'intérêt. Cependant, d'autres canaux de transmission existent et
tiennent une grande importance dans la conduite d'une politique
monétaire optimale. Nous allons à présent identifier la
nature et le fonctionnement de ces canaux.
1. Le canal du taux d'intérêt
Notons que les décisions d'investissement se basent
avant tout sur le taux d'intérêt réel à long terme
plutôt qu'à court terme. Ce qui implique que le mécanisme
de transmission d'une politique monétaire expansionniste sur
l'investissement par le biais du taux d'intérêt n'est pas valable
à court terme. Ainsi, pour agir sur l'économie réelle, la
politique monétaire doit pouvoir induire des baisses des taux
d'intérêt réels de long terme. Lorsqu'elle satisfait aux
conditions de crédibilité définies dans notre
développement, la banque centrale est capable d'agir sur ces taux de
long terme grâce à la fixation de son taux directeur à
court terme sur le marché monétaire. Ce résultat est
possible car la construction de la courbe par terme des taux du
marché ** est telle que les taux d'intérêt de long
terme sont calculés sur la base d'une moyenne des taux
d'intérêt anticipés à court et moyen terme. Ainsi,
des mouvements de baisse du taux d'intérêt directeur de court
terme induisent à la fois une baisse immédiate des taux
d'intérêt réels, les prix étant rigides à
court terme, mais aussi, suppose qu'une baisse des taux d'intérêt
nominaux de long terme à laquelle s'ajoutent des anticipations de hausse
de l'inflation liées à la politique moins rigide finissent par
faire baisser les taux d'intérêt réels de long terme.
Ainsi, ce mécanisme devrait au final inciter les entreprises à
investir, le coût du capital étant non élevé et
ainsi créer de la croissance et une baisse du niveau du chômage.
Aussi, certains auteurs soulignent le fait que ces dépenses
d'investissement ne concerneraient pas que les entreprises mais aussi la
consommation via des achats de biens durables ou l'investissement
immobilier.
** Cette courbe représente les taux
d'intérêt moyens pratiqués sur les obligations et
calculés en fonction du temps, du taux de refinancement, du taux sans
risque et des primes de risque.
Dans une certaine mesure, ce canal du taux
d'intérêt fait autant de partisans qu'il ne soulève de
critiques quant à son efficacité. Notons que ce canal est plus
efficace dans les économies orientées vers le marché comme
aux USA et en UK tandis que le canal du crédit serait plus important
dans les économies orientées vers le système bancaire
comme en Europe.
Enfin, notons que ce canal peut être effectif même
si les taux directeurs sont déjà au plancher et cela par le biais
d'anticipations d'inflation liées à la variation du volume de
liquidité offert par les banques centrales. C'est d'ailleurs la
stratégie que ces dernières ont adopté face au
problème du « zero lower bond » durant la récente
crise.
2. 20
Le canal du taux de change
Il n'y a pas de surprise lorsqu'on rappelle que la perte de
valeur d'une monnaie par rapport à une autre (dévaluation) peut
être très profitable en ce sens qu'elle favorise les exportations
et donc l'accroissement des activités nationales, l'emploi, la
consommation et l'épargne. Cela, à condition
bien sûr de la soutenabilité économique du
renchérissement des importations. Cela dépendra alors de
la catégorie du pays, majoritairement exportateur comme la Chine ou
fortement importateur.
Mais les effets du taux de change sur l'économie
réelle ne s'arrête pas à cette considération mais
influence aussi les mouvements de capitaux et les risques liés à
la fluctuation du change comme nous l'avons précisément
décrit dans la section 1 de la première partie de ce
mémoire.
Mais comment la politique monétaire agit-elle via ce
canal du change ? La logique derrière cette question est la suivante
:
Une baisse des taux d'intérêts directeurs
implique une baisse de la rémunération des dépôts en
monnaie nationale et donc une baisse du volume de ces dépôts
contre une hausse du volume des dépôts libellés en monnaie
étrangère qui sont mieux rémunérés. Par
conséquent, l'application de la loi de l'offre et de la demande conduit
à la baisse de la valeur de la monnaie nationale. Cette baisse de la
valeur relative de la monnaie nationale correspond aussi à une hausse du
pouvoir d'achat des pays étrangers sur les biens nationaux et donc
à une augmentation de la demande étrangère et donc du
niveau des exportations et du PIB national sous certaines
conditions. La banque centrale peut aussi intervenir de façon
directe sur le marché des devises mais ne le ferait que très
rarement.
Les considérations de change ne sont pas explicitement
prises en compte dans les décisions de la politique monétaire et
certains auteurs critiquent ce fait. Ces derniers estimant que ce canal a
été trop minimisé par les autorités
monétaires depuis l'adoption du régime de change flottant.
3. Les canaux du prix des actifs autre que la monnaie
L'idée de base reste assez simple : lorsque le taux
directeur de la banque centrale diminue, l'attractivité des titres
obligataires baisse du fait de la baisse de leur taux de rendement. La hausse
du prix des titres obligataires déjà détenus conduit
à leur cession sur les marchés secondaires et donc, à une
augmentation de la demande de monnaie. Ces liquidités
récupérées, ainsi que les liquidités disponibles au
placement à ce moment donné sont alors investies pour partie sur
le marché des actions qui offre des potentialités de gains plus
élevées.
21
Le cours des actions augmentent alors créant un effet
richesse pour les détenteurs de ces titres qui pourra se formaliser par
une augmentation de la demande pour des biens de consommation.
Mais aussi, cette affluence de
liquidité disponible pour le financement des entreprises leur offre
l'opportunité et l'incitation à l'engagement de nouveaux projets
d'investissement à long terme. Celles-ci profitent alors de la hausse
des cours des valeurs actionnariales pour émettre de nouvelles actions
à un prix de marché supérieur à leur valeur
fondamentale. La finalité étant bien sur l'augmentation du PIB,
de la consommation et la baisse du chômage.
Tobin, en 1969 approche ce mécanisme via le calcul d'un
coefficient « q » qui met en rapport la valeur boursière des
entreprises et le coût de renouvellement du capital productif.
Notons enfin que cette approche peut tout
autant s'appliquer au marché immobilier par exemple lorsqu'on
considère qu'il constitue une opportunité d'investissement
alternatif et que la valeur des biens immobiliers est relativement plus
importante lorsque celle des obligations et titres assimilables diminue.
Le revers de ce canal du prix des actifs serait les risques
liés à la formation de bulles spéculatives sur ces
marchés.
4. Le canal du bilan
Par ailleurs, et dans la logique du canal
précédent du prix des actifs, une hausse de la consommation ou de
l'investissement peut être induite par ce qu'on peut appeler le canal du
bilan. En effet, l'impact positif qu'une politique monétaire peut avoir
sur la valeur des titres détenus par des agents économiques,
engendre une amélioration de leur situation patrimoniale, leurs
permettant d'être éligible à de nouveaux emprunts pour la
conduite de projets d'investissement ou pour la consommation. Ce canal a alors
une influence sur le canal du crédit. Aussi,
l'amélioration induite par ce financement supplémentaire sur la
structure financière des entreprises, sur leur rentabilité
financière, voire sur leur rentabilité économique, tend
à permettre l'amélioration des conditions économiques et
de financement de l'ensemble de la nation.
Une telle politique permet par ailleurs une baisse notable des
problèmes de sélection adverse et d'aléa de
moralité, lesquels contraignent le financement des projets
d'investissement envisagés par les entreprises. Ce dernier point
implique que dans une certaine mesure, une telle politique monétaire
aurait pour conséquence d'assainir les conditions économiques en
permettant que soit alloués des financements à des projets moins
risqués et plus viables. Les études dans ce domaine ayant
démontré que des taux d'intérêt élevés
tendent à décourager les « good project » au profit de
projets plus risqués « bad project ».
22
Enfin, il est important de noter que les
décisions des autorités monétaires auront un effet sur la
valeur patrimoniale des agents dans une autre mesure. En effet, lorsque l'on
s'intéresse aux engagements financiers des agents que sont les
dettes et les créances, il faut noter qu'une politique
monétaire très accommodante, qui va impulser une hausse du taux
d'inflation, aura pour effet de diminuer l'endettement réel
des emprunteurs, soit d'améliorer leur situation patrimoniale
avec ce que cela implique en terme d'éligibilité aux
financements. A l'inverse, une telle politique sera négative pour les
prêteurs.
Attention, on notera que si, dans le cas contraire, on est
face à une politique monétaire très restrictive, la
dégradation du patrimoine des agents économiques peuvent avoir
des effets très néfastes sur l'investissement et la
consommation.
5. Le canal du crédit
Les marchés financiers ne suffisent pas à
assurer le financement des besoins en liquidité de l'ensemble des agents
économiques. Les conditions d'accès au marché et
d'éligibilité au financement sont telles qu'une grande partie des
entreprises en sont exclues. Les banques commerciales tiennent alors un
rôle majeur pour contourner les limites des marchés financiers et
assurer, en complément de ces derniers, une bonne allocation des
ressources financières.
Elles occupent alors une place importante dans la transmission
de la politique monétaire via le montant de crédit qu'elles
accordent. Lorsque la banque centrale baisse ses taux, tout ou partie de cette
baisse doit en temps normal se répercuter sur le volume de crédit
que les banque de second rang vont octroyer (sauf en cas de « credit
crunch » persistant). Les crédits sont utilisés par les
agents économiques en consommation de biens ou investis dans des projets
d'investissements. Cela aurait bien sûr pour effet d'améliorer la
conjoncture économique.
L'efficacité de ce canal reste très
discutée dans un contexte récent de vagues de
libéralisation financière. Il semble pourtant qu'il ait toujours
une importance considérable, notamment en ce qui est de la
redistribution des richesses dans l'économie et dans le
développement de l'entreprenariat et du crédit à la
consommation. Ce canal reste cependant primordial en Europe où
l'intermédiation financière occupe toujours une place
prédominante.
On peut noter que, selon la théorie, la persistance de
l'intermédiation financière tient du fait que l'importance des
incertitudes liées au fonctionnement des marchés financiers en
termes de transparence de l'information, de problèmes de
sélection adverse, d'instabilité du prix des actifs et de risques
de défaut ; font que certains agents préfèrent se tourner
vers ces institutions qui possèdent les connaissances,
l'expérience ainsi que la « retenue » qui leur est
imposée par la réglementation prudentielle, pour sécuriser
les dépôts et investissements.
23
De nombreuses études continuent d'être
menées sur l'efficacité des canaux de transmission de la
politique monétaire, leur nature et leur fonctionnement. Par exemple
celles de Mishkin ou d'Arkeloff qui tendent à
expliquer les choix des ménages en situation d'incertitudes.
Dans tous les cas, l'importance de ces canaux et leur
fonctionnement dépendront beaucoup de la conjoncture économique,
des caractéristiques structurelles des économies et des types de
politiques monétaires en vigueur.
24
TITRE 2 : La politique monétaire depuis
le début de la « grande dépression » : Le
bilan
I. Les principaux défis de la politique
monétaire et les limites des stratégies
conventionnelles
Dans cette seconde partie, nous étudierons les
réactions des autorités monétaires durant les moments
forts de la « grande dépression » et nous jugerons de leur
pertinence, de leur efficacité et de leurs implications.
Depuis la crise des subprimes, laquelle a été
suivie par la crise des dettes souveraines à partir de 2010, les banques
ont dû faire face à des défis considérables. Les
rôles primordiaux qu'elles tiennent dans les mécanismes de
stabilisation économique en font les principales responsables dans la
lutte contre les situations de crises et du retour à des situations
économiques et financières soutenables. Pour remplir ce
rôle les banques centrales peuvent utiliser tous les outils qu'elles ont
à leur disposition. Cependant, conformément aux principes qui
conditionnent leur existence, elles peuvent agir librement dans ce sens mais
sous contrainte de réaliser de façon conforme leur
mission de lutte contre l'inflation.
La crise des subprimes a entraîné un fort recul
des activités économiques dans les pays développés,
une augmentation des taux de chômage, un recul notable de la demande
globale à laquelle s'ajoute un problème de surendettement des
ménages, une forte augmentation des niveaux des dettes publiques et des
taux d'intérêt associés, une forte désinflation et
de grands risques d'entrer dans un cycle déflationniste, des faillites
en cascade entre autres.
Sans pour autant revenir sur les origines de cette crise et
sur sa mise en oeuvre, nous devons souligner que toutes ces conséquences
désastreuses viennent avant tout de la forte contraction des
marchés monétaires et financiers qui ont cessé de
jouer leur rôle dans le financement des activités
économiques. Les taux d'intérêt à court et long
terme du marché monétaire augmentent parallèlement
à des comportements de « crédit crunch »
de la part des établissements financiers qui cherchent à
réduire la taille de leur bilan pour se protéger. La valeur des
actifs sur les marchés financiers dégringolent. Cette contraction
est la conséquence d'une crise de confiance
généralisée sur ces marchés mais aussi au
niveau des ménages avec des phénomènes de «
bank-run ».
Le principal défi des autorités
monétaires au lendemain de la crise est de se substituer aux
marchés interbancaires et financiers devenus gravement
défaillants. Le choix de ses objectifs intermédiaires
répond donc, dans un premier temps, à cette
nécessité.
Dans cette optique, les banques centrales décident dans
un premier temps de baisser leur taux d'intérêt directeur
jusqu'à ce que ceux-ci atteignent des niveaux plancher.
Conformément à
25
notre étude dans la partie précédente,
ces mesures visaient à rétablir le fonctionnement normal des
canaux du taux d'intérêt du crédit, mais aussi, de jouer
positivement sur les canaux du prix des actifs et de la valeur du patrimoine.
Cela en fournissant la liquidité nécessaire au bon fonctionnement
du système bancaire et en dirigeant les anticipations d'inflation
à la hausse afin de tirer à la baisse les taux
d'intérêt réels de long terme. Aussi, la BCE a
annulé, voire rendu négative, la rémunération des
réserves des banques commerciales dans ses comptes afin de les inciter
à prêter leurs excédents de liquidités. Cette mesure
a cependant reçu plusieurs critiques que nous aborderons dans notre
bilan d'efficacité.
Ces décisions politiques étaient
nécessaires pour faire face au blocage de l'économie, mais
très insuffisantes puisque les banques centrales ont rapidement
été confrontées à ce que l'on appelle le
problème du « zero lower bond », situation
dans laquelle l'outil du taux d'intérêt devient inutilisable
puisque, ayant atteint des valeurs très faibles et proches de
zéro, il n'a plus aucun effet sur la courbe à terme des taux
d'intérêt, ni sur les autres canaux de transmission d'ailleurs.
C'est alors que les banques centrales ont dû rapidement
répondre à ce problème en mettant en oeuvre de nouvelles
stratégies, i.e. en élaborant de nouveaux objectifs
intermédiaires et de nouveaux instruments, afin de combattre les effets
de la crise. Il s'agit de ce que l'on nomme couramment les politiques
monétaires non conventionnelles.
La sévérité des défis que doivent
surmonter les banques centrales les a, dans une certaine mesure, obligé
à rompre avec leurs principes d'indépendance et
d'impartialité. Leurs positions ont d'ailleurs soulevé des
inquiétudes quant à la crédibilité de leur
action.
Nous allons dès lors expliquer en quoi consistent ces
politiques non conventionnelles, dans quelles mesures ont-elles
été utilisées et quelles ont été leur
efficacité et leurs implications pour l'avenir.
II. Le recours aux politiques monétaires non
conventionnelles 1. Les politiques de « quantitative easing
» (assouplissement quantitatif)
Ce type de politique consiste à rendre les conditions
d'accès à de la monnaie banque centrale beaucoup plus souple,
cela en combinant trois principales actions :
- En augmentant le volume de liquidité offerte par la
banque centrale lors de ces appels
d'offre
- En multipliant le nombre d'appels d'offre
- En augmentant la durée de remboursement des prêts
qu'elle consent
- En élargissant la palette de titres éligibles
pour garantir les prêts consentis
26
Ce type de politique vise principalement à saturer la
demande sur le marché monétaire afin que les activités de
financement puissent se remettre en place.
Cependant, elles ont aussi pour effet d'augmenter la taille du
bilan de la banque centrale et de l'obliger à détenir ces titres
pour des durées moyennes plus longues ce qui la soumet à des
risques de défaut et de marché croissant en fonction son niveau
de tolérance pour l'acceptation des titres en échange de
prêt et du degré d'instabilité de l'économie.
Enfin, ces mesures ont pour effet d'augmenter la base
monétaire disponible pour le financement de l'économie mais
n'assure cependant pas l'utilisation effective de ces liquidités de
telle façon à induire une augmentation proportionnelle de la
masse monétaire en circulation. En effet, il semble que cela soit
d'ailleurs le cas à l'heure actuelle et depuis le début de la
crise, avec un canal du crédit qui semble complètement
roué à la fois à cause du surendettement des agents
privés et de la frilosité des banques à assumer les
risques de défaut ou pire ceux liés à une nouvelle crise
systémique.
Enfin, certains intellectuels alertent sur les risques
d'hyperinflation qui peuvent découler de telles mesures.
2. Les politiques de « credit easing »
(assouplissement des conditions d'accès au crédit)
Ce type de politique a été utilisé en
complément des politiques d'assouplissement quantitatif dans le but
d'agir plus directement sur le financement de l'activité
économique et en palliation de la défaillance des canaux du
crédit.
Ces politiques consistent en des achats directs et
définitifs de titres auprès des institutions financières
et des marchés financiers sur les marchés secondaires. Dans le
cas des États-Unis, les achats concernent aussi des bons du
trésor acquis sur le marché primaire très souvent.
Ces opérations ont pour but de retirer les actifs
sensibles du marché, d'agir sur la valeur de marché de certains
titres (ex : obligations), d'apporter de la liquidité directement sur
les marchés et par extension, de rétablir un fonctionnement
normal de ces marchés alors en partie assainis et rassurés de
telle sorte à ce qu'ils assurent à nouveau leur rôle dans
le financement de l'économie.
