MASTER 2 RECHERCHE TECHNOLOGIE L'EDUCATION
Apport des réseaux sociaux à la
conservation des savoirs locaux au
Burkina Faso : Cas de la parenté à
plaisanterie sur Facebook
Présenté par : Sous la direction de :
SOGOBA Seydou Pr. Béatrice MABILON-BONFILS
1
2
A
Mes enfants
« Sur le chemin de la recherche du savoir, aucune
difficulté ne devra entamer votre volonté d'atteindre le sommet.
Aidez-vous de quelques sacrifices en affranchissant de temps à autre des
Gourmantchés, des Bissas et des Samos, vos biens intarissables ? ?
?»
3
Résumé
Cette recherche est une étude exploratoire sur la
pratique de la parenté à plaisanterie(PAP) sur Facebook(FB).
Pratique traditionnelle profondément ancrée dans la
société Burkinabé, il lui est attribué la
capacité de rapprocher les peuples pour un mieux vivre ensemble. Dans un
contexte de modernité fait parfois de remise en cause des valeurs
endogènes, nous avons voulu comprendre comment cette pratique
fondée sur l'humour aux origines ancestrales peut résister encore
en s'exportant sur FB.
Pour y parvenir nous avons procédé par une
recherche documentaire, effectué des entretiens et analysé des
fils de discussions des réseaux de PAP sur FB. Les résultats
obtenus révèlent une présence effective de la pratique sur
FB marqué par une multitude de groupes et un engouement certain. FB se
présente donc comme une grande opportunité pour promouvoir et
conserver la pratique. Cependant le numérique en plus de ne pas
être accessible à tous, n'est pas à mesure de traduire
toute la substance de ce phénomène social qui pour être
efficace se fonde sur l'oralité et l'expression corporelle. Les
perspectives pourtant laissent à croire que la contribution de FB
à l'essor de la PAP ira en croissant. Et ce à travers les ponts
que les praticiens essaient de tisser entre les partages sur la toile et les
activités en temps réel.
Mots clés : Facebook, Parenté à
Plaisanterie, réseaux sociaux numériques.
ABSTRACT
This research conducted as part of the Master 2 in Educational
Technology at Cergy Pontoise University is an exploratory study on the practice
of joking kinship (PAP) on Facebook (FB). Traditional practice deeply rooted in
Burkinabé society, it is attributed to it the ability to bring people
together for a better life together. In a context of modernity sometimes
questioning the endogenous values, we wanted under the direction of Professor
Béatrice Mabilon Bonfils to understand how this practice based on humor
with ancestral origins can still resist by exporting to FB.
To achieve this, we conducted a literature search, conducted
interviews and analyzed threads of PAP networks on FB. The results obtained
reveal an effective presence of the practice on FB marked by a multitude of
groups and a certain craze of practitioners. FB is therefore a great
opportunity to promote and keep the practice. However, digital technology, in
addition to not being accessible to all, is not able to translate all the
substance of this social phenomenon which, to be effective, is based on orality
and bodily expression. Prospects, however, suggest that FB's contribution to
the growth of the PAP will grow. And this through the bridges that
practitioners try to weave between web sharing and real-time activities.
Keywords: Facebook, Joking relationship, digital social
networks.
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Remerciements
Au terme de cette recherche qui constitue à ce jour une
des meilleures expériences de ma vie, il me plaît d'exprimer toute
ma reconnaissance et mes sincères remerciements au professeur
Mabilon-Bonfils qui, en dépit de ses multiples occupations, a
accepté de diriger ce mémoire. Sa disponibilité et son
expérience m'ont permis de ne pas renoncer à des moments
où les difficultés semblaient prendre le dessus sur mes
ambitions.
Je salue et remercie les professeurs, l'ensemble des tuteurs et
le personnel administratif pour la qualité de l'encadrement et
l'attention.
Je voudrais de façon singulière remercier, Mme
Violaine Caporassi, M. René Tiénin et Dr. Idrissa Goubgou pour
leurs conseils et encouragements.
A mon épouse, mes enfants, mes frères, mes amis, et
aux promotionnaires, j'exprime mes vives reconnaissances pour les
encouragements.
5
Table des matières
Résumé 3
Remerciements 4
Acronymes 6
Liste des tableaux 7
Liste des captures d'écran 7
Liste des annexes 8
Introduction 9
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE 10
CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTERATURE 10
1. Facebook, qu'est-ce que c'est ? 10
2. Les savoirs locaux 15
3. La parenté à plaisanterie, qu'est-ce que la
littérature en dit ? 17
CHAPITRE 2 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE 22
1. Problématique, hypothèses et objectifs
de l'étude 22
1.1. De la problématique et des questions de
recherche 22
1.2. Des hypothèses de la recherche
23
1.3. Des objectifs de l'étude 23
2. Fondements théoriques 23
3. Cadre Méthodologie 27
DEUXIEME PARTIE : TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNEES 32
CHAPITRE 3 : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
32
1. Des données de la recherche documentaire
32
2. Des résultats de l'entretien 37
3. Des fils de discussions 40
4. Tableau comparatif entre la pratique en
présence et celle sur FB 43 CHAPITRE 4 : DISCUSSION
DES RESULTATS ET PERSPECTIVES DE
L'ETUDE 45
1. DISCUSSIONS 45
2. LIMITES ET PERSPECTIVES DE L'ETUDE 47
CONCLUSION 48
BIBLIOGRAPHIE 50
ANNEXES 52
Acronymes
CNRST : Centre national de la recherche
scientifique et technologique
FAO : fond des nations Unies pour l'alimentation
et l'agriculture
RSN FB PAP TAR TCI TIC
: Réseaux Socio Numériques
: Facebook
: Parenté à Plaisanterie
: Théorie de l'analyse des réseaux sociaux
: Théorie des Comportements Interpersonnels
: Technologie de l'information et de la Communication
6
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture
7
Liste des tableaux
Tableau 1 : récapitulatif de
l'échantillon choisi
Tableau 2 : typologies de la parenté
à plaisanterie
Tableau 3 : rôle et fonctions de la
parenté à plaisanterie
Tableau 4 : terminologie consacrée
à la pratique sur Facebook
Tableau 5 : éléments de
comparaison pratique en présence versus pratique sur Facebook
Liste des captures d'écran
Capture 1 : entête d'une page FB de
Parenté à plaisanterie
Capture 2 : début d'un fil de
dsicussion,message principal suivi de quelques commentaires Capture3
: groupe Yaadces vs Gulmantche, message texte d'un gulmantche
Capture 4 : groupe gourounsi vs bissa, message
texte d'un bissa
8
Liste des annexes
Annexe 1 : tableau exhaustif des alliés
à plaisanterie au Burkina Faso Annexe 2 : listes des
sites recensés sur internet
Annexe 3 : Guide d'entretien
9
Introduction
Au Burkina Faso comme dans plusieurs autres pays de l'Afrique,
la parenté à plaisanterie(PAP) est une pratique traditionnelle
profondément ancrée dans les moeurs. Connue pour sa
capacité à rassembler les hommes et à donner du sens
à la diversité, la parenté à plaisanterie semble
avec la modernité perdre son lustre d'antan. Pire l'avènement des
nouvelles technologies a ravivé les inquiétudes des
détenteurs de la tradition quant à la disparition de cette valeur
culturelle. En effet l'attachement tout azimut de la jeunesse à internet
et de façon singulière aux réseaux sociaux
numériques(RSN) donne à croire que le cordon sera rompu entre la
génération future et les savoirs locaux, symboles de son
appartenance culturelle. La réalité des réseaux sociaux,
notamment celle de Facebook(FB) avec sa grande capacité de rassemblement
et ses outils de partages semble relativiser les inquiétudes quant
à la survie de la PAP dans la modernité.
Les milliers d'individus qui visitent quotidiennement FB se
contentent ils du plaisir qu'il offre sans y exporter des aspects de leurs
cultures ? A cette étape déjà nous pensons pouvoir
postuler que non ! C'est du reste ce que nous tenterons de vérifier en
initiant cette investigation sur le rapport qui existe entre Facebook et la
pratique de la Parenté à plaisanterie. A cet effet notre sujet
s'intitule ainsi qu'il suit : Apport des réseaux sociaux à la
conservation des savoirs locaux au Burkina Faso : Cas de la parenté
à plaisanterie sur Facebook
La restitution de notre travail de recherche comporte
principalement deux parties :
? la première se constitue des aspects
théoriques à savoir la revue de littérature, la
problématique, le cadre théorique, et le cadre
méthodologique ;
? la seconde partie se compose de l'analyse et de
l'interprétation des résultats, suivies des perspectives sur
lesquelles s'ouvre l'étude.
10
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
La première partie du mémoire est
composée de la revue de la littérature, de la
problématique, des fondements théoriques de la recherche et de la
méthodologie suivie.
CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTERATURE
En vue de nous faire une idée de l'état des
connaissances sur notre thème de recherche, nous avons effectué
des lectures dont nous rendons compte dans cette rubrique. Notre revue de
littérature est constituée de la présentation de Facebook,
d'une description du concept de savoir locaux et celui de parenté
à plaisanterie.
1. Facebook, qu'est-ce que c'est ?
Les réseaux sociaux sont devenus grâce à
internet, partie intégrante de la vie des êtres humains. Un site
de réseau social est un système de «services qui
permettent aux individus de construire un réseau public ou semi-public
au sein d'un système lié ; de définir une liste d'autres
utilisateurs avec lesquels ils partagent une connexion ; d'afficher et
parcourir la liste de leurs connexions et celles faites par d'autres au sein du
système » (Caroline Vallet, 2012, p5). Leur influence
aujourd'hui touchent tous les domaines d'activités (politique,
économie, stratégie militaire...). Les réseaux sociaux
sont nombreux avec des activités diverses mais leur ambition commune est
de réunir des personnes humaines autour d'intérêt
individuel et collectif (Caroline Vallet, 2012, p4). Parmi ces réseaux,
Facebook se distingue par sa popularité et le nombre de ses visiteurs.
Selon Caroline Vallet (2012, p4), Facebook est le site le plus populaire, qui
connaît une incroyable ascension (devant My Space). En effet, ce sont
plus de 400 millions d'usagers actifs, dont70% se trouvent hors des
États-Unis d'Amérique. Ce sont environ 60 millions de statuts mis
à jour quotidiennement. En moyenne, un utilisateur compte environ 130
amis sur son profil et envoie près de 8 demandes d'amis par mois. Le
profil selon (Alexandre Coutant, Thomas Stenger, 2010. p.5) est
« une narration par laquelle on présente sa
face et dont le vocabulaire et la syntaxe sont constitués par les
activités en ligne. Cette construction commence dès l'inscription
au moment où l'individu remplit les quelques renseignements qui
apparaitront dans l a partie «infos». Elle ne fait ensuite que se
développer à chaque nouvelle action de l'individu
qui vient allonger le fil d'actualité (mini-feed).
Ainsi s'illustre parfaitement l'aspect processuel, multi-facette et narratif de
l'identité »
Ces chiffres qui datent de 2012 sont sans cesse en
évolution et s'expliquent par le fait que Facebook est ouvert à
tout le monde sans exception, et sans coût supplémentaire, sinon
le prix d'une connexion Internet.
Au regard de son palmarès, on peut dire que Facebook
est la vedette des réseaux sociaux des temps modernes. Mais selon
certains auteurs, l'histoire de Facebook pourrait être rattachée
à des origines anciennes. En effet dans son article « le poids
du prestige », Brigitte Munier(2011) fait un rapprochement du
réseau avec le Kula1. L'auteur part d'abord du
postulat que sur la toile, l'expression et la promotion du moi exigent un
public, aussi l'interaction conditionne-t-elle l'existence de la
civilité numérique2. Elle essaie ensuite de
montrer que Facebook constitue un exemple privilégié de la
dialectique articulant l'individualisme au communautarisme en une dynamique
rappelant le kula. Pour elle, « comparer une plateforme
plébiscitée par quinze millions de français en 2010
à des échanges rituels intertribaux contribuera à
souligner sa capacité à répondre à des besoins
socio-culturels anthropologiquement attestés ». Elle parvient
à la conclusion que le Kula et Facebook ont en commun de constituer un
amplificateur du statut social de leurs membres et un moteur de leur
construction identitaire puisque chaque sujet, soucieux de son mana ou
de sa réputation, veille à la qualité de ce qu'il offre ou
expose. Le don appelle un contre don supérieur selon une dynamique de
surenchère qui constitue le fondement de ce type de sociabilité,
car il permet de situer le rang ou l'aura de chacun selon une forme
d'ajustement. Rapprocher ces deux phénomènes souligne
l'ancienneté de la volonté de l'homme de se faire valoir par sa
présence.
Parler de Facebook revient généralement à
s'interroger sur la façon concrète de construire sa
présence en ligne. Antonio.A.Casili(2012) en donne la réponse.
Sur la base d'une analyse théorique et d'une expérience conduite
sur Facebook, ce sociologue montre comment la structure des communautés
sur internet et les pratiques de leurs membres évoluent
conjointement.
Pendant une période de cinquante jours, l'auteur
observe la manière dont diverses modalités de présence
dans un profil d'utilisateur finissent par influencer de manière
différente les structures sociales reliées à ce profil.
Facebook est choisi comme terrain
11
1Le Kula (cercle en langue
mélanésienne) décrit par Marcel Mauss est un
système archaïque de dons et de contre-dons observé dans les
îles Trobriand à l'ouest du Pacifique.
2Tout internaute est invité à
étiqueter (tagging), noter (rating), référencer ou
commenter les productions des autres qui, en retour réagiront aux
siennes.
