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La politique du tourisme durable en France: avancées et limites

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par Fanny Fonteyraud
Université Panthéon Sorbonne - Master 2 Droit du tourisme 2018
  

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Partie 2. Les avancées en faveur du tourisme durable et les limites pratiques à son

développement 32

Section 1. Le tourisme durable impulsé par la soft law et les initiatives privées 32

A. La dimension internationale et communautaire de la soft law 33

B. Les acteurs privés, créateurs de droit mou 38

Section 2. Les freins et les limites au développement du tourisme durable 44

A. Un mode de tourisme marginal et méconnu 45

B. Le tourisme durable : beaucoup de croyants mais peu de pratiquants 47

C. Le greenwashing ou le faux tourisme durable 50

Bibliographie 54

4

Introduction

« L'un des paradoxes du tourisme d'aujourd'hui est de tuer ce dont il vit, en véritable parasite mondophage. Celui-ci préfère le divertissement à la diversité ; le premier est en effet plus confortable car il ne remet rien en cause. Ainsi le touriste déclare son amour à cette planète qu'il visite dans ses moindres recoins et, ce faisant, il contribue à l'épuiser impitoyablement. »

Extrait du Manuel de l'anti-tourisme, par Rodolphe Christin (2018).

En tant que première industrie mondiale, le tourisme est aujourd'hui devenu une véritable manne financière pour l'économie de la planète. Selon le baromètre de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le tourisme représente 10 % du PIB mondial avec 1,322 milliard de touristes internationaux en 2017 et plus de 7% du PIB français, avec 82,6 millions d'arrivées de touristes internationaux en 2016. La France conserve ainsi le premier rang mondial, en termes d'arrivées de touristes internationaux, devant les États-Unis, l'Espagne et la Chine. Toutefois, en termes de recettes, la France se retrouve cinquième du classement mondial avec 38,4 milliards d'euros pour l'année 20161. Pour se rendre compte de l'éloquence de ces chiffres, 1,8 milliard d'arrivées de touristes internationaux sont prévus par l'OMT pour 2030, tandis qu'en 1950, on n'en comptait que 25 millions2.

Au fil du temps, le tourisme a évolué de façon spectaculaire et est devenu l'un des secteurs économiques les plus rentables au monde. Selon l'OMT, « le volume d'affaires du tourisme égale, voire dépasse celui des industries pétrolière, agroalimentaire ou automobile3. » Aujourd'hui, le tourisme est un facteur essentiel de développement à l'échelle mondiale et en particulier dans certains pays en ce qu'il permet de générer des recettes et des ressources non négligeables, notamment en termes d'emploi. Le tourisme représente en effet 1 emploi sur 10 dans le monde et 1,267 million d'emplois salariés en France4.

Dans le langage courant, le tourisme est l'action de voyager et visiter des lieux pour son agrément. L'Organisation Mondiale du Tourisme en donne une définition plus large mais plus précise et considère que « le tourisme correspond aux activités déployées par les personnes au cours de leur voyage et de leur séjour dans des lieux situés en dehors de leur

1 Veille Info Tourisme, le Memento du tourisme, 2017, p. 12

2 OMT, Les faits saillants du tourisme, 2017, p. 3

3 Cf. < www.unwto.org >

4 Atout France, Rapport d'activité, 2016, p. 11

5

environnement habituel, à des fins de loisirs, pour affaire et autres motifs ». Les voyageurs intéressant le tourisme sont appelés « visiteurs ». Les touristes sont donc des visiteurs qui passent au moins une nuit (et moins d'un an) hors de leur environnement habituel5.

Au 19ème siècle, Stendhal écrivait l'ouvrage « Mémoire d'un touriste » dans lequel il définissait le tourisme comme le fait de se déplacer pour son plaisir. Ainsi, être « touriste » signifiait voyager et jouir de sa vie par la découverte du monde6. La notion de tourisme revêtait alors un caractère beaucoup plus personnel contrairement à la définition moderne, tournée vers le divertissement et l'amusement.