Les banques centrales se servent de leurs réserves pour
mener ces opérations.
Ce type de politique présente un danger important pour
les banques centrales qui voient leur bilan se détériorer avec
chaque entrée à son actif de titres présentant le plus
souvent des risques de marché élevés et pour certains des
risques de défaut notables. La conséquence de ces
dégradations font que des critiques se soulèvent quant à
la légitimité des actions des banques centrales
concernées, quant à leur crédibilité mais aussi
quant à ce que cela implique
27
en terme de risque d'hyperinflation et de dévaluation
de la monnaie concernée. Cependant, ces inquiétudes sont
contrebalancées par le caractère strictement exceptionnel,
nécessaire et temporaire de ce type d'actions.
Les politiques de « credit easing » ont
été utilisées de façon très
différente en fonction des banques centrales et de leurs objectifs. En
effet, la BCE s'attèle alors à débloquer le marché
monétaire tandis que la Fed et la BoE font du retour à la
stabilité sur les marchés financiers leur principale
préoccupation. C'est par excès de prudence que la BCE s'est
refusée à mettre en oeuvre ce type de politique à grande
échelle mais aussi par son grand attachement à ses principes
d'indépendance et d'impartialité. Tandis que la Fed a
utilisé ces politiques dès le début de la crise de
façon importante et répétée.
La BCE, au contraire de la Fed et de la BoE, s'engage à
compenser ses actions par des opérations de stérilisation afin
d'éviter de créer trop d'inflation. C'est-à-dire que la
liquidité qu'elle injecte dans l'économie via les
opérations de « credit easing » doit être
compensée par le retrait de liquidités sur d'autres postes.
On peut par exemple noter que la Fed rachète dès
le début de la crise un volume important de titres risqués
adossés aux créances hypothécaires (MBS) dans le but de
maîtriser la charge de la dette dans le budget des ménages puisque
ces crédits avaient été accordés avec un taux
d'intérêt variable ; mais aussi pour stopper la
dégringolade des prix de l'immobilier et assainir les bilans des
participants aux marchés financiers. Vient ensuite le tour des titres du
secteur privé et des bons du trésor.
Aujourd'hui, bien que la BCE se soit toujours refusée
à intervenir sur le marché de la dette publique, voici que, comme
ses homologues américains et anglais, elle engage depuis plus d'un an
des programmes de rachat massif d'obligations publiques, mais aussi dans une
certaine mesure privée, sur les marché secondaire afin
d'influencer de façon décisive les taux d'intérêt
associés aux dettes publiques, les taux d'intérêt du
marché obligataire, de faire baisser les primes de risque et de soutenir
de façon directe les économies en voie à la
déflation. Pourtant, la BCE s'était jusqu'à présent
contentée de décision de « quantitative easing » assez
timide en comparaison des mesures anglaises et américaines.
Dans le cas général, les banques centrales ont
toutes exprimé leur ferme intention de maintenir leurs taux très
bas et de procéder si besoin est à de nouvelles mesures
exceptionnelles tant que la reprise économique n'aura pas
été effectivement consommée.
Voici quelques exemples des programmes qui ont
été mis en oeuvre par les banques centrales depuis le
début de la crise :
- « Term Auction Credit Facility » (TAF) -
2007 - Fed : « quantitative easing » - « Term
Securities Lending Facility » (TSLF) - 2007 - Fed :
réservés aux
principaux acteurs du marché, ce programme permet
d'échanger pendant 28 jours des
divers titres contre des bons du Trésor.
- « Securities Market Program » (SMP) - 2010 -
BCE : achats d'obligations d'Etat
28
3. L'utilisation des politiques monétaires non
conventionnelles durant la crise
Voyons quelques illustrations graphiques qui vont nous
permettre d'établir plus clairement dans quelles proportions les banques
centrales des principaux pays engagés dans la crise que sont la BCE, la
Fed et la BoE, ont eu recours à ces types de politiques.
On peut constater au regard de ces deux derniers graphiques que
les taux d'intérêt directeurs présentés suivent les
mêmes tendances, ce qui confirme bien le suivi d'une règle
établie.
29
On remarque que la BCE a été beaucoup plus timide
que les autres B.C. dans la baisse de son taux depuis le début de la
crise.
Les « repos » concernent les actifs mis en pension
contre liquidité. Ce graphique nous donne une idée de l'impact
des mesures de « quantitative easing » pour la BCE. On remarque que
malgré des taux de « refi » largement diminués depuis
fin 2008, le temps de réaction des banques a été tout de
même très long. Une franche reprise des activités du
marché monétaire se fait à partir de début 2012
avec le pic d'utilisation des politiques de « quantitave easing » et
l'introduction de politiques de « credit easing » avant de ne
ralentir à nouveau ces derniers temps. Cela étant sûrement
du au problème du « zéro lower bond »
Bilan de la Fed, BoE, BoJ et BCE, base 100 en
2007
30
On note grâce à ce dernier graphique l'importance
de la réaction de la Fed et de la BoE dès les débuts de la
crise avec une explosion de la taille de leur bilan du fait majoritairement des
politiques de « credit easing ». Tandis que la BCE reste encore en
large recul jusqu'en 2012 où elle agit de façon plus
engagée.
31
Ces deux derniers graphiques nous permettent de constater les
proportions très importantes de titres détenus fermement par la
Fed et donc sur l'ampleur de l'utilisation des politiques de « credit
easing ». En 2012, près de 90% de son actif est composé
uniquement de titres. Tandis que dans le cas de la BCE cette proportion reste
relativement très faible jusqu'en 2012 où elle augmente
rapidement et atteint un peu moins de 50% de la valeur de son actif. Cela
étant assimilable au lancement des programmes de rachat de dettes
publiques.
32
Nous pouvons observer plus en détail dans ces deux
derniers graphiques, la décomposition par nature de l'actif de la Fed.
On remarque que dans le premier graphique qui concerne la proportion de MBS et
de titres du trésor, qu'en début de crise et jusqu'en 2011, la
majorité des titres détenus sont des titres MBS. Depuis 2011, les
titres du trésor deviennent majoritaires. Ces observations sont en
accord avec la stratégie américaine de stabilisation des
marchés financiers.
De manière plus complète
détaillée, le dernier graphique nous donne une
décomposition plus fine de ces acquisitions ainsi que des indications
sur les volumes et la nature des crédits accordés entre 2007 et
2009. On remarque alors qu'en début de crise, une très grande
attention a été portée à la stabilisation des
marchés par des crédits importants aux investisseurs et au
secteur financier. Mais aussi, ces opérations ont consisté en des
opérations de nettoyage avec les programmes TSLF qui visent à
retirer du marché pendant un temps donné, les actifs les plus
risqués et qui étaient responsables de l'entrée en crise.
(cf définition partie précédente).
Conclusion
Ce qu'il est très important de souligner c'est le
niveau de risque des engagements sur titres pris par les banques centrales
ainsi que les atteintes en terme de crédibilité de la politique
monétaire qui s'est de loin éloignée de ses missions
restrictives d'avant crise. La taille du bilan des banques centrales a
énormément augmenté, en même temps que le niveau du
risque de défaut et de marché associé à ses actifs
et enfin les risques liés à la stabilité de la monnaie. La
gestion de crise par la BCE et par la Fed est cependant différenciable,
la BCE s'est plus longtemps accrochée à son principe de
neutralité que la Fed qui pour sa part à réagi de
façon extrêmement forte dès de début de la crise en
se portant acquéreuse de façon directe de titres du trésor
et de titre privés, souvent de façon ferme, dans le but de
stabiliser les marchés financiers et de contribuer de façon
directe à la relance de l'économie.
Ce comportement peut aussi se justifier par le fait que
l'économie américaine est une économie majoritairement
financée par le marché financier contrairement à
l'économie européenne qui est tournée vers le
système bancaire. Cependant, la BCE, après une période de
frilosité passe le cap, par obligation au vue de l'impact de la crise de
la dette en plus de celle des subprimes, et s'engage dans des rachat fermes et
massifs de titres de dettes souveraines à long terme mais aussi du
secteur privé à la différence que la BCE contrairement
à la Fed refuse catégoriquement d'intervenir directement sur le
marché primaire de la dette. Les objectifs étant toujours de
saturer l'économie en liquidité afin de relancer
l'économie réelle via l'investissement et la consommation ainsi
que de stabiliser le système financier. Opération de
stérilisation.
33
III. Bilan d'efficacité des politiques
monétaires dans la gestion de la crise
Les politiques menées durant la crise ont eu nombre
d'effets positifs puisqu'elles ont empêché cette crise de devenir
catastrophique. Il serait difficile de faire un bilan précis de
l'efficacité des politiques monétaires récentes puisque
nous n'avons non seulement pas le recul nécessaire à ce travail,
l'activité de crise étant toujours au goût du jour, mais en
plus les effets de ces décisions peuvent être si divers et les
interactions si complexes qu'il serait difficile d'en faire un
résumé en quelques lignes.
Nous pouvons tirer quelques conclusions majeures.
? Les politiques menées par la BCE et par la
Fed n'ont pas engendré une reprise du crédit aux agents
privés : en effet, malgré le fort activisme sur le
marché monétaire, les banques restent toujours très
frileuses et méfiantes à l'idée d'accroître à
nouveau la taille de leur bilan. Au contraire, depuis le début de la
crise, elles tentent systématiquement de couvrir leurs positions
à risque en limitant le volume de crédit accordé aux
agents privés mais en plus, elles placent la majeur partie des
liquidités mises à leur disposition par la banque centrale sous
forme de réserves afin d'être entièrement
protégées. D'où la décision de la BCE de fixer le
niveau de rémunération des excès de réserve
à des niveaux négatifs. Mais le problème du blocage du
crédit ne vient pas que des banques mais aussi des agents privés
dont la demande est très faible. Et ce serait là le principal
problème. L'excès d'endettement des ménages associé
à leur pessimisme concernant la conjoncture économique font que
ceux-ci ne désirent pas s'endetter d'avantage. L'un des principaux
canaux de transmission de la politique monétaire reste bloqué.
·
34
La baisse des taux de rémunération de
dépôts semble avoir contribué à la baisse des taux
de court terme associés aux dettes souveraines : dans la mesure
où les banques ont été incitées à utiliser
cette liquidité dans le placement sur titre.
· Les politiques menées ont atténué la
crise de liquidité mais n'ont cependant pas permis une reprise franche
de l'activité économique.
· Elles ont permis la reprise de confiance sur les
marchés boursiers en soutenant notamment les valeurs des actions.
· Les effets des politiques monétaires sur la courbe
des taux ont été notables puisqu'elles ont permis une baisse des
taux de long terme ainsi que des taux d'intérêt réels
ex-ante.
· L'envolée des taux d'intérêt sur les
dettes souveraines a été en partie limitée.
· Les taux des prêts hypothécaires ont
beaucoup baissé aux USA depuis le début de la crise
35
? Les anticipations d'inflation sont restées
très stables malgré la crise et le caractère
inflationniste des politiques monétaires utilisées : en
effet, les banques centrales et surtout la BCE, ont réussi haut la main
le pari de la crédibilité. L'ancrage des anticipations
d'inflation a été solide et cela même face à la
crise, les bons des taux d'inflation à la hausse comme à la
baisse et à la tendance déflationniste observée. Cela a
permis aux politiques monétaires de pouvoir avoir des effets
réels sur l'économie en permettant notamment la baisse des taux
d'intérêts réels ex-ante parallèlement à
baisse des taux d'intérêt nominaux. Ces premiers ont même
atteint des niveaux négatifs, excellente chose pour la relance de
l'investissement. On se rend compte encore une fois de l'importance qu'a le
maintien de la crédibilité des politiques monétaires car
si celle-ci avait été fragile, les agents auraient
anticipé de la déflation ce qui aurait pu précipiter les
économies dans une spirale déflationniste.
Voici un graphique qui illustre ce constat.
? Les primes de terme sur les marchés obligataires aux
États-Unis sont devenues négatives depuis mi-2011, ce qui est
positif en un sens mais implique cependant des risques de formation de bulle
spéculative, les placements étant abusivement perçus sans
risque. Il semble d'ailleurs que cela soit déjà le cas lorsqu'on
observe l'évolution des prix immobiliers et des titres cotés en
bourse qui semble excessive au regard du rythme de l'activité.
36
? L'orientation des politiques a cependant placé en
situation très difficile les OPCVM monétaire
? La crédibilité des banques centrales semble
être de plus en plus remise en question ce qui constitue un risque
important pour la stabilité de l'économie et de la monnaie. Leur
bilan s'est en effet augmenté d'actifs de plus en plus risqués et
leurs positions concernent des volumes de liquidité bien plus grands
qu'avant la crise et pour des échéances en moyenne beaucoup plus
longues.
? L'utilisation à grande échelle des politiques
non conventionnelles inquiète en ce qui est des risques d'hyperinflation
soudaine une fois le retour du bon fonctionnement des canaux de
transmission.
IV. Le défi de l'EXIT pour les politiques
monétaires : quelle stratégie adopter ?
Une question qui inquiète au plus haut point est celle
de savoir comment les banques centrales comptent rétablir une masse
monétaire soutenable pour la stabilité des prix une fois que
l'activité économique aura redémarré. En effet, un
défi de taille les attend car une fois que les canaux de transmission
auront recouvré leur vigueur d'avant crise, il est fort probable que les
énormes volumes de liquidité injectés par les banques
centrales dans le système bancaire et les marchés
monétaires se retrouvent effectivement dans l'économie
réelle et conduisent à une explosion de l'inflation et à
une forte dévaluation. L'occurrence d'une telle situation est
très probable c'est pourquoi les banques centrales vont devoir finement
adapter leur action afin de retirer progressivement de l'économie les
liquidités excédentaires. Elles disposent pour cela de
différentes options que sont entre autres :
- la remontée de ses taux d'intérêt,
- la cession des titres qu'elle a acquis à son actif
pendant la crise,
- l'émission de certificats de dettes non
négociables
- l'augmentation de la rémunération des
dépôts
- ou dans une moindre mesure l'échange de devises.
Cependant, la plus grande question n'est pas
réellement de savoir quels outils elles utiliseront mais de savoir
quelles stratégies de sortie de crise vont-elles adopter. En effet, si
les autorités monétaires adoptent un comportement trop basique et
grégaire, il y a de fortes chances qu'à peine sortie de la
récession, elles précipitent à nouveau les
économies dans une nouvelle crise semblable à la
précédente, ou dans sa continuité.
37
En effet, en tentant de retirer trop brutalement les surplus
de liquidité en circulation, elles vont engendrer une nouvelle crise de
panique et de confiance dans les systèmes bancaires et sur les
marchés financiers. Pire encore, si cela se produit, alors il est
probable que même des recours à l'utilisation massive de
politiques monétaires non conventionnelles ne puissent plus
rétablir cette confiance au moins à moyen terme, puisqu'elles
auront perdu de leur crédibilité.
Comment un tel scénario pourrait se produire ?
? La remontée trop rapide des taux directeurs
:
- Risque d'engendrer une remontée des taux de
marché plus que proportionnelle, ces taux restant très sensibles
aux variations des taux de « refi » en période de
fragilité économique. Cela aura pour conséquence
d'augmenter brutalement les taux d'intérêt réels qui sont
restés très bas ces derniers temps.
- Les bénéfices des opérations de «
quantitative easing » sur la baisse du taux d'intérêt sur les
dettes souveraines risquent d'être en partie annulés.
- Mais encore, cela aura aussi pour effet d'augmenter la
charge des remboursements des opérations ayant été
conclues avec des conditions indexées sur la variabilité des taux
du marché interbancaire, financiers, directeurs ou sur les obligations
d'état.
En conclusion, il est fort probable que dans une telle
situation, le canal du crédit se retrouve à nouveau bloqué
engendrant à nouveau des risques de récession et de
déflation. Notons que, notamment dans le cas de la BCE, les banques
centrales qui ont utilisé à grande échelle des politiques
de « quantitative easing » consistant en une augmentation des
échéances de remboursement se trouveront bien
embêtées puisqu'elles ne pourront récupérer les
liquidités correspondantes qu'à moyen terme voire à long
terme.
? Les cessions trop volumineuses de titres
détenus par les banques centrales :
- Les cessions de ces titres, qui sont pour la plupart assez
sensible (ex : MBS, obligations publiques) risque non seulement d'envoyer de
très mauvais signaux au marché quant à la valeur à
venir de ces titres mais aussi ;
- De telles opérations auront pour effet la baisse de
la valeur de marché des titres concernés, mais aussi, par effet
de contagion celle des autres actifs financiers
- Ainsi que l'envolée des taux d'intérêt
exigés sur les titres obligataires, voire des primes de risque
- Cette situation aura alors un effet très
négatif sur la situation patrimoniale des agents économiques avec
ce que cela implique en termes d'accès au financement, de baisse de leur
valeur actionnariale, de baisse de la demande à la consommation etc.
(Cf. canaux de transmission de la politique monétaire, section III.)
- L'augmentation des taux d'intérêt sur les
dettes souveraines
- Des ventes d'actifs en urgence et le risque de retour
à la situation ayant déclenchée la crise de 2008.
Il va donc falloir que les banques soient extrêmement
prudentes quant aux instruments qu'elles utiliseront et la fréquence
avec laquelle elles les utiliseront. Il faut que la sortie de crise se fasse
d'une manière planifiée, très progressive et très
ingénieuse de telle façon à
38
combattre les pressions inflationnistes avec la même
mesure que les risques de rechute mis en avant plus haut. Il faudra aussi que
les banques centrales soient très transparentes et pédagogiques
dans la communication de leur stratégie globale de sortie de crise et au
jour le jour afin de rassurer les agents économiques et les
marchés. L'arbitrage se fait alors entre hyperinflation et
déflation.
Cette question de l' « EXIT » continue d'être
discutée et fait déjà l'objet de bien des travaux au sein
des banques centrales. Les sujets associés concernent entre autres :
- Les volumes des opérations
- Le choix du moment des opérations
- La nature des opérations
- L'établissement de nouveaux objectifs
intermédiaires de sortie de crise : par exemple
une bande de variabilité dans laquelle doit être
compris les taux du marché
- Les conditions de cessions des titres : prix/taux
déterminés
39
PARTIE 2 :
Résurgence des débats académiques
: Quelles évolutions théoriques pour la politique
monétaire ?
« Il y a donc eu un naufrage intellectuel de la
doctrine monétaire en vigueur depuis les
années 1980 » M. Aglietta
(2013)
Il paraît clair que les autorités
monétaires ont eu beaucoup de mal à gérer la
récente crise. Il faut dire que cette dernière a pris une telle
ampleur que malgré toute la bonne volonté des politiciens, il en
fallait payer le prix et ce prix s'est révélé bien
élevé.
Selon les conclusions de Claudio BORIO, directeur du
département économique et monétaire à la B.R.I.,
reprises par M. Aglietta, « la doctrine monétaire a
été anéantie par les faits » et « les dogmes qui
la supportent ont été réfutés par la crise ».
Il énumère ces dogmes :
- « la stabilité des prix est une condition
suffisante de la stabilité macroéconomique
- la stabilité des prix est séparable de la
stabilité financière, donc la politique monétaire ne doit
avoir aucune part dans cette dernière
- le taux court piloté par la Banque centrale est
l'instrument pertinent unique de la politique monétaire ;
- les banques centrales n'ont à s'occuper que de
l'économie domestique. Les taux de change flexibles guidés par
les écarts de taux d'intérêt rendent le monde entier
stable. »
Dans un cheminement fragile vers la sortie de crise, de
nombreuses questions se posent encore. Notamment celles de savoir si cette
crise aurait pu être évitée si la banque centrale avait
adopté une meilleure stratégie, ou encore celle qui divise la
pensée à propos de savoir comment la banque centrale doit
gérer le problème des dettes souveraines et cela, plus
particulièrement dans une Europe hétérogène.
De nombreux intellectuels se questionnent surtout sur
l'optimalité de la règle de politique monétaire, et de
nombreux travaux tendent à démontrer la sous-optimalité de
la stratégie des banques centrales en ce sens qu'elles sous-estiment
l'importance fondamentale de certaines variables dans la définition de
leurs objectifs intermédiaires.
40
TITRE 1 : Politiques monétaires et
stabilité sur les marchés financiers
On le sait, les fluctuations sur les marchés
financiers jouent un rôle majeur dans l'ajustement
macroéconomique. Les travaux microéconomiques, pourtant
très nombreux, ont encore du mal à se regrouper dans l'optique de
permettre une fine compréhension de la façon
dont les chocs sur ces marchés financiers se transmettent à
l'économie réelle à travers l'enchainement des
décisions des différents agents économiques.
Les marchés financiers complètent le
marché monétaire dans l'allocation des financements dans les
économies. Les crises durables qui atteignent la sphère
financière impliquent forcément un déséquilibre
plus ou moins important sur le marché monétaire ce qui peut
générer dans des cas assez rares, des crises globales, durables
et coûteuses comme celle que nous vivons actuellement.
Les banques centrales ont un rôle majeurs dans la lutte
contre l'expansion des crises, principalement en assurant la fourniture des
liquidités suffisantes pour enrayer les contractions sur ces
marchés et diminuer les frictions ; cela, afin d'éviter que les
crises financières ne se transforment en crises globales.
La stratégie que les autorités
monétaires adoptent vis-à-vis de ces phénomènes est
celle du « cleaning aftermath », laquelle consiste
en une intervention dès l'occurrence d'une crise, mais à une
neutralité vis-à-vis des fluctuations sur les marchés
financiers avant la crise ; cela, conformément à
l'hypothèse de stabilité des marchés en
cas de la réalisation de la stabilité de la monnaie.
Un premier sujet phare revient donc au goût du jour et
au vu des événements récents. Il s'agit du lien effectif
entre la stabilité financière et la stabilité
monétaire.
Le principe de séparation entre la politique
monétaire et la politique prudentielle est soumis à une
sévère réévaluation. Nous nous intéresserons
dans cette première partie, à comprendre l'ampleur de ce
débat et ses implications en termes d'évolution probable du
mandat des banques centrales.
Afin de traiter ce sujet, nous décrirons dans un
premier temps la relation entre la dynamique de la politique monétaire
et celle des marchés financiers, en mettant l'accent sur les influences
des marchés financiers sur l'efficacité de la politique
monétaire.
Dans un second temps, nous nous demanderons dans quelles
mesures le mandat des banques centrales devrait être étendu.
Enfin, dans un dernier temps, nous nous demanderons de quelle
façon les objectifs de la politique monétaire et ceux de la
politique prudentielle pourraient être alignés.
41
I. Le rejet de l'hypothèse de stabilité
financière : une relation à double sens entre dynamique
financière et politique monétaire
Il s'agit ici de décrire plus en détail la
relation qu'il existe entre le choix des agents sur les marchés
financiers et les décisions de politique monétaire. Cette
relation est à double sens et comporte de multiples facettes.
Jusqu'à présent, les autorités
chargées de la politique monétaire ne semblaient, pour juger du
fonctionnement des marchés financiers, n'apporter de
l'intérêt qu'à ce qui a été défini
comme le canal du taux d'intérêt et à celui du prix des
actifs. Ce dernier entrant dans le lot des nombreuses données retenues
pour l'analyse économique qui supportent leurs décisions.
Comme nous l'avons dit précédemment, le choix
de la banque centrale de ne pas considérer dans ses décisions la
dimension complexe et la nature instable de la dynamique financière, est
en réalité justifié par son attachement de ne cibler leur
politique que sur l'objectif de stabilité des prix et ainsi, de ne
retenir dans sa dynamique de décisions que les considérations qui
impliquent un risque pour la stabilité des prix. Dans cette optique, les
taux d'intérêt sur les marchés et le prix des actifs, de
par leurs implications en termes d'accès à la liquidité
pour le premier et d'effet richesse/pauvreté pour le second, constituent
des paramètres importants pour la politique monétaire en ce sens
qu'ils ont une influence indirecte sur les prix.
Mais la relation entre politique monétaire et
stabilité financière est bien plus complexe que cela et le
fonctionnement même de ces principaux canaux est en réalité
plus ambigu, notamment en période
d'instabilité.
Les travaux économiques récents ainsi que
l'expérience de la récente crise mettent en avant quelques
principaux résultats qui sont des résultats de base sur lesquels
la doctrine monétaire doit en partie être repensée.
- L'importance du canal de la prise de risque
dans l'occurrence de crises financières, lequel avait
été jusqu'alors écarté
- La stabilité du système financier est
une condition de stabilité de la monnaie et non pas son
résultat. Et inversement.
- Il existe dans une certaine mesure une relation
négative entre les objectifs de stabilité monétaire et de
stabilité financière
- Il existe un lien étroit entre
système bancaire et financier qui implique l'existence
d'une chaine complexe de transmission des risques
- Les crises financières ne se résorbent pas
toujours seules et les coûts économiques de ces crises peuvent
être énormes
42
1. Le nouveau visage de la finance
Le paysage financier n'est plus le même qu'il y a 50
ans, lorsque la politique monétaire avait alors décidé de
ne se préoccuper que de l'inflation et de supposer l'efficience des
marchés financiers.
Le fort développement des marchés, la
levée des contraintes sur leur fonctionnement, leur globalisation et
l'actualisation quasi immédiate des cours des actifs et des informations
ont permis à un grand nombre d'investisseurs de rejoindre ce
marché. Les perspectives de gains sont beaucoup plus grandes sur ces
marchés ce qui fait qu'ils attirent une très grande partie des
capitaux financiers notamment lorsque les rendements des placements bancaires
deviennent relativement moins intéressants. Aux USA et en UK, les
marchés représentent le principal moyen d'obtenir des fonds
importants tandis qu'en Europe, les banques restent maîtres des
ressources financières. Les marchés ont la caractéristique
d'être beaucoup plus sensibles aux chocs, même de faible envergure
entrainant des fluctuations continues et parfois importante. Cette
volatilité des prix des actifs est en grande partie associable à
des comportements spéculatifs et d'imitation. Certaines fois, la
formation de bulles spéculatives ou l'augmentation inattendue du
scepticisme (aversion au risque) peuvent paralyser ces marchés et porter
un coup plus ou moins important à l'économie dans son
ensemble.
Aujourd'hui, les marchés financiers se sont tellement
développés que leur fonctionnement est devenu très
complexe avec notamment les émissions de produits financiers
structurés dont les risques réels sont très difficiles
à identifier. Cependant, les taux élevés de rendement
qu'ils proposent rend intéressant leur détention.
De nombreuses plateformes parallèles ainsi que de
nouvelles formes d'intermédiation se sont aussi
développées, dont certaines plus ou moins opaques comme les
activités de « shadow banking » qui ne sont soumises à
aucune réglementation et dont les opérations
réalisées ne sont couvertes par aucune assurance des
dépôts et sont de ce fait plus risquées.
La multiplication des activités de shadow banking est
une innovation très inquiétante pour la stabilité du
système financier et économique. En effet, ce marché de
l'ombre est particulièrement sensible puisqu'il n'est couvert ni par des
assurances dépôt, ni par la banque centrale, ni par l'Etat.
L'activité sur ce marché consiste au financement non
réglementé des agents économique. Mais le plus grand
danger de ce marché réside dans l'identité de son
participant, la nature des actifs qu'ils émettent et le volume de la
liquidité qu'il gère. En effet, il s'agit souvent de
société de holding bancaire dont l'actif est souvent
composé sur la base de titrisation de créance par des banques
souvent très importante dans le fonctionnement du marché bancaire
et de l'investissement ; mais aussi des fonds de pensions, fonds
monétaires ainsi que d'autres agents dont la pérennité est
aussi importante pour le système. S'y échange des titres
présentant de hauts risque comme par exemple les CDS (« credit
default swaps ») qui ne bénéficient en réalité
qu'une faible assurance ou des opérations a haut risque
systémique comme des engament entre participant du dit marché.
43
Enfin, de nombreuses sociétés
financières, souvent dérivées de grandes
sociétés à dimension internationale, ainsi que de
nombreuses SICAV et fonds de pension voient le jour et attirent une grande
partie de l'épargne publique avec de meilleurs rendements mais aussi de
plus grands risques. Les investissements les plus rentables mais aussi les plus
risqués sont ceux proposé par des fonds d'investissement
alternatifs qui ne répondent à aucun benchmark, utilisent des
leviers très importants et financent très souvent des actifs de
long terme sur la base d'actifs de court terme.
Aujourd'hui, les principaux dealers sur les marchés
financiers sont de grandes banques d'investissement ainsi que les principales
banques commerciales de la planète. Ces institutions financières
y sont très actives et prennent des positions pour des volumes de
liquidité très importants.
Tous ces acteurs s'échangent des créances, des
dettes, des devises, des engagements à termes, des produits d'assurance
etc. qui sont soumis à cotation de telle sorte qu'un actif acheté
aujourd'hui puisse ne plus rien valoir demain, ou qu'un grand volume
d'obligations subissent un choc négatif et engage des pertes importantes
chez son détenteur.
Enfin, les investisseurs sur les marchés cherchent
généralement des placements à court terme pour leurs
excès de liquidités puisqu'à long terme ils ne sont pas
protégés d'un choc de liquidité.
Le but de ce rappel est de permettre au lecteur de se rendre
compte de l'importance que représentent les marchés dans la
stabilité économique puisque :
- Ils sont composés d'institutions dont la
pérennité est indispensable pour le bon fonctionnement
économique
- Comportent des risques de pertes sur investissement
très importants
- Qu'une majeure partie de la liquidité disponible
pour le financement de l'économie se retrouve sur ces marchés
- Qu'une partie croissante des opérations n'y est pas
contrôlée
- Que l'imbrication des participants au marché
implique des risques systémiques très importants en cas de
crise
Aussi, le point important à souligné est que,
comme les banques sont des participantes importante sur ces marchés,
alors on peut en déduire que les canaux du taux d'intérêt
et du crédit sont intimement liés et donc que le blocage de l'un
engage celui de l'autre.
Cela implique que la politique monétaire fait face
à un double défi lorsque seulement l'un ou l'autre de ces
secteurs entre en crise.
44
Cette présentation rapide rappelle pourquoi la
stabilité financière est essentielle pour la stabilité
économique.
2. Le retour de l' « hypothèse
d'instabilité intrinsèque » de la finance
Si nous avons décidé de donné des
détails sur cette approche formulée par Hyman Minsky en 1986,
c'est bien par ce qu'il est clair que les marchés financiers n'ont pas
été docilisé par la stabilité monétaire
puisque la formation de la récente crise se faisait alors même que
les pays connaissait une inflation très faible et maîtriser depuis
déjà plusieurs années. On se questionne alors sur le
fonctionnement effectif des marchés financiers et les origines de ses
instabilités. Cela afin de réévaluer de façon plus
juste l'importance des fluctuations sur ces marchés dans la direction de
la politique monétaire actuelle.
2.1. Les causes de
l'instabilité
La théorie d'Hyman Minsky est basée sur le fait
que les participants aux marchés ont une aversion au risque très
variable et qu'il est donc minimisateur de considérer que leur choix et
leurs réactions puissent être modélisés de
façon linéaire. Le risque a donc un prix variable qui est
fonction du degré d'aversion au risque des agents de telle sorte que
pour un actif risqué donnée, le prix que sera prêt à
payer un agent amateur de risque sera supérieur à celui d'un
agent averse au risque. Pour les actifs du marché obligataire, le prix
du risque correspond au niveau du taux d'intérêt exigé par
les agents. Dans tous les cas, les prix des actifs financiers sont
décroissants du degré d'aversion au risque moyen des
participants.
Cette hypothèse implique que l'augmentation soudaine
de l'aversion au risque sur le marché engendre un éloignement des
cours de leur valeur fondamentale et une augmentation des taux obligataires,
dont l'ampleur peut être très importante en fonction de
l'importance des asymétries d'information sur les marchés
lesquelles engendrent des défauts de coordinations.
Selon cette théorie d'instabilité
intrinsèque de la finance, dans ce contexte de forte sensibilité
des prix du risque aux choc pouvant se produire sur le marché, il faut
aussi considérer que le fonctionnement fondamental du marché
produit des « vulnérabilités » qui vont être la
cause même du déclenchement périodique des crises. Ces
vulnérabilités sont les suivantes :
- Des déséquilibres de terme entre le passif et
l'actif dans le patrimoine des agents
- L'augmentation de l'endettement des participants dans le
but d'investir sur des actifs porteurs
- La difficulté à retracer les origines des
actifs échangés et donc à estimer les risques réels
associés à la détention ces actifs
45
- Le développement des engagements croisés entre
une multitude d'agents qui a pour conséquence d'augmenter les risques
systémiques
2.2. Les crises comme conséquences de
l'accumulation des vulnérabilités
L'analyse décrit les enchaînements du cycle
financier de la façon suivante :
Au début du cycle financier, les valeurs des actifs sont
stables et proches de leur valeur
fondamentale, le prix du risque est faible,
Le marché attire les investisseurs et la valeur des
titres augmentent,
Les participants profitent d'un effet richesse qui se transmet
à l'économie réelle.
Les banques et les autres intermédiaires, voyant les
valeurs patrimoniales augmenter,
accroissent les volumes de prêts, Et placent leur
excédent de capital sur le marché.
Il s'agit du début de la phase d'endettement des
agents privés.
Une partie de ces emprunts se retrouve sur le marché et
les investisseurs accroissent leurs
bénéfices en profitant des effets de leviers
permis par la dette,
La confiance dans la croissance des valeurs mobilières
incitent les agents à acquérir de plus en
plus d'actifs avec des ressources de moins en moins durables.
La demande de capitaux s'intensifie et les emprunteurs
fournissent en garantie des emprunts
qu'ils contractent des titres qu'ils détiennent
(prêts sur titres),
L'euphorie continue d'attirer des investisseurs, les prix des
actifs continuent de grimper autant
que les risques de marchés,
De nouveaux actifs sont diffusés pour répondre
à la demande des investisseurs, lesquels n'ont
souvent aucun support tangible,
La bulle spéculative est alors formée et
les risques systémiques sont élevés.
De l'euphorie à la panique...
Un choc exogène sur le marché incite les
investisseurs ayant les positions les plus lourdes à se
débarrasser des actifs les plus risqués. Ils transmettent un
signal négatif à l'ensemble du marché
Les autres agents cherchent à se débarrasser
à leur tour des actifs risqués, la valeur de ces actifs
s'effondre rapidement et le prix du risque augmente. La panique se transmet
à l'ensemble des actifs.
Les agents s'étant fortement endettés et les
institutions financières très engagées sur le
marché et dont le patrimoine se trouve dévalué, ne
trouvent plus suffisamment de financement pour maintenir leur
solvabilité. Leur risque de défaut augmente.
Les risques de défaut engagent le bilan de l'ensemble des
participants du marché du fait des multiples engagements croisés
qui ont été engendré par l'euphorie.
Le marché financier ne fonctionnement plus, les
liquidités sont gelées, les banques ayant subit des pertes en
capital, essaient de rétablir leur équilibre financier en
limitant les volumes de crédit, en augmentant les taux
d'intérêt, en diminuant les échéances ou en
rationnant le crédit.
46
Nous connaissons bien les implications pour la croissance,
l'emploi et la stabilité des prix. Ces enchainements très
dommageables sont encore plus importants dans les pays ou les marchés
sont très développés puisque les risques concernent
directement les ménages moyens. La banque centrale doit alors se
soustraire au marché de gros de la liquidité alors
paralysé afin d'enrayer le développement des crises et
d'éviter que celles-ci n'entrainent des phénomènes de
déflation.