12
pour l'expérience à cause de son
caractère de médium généraliste. L'article de
Casili fait l'historique de Facebook en évoquant sa création en
2004 comme «trombinoscope virtuel» pour les étudiants de
Harvard et les transformations subies du point de vue de la participation des
usagers que de la diversification des fonctionnalités. Mais un aspect
est resté inchangé, l'algorithme appelé Edge Rank
qui classe et interconnecte des profils. Chaque utilisateur a une fiche
personnelle contenant une adresse électronique, une photo, une liste
d'amis et une courte description de ses goûts et activités.
L'algorithme de Facebook permet de connecter le profil de chacun de ses membres
à celui de personnes proches, de collègues, de vieilles
connaissances perdues de vue et, parle un intermédiaire, de former de
nouveaux liens avec des inconnus. Dans ce contexte, un« ami» n'est
qu'un usager auquel on accorde l'accès à des contenus
spéciaux (textes, liens internet, musiques), afin d'améliorer sa
position structurale. On peut donc s'accorder avec Caroline Vallet (2012) pour
en déduire que les amis Facebook ne représentent pas
forcément le cercle d'amis conventionnel d'une personne. Plus il aura
accès à davantage d'informations, plus il sera influent, plus ses
actions auront un poids plus important. On en déduit donc qu'en «
améliorant sa présence via son profil, un utilisateur
pourrait maximiser son capital social». A l'issue de cette
expérience sur Facebook, l'auteur abouti à la double dynamique
qu'il nomme «co-évolution» et selon laquelle la
structure des réseaux s'adapte aux membres et les membres s'adaptent aux
changements de la structure.
Un autre auteur qui s'est intéressé à
l'histoire de Facebook est Franck Rebillard. Il tente de faire la genèse
d'un projet dont la progression fulgurante trahie les conditions dans
lesquelles il est né. En effet lorsque Mark Zuckerberg, à peine
diplômé de Harvard met sur pied une version numérique du
«trombinoscope» de son université en 2003-2004, rien ne
présageait, que Facebook qui rassembla au départ des
étudiants d'un même établissement, verra son succès
grandir aussi rapidement pour l'amener à s'étendre au monde
entier. Selon l'auteur, les opérateurs justifieront cette ouverture par
la nécessité du partage entre les usagers.
Ainsi Facebook se présente désormais comme un
espace d'échange et de mise en commun pour les internautes. C'est du
reste ce que laisse apparaitre Mark Zuckerberg lui-même dans le bilan de
l'année 2009 en ces termes : «Ce fut une grande année
pour l'ouverture et l'interconnexion du monde. Merci pour votre aide, plus de
350 millions de personnes utilisent Facebook à travers le monde afin de
partager leurs existences en ligne.». Pourtant le plus fort
était à venir et c'est ce qui ressortira des propos de Caroline
Vallet(2012) qui soutient que par la multiplicité des informations qu'il
possède sur d'innombrables personnes, le site Facebook possède un
trésor économique et politique inimaginable et inestimable. C'est
à juste raison que
13
certains considèrent qu'il constitue le
quatrième pouvoir sur la planète. Et sil'on s'en tient à
cette thématique du partage et à la rhétorique de
l'ouverture et de l'interconnexion, qu'elle légitime, on peut
s'aventurer dans la recherche d'un sens à l'attachement que, la frange
la plus active de la population(les adolescents) voue à Facebook.
? Facebook et les adolescents
Si le réseau Facebook a conquis le monde et ravis la
vedette à d'autres systèmes semblables, son influence sur les
adolescents semble être le plus marqué. Michel Marcoccia
(2012.p.5), soutenant que l'usage majoritaire de l'internet par les adolescents
est communicationnel, à travers l'utilisation de dispositifs de sites de
réseaux sociaux, indique que la messagerie instantanée
intégrée à Facebook est utilisée par 90 % des
lycéens et 60 % des collégiens. Cette avis est soutenu par
Dominique Pasquier(2010.p1) qui reconnait que l'adolescence étant
marqué par le diktat des apparences, la norme du groupe ou
l'appartenance à une culture, l'adolescent voit en internet un moyen de
communication privilégié pour échanger, partager,
s'exprimer, exister librement . ». Cette préoccupation est
partagée par Johann Chaulet (2009) qui a mené des enquêtes
sur les usages adolescents des tics. A l'issue d'une analyse des usages
adolescents d'internet, l'auteur présente un point de vue personnel,
reposant sur une expérience et une analyse approfondie préalables
qui justifient les prises de position à l'égard d'un objet
complexe et multiforme. Il essai de montrer comment ces usages articulent une
volonté d'autonomie à l'égard des parents et un
désir de créer du lien et de faire groupe avec les pairs. Cette
perspective lui permet de questionner certains éléments
importants du lien social des plus jeunes à l'heure de la
médiatisation grandissante des pratiques de communication. Il parvient
à la conclusion selon laquelle si l'adolescence pose problème
dans ce qu'il ya de complexe dans son attachement à internet, cette
relation est également le lieu privilégié d'observation de
formes de sociabilité intensives et polymorphes. Les outils de la
communication à distance occupent, un rôle considérable
dans le quotidien des adolescents, pour lesquels la communication figure en
bonne place parmi les activités extrascolaires. Et les adultes qui
jouent un rôle légitime de régulation devraient le faire
avec modération car dit-il « l'exploration et le hasard jouent
un rôle important dans les nouvelles formes de compétences et de
connaissances auxquelles ces technologies offrent accè »
(Johann Chaulet, 2009, p10). Cette idée est soutenue aussi par
Alexandre Coutant, Thomas Stenger (2010).
Ce qui nous permet de postuler que Facebook peut offrir des
possibilités d'appropriation de connaissances.
14
? Facebook et développement de
compétences
Les réseaux sociaux peuvent s'avérer dangereux
pour les adolescents mais cette situation ne devrait pas nous pousser à
« jeter le bébé avec l'eau de bain », car
soutien (Johann Chaulet, 2009, p10) «.... Il semble en effet qu'un
certain nombre des compétences sociales que nous attendons de nos
enfants, et qu'il leur faudra détenir, sont apprises en ligne par
l'expérimentation, le jeu et le contact avec les pairs. »
Dans un dossier intitulé le «Web.2 à
l'école» le site «cahiers pédagogiques» publie
l'enquête de Audrey Guilbaud-Varachaud, professeure documentaliste sur
les pratiques personnelles de ses élèves sur Facebook. Partant de
la question centrale peut-on trouver un intérêt pédagogique
à Facebook ?, elle monte un projet mobilisant à la fois histoire
et techniques documentaires. Ainsi en octobre 2009, un questionnaire est
distribué à une classe de 3ème incluant la connaissance de
Facebook, la possession d'un profil, la régularité de la
consultation du réseau et des questions sur les paramètres de
confidentialité.
Le projet consista pour les élèves,
regroupés en binôme de recenser trois à cinq
événements des plus marquants et des plus significatifs dans
divers domaines qui se sont déroulés entre 1914 et 2001. Ils
résument ensuite chaque événement, expliquent pourquoi ils
l'ont retenu en illustrant par des textes, images et vidéos. Enfin ils
insèrent le tout sur Facebook le jour de l'anniversaire de
l'événement.
A noter que le projet est intégré dans le cadre
du socle commun de connaissances et de compétences, et permet de
travailler, en histoire, la compétence « Situer et connaitre
les grandes périodes de l'histoire de l'humanité ».
Reconnaissant que d'autres travaux fussent nécessaires
pour répondre efficacement à la question, y a-t-il un
intérêt pédagogique à utiliser Facebook dans les
apprentissages des élèves ?, l'auteur conclut tout de même
par ces résultats :
-l'apprentissage des dates en histoire devient ludique, mais
tout aussi efficace du fait que le support est plus attractif,
-la publication numérique permet de mettre en valeur le
travail des élèves,
-en travaillant avec Facebook, l'on peut répondre aux
objectifs du socle commun et donner du sens aux apprentissages,
-en travaillant sur l'écriture et la maîtrise de
la langue, l'autonomie et la responsabilité du citoyen, la formation
à l'esprit critique et au « e-réputation », on
développe une réelle éducation à l'information et
à une culture numérique.
Et au regard même de ces résultats, l'auteur est
convaincu que « Facebook, outil de communication utilisé par
les élèves avant tout dans le cadre de leurs pratiques
personnelles,
15
peut donc aussi être investi dans le cadre scolaire
pour former à un usage raisonné des nouvelles technologies.
» (Johann Chaulet, 2009, p15)
Cette étude bien qu'ayant un champ réduit (une
classe) présente des résultats intéressant quant à
l'utilisation de Facebook orientée vers l'acquisition de connaissances
scolaires.
La revue de littérature nous a permis de
découvrir le phénomène Facebook sur trois aspects
essentiellement. Sa popularité en tant que réseau social, son
rapport avec les adolescents et la possibilité qu'elle pourrait offrir
en matière de mobilisation des connaissances. La popularité le
succès et son l'influence sur les adolescents ne font l'objet d'aucun
doute aujourd'hui. Que l'on soit dans les pays développés ou en
Afrique on s'accorde à dire que Facebook est le réseau social le
plus populaire. Il est en pole position dans 127 pays sur 137
étudiés Ropars (2014) et dénombre plus de 900 millions
d'utilisateurs actifs mensuels dans le monde (Fléchette 2015). Chez les
élèves en France on affirme que Facebook est le plus connu des
collégiens. (Stéphanie Lambert 2012). Seulement, malgré
cette présence planétaire, les données scientifiques
accessibles sur le réseau sont celles recueillies en occident. En effet
en Europe et en Amérique plusieurs études ont déjà
fait l'Etat de la question sous plusieurs angles. En plus des articles
parcourus plus haut et à titre indicatif, on note Melle Faget Marie
(2009) sur « réseaux sociaux et vie privée » ;
Vaugeois (2006) qui traite de la dépendance ; (Anne Poux et al 2012) qui
analyse les enjeux de Facebook et Flechette (2015) qui aborde l'usage. Par
contre en Afrique et plus particulièrement au Burkina Faso les
recherches en la matière ne sont pas légions. C'est du reste ce
qui justifie en partie notre choix d'investiguer sur la thématique de
Facebook dans un contexte de sous-développement, mais où les
difficultés économiques ne semblent pas avoir d'influence sur la
prospérité du réseau
2. Les savoirs locaux
De façon générale on entend par savoir
locaux, l'ensemble des connaissances propres à un lieu, à une
région, à une communauté. La littérature courante
définit les savoirs locaux comme des systèmes de savoirs
spécifiques à chaque culture ou société. Ces
savoirs constituent la base du processus décisionnel dans tous les
domaines et activités qui ponctuent la vie des communautés
rurales. Ils sont connus sous plusieurs autres dénominations telles que
« savoirs endogènes », « savoirs paysans », «
connaissances autochtones » ou « Ethnoscience ». Ce sont les
savoirs qu'une communauté s'est appropriée en les adaptant. On
distingue les savoirs productifs et socioculturels, les savoirs
réservés et démocratisés.
Pour l'UNESCO (2003), les savoirs locaux désignent les
ensembles cumulatifs et complexes de savoir, savoir-faire, pratiques et
représentations qui sont perpétués et
développés par des
16
personnes ayant une longue histoire d'interaction avec leur
environnement naturel. Ces systèmes cognitifs font partie d'un ensemble
qui inclut la langue, l'attachement au lieu et à la vision du monde.
La FAO (2005), en donne une définition conceptuelle en
affirmant que les savoirs locaux sont un ensemble de faits liés au
système de concepts, de croyances et de perceptions que les populations
puisent dans le monde qui les entoure.
Selon Warren (1993), les savoirs locaux représentent
l'ensemble des connaissances acquises par une population locale à
travers l'accumulation d'expériences et l'interprétation de
l'environnement dans une culture donnée. Il comprend les idées,
les expériences, les pratiques et les informations qui ont
été soit générées localement ou soit
produites en dehors de la communauté, mais qui ont été
transformées par la population locale et incorporées à
travers le temps aux conditions culturelles agro-écologiques et
socio-économiques locales.
Hountondji (1994) quant à lui, insiste sur l'aspect
culturel en soutenant que, le savoir local est une connaissance vécue
par la société comme partie intégrante de son
héritage. Le savoir local représente le reflet des facteurs
agro-écologiques et socio-économiques emboités dans les
préférences et traditions culturelles. Tout savoir local est donc
relatif à une culture.
En somme on peut retenir de toutes ces définitions que
les savoirs locaux ou endogènes sont une façon de vivre (Batiste,
2002, p2). C'est aussi un ensemble d'expériences cumulées selon
les termes de (Little Bear, 2009). Enfin l'African technology studies policy
Network(2012) soutient que les savoirs endogènes constituent une source
d'information pour la science. Ces définitions montrent aussi que des
hommes ont eu le souci de découvrir ce que sont les savoirs locaux et
continuent de s'interroger sur la question.
Mais l'intérêt de la communauté
internationale pour les savoirs locaux est relativement récent
(Nacoulima, 2012). En effet c'est seulement à partir de 1980 que des
recherches vont mettre l'accent sur les raisons qui ont conduit à la
marginalisation et à la négligence des savoirs locaux,
particulièrement dans les pays en développement avec un
héritage colonial. On note qu'auparavant les savoirs locaux
étaient perçus comme des curiosités, voire de la
superstition, donc contraires aux connaissances scientifiques. Pourtant selon
B.E Dialla (2005, P.7), « les savoirs locaux ont été
développés, pratiqués et transmis de
génération en génération et ont fait leurs preuves.