Historiquement, le tourisme était pratiqué par les familles aristocrates britanniques au 18ème siècle, puis il s'est démocratisé pour devenir un loisir universel de masse à l'origine de nombreux troubles à travers le monde. Ainsi, le tourisme est une pratique ancienne qui consistait pour les jeunes nobles à faire le tour de l'Europe, afin de se construire au travers d'une expérience initiatique. Puis c'est en 1841 que Thomas Cook, homme d'affaires britannique (1820-1890), fonde la première agence de voyages. En effet, il a l'idée d'utiliser les services du train pour permettre aux familles aisées de se rendre dans les villes côtières du pays, créant ainsi le premier forfait touristique. C'est ensuite à l'ère de l'industrialisation puis après la Première Guerre Mondiale que les choses se sont accélérées, allant de pair avec l'évolution des moeurs et entre autres, le développement des transports ou encore la mise en place des congés payés. Toute la société est alors concernée par le tourisme qui devient un loisir pour tous. Depuis, le tourisme n'a cessé de croitre à mesure que la société s'est développée au rythme d'internet et de l'émergence des compagnies « low-cost7 » et a fini par basculer dans une nouvelle dimension, celle du tourisme de masse.

Aujourd'hui, la définition du tourisme ne ressemble plus à l'idée qu'en avait Stendhal, même s'il est une manière de s'évader du quotidien et surtout de son travail et qu'il est devenu un véritable moyen d'assouvir ce désir toujours plus croissant de se réaliser individuellement à travers la découverte du monde. En effet, le tourisme dans sa massification est l'exemple même de la domestication de la nature pour le rendement. « Le tourisme, c'est le voyage devenu prestation » selon Rodolphe Christin8, dont les propos sont très parlants. Quant au touriste, le monde est transformé en « un espace de libre circulation pour cet individu qui incarne au plus haut point le marché universel »9.

Si le tourisme est devenu un véritable produit de consommation, seule une faible proportion de personnes a les moyens d'être touriste. Le tourisme est le luxe d'une minorité, la pratique d'un petit nombre qui dispose d'assez de ressources pour profiter et découvrir la planète.

5 Cf. < www.unwto.org >

6 Stendhal, Mémoire d'un touriste, 1838

7 De l'anglais, signifiant : à moindre coût

8 Rodolphe Christin, « Manager le monde », article pour la revue Offensive n°14, p. 16, mai 2017

9 Philippe Muray, Festivus festivus, 2005

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N'étant pas accessible à tout le monde, le tourisme est surtout un loisir occidental et se pratique majoritairement dans les pays occidentaux favorisant ainsi un clivage entre les pays riches et les pays pauvres, mais aussi entre ceux qui ont suffisamment de ressources pour voyager et ceux qui en payent le prix. Pour l'heure, les touristes ne représentent pas plus 3,5% de la population mondiale qui, rappelons-le, vit majoritairement sous le seuil de pauvreté10.

Le tourisme se développe toujours plus massivement et rien ne semble pouvoir stopper cette ascension. Pourtant, le tourisme est la source de nombreuses nuisances à l'échelle planétaire, de dommages sociaux et culturels, problèmes économiques ou encore dégâts naturels. En d'autres termes, les effets liés au tourisme ne sont pas seulement positifs : pollution, dérèglement climatique, destruction de la faune et la flore, sur-fréquentation des sites historiques et culturels, artificialisation des lieux, folklorisation, inégalités sociales, précarisation de l'emploi, spoliation des populations locales, déviances etc.

Face à ces conséquences de plus en plus alarmantes, la nécessité de se tourner vers une consommation touristique plus durable s'est imposée afin de trouver un équilibre entre valorisation et préservation des territoires et des personnes. Dans ce contexte et à mesure que les mentalités évoluent, les touristes sont de plus en plus nombreux à s'orienter vers de nouveaux modes de tourisme. Dès lors, parler « des tourismes » au pluriel et non plus « du tourisme » au singulier, semble plus approprié car aujourd'hui le phénomène s'est nettement transformé. Au fil du temps et des bouleversements de toute nature, liés au tourisme, des formes alternatives et durables sont donc apparues. D'un premier abord ces notions pourront paraître abstraites, mais en réalité chacune met l'accent sur un aspect particulier. Elles gravitent toutes autour d'un concept clef, objet de notre étude : le tourisme durable. On retrouve ainsi sous ce grand principe les notions de tourisme éthique, tourisme équitable, tourisme solidaire, tourisme social, éco-tourisme etc. Ces types de tourismes visent tous la même finalité : la remise en question de la pratique touristique actuelle et un plus grand respect pour ce qui nous entoure.