3. La responsabilité de politique monétaire
dans les crises financières :
Le canal de la prise de risque, un canal jusqu'alors
sous-estimé
3.1. Fonctionnement du canal de la prise de
risque
Une politique monétaire qui a comme seul objectif le
maintien d'une inflation basse et stable favorise une diminution forte du prix
du risque et une accumulation de vulnérabilités.
Le « risk-taking channel » doit
être considéré, à l'instar des canaux de taux
d'intérêt et de crédit, comme un canal de transmission
important de la politique monétaires au marché financier.
Celui-ci agit négativement sur les marchés dans le sens où
l'objectif de stabilité des prix et en contradiction avec celui
d'accalmie sur les marchés. Comment fonctionnent ce canal ?
Politique monétaire bien maîtrisée,
une stabilité illusoire...
Nous savons qu'un taux d'intérêt directeur plus
bas impliquent une hausse de la valeur des actifs et des collatéraux
(canal du prix des actifs) et donc une plus grande attractivité des
marchés (formation de bulles spéculatives), une tendance à
l'augmentation du niveau d'endettement des agents et à l'augmentation de
la taille des bilans des banques et intermédiaires financiers comme nous
avons pu le voir dans les sections précédentes.
Notons aussi que, en période d'expansion sur les
marchés, les fluctuations des prix restent modérées
puisque les prix du risque diminuent avec la hausse du prix des titres.
C'est l'illusion de stabilité qui va conduire
à l'euphorie.
Faiblesse des taux d'intérêt et incitation
à la prise de risque...
Aussi, des taux d'intérêt directeurs faibles,
incitent les agents à rechercher plus de rentabilité en
s'adressant au marché et en recherchant des actifs dont le couple
rendement - risque est plus élevé. Ces agents se tournent
principalement vers des fonds financiers comme les fonds de pension ou
d'assurance vie, lesquels ont des activités très actives sur les
marché et contribue de façon très importante à son
fonctionnement.
Enfin, des taux faibles permettent à des emprunteurs
risqués de pouvoir avoir accès au crédit ce qui augmente
le risque de défaut global du système. On peut
généraliser en disant que la
47
stabilité va créer une augmentation du volume de
crédit accordé à l'économie
(phénomène de surendettement). L'épisode de la crise des
subprimes en est un excellent exemple.
3.2. Preuve de l'existence du canal de la prise de
risque : approches empiriques
Nous présentons les récentes études
ayant été réalisées et qui mettent en avant
l'existence d'un tel canal :
Paligorova et Santos (2012) tentent
d'identifier les effets qu'a eu la politique monétaire américaine
sur l'incitation à la prise de risque dans la période
précédant la crise des subprimes. Ils trouvent que non seulement
la prise de risque a énormément augmentée avec le maintien
des taux directeurs à de faibles niveaux ; Mais aussi que le volume
moyen des prêts accordés a subit une forte hausse et que les
coûts moyens d'emprunt ont globalement beaucoup diminués. Leur
résultat le plus surprenant est qu'il semblerait que les coûts
d'emprunt des clients à risque aient été très
proche et souvent plus faibles que des clients moins risqués. Cela
pourrait s'expliquer par l'existence de conditions spécifiques pour ces
premiers contrats (ex : prêt garanti, terme de remboursement, taux
variable etc.)
Ioannidou, Ongena et Peydró (2009)
observent les effets de la politique monétaire américaine sur le
comportement de prêt des banques boliviennes sur la période de
1990 - 2010, ils trouvent qu'en période de taux bas, la
différence entre les taux de prêt risqués et ceux des
autres prêts diminue de façon notable.
Damar, Meh et Terajima (2010), sur la base
de travaux empiriques, démontrent l'existence d'une corrélation
positive forte entre la hausse des valeurs des actifs et la hausse des leviers
financiers. (cf. conséquence du canal des actifs sur le risque)
Jiménez et autres (2008) cherchent
à identifier les conséquences des décisions de la BCE sur
le niveau de risque des prêts accordés par les banques espagnoles
entre 1988 et 2008. Ils trouvent que les volumes de crédit augmentent
avec la baisse des taux d'intérêt mais encore que la proportion la
plus risquée des crédits accordés est majoritairement
émise par les banques les moins capitalisées.
4. L'efficacité limitée des politiques
monétaires pour empêcher la propagation des crises
financières
Comme nous l'avons bien mis en avant dans les sections
précédentes, l'économie réelle est très
fortement dépendante de la stabilité sur les marchés
financiers du fait du « nouveau visage de la finance » et du
fonctionnement du canal de la prise de risque. Une fois qu'une bulle
spéculative éclate, la propagation de la crise financière
à la crise globale est très rapide et les politiques
monétaires se trouvent souvent dépassées par la
rapidité des enchaînements.
48
Ce qu'il est important de mettre en avant ici, c'est que la
politique monétaire n'a pas seulement une certaine responsabilité
dans la formation des crises financières mais qu'aussi, les crises
financières peuvent impacter fortement l'efficacité des
politiques monétaires, notamment via les blocages des canaux de
transmission. Les coûts économiques concernent alors à la
fois le court terme, mais aussi, dans un pareil cas engendrent des risques
graves pour la stabilité des prix, dont l'importance est capitale pour
le bon fonctionnement de l'économie. Les banques centrales doivent faire
face à la fois aux problèmes de pertes immédiates et aux
risques pesant sur les prix avec des outils qui n'ont qu'une faible
portée en période de crise généralisée.
La récente crise nous donne quelques leçons
supplémentaires afin de comprendre l'impuissance partielle de la
politique monétaire à engager la sortie de crise :
- En période de crise financière, le canal du
taux d'intérêt est en partie bloqué. Même des taux
d'intérêt très faibles peinent à orienter à
la baisse les taux d'intérêt réels de long terme. De plus,
ces crises s'accompagnent de hausse des primes de risques et cette augmentation
peut être tenace malgré l'engagement des banques centrales.
- La crise de confiance généralisée et
les incertitudes pesant sur l'avenir atteint le secteur bancaire selon les
mécanismes cités plus haut. On connait les implications de tels
phénomènes. On comprend pourquoi la situation européenne
présente un grand défi pour la BCE.
- Une fois la crise installée, les recettes
budgétaires diminuent et les déficits publics augmentent. Cela
à deux effets qui contrarient l'efficacité des politiques
monétaires que sont l'augmentation des taux sur dettes souveraines.
Depuis la crise, les doutes formulés sur la solvabilité des Etats
font pression sur les taux d'intérêt obligataire et sur les
valeurs patrimoniales. Les Etats ne peuvent non seulement plus soutenir les
économies en crise mais sont pris dans un cercle vicieux de
surendettement (dans le cas de ceux qui ne bénéficie pas
d'excédents assez élevés). Des plans d'assainissements
budgétaires ont même été massivement entrepris en
Europe. Ce qui jouera hélas dans le sens de la déflation et du
chômage.
- Dans les cas où les anticipations d'inflation serait
mal ancrée, la déflation induite par les crises, engagerait des
anticipations de déflation, la hausse des intérêts
réels, l'augmentation des charges de l'endettement et donc
l'approfondissement de la récession (Cf. PARTIE 1 - TITRE 1 pour plus de
détail sur la déflation et les anticipations)
Une déduction logique des quatre
précédentes remarques est que l'ancrage des anticipations
d'inflation ne suffit pas à rassurer une économie en proie
à une forte crise de confiance
Ces faits nous rappellent avec force qu'une crise sur les
marchés financiers peut engendrer des scénarios catastrophiques.
Les politiques monétaire en sont même venu à renier en
partie leur principes d'indépendance lorsqu'on constate qu'elles sont
intervenus sur les marchés obligataire pour racheter de grands volumes
de dettes souveraines et de titres privés jugés risqués
tels que des ABS ou MBS (USA).
En plus des conséquences macroéconomiques des
crises financières et du biais d'inefficacité des politiques
monétaires qu'elles engendrent, les banques centrales peuvent
elle-même se retrouve en danger puisque :
- Le recours aux politiques non conventionnelles
dégrade leurs bilans et engage des doute quant à leur
pérennité (Cf. PARTIE 1 - TITRE 2)
- La crédibilité des banques centrales est remise
en doute (Cf. PARTIE 1 - TITRE 2)
- Les risques pesant sur la stabilité des prix sont
énorme puisque de telles politiques impliquent des risques
d'hyperinflation
- Les défis important qu'implique le
désengagement des banques centrales en cas de sortie de crise
49
La richesse du débat depuis l'occurrence de la
dernière crise incite à se demander comment et dans quelle mesure
les banques centrales doivent agir pour assurer les économies contre les
effets de nouvelles crises naissants sur les marchés
financiers.
Cela pourrait obliger les banques centrales à
réviser en partie leur mandat ou du moins la structure de leur
règle de décision de sorte à prendre en compte dans une
proportion plus importante qu'avant, les risques menaçant la
stabilité financière.
Nous discuterons alors ces propositions dans les parties
suivantes
50
II. La révision du mandat des banques centrales
: rejet partiel du principe de séparation entre politique
monétaire et financière.
1. L'objectif de stabilité financière et ses
instruments
Les banque centrales doivent avant tout approfondir leur
connaissance sur la structure des vulnérabilités induites par
l'activité normale du marchés afin de pouvoir empêcher leur
accumulation si elles devaient intervenir, ou du moins mieux les comprendre
pour mieux agir face à une crise financière (selon le point de vu
ou l'on se place). Cela leur permettrait de mieux considérer l'ampleur
qu'auront leurs décisions sur les comportements de marché et les
risques d'occurrence de crise systémique.
1.1. Limites des politiques
prudentielles
La Fed s'est déjà bien engagée dans ce
type de recherche avec les travaux d'économistes comme Adrian et
Ashcraft.
La réglementation prudentielle actuelle ne permet de
régler qu'une partie du problème dans le sens où
même si elle diminue le risque systémique global du
système, elle ne permet cependant pas de maitriser les comportements de
prise de risque des agents et leurs effets sur les actifs financier. En effet,
la réglementation prudentielle ne concerne que les institutions
financières et non l'ensemble des participants du marché.
Remarquons que même dans le cas de ces premières, en
période d'euphorie, la valorisation de leur actif permettant
l'augmentation de la taille de leur bilan, ne va pas dans le sens de l'objectif
initial de la politique prudentielle. De plus, un arbitrage entre coûts
des réserves obligatoires et gains espérés peut toujours
être réalisé par les banques (cf. Rochet 2004).
Alors, malgré l'existence d'une politique
prudentielle, une bulle spéculative peut quand même se former,
vivre et s'effondrer avec l'ensemble des valeurs mobilières.
Il faut alors mettre en oeuvre des politiques qui permettent
de lutter contre ce qu'on appelle « les vulnérabilités
dynamiques » du marché qui, différemment des
vulnérabilités structurelles sus décrite, sont les
conséquences de l'incitation à la prise de risque. Ces travaux
sont cependant aux stades primaires et demandent à être
approfondis.
Dans cette optique, si les banques centrales devaient
jouer un rôle dans l'empêchement de la formation de crises
financières, elle devrait s'équiper de nouveaux
instruments tels que : le droit de faire varier les ratios de levier et de
liquidité bancaires ; afin d'agir de manière
contra-cyclique contre la formation de bulles. Ces instruments auraient pour
effet d'atteindre plus directement les leviers de crédits et les
déséquilibre de terme que ne le peut la réglementation
prudentielle sur les fonds propres. Cette dernière, si elle ne peut pas
toujours
51
éviter les crises, permet tout de même de limiter
l'ampleur des crises systémiques grâce aux réserves
constituées.
Dans la quête de la stabilité financière,
il faudra tout de même sérieusement prendre en compte que des
réglementations, qu'elles soient d'origine monétaire ou
prudentielle, peuvent, si elles sont inadéquates, constituer un frein
à la croissance, ou encore à la reprise économique, ou
pire, elles peuvent précipiter l'explosion de bulles
spéculatives. Par exemple, des politiques trop strictes pourraient
contribuer négativement au retour de l'attractivité du
marché financier ou au déblocage du crédit aux agents
privés.
Il faudrait dès lors que les instruments de
ces politiques puissent être flexibles et soient utilisé par une
institution ayant un pouvoir réglementaire.
1.2. La politique monétaire et l'objectif de
stabilité macro-prudentielle
Avant tout, un repérage et une surveillance des
entités systémiques est à la base d'une intervention
réussie pour lutter contre les effets de l'instabilité
financière.
Selon les travaux de M. Aglietta en 2013, on peut
déjà avancer que dans une telle perspective :
- Les montants de capital réglementaire devront
être fonction de l'aversion au risque moyenne du marché.
- Dans la mesure où les bulles se forment souvent dans
des compartiments spécifiques du marché, les exigences en capital
pourraient être appliquées de façon
discrétionnaire
- La supervision des marchés doit être
effective, continue et des simulations de crise doivent être
effectué ponctuellement (stress -test)
- La réglementation sur les collatéraux doit
être envisagée Aussi, il propose par ailleurs que :
- La banque centrale surveillent directement les
opérateurs du « shadow banking » tels que certains «
hedge funds » et fonds monétaires (cf. I - 1. pour la
définition et les acteurs du « shadow banking »).
- Mais aussi, qu'elle devra agir pour restreindre leur
détention en collatéraux à des titres de
qualités.
La règle de Tinbergen propose pour ce faire l'utilisation
d'instruments tels que : - Les provisionnements dynamiques
52
- Les exigences en capital pro-cycliques - Le refinancement
sélectif
Jean-Paul Betbèze, Jézabel Couppey-Soubeyran et
Dominique Plihon propose dans la même lignée
l'établissement d'un système progressif de réserves
obligatoires sur les crédits dont l'objectif serait de contrer les
emballements du crédit.
Dans tous les cas, il faudra améliorer l'accès
aux informations sensibles et détaillées sur les
opérations à haute teneur en risque pour permettre une action
optimale des autorités de régulation pour combattre les crises
financières. Cependant, cela reste un sujet compliqué puisque
dans l'état des choses, il est très difficile d'imposer une
transparence totale des opérateurs financiers. Il est probable qu'en
interdisant juridiquement certaines formes de structure, en réglementant
l'existence de plateformes de type « black-pool » ou imposant une
centralisation obligatoire des opérations de compensations, la situation
puisse être améliorée.
Enfin, toujours dans la perspective d'une intervention des
banques centrales sur les marchés financiers, des travaux en cours
proposent une modification de la structure de la règle de Taylor
afin de rendre le niveau du taux directeur sensible aux
déséquilibres financiers, de prendre en compte le fonctionnement
du canal de la prise de risque et donc de permettre à cette règle
d'être éventuellement un outils d'action contra-cyclique.
La détermination de cette nouvelle règle devra
se baser sur une mise en relief des variables telles que celles : du
crédit et de l'endettement, des leviers financiers et de crédit,
de l'évolution de la composition par nature des actifs
échangés sur le marché, du prix des actifs, de la
structure des bilans etc.
Des études planchent actuellement sur ce sujet mais
devront être appronfondies. On pourra tout de même citer celles de
Ravenna et Walsh (2009) de Walsh (2014) ou d'Emmanuel Carré,
Jézabel Couppey-Soubeyran et Salim Dehmej (2013).
2. Les arguments du débat entre « leaning
against the wind » et « cleaning aftermath »
Une politique de « cleaning aftermath »
consacre le principe de neutralité ou de séparation de
la politique monétaire par rapport au fonctionnement du marché
financier. Elle consiste en l'intervention de la banque centrale qu'une fois la
crise survenue. Cette dernière assure alors la fourniture de
liquidité afin d'éviter des risques de contagion et donc de
déflation et assure par ailleurs la fonction de préteur en
dernier ressort.
Pourtant, comme nous l'avons montré dans les parties
précédentes, les conséquences d'une crise ne se limitent
pas au seul assèchement de la liquidité sur les marchés.
Ses coûts économiques peuvent être très importants et
la crise persistante de telle sorte à ce que celle-ci
53
finisse par s'auto-entretenir. De plus, si la banque centrale
fait face au problème du « zero lower bond », les
conséquences d'une telle crise peuvent être très
inquiétantes.
C'est pourquoi, les politiques dites de «
leaning against the wind » font l'objet de multiples travaux. Il
s'agit donc de conférer aux banques centrales un pouvoir d'intervention
sur les marchés financiers de telle sorte à contrer les tendances
excessives pouvant engendrer de grands déséquilibres et à
lutter contre la formation de bulles spéculatives notamment. Il s'agit
donc d'une politique d'action préventive. Des discussions sont en cours,
néanmoins aucune règle de décision n'a clairement
été formulée dans cette optique.
Afin de mieux réussir à se positionner dans ce
débat vif entre partisans de l'intervention et partisans de la
neutralité, nous allons énumérer les principaux arguments
soulevés contre cette dernière approche qui se veut
interventionniste :
L'intervention des banques centrales ont de grandes
chances de créer bien plus d'instabilité et une perte en termes
d'optimalité d'allocation des ressources financière que leur
neutralité.
· Les banques centrales, autant que les grands dealers
du marché, que les agences de notations ou encore les États, ont
une capacité limitée en ce qui est de repérer les crises
en formation
· Si par excès de prudence les banques centrales
interviennent de façon trop fréquente pour stabiliser les cours,
elles risquent d'empêcher le financement d'une bonne partie des projets
de l'économie qui de plus, dans une autre mesure, ne pourront plus
profiter des effets positifs des canaux de prix des actifs, du patrimoine, et
du bilan.
· Si au contraire la politique est trop passive, la
crise intervient quand même et la banque centrale perd en
crédibilité.
· Un marché trop contrôlé limite les
gains potentiel et fait fuir les capitaux au profit de marchés où
les rendements sont plus intéressants
· La banque centrale ne dispose pas des données
financières et d'entreprises suffisantes pour arbitrer ses
décisions.
· Les crises financières n'ont dans la grande
majorité des cas, pas besoin d'intervention quelconque des
autorités politiques. Elles se résorbent souvent d'elles
mêmes
· La crédibilité de la banque centrale et
donc sa capacité à influencer les anticipations d'inflation
risque d'être beaucoup dégradée.
54
? En cas de formation déjà engagée d'une
bulle spéculative, l'intervention de la banque centrale peut
précipiter l'éclatement de cette bulle
? Les objectifs de stabilité monétaires vont
quelque fois à l'encontre de celui de stabilisation financière.
Par exemple : en cas de choc positif d'offre qui tend à faire baisser
les prix tandis qu'il tend à augmenter les cours des actifs financiers.
La banque centrale est face au dilemme de savoir si elle doit baisser ses taux
ou les augmenter.
La récente crise nous a pourtant bien
montré qu'une passivité de la politique monétaire peut
entrainer des coûts très élevés qu'il faudrait
mettre en rapport avec ceux que pourrait engendrer les erreurs de politique
monétaire dans le cas d'une politique interventionniste.
Par ailleurs, les travaux récents ont permis
d'identifier des « profils récurrents » dans
la formation des crises, lesquels sont de très bons supports pour une
intervention cohérente de la banque centrale.
Cependant, ces études méritent d'être
approfondies. Dans le même axe de réflexion, nous discuterons dans
la partie suivante d'autres possibilités d'élargissement du
mandat des banques centrales.
3. Quelle conjugaison entre politique monétaire et
politique prudentielle ?
Si une synthèse pouvait être faite à
partir des différentes considérations précédentes
et notamment celles du débat « leaning VS cleaning », la
question principale qui en naîtrait serait celle de savoir
comment concilier politique prudentielle et monétaire
de telle sorte à ce qu'elles collaborent dans le but de
réaliser un même objectif final , celui de
stabilité conjointe des prix et des marchés financiers,
sans pour cela qu'aucune d'elles ne perde en crédibilité ni ne
s'éloigne de leur mission fondamentale.
Tout d'abord, les outils et les missions de la politique
prudentielle doivent être renforcés. Notamment en ce qui
concernent leur dimension macro-prudentielle*. Cependant il est clair que cette
politique est incapable d'assurer à elle seule la stabilité sur
les marchés financiers.
La politiques monétaire, conformément aux
raisons décrites précédemment, a aussi un rôle
à jouer, notamment sur le canal de la prise de risque, et doit donc
à son tour, élargir le cadre de référence qu'elle
retient pour sa prise de décision.
* politique macro prudentielle : la
politique macro-prudentielle a deux principaux objectifs, celui de limiter les
interconnexions entre institutions individuelles, et celui de lutter contre le
caractère pro-cyclique des crises (phénomène
d'amplification des déséquilibres engendrés par les
réactions des agents face à un choc)
55
3.1. Avantages et inconvénients d'une
collaboration plus avancée entre les deux politiques :
Dans les cas où les deux politiques doivent agir dans
le même sens afin de réaliser leur objectif, leur collaboration
permettra une meilleure synergie qui renforcera l'action de chacune
d'entre elle.
Cela pourrait être le cas si l'on considère par
exemple que le taux d'intérêt directeur de la banque centrale
doive être augmenté suite à une trop forte inflation et que
parallèlement, une hausse trop rapide des cours des actifs financiers
inquiète sur les marchés financiers.
On peut noter qu'en temps normal on se retrouvera souvent
face à ce type de situation puisqu'une inflation modéré
est généralement signe de bonne santé du secteur
privé.
Par contre, cela n'est pas toujours le cas et il peut aussi
arriver que les deux politiques se retrouvent è agir dans des sens
opposés.
Par exemple si l'on considère la formation d'une bulle
spéculative déconnectée de la sphère réelle
tandis que l'inflation reste proche de 0%. Une politique de hausse des taux
d'intérêt pour lutter contre la bulle en formation impliquerait
alors des risques de déflation. Leur baisse serait plutôt
préconisée.
Aussi, un avantage majeur d'une collaboration, en plus de
celui d'assurer une meilleure efficacité de chaque politique, serait
celle de permettre à chacune d'elle de converser toute leur
crédibilité puisqu'elles resteront concentrées sur leur
propre objectif.
3.2. Quelle collaboration ? Quel partage des pouvoirs
? Quelle règle de décision ?
Il faudra avant tout formuler un cadre d'analyse
intégré qui permette de rendre compte à la fois des
interactions entre :
- Économie réelle et dynamique
financière
- Politique monétaire et politique macro-prudentielle
Une fois ce cadre précisément établi,
les politiques monétaires et macro-prudentielles sauront comment
intervenir chacune pour ne pas/voire peu nuire à l'objectif
poursuivi par l'autre et chacune saura comment adapter leur
stratégie au regard des décisions de l'autre afin que celle ne
leur soit pas trop nuisible.
C'est aussi pourquoi, une communication directe et
stable doit être établie entre les deux institutions afin
de permettre un partage optimal des informations importantes et des
orientations stratégiques de chacune d'elles. Des débats
constructifs pourront aussi être ouverts par là même. Pour
cela, des réseaux d'information intégrés pourraient
être mis en place.
56
En plus de conjuguer leur stratégie en
établissant des fonctions prédéterminées de
réaction, la connaissance fine des interactions qui se
produisent entre sphère financière et économique, pourra
permettre à l'une ou l'autre des politiques, lorsque cela n'est pas
contraire à ses contraintes conjoncturelles, de porter
assistance à l'autre dans les moments difficiles. Par exemple
la banque centrale pourra augmenter ses taux pour contrer un mouvement de
hausse des actifs, tandis que la politique prudentielle pourra sévir en
cas de forte inflation afin d'influencer à la baisse les volumes de
liquidité échangés sur les marchés.
Néanmoins, il semble important que, pour des raisons
de crédibilité et d'efficacité, les mandats des politiques
prudentielles et monétaires restent bien délimités.
57
TITRE 2 : Politique monétaire et dette
publique
« Et quand l'endettement public d'un pays
atteint un tel niveau que sa soutenabilité budgétaire en est
potentiellement menacée, la politique monétaire doit
nécessairement être associée étroitement à la
gestion de la dette publique et à la politique budgétaire »
(C. Goodhart, 2012).
Ce qui nous intéresse dans cette partie est de
comprendre en quoi le surendettement des États constitue un grand danger
pour la stabilité économique et financière et pourquoi la
politique monétaire ne peut rester neutre face à la crise des
dettes souveraines. Après avoir replacé la dette publique en
rapport avec les autres grands agrégats économiques dont les
anticipations, l'inflation, le crédit et les taux
d'intérêt, nous aborderons dans une deuxième partie la
question phare à l'heure actuelle en Europe et dans le monde, qui est
celle de savoir comment les banques centrales doivent gérer les
problèmes de surendettement des États.
Ce qui rend cette question cruciale est que dans
l'État des choses, la politique monétaire a usé de toutes
ses armes pour enrayer la crise économique actuelle et que, si celle-ci
vient à tout de même perdurer, la situation deviendrait
extrêmement critique. Alors le recul des dettes publiques devient un
élément déterminant du retour au calme.
I. Conséquences d'une crise des dettes
souveraines : Pourquoi les autorités monétaires doivent-elles
réagir ?
Nous ne reviendrons pas dans cette partie sur la gestion
actuelle de la crise européenne des dettes souveraines par la BCE
étant donné que nous l'avons déjà largement
expliquée dans la partie 1. Nous ne nous bornerons pas non plus à
détailler les situations particulières de chaque pays ni les
origines de leur endettement, cela n'est pas le sujet de notre mémoire.
Cependant, quelques précisions générales pourront
être apportées à ces sujets par le graphique qui suit cette
introduction ainsi que dans la première sous-section.
Nous nous concentrerons surtout sur les dimensions
macro-économiques du surendettement des États et sur leur
importance en fonction du type de politique monétaire.
Nous pourrons nous rendre compte, à la suite de cette
étude, que la séparation des objectifs de stabilité
budgétaire et de politique monétaire n'est plus aussi
légitime qu'avant au regard de la situation actuelle.
58
1. La dette publique et l'objectif de stabilité des
prix : quelle relation ?
Le niveau de l'endettement des États peut avoir des
effets considérables sur l'inflation et cela de différentes
manières. Cette section présente une vue d'ensemble des
mécanismes le plus fréquemment mentionnés par lesquels la
dette publique et la politique budgétaire peuvent mettre en péril
l'objectif de stabilité des prix de la politique monétaire.
Avant toute chose, rappelons au lecteur que le recul des
dépenses publiques est toujours associé à une baisse de la
demande globale, laquelle engendre un phénomène du recul de
l'activité économique notable (production, chômage,
consommation. Nous rappelons aussi qu'un déséquilibre
budgétaire structurel qui ne peut être financé par les
marchés sera avec de fortes chances financé par l'impôt, ce
qui engendrerait le même phénomène de récession.
1.1. Dominance budgétaire et risque pour la
stabilité des prix
Derrière ce thème, la conclusion importante
soulevée est celle de l'importance de l'indépendance
monétaire par rapport à la politique budgétaire pour la
réalisation de l'objectif de stabilité des prix. Mais aussi,
prise sous un autre angle, cette discussion permettra une meilleure mesure des
dangers liés à l'excès d'assistance des autorités
monétaires aux Etats en cette période d'incertitude.
59
Définition de la dominance monétaire et
budgétaire : Sargent et Wallace (1981).
« On parle de domination monétaire quand les
autorités monétaires se consacrent entièrement au
contrôle de l'inflation, alors que les autorités
budgétaires ajustent la politique des finances publiques pour rester
solvables sous condition d'un flux exogène de seigneuriage ».
« La domination budgétaire, à l'inverse,
suppose que la politique monétaire soit soumise à la contrainte
de fournir un revenu de seigneuriage suffisant à l'État pour
assurer sa solvabilité. »
Si la politique monétaire est très
engagée dans le soutien des États en situation de graves
déséquilibres budgétaires, les conséquences peuvent
être résumées comme suit :
Le jugement des agents sur la crédibilité de la
politique monétaire tend à se dégrader et les
anticipations d'inflation à se désancrer. Ainsi, le soutien
appuyé de la politique monétaire aux États aurait pour
conséquence d'engendrer des anticipations de hausses substantielles de
l'inflation proportionnelle à l'ampleur des dettes publiques et du
niveau de l'aide et donc des risques de phénomène de très
forte inflation qui ne serait dès lors plus contrôlable par les
autorités monétaires.
De plus, le fait que les agents assimilent la politique en
place à de la dominance budgétaire aurait pour effet de rendre
inefficace toutes politiques budgétaires et monétaires ce qui
pourrait être extrêmement dommageable en période de crise
économique profonde comme celle que nous avons connu.
Enfin, les agents auraient tendance à
soupçonner les politiques de chercher justement à créer de
l'inflation dans le but de diminuer la charge réelle des dettes
souveraines. En effet, avec des taux d'imposition inchangés, l'inflation
créée se traduirait par une taxation supplémentaire de
tous les agents économiques de la zone concernée. D'ailleurs,
l'histoire montre que les politiques ont déjà eu recours à
de l'inflation volontaire dans le but de diminuer les coûts de leur
dettes.
Même si la dominance monétaire
prévaut, l'excès d'endettement peut rendre inefficace la
politique monétaire :
Aujourd'hui, le suivi de la situation des dettes souveraines
en Europe constitue la principale source de fluctuation sur les marchés
financiers, tel que, malgré une politique monétaire qui s'active
à la maîtrise des taux d'intérêt sur ces dettes, la
moindre annonce à un effet amplificateur important sur la chaîne
de réaction des agents.
Aussi, l'exemple de la Grèce reste ancré dans
les mémoires et les agents contiennent leurs dépenses, anticipant
des hausses probables du niveau des taxes et du niveau des prix. La
60
consommation en est réduite, l'investissement aussi,
alors même que la politique monétaire compte sur ces variables
pour sortir de la crise.
1.2. L'état des finances publiques comme
principale source des anticipations et des ajustements des prix
Une autre approche dite FTPL (Théorie
budgétaire du niveau des prix) née dans les années 90 est
très intéressante à souligner dans le cadre de notre
étude. Elle permet de redonner son importance à la politique
budgétaire dans la formation des anticipations et aussi dans une
certaine mesure, de rendre compte des interactions pouvant exister entre la
politique monétaire et la politique budgétaire.
Cette théorie avance que la politique
budgétaire constitue, bien au-dessus de la politique monétaire,
l'une des principales sources d'anticipations et d'inflation même dans
les pays où les banques centrales sont indépendantes. Les
mécanismes soulevés par cette approche sont les suivants :
- L'inflation anticipée se fonde sur la base des
anticipations quant à la variation du solde
budgétaire. L'anticipation d'une baisse du solde
implique des anticipations d'inflation. - Les entreprises déterminent
leurs prix majoritairement sur la base d'anticipations des
déficits publics futurs.
- Les marchés financiers anticipent l'inflation sur la
base de l'évolution des dépenses publiques et fixent les taux
d'intérêt sur les obligations en conséquence.
- Les marchés financiers ont donc un rôle dans
la maîtrise des niveaux d'endettement publics.
- Lorsque les agents économiques ont surestimé
les niveaux des dépenses publiques futures, ils profitent d'un effet
richesse
- La politique monétaire n'intervient pas dans ce
mécanisme et l'État peut accumuler des déficits
librement.
Cette approche de l'inflation met en évidence une
conclusion importante : celle qu'il est nécessaire de
contraindre les gouvernements dans la gestion de leurs finances afin
d'éviter de se retrouver à nouveau face à des risques de
défaut des États, sachant les graves conséquences que cela
entraîne en ce qui concerne le fonctionnement des marchés
financiers mais aussi de l'économie réelle.
En soutien de cette approche, une récente étude
de la Banque de France montre que les différences de taux sur les bons
du trésor entre les pays de la zone EURO sont fortement
corrélées avec l'évolution anticipée des rapports
endettement/PIB.
Par ailleurs, sur la base d'une étude empirique, des
économistes de la Banque du Japon ont montré que le niveau de la
dette publique d'un état par rapport à son PIB constitue,
à partir d'un certain seuil, un frein à la
croissance économique. Cette situation pousse les prix à la
61
baisse avec ce que cela engendre comme effets néfastes.
Les auteurs concluent donc à l'existence d'interactions négatives
entre ces deux variables.
1.3. Implications
Dans tous les cas, les situations de surendettement des
États sont très nocives pour les économies surtout
lorsqu'elles sont intégrées. Les politiques budgétaires
doivent être menées de manière prudente et responsable, ce
qui aura pour avantage de protéger les pays contre des chocs pouvant se
produire. Les États garderaient alors une marge de manoeuvre
contra-cyclique. Si ces obligations sont vérifiées, la politique
monétaire n'aura à aucun moment besoin d'intervenir pour soutenir
les États.
Cependant, en cas de crise des dettes souveraines comme c'est
le cas actuellement, les enjeux économiques et financiers, dont ceux du
maintien de la stabilité des prix, sont si important que la politique
monétaire ne peut pas rester neutre et doit agir activement pour
empêcher le défaut d'un État, lequel précipiterait
l'ensemble de la zone dans une crise sans précédent.
Enfin, un accompagnement des États dans leur
rétablissement, peu importe dans quelles mesures, doit absolument
s'accompagner d'un engagement effectif de ces derniers dans le
réajustement de leur situation budgétaire. Car dans le cas
inverse, le scénario sus décrit de dominance budgétaire
(dont l'hyperinflation) voire de défauts en cascade se
réaliseraient.
2. Dettes publiques, rationnement du crédit et taux
d'intérêt
2.1. Dette publique, canal du taux
d'intérêt et stabilité financière, un
rappel.
Nous avons déjà précisément
décrit dans la Partie 2 Titre 1 de ce mémoire l'importance que
jouent les prix des obligations souveraines dans la formation des primes de
risque et des taux d'intérêt pour l'ensemble des titres du
marché obligataire.
Nous rappelons donc que le prix du financement sur ce
marché (le taux d'intérêt) est calculé sur la base
du taux dit « sans risque » qui est le taux associé aux
obligations publiques. Alors, une augmentation soudaine de ces taux engendre
à la fois une baisse des financements accordés à
l'économie, une dégradation des bilans des agents ayant
accumulé des titres obligataires, et par extension un recul global du
volume d'activité. De plus, les phénomènes de contagion
font que sur ces marchés, la cession urgente de ces titres engage une
crise de confiance qui approfondit les instabilités
(phénomène pro-cyclique) et mettent en grande difficulté
les intermédiaires financiers qui ne peuvent plus assurer le respect de
leurs contrats. Les fortes interconnexions entre les participants du
marché font que l'ensemble de l'économie se retrouve
touchée. En définitive, si on ne prend en compte que ces
considérations,
62
l'augmentation durable des charges d'intérêt sur
les dettes souveraines va engendrer l'accentuation des risques de défaut
souverain.
C'est ce scénario catastrophique qui justifie que
depuis le début de la crise, les banques centrales utilisent des
politiques non conventionnelles comme le « credit easing » contre la
hausse des taux d'intérêt et rachètent des grands volumes
d'obligations publiques.
2.2. Déficit publique et canal du
crédit
Ce qui nous intéresse surtout dans cette section,
c'est de mettre en avant l'impact négatif du surendettement des
États sur le fonctionnement du système bancaire et vice versa.
Le premier constat est que le secteur bancaire en Europe
semble avoir beaucoup souffert depuis le début de la crise des dettes
souveraines puisqu'il n'assure plus son rôle principal. L'explication de
ce phénomène est dû en grande partie à la forte
interdépendance qu'il existe en Europe entre les États et le
secteur bancaire d'une part et le secteur bancaire et le marché d'autre
part. Nous pouvons résumer les choses comme suit :
- La banque centrale est le prêteur en dernier ressort,
mais le sauvetage des banques ne peut se faire que par les États (par
nationalisation généralement). Or, des Etats trop endettés
ne peuvent pas assumer de telles opérations et, en situation de crise,
les probabilités de faillite des banques touchées sont beaucoup
plus grandes.
- Selon la même approche, si le secteur bancaire est
frappé durement par une crise naissant sur les marchés, il ne
pourra plus assurer le financement des gouvernements ni celui des agents
privés ( Cf. PARTIE 2 - TITRE 1 - I. 1.). Les difficultés du
secteur bancaire aggravent alors celles des finances publiques.
- Les banques détiennent à leur bilan de
grandes quantités de dettes souveraines. L'occurrence d'une crise de la
dette, qui fait chuter la valeur des obligations d'État en même
temps que leur valeur de marché, déséquilibre le bilan des
banques qui n'ont d'autre choix que de rationner le crédit pour essuyer
les pertes sur ces titres.
Les propositions de création d'un système
européen de gestion des crises bancaires pourraient permettre en partie
d'éviter de tels événements de rationnement des
crédits. Cependant, ces propositions ont jusqu'à aujourd'hui
été rejetées.
63
3. Dette publique et risque de crise institutionnelle en
Europe Et si l'Europe se disloquait ?
Depuis 2010, des différences marquées se font
entre les pays sur les marchés obligataires. Certains pays comme la
Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie se voient imposer des taux
très importants donc bien supérieurs à ceux de l'Allemagne
ou de la France. Ces divergences, auxquelles s'ajoute le grand coût
économique des politiques de rigueur budgétaire imposée
à ces pays par la zone euro ont pour effets à la fois d'accentuer
l'hétérogénéité entre ces pays mais aussi
d'accentuer le mal-être des populations qui souffrent de la
récession engendrée par de telles politiques et tendent à
nourrir des rancunes contre l'administration européenne et à
voter pour des partis nationalistes.
II. Le rôle de la politique monétaire
dans le désendettement publique
Il est indéniable que la stabilité des prix
doit rester la priorité des banques centrales. Cependant, il faut
prendre en compte que la stabilité budgétaire joue un rôle
capital dans la réussite de cette mission comme nous avons pu le montrer
dans la section précédente.
Un arbitrage assez difficile doit alors être fait par
la banque centrale entre l'ancrage de sa politique sur la stabilité de
l'inflation qui devient de plus en plus incertaine à mesure que les
dettes publiques prennent de l'ampleur, ou la prise en considération
dans sa politique d'un objectif de stabilité budgétaire. Dans ce
derniers cas, de nombreuses questions se pose sur les caractéristiques
et les implications d'une telle collaboration.
Il faudrait dès lors déterminer une politique
monétaire qui permette à la fois de maintenir la stabilité
des prix et de réduire les coûts de refinancement des Etats
surendetté. C'est l'objet de cette deuxième section.
1. Le rôle de la politique monétaire dans
l'assainissement budgétaire : de nouvelles perspectives
Suite à nos précédentes remarques, on peut
affirmer que la stabilité des finances publiques des États est un
élément crucial pour la stabilité économique et
financière. Mais aussi elle est une des principales sources d'inflation.
De plus, aussi longtemps qu'une situation budgétaire intenable
perdurera, les tentatives de retour à la stabilité en Europe
seront illusionnées.
64
La plus grande urgence à l'heure actuelle est que les
États membres de la zone euro réduisent leur niveau d'endettement
et engagent des mesures durables et économiquement soutenables dans
cette voie. Cela passera par des politiques dites de rigueur. Notons qu'on ne
discutera pas là la légitimité de telles politiques, nous
nous tenons à exposer la marche qui est actuellement
préconisée par les institutions européennes.
Mais encore, il semble bien évident que la politique
monétaire ait aussi un rôle important à jouer dans cet
assainissement budgétaire en permettant aux États de pouvoir
continuer à se financer à des coûts
modérés.
Ici, l'arbitrage entre assistance et neutralité est
difficile pour la banque centrale puisque sa crédibilité est en
jeu et il faut absolument éviter que la coordination entre les deux
politiques ne soit assimilée à de la dominance budgétaire.
(Cf. définition I.)
Mais aussi, l'engagement des États à lutter
activement contre leur surendettement va être crucial et les
agents économiques ajustent leurs décisions en fonction de la
crédibilité qu'ils accordent à cet engagement.
Les gouvernements devront alors déterminer un programme de
désendettement précis et sur plusieurs années.
C'est cette question de la coordination que nous cherchons
à traiter ici sur la base de récents travaux qui ont fait suite
à la crise des dettes souveraines.
Nous pouvons résumer ce thème en deux
différents débats :
? Comment approcher les conditions d'arbitrage par la
banque centrale entre coûts du sauvetage et coûts du défaut
souverain ? Cette question peut aussi s'interpréter en termes
de choix entre l'adoption d'une dominance monétaire dite «
douce » comme aux États-Unis ou au Japon et l'adoption
d'une dominance monétaire « dure » comme en Europe (Cf. O.
Jeanne)
? Face à la crise des dettes souveraines, la
banque centrale doit-elle agir immédiatement pour assurer le maintien du
financement des États ou au contraire doit - elle agir sous condition
que les gouvernements aient sérieusement entrepris des politiques de
réduction des déficits ?
Différents auteurs tels que N. Kocherlakota, T.
Hellebrandt, A. Posen, M. Tolle, Leigh et O. Jeanne étudient ces
questions et leurs travaux permettent déjà d'avoir quelques
éléments de réponses à ces questions.
En ce qui concerne la deuxième question, les
principaux arguments discutés sont les suivants :
? O. Jeanne soulève le fait que,
malgré des niveaux de dettes plus importants au Japon et aux
États-Unis qu'en Europe, ces premiers n'ont pas directement
été frappés par une crise de confiance sur la valeur de
leur dette souveraine tandis que, en Europe les turbulences sont encore fortes
et persistantes. L'adoption d'une politique monétaire
65
plus douce dans ces premiers pays pourrait alors en être
la cause ou du moins une des causes.
? Selon T. Hellebrandt, A. Posen, et M.
Tolle, entre autres, la probabilité de succès de
l'assainissement budgétaire et sa crédibilité aux yeux des
agents économiques (dont le marché) augmentent avec l'engagement
ex-ante de la politique monétaire à accompagner la mise en oeuvre
de la politique de rigueur. i.e. avec l'assouplissement ex-ante de la politique
monétaire.
? Leigh et al. (2010) prouvent à
partir d'une étude statistique que la probabilité de
réussite de l'assainissement dépend du degré
d'accompagnement des politiques en début du programme, soit une fois
celui-ci établi et engagé.
? Certains auteurs pensent au contraire que la politique
monétaire ne doit pas agir ex-ante mais ex-post car cela aurait pour
effets :
- De réduire la pression sur les États afin
qu'ils engagent sérieusement les politiques de rigueur
nécessaires.
- Qu'une fois engagée dans l'accompagnement des
États, la politique monétaire perde momentanément sa
capacité à ancrer les anticipations et cela tant que les
politiques d'assainissement n'auront pas fait leurs preuves aux yeux du public.
Par extension, la perte de crédibilité aurait une influence
directe sur la stabilité des prix et sur le niveau de marché des
taux obligataires.
- Les conséquences d'un engagement fragile des
gouvernements ex-post seraient désastreuses.
2. Démonstration de T. Hellebrandt, A. S. Posen et M.
Tolle (2012)
L'objectif de l'étude :
Ces auteurs étudient plus en détail les
résultats des interactions possibles entre la politique monétaire
et la politique budgétaire en fonction du degré d'accompagnement
des politiques d'assainissement par la banque centrale. Leurs analyses
s'étendent sur deux périodes et concernent des pays où la
banque centrale est indépendante et donc crédible.
La méthode retenue:
? Afin de juger de l'impact des politiques monétaires
sur la probabilité de réussite des politiques de rigueur
en fonction de la date de début de l'accompagnement, les
auteurs calculent : les variations moyennes des taux d'intérêt
directeurs des banques centrales sur l'année d'assainissement et sur
l'année précédant l'assainissement. Puis ils
66
comparent ces valeurs entre elles au regard des cas de
réussite de l'assainissement et des cas d'échecs.
? Afin de juger de l'impact des politiques
monétaires d'accompagnement sur le degré de
crédibilité des politiques de rigueur, les auteurs
observent les différences entre les taux de rendements sur les
obligations des États concernés par l'assainissement et les taux
de rendement d'actifs considérés comme exemptés de
risque.
Les résultats :
? Concernant le lien entre l'assouplissement
monétaire ex-ante et la probabilité des politiques de rigueur
:
Lorsque le programme d'assainissement est d'une certaine
ampleur, les résultats montrent que la réussite de ces programmes
semble être en grande partie déterminée par le degré
d'accompagnement ex - ante de l'Etat par la politique monétaire i.e.
dès l'année précédente ou dès la mise en
place du programme.
? Concernant le lien entre l'assouplissement
monétaire et la crédibilité des politiques
d'assainissement :
Les auteurs remarquent que les politiques budgétaires
jugées comme étant les plus crédibles sont souvent
accompagnées de politiques monétaires très engagées
durant l'année d'assainissement. Il semblerait même que plus
l'accompagnement est prononcé, plus l'implication des politiques
budgétaires dans les programmes est forte voire plus ambitieuse.
Les conclusions des auteurs :
En plus de ces observations, il semble clair que l'heure est
à la coordination entre politique monétaire et budgétaire
en ces moments difficiles. Le soutien qu'apporteront les autorités
monétaires aux gouvernements sera un élément
déterminant pour la sortie de crise.
La BCE a d'ailleurs engagé une marche dans ce sens
lorsqu'on considère ses récentes décisions.
Il faudra toutefois réaliser de plus amples
études en ce qui est des avantages que l'on pourrait tirer du maintien
d'une politique monétaire stricte en terme d'incitation à la mise
en place de politiques de rigueur crédibles.
Enfin, cette étude ne fait pas état de l'impact
que peut avoir l'ampleur des chocs sur cette dynamique de collaboration comme
l'implication d'interactions négatives entre les deux politiques ou
l'existence de non linéarité dans les réactions du
marché.
67
3. Présentation du modèle proposé par O.
Jeanne (2012) : Une approche intéressante des arbitrages potentiels
entre défaut et assistance
L'objectif de l'étude :
O. Jeanne cherche à simuler les conséquences de
l'arbitrage par la politique monétaire entre laisser les États
faire défaut et les assister (i.e. monétisation de la dette
publique).
Cette question peut aussi s'interpréter en termes de
choix entre l'adoption d'une dominance monétaire dite «
douce » (ou préventive) comme aux États-Unis ou au
Japon et l'adoption d'une dominance monétaire « dure » comme
en Europe. L'auteur définit la première comme une politique
visant à responsabiliser les gouvernements dans la gestion de leurs
finances et la deuxième comme une politique monétaire qui dans
les cas extrêmes autoriserait le défaut de l'État.
Observations historiques (recadrage de
l'étude) et considérations théoriques :
? L'observation de données empiriques :
L'auteur constate d'abord en comparant les ratios de dette des
États par rapport à leur PIB, que la situation des finances
publiques aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni est à
l'origine bien plus mauvaise que la moyenne des pays européens et est
à peu près équivalente à celle de la Grèce,
du Portugal ou de l'Irlande.
? Classement des pays par type de politique :
en second lieu il met l'accent sur la différence de politiques
monétaires entre ces premiers pays d'une part et celle retenue par la
BCE en notant que cette dernière est caractérisée par un
très fort engagement dans la recherche d'une dominance monétaire
maximale. De ce point de vue, celle-ci aurait donc tendance à
tolérer plus facilement le défaut que ses homologues Anglo-Saxons
ou Nippons qui adoptent des politiques monétaires plus flexibles en
fonction de l'ampleur des chocs frappant l'économie.
? A propos de l'effet des taux d'intérêt
sur la dette publique :
- La thèse « nordiste » soutient que ces
écarts de taux d'intérêt sur les dettes à risque
sont positifs et même souhaitables dans la mesure où ils incitent
les gouvernements à la prudence dans la gestion de leurs finances.
- La thèse « sudiste » soutient que ces
« spreads » sont au contraire négatifs et conduisent à
l'aggravation de la situation budgétaire des États
déjà très endettés.
? Les décisions de monétiser
la dette publique par le maintien de taux d'intérêt très
faibles doit être une décision réfléchie et
mesurée sur la base d'un arbitrage entre les avantages et les
inconvénients de cette décision. Pour aider à
réaliser cet arbitrage, les travaux de
68
Davig, Leeper et Walker (2010) permettent de chiffrer les
implications des niveaux d'endettement sur le niveau d'inflation et/ou de
fiscalité.
Le modèle:
· Modèle à deux périodes
représentant le court terme et le long terme.
· La banque centrale définit son taux d'inflation
cible (0% dans le modèle).
· Les agents sont neutres au risque, ce qui implique que
le taux d'intérêt du marché obligataire reste constant.
· L'État cherche à financer ses
dépenses entre les deux périodes mais n'est cependant pas certain
que ses recettes à venir permettront de couvrir sa dette.
· Si le gouvernement est insolvable à la
période 2, la banque centrale a le choix entre le laisser faire
défaut ou le secourir.
· Le public ne connait pas à l'avance le choix
que fera la banque centrale.
· Le public évalue la probabilité que la
banque centrale laisse l'État faire défaut et se sert de cette
évaluation pour formuler leurs anticipations. Soit ì
cette probabilité.
· Les variables expliquées sont l'ajustement
budgétaire, le défaut, et l'inflation. En cas de crise de
solvabilité en période 2, deux situations sont possibles :
· La banque centrale empêche l'État
de faire défaut en monétisant sa dette ce qui crée de
l'inflation
· La banque centrale laisse l'État faire
défaut avec une probabilité calculée en fonction des
niveaux de son solde budgétaire et l'inflation reste nulle
Les résultats du modèle concernant
l'arbitrage entre défaut et inflation :
L'auteur fait varier l'équilibre de son modèle
en réajustant la valeur du paramètre ì
(probabilité d'abandon) et trouve des valeurs probables
d'équilibre pour les variables ajustement budgétaire,
défaut, et d'inflation.
L'auteur montre que la domination monétaire dure peut
réduire la probabilité d'ajustement budgétaire en rendant
sa réalisation moins probable. De plus, il semble d'après les
estimations
69
du modèle, qu'une telle politique serait associable, et
contrairement à ce à quoi on pourrait s'attendre, à une
plus forte probabilité d'inflation.
L'approche soutient par ailleurs que l'assistance des
autorités monétaires permettrait dans une certaine mesure une
meilleure soutenabilité de la politique de rigueur et donc influencerait
sa réussite.
L'auteur conclue que ces travaux peuvent servir de base cognitive
mais doivent être encore beaucoup approfondis dans les années
à venir.
4. Mots de conclusion
Jusqu'à présent, et comme nous avons pu le
montrer en PARTIE I- TITRE 2, les anticipations d'inflation en zone euro et aux
Etats-Unis sont restées stables malgré l'activisme des banques
centrales. Il semble que les agents économiques comprennent la
nécessité d'adopter des politiques extraordinaires pour
stabiliser l'économie et semblent aussi comprendre l'enjeu que
représente le surendettement des Etats.
Cependant, les études et les discussions actuelles
mettent en avant le danger que représenterait le financement de
politiques budgétaires dont les entreprises d'assainissement sont
fragiles et peu crédibles.
Les études ont aussi montré que cet
accompagnement des politiques budgétaires par la politique
monétaire était une condition très importante pour leur
réussite.
Enfin, il faut conclure qu'il y a de grandes chances que la
crise persistante que connait l'Europe depuis 2008 perdurera, voir s'aggravera,
tant qu'une politique efficace de gestion des dettes publiques n'aura pas
été trouvée.
70
TITRE 3 : Vers un modèle
amélioré de politique monétaire : La sous -
optimalité de la règle de Taylor pour conduire une politique
monétaire optimale
De nombreux économistes, notamment ceux issus du
courant des nouveaux keynésiens soutiennent que le cadre de
décisions retenu par les banques centrales est très incomplet ce
qui explique leur incapacité à faire face aux
déséquilibres graves qui affectent les marchés. Selon
certains d'entre eux, la « grande modération » de ces
dernières années est plus due à des facteurs réels
qu'à l'optimalité des règles de politique
monétaire. Au contraire, une règle jugée trop
écartée des grandes variables de l'économie réelle
a engagé dès les débuts de l'adoption du ciblage de
l'inflation, des travaux théoriques critiques qui ont retrouvé
aujourd'hui de leur intérêt.
Peu importe ce qui se dit, ces travaux s'entendent cependant
tous à placer parmi les missions principales de la banque centrale celle
de la recherche de la stabilité des prix, condition cruciale du
bien-être économique. Les divergences se font dans le choix des
autres objectifs à prendre en compte et notamment dans la reformulation
de la règle de Taylor afin de l'augmenter de certaines variables
explicatives et de la reconnecter ainsi avec la réalité des
dynamiques macroéconomiques.
De nombreux modèles tentent d'analyser
l'efficacité d'une telle modification de la règle de
décision sur le choix des agents et l'équilibre
macroéconomique et attirent tout au moins l'attention surtout dans ce
contexte difficile avec les incertitudes qu'il soulève.
Nous allons présenter dans cette partie les
différentes critiques adressées à la politique
monétaire, leurs fondements et les propositions d'évolution du
modèle de référence retenu jusqu'alors par les banques
centrales.
Il s'agira dans une première partie de présenter
les critiques sur la position qu'assignent les banques centrales aux variables
économiques dans l'échelle d'importance à la base de leurs
décisions.
Dans une deuxième partie, nous présenterons
certaines analyses qui remettent en question certaines des hypothèses
servant de base à l'orientation des politiques monétaires.
Enfin, dans une dernière partie nous
présenterons brièvement les quelques modèles
macroéconomiques récents qui permettent de donner des pistes pour
l'élargissement du mandat des banques centrales
71
I. Les grands « oublis » de la politique
monétaire
1. L'absence de la microéconomie bancaire dans
l'analyse du canal du crédit
Les banques sont le complément nécessaire des
marchés de capitaux. Comme nous avons pu le voir
précédemment, elles permettent le financement des agents ne
pouvant pas avoir recours au marché, elles aident à minimiser les
problèmes d'aléa moral, elles sécurisent l'épargne
publique, elles financent les Etats entre autres. Cela fait d'elles un
élément important dans le processus de transmission de la
politique monétaire.
Pourtant, l'analyse microéconomique des banques a perdu
beaucoup de sont intérêt dans les modèles macro
économiques depuis une trentaine d'années. Les banques sont
résumées à leur fonction de prêteur avec une
activité suivant une marche linaire laquelle consiste à accorder
des prêts sous contrainte de capital, de taux de refinancement et de
volume des dépôts. La légitimité du canal du
crédit a par ailleurs souvent faire l'objet de critique ces
dernières décennie. Ces considérations limitatives du
secteur bancaire s'expliquent par la prédominance des marchés
financiers dans le financement de l'économie, lesquels ont connu un
développement explosif depuis les années 30. Les volumes de
capitaux qui s'y échangent sont énormes en comparaison des
capitaux qu'engage l'activité bancaire. La pensée prévoit
même la disparition progressive des banques avec l'augmentation de
l'efficience à venir des marchés financiers.
Cependant, la récente crise relance les discussions sur
à ce sujet. Et l'Europe réaffirme sa dépendance au secteur
bancaire qui reste une des sources principales de financement des
économies. Avec les deux crises quasi-simultanées qui ont
frappé l'Europe, le canal du crédit a été et est
encore très défaillant. La politique monétaire de la BCE,
malgré son fort engagement, ne parvient pas à rouvrir les vannes
du crédit.
Une des raisons de ce blocage est, comme non l'avons
précisé dans notre développement (PARTIE 1 - II - 4.),
dû en partie au surendettement des agents privés. Mais il n'y a
pas que cela, de nombreux intellectuels s'accordent à dire que le
comportement microéconomique des banque à été trop
longtemps ignoré et que cela aura eu une part de responsabilité
importante dans l'ampleur de la récente crise et dans sa persistance.
Afin de traiter le sujet du rôle de la
microéconomie bancaire dans l'ajustement macroéconomique, il nous
faut comprendre entre autres comment les décisions des banques ont
évolué en considération de l'expansion des marchés
financiers, mais aussi dans quelles mesures ces stratégies
différent en fonction des caractéristiques de chaque banque et
enfin quels sont aujourd'hui les liens entre la politique monétaire et
les décisions bancaires.
Au final, la question sera de savoir comment
réintroduire la dynamique décisionnelle des banques dans les
modèles DGSE servant de base à la décision des
autorités monétaires, mais aussi prudentielle.
72
1.1. La structure du canal du
crédit
Une première distinction importante à faire
entre les activités d'intermédiation financière est de
considérer qu'il existe en réalité deux types de canal
crédit communément appelé « the narrow credit channel
» (canal stricte du crédit) et « the broad credit channel
» (canal large du crédit).
Les effets qu'aura la politique monétaire sur le volume
des crédits octroyée vont dépendre de l'importance
relative des canaux.
? Le « narrow credit channel »
correspond aux activités traditionnelles des banques.
L'influence que pourra avoir la politique monétaire sur l'offre de
crédit dépendra surtout du niveau des taux d'intérêt
directeurs, des réserves règlementaires exigées et du prix
de ces réserves. En cas de durcicement de la politique monétaire,
l'offre de crédit diminue ou les taux des crédits augmentent et
influence la demande de crédit à la baisse. Les banques peuvent
se refinancer sur les marchés obligataires mais à coût plus
élevé.
Par extension, la contraction du crédit met à
mal la consommation et l'équilibre financier des entreprises etc.
L'efficacité de ce canal de transmission est
limitée et discutable pour trois principales raisons qui auront pour
effet de limiter l'influence des politiques monétaires :
- La non-substituabilité des dépôts
bancaires et des actifs obligataires (certificats de dépôt) n'est
pas vérifiée. Kashyap et Stein (94) précise notamment que
seules les
banques de petites tailles peuvent transmettre la politique
monétaire via ce canal.
- La non-substituabilité des prêts bancaire et du
marché n'est pas toujours vérifiée
- Ce canal néglige l'ampleur des interactions à
l'heure actuelle entre les banques et les marchés
? Le « broad credit chanel » Le
canal large du crédit n'engage pas que les banques mais aussi tout les
activités visant à octroyer du crédit au secteur
privé. Le fonctionnement de ce canal à été
largement étudié dans la littérature avec les travaux
d'auteurs comme Bernanke, Meyer, Gertler, ou Jensen et Meckling. L'idée
est que les décisions de financement des entreprises ne se base pas
majoritairement sur la qualité de l'emprunteur laquelle est juger en
fonction de ses résultat économique, du niveau de leur fonds
propres, de la cotations boursière de ces fonds et des primes de risque
appliqué sur les obligations qu'il émet, de la valeurs des
garanties qu'ils proposent. Ce financement est d'autre par soumis à des
problèmes d'asymétrie d'information lesquels impliquent des
coûts de contrôle plus ou moins importants. Alors, la
manière dont fonctionnent ce canal est à peu prêt la
même que celle du canal des bilans (cf. PARTIE, II). La politique
monétaire va influencer le volume de crédit accorder en impactant
la valeur des bilans des agents économique de telle sorte qu'une hausse
des taux d'intérêt fera par exemple baisser la
73
valeur de l'actifs des emprunteurs qui devront se financer
à plus haut coût. C'est dernier feront alors un arbitrage dans le
sens d'un financement interne plutôt qu'externe si cela est possible.
Ainsi le volume de crédit diminue.
1.2. Le rôle du capital bancaire dans les
décisions de financement
Le capital bancaire est une variable déterminante du
comportement des banques, surtout en période d'instabilité durant
lesquelles les exigences des régulateurs et des créanciers sont
plus contraignante.
Le capital bancaire constitue un signal pour les investisseurs
sur la santé de la banque et est donc un des déterminants du prix
du risque conditionnant les échanges entre la banque et le marché
(ex : augmentation en capital, emprunts, émission de produits
financiers). Cela implique que pour les banques les plus petites ou les moins
capitalisées, l'accès aux fonds financiers reste très
limité. Et c'est ces contraintes qui incitent ces dernières
à financer des projets plus risqués en échange d'un taux
élevé de rémunération, à adopter des leviers
de dépôt plus important que les autres banques ou à prendre
des positions plus risquées sur les marchés financier. Mais le
cas des banques contraintes peut être généralisé
à l'ensemble des intermédiaires financiers soumis à
régulation prudentielle. De nombreux travaux ont été
réalisés en la matière et rejoignent le sujet de savoir
dans quelles proportions les banques soumises à réglementation
peuvent-elles participer à la formation de crises financière et
à leur contagion. Ces travaux réintroduisent la
microéconomie bancaire et replace les banques comme gestionnaire de
portefeuille dont le but principal est de maximiser leur profit sous contrainte
de coûts. Les récents modèles proposés permettent
aussi d'intégrer les apports de la théorie sur les choix
d'investissement. On peut citer parmi les travaux récents
réalisé sur ce sujet, les modèles de Holmstrom B. et
Tirole J. (97) et de Rochet (2004).
Cette approche de la microéconomie bancaire nous
intéresse dans le cadre de ce mémoire car elle permet de rendre
compte de la complexité de la dynamique de décisions des banques
et replacent alors les décisions de la politique monétaire parmi
d'autres variable explicatives du comportement de crédit des banques.
Par ailleurs, ils ont l'avantage de prendre en compte les activités de
placements financiers des banques.
Chocs exogènes sur les marchés, contraintes
en capital des banques et activité de crédit :
- Le cout du capital est encore plus élevé en
période d'incertitude. C'est en partie pourquoi l'effet des politiques
de quantitative easing sur la relance du crédit reste limité. Le
cout du capital réglementaire relatif aux nouveaux prêt est trop
élevé comparé au bénéfice attendu de son
utilisation, surtout en période de taux d'intérêt faible et
de faible demande pour les crédits.
De nombreuses études théoriques et empiriques
démontrent l'existence du lien entre la réglementation en capital
et la sensibilité de l'offre de crédit aux chocs exogènes.
Les études
74
actuelles tendent à décrire et à
modéliser le comportement de crédit des banques en période
d'instabilité en retenant comme variable explicative la contrainte
réglementaire, l'évolution du prix des actifs, la taille de la
banque, et le degré de concurrence sur le secteurs bancaire.
1.3. Développement des marché financiers
et nouveau modèle de gestion bancaire
Dans une autre mesure, la politique monétaire doit
prendre en compte dans son analyse des canaux de transmission le fait que les
banques soit aujourd'hui très intégrés et active sur les
marchés financiers de telle sorte que leur activité primaire soit
relativement moins importante qu'auparavant mais aussi que ces dernières
présentent la même sensibilité aux chocs financiers que les
autres participants au marché sinon une plus grande sensibilité
du fait qu'elle soit en plus contrainte sur ses réserves. Dans la PARTIE
II -I, nous avons pu donner plus de précision sur ce
phénomène d'interdépendance entre le secteur bancaire et
financier. Il faudrait alors préciser la politique monétaire en
fonction de ces considérations.
1.3. Conclusion
La politique monétaire, autant que l'analyse strictement
économique, doit revoir leur façon d'intégrer le secteur
bancaire dans les modèles macro-économiques afin de rendre compte
des grands changements stratégiques des banques depuis la « boom
» des marchés financiers. Des travaux récents comme ceux de
Hale et Santos ou de Marques Ibanez et Scheicher (2010) peuvent
compléter ces observations.
Des propositions là encore se tourne vers la
détermination d'une règle de Taylor « augmentée) qui
prendrait en compte pour évaluer l'efficacité à un moment
donné du canal du crédit sur la base du calcule des leviers
d'endettement privé par rapport au PIB ou encore l'évolution des
prix de l'immobilier entre autres.
Aussi, Goodhart (2007) pose l'intérêt de
réaliser des études statistiques et empiriques sur visant
à évaluer les effets des variations des taux
d'intérêt directeur sur le comportement de prise de risque des
banques.
2. L'importance cruciale des frictions sur le marché
du travail dans la transmission des politiques économiques
On peut aisément citer comme une des causes du blocage
économique depuis 2008, le fait que l'envolée du chômage
induit par la crise des subprimes mais aussi des dettes souveraines en Europe a
largement fait reculer le niveau de la demande dans tous les secteurs
d'activité et a
75
donc entrainé le cercle vicieux de la
désinflation avec les risque de déflation au bout du tunnel.
On a souvent tendance à voir le chômage comme une
conséquence de la récession plutôt que comme une cause.
L'analyse des nouveaux keynésiens redonne au marché du travail
une importance capitale dans la formation de l'équilibre
économique et en font un outil majeur de sa performance.
Les études visent à intégrer dans la
règle de politique monétaire, la pleine considération des
conséquences économiques de l'occurrence de «
frictions » sur le marché du travail, cela afin
d'optimiser la règle de décision.
La Fed à d'ors et déjà, et cela depuis
2012 ajouté de façon explicite à ses objectifs celui de la
lutte contre « l'écart de chômage » au lieu de l'output
gap. En Septembre 2012, le FOMC déclare que les politiques de
quantitative-easing ne s'arrêteront pas temps que les perspectives en ce
qui concerne le marché du travail ne se seront pas
améliorées.
La grande innovation que représenterait la prise en
compte du fonctionnement du marché du travail aux cotés de
l'inflation dans une même règle serait bien sûr celle de
donner des moyens d'intervention directs à la politique monétaire
sur la formation de l'équilibre macroéconomique. Politique
monétaire et économie réelle seraient alors «
réconciliés ».
Les partisans de cette approche considèrent le
marché du travail comme l'une des principales sources d'inflation et de
formation des anticipations. Cela représenterait donc une avancée
économique majeure.
Notre approche consistera d'abord à présenter le
fonctionnement du modèle DMP (Diamond, Mortensen et Pissarides) et de
ses extensions afin de comprendre l'importance des frictions sur le
marché du travail dans la formation de l'équilibre
macroéconomique. Dans un second temps, nous préciserons la
relation entre dynamique du marché du travail et inflation, enfin, nous
nous intéresserons aux résultats obtenus par Ravenna et Walsh
(2009) sur la base de leur modèle DSGE augmenté du marché
du travail.
Parmi les auteurs ayant travaillé sur ce sujet on peut
citer : Blanchard et Galí (2007, 2010) ; Trigari, (2004) ; Moyen et
Sahuc (2005) ; Christoffel et Linzert (2010) ; Christoffel et al. (2006) ;
Gertler et al. (2008). Tous ces auteurs s'accordent sur un point qui est celui
de reconnaître l'importance des frictions et des rigidités
salariales comme variables explicatives de la propagation des chocs ainsi que
des modes de négociation des salaires.
2.1. Les fondamentaux d'une approche NK -DMP (nouveaux
keynésiens - DMP) :
? Des frictions peuvent naître sur le marché du
travail, qui engendrent à la fois une augmentation du taux de
chômage mais également des emplois vacants. Cela
implique
76
qu'une simple évaluation du taux de chômage est
insuffisante à rendre compte de l'état effectif du marché
du travail. Une mesure du ratio postes vacants/chômage
identifie l'ampleur de ce phénomène. Ainsi, on peut
constater selon l'étude de Walsh (2014) que ce ratio a fortement
diminué depuis le début de la crise des subprimes. La forte
augmentation du chômage n'a pas donné lieu à une
augmentation de postes vacants (faillite, fermetures, délocalisations
...).
? Le taux d'intérêt a un effet direct sur
la demande de travail. En effet, sans passer par les canaux
usuellement considérés, il existe un canal par lequel une baisse
du taux d'intérêt a un effet sur la valeur actualisée des
bénéfices attendus par les entreprises pour un certain nombre
d'employés. Dans le cas d'une baisse des taux, cette valeur va augmenter
et inciter l'entrepreneur à embaucher plus de main d'oeuvre puisque
celle-ci est relativement moins couteuse.
? La consommation est une fonction croissante de la baisse des
frictions sur le marché du travail : cela est vrai si l'on
considère non seulement l'augmentation des revenus distribués aux
ménages, mais aussi le fait que les ménages prennent en
considération dans leurs décisions l'état de la
conjoncture sur le marché du travail et anticipent son évolution.
La santé de ce marché (existence de frictions) est alors une
variable explicative de la fonction du bien-être social.
? La courbe de Phillips est croissante
? Les prix et les salaires sont considérés comme
fixes à court terme (voire à moyen terme) dans ces
modèles, ce qui va être la cause de certaines frictions que nous
verrons un peu plus bas.
? Les conditions de la négociation salariale jouent un
rôle déterminant dans l'équilibre
macroéconomique.
2.2. Un modèle d'appariement du marché
du travail (DMP) inséré dans un modèle DSGE
néo-keynésien (NK - DMP) :
Le modèle de base DMP permet de comprendre l'effet des
frictions dit « d'appariement » sur le salaire et le chômage
d'équilibre. Ces frictions naissent de l'imperfection informationnelle
sur ce marché qui implique que la demande et l'offre de travail sont en
partie déconnectées c'est pourquoi la pleine utilisation des
capacités productives est rarement assurée. Ces imperfections
peuvent avoir différentes origines comme les coûts à la
mobilité, l'absence de T.I.C efficace, la congestion entre les acteurs
etc. Cela explique la persistance du chômage et d'emplois vacants.
77
Une hypothèse importante de ces modèles
est qu'il existe des coûts d'appariement autant pour les employeurs que
pour les offreurs de telle sorte qu'un arbitrage bénéfices -
coût intervient à un moment donné. Il s'agit des
coûts d'appariement (ex : entretiens, carburants, communication,
formation de rappel etc.)
La résolution du modèle DMP nous donne les
salaires et taux de chômage d'équilibre en fonction des conditions
spécifiques au marché étudié. La dynamique
d'équilibre fait dépendre le nombre de travailleurs de la
période 2 à celle de la période 1, ainsi qu'à la
destruction d'emplois à la période 1 et des appariements pour la
même période. Notons que la valeur de chaque variable
dépend des arbitrages coût - profitabilité
mentionnés plus haut.
Une des évolutions proposées à ce
modèle est celle de Hall (2005) d'y introduire le degré de
rigidité des salaires en fonction de la force de négociation des
parties au contrat de travail. Une telle proposition sous-entend que, sauf en
cas d'indexation des salaires nominaux sur l'inflation, il n'est pas toujours
vérifié que les salaires réels restent constants dans le
temps. Ce qui remet en cause l'approche conventionnelle retenue pour les
modèle DSGE.
2.3. Dynamique du marché du travail et
inflation
Mis à part les interprétations traditionnelles
de la courbe de Phillips, quelques précisions ont été
faites sur la relation entre marché du travail et inflation. En voici
quelques-unes.
L'étude de Blanchard et Gali (2007) s'intéresse
à l'influence des rigidités des salaires réels sur le
niveau d'inflation. Leur principale conclusion est la suivante : la
rigidité des salaires réels complique les problèmes
d'arbitrage de la banque centrale entre stabilisation de l'inflation et de
l'écart de production potentielle. Cela est dû au fait que ces
rigidités rendent l'inflation partiellement inerte ce qui a dès
lors pour effet d'accentuer les effets inflationnistes et
déflationnistes, ou du moins de les ancrer. De telles rigidités
peuvent être la conséquence de politique d'indexation des
salaires.
Dans la même idée, Ravenna et Walsh (2009)
trouvent que la volatilité de l'inflation et de l'output gap sont
diminuées lorsque le marché du travail est plus flexible.
Ces derniers arrivent à construire un modèle qui
permet de résumer dans une relation entre inflation et
écart de chômage (chômage effectif - chômage
potentiel) le fonctionnement traditionnel des modèles
néo-keynésiens standards avec existence d'un marché du
travail caractérisé par des frictions de type DMP.
78
2.4. Efficacités des modèles NK-DSGE
pour la conduite de la politique monétaire : Résultats des
simulations du modèle Ravenna et Walsh (2009)
? La non-prise en compte des frictions sur le marché du
travail dans les décisions de politique monétaire (dans les
modèles DSGE utilisés) implique des politiques sous-
optimales et des pertes potentielles pouvant être grandes
en termes de bien-être social.
? Le marché du travail ne doit pas être
administré.
? Les pertes en bien-être social dépendent de
l'écart du chômage de telle sorte qu'un marché du travail
trop réglementé ou soumis à de nombreuses frictions est un
effet négatif sur les ménages.
? La volatilité de la consommation est en partie
expliquée par le climat d'incertitude créé par une
augmentation de l'écart de chômage.
? La présence de frictions sur le marché du
travail rend les agents neutres au genre de politique monétaire,
discrétionnaire ou ancrée.
D'autres modèles dans la même lignée sont
attribuables entre autres à : Sala, Söderström, et Trigari
(2008) ; Blanchard et Galí (2008) et Thomas (2008).
3. L'existence de fortes non-linéarités dans les
réactions des agents
Les réactions des agents ne sont en
réalité ni homogènes ni linéaires. Les
modèles macroéconomiques courants peinent notamment à
décrire les non-linéarités qui peuvent subvenir dans des
périodes de crise et d'instabilité. Pourtant, en ce qui concerne
les comportements de consommation ou d'investissement notamment, il semble
évident que ces derniers ne répondent pas, dans la crise que nous
traversons, à une logique purement linéaire. Ces
non-linéarités comportementales s'appliquent aussi bien, comme
nous l'avons vu précédemment, aux banques et aux agents du
secteur financier...
C'est alors, qu'un important travail reste à faire pour
identifier les déterminants de cette volatilité des
agrégats économiques, cela sûrement par l'utilisation de
modèles dynamiques et de techniques de simulation. Ces modifications
imprévisibles de la structure de décision sont importantes
à prendre en compte dans le cadre de la politique monétaire dans
la mesure où cela permettra à la politique monétaire
d'avoir une meilleure compréhension de la cognition des
différents types d'intervenants sur les marchés et ainsi
d'optimaliser sa règle de décision. Ainsi, sa prise en charge des
crises sera plus efficace mais aussi le retour à la stabilité
économique sera plus durable.
79
Keynes mentionnait ce qu'il appelle des « instincts
animaux » pour invoquer des décisions irrationnelles et
déconnectées des réalités économiques prises
par les agents dans certaines situations.
La principale explication de ces dérives
comportementales est à chercher dans l'impact psychologique de
l'incertitude sur les agents (incertitude quant à l'avenir, aux prix
futurs des actifs, aux niveaux des salaires, à la reprise
économique etc.). Par exemple, les banques centrales ont rendu les
conditions d'investissement bien plus profitables à l'heure actuelle
qu'avant le déclenchement de la crise. Le résultat attendu
conformément aux modèles de base retenus était un retour
plus ou moins rapide des activités économiques. Pourtant, il
semble que la structure décisionnelle des investisseurs s'est
modifiée avec l'incertitude générée par la crise de
telle sorte que l'ordre de priorité des variables qu'ils retiennent pour
leurs décisions semble avoir changé. La question est alors de
savoir dans quelle mesure.
Une autre dimension importante à prendre en compte
concerne l'interaction entre les agents économiques. Ces états de
doute sont contagieux puisque les agents sont intimement liés entre eux.
Dans le cas de la finance par exemple, la cession par un agent de taille
importante d'un grand volume d'actifs influence tous les investisseurs qui
voient un signal négatif dans cette action, sans pour autant que ces
craintes soient justifiées. Mais encore, la chute des cours, qui tombent
souvent en dessous de leur valeur fondamentale, approfondit le climat
d'incertitude, la recrudescence des problèmes d'asymétrie
informationnelle, le blocage des financements et par extension le recul de
l'activité réelle sans pour cela, qu'à aucun moment,
l'excès de panique n'ait été justifié.
Une chose qui semble peu contestable en ce qui est de
l'analyse des comportements des agents financiers, est que l'hypothèse
d'efficience des marchés financiers souvent retenue par les
modèles DSGE doit être rejetée au profit de tentatives de
modélisation des problèmes liés à l'inefficience
informationnelle. De très nombreux travaux sont déjà
disponibles sur ce sujet en ce qui concerne les marchés mais aussi la
structure de décision des banques et des entreprises en fonction des
questions d'asymétrie informationnelle. Faut-il encore arriver à
en faire un bilan exploitable dans les modèles DSGE.
F.Mishkin précise que puisque le principal objectif
final de la politique monétaire est celui de maximiser le
bien-être social, elle se doit alors d'évoluer avec la structure
des préférences des agents économiques.
Les travaux entre autres de Gertler et Karadi (2009) et Curdia
et Woodford (2009) donnent quelques précisions sur ce sujet.
80
II. Autres considérations sur la pertinence des
fondamentaux de la politique monétaire
1. Discussions autour du ciblage de l'inflation : Quel taux ?
Quelle cible ?
1.1. Le ciblage de l'inflation
La récente crise nous a montré que le
problème du "zero lower bond", qui, à force de la mise en oeuvre
des politique non conventionnelles, pouvait être un problème
sérieux en ce sens qu'il implique un fort interventionnisme des banques
centrales (voir développement partie 1-II - 4. et Partie 2, I. 3.).
Certains économiste se demande s'il ne serait pas plus sage de revoir
à la hausse la cible d'inflation afin d'éviter que ce
problème ne contraigne la politique monétaire à l'avenir.
Ainsi, par exemple, Blanchard, Dell, Ariccia et Mauro (2010) proposent
d'augmenter cette cible de 2 à 4 % pour l'Europe.
L'idée derrière cette proposition est qu'en cas
de nouvelles instabilités, les anticipations d'inflation ancrées
sur un niveau plus élevé, laissent une plus grande marge de
manoeuvre aux banques centrales afin de contrer l'endiguement d'une crise
potentielle ou d'un choc de demande par exemple, en influençant les taux
d'intérêt réels de long terme voire en les rendant
négatif en cas de nécessité. Par extension, ces critiques
impliquent que la politique monétaire doit être stricte sur une
cible d'inflation supérieure très proche des 2% si elle ne change
pas cette cible à la hausse. Les discussions entre participants du FOMC
semblent aussi tendre vers une révision à la hausse des cibles
d'inflation.
Paul Samuelson et Robert Solow proposent même de
tolérer le dépassement de cette cible jusqu'au seuil de 5%.
Cependant, différentes critiques peuvent
être formulées contre cette proposition :
- Une cible à 4 % pourrait affecter négativement
les décisions des ménages et des entreprises. Comme le soutient
l'organisation Greenspan, afin de ne pas affecter les comportements
fondamentaux des agents, la cible ne doit pas dépasser le niveau des 3
%.
- L'augmentation engendrerait une perte mesurable de la
crédibilité et de l'utilité même de la mission des
banques centrales dont le comportement serait même assimilable à
un comportement discrétionnaire.
- Une cible d'inflation plus haute engage un plus grand risque
de réalisation d'une spirale inflationniste.
81
- Une telle mesure ne serait
bénéfique qu'en cas de crises économiques graves qui sont
par expérience très peu fréquentes. Tandis que les
coûts d'une telle mesure pourraient se mesurer jour après jour.
1.2. Le ciblage du niveau des prix
De nombreux travaux actuels reviennent sur le choix de la
cible d'inflation de la politique monétaire. Ces travaux
soulèvent la question de savoir si une cible de niveau des prix ne
présenterait pas plus de bénéfices qu'une cible
d'inflation en ce sens qu'elle permettrait de mieux ancrer les anticipations
d'inflation des agents et aussi éviter les coûts potentiels
liés au phénomène de « dérive du niveau des
prix » sur une période longe. Notre objectif est de faire un bilan
des bénéfices et des désavantages qui pourraient
résulter du ciblage du niveau des prix plutôt que de celui de
l'inflation. Cela sur la base des récentes études
réalisées sur ce sujet.
Qu'est -ce que le ciblage du niveau des prix ?
La banque centrale base sa cible sur la définition d'un
sentier de croissance du niveau des prix correspondant à une moyenne
corrigé des observations passées. Sa mission sera alors de
maintenir le niveau des prix sur cette cible en réagissant de
façon ex-post à ses variation sur l'année en faisant
modifiant sa cible d'inflation de façon à annuler les effets des
écart sur l'année échue.. La grande différence avec
le ciblage actuel de l'inflation, c'est que cette dernière adopte une
approche prospective. Elle vise à ce que l'inflation moyenne de long
terme ne dépasse pas un certain seuil et elle ne réagira pas pour
corriger les écarts d'inflation effective d'une année à
l'autre.
Avantages du ciblage du niveau des prix
? Une des premières remarques que nous pouvons faire
est que la cible du niveau des prix diminue les incertitudes sur les prix
futurs et permet donc un meilleur ancrage des anticipations de l'ensemble des
agents économiques (syndicats, entreprises, investisseurs). Elle diminue
donc les frictions pouvant exister sur le marché du travail et celles
liées à la déconnection dans la fixation des prix ex -
ante par les entreprises.
? De plus, elle permet d'éviter la perte
éventuelle de richesse liée aux fluctuations imprévisibles
du niveau d'inflation.
? Aussi, un grand avantage du ciblage du niveau des prix
réside dans le fait qu'il sécurise les termes des contrats
conclus pour un long terme de telle sorte à ce que les valeurs
réelles anticipées du prix du contrat soient toujours
égales à leur valeur actuelle. D'autre part, elle permet aux
parties d'un contrat d'avoir recours de manière moins fréquente
à des produits d'assurance et autres produits financiers de
couverture.
82
Howitt (2001) affirme d'ailleurs que l'effet des incertitudes
entourant les prix est déterminant dans la formation de l'inflation via
ce canal des contrats.
? Svensson, Woodford, Gavin et Prescott entre autres soutiennent
que ce type de ciblage a pour effet de produire moins de volatilité du
PI3 que la cible d'inflation
Inconvénients du ciblage du niveau des prix
I.Fisher en 94 et d'autres études sur le sujet,
soulèvent les aspects négatifs que peuvent avoir ce type de
ciblage :
? Pourrait produire une volatilité plus grande du PI3 que
la cible d'inflation en cas d'occurrence de chocs inattendus sur les prix
? Rendrait l'utilisation des politiques monétaires non
conventionnelles inutilisables en cas d'atteinte du « zero lower bond
» pendant un choc
? Le fait de maîtriser plus fermement les niveaux des prix
pourrait non seulement les déconnecter de leur évolution
naturelle avec la dynamique du PIB dans le temps
? Mais aussi, faire perdre au prix leur fonction d'indicateur sur
le marché
Il semblerait alors que le ciblage du niveau des prix
présente bien des intérêts, cependant un arbitrage doit
être fait entre ses bénéfices et ses coûts en
comparaison à ceux de la cible d'inflation.
La banque du Canada, dans une publication sur le sujet en
Septembre 2009, sur la base de l'analyse de S. Ambler, précise les
avantages et les inconvénients du recours au ciblage du niveau des prix
dans le tableau qui suit :
83
Source : S. Ambler - Banque du
Canada
2. Le retour de la théorie discrétionnaire de la
politique monétaire
La politique discrétionnaire vise à fixer le taux
d'intérêt période après période en fonction
de la conjoncture économique. Cela implique que la banque centrale
réagit « sur le tas » et librement.
Elle ne s'engage pas à suivre une cible d'inflation
quantifiée pour l'avenir. Il n'y a donc pas d'ancrage ou de pilotage des
anticipations sous les formes qu'on expérimente depuis la mise en place
de la politique monétaire actuelle.
84
La politique dite soumise à une règle ou «
commitment » est celle de la politique actuelle. Elle est
prévisible puisqu'elle fixe le niveau des taux d'intérêt en
suivant une règle précise (la règle de Taylor). Elle
permet ainsi une grande maîtrise des anticipations d'inflation des agents
économiques.
Ce qui a justifié jusqu'alors l'ancrage de la politique
monétaire sur une règle ainsi que la grande transparence des
orientations stratégiques, c'est le souci du maintien de la
crédibilité de la banque centrale. Cette
crédibilité est jugée indispensable afin de garder la
confiance des agents économiques, de piloter les croyances des agents et
donc de garantir la stabilité des prix, et par extension de
l'activité économique.
Les deux politiques ont leurs arguments.
Les nouveaux Keynésiens, qui ont toujours
prôné l'approche discrétionnaire, profitent de cette
période d'instabilité et de l'échec des impulsions de la
politique monétaire actuelle, pour réengager le débat sur
l'intérêt de chaque approche avec en tête la croyance
qu'une politique de type discrétionnaire bien formulée
permet d'obtenir de meilleurs résultats en terme de bien-être
social sans pour autant perdre en crédibilité. Il est
donc intéressant dans le cadre de ce mémoire et au vu du biais
d'inefficacité avéré de la politique monétaire en
Europe, de nous pencher sur cette approche.
Notons que, sans pour autant s'auto-qualifier de politique
discrétionnaire, la Fed et la banque d'Angleterre agissent pourtant en
tant que tel lorsqu'elle décide d'intervenir directement dans la
politique budgétaire en achetant des bons du trésor ou encore en
fixant clairement un conditionnement de leur politique sur des objectifs autres
que l'inflation comme celui du niveau du PIB ou celui du de chômage.
Selon l'approche de Clarida, Gali et Gertler (99), qui est
partagée par tous les auteurs de ce courant, la principale critique
formulée contre la politique discrétionnaire qui est celle de sa
crédibilité ne tient pas : Une politique
discrétionnaire n'est pas moins crédible qu'une politique
engagée si elle est menée selon une marche logique et
modérée.
En effet, l'idée étant que les anticipations des
agents, au lieu d'être solidement ancrées par la règle,
vont s'établir dans la même logique économique que celle de
la banque centrale. Donc les agents seront aussi capable d'anticiper assez
justement, au regard de la conjoncture économique, les réactions
de la banque centrale qui choisi d'adopter une politique
discrétionnaire. On parlera de « time consistent equilibrium
».
Pour aller encore plus loin, les travaux récents de
l'école des nouveaux Keynésiens permettent dans ce cadre de
formuler des modèles de prévision macroéconomique
détaillés et certains planchent sur l'élaboration d'une
nouvelle règle de politique monétaire qui serait sensible
à la conjoncture. Ce courant réaffirme l'importance d'adapter la
politique monétaire aux défis économiques. L'idée
derrière cette intention sera celle de formuler un « mode
d'emploi
85
normatif » pour la politique monétaire
contenant sûrement des valeurs probables des paramètres
du modèle différents en fonction des défis à
surmonter.
Y aurait-il des modèles de politiques
monétaires de crise et des modèles de politiques
monétaires de stabilité par exemple ?
Les travaux doivent encore être approfondis dans ces
domaines. Cependant, on peut noter que cette approche n'est pas
dénuée de sens au regard à la fois de l'utilisation
d'instruments inédits pour contrer la crise récente et la rude
bataille que mènent encore les autorités monétaires pour
stabiliser les économies à leur niveau potentiel.
Le cadre réglementaire dans lequel la politique
discrétionnaire doit évoluer est défini comme suit
:
? La politique monétaire ne doit pas chercher à
fixer le niveau de l'output au-delà de son niveau potentiel au risque
d'engendrer une forte inflation et une perte notable du bien-être social.
Cette leçon peut être tirée des erreurs du
keynésianisme ancien.
? Lorsque la banque centrale affirme la prédominance de
l'objectif d'inflation et bénéficie d'un statut
indépendant, le biais inflationniste lié à la politique
discrétionnaire diminue.
Aussi, certaines simulations menées par ces trois
auteurs ainsi que par des auteurs comme Walsh et Ravenna (2009) entre autres,
permettent d'évaluer les bénéfices à tirer de
l'adoption d'une politique discrétionnaire en termes de rapport entre
bien-être social et la perte sociale.
86
CONCLUSION
Tout au long de ce mémoire de recherche, nous sommes
revenu sur les principaux concepts clés qui fondent la science
économique. Nous avons pu comprendre avec précision comment les
équilibres macroéconomiques se formaient, mais aussi, nous avons
pu nous rendre compte de la difficulté de modéliser les
comportements individuels. Et c'est là tout l'objet de cette science.
Dans le cadre spécifique du sujet que nous
présentons ce jour, qui est celui de la capacité de la
théorie de politique monétaire à atteindre les objectifs
de stabilité économique et financière, nous avons pu
rendre compte des principales critiques formulés à l'égard
du ciblage stricte de l'inflation, de la construction de la règle de
décision retenue, des hypothèses retenu dans les modèles
DSGE de base servant à l'analyse économique des banques centrales
ou encore de l'efficacité des politiques monétaires
non-conventionnelles.
De nombreux éléments de réponse ont
été apporté aux principales questions du moment qui sont
celle de savoir si :
- Les banques centrales doivent intervenir sur les
marchés financiers, i.e. intégrer l'objectif de stabilité
financière dans leur mandat, et si oui, de quelle manière
- Les banques centrales doivent intervenir dans les programmes
de désendettement des Etats et dans quelle mesure
- La théorie à la base de la politique
monétaire actuelle n'est pas incomplète et trop « brute
» en soulevant des questions telles que l'existence de
non-linéarités et de mauvaises spécifications des
modèles DSGE.
Ce qui semble évident, c'est que les discussions se
feront de plus en plus nombreuses et engagées dans les années
à venir et que les nombreuses ouvertures que permettent les travaux
récents ne manqueront pas d'être exploité autant par les
économistes - chercheurs que par les banques centrales.
« L'une des conclusions de mon étude de
la Grande Dépression est que l'on a tendance à considérer
que l'orthodoxie est une stratégie sûre. Mais la stratégie
doit dépendre de la situation. En période de crise, l'orthodoxie
peut s'avérer être une très mauvaise stratégie
»
Ben Bernanke
87
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