C'est sur la base de ces savoirs locaux que les populations rurales ont pu
s'organiser, s'adapter et survivre dans des environnements bien souvent
hostiles ». On reconnait par ailleurs que Gregory Knight(1974) avec
son étude sur les pratiques agricoles des Nyiha en Tanzanie, est l'une
des premières personnes à attirer notre attention sur la prise de
conscience vis-à-vis des savoirs locaux. Etude à l'issue de
laquelle cet appel a été lancé :
17
«...la nécessité d'apprécier la
pensée d'une société comme étant un corps de
connaissance cohérent et rationnel, développé et
prouvé pendant des temps immémoriaux, et légué
comme culture à des générations successives... Il se
pourrait même que les Nyiha ou d'autres groupes ethniques aient quelque
chose à nous apprendre sur la nature» (Knight, 1974,
p.260-261)
Depuis cet appel, il y a eu un regain d'intérêt
dans les cercles académiques pour les systèmes
de savoirs locaux et le mode de vie des populations dites
indigènes d'Afrique et d'ailleurs. Ce nouvel intérêt a
créé un domaine diversifié de savoir qui a
été tour à tour appelé Ethnoscience,
Systèmes endogènes de connaissance traditionnelle, Connaissance
d'environnement communautaire, Connaissance technique endogène, Science
populaire, Ecologie populaire, Savoir local, Science villageoise, Connaissance
locale endogène et bien d'autres appellations encore.
Leur champ de connaissances embrasse plusieurs domaines tels
que l'histoire, la linguistique, l'économie, la sociologie, la
politique, l'administration, la communication, les technologies
énergétiques, la science des sols, de l'eau, du climat, la
biologie des plantes, des animaux domestiques et sauvages, des insectes, la
médecine, les systèmes de classification, le temps, l'artisanat,
la religion. Dans tous ces domaines, chaque groupe social a
développé un savoir pouvant atteindre un degré
élevé de sophistication.
Un tel savoir semble si fiable que les sociétés
traditionnelles l'ont exploité avec succès et pendant longtemps
pour assurer la survie du groupe. Et l'on peut s'accorder avec Dialla (2005,
P.7) pour dire que les savoirs locaux représentent ainsi un pan
important de la culture des communautés rurales et constituent de ce
fait, un capital qui a des vertus potentielles à même d'impulser
le développement.
L'intérêt pour nous d'évoquer les savoirs
locaux dans le cadre de cette étude réside dans le fait que la
parenté à plaisanterie que nous nous proposons d'explorer
à travers Facebook en fait partie.
3. La parenté à plaisanterie, qu'est-ce que la
littérature en dit ?
La parenté à plaisanterie
considérée comme un instrument de maintien de la cohésion
sociale s'inscrit au nombre des faits culturels. Que savons-nous de ce
phénomène dont l'origine remonte à des temps
immémoriaux ?
Les cousinages de plaisanteries en Afrique de l'Ouest
entre universalismes et particularismes, c'est sous ce titre que Etienne
Smith(2004) écrit qu'il existe en Afrique de l'Ouest des cousinages de
plaisanteries révélant de façon originale la tension,
constitutive de la relation à l'autre, entre ethnocentrisme et
tolérance, hiérarchie et conflit. Cette pratique selon lui est
à la
fois confirmation « plaisante » de la
différence par l'expression de stéréotypes et
reconnaissance d'un trait d'union et lien de sympathie. Ces cousinages
plaisants offrent l'exemple d'une « distance moyenne », combinant des
éléments d'universalisme et de particularisme. Etienne Smith
conclut ses propos par une importante invitation, celle de repenser les points
de passage entre ces deux concepts. Tout en partant de l'aspect universel de la
pratique, nous essayons d'envisager les changements que le
phénomène peut subir avec le numérique dans sa
particularité burkinabé.
Sur son site web, le ministère de la culture du Burkina
Faso présente un célèbre article
intitulé« La parenté à
plaisanterie au Burkina Faso, 3Ethnicité et
culture : l'Alliance à plaisanterie comme forme de culture ciment entre
les ethnies au Burkina Faso ». On en retient que c'est un fait
frappant dans le paysage culturel du Burkina Faso. Ce pays compte une
soixantaine d'ethnies et, en dépit de cette diversité d'ethnies
et de cultures, il règne un esprit de tolérance au sein des
populations qui cohabitent paisiblement. C'est du reste ce que soutient Sissao
(2004, p 1) en indiquant que la stabilité sociale du pays doit «
moins à l'action politique qu'à la force d'institutions
traditionnelles comme la parenté et l'alliance à plaisanterie
», garantes de paix sociale et véritable « privilège
historique ».
C'est l'occasion de souligner le rôle de la
parenté à plaisanterie comme ciment entre les ethnies, entre les
familles, entre les villages, entre les régions et qui finalement
favorisent la cohabitation pacifique empreinte d'entraide mutuelle.
Si cette publication du ministère de la culture laisse
voir clairement la pole position que cette pratique occupe dans la
cohésion sociale au Burkina, elle invite comme bien d'autres
écrits à aller plus loin dans la découverte du
thème en lisant l'ouvrage de Alain Joseph Sissao4.
En effet dans son ouvrage intitulé « Alliances
et parentés à plaisanterie au Burkina Faso. Mécanisme de
fonctionnement et avenir » Alain Joseph Sissao dresse un tableau
complet des relations à plaisanterie au Burkina Faso, tout en
décrivant les apports des relations séculaires à la
construction d'une société africaine moderne. La présence
de relations à plaisanterie contribuerait à la stabilité
sociale observée dans cette partie de l'Afrique de l'Ouest. C'est
à juste titre que l'auteur qualifie cette institution de «
privilège historique » (Sissao 2002 p. 16). Se fondant sur une
série d'enquêtes menées dans les différentes
provinces du pays l'auteur
18
3
http://www.burkinatourism.com/HISTOIRE-La-parente-a-plaisanterie-au-Burkina-Faso.html
4 « Alliances et parentés à plaisanterie
au Burkina Faso. Mécanisme de fonctionnement et avenir
»,2002
explore les différentes modalités selon
lesquelles se présentent les alliances et parentés à
plaisanterie observables sur le terrain africain.
La première partie de l'oeuvre concerne le contexte
historique et social de l'émergence des alliances et parentés
à plaisanterie, la deuxième vise à l'analyse de leur
fondement et de leur impact dans la vie sociale et dans la troisième
sont envisagées les perspectives d'avenir dans le sens d'une «
réappropriation de la tradition pour le futur »,
c'est-à-dire de la « modernisation » de ce
phénomène. Pour nous, la question que cela suscite
d'entrée de jeu c'est : le numérique permet-elle cette
réappropriation ?
Pour ce qui concerne le rôle des alliances et
parentés à plaisanterie, Sissao reprend l'ensemble des valeurs
attribuées généralement au phénomène en les
illustrant de maints récits : « purification, moquerie, injure,
civisme, effet de défoulement (catharsis), entraide, solidarité,
ciment social, portée éducative, vertu thérapeutique au
sens où ce jeu permet de « faire le fou pour ne pas le devenir
». (Sissao 2002, p.37)
Ces fonctions dont parle Sissao, sont aussi
évoqués par d'autres auteurs. Ainsi dans « Gens de parole
», Sory Camara(1992), qui a entrepris une étude de
différents aspects de l'alliance, retient que celle-ci « permet de
canaliser les tensions éprouvées dans des rapports de
parenté clanique et avec les alliés matrimoniaux ». Selon
lui « le sanankuya5, à travers les échanges
verbaux à caractères irrévérencieux entre
alliés, établit une relation pacificatrice qui joue le rôle
d'exutoire de tensions qui, autrement, dégénéreraient en
violences ». A travers des codes de langage verbal et non verbal les
populations alliées s'accorde à décrisper
l'atmosphère même en cas de funérailles. Cette forme de
métalangage soude les groupes sociaux et les groupes ethniques
alliés.
Dans sa thèse sur les moose, « Essayer la folie
pour voir, risque et prudence des moose » Damiba(1993) abonde dans le
même sens en soulignant que le dakéére6 fait
partie de la catégorie des discours appelés
théâtralisations sociales. C'est ainsi que dans le cas
d'un décès les alliés contribuent à «
exorciser » les douleurs de leur allié en s'autorisant des
insultes, en banalisant le mort et la mort. Ce qui du reste contribue à
retremper la collectivité meurtrie dans la joie de vivre.
19
5 Sanankuya,traduction de parenté à
plaisanterie en langue Bambara
6 Dakéére, terme consacré pour designer
la parenté à plaisanterie en mooré(langue des
mossis)
Dans la seconde partie de l'oeuvre, Alain Joseph Sissao dresse
la nomenclature concernant les relations à plaisanterie dans les
différentes ethnies du pays, suivie d'une typologie des alliés
à plaisanterie. Outre le rôle cathartique qu'on lui
reconnaît, l'alliance à plaisanterie se présente comme une
instance de réconciliation garante de stabilité sociale, puisque
les conflits mis en scène se désintègrent
d'eux-mêmes. Il s'agit aussi d'une « école de
rhétorique », dans la mesure où l'individu doit apprendre
à maîtriser l'art de la parole pour garder la tête haute
face aux invectives publiques de ses alliés. L'auteur indique, pour
chaque relation, le symbole qui la représente7. Il met en
valeur la portée éducative de la parenté et l'alliance
à plaisanterie, qui ont pour fonction de renforcer la cohésion
sociale en prônant une certaine solidarité interethnique et une
transmission des valeurs, en particulier l'art de « bien parler » et
de savoir répliquer. Selon lui « Les faits qui sont à
l'origine de l'alliance et parenté à plaisanterie ont, en fait
contribué au raffermissement des relations sociales, interethniques,
communautaires et régionales et ont été de puissants
ferments de culture » (Sissao 2002 p. 110).
Dans la dernière partie, sont envisagées les
perspectives de « réappropriation » du phénomène
pour le futur ainsi que la possible modernisation des relations à
plaisanterie. Comme le rappelle Alain Joseph Sissao (2002, p..), les relations
à plaisanterie sont évolutives, continuant de se
développer en fonction des rencontres et de l'histoire partagée.
Parmi les apports de la pratique, la faculté de médiation est un
élément fondamental qu'il faudrait pouvoir conserver dans la
perspective d'un avenir harmonieux pour la nation tout entière.
Les propositions d'adaptation au monde d'aujourd'hui et qui se
fondent sur la volonté d'unité nationale sont faites : ateliers
d'initiations, « organisation de matchs de football et de soirées
récréatives interethniques », création d'un
enseignement des alliances et parentés à plaisanterie au sein du
cursus scolaire et universitaire, confection de documents pédagogiques
sur l'origine des alliances et parentés à plaisanterie,
organisation de colonies de vacances entre régions « alliées
à plaisanterie », institution d'une journée nationale, etc.,
pour « cultiver la différence ».
20
7la boisson zom koom(littéralement eau
de farine), symbole de l'alliance à plaisanterie entre les Moosi et
les Samo ; les arachides évoquant l'alliance à plaisanterie entre
les Bisa et les Gurunsi ; le haricot, symbole de l'alliance à
plaisanterie entre les patronymes Traoré et Koné, qui se
qualifient mutuellement de « mangeurs de haricots » , etc. Ainsi
entend-on fréquemment les Gouin accuser les Lobi d'être des «
mangeurs de chiens » et ces derniers se défendre en
rétorquant que « les Gouin sont de grands buveurs de banji
(vin de palme) »
Alain Joseph Sissao conclut ainsi que face à la «
modernisation sauvage », au « clientélisme », au «
népotisme », au « clanisme », au «
régionalisme », il est impératif de « puiser à
la source de la tradition pour ne pas perdre son identité » (Sissao
2002, p132).
L'auteur nous invite, à travers cet ouvrage, à
envisager une modernité qui tienne compte des valeurs du passé en
sachant conserver leur sens malgré les changements socioculturels.
Et en cela il a le soutien de Méké
Meité(2004) 8qui dans son article « Les alliances
à plaisanterie comme voie », évoque les
possibilités d'un recours aux alliances à plaisanterie pour aider
à résoudre le conflit ivoirien.
L'oeuvre de Sissao intéresse notre étude pas
seulement en la quantité des informations qu'elle procure mais aussi et
surtout en ce qu'elle insiste sur la nécessité d'une adaptation
au monde actuel. Nous allons donc nous inscrire dans cette perspective en nous
focalisant sur un aspect de la modernité qui n'est pas
particulièrement évoqué dans l'oeuvre : la pratique de la
parenté à plaisanterie sur les réseaux sociaux. Facebook
participe-t-il à la réalisation des recommandations faites par
l'auteur ?
Cette revue de littérature nous a permis de faire
l'Etat des connaissances non seulement sur Facebook en tant que réseau
social leader, sur les savoirs locaux vus de plus en plus comme facteurs de
développement et support d'éducation mais aussi et surtout sur la
parenté à plaisanterie, objet de notre étude. Ce parcours
nous a permis de comprendre la capacité de Facebook à rendre
facilement accessible des connaissances et des valeurs notamment dans le milieu
des jeunes qui en sont les bénéficiaires
privilégiés. Facebook apparaît donc comme un espace
privilégié de diffusion d'un domaine marginalisé comme
celui des savoirs endogènes et mieux un cadre de conservation et de
transmission d'un grand acquis culturel de l'humanité qu'est la
parenté à plaisanterie. Ce constat nous amène à
nous interroger sur ce en quoi Facebook fait évoluer la pratique.
21
8Méké Meité est Maitre de
Conférences u département de lettres modernes à
l'Université de Cocody à Abidjan en Côte d'Ivoire
CHAPITRE 2 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE 1.
Problématique, hypothèses et objectifs de
l'étude
Cette partie est consacrée à la description de
la situation problématique, aux questions de recherches, aux
hypothèses et aux objectifs de l'étude
1.1. De la problématique et des questions de
recherche
Nous l'avons dit plus haut, plusieurs études se sont
intéressées à différents aspects de la question et
certaines se sont même inquiétées de la capacité de
résistance de cette pratique culturelle aux mutations actuelles. La
revue de littérature, montre que certains auteurs qui ont abordé
la thématique insistent sur la nécessité de
préserver la parenté à plaisanterie en travaillant
à l'adapter à la modernité. De façon
générale les propositions se focalisent sur les activités
favorites9 des jeunes sans toutefois faire cas des réseaux
sociaux (Sissao A ; 2002)
Dans ce monde moderne marqué par le
développement de l'individualisme et la mise en cause de plusieurs
pratiques traditionnelles, où la question de l'appartenance perd par
moment son sens on est en droit de se demander si la parenté à
plaisanterie peut trouver aux réseaux sociaux notamment en FB un espace
d'expression. Et comme les sociaux numériques(RSN) constituent un
symbole phare du monde moderne, il est donc loisible de s'interroger sur ce
à quoi nous attendre lorsque la parenté à plaisanterie
s'exporte sur Facebook. A l'heure où les rencontres virtuelles se
multiplient et ou les échanges et les centres d'intérêts
semblent faire fi de l'origine des individus, nous voulons comprendre à
travers cette étude comment la parenté à plaisanterie se
manifeste sur FB. Les traces de la pratique observées à travers
les groupes sur Facebook parviennent elles à traduire sa vivacité
? En somme quelle changement la parenté à plaisanterie subit-elle
avec le numérique ? Pour investiguer sur cette problématique nous
sommes partis d'une question principale de recherche qui s'intitule comme
suit.
Question principale de recherche
Quel changement Facebook apporte à la pratique de la
parenté à plaisanterie ?
De notre principale question de recherche découlent
quatre questions secondaires qui orientent notre étude à
savoir.
Questions secondaires de recherche
Quel est le niveau d'ancrage de la parenté à
plaisanterie dans la société Burkinabé ?
Quels sont les repères qui attestent que la pratique
occupe une place importante sur FB ?
22
9 Matchs de football, soirées
récréatives, création d'un enseignement des alliances
à plaisanterie...
23
En quoi FB constitue un avantage à la réalisation
des fonctions de la PAP ?
Quels sont les facteurs limitant l'expression de la PAP à
travers FB ?
Ces questions nous ont permis d'émettre quatre
hypothèses de recherche que nous vérifierons
à travers les résultats auxquels nous sommes
parvenus.
1.2. Des hypothèses de la recherche
y' La PAP est une pratique qui intéresse tous les
groupes ethniques du Burkina Faso
y' La multiplicité des groupes et la
variété des thèmes traités témoignent de
l'intérêt accordé à la PAP sur FB
y' De par sa capacité à faire fi du temps et de
l'espace, FB est un outil qui fait progresser la PAP
y' L'aspect virtuel de FB et le caractère endogène
de la PAP constituent des facteurs limitant la pleine expression de la pratique
sur le réseau social 1.3. Des objectifs de
l'étude
L'objectif global de la recherche est de rechercher au regard de
ce qui se passe en temps réel ce que Facebook apporte de plus à
la PAP
De façon spécifique, il s'agit de :
y' Présenter la pratique dans ses principaux
caractéristiques y' Décrire la place qu'elle occupe sur
Facebook
y' Montrer en quoi FB constitue une opportunité à
l'expression de la PAP
y' Présenter les limites de la rencontre entre le virtuel
et le réel
2. Fondements théoriques
Différents courants théoriques ont
été proposés pour expliquer le phénomène
d'adoption des technologies de l'information, tant dans une perspective
individuelle qu'organisationnelle. Avant d'opter pour une théorie
donnée il est nécessaire d'explorer plusieurs car comme le
soutient Allison (1971), adopter un cadre théorique unique limiterait la
compréhension du phénomène à une seule dimension
tandis qu'un cadre conceptuel multiple apportera plus de richesse à
l'analyse. Dans le cadre de cette étude, même si nous ne sommes
pas à mesure d'en mobiliser plusieurs, nous tenterons de tenir compte du
constat de Chau et Tam (1997), « lorsqu'on emprunte un cadre
théorique, il est nécessaire de le raffiner et de l'ajuster en
fonction de l'objet d'étude afin d'en retirer une
analyse plus sensible ». Ainsi essayerons-nous d'adapter le modèle
retenu aux contextes de FB et de la parenté à plaisanterie.
Aussi avons-nous choisi d'explorer deux théories
susceptibles d'être mobilisées dans le cadre de notre
étude. Ce sont La théorie des comportements interpersonnels(TCI)
et la Théorie de l'analyse des réseaux sociaux.
2.1. La théorie des comportements
interpersonnels(TCI)
Plusieurs modèles théoriques ont
été utilisés pour expliquer les comportements individuels
dans le cadre de l'introduction des technologies d'information et de
communication dans des contextes variés. Après avoir
exploré quelques-uns et au regard de la particularité de notre
sujet, nous avons perçu en la TCI est un modèle qui pourrait lui
être applicable. La TCI est un modèle psychosocial qui a
été utilisé afin de comprendre les comportements
d'adoption des technologies de l'information, Triandis (1980). Cette
théorie, qui englobe la plupart des variables10
déterminants individuels de l'adoption des TIC se distingue cependant de
ces derniers par un plus grand raffinement des construits proposés. En
effet, selon la TCI, un comportement possède trois déterminants
directs à savoir l'intention, l'habitude et les conditions facilitant
l'adoption. L'intention comportementale comporte, à son tour, quatre
types de déterminants : les facteurs sociaux, les conséquences
perçues (dimension cognitive de l'attitude), l'affect (dimension
affective de l'attitude) et les convictions personnelles. La théorie des
comportements interpersonnels a été employée par Thompson,
Higgins et Howell (1991) afin d'étudier le comportement d'adoption des
ordinateurs personnels au sein d'une organisation. Une autre étude
(Limayem, Roy & Bergeron, 1994) a démontré que les facteurs
sociaux, les conséquences perçues, les habitudes et les
conditions facilitantes influençaient le comportement d'adoption de la
technologie. Ces deux expériences nous consolident dans la pensée
que la TCI peut aider à comprendre l'adoption de Facebook par les
pratiquants de la parenté à plaisanterie pour véhiculer
leur message. On pourrait donc retenir la TCI de Triandis (1980) non seulement
parce qu'elle englobe les construits de la plupart des autres cadres
théoriques utilisés pour comprendre les comportements humains,
mais aussi parce qu'elle intègre des dimensions comme les valeurs
personnelles et les rôles sociaux qui ne sont pas pris en compte dans les
autres modèles. En outre, le modèle de Triandis comporte un
aspect culturel qui aide à comprendre l'intention des
générations actuelles à adopter le réseau social
dans leur
24
10 La diffusion des innovations(DI) de Rogers
(1983 ; 1995) ; La théorie de l'action raisonnée(TAR) de Fishbein
et Ajzen (1975) ; Le modèle de l'acceptation de la technologie(MAT) de
Davis (1989)
pratique. Seulement dans le cadre de notre recherche cette
théorie parait difficile à manipuler du fait de sa
complexité.
2.2. Théorie de l'analyse des réseaux
sociaux(TAR)
Dans le cadre de cette étude, deux constats essentiels
nous poussent à explorer la théorie de l'analyse des
réseaux.
Premièrement c'est l'expansion des usages des
réseaux sociaux numériques (RSN ou sites de réseautage)
portés par le développement de plates-formes techniques issues du
Web 2.011, et également par l'engouement des diverses
catégories sociales vers ce type de mises en communication
médiatées.
Deuxièment, nous fondant sur l'affirmation Whinston
(2008, p. 763) : « social computing in general manifests more of the
social aspects as compared to computing aspects. », on peut supposer
qu'en termes de perception, les RSN « tiennent plus du social que du
technique ». Ainsi, bien que l'analyse des réseaux ne soit pas
considérée par tous comme une théorie sociale
homogène mais plutôt une stratégie d'investigation de la
réalité sociale (Burt 1980)12, elle peut permettre de
décrire aisément un phénomène social connu qui se
manifeste dans un cadre nouveau, comme celui de Facebook dans le cas de notre
étude. Dans l'exploration de la théorie de l'analyse des
réseaux, nous privilégions l'approche relationnelle ou de la
« cohésion sociale » qui met le point sur les connexions
directes et indirectes entre acteurs. L'explication de certains comportements
sociaux se fait donc en référence aux types de connexions qui
s'établissent et sont fonction d'un certain nombre de facteurs, dont la
densité, la symétrie, ou le sens directionnel des
relations. Pour les adeptes de l'approche relationnelle cette
dernière est plus à même de cartographier
précisément les relations qu'un individu peut avoir avec un autre
individu dans la société et qu'elle se conforme mieux aux
techniques de recueil et d'analyse des données utilisées en
sciences sociales.
L'approche relationnelle, aboutit a posteriori à
l'identification de sous-groupes sociaux qui sont souvent décrits
à la fois eu égard à leurs caractéristiques
structurelles et culturelles. Cela principalement par ce que ces deux
caractéristiques peuvent paraître liées dans la
représentation que l'on se fait de la réalité sociale.
25
11 Terme inventé par Dale Dougherty et
popularisé en 2004 pour désigner « la nouvelle
génération de site Internet et d'internautes qui utilisent des
interfaces permettant d'interagir avec le contenu des pages ». Le passage
au web 2.0, web communautaire et interactif, a multiplié les
communautés virtuelles en diversifiant les possibilités de
connections entre profils d'internautes et les types d'objets mis en
partage.
12 « C'est plus un `paradigme', une `perspective `ou une
`fédération d'approches'(...) qu'une théorie
prédictive visant à produire des lois explicatives d'un
phénomène social... sous certaines conditions ».
Hajer Kefidu(2010) se fondant sur M.Archer(1996)13
signale que la compréhension de la dynamique des usages des
réseaux sociaux numériques nécessite la mise en place d'un
cadre d'analyse qui explicite indépendamment chacun des
éléments suivants, puis en étudie les interactions :
-l'utilisateur en tant qu'acteur social
-le cadre structurel
-le cadre culturel
-les spécificités propres des RSN.
Un tel cadre d'analyse permettrait de répondre à
des questions telles que : qui utilise l'outil ? Pour quels usages ? Quelles en
seraient les répercussions sur les mécanismes de communication et
de coordination, le partage de l'information et de la connaissance à un
niveau intra ou inter organisationnel ?
Dans cette optique en effet, on peut s'intéresser
à la question de savoir si une plateforme de réseautage donnera
lieu à un tissage d'« amis » analogue à celui qui a
lieu dans le monde réel, ou si au contraire, des distorsions importantes
ont lieu dans le réseau d'« amis virtuels ». C'est cette
préoccupation à laquelle nous tentons de répondre dans
cette recherche en essayant de voir ce qui change dans la parenté
à plaisanterie dans le cadre du numérique avec le réseau
Facebook. Hajer Kefidu(2010) quant à lui affirme que « ces
derniers(les RSN) altèrent assez peu les modes d'interaction dans les
réseaux sociaux réels ». Appliqué à notre
sujet, on pourrait s'attendre à ce que la pratique de la parenté
à plaisanterie sur Facebook soit assez proche de celle de la
réalité.
2.3. Choix d'une théorie de
référence
A l'issue de l'exploration des deux théories nous avons
opté d'utiliser la théorie de l'analyse des réseaux
sociaux numériques dans une perspective relationnelle
inspirée de l'analyse des réseaux sociaux «
physiques ». A leur image, les réseaux sociaux en ligne peuvent
être définis comme l'ensemble des sites qui permettent de mettre
en relation des personnes (ami, connaissance, collègue,)
rassemblés en fonction de centres d'intérêts communs, comme
par exemple les goûts musicaux, les passions ou encore la vie
professionnelle. Les groupes constitués sur Facebook pour la
parenté à plaisanterie rassemblent des personnes qui se sentent
lier par ce phénomène social. Leur centre d'intérêt
étant la parenté à plaisanterie nous espérons
à travers l'analyse des réseaux vérifier ce que Facebook
apporte de particulier à leur alliance.
26
13 Dans « Culture and Agency : the place of culture in
social theory »
27
3. Cadre Méthodologie
Le cadre méthodologique présente la
démarche que nous avons suivie pour mener la recherche. Elle prend en
compte le champ de recherche, la méthode de recherche, la population et
l'échantillon de la recherche, les techniques de collecte des
données et le mode d'analyse.
3.1. La méthode de recherche
Nous avons opté pour l'approche qualitative dans notre
recherche. La méthode qualitative vise à faire comprendre le sens
que les acteurs donnent à leur expérience, à leur action,
à leur comportement. Elle se fonde sur le sens que donnent les acteurs
à la réalité, réalité construite par eux
à travers leurs interactions dans le milieu. Le site de la recherche
devient comme une école pour le chercheur qui apprend à partir
des données recueillies. Une telle recherche se situe en milieu naturel,
au coeur de la vie quotidienne qu'elle cherche à comprendre. L'approche
qualitative se caractérise aussi par son échantillon
restreint.
3.1.1. Le champ de l'étude
Notre revue de la littérature a montré que
l'interaction entre différentes personnes par la plaisanterie est une
pratique qui peut se rencontrer dans différentes localités du
globe. Prétendre parler de cette pratique dans sa diversité peut
paraitre prétentieux. De la même façon il est connu que le
concept réseaux sociaux englobe plusieurs outils au nombre desquels
Facebook. Aussi dans un souci d'efficacité, nous avons choisi de
circonscrire notre champ d'étude au contexte du Burkina et de Facebook
uniquement.
3.1.2. La population de la recherche
La population de recherche présente les
différentes catégories de personnes susceptibles de participer
à cette étude et qui objectivement ne peuvent pas tous être
retenues. Dans le cadre de notre recherche la population est constituée
non seulement des différents groupes ethniques, des chercheurs mis aussi
des membres et administrateurs de réseaux Facebook faisant la promotion
de la parenté à plaisanterie. Aussi importante que soit toute la
population de notre étude, nous ne pouvions pas la considérer
dans son entièreté. Nous nous sommes donc contentés des
membres et administrateurs des groupes de PAP actifs sur FB.
3.1.2. L'échantillon retenu
Notre tâche consistant à examiner la pratique de la
parenté à plaisanterie sur FB notre matière est
essentiellement constituée des différents groupes
dédiés au phénomène sur le réseau social.
Les critères principaux sur lesquels s'est appuyée la
constitution de l'échantillon sont :
-le type de PAP le plus représentatif en présence
et sur FB. Ce critère a permis de retenir la PAP qui se pratique entre
groupes ethniques ;
-les groupes ethniques les plus représentatifs en termes
de nombre de locuteurs ;
-les groupes les plus représentatifs en termes d'audience
sur FB.
Au total nous avons retenu quatre (04) groupes dont 1
administrateur et deux(02) membres par groupe. Soit en tout 12 personnes. Et
pour chaque groupe nous avons déroulé un fil de discussions.
Tableau 1 : récapitulatif de
l'échantillon
Nom du groupe
|
Nombre de participants
|
administrateurs
|
Membres
|
14Samo-mossi
|
1
|
2
|
15Gulmace-yaadce
|
1
|
2
|
16Bobo et peulh
|
1
|
2
|
17Gourounsi-bissa
|
1
|
2
|
Total
|
04
|
08
|
28
14 Les mossis ou moose constituent le groupe ethnique le plus
représentatif en termes de nombre (51%) de la population du pays. Ils
seraient venus du Ghana voisin pour occuper le territoire en combattant et en
assimilant d'autres peuples. Les samos eux feraient partie des peuples
autochtones de l'actuel Burkina Faso et auraient refusés de s'assimiler
aux mossis. De nos jours aucun événement culturel ne se
déroule chez les mossis sans que les samos ne soient
représentés et vice versa.
15 Les gulmaces occupent la partie Est du pays. Ils sont aussi
présents au Togo et au Niger. Certains historiens ont essayé
d'établir un lien entre eux et les mossis mais les deux langues sont
éloignées l'une de l'autre. Les Yaadces(parents à
plaisanterie des gulmaces) sont des mossis occupant la partie nord du pays et
parlant une dialecte différente mais compréhensible du
Moore(langue des mossis) du centre.
16 Les Bobos est un groupe habitant l'ouest du pays, ils
occupent la 2eme capitale du pays à laquelle ils ont prêtés
leur nom (Bobo Dioulasso). L'un de leur mets locaux pour lequel ils subissent
les railleries de leurs parents à plaisanterie(les peulh) est le plat de
chenilles de karité. Les peulhs est sont des peuples nomades dont la
principale activité est l'élevage surtout des bovins, leur zone
de prédilection est le sahel burkinabé mais on les retrouve
partout dans le pays. Leur langue parlée(le fulfuldé) vient en
troisième position par le nombre des locuteurs après le Moore et
le jula.
17 Les gourounsis forment un ensemble constitué de
plusieurs groupuscules occupant principalement le centre ouest et le centre sud
du pays. Les Bissas quant à eux occupent la partie Est sur une partie de
la bande séparant le Burkina du Ghana, cet espace est dit être le
premier royaume mossi. Y règne aujourd'hui encore une famille royale
puissante.
29
3.2. Technique de collecte des données
Selon Duchesne (1999), « la recherche des
données se fait à partir de méthodes variées et en
fonction de leur opportunité par rapport aux objectifs
spécifiques de la recherche, à ses hypothèses et aux
sources dont on dispose».
Dans notre travail, il s'agit de mobiliser des outils qui nous
permettent d'apprécier la contribution au plan qualitatif. Nous avons
recherché les documents écrits susceptibles de mieux
éclairer notre problématique et soumis les personnes faisant
parti de notre échantillon à des entretiens. Nous avons donc
retenu la recherche documentaire, l'entretien et le suivi de fils de
discussion.
3.2.1. La recherche documentaire
Lors du travail empirique, nous avons pu rassembler un certain
nombre de documents sur le sujet en visitant aussi les centres de documentation
et les bibliothèques disponibles. Ce qui nous a permis d'obtenir des
données littéraires. La recherche documentaire s'est
opérée à travers la lecture d'ouvrages
généraux, des articles scientifiques et l'exploitation de liens
sur internet en vue de faire le point des connaissances sur la question et
pouvoir orienter notre recherche.
3.2.2. L'entretien
Comme le précise notre échantillon, des
administrateurs et des membres de 4 groupes ont été soumis
à des interviews. Le guide de l'entretien a été construit
sur quatre rubriques essentiellement. La première rubrique concerne la
connaissance et la perception des membres sur la parenté à
plaisanterie ; la seconde est consacrée à la place qu'occupe la
pratique sur FB ; La troisième partie questionne l'apport de FB à
l'évolution de la pratique ; la dernière partie recueille les
avis des participants sur les perspectives quant au rôle de Facebook dans
la conservation et la diffusion de la parenté à plaisanterie.
L'utilisation de cet outil se justifie par le fait que c'est une technique
qualitative de collecte des données qui a pour avantages de créer
une interaction verbale entre le chercheur et les participants ; sa
flexibilité et sa souplesse permettent une expression libre du
participant tout en offrant la possibilité au chercheur, de rebondir sur
ses propos pour poser d'autres questions.
Pour la réalisation des interviews nous avons recouru
aux outils de messagerie de FB à savoir Messager et whatsapp. Le choix
de ces outils s'explique par les facilités qu'ils offrent d'entrer en
contact avec le participant, épargnant ainsi le chercheur des longs
déplacements.
30
3.2.3. Analyse des fils de discussion
Il s'est agi ici de nous faire admettre dans des groupes
Facebook pratiquant la parenté à plaisanterie afin d'observer
directement le flux des échanges et de pouvoir par moment susciter des
fils de discussions. Après avoir sollicité une invitation en tant
que membre dans neuf(09) groupes, nous avons été accepté
presqu'automatiquement dans quatre groupes puis dans deux(02) autres groupes
une dizaine de jours plus tard et, dans un(01) groupe 1 mois plus tard. Cette
approche était nécessaire non seulement pour les besoins de
l'observation mais aussi pour faciliter l'entrer en contact avec les
administrateurs et les membres des différents groupes avec qui nous
devions mener les entretiens. L'objectif étant de rechercher et
d'analyser les interactions entres les +utilisateurs qui reflètent la
présence de messages véhiculant la parenté à
plaisanterie sur Facebook, nous avons procédé par le recueil des
traces. Est considérée comme trace dans le cadre de notre
étude tout message posté dans le groupe et qui traduit une
manifestation de la parenté à plaisanterie. Puisse qu'il s'agit
d'investiguer sur une activité humaine dans un espace virtuel, nous
avons pensé que la méthode d'analyse des traces serait la mieux
adaptée. Cette méthode est, selon Giroux (1998), une
méthode qui consiste à retrouver des traces pour « les
analyser afin de reconstituer le portrait de l'humanité (...). Elle
permet d'interpréter des traces de l'activité humaine...»
3.3. Brève description d'un groupe Facebook de
parenté à plaisanterie
Dans un groupe Facebook de PAP on retrouve deux entités
ethniques. C'est d'ailleurs l'esprit de deux groupes opposés qui donnera
du sens aux échanges. En effet il manquera l'interaction si un groupe
ethnique se retrouvait seul sur une page FB pour parler de la parenté
à plaisanterie. Il arrive que plus deux groupes ethniques ne se
retrouvent dans le même espace d'échange. Seulement dans ce cas
l'interaction est limitée car affirme ADM2 « ..un
groupe ethnique A peut être allié à un groupe B, à
un groupe C et à un groupe D, mais il se trouve qu'il n ya aucune
alliance entre B, C et D. c'est pourquoi je dis un tel groupe Facebook est
difficile à gérer... »
Sur le plan de la présentation les pages FB ne
présentent pas de grandes différences. Dans la
quasi-totalité des groupes, la page est reconnaissable par :
-un titre qui précise les ethnies concernées :
« parenté à plaisanterie les samos et les mossis
» ; « Gulmantche vs Yaadces » etc
-une photo de profil qui généralement illustre
parfaitement l'esprit d'humour qui soutend la parenté à
plaisanterie ou l'idée de rapprochement des deux peuples
31
-un message de profil qui rappelle l'esprit qui doit
prévaloir dans les échanges. On note en exemples :
« Les objectifs de ce groupe est de permettre
une bonne collaboration entre ces ethnies des échanges d'idées
courantes NB-pas de pornographie svp-soyons sérieux-le responsable
» (groupe parenté à plaisanterie
Bobo/Dafing)
« Avis à tous les amateurs de viande de
chien, de voleur de zoom koom, au mangeur d'arachide... Votre maitre vous
parle. ce site est fait pour vous. Votre participation. »(groupe
Samo/mossi)
Capture1 : entête d'une page FB de
Parenté à plaisanterie
Commentaire :
Cette capture montre la page entête d'un groupe
FB-PAP. On y voit le titre (Parenté à plaisanterie les Samos et
les Mossi), la photo de profil qui montre un singe sur le dos d'un chien. Les
mossis diront que les samos sont des « mangeurs de chien », tandis
que dans l'imaginaire des samos la position du singe reflète la ruse des
mossis.
4. Procédure d'analyse des
données
Au regard de l'approche qualitative utilisée dans
l'enquête, nous avons opté de procéder à une analyse
thématique des données. C'est un modèle d'analyse inductif
qui se prête au traitement des données qualitatives et favorise
l'émergence des thèmes à travers les discours des
participants. C'est pourquoi le dépouillement s'est fait par
regroupement de réponses selon les rubriques du guide d'entretien. Les
membres et les administrateurs identifiés ont été soumis
au même guide. Aussi traitons-nous les données de façon
globale tout en évoquant les réponses qui ont trait à
l'administration des groupes lorsqu'elles apparaissent pertinentes.
32
DEUXIEME PARTIE : TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNEES
Cette partie, consacré aux aspects pratiques de
l'étude comporte trois grandes sections : la présentation et
l'analyse des données ; la discussion et l'interprétation des
résultats, assortis des perspectives sur lesquelles s'ouvre cette
étude. Pour en faciliter la lecture et pour garantir la pertinence nous
recourons souvent à des extraits de réponses sous anonymat. A cet
effet, les outils de collecte ont été codés. Par exemple
pour les administrateurs de groupes qui sont au nombre de 4, nous avons
utilisé le code ADM. Et chacun est identifié par un chiffre :
ADM1 pour le premier et ADM4 pour le quatrième. Pour les membres au
nombre de huit, on lira MG1, MG2, MG3...MG8.
CHAPITRE 3 : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
Cette rubrique analyse respectivement les données de la
recherche documentaire, celui des entretiens et enfin celles des fils de
discussions. Pour les entretiens, l'approche choisie étant qualitative,
nous procédons principalement par des synthèses des
réponses obtenues par thème et conformément aux questions
de recherche. Et pour donner plus de lisibilité aux résultats,
nous présenterons certaines données dans des tableaux suivis de
commentaires. Mais avant nous faisons une description d'un groupe FB-PAB.
1. Des données de la recherche
documentaire
La recherche documentaire a permis de faire l'Etat de la
littérature sur la parenté à plaisanterie. Cette
démarche nous a offert les premières données sur
lesquelles la suite de la recherche s'est fondée. Elle a de façon
particulière aidé à renforcer notre compréhension
de la pratique de la parenté à plaisanterie lorsqu'elle a lieu en
temps réel.
1.1. Identification des formes de PAP aux Burkina
Faso
La revue de la question nous a permis d'établir les
formes de parenté et d'alliances qui suscitent ou admettent la
plaisanterie. Trois grands groupes se dégagent : il y a la plaisanterie
qui se passe entre des membres d'une même famille ; celle qui a lieu
entre des alliés et afin celle moins formelle qui se passe entre des
personnes d'une même génération.
33
1.1.1. A l'intérieur d'une famille
Dans une même famille des liens sont établis de
façon naturelle et qui autorisent la plaisanterie. Ce sont : entre les
petits fils et les grands parents ; les neveux et les tantes ; les belles
soeurs et les frères des époux...
1.1.2. Entre les alliés
Dans la société de façon
générale les alliances existent entre deux ethnies ; entre deux
villages ; entre deux quartiers ; entre des patronymes ; entre deux clans.
1.2.3. Entre personnes de même
génération
C'est une forme qui passe souvent inaperçue mais il est
fréquent de remarquer que des gens de même
génération, de même promotion ou de même corporation
s'insultent amicalement autant qu'ils s'assistent fraternellement.
Tableau 2 : typologies de la Parenté à
Plaisanterie
Type
|
Acteurs concernés
|
A l'intérieur d'une famille
|
-les petits fils et les grands parents
- les neveux et les tantes
-les belles soeurs et les frères des époux
|
Entre les alliés
|
-entre deux ethnies -entre deux villages -entre deux quartiers
-entre des patronymes entre deux clans
|
Entre personnes de même
génération
|
-les anciens entre eux
-les jeunes
-personnes de la même corporation -personnes de la
même promotion d'étude
|
Tableau adapté des données de Sissao(2002)
Le Burkina Faso possède une soixantaine de groupes
ethniques avec des locuteurs en nombre plus importantes les unes que les
autres. La recherche documentaire a révélé que la
quasi-totalité de ces groupes s'inscrive d'une façon ou d'une
autre dans la pratique de la parenté à plaisanterie (Sissao,
2002, p 169) voir tableau en annexe 1. Nous nous sommes donc
intéressés à la PAP qui lie les groupes ethniques.
Tous les groupes éthiques étant pratiquement
concernés, nous avons opté de nous intéresser aux groupes
impliquant les groupes ethniques les plus représentatifs en nombre. On
obtient ainsi par ordre décroissant les mossis18, les peuls,
les gourmantché, les gourounsi, les bobos, les bissas
Les résultats obtenus révèlent qu'ils
existent des liens de PAP non seulement entre les grands groupes ethniques mais
aussi à l'intérieur même des groupes. Que ce soit à
petite échelle ou à une échelle plus grande la pratique de
la PAP s'appuie sur des fondements familiaux, historiques ou culturels
1.2. Des origines de la PAP au Burkina
La plupart des auteurs qui ont écrit sur la pratique ne
donne pas avec précision ses origines. Néanmoins on peut retenir
de Sissao(2002) qui s'appuie sur des devanciers (Griaule 1948, Mauss 1928,
Radcliffe-Brown 1940) que les alliances et parentés à
plaisanterie auraient pour origines :
-le mythe du pacte de sang entre deux groupes,
-le mythe de l'ascendance commune avant la « scission d'un
groupe originel apparenté ». Que ce soit l'une ou l'autre, la
pratique serait intervenue entre deux individus ou deux ethnies à la
suite d'un pacte sacré scellé par des ancêtres, pacte
fondé sur des relations amicales, des liens de non-agression, de
respect, de solidarité et d'assistance mutuelle.
1.3. Les défis ou fonctions (enjeux)
De ce qui est attendu de la parenté à
plaisanterie pour le bien être des humains on peut retenir trois aspects
essentiels à savoir : un rôle de régulateur de tensions
sociales, un facteur d'intégration des populations et un support
d'entraide et de solidarité.
1.3.1. Le rôle de régulateur des tensions
sociales
La parenté à plaisanterie intervient dans les
mécanismes de prévention des conflits à travers : -la
gestion sociale de tensions par le rire
Il s'agit de jeux oraux qui sont dans leurs formes
humoristiques. Des plaisanteries pour rire, se divertir et se défouler.
Pour les individus des groupes alliés, chaque fois qu'ils se
rencontrent, ils font semblant d'entrer en conflit. Il s'agit aussi de
contribuer à atténuer les pressions
34
18 Les yaadces constituent un sous-groupe des
mossis mais au regard de l'importance de leur nombre et de la
notoriété de leur alliance avec les gourmantchés, nous
traitons de leur cas isolement.
psychologiques et aurait une vertu thérapeutique au
sens ou la plaisanterie devient un jeu qui permet de jouer au fou pour
prévenir la vraie folie (Sissao, 2002).
- la promotion de la paix entre les hommes
Dans la plaisanterie « L'on instaure
de façon ostentatoire la guerre verbale et gestuelle pour ne pas arriver
à la vraie guerre, destructive des biens et des personnes.
»
L'objectif des attitudes des alliés est de permettre un
« relâchement qui constitue une détente et une compensation
nécessaire à la vie de groupe » (Mauss, 1928)
-la réconciliation entre les gens
Les plaisanteries qu'échangent les alliés
contribuent à détendre l'atmosphère, à
rétablir la confiance, toutes choses indispensables au dialogue. Pour
plusieurs auteurs19burkinabés, ces relations sont une
stratégie réparatrice de vieux conflits entre communautés.
Le rôle de ces relations étant de panser ces plaies par le biais
de la violence de type cathartique. Le mot `'esclave» est assez souvent
utilisé pour désigner l'allié à plaisanterie dans
les différentes langues. Une façon de ne plus revenir sur
l'esclave réel ?
-l'offre d'un attrait à la vie
Chez les mossis du Burkina la plaisanterie embellie la vie.
« Sans rakiire20, l'existence serait sans attrait » dit-on
(Sissao, 2002). Ici on prend plaisir à taquiner et à se faire
taquiner si bien que le phénomène se fait omniprésent dans
les regroupements de personnes. On oublie même souvent les prénoms
des individus pour les interpeler par leur ethnie d'appartenance21ou
leur clan d'origine.
-la compassion à la douleur vécue par un
allié
1.3.2. L'alliance et la parenté comme forme
d'intégration nationale au Burkina Faso Les alliances et
parenté à plaisanterie sont un langage, un moyen d'entrer en
contact avec d'autres personnes, de créer des liens moins formels et
moins chargés de lourdeur des civilités. Un allié à
plaisanterie est une personne que l'on peut se permettre de déranger
à tout moment. A travers les alliances à plaisanterie les
populations du Burkina organisent leur intégration à plusieurs
niveaux.
- Entre un groupe social et une ethnie
35
19Entre autres ; Kollin Noaga avec `'Le retour au
village» ou Patrick G. Ilboudo avec `'Le procès du
muet» ou encore Etienne Sawadogo avec `'La défaite du
Yagha»
20 Parenté à plaisanterie en langue
mooré
21 « samongan ! »(le samo) ; « silmiigan !
»(le peul) ; « sanyan ! »(le forgeron)
C'est le cas des forgerons et des Peuls. Le forgeron jouit
d'une certaine considération sociale et son activité de
producteur d'armes et d'outils aratoires fait de lui un homme craint et
respecté. La seule voie pour lui faire des reproches est celle de la
plaisanterie.
-Un métalangage et ciment entre les ethnies
A travers les enquêtes effectuées et les
témoignages collecter par Sissao(2002), on pourrait affirmer que rares
sont les ethnies22 au Burkina qui n'auraient pas de cousins ou
alliés à plaisanterie.
- Un métalangage et ciment entre les
patronymes23
De façon spécifique dans l'Ouest, au Sud et au
Sud-ouest du Burkina les alliances entre les différents peuples se sont
établis sur la base des patronymes.
- Un métalangage et ciment entre des entités
géographiques
1.3.3. Favoriser l'entraide et la
solidarité
Les alliances à plaisanterie jouent un grand rôle
dans l'élaboration des réseaux de soutien social et
communautaire. La question du réseau de soutien social rappelle toute la
dynamique des interactions entre personnes et entre communautés. Le
réseau de soutien social peut devenir très important dans un
contexte où la socialisation se trouve en perdition. Cet élan de
solidarité se justifie, se vit et se fait sentir dans
l'intérêt accordé aux activités qui concernent un
allié. La parenté à plaisanterie devient ainsi une
école de civisme.
Tableau 3 : rôle et fonctions de la parenté
à plaisanterie
Rôle de la PAP
|
Fonctions
|
régulateur de tensions sociales
|
-la gestion sociale de tensions par le rire
- la promotion de la paix entre les hommes
-la réconciliation entre les gens
-l'offre d'un attrait à la vie
-la compassion à la douleur vécue par un
allié
|
36
22Nioniosé/Yarsé ;
Yarsé/Dapooré ; Nioniosé/Peuls;
Yadsé/Gourmanthés ; Benda/Yarsé; Yarga/Yemdaado ;
Benda/Sããba (forgeron ; Sããba (forgeron) /Yuuma ;
Peuls/ Sããba (forgeron) ; Yarsé/ Sããba
(forgeron) ; Yarsé/Marense (teinturiers d'origine djerma)
23Traoré/Koné ; Ouatttara/Coulibaly ;
Cissé/Barro ; Diarra/koné ; Barro/Konaté ;
Diarra/Coulibaly ; Traoré/Coulibaly ; Tioro/Tioro ; Tanon/Barro.
Rôle de la PAP
|
Fonctions
|
|
|
facteur d'intégration des
populations
|
- Entre un groupe social et une ethnie
-Un métalangage et ciment entre les ethnies
- Un métalangage et ciment entre les
patronymes24
- Un métalangage et ciment entre des entités
géographiques
|
support d'entraide et de solidarité
|
-enseignement informel du civisme -organisation
d'activités d'intérêts communs
-assistance lors des événements heureux
ou malheureux
|
2. Des résultats de l'entretien
En rappel pour chaque groupe nous avons interviewe trois
personnes par groupe retenu.
Les interviews se sont effectuées à travers
chat Messenger ou whatsapp. Lorsque l'occasion s'est
présentée, nous avons pu échanger avec certains
participants en présentiel.
2.1. L'intérêt des groupes de PAP pour
Facebook
A la question de savoir en quoi la PAP occupe une place
importante sur FB, les interviewes ont cité :
-la présence de plusieurs groupes reflétant ceux
qui pratique la PAP en temps réel. En croisant les groupes ethniques
cités par les participants, on obtient mossi, samo, peul, bobo,
gourmantché, gourounsi, bissa. Seule deux(02) personnes sur les huit(12)
ajoute à cette liste dafing, zaoses, yaana.
-l'utilisation des groupes pour la mobilisation autour
d'activités d'intérêts commun et d'assistance. Un des
membres a insisté sur le fait qu'il obtient des informations sur les
évènements qu'il ne pense pas pouvoir apprendre autrement.
37
24Traoré/Koné ; Ouatttara/Coulibaly ;
Cissé/Barro ; Diarra/koné ; Barro/Konaté ;
Diarra/Coulibaly ; Traoré/Coulibaly ; Tioro/Tioro ; Tanon/Barro.
-le nombre en perpétuel croissance des membres comme le
précise l'administrateur ADM3 « ...nous sommes
passés de 10 personnes au début à 400 personnes 12 mois
après »
-la diversité socioprofessionnelle des membres,
même si la qualité du membre importe peu les administrateurs se
réjouissent que tout le monde s'intéresse à la pratique.
Selon ADM2 on a
« Un peu du tout de jeunes mais plus
d'adultes. Malheureusement les seniors se font rares. Pour les professions il y
a des élèves, des enseignants, des juristes, des
mécaniciens, des manoeuvres, des cultivateurs avec une expression
approximative en français »
2.2. La contribution de Facebook à la promotion
de la parenté à plaisanterie
? de la conservation des fonctions de la PAP sur FB
La quasi-totalité des interviewes pensent que la PAP
conserve les même fonctions sur FB. En effet les participants arrivent
à s'insulter, à se moquer pour faire rire, pour dénoncer,
pour interpeler ou pour compatir. C'est du reste ce que ressort des propos de
MH1 lorsqu'il affirme : « elle rapproche les peuples,
éteint les tensions sociales, permet la détente par l'humour
qu'elle
engendre ; dans les couples concernés, elle
apporte de l'ambiance et la sérénité ; bref c'est un
facteur de cohésion sociale surtout qu'elle permet également de
dire la vérité, faire des reproches à quelqu'un sans
que
cela ne le blesse »
On note aussi la capacité de la pratique à susciter
l'engagement social et à résoudre des problèmes
existentiels. A ce propos, une anecdote racontée par MG1 en dit long
:
« ...elle sert à renforcer la
cohésion sociale, aussi à travers la moquerie de l'autre on
s'améliore par exemple un jour dans le groupe mossi/samo, un mossi a
publié la devanture du marché de tougan25 un village
samo qui était très sale et les mossi à travers les
commentaires se moquaient. Mais l2 jours après le même a
publié la même photo qui montrait le même marché
cette fois ci bien propre et félicitait les samo pour leur action
»
? des avantages qu'offre cet espace numérique pour
l'évolution de la pratique
La synthèse des réponses montre que l'avantage
de FB pour la PAP réside dans le fait que le numérique brise les
barrières de temps, d'espace et même de nombre. Alors qu'en
présence la pratique se déroule entre quelques individus en lieu
et temps précis, à travers FB l'on peut être dans n'importe
quelle partie de la terre, poster son message en s'adressant au groupe ou
à plusieurs personnes. Le contenu peut être lu, relu et
commenté à souhait.
Pour MH1 « élargissement du cercle des
personnes avec qui on la pratique même si on se connait pas
réellement ; même étant seul et connecté on peut la
pratiquer (permet de tuer la solitude) ; agrandit le cercle de connaissances
(autre manière de connaitre les autres et se faire de nouveaux amis) ;
plus de liberté à dire ce que on veut ou ce que on pense ; on se
détend ainsi même étant seul »
FB donne l'opportunité à ceux qui pratiquent la
PAP en présence non seulement de vivre de nouvelles expériences,
mais aussi constitue un espace de liberté pour tous ceux qui veulent
découvrir de s'y mettre. On ne se pose plus de question à savoir
si la personne qui s'adresse à vous est vraiment un allié
traditionnel.
38
25 La plus grande ville de l'espace habité par
les samos.
39
Il y a aussi que le virtuel accroit la liberté dans les
propos. Ici on se parle sans se soucier de l'âge ou de l'autorité
de l'interlocuteur. C'est ce que soutient le participant MG7 lorsqu'il affirme
« dans notre groupe une jeune fille gourmantché a
écrit que le roi des yaadces la harcelle depuis longtemps et qu'elle
demande de l'aide... ». Pourtant En temps
réel, le moins âgé laisse généralement
l'initiative de la scène à l'ainé et à
l'autorité.
En outre FB donne la possibilité de revenir sur des
scènes vécues par le biais de l'image, le son et la
vidéo.
2.3. Limites (difficultés) de la rencontre entre
la parenté à plaisanterie et Facebook
Les réponses des participants laissent apparaitre deux
types d'insuffisances quant à l'expression de la pratique sur FB.
y' Des limites liées à FB
Même si FB défit l'espace et le temps, ils
reconnaissent qu'il ne saurait traduire toutes les facettes du réel. Il
n'autorise ni le contact physique ni le regard. MG6 affirme que la PAP ne
s'exporte « Pas à 100% car fb est un espace
d'échanges virtuel donc on n'a pas la possibilité par exemple de
se tapoter comme certains le font dans la réalité (le contact
physique n'existant pas sur fb). Sinon dans l 'ensemble on a les mêmes
effets »
Les participants ont relevé aussi que l'accès
à FB a des exigences au nombre desquelles le fait d'avoir un minimum
d'instruction, posséder un artefact adapté et avoir les moyens de
s'offrir une connexion internet. Certains concluent que ces aspects constituent
des facteurs discriminatoires de fait, qui empêchent les
analphabètes et les personnes démunis à vivre
l'expérience. Les propos de ADM4 en disent long : «
...pour moi la PAP sur FB reste pour le moment
un luxe, combien sont-ils les Burkinabé qui
possède un téléphone Android et combien mourront encore
sans savoir lire les 26 lettres de l'alphabet à plus forte raison
naviguer sur internet)
y' Des limites liées à l'essence même de la
PAP
La parenté à plaisanterie est une connaissance
pratique qui associe la parole à l'expression corporelle, aux gestes et
à la teneur de la voie. Ce qui est difficile à faire paraitre
dans le numérique. Un participant dit à propos :
« lorsque je dis à quelqu'un `'méfies toi hein
!» en criant et en serrant la mine, ce n'est pas la même chose que
quand je dis `'méfies-toi» calmement avec un sourire
».
Les interviewés notent aussi le fait que la pratique
prend un autre sens lorsqu'il y a des événements sociaux
(décès, mariage, baptême). En effet la présence d'un
parent à plaisanterie aucours d'un événement d'une famille
alliée est toujours une occasion de faire revivre la pratique. Pour eux
FB ne donne pas cette possibilité. Pour ADM1, un Samo «
est descendu dans
40
la tombe avant l'enterrement d'un chef mossi et a
exigé d'être payé avant que le chef ne soit enterré,
ce que la famille a fait »
3. Des fils de discussions
Pour accéder aux traces, il s'est agi pour nous de
rechercher par mots clés et de façon des groupes et espaces
réservés à la parenté à plaisanterie sur
Facebook. Pour cette tâche nous avons une grille qui a permis de
recueillir et enregistrer les dénominations les plus fréquentes,
le nombre de groupes portant chaque dénomination et le nombre de
membres. Nous avons ensuite pour chacun des quatre groupe retenu
déroulé un fil de discussion.
Dans le cadre de cette étude un fil de discussion est
composé d'un message principal et des commentaires.
3.1. De la variété des
dénominations
A travers la recherche par mots clés que nous avons
effectué sur FB, nous nous rendus compte de la diversité des
appellations en français. Sur les 56 sites (voir annexe 2)
recensés on est parvenu à des regroupements que nous
présentons dans le tableau ci-dessous. Cette liste n'est pas exhaustive
car la recherche était limitée dans un temps relativement bref
alors qu'entre la fin de la recherche et le bouclage du mémoire bien
d'autres groupes pourraient avoir été créés.
Tableau 4 : la terminologie consacrée à la
pratique sur FB
Mots clés utilisés
|
Nombre de sites recensés
|
Pourcentage
|
Parenté à plaisanterie
|
42
|
75%
|
Cousin à plaisanterie
|
07
|
12.5%
|
Alliances/ alliés à plaisanterie
|
07
|
12.5%
|
Total
|
56
|
|
Tableau synthèse de la grille de recensement
effectué par nous même à l'entame de la recherche
Ce tableau montre que sur FB différents termes sont
utilisés pour designer la pratique. Notre recherche indique que le terme
parenté est le plus employé (75%), suivi de cousin
et alliance On constate généralement ces termes
sont accompagnés de leur traduction en langue locale. 3.2. Des
fils de discussion déroulés
Les fils retenus sont celles qui paraissent refléter le
mieux l'esprit de la pratique et qui connaissent le plus grand nombre de
commentaires. Il s'est agi pour nous après avoir identifié le
fil, de le dérouler pour faire apparaitre tous les commentaires avant de
le copier et coller sur une page Word. Afin de faire apparaitre certaines
images photographiques ou des émoticônes nous avons par moment
procéder à des captures d'écran. Lorsqu'on déroule
les fils de
41
discussion, l'information recherchée est vite
saturée. En effet dès le troisième fil, on n'obtient plus
de nouveaux éléments. On note que la quasi-totalité des
fils de discussions suivent le même schéma. Sans doute celui
qu'autorise la technologie de FB. L'analyse des fils de discussions retenus
laisse apparaitre ce qui suit :
3.2. 1.De la structure d'un fil de discussion
-le message principal : généralement
constitué d'un texte court, auquel est joint dans certains cas des
photos ou des caricatures. Emis par un membre du groupe appartenant à
une des entités et s'adressant directement à l'entité
opposée.
-les commentaires, sont des réactions au message
principal. Le commentaire vient soutenir ou répliquer
-le support utilisé
-la fonction exprimée
Capture 2 : début d'un fil de discussion,
message principal suivi de quelques commentaires
3.2. 2.Des types de traces recueillis
Les traces recueillies et qui attestent de la présence
de la PAP sont de diverses formes mais les unes plus présentes que les
autres. Il arrive aussi que plusieurs canaux soient combinés pour faire
passer le message. On note des traces :
42
- écrites : ce sont de courts messages
écrits très souvent en faisant fi des exigences grammaticales et
orthographiques
-photographiques : ce sont des images photographiques,
des images sous formes de bandes dessinées qui rapporte une scène
de parenté à plaisanterie
--sonores et vidéos : bien que rares, des
enregistrements audio et vidéo qui mettent en scène des groupes
alliés présentant des manifestations culturels existent.
Capture3: groupe Yaadces vs Gulmantche, message texte
d'un gulmantche
Commentaire
Cette capture montre un message principal posté
par un gulmantché, allié à plaisanterie des
yaadcés. « Naaba Kiiba » est le nom de règne de
l'actuel roi des yaadcés. Le message dit en substance que Dieu appelle
le roi des yaadces autrement dit sa mort est proche et si ça se faisait
pour l'allié ça sera la fête.
3.4. Du contenu des messages
Les messages sont faits :
-d'injures...
-de moqueries...
-d'interpellations...
-d'appels à l'aide...
Quel que soit le contenu le message engendre du rire ou un
sourire illustrer par des émoticônes
(? ), des symboles
43
Capture 4 : groupe gourounsi vs bissa, message texte
d'un bissa
commentaire
DJ Arafat est un musicien ivoirien de renom qui a perdu
la vie en debut août 2019 suite à un accident. Un membre de ce
groupe exprime sa compassion à ses proches en affirmant qu'il aurait
aimé voir tous ses alliés à plaisanterie mort à la
place de DJ Arafat.
4. Tableau comparatif entre la pratique en
présence et celle sur FB
La lecture croisée des différents résultats
permet d'opérer une comparaison entre la pratique en
temps réel et son expression sur FB.
Tableau 5 : éléments de comparaison
pratique en présence versus pratique sur FB
Eléments de comparaison
|
Pratique en présence
|
Pratique sur FB
|
Le cadre
|
-Cadre ouvert, naturel
|
-Espace numérique
|
Acteurs
|
-appartenir à un groupe
concerné
-pas besoin d'être initié, on pratique par
l'exemple
-des personnes en présence, généralement se
connaissent
|
-être accepté dans le groupe -Etre initié
à l'utilisation de FB
-être à mesure de se procurer une connexion
|
44
Eléments de comparaison
|
Pratique en présence
|
Pratique sur FB
|
Espaces et occasions
réservés à la pratique
|
-être présent -le village
-les cérémonies
|
-peu importe où l'on se
trouve et le moment choisi pour s'exprimer
-
|
Outils
|
-les paroles, l'expression
corporelle et faciale
-le rire, les cris, le silence -les gestes, les mimes
|
-des messages écrits, des
photos, des vidéos, des sons
-des émoticônes, des caricatures, des symboles
|
|
|
|
Tableau conçu par nous sur la base des résultats de
la recherche
45
CHAPITRE 4 : DISCUSSION DES RESULTATS ET PERSPECTIVES DE
L'ETUDE
1. DISCUSSIONS
Cette section que nous consacrons à
l'interprétation des résultats tient compte aussi bien des
objectifs de l'étude, des questions de recherche, que de la
théorie de l'analyse des réseaux sociaux(TAR) retenue comme
fondement de la recherche. Nous procédons par une reprise de chaque
question de recherche comme axe d'interprétation tout en faisant appel
à la théorie comme moyen de lecture approfondie des
réponses afin de confirmer ou infirmer les hypothèses.
1.1. De l'ancrage de la pratique dans la
société Burkinabé
Les résultats obtenus et analysé confirment le
fait que l'ensemble des groupes ethniques du Burkina est impliqué d'une
manière ou d'une autre dans la pratique de la PAP. L'ensemble des
interviewes soutient que ses fondements et le rôle qu'elle joue lui
assurent un enracinement dans la vie quotidienne des populations. Les trois
aspects du rôle que la parenté à plaisanterie(ressortis de
l'analyse des résultats) est appelée à jouer paraissent
essentiels pour la survie même d'une humanité en proie aux
conflits. Pour une telle pratique la nécessaire adaptation à un
monde en perpétuelle évolution conditionne sa survie. D'où
l'intérêt de notre deuxième hypothèse qui postulait
que la PAP jouit d'un intérêt certain pour les ceux qui la
pratiquent sur FB.
1.2. De la place qu'elle occupe sur
Facebook
On retient des propos des participants à l'étude
que la plupart des groupes en présentiel se retrouvent aussi sur FB.
Cela est vrai si l'on s'en tient aux groupes ethniques les plus
représentatifs en termes de nombre de locuteurs dans le pays. En effet
et comme l'a révélé le recensement des groupes et
l'analyse des fils de discussions, cinq(5) groupes ethniques sont
présents et actifs sur FB. Ce sont d'ailleurs ces groupes que les
interviewés citent lorsqu'ils soutiennent que ceux qui la pratiquent en
présence la pratiquent aussi sur FB. Pourtant le pays compte une
soixantaine d'ethnies et la recherche documentaire a montré que toutes
sont impliquées d'une façon ou d'une autre dans des relations de
PAP en présence. On note néanmoins que les groupes
identifiés, de par le nombre et la diversité socioprofessionnelle
de leurs membres, de par l'engouement exprimé d'appartenance et de par
leur capacité
46
d'adaptation témoigne d'une présence
attestée de la pratique sur FB et de l'intérêt qu'on y
accorde.
1.3. De l'opportunité qu'offre FB pour
l'expression de la PAP
La présence de la parenté à plaisanterie
telle que decrite dans les données recueillies fait de FB non pas un
simple média qui informe sur la pratique, mais un espace qui se
prête réellement à une autre manifestation du
phénomène. FB va d'abord permettre à des personnes
concernées de vivre leurs traditions avec plus de flexibilité en
tentant de rapprocher les pratiques virtuelles le plus possible du réel
: les entités alliées accèdent à un même
espace de partage en se reconnaissant par les différents patronymes ou
en s'acceptant par le simple fait de la confiance; ils utilisent ensuite un
langage bien qu'écrit, réflète ce qui se passe en temps
réel(insultes, railleries, interpellations, moqueries...); l'interaction
bien que limitée en intensité est présente à
travers les commentaires et les repliques aux propos discourtois d'un
allié. Le rire et les manifestations émotives qui
caractérisent la pratique en présence sont traduites par des
émoticones, des symboles: des mains qui saluent, des yeux qui
s'écarquillent...
FB va aussi contribuer à rendre davantage populaire la
pratique, par le truchement du reseau social la prenté à
plaisanterie s'exporte partout dans le monde et reste accessible à tout
temps dans l'historique des fils de discussions. On peut donc affirmer que FB,
sans modifier le sens est un vecteur de conservation et de vulgarisation de la
parenté à plaisanterie. Mieux il renforce la portée de la
pratique en la rendant plus populaire.
Mais jusqu'où cette capacité reduit-elle la
distance qui sépare le virtuel du réel?
1.4.Des limites objectives de la rencontre entre le
virtuel et le réel
Quoiqu'efficace et attrayante, la pratique de la PAP sur FB,
ne reste qu'une image, l'imitation d'un fait culturel qui en présence
n'admet pas d'intermédiaire. Le numérique en effet n'autorise pas
toute la convivialité propre au présentiel. La pertinence de la
contribution de FB à la promotion de la pratique est relativisée
par le fait que toutes les personnes concernées n'y ont pas accès
de façon automatique. En effet la pauvreté,
l'analphabétisme et la fracture numérique font que la pratique
sur FB bien que ouverte demeure sélective pour les populations du
Burkina Faso.
Le rire et l'expression corporelle qui caractérisent la
pratique sont quasiment absents dans la pratique sur le réseau social.
Les symboles et les émoticônes qui tentent de traduire la
réalité ne permettent pas de vivre l'hilarité
généralisée dans laquelle le public qui assiste à
une scène de parenté à plaisanterie en présence
peut se retrouver.
Enfin et en croire l'ensemble des participants, plusieurs
personnes participent aux échanges mais ne connaissent vraiment pas les
principes de la pratique. Il arrive que certains propos
47
frisent l'irrespect ou soient jugés comme tels
L'interviewée MG5 affirme à ce propos «.Je suis
toujours dans deux groupes mais j'évite de participer aux
échanges, « ...il y a des gens qui profite insulter
réellement ou dire les vrais défauts des gens, je ne supporte pas
ça ». De la même manière, dans certains
groupes, la pratique semble être influencée par les pratiques
modernes de l'humour dans lesquelles on s'autorise à parler aux gens
sans se soucier si ce sont des alliés à plaisanterie.
De ce qui précède nous nous rendons à
l'évidence qu'il existe une distance raisonnable mais infranchissable
entre PAP en présence et PAP sur FB.
1.5. De notre lecture globale de la
situation
De l'interprétation qui découle de l'analyse des
données, nous notons de façon globale que la pratique est
pleinement ancrée dans la société aussi bien
historiquement que géographiquement. Cette situation justifie en grande
partie qu'elle essaie d'occuper tous les espaces qui s'offrent à elle,
dont FB. Comme quoi pour résister et pour survivre à la
modernité la pratique doit s'intégrer à travers ses
espaces de progrès.
FB offre donc la possibilité à la PAP non
seulement de s'adapter à la modernité mais aussi de s'y
promouvoir. Des limites existent et s'expliquent par les
caractéristiques mêmes aussi bien de FB que de la PAP.
Cette lecture nous autorise à conclure de cette
discussion que nos quatre hypothèses se trouvent vérifié
dans les limites de l'utilisation des outils que nous avons
mobilisés.
2. LIMITES ET PERSPECTIVES DE L'ETUDE
2.1. Des limites
La plus grande difficulté que nous avons vécue
est celle liée au fait que nous n'ayons pas pu conduire la recherche
d'un trait. Pour des contraintes de divers ordres, nous avons été
obligés de suspendre la recherche plusieurs fois. Ce qui a
créé des doutes par moment quant à l'aboutissement de la
recherche. Cette situation a joué sur la non prise en compte dans notre
exploration de certains aspects du fonctionnement des groupes sur FB. Ce sont
par exemples le rythme de création des groupes, la variation du nombre
des membres des différents groupes ou le niveau de
représentativité des groupes les uns par rapport aux autres.
Il y a donc des raisons de penser que pour être
complète une telle étude devrait prendre en compte plusieurs
autres aspects du fonctionnement des groupes.
2.2. Des perspectives
Comme indiqué plus haut notre recherche bien que
comportant une part d'inédit est loin d'avoir épuisé la
question. Cette étude pourrait donc se poursuivre en mettant un accent
sur l'évolution
48
des groupes et la régulation des fils de discussions.
Ces aspects pourraient contribuer à l'élaboration d'un
schéma type des groupes de PAP évoluant sur FB et ce dans la
perspective d'une exploitation pédagogique de ces groupes.
Il serait en effet approprié que le système
éducatif du Burkina qui vient d'inscrire l'enseignement des savoirs
endogènes dans la réforme en cours des curricula, envisage une
exploitation de Facebook comme technologie à même de faciliter et
accélérer les apprentissages.
Enfin des propos des participants on note des propositions qui
vont dans le sens d'accroitre la présence de la pratique sur Facebook
tout en travaillant à rapprocher le plus possible pratique en
présence et pratique en virtuel. Ils suggèrent entre autres :
-d'encourager les intellectuels des ethnies les moins
représentées à créer de groupes et les animer quel
que soit le nombre des adhérents,
-de susciter des regroupements périodiques en
présentiel des membres des groupes actifs vivant dans le même
espace géographique pour renforcer la connaissance mutuelle
-l'organisation des activités d'intérêts
communs et pour cela les responsables doivent utiliser l'espace qui leur est
offert pour mobiliser les membres
CONCLUSION
A l'origine comme aujourd'hui encore la parenté
à plaisanterie évite bien des conflits. Au bureau, dans la rue,
en famille ou avec des amis, à l'occasion d'un mariage, d'un
baptême, de funérailles, de travaux d'intérêt public,
de résolution de conflits, la parenté à plaisanterie
embellit la vie quotidienne et donne lieu à des situations incongrues.
Dans le cadre de Cette étude nous nous demandions si cette tradition
encore vivace qui consiste à faire semblant de créer un conflit
avec le représentant d'une entité alliée ; ce pacte qui
permet aux protagonistes de s'insulter, de se railler et de se bousculer
à l'envi, sans risque de dérapage pouvait s'exporter efficacement
sur la toile ? Pour y parvenir nous avons d'abord exploré les
connaissances existantes sur la PAP avant de mener une enquête
auprès des groupes dédiés à la pratique sur FB. Les
résultats obtenus confirment que la parenté à plaisanterie
s'adapte non seulement à cet espace numérique de rencontres
qu'est FB mais aussi trouve en lui un instrument qui fait évoluer sa
pratique.
A l'heure où les rencontres virtuelles se multiplient
et ou les échanges et les centres d'intérêts semblent faire
fi de l'origine des individus, nous avons pu comprendre à travers cette
étude comment la parenté à plaisanterie se manifeste sur
FB en s'efforçant à travers les fonctionnalités
qu'il offre d'imiter la réalité. Mais la
réalité telle que nous l'avons découvert à travers
les propos des participants et l'analyse des fils de discussion montre que la
pratique sur FB n'est à mesure ni de remplacer la pratique en temps
réel ni l'égaler de façon efficace.
Mais les perspectives sur lesquelles s'ouvre cette
étude nous autorisent à croire que la présence de la
parenté à plaisanterie ira en s'accentuant sur Facebook. Nous
inscrivant dans le prolongement de l'appel du CNRST (1995 : 360)26,
nous pensons que l'opportunité qu'offre Facebook devrait être
prise en compte par le système éducatif formel dans le sens d'une
appropriation attrayante de cette valeur endogène par les scolaires.
49
26« Il paraît opportun de les [les parentés
ou alliances à plaisanterie] identifier, de les classer et de les
analyser afin d'en tirer un meilleur parti ».
50
BIBLIOGRAPHIE
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plaisanterie au Burkina Faso, mécanisme de fonctionnement et avenir,
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51
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« Littérature, philosophie, art et conflits », 1er
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http://www.refer.sn/ethiopiques
Michel Marcoccia, « Définitions et
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linguistique appliquée 2012/2 (n°166), p. 157-169
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et des parentés à plaisanterie au Burkina Faso : historique,
pratique et devenir In Les grandes conférences du Ministère de la
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contes en Afrique de la tradition- Pour une société d'entraide,
de solidarité et de justice, Coll. Culture Africaine, avril
2017,140p
Radcliffe-Brown, A. R., On joking relationship, Africa, 13,
London, 1940, p.195-210
Sessouma Dramane, « Les parentés à
plaisanterie », in regard, N°37 du 21 au 27 juin 1993, pp8-11
52
ANNEXES
Annexe 1 : tableau exhaustif des ethnies alliées
à plaisanterie au Burkina Faso
Groupe ethniques concernés
|
Groupes ethnique alliés
|
Espaces
géographiques concernés
|
Bissa
|
Gourounsi, yaadce, Samo
|
Centre Est
|
Birifor
|
Lobi, Gouin, Dafing
|
Sud-ouest
|
Bwaba
|
Peul, Sembla, dafing
|
Ouest
|
Bobo-dioula
|
Peul, sembla, dafing
|
Ouest
|
Bozo
|
Dogon
|
Sud
|
Dafing
|
Peul, bobo-dioula, bwaba
|
Ouest
|
Dagara
|
Siamou, sénoufo, djerma
|
Sud-ouest
|
Djan
|
djerma
|
Sud
|
Dogon
|
bozo
|
Sud
|
Fulsé
|
Gourounsi, goulmantche, bissa
|
Nord, sahel
|
Gourounsi
|
Bissa, djerma
|
Centre-ouest, centre-sud
|
Goulmantche
|
Yaadcé, kotokoli, djerma, peul, dagomba,
|
Est
|
Djerma
|
Lobi, djan, dagara
|
Est, sahel
|
Dioula
|
lobi
|
Ouest, sud
|
Lobi
|
Dioula, djerma, birifor
|
Sud-ouest
|
Mossi
|
Samo, samogho
|
Centre, centre sud, centre-est, nord, centre nord, centre
ouest
|
Peul
|
Bobo mandarè, yarsé, bambara, maransé,
dioussanbé, bwaba, bobo-dioula, marka
|
Sahel
|
Puguli
|
Dagara, peul, djerma, Bwaba, turka, senoufo,
|
Sud-ouest
|
Samo
|
mossi
|
Nord-ouest
|
Sénoufo
|
Dagara,lobi,djan
|
Sud
|
Sembla
|
Toussian, bobo-dioula
|
Ouest
|
Siamou
|
Djan, lobi, dagara, puguli
|
Ouest
|
Toussian
|
Sembla, lobi,dagara
|
Ouest
|
Turka
|
Dagara, lobi
|
Sud
|
Vigué
|
Peul,Bwaba
|
ouest
|
Ko
|
Djerma, peul, bissa, lagana
|
Sud
|
Yana
|
zaoosé
|
Est
|
Annexe 2 : liste des sites recensés sur FB
no
|
Nom du site
|
Nombre de membres
|
|
A L L I A N CE
|
|
01
|
Alliance interethniques et intervillage africaine
|
24114
|
02
|
Alliances à plaisanterie pour toutes les ethnies
|
381
|
03
|
Alliance à plaisanterie
|
25
|
53
no
|
Nom du site
|
Nombre de membres
|
04
|
Alliance à plaisanterie
|
09
|
05
|
A .I.B alliance à plaisanterie
|
1688
|
06
|
Alliance à plaisanterie Sinankounya entre les...
|
09
|
07
|
Alliance Cascade et Sud-ouest : parenté à
plaisanterie
|
65
|
|
C O U S I N
|
|
01
|
Le coin des cousins à plaisanteries
|
65
|
02
|
Cousins et cousines à plaisanterie
|
2475
|
03
|
Sanakouya « cousin à plaisanterie »
|
1670
|
04
|
Cousin(es) à plaisanterie
|
8
|
05
|
Les cousins à plaisanterie des Ouendeno
|
24
|
06
|
SAMA KAL « cousin à plaisanterie »
|
Page communauté
|
07
|
Cousinage à plaisanterie (sinankouya)
|
184031
|
|
P A R EN T E
|
|
01
|
Parenté à plaisanteries
|
27625
|
02
|
La PAPLIE (la parenté à plaisanterie
inter-ethnie)
|
87
|
03
|
Parenté à plaisanterie Rakiiré
|
466
|
04
|
Parenté à plaisanterie grande famille lobbi/
|
731
|
05
|
Au seuil de la parenté à plaisanterie
|
143
|
06
|
Parenté à plaisanterie au Burkina Faso
|
25
|
07
|
Parenté à plaisanterie
|
448
|
08
|
Parenté à plaisanterie samo mossi
|
449
|
09
|
Parenté à plaisanterie zorgho koupela
|
468
|
10
|
Parenté à plaisanterie (Bissa vs Yadse)
|
1160
|
11
|
Rakiire(parenté à plaisanterie)
|
739
|
12
|
Parenté à plaisanterie
|
318
|
13
|
Parenté à plaisanterie=liberté
|
436
|
14
|
Parenté à plaisanterie Bissa vs gourounsi
|
74
|
15
|
Parenté à plaisanterie SANA (
|
235
|
16
|
Parenté à plaisanterie
|
248
|
17
|
Parenté -A-plaisanterie
|
213
|
18
|
Parenté à plaisanterie
|
177
|
19
|
Parenté à plaisanterie TEMA/BOKIN
|
58
|
20
|
Parenté à plaisanterie (rakiiré)
mossi/samo
|
41
|
21
|
Parenté à plaisanterie (rakiiré)
|
15
|
22
|
Parenté à plaisanterie
|
141
|
23
|
Parenté à plaisanterie (face à face)
objet...
|
49
|
24
|
La parenté à plaisanterie (#bobo...)
|
571
|
25
|
Parenté à plaisanterie
|
453
|
26
|
Maha Yelma (parenté à plaisanterie)
|
31
|
27
|
Les faits divers-parenté à plaisanterie
|
377
|
28
|
Parenté à plaisanterie :koupela...
|
46
|
29
|
Parenté à plaisanterie(RAAKIRE)
|
306
|
30
|
Humour et parenté à plaisanterie au BF
|
|
31
|
Parenté à plaisanterie TEMA/Bokin
|
98
|
32
|
Parenté à plaisanterie Bobo, dafing et...
|
16
|
33
|
Parenté à plaisanterie
|
17
|
54
no
|
Nom du site
|
Nombre de membres
|
34
|
Parenté à plaisanterie : yadcés vs
leurs...
|
57
|
35
|
Parenté à plaisanterie (mossi,s...)
|
1
|
36
|
Parenté à plaisanterie au Burkina Faso
|
18
|
37
|
Entre nous (parenté à plaisanterie)
|
|
38
|
Parenté à plaisanterie : senoufo-dagara
|
|
39
|
Parenté à plaisanterie (mossi-samo)
|
20
|
40
|
Parenté à plaisanterie bendre-yarga
|
8
|
41
|
Nanoro-yako (parenté à plaisanterie)
|
|
42
|
Parenté à plaisanterie yaana /zaoga
|
|
Annexe 3 : Guide d'entretien
Entretien à réaliser avec les
administrateurs et les membres des groupes Facebook sur la parenté
à plaisanterie
Ce guide d'entretien est élaboré dans le cadre
de mon master en technologie de l'éducation à l'université
Cergy-Pontoise. Voudriez-vous acceptez de m'accorder un peu de votre
précieux temps afin de me permettre de recueillir votre avis de
praticien sur la question. L'entretien se fera à votre
préférence sur Messenger, Whatsapp ou en présentiel. Tout
en vous assurant que les données recueillis ne seront traitées
que dans le cadre de ce mémoire, je vous remercie d'avance pour la
contribution.
GUIDE D'ENTRETIEN
I. Place de la parenté à plaisanterie sur
Facebook
1. Quels sont les groupes qui pratiquent la parenté
à plaisanterie sur Facebook ?
2. Qu'est ce qui caractérise la pratique sur FB ?
II. De l'apport de Facebook à l'évolution
de la pratique
1. En quoi Facebook constitue un avantage à la promotion
de la parenté à plaisanterie ?
2. Quelles différences y a t- il entre la pratique en
présence et la pratique sur Facebook ?
III. Des limites de la pratique sur Facebook
1. Qu'est ce qui limite la pleine expression de la
parenté à plaisanterie sur Facebook ?
2. Ya-t-il des risques pour la PAP à s'exporter sur
Facebook ?
IV. Des perspectives sur la présence de la PAP sur
Facebook
1. Comment voyez-vous l'avenir de la parenté à
plaisanterie sur Facebook ?
55
2. Quelles propositions faites-vous pour une contribution
optimale de Facebook à la promotion de la parenté à
plaisanterie ?
Merci pour votre contribution !
|