On retrouve généralement les définitions suivantes11 :

- Le tourisme éthique ou responsable « fait référence à la conscience sociale et à la façon de voyager du touriste. Dans cette optique, les organismes décideurs et les entreprises peuvent aussi être parties prenantes d'un tourisme responsable, tant pour ce qui touche leurs politiques de développement que leurs produits »12.

10 Rodolphe Christin, Manuel de l'anti-tourisme, 2018

11 Liste non exhaustive

12 Veille Info Tourisme Québec, Le tourisme durable, équitable, solidaire, responsable, social... Un brin de compréhension, 2005

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- Le tourisme équitable est « basé sur le modèle du commerce équitable et met l'accent sur la juste rétribution des producteurs du Sud, la participation des communautés d'accueil, sur les prises de décisions démocratiques. Les bénéfices de ces activités doivent être perçus en grande partie localement et partagés entre les membres de la population autochtone »13.

- Le tourisme solidaire désigne « les voyages organisés dans un but d'échange réel avec les populations accueillantes, dans le respect de leur culture, de leur histoire et de l'environnement. C'est un tourisme qui permet aux populations de bénéficier réellement des ressources engendrées par le tourisme et d'améliorer leur niveau de vie par ce moyen tout en respectant leur dignité »14.

- Le tourisme social a pour but « de favoriser l'accessibilité au tourisme pour le plus grand nombre et tend à évoluer vers des formes de tourisme solidaire »15.

- L'écotourisme est « une forme de tourisme qui vise à faire découvrir un milieu naturel tout en préservant son intégrité, qui comprend un volet éducatif »16.

Quant au tourisme durable, laconiquement, l'OMT le défini comme étant « un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l'environnement et des communautés d'accueil. »17 L'organisation ajoute de façon plus conceptuelle que les principes du tourisme durable sont applicables à tout type de destination et toutes les formes de tourisme, tant que toutes les parties concernées y compris les pouvoirs politiques, assureront sa viabilité de façon consensuelle et continue. Il découle ainsi de ce postulat trois enjeux de taille pour lesquels un équilibre doit être conservé : les enjeux environnementaux, les enjeux socioculturels et les enjeux économiques.

Selon l'OMT, « le tourisme durable doit :

- Exploiter de façon optimum les ressources de l'environnement qui constituent un élément clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la biodiversité ;

- Respecter l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil, conserver leurs atouts culturels bâti et vivant et leurs valeurs traditionnelles et contribuer à l'entente et à la tolérance interculturelles ;

13 Trade for Development, Le tourisme équitable et solidaire, septembre 2010, p. 7

14 Cf. < www.ritimo.org/Le-tourisme-solidaire >

15 Op. cit. Association Trade for Development

16 Op. cit. Veille Info Tourisme Québec

17 Cf. < www.unwto.org >

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- Assurer une activité économique viable sur le long terme offrant à toutes les parties prenantes des avantages socioéconomiques équitablement répartis, notamment des emplois stables, des possibilités de bénéfices et des services sociaux pour les communautés d'accueil, et contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté. »18

Ces définitions du tourisme durable ont été établies dans la lignée de la naissance officielle du développement durable. Bien que des questions d'ordre écologique et environnemental font leur apparition dans les années 1970 avec le premier Sommet de la Terre à Stockholm19, c'est en 1987 que la notion de développement durable émerge, suite au rapport Brundtland émis par la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement de l'Organisation des Nations Unies (ONU)20. A cette époque, le tourisme n'est pas encore celui que l'on connait aujourd'hui et les effets sur l'environnement, la société et les populations ne sont pas aussi alarmants. Pourtant, il va falloir penser le tourisme d'une façon plus durable, à l'image d'autres secteurs économiques et penser sur le long terme.

C'est en ce sens que les préoccupations internationales et communautaires vont se multiplier, influençant les pouvoirs publics français à prendre des décisions concrètes. D'importants textes apparaissent alors, tels que le Code mondial d'éthique du tourisme, institué en 1999 par l'Assemblée générale de l'OMT21 ou encore la Charte européenne du tourisme durable mise en place en 1995 lors de la Conférence mondiale du tourisme durable à Lanzarote22. En France, des mesures nationales sont mises en oeuvre au niveau législatif et règlementaire, des mécanismes plus « doux » tels que les labels, certifications ou concours sont créés face aux conséquences dramatiques d'un tourisme toujours plus intense.

A ce titre, dans une perspective de protection de l'environnement et de respect de la biodiversité, plusieurs associations ont lancé en avril 2018, un appel pour une Constitution écologique. A ce jour, les seules dispositions en faveur de l'environnement figurent dans la Charte de l'Environnement de 2005. En dépit de la valeur constitutionnelle de la charte, la protection de l'environnement n'est pas inscrite dans la Constitution elle-même. Il est ainsi proposé de l'inscrire à l'article 1er : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale, solidaire et écologique. [...] La République veille à un usage économe et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre les changements climatiques dans le cadre des limites planétaires. Elle assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut assujettir les générations futures à

18 Cf. < http://sdt.unwto.org/fr/content/definition >

19 Conférence des Nations Unies sur le développement humain, 1972

20 Rapport de la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement de l'ONU, présidée par Gro Harlem Brundtland, « Notre avenir à tous », 1987

21 OMT, Code Mondial d'Éthique du Tourisme, pour un tourisme responsable, 1999

22 Cf. < www.e-unwto.org/doi/pdf/10.18111/unwtodeclarations.1995.21.14.1 >

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des lois moins protectrices de l'environnement que celles en vigueur. E...] »23. Pour beaucoup, il apparait indispensable pour la France de s'inscrire dans une telle perspective, face aux enjeux écologiques actuels. Si cette proposition de modification de l'article 1er ne fait pas l'unanimité, d'autres militent pour réformer l'article 34, afin d'y inscrire le respect du bien commun, la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité24. Face à l'urgence climatique et environnementale, la planète et l'ensemble du vivant doivent être préservés du tourisme et ses dérives.

En parallèle, des acteurs privés agissent aussi pour un tourisme plus durable. Les textes semblent lacunaires et limités, tandis que le tourisme est toujours en pleine croissance, laissant présager d'inquiétantes répercussions pour l'avenir. C'est pourquoi des réseaux associatifs privés mais aussi des professionnels du secteur touristique, à l'instar des grandes organisations internationales, mettent en place divers dispositifs non contraignants, permettant de sensibiliser et conscientiser les différents acteurs du tourisme, pour l'épanouissement du tourisme durable. Toutefois et bien qu'à priori engagés, certains acteurs ne sont pas toujours bienveillants. Profitant d'une prise de conscience générale du grand public et de l'attrait grandissant des touristes pour la cause écologique, ils n'hésitent pas à user de stratégies marketing trompeuses dans le seul but d'intensifier leur chiffre d'affaires, freinant ainsi le développement du tourisme durable.

Les questions que l'on se posera dans cette étude seront les suivantes : comment la politique du tourisme en France répond-elle à la nécessité d'une dimension plus durable ? Quels sont les moyens mis en oeuvre par les différents acteurs dans la recherche d'un équilibre entre le tourisme et la protection de l'environnement, de la société et de l'économie, face aux limites s'opposant au développement du tourisme durable ?

Pour répondre à cette question, ce mémoire sera divisé en deux parties.

Dans la première partie, nous étudierons le concept même de tourisme durable face aux désastres du tourisme de masse. Nous dresserons un constat de la politique menée actuellement en France en ce sens, puis nous nous attacherons aux différentes stratégies envisagées par les pouvoirs publics.

Dans la seconde partie, il conviendra d'analyser la richesse de la soft law, qui tend à combler les lacunes réglementaires et législatives et qui permet ainsi de renforcer l'impact positif du tourisme durable sur les variantes environnementales, socioculturelles et économiques. Enfin, nous détaillerons les nombreux freins et limites qui perdurent en pratique et s'opposent à son développement.

23 Cf. < www.notreconstitutionecologique.org/ >

24 Audition de Véronique Champeil-Desplats, Professeure de droit public à l'Université de Nanterre, pour Libération, 26 juin 2018

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe