Institut de formation en soins infirmiers MGEN - La
Verrière
INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS 13 Route
de Montfort
78320 LE MESNIL SAINT-DENIS
UE. 3.4 « Initiation à la
démarche de recherche » UE.
5.6 « Analyse de la qualité et traitement des
données scientifiques et professionnelles »
Travail de mémoire de fin d'étude
infirmier Semestre 6-Session 1
Alzheimer,
La musique un instrument de communication infirmier
?
Musique et santé, la musicothérapie et la
maladie d'Alzheimer. France
musique.fr 21 sept
2015
Claire DESMET
Promotion Lakotas 2013-2016
Directrice de Mémoire : Madame N.Leflot
Claire DESMET
Promotion LAKOTAS - 2013/2016
2
Note aux lecteurs
« Il s'agit d'un travail personnel effectué
dans le cadre d'une scolarité à l'IFSI et il ne peut faire
l'objet d'une publication en tout ou partie sans l'accord de son auteur
».
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont pu
m'aider à élaborer ce mémoire, de près ou de loin
:
Je remercie les formateurs de l'IFSI de la Verrière de la
promotion Lakotas qui m'ont guidée et encouragée pendant ma
formation.
Je remercie ma directrice de Mémoire pour m'avoir
motivée durant ces années difficiles émotionnellement,
pour m'avoir écouté et pour ses précieux conseils dans la
réalisation de ce projet.
Je remercie les documentalistes, qui m'ont aidée dans mes
recherches bibliographiques.
Je remercie les professionnels de santé qui ont
consacré de leur temps pour me rencontrer et me faire part de leurs
expériences. Ces entretiens ont été l'occasion d'enrichir
ma réflexion personnelle et professionnelle.
Je remercie mes amis et camarades de la promotion pour leur
soutien, leur compréhension et les phases de décompression lors
des moments difficiles.
Je remercie mes parents, premiers lecteurs et correcteurs de ce
travail.
Je remercie mon frère pour son aide, son soutien et ses
conseils de mises en forme.
Enfin je vous remercie, vous qui avez cet ouvrage entre les
mains, de porter un intérêt à mon travail.
3
Table des matières
Introduction 5
1 Problématisation 6
1.1 Situations de départ 6
1.2 Synthèse de mes recherches 7
1.3 Question de départ 10
2 Cadre conceptuel 11
2.1 La maladie d'Alzheimer 11
2.1.1 Représentation, image de la
société aujourd'hui 11
2.1.2 Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?
12
2.1.2.1 Point de vue médical 12
2.1.2.2 Un véritable problème de
Santé publique 14
2.1.2.3 Une prise en charge globale 16
2.1.2.4 Question d'éthique 17
2.1.2.5 Des origines psychologiques de la démence
? 18
2.1.3 L'expression des émotions 20
2.1.3.1 Du besoin d'expression des
émotions... 20
2.1.3.2 ...à la compétence
infirmière 20
2.2 Les effets de la musique sur le cerveau
22
2.2.1 Approche historique de la musique 22
2.2.2 Les neurones miroirs 23
2.2.3 Le Circuit de la récompense 23
2.2.4 Le pouvoir de la musique 24
2.2.4.1 Un pouvoir politique 25
2.2.4.2 Un pouvoir d'induction d'humeur 25
2.2.4.3 Un pouvoir d'identité 26
2.2.4.4 Un pouvoir de susciter des comportements
27
2.2.5 Effet neuro-plasticité du cerveau
27
2.2.6 Effets cognitifs de l'apprentissage musical
28
2.2.7 Et sur le cerveau Alzheimer ? 28
2.3 La musique un outil de médiation infirmier
31
2.3.1 Favorisant le bien être 32
2.3.1.1 Les bienfaits de la musicothérapie
réceptive 32
4
2.3.1.2 Les bienfaits de la musicothérapie active
34
2.3.1.3 Un bienêtre majoré à
plusieurs 35
2.3.2 Favorisant la communication 35
2.3.2.1 Corps et instruments à percussion
rythmique 37
2.3.2.2 La voix et timbre 37
2.4 Quelle place à l'infirmier pour un bon
processus thérapeutique ? 39
2.4.1 L'attitude 39
2.4.1.1 L'empathie 39
2.4.1.2 Le principe de la relation d'aide, d'Humanitude
39
2.4.1.3 Au rythme du patient 41
2.4.1.4 L'effet miroir, résonnance 41
2.4.1.5 Aider à la réévocation de
souvenirs 42
2.4.1.6 Susciter le désir et la
créativité 42
2.4.2 Capacités d'Analyse et d'adaptations aux
patients 44
2.4.3 Rôle de préservation de
l'identité 45
3 Exploration d'enquête 46
3.1 Présentation de la méthode
d'enquête 46
3.2 Présentation des personnes interviewées
46
3.3 Traitement des données et analyse
47
4 Les limites du travail et les difficultés
73
5 Synthèse 74
5.1 Question de recherche 75
Conclusion 76
Bibliographie 78
Liste des annexes 82
5
Introduction
J'ai pu remarquer, au fil de mes expériences
professionnelles que j'avais un attrait pour les soins relationnels. De la
même façon que V.HENDERSON l'annonce dans le tableau des 14
besoins fondamentaux, la communication me semble primordiale. En effet dans mon
parcours de formation j'ai rencontré lors des différents stages,
des patients qui avaient un réel besoin de communiquer avec les
soignants. En tant que stagiaire, j'ai eu la chance de pouvoir accorder une
place importante à la communication avec les patients. Dans mon
parcours, j'ai rencontré des patients anxieux d'être
hospitalisé avant une opération ou même anxieux de la mort
en gériatrie. J'ai été amenée à communiquer
avec des patients tristes d'avoir perdu un être cher ou bien triste de
s'être fait amputer le pied en SSR. De même l'agressivité a
été au coeur de la communication avec des patients
menaçant de fuguer en service de psychiatrie. Pour moi c'est une
nécessité de répondre aux besoins de ces personnes en
difficulté. Cependant ce n'est pas toujours simple. C'est en
établissement de personnes âgées que j'ai découvert
la maladie d'Alzheimer. Cette pathologie entraine une réelle
difficulté de communication. Cela a été frustrant pour moi
lors de stages auprès de ces patients d'avoir des limites de
communication. J'ai donc été stupéfaite lors du stage en
gériatrie d'observer les bienfaits de l'utilisation de la musique en
particulier sur une patiente Alzheimer. De ce fait, je suis motivée pour
travailler deux situations qui m'ont interpellée et évoquant le
thème de la musique et de la maladie d'Alzheimer. De plus la musique
occupe une place importante dans ma vie. Je pratique la guitare classique
depuis six ans. J'ai aussi été intéressée par les
cours à mon IFSI sur les soins relationnels, le système nerveux,
la psychologie et le processus dégénératif notamment la
maladie d'Alzheimer. Les deux situations que j'ai vécues m'ont ainsi
immédiatement interpellée, elles font écho à mes
centres d'intérêts. La maladie d'Alzheimer est un sujet de
recherche actuelle. Des chercheurs travaillent sur cette maladie neuro
dégénérative. Cela a aussi attiré mon attention car
il s'agit de la démence la plus fréquente en France, la
3ième la plus grave selon les Français. Dans un
premier temps je décrierai mes situations d'appel et mes recherches qui
ont abouties à la formulation de ma question de départ. Dans un
second temps je développerai les concepts de la question autour d'un
cadre théorique. Dans un troisième temps je mènerai mon
enquête de terrain autour d'entretiens. Ensuite j'analyserai les
données recueillies par thèmes et les comparerais aux
données du cadre théorique. J'identifierai les limites et les
difficultés rencontrées lors de ce travail. Enfin
j'établirai une synthèse qui me dirigera vers une question de
recherche et je conclurai ce mémoire.
6
1 Problématisation 1.1 Situations de
départ
C'était en établissement d'hébergement
pour personnes âgées pendant ma deuxième semaine de stage
un après-midi à 15h.
Différentes activités étaient
organisées dans cet EPHAD. Cette journée ci était une
journée consacrée au développement de la mémoire
(le jeu du baccalauréat, la musique). Je n'avais encore jamais
assisté à une « journée mémoire ». Les
soignants et moi avions invité les résidents
intéressés par une activité musicale, à s'assoir
sur les fauteuils dans le salon en demi-cercle, ils étaient une dizaine.
L'animateur était debout avec un micro face à tous les
résidents tandis que l'infirmier, les 2 aides-soignantes et
moi-même étions dispersés assis dans le cercle.
L'animateur expliqua aux résidents qu'il allait mettre
de la musique et qu'il ne fallait pas hésiter à fredonner en
même temps la mélodie, à chanter les paroles si on les
connaissait. Puis il mit un disque d'Edith Piaf et je fus stupéfaite en
regardant les résidents. Ces derniers, ravis d'entendre la musique,
fredonnaient la mélodie, marquaient le rythme avec leurs pieds et leur
tête, chantaient ou encore dansaient accompagnés des soignants.
Cependant ce qui m'a le plus interpellé à ce moment, c'est
lorsque mon regard s'est posé sur la résidente assise à
mes côtés. Son visage était illuminé, elle souriait
et chantait de vive voix en se souvenant de toute la chanson. Je la connaissais
bien cette résidente pour m'être occupée d'elle pendant
toute la première semaine de mon stage. Madame P était atteinte
de la maladie d'Alzheimer à un stade sévère. Son
état me semblait très dégradé. Ses capacités
étant très restreintes, j'avais une grande difficulté
à communiquer avec elle et cela me frustrait. J'avais pu identifier un
manque de mots, une désorientation, la perte de capacité à
réaliser des gestes simples ou de reconnaitre des objets, de
l'agressivité ou encore de l'apathie.
Je m'étais assise dans le cercle à coté
de cette résidente car elle me semblait apathique ce jour ci et cela me
frustrait de la voir dans cet état. Je voulais l'accompagner dans cette
activité en essayant de la stimuler d'une quelconque façon en
chantant à ses côtés. J'avais quelques inquiétudes,
je m'étais dit que peut être lors de l'activité musicale
elle ne se serait pas sentie à sa place, perdue, anxieuse, ne se
souvenant d'aucun air ou paroles, qu'elle se serait réfugiée dans
un mutisme.
J'ai donc été déconcertée en
observant une amélioration du comportement de la résidente
souriante et se souvenant soit de la mélodie soit des paroles suivant
les différents morceaux de
7
musique. Cela me réjouissait qu'elle puisse se souvenir
un peu, de pouvoir chanter avec elle, de communiquer des émotions
à travers la musique. L'activité a duré environ 3/4
d'heure.
J'ai retrouvé une situation semblable à celle
décrite ci-dessus. Lors de la dernière semaine de ce même
stage, en début d'après-midi une chorale composée de 5
choristes est venue chanter dans ce même salon, les résidents
étant disposés à peu près de la même
façon que dans la situation précédente. Cette fois ci
c'était plutôt des choeurs, avec qui nous n'étions pas
familiers et de plus dans une langue autre que le français. A un moment
donné les choristes ont voulu faire participer les résidents
présents dans le salon en leur apprenant un petit air musical avec
quelques mots. Pour cela ils répétaient avec eux à
plusieurs reprises pour s'assurer qu'ils intégraient bien la
mélodie et les quelques petits mots dans leur langue. Les choristes ont
expliqué aux patients qu'ils devraient chanter ce petit air quand ils
leurs feraient signe.
J'ai été très surprise de voir encore ici
des résidents atteints de la maladie d'Alzheimer qui intégraient
le petit air et qui étaient encore capables de le reproduire à la
fin de l'après-midi.
1.2 Synthèse de mes recherches
Ce qui a suscité mon intérêt a
été de me questionner sur les effets positifs que pouvait
procurer la musique notamment sur la maladie d'Alzheimer. J'ai enrichi mes
connaissances sur cette maladie grâce à un magazine de la
santé.1 Puis j'ai assisté à une
conférence à Radio France2 sur le thème des
effets de la musique sur le cerveau, avec des professionnels
(musicothérapeutes, chercheurs, historiens, neurologues, sociologues,
psychologues, philosophes). Cela a attiré mon attention car en lisant le
programme j'ai constaté qu'une partie était dédiée
à la maladie d'Alzheimer. J'ai appris qu'on a mis longtemps à
reconnaitre qu'on pouvait mélanger la culture et la santé car on
s'est rendu compte tard des bienfaits d'un outil culturel (la musique) sur la
santé. Ces rencontres m'ont appris l'existence d'une «
mémoire musicale » qui occupe une grande partie des régions
du cerveau. Or dans la maladie d'Alzheimer, cette mémoire musicale est
préservée puisque seule la région de l'hippocampe est
dégradée. De plus c'est la mémoire à court terme
qui est la plus déficiente. Ainsi j'ai mieux compris ma
1ère situation dans laquelle la patiente peut se souvenir
1 Dr M.CARRERE, Dr M.CYMES La Maladie d'Alzheimer 2007
Paris
2 Conférence Cycle musique et cerveau Radio
France 12 septembre 2015
8
des paroles de chansons anciennement apprises. Cependant la
2ième situation est plus surprenante car il s'agit de paroles
de chanson nouvelles que les patients n'ont jamais apprises auparavant. Les
malades ont perdu la mémoire mais ont-ils pour autant perdu la
capacité d'apprendre ? Les professionnels sont restés assez
perplexes sur la question d'effets positifs sur la mémoire. J'apprends
des neurologues lors de cette conférence que la perte de la
mémoire chez un malade Alzheimer est un fait incontestable. Ils ne sont
à priori plus capables de se rappeler une nouvelle information.
Cependant à cette conférence H.Platel neuropsychologue, nous fait
part d'une expérience vécu dans l'unité Alzheimer de la
résidence des pervenches dans le Calvados. Lors d'un atelier de chants,
il s'est aperçu que des personnes Alzheimer de stades
modérés à sévères, réussissaient
à apprendre des chansons nouvelles. La mémoire musicale serait
soutenue par un plus vaste réseau cérébral que la
mémoire du langage « La musique capte notre cerveau
»3. Son expérience m'a interpellée car elle
fait écho avec ma 2ième situation. Il serait ainsi
intéressant d'approfondir mes recherches sur les effets de la musique
sur la mémoire des personnes Alzheimer bien qu'il semblerait
d'après les chercheurs que ces effets soient assez limités. En
revanche j'ai constaté des effets dans d'autres domaines tels que la
communication et le bien-être.
Je constate que j'utilise parfois le mot « musique »
et parfois « musicothérapie ». Mes recherches m'ont fait
comprendre que la thérapie est un moyen de prévenir, traiter,
soigner ou soulager une maladie. Elle ne fait pas que traiter dans le but de
guérir mais aussi de soulager donc je pense pouvoir utiliser le mot
« musicothérapie » car dans ma première situation, la
patiente n'est-elle pas « soulagée » de pouvoir s'exprimer
?
Dans mes lectures je retrouve deux types de
musicothérapie4 : active ou l'on fait faire de la musique aux
patients avec des instruments et réceptive où on leur fait
écouter de la musique. Il s'agissait donc de musicothérapie
réceptive dans mes situations. Je pourrais néanmoins m'interroger
sur ces deux types dans mon mémoire. En me renseignant sur
l'identité du musicothérapeute, j'apprends que ce n'est pas une
spécialité de l'infirmière mais une formation à
part. C'est pourquoi j'orienterai mon mémoire sur «
l'infirmière et la musique » plutôt que sur
l'infirmière ayant une formation de musicothérapeute. Je pense
malgré tout pouvoir m'appuyer sur leurs expériences pour la
rédaction de ce mémoire.
3 Hervé PLATEL France Inter La tête au
carré Le pouvoir thérapeutique de la musique Emission 4 mars
2014
4 Edith LECOURT Découvrir la
musicothérapie 2005 Paris
9
A ce stade deux aspects sont mis en exergue : La musique comme
outil de médiation et la prise en charge infirmière de la maladie
d'Alzheimer. Je me pose la question suivante :
« En quoi la musique peut-elle être un
instrument infirmier permettant la prise en charge d'un patient atteint de la
maladie d'Alzheimer ? »
J'utilise le jeu de mot « instrument infirmier » car
cela évoque l'instrument de musique et fait référence
à un outil utilisable par l'infirmier. Je me rends compte que le verbe
« permettre » ne reflète pas exactement l'idée que je
souhaiterai exprimer car la musique ne pourrait pas en elle-même
être efficace pour une prise en charge globale des patients Alzheimer.
C'est pourquoi je remplace le verbe « permettre » par «
favoriser ». En effet je vois la musique plutôt comme un outil qui
pourrait aider le patient Alzheimer dans certains aspects de sa prise en
charge. Je me suis donc demandée ce que je mettais derrière la
notion de « prise en charge ». Suite à mes recherches sur les
prises en charges infirmières de la maladie d'Alzheimer j'ai
constaté que les soins infirmiers regroupaient toilettes habillage
pansement médicaments surveillance de la tension soins relationnels. Ma
volonté est de cibler cette « prise en charge » du
côté de la communication, du bien-être car j'ai eu un moment
privilégié avec la patiente à ce moment.
A ce stade de mon travail voilà la question que je
pense a priori retenir :
« En quoi la musique peut-elle être un
instrument infirmier favorisant la communication, la relation, le bien
être d'un patient atteint de la maladie d'Alzheimer ?»
En EHPAD, j'ai interrogé un infirmier, un animateur et
une psychologue. Cela m'a confirmé la difficulté de la
communication avec les patients Alzheimer. Répondre à une malade
qui oublie le décès de son mari et qui s'inquiète de son
absence est difficile. Les professionnels ne savent plus si ils doivent les
réorienter dans la réalité ou pas. Ils insistent sur la
difficulté lors de stade sévère où les
symptômes étant importants, la communication devient
problématique. Ce travail de recherche a un intérêt pour la
profession car les infirmiers cherchent des stratégies pour favoriser la
communication et le bien-être avec les personnes Alzheimer de la
même façon que je le cherche au travers de la musique. Les
professionnels évoquent le principe d'Humanitude comme stratégie
de communication, je m'en inspirerai lors du mémoire comme attitude
à adopter lors d'utilisation de musique. Je constate que l'infirmier
utilise la musique en collaboration avec les professionnels. Il me
témoigne d'une collaboration par rapport à des patients Alzheimer
très agités et la mise en place d'ateliers de musique pour les
calmer. Les résultats ont été surprenant, en allumant les
enceintes et baissant
10
la lumière, ils se sont apaisés voir endormis.
Selon l'infirmier il est nécessaire d'adapter les musiques aux patients.
L'infirmier a donc son rôle à jouer dans ses compétences
d'analyse de l'état de santé du patient. Par exemple les musiques
classiques sont utiles pour créer une ambiance relaxante, calmer les
patients agités et même pour faire revisiter parfois le
passé des patients. La confrontation avec les pairs me confirme les
effets bénéfiques de la musique. L'infirmier évoque une
patiente qui aimait la musique plus jeune et qui ne communique plus beaucoup,
elle est repliée sur elle et ne fait plus d'activité
proposée. Les professionnels me témoignent qu'elle
s'épanouit lorsqu'ils lui font écouter de la musique. Ils peuvent
chanter avec elle et ainsi entrer en communication par la transmission du
plaisir de la patiente. L'infirmier utilise aussi la musique dans la chambre
des patients, pour les réveiller, lors des soins douloureux ou
simplement pour communiquer.
1.3 Question de départ
A l'issue de mes recherches et des échanges avec mes
pairs j'ai donc décidé de cibler le stade sévère de
la maladie qui pose une plus grande problématique : À ce stade,
la personne est incapable de communiquer verbalement, de prendre soin
d'elle-même. L'objectif des soins est de continuer à soutenir la
personne, lui assurer la meilleure qualité de vie possible. Par ailleurs
je supprime le mot « relation » en gardant « communication
» car lorsque nous sommes en communication avec quelqu'un, nous sommes
aussi d'une façon en relation avec cette personne. Je retiens donc la
question de départ suivante :
«En quoi la musique peut-elle être un
instrument infirmier favorisant la communication et le bien être avec les
patients atteints de la maladie d'Alzheimer de stade sévère en
institution ? »
Universcience.fr
Alzheimer, la musique freine la maladie
11
2 Cadre conceptuel
2.1 La maladie d'Alzheimer
2.1.1 Représentation, image de la
société aujourd'hui
Les représentations de la maladie d'Alzheimer sont
souvent négatives :
« Images de déchéance, de
dépossession de soi, de renoncement à la vie... La maladie
d'Alzheimer semble cristalliser toutes les peurs liées au vieillissement
et à la démence. L'irréversibilité du processus de
destruction accentue son caractère dramatique. Au-delà même
de la perte de la mémoire, des capacités de compréhension
et d'expression, c'est la perte d'identité qui est source d'angoisse, la
peur de devenir étranger à soi-même et à ceux que
nous aimons. Ces représentations effrayantes ne facilitent pas la
reconnaissance de son statut par le « malade d'Alzheimer »5
Si je devais donner une définition de ma
représentation de la maladie d'Alzheimer, j'évoquerai une
pathologie incurable de la personne âgée principalement et
entrainant la perte de la plupart des capacités fonctionnelles
cognitives où la mémoire est déficiente, la
temporalité confuse, la communication altérée. Ma
perception des patients atteints de cette maladie est donc assez
négative.
Selon Suzanne OGAY auteur et musicothérapeute, «
l'image de la personne dite démente que véhicule la
conception paradigmatique scientifique médicale s'est imposé dans
notre culture par son caractère d'aliéné, de
détérioré, d'insensé et, par glissement d'exclu.
L'anormalité de son statut la rejeté dans le monde des
déviants »6.
En confrontant ma représentation de la maladie
d'Alzheimer avec ces propos, je constate que ma propre définition rentre
bien dans ce contexte. La société actuelle semble avoir une
vision assez pessimiste des capacités de ces malades. Mais sont-ils
vraiment des « causes perdues » ? Je comprends l'intérêt
qu'ont actuellement les chercheurs à s'interroger sur les effets
bénéfiques de la musique sur la maladie d'Alzheimer compte tenu
des représentations que l'on peut avoir. Ma question de départ
m'aidera ainsi à y réfléchir. Moi-même j'ai
été surprise lors de mon stage de constater que les patients
Alzheimer de stade sévère étaient encore capables de
mobiliser des capacités d'apprentissage. Peut-être faut-il avant
tout mieux se
5 Représentations de la maladie d'Alzheimer.
», Études 12/2009 (Tome 411), p. 661-668 disponible sur
www.cairn.info/revue-etudes-2009-12-page-661.htm.
6 OGAY Suzanne « Alzheimer communiquer
grâce à la musicothérapie » 1996
12
renseigner sur ce qu'est la maladie d'Alzheimer. Qu'est ce qui
n'est pas « abimé » ? Quelles sont les capacités
restantes ?
Suzanne OGAY explique que « la science a tendance
à se focaliser sur la maladie, le cognitif où les déficits
ont un ton négatif. Elle laisse de côté le sujet avec sa
vie affective ». Or PLOTON dit que « s'il est un être
affectif intuitif et sensitif, c'est bien le sujet réputé
dément, qui n'est peut-être que cela »7.
C'est pourquoi j'aborderai la maladie d'Alzheimer avec une approche
scientifique mais tout en prenant en compte l'être affectif et les
émotions du dément.
2.1.2 Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?
2.1.2.1 Point de vue médical
La connaissance de la maladie d'Alzheimer m'aidera à
répondre à ma question de départ. Un peu d'histoire
: la maladie d'Alzheimer a été décrite pour la
première fois en 1907 par Aloïs ALZHEIMER neuropsychiatre Allemand.
Intrigué par les symptômes d'une patiente, il décide de
réaliser une autopsie qui révèle la présence de
lésions particulières qui deviendront par la suite la signature
de la maladie : les dégénérescences fibrillaires et les
plaques séniles.
Le célèbre médecin Michel CIMES connu
pour ses émissions scientifiques de télé, décrit
dans le livre « la maladie d'Alzheimer »8, les
caractéristiques de cette maladie. Il s'agit d'une maladie
cérébrale qui détériore progressivement les
facultés intellectuelles et les capacités d'adaptation. Les
scientifiques ne connaissent pas l'origine exacte mais plusieurs facteurs
semblent en cause, notamment une prédisposition génétique
ou encore un appauvrissement vasculaire réduisant le débit en
oxygène entrainant de l'athérosclérose mais aussi un
appauvrissement métabolique : le cerveau perd sa capacité
à capter le glucose dont il se nourrit. Les traitements actuels reposent
sur la prise en charge des symptômes et une adaptation à
l'environnement. Si ces traitements ralentissent l'évolution de la
maladie, ils ne permettent en aucun cas de guérir. Deux types de
lésions sont distingués :
La plaque sénile ou amyloïde est
une accumulation de certaines molécules, les peptides
bêta-amyloïdes entrainant la mort de neurones.
7 PLOTON.L « La personne âgée son
accompagnement médical et psychologique et la question de la
démence » Lyon 1990
8 CYMES Michel et CARRERE Marina « La maladie
d'Alzheimer » Paris 2007
13
La dégénérescence fibrillaire
: La protéine Tau dans les neurones permettant la
stabilité des axones, est normale mais des groupements phosphates en
surnombre sont greffés sur elle. Cette protéine hyper
phosphorylée ne remplit plus sa fonction et s'accumule dans la cellule.
Ces lésions s'accompagnent toujours d'une perte neuronale importante. La
première zone touchée est celle de l'hippocampe, une zone
profonde du cerveau qui est très impliquée dans la
mémorisation des évènements nouveaux. C'est cela qui
explique que les troubles de mémoire concernant l'acquisition des
informations soient touchés en premier. L'acétylcholine, un
neuromédiateur dysfonctionne et perturbe le système de la
mémoire. De là le déficit va toucher peu à peu les
zones frontales, celles qui sont responsables des comportements
élaborés : personnalité, caractère,
créativité et les opérations dites "cognitives" comme
l'organisation, la planification, la stratégie, l'organisation et
l'anticipation.
Cela entraine des répercussions sur la vie quotidienne.
Les taches familières sont de plus en plus difficiles à
effectuer. Cuisiner, s'habiller, tenir une fourchette devient compliquer. Il
arrive que les malades se perdent car il existe des problèmes
d'orientation spatiaux temporels. Comme les malades perdent leurs
facultés intellectuelles, une désorganisation et une confusion
mentale s'accompagnants d'hallucinations peuvent survenir. On peut observer
aussi de rapides changements d'humeur passants de la colère à la
joie, du calme aux pleurs sans raison apparente. On note parfois un
véritable changement de personnalité : les patients deviennent
apathique, méfiants, peureux ou manifestent des comportements
inhabituels. Cette maladie s'accompagne de trouble du langage : aphasie. Au
début le malade cherche ses mots, ses phrases sont difficiles à
comprendre. Il participe de moins en moins aux conversations, ne saisit pas
bien ce que son entourage lui dit. Puis le discours devient
incohérent.
Arcturius.org.4choses
à savoir pour ne pas avoir la maladie d'Alzheimer.25sept2015
14
Bien entendu la maladie d'Alzheimer n'est pas homogène,
les symptômes prennent diverses formes. La maladie évolue
progressivement, les scientifiques ont identifié différents
stades : LE STADE LEGER : Déficits légers : pertes de
mémoire, difficultés à communiquer, changements d'humeurs
et de comportement. Les personnes à ce stade n'ont besoin que de
très peu d'aide. Elles comprennent les changements qui se produisent et
peuvent parler de leur expérience de la maladie. Elles peuvent aider
à planifier et à orienter leurs soins futurs.
LE STADE MODERE : La mémoire, les facultés
cognitives et fonctionnelles continuent de se détériorer, bien
que de nombreuses personnes conservent une certaine conscience de leur
état. Les personnes à ce stade ont besoin d'aide avec de
nombreuses tâches quotidiennes, comme magasiner, faire le ménage,
s'habiller, prendre un bain et faire la toilette. Ce stade marque une
augmentation des soins à donner et nécessite de l'aide et du
soutien.
LE STADE SEVERE : « stade avancé » ou «
stade grave ». La personne finit par devenir incapable de communiquer
verbalement ou de prendre soin d'elle-même. Les soins sont
nécessaires 24 heures par jour. L'objectif des soins est de continuer
à soutenir la personne pour lui assurer la meilleure qualité de
vie possible. C'est ce stade qui est mis en exergue dans ma question de
départ. Je comprends que ce sont principalement les patients Alzheimer
à ce stade de la maladie qui ont d'importantes difficultés de
communication.
LA FIN DE VIE : les symptômes s'aggravent. A l'approche
de la mort les soins se concentrent sur son confort en tenant compte des
besoins physiques, affectifs et spirituels de la personne, le soutien fourni
à ce stade étant axé sur la qualité de vie et le
confort.
2.1.2.2 Un véritable problème de
Santé publique
La société s'interroge fortement sur cette
maladie. L'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en
Santé nous propose même sa propre définition : C'est «
une affection neuro dégénérative du système
nerveux central caractérisé par une détérioration
durable et progressive des fonctions cognitives et des lésions neuro
pathologiques spécifiques »9
Cette affection pose un véritable problème de
santé. En effet, il s'agit de la démence la plus
fréquente. Elle représente 75% des démences. Dans le monde
près de 25 millions de personnes sont atteintes. Seule la moitié
des malades est diagnostiquée et un quart seulement
bénéficie d'un traitement. La fréquence de la maladie
d'Alzheimer augmente avec l'âge. Elle concerne 5% des personnes de plus
de 65 ans et 25% des plus de 80ans. 72% des personnes
9 Pancrazi M.P., Métais P. Diagnostic de
démence de type Alzheimer chez un sujet âgé. La Revue de
Gériatrie, 2003 Paris disponible sur
http://www.saging.com/mise
au point/la-maladie-dalzheimer
15
en maisons de retraite sont atteintes de cette maladie. On
dénombre 165000 nouveaux cas par an. Avec le vieillissement de la
population cela devient un véritable défi de santé
publique. Accompagner un proche atteint d'Alzheimer représente une
charge extrêmement lourde pour l'entourage. Il doit lui consacrer
plusieurs heures par jour. La prise en charge passe par une montagne de
démarche administrative pour obtenir des aides financières et
trouver du personnel à domicile. Elle représente un coût
pour la société comme pour les familles. On l'estime à
environ 10 milliard d'euros par an. Le coût pour la société
comporte les consultations, les médicaments, les hospitalisations et les
soins infirmiers. Ces derniers représentent la part la plus
importante.
Mes recherches me prouvent que cette maladie représente
un problème de santé important et un coût pour la
société. Ma question de recherche suppose une réflexion
autour d'une amélioration des points essentiels de cette maladie qui
sont la communication et le bien être.
Des recherches en
épidémiologie
Les chercheurs ont évoqués des hypothèses
sur les facteurs de risque. Elle touche davantage les femmes que les hommes : 3
femmes pour 1 homme. Les oestrogènes seraient susceptibles de
réduire les risques de la maladie : les femmes qui suivent un traitement
substitutif de la ménopause à base d'oestrogènes seraient
moins touchées par cette démence que les autres. D'après
les scientifiques les personnes de niveau socioculturel élevé
seraient en partie protégées contre la maladie d'Alzheimer. Leur
cerveau aurait appris à mobiliser de nombreuses aires
cérébrales et à développer des connections
neuronales. Une étude épidémiologique PAQUID a
démontré que des activités de loisirs comme le jardinage
font travailler le cerveau en l'obligeant à planifier, ce qui
protège de la démence.10 Ces études en
épidémiologie m'indiquent ainsi pour ma question de recherche que
des facteurs tels que le niveau socio culturel ou des activités comme le
jardinage aideraient le cerveau à se protéger de la maladie
d'Alzheimer. Peut-être qu'il en est de même pour la musique ?
Des actions
Face à ce triple défi scientifique,
médical et social, le Président de la République a
lancé le 1er février 2008 le plan Alzheimer 2008-2012.
Centré sur la personne malade et sa famille, il a
10 La ménopause PAQUID étude du
vieillissement cérébral article et dossier en santé
publique 1997
16
pour objectif de « fournir un effort sans
précédent sur la recherche, de favoriser un diagnostic plus
précoce et de mieux prendre en charge les malades et leurs aidants.
»11
En 2008 la Haute Autorité de Santé
présente dans ces recommandations et bonnes pratiques la «
musicothérapie comme un élément thérapeutique non
médicamenteux important dans la prise en charge.
»12 Cela m'aide à répondre à ma question
de départ car je comprends que la musique est recommandée en tant
qu'élément thérapeutique par la HAS. J'apprends qu'elle
apporte un mieux-être et permet de conserver un lien social. Elle
aiderait à préserver plus longtemps les fonctions cognitives,
à prolonger l'autonomie, à augmenter l'espérance de vie.
Cette stimulation sensorielle s'inscrit dans le cadre d'un projet de soins,
d'établissement.
2.1.2.3 Une prise en charge globale
Aucun médicament ne permet de guérir la maladie
d'Alzheimer, ni même de stopper l'évolution. Cette recherche me
permet de cibler le « non médicamenteux » dans ma question.
Selon l'ANAES (Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en
Santé), la prise en charge non médicamenteuse de la maladie
d'Alzheimer n'améliore pas le déclin cognitif des patients. Les
seuls bénéfices concerneraient les interactions sociales, la
communication et les troubles du comportement.13 On distingue
plusieurs approches avec pour chacune différents type de stimulus : Par
la stimulation psycho cognitive (rééducation de la mémoire
et du langage : orthophonie, rééducation des compétences
fonctionnelles : ergothérapie, psychanalyse, relaxation : musique,
massage, activités diverses : conversation, lecture, dessin). Par la
stimulation du comportement (psychothérapie comportementales). Par la
stimulation sensorielle (musique, chant, massage). Par la stimulation de
l'activité motrice (danse, promenades, gymnastique,
kinésithérapie). Et enfin par l'aménagement des lieux de
vie. Pour faire le lien avec ma question de recherche, je constate que la
musique fait bien partie de la prise en charge globale de la maladie
d'Alzheimer. Ici la musique est recommandée dans le cadre d'une
stimulation cognitive ou sensorielle.
Certains médicaments peuvent ralentir
l'évolution mais leur efficacité est contestée. Il s'agit
des inhibiteurs de l'acétylcholinérase et la mémantine
(Ebixa). Il existe des alternatives
11 http://www.plan-alzheimer.gouv.fr/
12 HAS La lettre d'information de la Haute
Autorité de Santé n°31 avril-juin 2012
13 HAS Amélioration de la qualité des
soins disponible sur
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-02/1.6
alternatives non medicamenteuses - aide memoire ami alzheimer.pdf
17
comme la vitamine E : grâce à ses
propriétés antioxydants, elle aurait un effet
bénéfique en prévenant la mort cellulaire. Les
oestrogènes ont aussi fait l'objet de plusieurs études. Afin
d'agir sur les symptômes et diminuer l'anxiété,
l'agressivité, la dépression, les troubles du sommeil ou les
hallucinations, des médicaments peuvent être prescrits mais sont
responsables d'effets secondaires importants. On peut citer les anxiolytiques,
les antidépresseurs, les antis épileptiques. Les recherches au
niveau médicamenteux me confirment que l'on peut seulement par cette
voie, ralentir la maladie et qu'il existe de nombreux effets secondaires. Ainsi
dans ma question de recherche, je propose un élément judicieux
non médicamenteux. En outre est-il « bien » de vouloir stopper
les symptômes grâce aux médicaments? Ces symptômes, ne
sont-ils pas une partie de l'identité des patients, ou un mode de
défense ?
2.1.2.4 Question d'éthique
Il s'agit d'une question difficile à répondre
puisque dans l'éthique il n'y a pas de réponse exacte. Pour
répondre à cette question d'éthique je vais donc m'appuyer
sur l'avis de professionnels qui ont abordés ce sujet, notamment le
psychanalyste FREUD.
En psychanalyse le symptôme ne constitue pas le signe
d'une maladie mais l'expression d'un conflit inconscient. Pour FREUD «
Le symptôme est l'expression du refoulé, il est
représentatif d'un mode de défense. Il ne doit pas constituer un
obstacle mais une voie ou il sera l'occasion de la relation »14
Selon Marion PERUCHON, psychologue et psychothérapeute
« les hallucinations mnésiques qui ont comme fonction la
recherche de la satisfaction à travers la voie hallucinatoire,
permettent la reviviscence des éléments positifs d'une vie pour
l'adoucir, pour apaiser un contexte présent de perte
»15. Elle précise que dans l'hallucination
mnésique s'ajoute parfois de faux souvenirs ou des fabulations lorsque
l'imagination peut encore être florissante.
Suzanne OGAY explique que les « hallucinations
mnésiques maintiennent chez l'âgé l'identité,
compensent l'angoisse, les affects douloureux, les surcharges
d'agressivité. Elles peuvent être auto-thérapeutiques : il
s'agit donc de les respecter »16
Je comprends ici qu'il ne faut pas toujours vouloir stopper
les symptômes car ces derniers font partit d'un mode de défense
que nous serions amenés en tant que soignant à respecter.
14 FREUD Sigmund Cinq leçons de psychanalyse
1909
15 PERUCHON Marion Le déclin de la vie
psychique 1994
16 OGAY Suzanne Alzheimer communiquer grâce
à la musicothérapie 1996
18
Cette recherche est intéressante car dans ma question
de recherche, j'évoque la musique et donc je ne cherche pas à
stopper les symptômes de la maladie avec cet outil. Alors qu'est-ce que
la musique peut apporter si elle ne cherche pas à stopper les
symptômes ? En quoi peut-elle améliorer la communication, le bien
être ? Mes recherches sur les origines de la maladie d'Alzheimer
m'aideront à répondre à cette question.
2.1.2.5 Des origines psychologiques de la démence
?
Selon l'auteur et psychiatre Jean MAISONDIEU, la
démence pourrait avoir une origine psychologique et être «
une volonté d'effacement de l'image de soi »17
et selon l'auteur J.P BADIN, elle pourrait être « une fuite par
rapport à une réalité insupportable d'une finitude dans un
monde où la vieillesse n'a pas sa place »18. Cette
image est confrontée aux modèles de « jeunesse,
beauté, performance, rentabilité » que les
sociétés capitalistes nous ont fournis. La personne
âgée est amenée à subir des pertes importantes
(conjoint, amis, travail, rôle de parent, altération de la
santé) et Charlotte HERFRAY, psychanalyste, docteur en psychologie et en
sciences de l'éducation, se demande si « certains états
de démence chez les vieilles personnes ne seraient-ils pas des signes de
leur impossibilité à faire ces deuils »19
Selon Erik. ERIKSON, psychanalyste « les
différentes étapes d'une vie humaine (scolarité,
puberté, modifications socio-professionnelles, maladie, naissances,
deuils, retraite) exigent chaque fois de l'individu des ressources d'adaptation
importantes »20. Ces évènements secouent
notre identité au risque de la perdre. Pour Suzanne OGAY les personnes
âgées qui n'arrivent pas à faire ces deuils, ne peuvent se
faire une nouvelle image de soi acceptable. Elles passent d'une crise à
l'autre entravant l'expression du moi causant anxiété, stress
pouvant aggraver un état pré démentiel. La démence
pourrait ainsi avoir une origine psychologique. La « théorie des
émotions » chez le dément met en valeur cette
hypothèse. Elle explique la difficulté du traitement de
l'information émotionnelle chez le dément :
La Théorie des
émotions
Selon Bernard RIME, docteur en psychologie, chez l'Homme,
« l'activité somato-motrice submerge et supplante celle du
système cognitivo-conceptuel. De la sorte l'essentiel de
l'expérience de la situation émotionnelle demeure, chez le sujet,
sous forme d'information
17 MAISONDIEU Jean Le crépuscule de la raison
Centurion Paris 1989
18 BADIN J-P Vivre avec les personnes atteintes de
démence Centurion Paris 1989
19 HERFRAY Charlotte La vieillesse une
interprétation psychanalytique EPI Paris 1988
20 ERIKSON Erik Adolescence et crise la quête de
l'identité Flammarion 1972 Paris
19
dense, diffuse, inarticulée
»21. Il doit se faire un traitement de l'information de la
part du sujet. Or nous savons que chez le sujet dément, le
contrôle cognitif de structuration des émotions dysfonctionne.
Cela va entrainer un flux émotionnel abondant engendrant du stress.
Selon Paul FRAISSE, psychologue et Jean PIAGET psychologue et
biologiste, « si les stress se multiplient, la résistance
cède et le sujet arrive à un état d'épuisement qui
constitue une véritable maladie de l'adaptation et, à ce stade,
apparaissent des atteintes organiques »22. Ils donnent
l'exemple du syndrome de Selye où le stress est à l'origine d'une
forte irritation des fibres sympathiques exagérant la production de
médiateurs chimiques. Les cellules étant mal nourries, elles
éliminent moins les déchets et des substances toxiques
apparaissent provoquant des lésions intestinales, cardiaques,
pulmonaires et même cérébrales.
Ainsi nous avons vu selon ces auteurs, l'hypothèse
d'une origine psychologique de la démence. En effet des
difficultés d'ordre plutôt psychologiques entraineraient un
surplus d'émotions impossible à traité par le cerveau,
favorisant le stress puis faire des atteintes organiques et aggraver un
état pré démentiel.
Dès lors, mes recherches me permettent de me demander
s'il ne serait pas judicieux d'aider le dément à exprimer ce
surplus d'émotions ? Cela m'aiderait à répondre à
ma question de recherche en faisant un lien entre « émotions »
et « musique ».
Selon Naomi FEIL, gérontologue, dans son ouvrage «
Validation » basée sur une attitude respectueuse envers le
dément, elle explique que « Les émotions qui ont
été contenues avec succès pendant toute l'existence,
gagnent en intensité quand elles sont enfermées en nous
»23. Nous pouvons donc penser que le dément aurait
un besoin d'exprimer ces émotions intenses. Bernard RIME évoque
dans l'ouvrage « le partage des émotions » le besoin
d'évacuer les émotions. Le partage aurait un effet
libératoire, comme si un trop-plein d'émotions devait se
déverser. Pour lui, « le partage des émotions
exprimerait le besoin chez l'individu de trouver un support social, qui vient
compenser la déstabilisation psychologique produite par les
événements qui perturbent notre quotidien. » « Partager
ses émotions, c'est l'occasion de se réintégrer dans une
communauté d'appartenance, avec ses valeurs et ses liens.
»24
21 RIME Bernard le partage social des émotions
Neuchâtel 1989
22 FRAISSE P et PIAGET J Traité de psychologie
expérimental Vol 5 Paris 1975
23 FEIL Naomi Validation Pradel Paris 1994
24 RIME Bernard Le partage social des émotions
Neuchâtel 1989
20
2.1.3 L'expression des émotions
2.1.3.1 Du besoin d'expression des
émotions...
Nous avons vu que le sujet dément aurait un surplus
d'émotion et donc un besoin de les
exprimer librement. Ainsi nous pouvons supposer que les
différents comportements tel que l'apathie, l'agressivité ou
encore l'angoisse peuvent s'interpréter comme des mécanismes de
défenses, une volonté de se faire comprendre, de partager ses
émotions. D'ailleurs dans l'apathie, d'après S.OGAY, «
l'apparente indifférence affective du patient doit être
reconnue comme le témoin de sa souffrance inexprimable et son
comportement insolite anarchique à nos yeux peut s'interpréter
comme une démonstration active de se faire comprendre. »25
Selon T. KITWOOD, professeur de psychologie « Il y a
une sorte de hausse des expériences émotionnelles à fleur
de peau, chez le dément. Privés des ressources de certaines
défenses acquises, les déments retrouveraient des comportements
instinctifs ; des émotions peuvent jaillir, hors de toute protections,
de ces défenses acquises »26. Puisque les
émotions en abondance ne peuvent être analysées par le
cerveau, les déments auraient donc des comportements instinctifs
auxquels il faudrait donner du sens.
2.1.3.2 ...à la compétence
infirmière
D'après l'arrêté du 31 juillet 2009 le
référentiel des compétences infirmières
établis par le
ministère de la santé, une des
compétences de l'infirmière est de savoir « Communiquer et
conduire une relation dans un contexte de soins. » Cela m'aide à
répondre à ma question de recherche car je comprends que les
soins relationnels relèvent du rôle propre de l'infirmier.
Jusqu'à présent j'ai appris que les expressions des
émotions du dément sont une façon de communiquer et que la
recherche d'une communication dans un contexte de soin, fait partie des
compétences infirmières. D'après ce
référentiel, l'infirmier doit être capable de :
« Accueillir et écouter une personne en
situation de demande de santé ou de soin en prenant en compte son
histoire de vie et son contexte »
« Instaurer et maintenir une communication verbale et
non verbale avec les personnes en tenant compte des altérations de
communication »
« Rechercher et instaurer un climat de confiance avec la
personne soignée et son entourage en vue d'une alliance
thérapeutique »
25 OGAY Suzanne Alzheimer communiquer grâce
à la musicothérapie Paris 1996
26 KITWOOD T Brain Mind and Dementia n°9 1989
21
« Identifier les besoins spécifiques de relation
et de communication en situation de détresse, de fin de vie, de deuil,
de déni, de refus, conflit et agressivité »
On s'aperçoit ici que l'infirmière est
amenée à analyser les besoins spécifiques de communication
nécessaires aux patients en tenant compte des altérations de
communication et instaurer un climat propice aux échanges en s'adaptant
à l'histoire de la personne.
Cependant chez les personnes Alzheimer, cela relève
d'une difficulté supplémentaire puisque nous avons vu
précédemment que chez ces derniers des troubles
sévères de la communication s'installaient. De plus les autres
symptômes de la maladie majorent la difficulté de communication
avec ces patients (confusion, désorganisation, mémoire
altérée, agitation etc.)
Selon le même référentiel, la
compétence 7 exprime que l'infirmière doit être capable
d'« Analyser la qualité des soins et améliorer sa
pratique professionnelles »27. Elle doit pouvoir
identifier les mesures de réajustements de sa pratique et confronter
celle- ci à celle de ses pairs ou d'autres professionnels. Que peut-elle
faire pour améliorer sa pratique professionnelle lors d'une
difficulté de communication avec les déments ? La musique serait
un élément de médiation. Il suffit de voir le
musicothérapeute entrer en relation avec les patients pour se rendre
compte de l'influence de la musique.
Suzanne OGAY explique que le rôle de la
musicothérapie est de donner du sens aux conduites et réactions
émotionnelles, de les décrypter, de les valider en les prenant en
compte, d'accepter la « réalité » du patient et
l'encourager à s'exprimer en lui offrant des moyens. Mais quels sont les
effets de la musique sur le cerveau ? L'infirmière peut-elle apprendre
du musicothérapeute et se servir de la musique pour favoriser la
communication ?
MYTF1 News.La musique, un atout contre les signes du
vieillissement.14Fev.2014
27 Diplôme d'Etat d'infirmier
Référentiel des compétences arrêté du
22
2.2 Les effets de la musique sur le cerveau 2.2.1
Approche historique de la musique
Les anciens déjà utilisaient la musique et le
son pour guérir. J'apprends dans mes recherches qu'il y a
déjà bien longtemps, la musique est liée à une
science.
PYTHAGORE, philosophe et mathématicien né en 580
avant J.C, fut celui qui relia le nombre à la musique, qui lança
l'idée que le fait que deux sons joués ensemble donnant une
impression harmonieuse, pouvait s'expliquer mathématiquement. Musique et
nombre étaient intimement liés. Dans la Grèce antique, les
médecins grecs se référaient à la gamme
pythagoricienne pour la classification des différents pouls.
Les indiens d'Amérique jouaient de la flûte en
bois de bouleau pour soigner les rhumatismes, et en Ellébore pour les
maladies nerveuses28. Ces recherches m'aident à
répondre à ma question car je constate que la musique
était déjà liée aux soins.
En Chine ancienne, le chef de l'orchestre impérial
était un médecin, compositeur d'oeuvres thérapeutiques.
Dès la plus haute antiquité les chinois ont utilisés la
voie taoïste des six sons29 pour améliorer la condition
physique et la santé mentale. Les six sons permettent de transformer les
émotions négatives en énergie vitale, d'harmoniser les
organes vitaux, de régénérer les énergies en
transmutant la tristesse en dynamisme, la peur en courage, la colère en
compassion, la haine en amour, l'inquiétude en confiance et la douleur
en plaisir. Cette recherche me montre que la musique était
utilisée pour transformer les émotions.
Grâce à mes recherches précédentes
sur la maladie d'Alzheimer, je connais les émotions
caractéristiques du dément et le besoin de les exprimer. Cette
recherche sur l'histoire de la musique m'aide à répondre à
ma question car je peux m'y appuyer pour supposer que la musique est un outil
bénéfique, transformant les émotions négatives en
énergies vitales.
Enfin, Edith LECOURT, psychologue clinicienne, psychanalyste
et musicothérapeute explique que « dans l'antiquité,
dans la bible, David guérit le roi Saül de ses crises d'angoisse en
jouant de la lyre »30. Je découvre ainsi par mes
recherches que certains instruments de musique pourraient guérir des
symptômes comme l'angoisse. C'est intéressant à retenir car
l'angoisse est, comme nous l'avons vu, un symptôme de la maladie
d'Alzheimer
28
http://www.inrees.com/articles/se-soigner-avec-la-musique-et-le-son/
29
http://www.gojisite.com/html/sons.php
30 LECOURT Edith Découvrir la
musicothérapie
23
2.2.2 Les neurones miroirs
Giacomo RIZZOLATTI explique par sa découverte des
« neurones miroirs »31 pourquoi lorsqu'on entend une
musique qui nous plait on va danser, chanter. En 1996, ce neurologue
découvre que des neurones placés dans le cortex moteur,
activés quand le macaque exécute une action, sont
également activés chez un autre macaque qui observe, sans
effectuer l'action. Les caractéristiques principales des neurones
miroirs « est de s'activer aussi bien lorsque le singe effectue une
action spécifique ou lorsqu'il observe un autre individu en train
d'exécuter la même action. Ainsi un tel neurone s'active quand le
singe saisit un objet donné, ou lorsqu'il voit l'expérimentateur
saisir le même objet.»32.
Cela explique d'une certaine façon le processus
d'empathie : Cette découverte des neurones miroirs explique pourquoi
quand nous observons l'émotion chez autrui, nous ressentons cette
même émotion. Il a été remarqué quand nous
observions un visage souriant, nous avions des micro-crispations de la bouche,
comme une amorce de sourire. De même, quand nous observons un visage
coléreux, des micro-crispations des sourcils sont
détectées par les appareils de mesure. Nous ressentons ce que
nous voyons, nous l'exprimons : nous sommes empathiques. De la même
manière, il explique que la musique a le même rôle. Une
personne qui écoute de la musique qui lui provoque du plaisir, va
exprimer ce plaisir, en chantant, en dansant. Au contraire, l'écoute
d'une musique triste peut provoquer de la tristesse, des larmes. Ainsi la
découverte des neurones miroirs dans mes recherches m'aide pour ma
question de départ car je comprends que les émotions que
dégagent la musique, entrent d'une certaine façon en miroirs avec
celui ou celle qui écoute. Cela permettrait donc de faire ressortir les
émotions du dément par le biais d'une musique et ainsi d'entrer
en communication.
2.2.3 Le Circuit de la récompense
Mes recherches sur le circuit de la récompense m'aident
à répondre à ma question de départ car celui-ci met
en évidence un lien entre musique et bien être au niveau du
cerveau :
Le « circuit de la récompense »33
a été découvert en 1854 par deux américains qui ont
eu l'idée de descendre dans différentes régions du cerveau
de rats des électrodes. Dans sa cage quand le rat appui sur la
pédale reliées aux électrodes, des décharges
électriques sont envoyés dans son cerveau. Selon les
différentes régions testées avec les électrodes,
les chercheurs
31
http://www.academie-sciences.fr/pdf/membre/s121206
rizzolatti.pdf
32
http://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/neurones-miroirs-i-une-decouverte-48805
33
http://www.universcience.tv/video-le-circuit-de-la-recompense-4591.html
24
remarquent que le rat n'appuie jamais une nouvelle fois sur la
pédale quand il reçoit une décharge non plaisante. Ils se
sont aperçus que lorsque les électrodes étaient
placées dans l'hypothalamus et l'aire tegmentale ventral, le rat ne
cessait d'appuyer sur la pédale. On a compris que ces zones
étaient liées à la libération de dopamine, hormone
associée au plaisir. Puis des scientifiques ont étudié de
très près les réactions de notre cerveau lorsque nous
écoutons de la musique qui nous plaît. Résultat : le
circuit de la récompense, qui est à l'origine de toutes les
dépendances, est impliqué dans notre réponse à la
musique. Le plaisir que nous procure la musique entraîne la
libération dans le cerveau de dopamine.
Lorsque nous effectuons des activités
nécessaires à notre survie et à la reproduction de
l'espèce, nous connaissons en général un plaisir intense,
associé à la libération dans le cerveau de la fameuse
dopamine. C'est le cas pour le sexe, la nourriture, le fait de
recevoir de l'argent, ou d'avoir une émotion esthétique par
exemple. Par ailleurs, certaines drogues psychoactives tel que
les opiacées, l'héroïne ou l'opium notamment vont agir sur
ce système de la récompense, entrainant artificiellement ce
même plaisir intense. La recherche a donc maintenant prouvé que la
musique active elle aussi le circuit de la dopamine. Ce qui
explique que nous puissions ressentir après avoir écouté
certains morceaux une véritable euphorie et que nous pouvons aussi avoir
envie d'écouter un morceau au point d'en ressentir un "manque". Ainsi
proposer de la musique aux patients Alzheimer pourrait être source de
bien-être.
2.2.4 Le pouvoir de la musique
« L'architecture, c'est de la musique figée
». Johann WOLFGANG VON GOETHE.
Ce romancier, dramaturge, poète, théoricien de
l'art et homme d'État allemand, utilise cette métaphore pour
illustrer les effets de la musique. Nous pourrions imaginer qu'elle sculpte le
sable comme le cerveau. En effet le sable est en mouvement, comme le cerveau il
prend des formes, il réagit lorsqu'un son lui est
présenté. Le cerveau comme l'architecture, est très
structuré, il est figé. Il réagit par des connections
entre les régions, se met en mouvement lors de perception de la musique.
Il serait intéressant de m'interroger sur les différents pouvoirs
de la musique pour répondre à ma question de recherche. Nous
avons vu jusqu'ici que la musique avait un pouvoir de guérison selon les
cultures, les époques et qu'elle pouvait même façonner le
cerveau et être facteur de plaisir. La suite de mes recherches met en
évidence d'autres pouvoirs intéressants pour ma question de
départ.
25
2.2.4.1 Un pouvoir politique
Edith LECOURT34 nous parle du pouvoir politique de
la musique. Dans les années 1830, musicalement c'est la période
des orphéons, ces fanfares populaires. Ce mouvement s'inscrivait dans un
contexte qui donnait à la musique une fonction politique précise.
La musique se trouvait être le modèle pour la nation toute
entière, chaque citoyen se devait d'appartenir à un groupe
musical, chorale ou orphéon et de participer aux grandes fêtes de
la musique. Un répertoire précis était créé
pour soutenir ce grand élan patriotique.
Pour illustrer le pouvoir politique de la musique, Edith
LECOURT évoque également la période du nazisme. «
L'entrainement de la jeunesse hitlérienne et celui des
armées, ne pouvait se priver de ce grand levier de la musique
contrôlée, de son extrême efficacité. On alla
même jusqu'à la faire pavoiser au sein de certains camps
d'extermination pour la publicité du Führer. Les états
totalitaires ont tous su comment utiliser la musique pour s'assurer de la
domination du peuple. Et toutes les armées ont besoin d'elle pour
motiver les troupes à des taches éprouvantes ». Cette
recherche m'apporte un élément intéressant pour
répondre à ma question : la musique peut avoir un effet
motivateur. Pour le patient Alzheimer, ne serait-il pas ainsi un moyen de
motivation, de revitalisation, et donc de bien-être ?
Dans le film « Meurtre mystérieux à
Manhattan »35, Woody ALLEN qui promet à son
épouse d'assister à un opéra de WAGNER, sort bien avant la
fin et il a cette réplique culte « Si j'écoute trop
Wagner j'ai envie d'envahir la Pologne ». La musique comme celle de
Wagner utilisée à des fins antisémitismes peut nous donner
une impression de puissance. Cette impression serait intéressante
à explorer avec le patient Alzheimer pour améliorer le
bien-être.
2.2.4.2 Un pouvoir d'induction d'humeur
Il nous est déjà arrivé à chacun
d'entre nous de pleurer en écoutant une musique triste ou d'avoir le
sourire et de l'énergie en écoutant une musique joyeuse, dansante
avec du rythme. La musique aurait un pouvoir d'induction de l'humeur. Lors
d'une étude, des expérimentateurs ont proposé à des
sujets de choisir parmi différents morceaux de musique, celui qui leur
paraissait le plus efficace pour induire une humeur dépressive et un
34 LECOURT Edith Découvrir la
musicothérapie
35 WOODY Allen Meurtre mystérieux à
Manhattan Comédie Policier 1993 Amérique
26
ralentissement psychomoteur. Son efficacité a
été plus grande que celle d'autres méthodes d'induction,
puisque 87 à 100 % des sujets présentaient ensuite une humeur
dépressive36. Cela m'aide à répondre à
ma question car je comprends que la musique pourrait être utilisée
chez le patient Alzheimer pour lui induire une humeur et faire face à
ses émotions négatives.
2.2.4.3 Un pouvoir d'identité
« Quand j'entends parler quelqu'un, au travers de la
mélodie, du mot, je vois bien plus profondément dans son
âme » (JANOS JANACEK, JENUFA)
Cette citation de ce grand compositeur tchèque met en
valeur la mélodie qui laisse transmettre des informations autre que le
simple discours. En effet dans la mélodie, on a des informations sur
l'intonation. D'après Edith LECOURT, « la mélodie
devance la parole, c'est-à-dire qu'elle permet d'exprimer des affects,
des embryons de représentation, de pensée
»37. En effet il est plus facile de contrôler ce
qu'on dit plutôt que comment on va le dire. La façon dont on va le
dire représente notre identité, notre inconscient, une
façon propre de s'exprimer car il est difficile de moduler notre voix
comme nous voudrions. Elle est très personnelle et laisse
échapper une part de notre être profond avec nos affects.
Lorsqu'on écoute sa voix enregistrée, on est parfois surpris de
s'entendre. La voix en dit beaucoup sur nous. Le timbre de voix sera
très différent selon les individus. De même
l'intensité de la voix peut nous faire communiquer par exemple de la
colère lors d'un niveau élevé ou de la timidité
lors d'un niveau bas. L'intonation avec ses variations de hauteur dans la voix
peut nous faire communiquer l'étonnement par exemple avec un petit cri
de surprise. Enfin le débit concernant le nombre de mot à la
minute peut nous faire communiquer un état d'anxiété. J'en
déduis qu'au travers de la mélodie fredonnée par le
patient Alzheimer et l'infirmier, il y a une transmission d'information sur
leur identité. C'est un mode de communication non verbal.
Selon BOULELOUP Philippe, musicien directeur de l'association
« musique et santé », « la musique a un rôle
dans l'Humanisation, elle réveille et maintient la dimension humaine, je
m'adresse à vous, vous vous adressez à moi, vous répondez,
participez, vous êtes présents ».38
36 Pignatellio M /Camp C / Rasar L / Musical mood
induction, an alternative of the Velten techniques, in Journal of Abnormal
Psychology, 1986, no 95 p295-297
37 LECOURT Edith Découvrir la
musicothérapie
38 BOUTELOUP.Philippe. Les Concertos
d'Alzheimer.concerto 7 : ce qui est important c'est la justesse de
l'intention
27
2.2.4.4 Un pouvoir de susciter des
comportements
Dans son expérience en gériatrie39
Yolande. MOYNE-LARPIN, docteur en musicologie, a
retenu dans la musicothérapie réceptive, des
types de musiques avec une orientation précise. Il s'agit de susciter
des images, d'amorcer un dialogue grâce à une musique descriptive
; d'éveiller la curiosité ou l'intérêt de l'auditeur
par une musique insolite ; de favoriser le retour au passé par un
opéra populaire ou de musique légère ; d'obtenir des
réponses motrices à l'aide de folklore par exemple ; d'inviter au
repos par une musique mélodique et bienfaisante. Cette recherche apporte
des réponses à ma question car il serait intéressant pour
l'infirmier, de cette façon, d'utiliser la musique pour susciter des
comportements chez le patient Alzheimer.
2.2.5 Effet neuro-plasticité du
cerveau
La musique est une activité qui peut agir sur notre
cerveau, en modifiant sa structure et son fonctionnement. Que ce soit en
production ou en perception, des effets sur la plasticité
cérébrale ont été observés. La pratique
répétée de musique « optimise les circuits
neuronaux en modifiant le nombre de neurones impliqués, le degré
de synchronisation temporelle et le nombre et la force des connexions
synaptiques excitatrices et inhibitrices »40.
Il a été observé chez des musiciens ayant
une longue pratique, une quantité de substance grise dans la
région de l'aire auditive primaire (partie antérieure du gyrus de
Heschl) plus importante que chez les non-musiciens41. De plus, une
asymétrie du gyrus de Heschl a pu être constatée : les
cerveaux de musiciens professionnels, de musiciens amateurs et de non musiciens
ont été comparés. Le volume total du gyrus de Heschl
était 14% plus important dans l'hémisphère droit des
musiciens professionnels. Après des séances de
musicothérapie, des études ont mis en évidence le
développement des fibres, des connexions neuronales. Lors de la
conférence à radio France, Pierre LEMARQUIS neurologue, parle de
« dialogue cérébral »42 pour expliquer ces
connexions. Dans mes recherches j'apprends que cette augmentation de la
substance grise serait à l'origine d'une augmentation des fonctions
cérébrales comme le langage. Je peux en déduire qu'une
personne qui écoute de la musique régulièrement verrait
ses fonctions cérébrales augmenter. Il serait donc pertinent de
faire
39 MOINE-LARPIN Y Musique pour renaitre EPI Paris
1988
40 Habib & Besson, revue de neuropsychologie
2008
41 LECHEVALIER Bernard EUSTACHE Francis VIADER Fausto
Traité de neuropsychologie clinique, Neurosciences cognitives et
cliniques de l'adulte, ouvrage réalisé avec le soutien de
l'INSERM
42 P.LEMARQUIS. Sérénade pour un cerveau
musicien.2009
28
écouter de la musique aux patients Alzheimer. Ainsi
cette recherche m'apporte des informations sur des effets
bénéfiques de la musique sur les connexions neuronales. Faire de
la musique aiderait donc à préserver ces connexions et nous
pouvons supposer qu'il en est de même chez les patients Alzheimer. Cette
recherche est intéressante et m'aide à répondre à
ma question de départ en m'apportant des éléments
scientifiques sur les effets de la musique sur le cerveau.
2.2.6 Effets cognitifs de l'apprentissage
musical
Selon une étude menée par Glenn SCHELLENBERG de
l'université de Toronto au Canada et rendue publique en
200443, les enfants qui suivent des leçons de musique ont de
meilleurs résultats à des tests d'intelligence. Pour son
enquête, ce professeur du département de psychologie a
sélectionné environ 150 enfants avant leur entrée en
primaire.
« On a publié une petite annonce dans le
journal pour offrir des cours d'art gratuitement à des jeunes de six
ans. Ils pouvaient suivre des leçons de clavier, de voix, d'art
dramatique ou pas de leçons du tout avec promesses de cours pour
l'année suivante »44 Quatre groupes d'enfants se sont ainsi
formés. Ils ont fait un test de QI avant et après
l'expérience. En conclusion les élèves qui ont suivi les
cours de musique ont vu leur résultat au test de QI augmenter de 7
points alors que les autres l'ont vu grimper de 4 points. Les performances
scolaires sont donc meilleures en pratiquant la musique.
2.2.7 Et sur le cerveau Alzheimer ?
Comment la musique agit-elle sur le cerveau Alzheimer ? C'est
une question actuellement en cours de réflexion. Les « Allegros
d'Alzheimer » sont des films réalisés par l'Institut
National de la Santé et de la Recherche où des chercheurs nous
livrent leurs connaissances de l'influence de la musique sur le cerveau
Alzheimer.
D'après Hervé Platel, professeur de
neuropsychologie, les chercheurs étaient restés jusqu'à
présent sur l'idée que les patients Alzheimer à un stade
sévère de la maladie, n'étaient plus capables d'apprendre
quoi que ce soit de nouveau. Puis ils ont étudié la question lors
d'atelier de chants nouveaux, et ils se sont rendu compte que les patients
mémorisaient les paroles de ces chants et étaient même
capable de les restituer spontanément. Cela a été un choc
pour les
43DESAUTELS Michel PERETZ Isabelle Radio Canada
Disponible sur
http://ici.radio-canada.ca/radio/desautels/08092004/39348.shtml
Entretien du 8 septembre 2004
44 RABOURDIN Caroline Enfant et musique : les
leçons de musique amélioreraient le QI TF1 News Article 2010
29
chercheurs qui ont alors essayé d'en savoir davantage.
Ils en ont alors déduit l'existence d'un mécanisme
d'apprentissage inconscient qui se produit avec une claire dissociation chez
ses patients entre une capacité qui demeure intact à
mémoriser des mélodies alors que la capacité de
mémoriser un texte est complètement effondrée. Les
chercheurs ont donc cherchés à expliquer ce mécanisme
dissociatif. C'est en réalisant des études de neuro-imagerie,
qu'ils se sont aperçu que la mémoire de la musique engageait
beaucoup plus largement le cerveau tant dans l'hémisphère droit
que dans l'hémisphère gauche. La différence la plus
marquante en termes de densité de neurone s'est trouvée dans la
région de l'hippocampe. C'est intrigant car la région de
l'hippocampe concerne la mémoire. Les chercheurs émettent ainsi
l'hypothèse : « peut-être que quand on est musicien
âgé et qu'on a continué une pratique musical, on a
préservé son hippocampe des effets négatifs du
vieillissement cérébral. Est-ce que cet effet sur le
vieillissement cérébral peut aussi être intéressant
à considérer comme un facteur de préservation du
démarrage d'une maladie neurodégénérative
?».
Selon Bruno Dubois, professeur de neurologie et directeur de
l'institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer, il existe des
lésions neuronales bien identifiées mais également des
régions du cerveau bien intactes. Ce que les scientifiques cherchent
à faire aujourd'hui consistent à stimuler ces régions
toujours opérantes pour essayer de compenser les déficits. La
décharge émotionnelle que permet la musique, va activer le
fonctionnement cognitif que ce soit pour la mémoire ou pour la
participation de la personne malade dans son environnement.
Selon Bernard Lechevalier, professeur de neurologie,
neuropsychologue, chercheur à l'Inserm, et membre de l'Académie
nationale de médecine, la musique apporte une vitalité interne,
c'est une richesse extraordinaire d'avoir un langage interne musical en nous.
Il pense que la musique provoquant une hypertrophie de certaine région
de cerveau (comme l'hippocampe) peut prévenir des troubles de la
mémoire. En effet il explique que les aires qui captent la musique ne
sont pas les mêmes que celles qui captent le langage. C'est important de
comprendre cela car ce qui est atteint dans la maladie d'Alzheimer est la
région du langage.
Joël Menard, néphrologue, professeur de
santé publique et ancien directeur général de la
santé, a donné une place à la musique dans le plan
Alzheimer. Il explique que les patients peuvent encore avoir accès
à des plaisirs auditifs de la construction musicale. Le plan essaye
30
d'introduire la musique à la fois pour que les gens
continuent à avoir des fonctions cérébrales qu'ils avaient
autrefois et qu'ils peuvent encore avoir et pour espérer que les
améliorations de leur qualité de vie vont se produire par une
utilisation judicieuse d'un entrainement musical.
Selon Séverine Samson, professeur de psychologie
cognitive et de neuropsychologie, l'art musical a le pouvoir d'enrichir le
quotidien des personnes âgées Alzheimer. Elle a
réalisé des ateliers musicaux auprès de personnes
Alzheimer et témoigne : « Jusqu'ici les résultats
obtenus sont très encourageants pour l'efficacité de la musique
surtout dans le sens où elle modifie beaucoup l'humeur ». La
musique serait pour elle un « complément thérapeutique
».
D'après Emmanuel Bigand, professeur de psychologie
cognitive et directeur du laboratoire d'étude de l'apprentissage et du
développement à l'université de Bourgogne « on a de
bonnes raison de penser que la musique a façonnée le cerveau de
l'homme au cours de l'évolution et c'est la raison pour laquelle la
musique pourrait avoir un intérêt dans des pathologies
sévères du type atteinte cérébrales tel que la
maladie d'Alzheimer ». Ce que l'on cherche dans le cas de cette maladie
c'est comment on peut utiliser ce pouvoir de la musique le mieux possible pour
freiner l'apparition des symptômes invalidants pour le sujet. On peut
avec la musique proposer des activités de stimulation cognitives qui
sont différentes de celles qui existent habituellement, qui
présentent des avantages parce qu'elles permettent de sortir les
patients Alzheimer de l'apathie qui est caractéristique de cette maladie
et la musique a un effet revitalisant qui permet de faire un travail en
profondeur de stimulation cognitive. Les chercheurs espèrent que ce
travail de stimulation va avoir un impact non pas sur les réseaux
atteints par la maladie mais surtout sur les réseaux qui sont encore
intacts et qui vont pouvoir réorganiser leur structure et vont pouvoir
développer une plasticité pour pouvoir compenser les fonctions
cognitives qui sont détériorées par la progression de la
maladie. Les chercheurs pensent que lorsqu'il y a une atteinte
cérébrale, le cerveau relance automatiquement par réflexe,
une plasticité. Ce reflexe existe chez les personnes âgées.
Dans le cas de la maladie d'Alzheimer on espère qu'il existe encore mais
on est certain que s'il existe, il faut beaucoup stimuler le cerveau pour que
ce réflexe se mette en oeuvre. La musique est une des activités
qui a des avantages pour stimuler ce réflexe de plasticité en
réponse à la progression de la
dégénérescence. De cette façon-là on
n'espère pas arrêter la maladie mais on espère doter la
personne de meilleures stratégies pour lutter contre elle.
31
Ainsi nous avons vu les effets de la musique sur le cerveau.
Elle était déjà utilisée à des fins
thérapeutiques depuis longtemps. Les recherches des neurologues et
scientifiques ont pu mettre en évidence l'existence d'un circuit de la
récompense et de neurones miroirs qui seraient intéressant
à explorer avec le patient Alzheimer afin d'améliorer le
bien-être et la communication. La musique a bel et bien des pouvoirs
divers. Elle influe sur notre cerveau comme si elle le sculptait, elle influe
sur notre identité, notre humeur et nos comportements. Elle aurait aussi
des vertus dans la plasticité cérébrale en
développant les connections neuronales et améliorant les
performances cognitives. Ces recherches semblent ainsi montrer que la musique a
tout son intérêt chez le patient Alzheimer. De plus, chez ces
patients Alzheimer la musique aurait également un pouvoir sur la
mémoire, elle permettrait de préserver les capacités
d'apprentissage de chants nouveaux et améliorerait les comportements
notamment l'apathie, très caractéristique de la maladie.
Dès lors, peut-elle être utilisée par
l'infirmier comme un outil de médiation ? En quoi pourrait-elle
améliorer le bien-être, la communication avec un patient Alzheimer
?
2.3 La musique un outil de médiation
infirmier
Admr.com. service à la
personne. Equipe mobile Alzheimer
32
2.3.1 Favorisant le bien être
2.3.1.1 Les bienfaits de la musicothérapie
réceptive
La musique pourrait-elle être un outil de
médiation infirmier favorisant le bien être des patients ?
Peut-être faut-il avant tout comprendre ce qu'est le bien être ?
Mes recherches m'aident à y répondre : « le bien
être est un état qui comprend non seulement des aspects
physiologiques (absence de douleur) mais également sociaux (être
en relation avec ceux que l'on aime), psychologiques (se sentir
considéré), culturels (écouter, regarder des oeuvres)
»45. La musicothérapie est « l'utilisation
de la musique dans un but de thérapie psychique »46
Dans la musicothérapie réceptive (où l'on
fait écouter de la musique aux patient), les patients sont en situation
de réception de la musique, ils écoutent, frappent des mains, se
balancent.
Selon P. FRAISSE, psychologue, ancien président de
l'Union Internationale de Psychologie Scientifique « l'activité
de balancement a pour effet de fournir une excitation ; on sait aujourd'hui
qu'il y a en tout être un besoin d'excitation qui engendre une impression
de bien-être. Le rythme maintient l'excitation, l'ordonne, en prolonge
les effets » « les sensations sont la principale source
d'excitation de l'individu isolé du monde extérieur
»47. Je comprends ainsi qu'au travers du rythme de la
musique, un effet de bien être serait produit.
D'après Suzanne OGAY la signification psychologique des
balancements chez les personnes âgées serait subordonnée
à des facteurs relationnels d'insatisfaction. Le balancement est ainsi
source de satisfaction, ayant des effets compensateurs, dont les
résonances sont affectives. Cette information est utile pour ma question
de départ. En effet je retiens ici que les balancements chez les
déments sont source de satisfaction. Ainsi la musique, qui peut, comme
nous l'avons vu, entrainer le patient dans le rythme serait donc source de
satisfaction.
Selon Suzanne OGAY « la stimulation sonore vibratoire
sollicite le système archaïque ; elle retentit sur le
système émotionnel, et devient source de détente. Le son
et la vibration entrent dans le champ de la sensation ; ils
pénètrent le corps physique et le font réagir ; avant
d'être analyser par le cerveau »48. En effet elle
explique que « les stimuli musicaux sont transmis
45 INSTITUT GINESTE-MARESCOTTI. Philosophie de
l'humanitude : l'humanitude, de la naissance à la mort.Site
www.igm-formation.net
46 Dictionnaire de la langue française
LAROUSSE
47 FRAISSE P Psychologie du rythme PUF Paris 1974
48 OGAY Suzanne Alzheimer communiquer grâce
à la musicothérapie
33
dans le système nerveux central et
réceptionnés au niveau sous cortical, dans le thalamus,
siège des émotions et des sensations avant de passer au cortex
cérébral ». Cela m'aide pour ma question de
départ car ici S.Ogay met en évidence l'effet de la musique sur
la détente.
Willems EDGAR, auteur, artiste belge, musicien autodidacte et
pédagogue de la musique raconte que « La mélodie
provoque les réactions affectives les plus diverses, les plus subtiles
»49. C'est ici un autre élément important
pour répondre à ma question de recherche. En effet je comprends
que la mélodie dans la musique a aussi son rôle à jouer en
provoquant chez le patient Alzheimer des réactions affectives et ainsi
contribuer à son bien-être.
Suzanne OGAY ajoute que « la mélodie fait
émerger par l'audition musicale, des souvenirs qui subsistent parce que
fortement teintés sur le plan des affects. Ces résurgences,
agréables ou désagréables, vont provoquer des sentiments
et des émotions qui trouveront leur voie d'expression
bénéfique dans le registre verbal ou corporel
»50. C'est intéressant de constater que ces
sentiments provoqués par la musique vont très vite donner lieu
à leurs expressions.
Selon COSNIER.J, « les balancements rythmiques
agissent à titre de décharge de tension dans le stress
»51. Souvent dans les EPHAD j'ai observé le
personnel soignants, infirmiers, aides-soignants, animateurs, qui stimulent les
déments à frapper dans leurs mains et parfois même ce sont
les patients qui d'eux même vont balancer leur tête ou frapper du
pied au rythme de la musique. Ceci permettrait-il aux patients de se
décharger du stress ? Suzanne OGAY nous fait part des bienfaits du
rythme dans la musique « le rythme peut exprimer des émotions,
des sentiments, et dès lors libérer des tensions
intérieures, de l'angoisse, des décharges pulsionnelles et de
l'agressivité ainsi que de la joie et de l'allégresse ».
Le rythme « apporte par sa régularité des
sentiments d'équilibre, de sécurité et de calme, et peut
combattre l'angoisse ». Il semblerait ainsi que le rythme favorise le
bien-être en chassant l'angoisse et favorisant la sécurité,
l'équilibre que les déments recherchent.
Selon S. HALPERN et L. SAVARY, « l'acte physique qui
consiste à frapper un même schéma rythmique ou chanter une
même note, pendant un moment, serait à l'origine d'une
49 WILLIEMS E Les bases psychologiques de
l'éducation de la musique ED Pro Musica Fribourg 1978
50 OGAY Suzanne Alzheimer, communiquer grâce
à la musicothérapie
51 COSNIER J. Psychologie des émotions et des
sentiments Retz Paris 1994
34
production cérébrale d'endorphine. Cela
permet souvent de libérer des énergies qui étaient
bloquées au niveau du corps et de l'esprit ».52
2.3.1.2 Les bienfaits de la musicothérapie
active
La musicothérapie « active » regroupe toutes les
formes d'expression musicale et corporelle,
tous les instruments et tous les gestes ayant pour but
l'expression de soi. Suivant les besoins du patient, les exercices se
concentrent plutôt sur le rythme, la mélodie, le chant ou le
mouvement. Aucune compétence musicale n'est exigée, l'objectif
étant l'expression de la créativité des patients. Il
s'agit de s'exprimer, de se soulager non verbalement. On voit ainsi des
personnes, complètement inhibées d'ordinaire et refusant le
contact, tenter de se faire entendre à travers le son de maracas ou de
cymbales. L'esthétique sonore n'a aucune importance dans cette forme de
thérapie. Elle peut se pratiquer seul ou en groupe.
Faire faire de la musique aux patients atteints de la maladie
d'Alzheimer va créer des sensations physiologiques
|
|
Le toucher des instruments et l'effet de
nouveauté, susciter la curiosité Ladepeche.fr
La musicothérapie pour soigner les
malades Alzheimer.28/02/2009
|
La musicothérapie active a aussi une influence
physiologique. Sur le plan psychomoteur, par exemple, la pratique d'instruments
rythmiques comme les percussions peut contribuer à la
rééducation de la coordination des mouvements. De plus selon
Oliver Sacks53, la musicothérapie active a aussi des
bienfaits sur l'apprentissage et la mémorisation de morceaux de musique
en participant à la rééducation de la mémoire. Il
démontre la récupération des facultés cognitives en
décrivant le cas d'un jeune homme, qui, suite à une attaque,
avait développé une aphasie d'expression virulente
(incapacité d'émettre des paroles liée à des
troubles cérébraux) et était incapable de prononcer des
mots. Il arrivait cependant et étonnamment, à chanter.
Après avoir suivi pendant deux mois, une musicothérapie lors de
laquelle il chantait essentiellement, il arrivait à répondre
brièvement, mais correctement, à des questions simples. Ceci
montre bien à quel point la musique, suivant l'utilisation qu'on en
fait, peut recréer des connexions cérébrales et nerveuses
qu'on pensait défaites.
52 HALPERN S et SAVARY L. Guérir par les sons
p133 ED Reuille Genève 1985
53 SACKS Oliver.Musicophilia, la musique le cerveau et
nous.Seuil.15 janvier 2009.472pages.Collection Coul.Idee
Ainsi ces recherches me permettent de mieux comprendre
pourquoi faire faire de la musique aux patients Alzheimer améliore le
bien être que ce soit par l'apprentissage de chant, par le toucher des
instruments, par l'expression de sentiments refoulés, par le
développement de leur créativité ou encore pour maintenir
la coordination des mouvements.
2.3.1.3 Un bienêtre majoré à
plusieurs
Il est fréquent de voir des ateliers musicaux en groupe
dans les EHPAD. Y-a-t-il un intérêt particulier ? Mes recherches
à ce sujet m'aident à répondre à ma question de
départ car je découvre selon Suzanne OGAY que la satisfaction
engendrée par la répétition cadencée de mouvements
se renforce dans l'expérience rythmique à plusieurs personnes ce
qui donne à celle-ci un caractère social et augmente les
répercussions affectives. Dans ce sens, la musique peut ainsi avoir un
effet bénéfique sur le bien-être. Elle explique que les
jeux corporels à plusieurs (taper des mains etc.), entrainés par
le rythme de la musique, stimule la personne, lui permettant de communiquer son
plaisir de l'instant hors de la parole, dans l'ici et maintenant.
35
CARRE.Alain.www.centre-europeen-musical.com
MAZET.Jean.Michel.Le.petit.bleu.Alzheimer.Ladepeche.fr.2013
2.3.2 Favorisant la communication
Suzanne OGAY explique que « si le langage verbal est
confus, le langage corporel se manifestant par ses gestes et mimiques est une
tentative de communication et d'expression qui a une signification en relation
avec les besoins dont il s'agit de décoder le message pouvant être
accessible à un processus thérapeutique ». Elle donne
l'exemple de l'agressivité, des syndromes confusionnels qui sont des
expressions de l'angoisse du patient. Les cris, l'agitation et la
déambulation représentent une décharge motrice
instinctuelle.
36
WAN.MUNIRAH The Many Emotions of Alzheimer's
patients.Designtaxi.com.2014
A ce stade de mes recherches je me demande si ces signes
parfois difficiles à comprendre et à entendre que l'on retrouve
souvent chez les personnes Alzheimer, seraient ainsi une tentative de
communication pour exprimer leurs besoins ?
D'après Suzanne OGAY « le fondement du travail
thérapeutique de la musicothérapie est de favoriser au maximum
l'ouverture physique, de façon à laisser circuler
l'émotion pour la libérer et la canaliser par la voie non
verbale, en ouvrant des canaux de communication ». Grace à ces
recherches, je vois ici que la musique permet de mener une communication non
verbale. Avec ses compétences, je comprends que l'infirmière
pourrait être en mesure de favoriser cette communication
recherchée par la voie non verbale : la musique.
Selon Suzanne OGAY « la musicothérapie est une
forme de psychothérapie à médiation introduisant la
musique comme moyen d'expression, de communication. Le rôle du
thérapeute est d'apporter l'élément relationnel sans
lequel aucun travail de thérapie n'est possible. L'interaction ainsi
créée entre patient et musicothérapeute permet
l'utilisation de la musique comme médiateur thérapeutique ».
Ici l'importance du soignant dans la thérapie est mise en exergue.
L'outil musical utilisé est une médiation entre le patient
Alzheimer et le soignant pour transmettre les échanges afin d'entrer en
communication.
Selon la théorie psychanalytique de FREUD, la dynamique
du processus musico-thérapeutique utilise les énergies
créées par le fonctionnement énergétique du
psychisme humain allant de l'inconscient au conscient. Nous constatons qu'une
énergie provenant du psychisme du patient et du soignant va être
utilisée pour diriger cette communication vers la conscience des
émotions des deux acteurs.
Selon BENENZON, psychiatre psychanalyste, musicien et
compositeur, ces énergies sont dirigées vers la communication en
direction de l'autre, ce sont les « canaux de communication ». C'est
l'utilisation des gestes et du son à des fins relationnelles.
37
2.3.2.1 Corps et instruments à percussion
rythmique
Selon Michel. PERSONNE, docteur d'Etat en sciences humaines
« lorsque le sujet âgé souffre de ne pas pouvoir
communiquer avec ceux qui l'entourent et que la parole est insuffisante, le
corps devient l'élément indispensable à la
compréhension de la personne âgée. Le corps est le
véhicule de la spontanéité »54 Cette
citation peut nous référer à la maladie d'Alzheimer
où le langage comme non l'avons vu est défaillant. Ainsi le
malade cherche un autre moyen pour s'exprimer. A ce stade de mes recherches je
me demande si au travers du corps et de la musique le malade va pouvoir
s'exprimer.
Un peu d'histoire
Mes recherches dans l'histoire de la musique m'aident à
y répondre. Le corps fut le premier instrument de percussion, se battre
les fesses, le ventre, les cuisses ou taper des mains. Ces expressions
corporelles issues des folklores ont une origine lointaine, les danses, les
mouvements rituels étaient déjà associés à
la confrontation avec la souffrance, les maladies, la mort, dans une
finalité à visée thérapeutique. D'après
S.OGAY « le corps exprime une partie de soi-même à
autrui, ce « corps objet » dévoile ce « corps sujet
». Par sa morphologie, ses attitudes, ses mimiques, son regard, sa
gestuelle et sa voix, il est perçu intuitivement par l'autre et va
déclencher l'empathie ». Ainsi ces recherches m'aident
à répondre à ma question de départ car je constate
qu'au travers de l'expression des mimiques et du corps en réponse
à l'écoute de musique, une communication peut s'établir.
De l'empathie, des émotions surgissent. De plus lorsque le corps est
engagé, c'est aussi une partie de soi que l'on dévoile à
autrui et donc un rapprochement se fait entre les communicants.
Le silence
« La musique c'est le silence écouté
»55. En musicothérapie le silence est
considéré et à sa place parmi les objets sonores, comme
l'instrument de musique, la voix. Cette recherche me permet de faire un
rapprochement avec les compétences de l'infirmière. Celle-ci sait
écouter le malade, gérer les temps de silence. Elle sait les
identifier, les analyser et les respecter.
2.3.2.2 La voix et timbre
Le timbre peut provoquer le stress ou au contraire une
impression de sécurité. Les personnes âgées ne
supportent pas les sons aigus tandis que les fréquences basses sont bien
tolérées.
54 Personne.M Le corps du malade âgé,
pathologie de la vieillesse et relation de soin. Privat. Toulouse.1994
55 DE WILLIENCOURT.Dominique.violloncelliste. Les
concertos d'Alzheimer. Série. DVD. Concerto 2
38
Cette recherche me permet de comprendre qu'il faut savoir
adapter notre voix lorsque l'on parle avec les déments ou bien adapter
la musique avec la voix qui correspond le mieux.
Selon Eric SCHERER, philosophe, « la voix est un
très bon indicateur affectif »56. En effet la voix
parlée ne leur sera accessible que par son intonation, son débit,
son volume et son timbre qu'elle véhicule à travers le discours
qui n'a plus vraiment de sens pour eux.
D'après Suzanne OGAY « La voix a des effets
thérapeutiques allant de l'influence sédative et anxiolytique
jusqu'à son action stimulante et équilibrante ». Ces
recherches m'aident à répondre à ma question car je
constate que la voix chantée est accessible aux Alzheimer. De plus il
faut la privilégier puisque qu'elle est un indicateur affectif qui
favoriserait la communication. Enfin la voix pourrait produire des effets
anxiolytiques et sédatifs intéressants pour améliorer le
bien-être des patients. Ces propos peuvent nous renvoyer au « Chant
des sirènes ». Dans la tradition par le récit de
l'Odyssée, les Sirènes étaient des divinités de la
mer, figurés en oiseaux à tête humaine elles charmaient les
marins de leurs chants mélodieux, irrésistibles et les
entrainaient vers la mort. D'autre part nous pouvons évoquer
Orphée, héros de la mythologie grecque qui réussit par sa
musique enchanteresse à endormir Cerbère le chien à trois
têtes gardien des Enfers. Enfin nous pouvons faire
référence à la Lorelei qui, dans la mythologie germanique
désigne le nom d'une nymphe qui attire les navigateurs du Rhin
jusqu'à leur perdition par ses chants, comme les sirènes de la
mythologie grecque ancienne.
Selon Suzanne OGAY « véhicule direct de
l'affectivité, la voie chantée est un instrument
privilégié permettant l'extériorisation naturelle et
spontanée de sentiments conscients ou inconscients ». De cette
façon je comprends que la voix, la mélodie fredonnées par
les patients Alzheimer seraient des instruments qui permettraient
d'extérioriser les émotions, cela apporte des réponses
à ma question de recherche. Suzanne OGAY explique que « siffler
un air connu et entrainant, alerte aussi une personne confuse jusqu'à
lui donner envie de faire de même ». « La voie chantée
charme par sa propre mélodie. Le sujet dément y est très
sensible, et prête attention aux sentiments qui lui sont transmis par ce
canal, puisque seul le langage de l'affectivité le touche, le saisit,
l'émeut ».
56 E.SCHERER Le partage social des émotions.
Neuchatel.1989
39
2.4 Quelle place à l'infirmier pour un bon
processus thérapeutique ?
2.4.1 L'attitude
2.4.1.1 L'empathie
Selon Suzanne OGAY une attitude empathique est primordiale
pour le musicothérapeute. L'infirmier qui souhaite utiliser la musique
pour favoriser la communication et le bien être chez le patient Alzheimer
doit ainsi développer cette attitude nécessaire.
Carl ROGERS, psychologue humaniste et psychothérapeute,
nous donne sa définition de l'empathie : « On éprouve
une compréhension exacte, « empathique » du monde de son
client comme s'il était le vôtre, mais sans jamais oublier la
qualité de « comme si ». Sentir les colères, les peurs
et les confusions du client comme si elles étaient votre, et cependant
sans que votre propre colère, peur ou confusion ne retentissent sur
elles. »57
Ainsi ces recherches m'indiquent pour ma question de
départ que l'empathie est un élément important à ne
pas négliger pour une communication avec un patient dément.
L'infirmière a les compétences nécessaires pour entrer en
communication, elle sait faire preuve d'empathie. Elle a son rôle
à jouer pour renforcer un bon processus thérapeutique. Selon R.
BRIGHT « la relation thérapeutique, selon le degré
d'empathie entre le patient et le thérapeute, est déterminante
pour le succès final ou la faillite d'un travail de
réhabilitation »58
2.4.1.2 Le principe de la relation d'aide,
d'Humanitude
Dans mes recherches j'apprends qu'il est nécessaire que
l'infirmier se base sur le principe de la relation d'aide afin d'entrer en
communication avec le dément. Carl ROGERS recommande quelques attitudes
à développer pour la relation d'aide : « la congruence
permet au thérapeute de penser ce qu'il a dit, d'être ce qu'il
est, et non pas un rôle ou une façade. L'acceptation consiste
à porter attention au patient avec un authentique intérêt,
en le considérant comme une personne indépendante, et qui a le
droit d'avoir ses propres sentiments. Dans l'attitude empathique, le
thérapeute tente de saisir ce que le patient éprouve dans son
monde intérieur, et de la percevoir de l'intérieur. Dans le
climat de permissivité, le patient réalise que ses sentiments,
quels qu'ils soient, sont acceptables, et qu'il peut les exprimer librement
parce que le thérapeute n'est porteur d'aucune attitude morale, de
jugement ou de correction. »
57 ROGERS Carl Le développement de la personne.
1991
58 Bright.R Music in Geriatric, a second
look.Australia.1991
40
Dans mes recherches je comprends que le rôle du
thérapeute est très important puisqu'il renforce l'effet
bénéfique sur la communication, le bien être. Ces
recherches m'aident à répondre à ma question car elles
m'apportent des renseignements, des conseils sur les attitudes
nécessaires à adopter par l'infirmière.
Suzanne OGAY m'apprend aussi que « Le toucher est
aussi présent dans la relation thérapeutique. Ce sens, où
la distance physique s'annule, permet d'activer et de renforcer les
phénomènes émotionnels ». Le toucher est donc un
outil pour renforcer l'expression des émotions et ainsi favoriser la
communication par un rapprochement, améliorer le bien-être.
MONTAGUE A. auteur, anthropologue dans son ouvrage nous fait
part qu'« il suffit d'observer les réactions qu'une caresse,
une étreinte, une petite tape amicale ou une poignée de main peut
susciter chez la personne âgée, pour se rendre compte du
rôle vital que joue pour elles ce genre d'expériences
»59
Mes recherches me font découvrir ce qu'est
l'Humanitude. Cela m'aide à répondre à ma question de
recherche dans le sens où je comprends qu'il s'agit d'un principe
à adopter pour optimiser la communication avec les personnes
âgées. Il est intéressant pour l'infirmière
d'utiliser ce principe tout en utilisant la musique. La « Philosophie
de l'Humanitude »60 m'apporte des conditions essentielles dans la
manière dont on va s'y prendre pour aborder la personne Alzheimer. Je
retiens essentiellement des mots clefs comme un regard axial (face à la
personne pour qu'elle ne se sente pas regardée de travers), horizontal
(à la hauteur de la personne pour qu'elle ne se sente pas
regardée de haut) long (un regard qui dure non fuyant pour que la
personne se sente en confiance) et proche (près de la personne pour
qu'elle ne se sente pas regarder de loin) ; une parole fréquente,
mélodieuse, douce ; un toucher professionnel (remplacer la saisie en
« pince » par la prise en « berceau »), progressif (il
intervient après un premier contact par le regard ou la parole, la
voix), permanent ( maintenir la permanence du toucher est souvent facteur
d'apaisement), pacifiant (pour être un facteur d'apaisement, le toucher
sera : vaste, c'est-à-dire portant sur de grande partie du corps, doux,
pour ne pas appuyer et blesser, lent car cela augmenterai la force et
caressant. Je constate qu'il ne faut jamais d'approche surprise. Il est
impératif de se faire entendre par la personne, d'établir le
contact visuel avec elle avant d'entrer en contact avec son corps par le
toucher.
59 MONTAGUE.A La peau et le toucher.
Seuil.Paris.1979
60 INSTITUT GI NESTE-MARESCOTTI (IGM).Philosophie de
l'Humanitude : l'Humanitude, de la naissance à la mort. Site
www.igm-formation.net
41
Je constate également dans mes recherches que chaque
personne possède sa manière propre de vivre dans l'espace (son
« chez soi », son milieu privé, organisé à sa
façon) et dans le temps (son rythme, ses horaires), manières qui
font partie de son identité, de son équilibre. Un prendre soin
qui ne respecterai pas le « chez soi » et le rythme de la personne
serait dépersonnalisant et uniformisant. Ainsi ces recherches
m'apportent des indices sur la manière dont peut s'y prendre
l'infirmière pour entrer en communication par la musique.
2.4.1.3 Au rythme du patient
Suzanne OGAY explique que dans les séances de
musicothérapie qu'elle fait, les balancements engagent dans un premier
temps les mouvements des bras avant celui du tronc qui implique une amplitude
plus étendue, une certaine résistance, de type oppositionnel est
à redouter, la personne étant sur la défensive, replier
sur elle-même, crispée, manquant de souplesse. Elle ajoute qu'il
est nécessaire d'avoir une attitude empathique afin de suggérer
des mouvements sans rien imposer pour créer le désir. Je retrouve
ici l'attitude empathique dont avait parlé Carl Rogers, à prendre
en compte. En outre, j'apprends une nouvelle information qui m'aide pour ma
question : l'infirmier peut en effet utiliser la musique comme un outil de
communication, de bien être mais il est nécessaire de s'adapter au
rythme du patient.
2.4.1.4 L'effet miroir, résonnance
Dans la suite de mes recherches je découvre un autre
élément intéressant pour l'infirmière à
mettre en pratique afin d'optimiser la communication avec le dément. Il
s'agit du processus d'échoisation. Selon COSNIER.J « le fait de
mettre le corps en résonnance avec celui d'autrui ou avec la situation
ambiante, dans ses aspects dynamiques, induit les affects qui constituent un
déterminant majeur de l'interprétation d'autrui et de la
situation. Chaque partenaire s'identifie corporellement à l'autre au
cours de l'interaction par un processus d'échoisation, une
activité en miroir qui se développe chez les partenaires d'une
interaction. L'echoisation est à la base de l'empathie
»61. Chez le dément il s'agit d'une
échoisation dite « archaïque » car la présence du
système cognitif est inexistante. Comme chez le bébé,
l'empathie d'affect est à l'état « d'être semblable
» « mimétisme affectif » « faire pareil ».
61 COSNIER.J Psychologie des émotions et des
sentiments.Retz.Paris.1994
42
Selon MAISONNEUVE, « les similitudes répondent
à un besoin de sécurité »62. A la
base de la stabilité émotionnelle, il démontre la
nécessité de l'empathie dans le cadre thérapeutique. Selon
COSNIER « crier dans la colère, ou pleurer dans la tristesse
ont des effets cathartiques et régulateurs ». Les patients
Alzheimer enfouis dans leur colère devraient donc l'exprimer. Pour
Suzanne OGAY, le musicothérapeute doit tenir compte du tempo du patient
pour éviter le repli spontané. La tentative d'établir un
contact avec une personne agitée ne pourra se faire qu'à travers
un tempo musical accéléré.
Ainsi ces recherches m'ont permis de mieux comprendre le
fonctionnement de cet effet en miroir qui pouvait se produire avec les
personnes Alzheimer. Pour répondre à ma question de recherche, je
comprends surtout jusqu'à présent que c'est l'adaptation au
patient qui est mis au-devant du tableau. Pour pouvoir rentrer en communication
d'un point de vu optimal, l'infirmière semble en avoir les
compétences. Elle doit appliquer ses qualités d'empathie,
d'écoute, d'observation pour s'adapter au rythme du patient afin
d'entrer en résonnance.
2.4.1.5 Aider à la réévocation de
souvenirs
Dans la suite de mes recherches j'apprends que la
réévocation de souvenirs chez les personnes Alzheimer au travers
de la musique peut aussi être un élément utilisable par
l'infirmière. Selon B.RIME la réévocation de souvenirs
douloureux chez le dément « provoque dans l'immédiat un
état qui peut être péniblement ressenti par le sujet, mais
elle le place à long terme, à l'abri des conséquences
négatives potentielles d'une expérience émotionnelle non
partagée. »63 Selon les chercheurs DENNEBAKER et
OTTERON « dans l'année qui suit la mort d'un membre d'un
couple, le conjoint survivant à une forte probabilité de
déclencher une maladie s'il n'a pas pu parler de ses problèmes
affectifs à d'autres personnes ». Ainsi il est utile pour
l'infirmière de faire réévoquer des souvenirs heureux et
même douloureux aux patients Alzheimer au travers de la musique pour
favoriser le bien être.
2.4.1.6 Susciter le désir et la
créativité
Un des éléments essentiels chez la personne
Alzheimer qui se sent démunie, est d'aider à préserver les
capacités restantes. Je découvre dans mes recherches qu'au
travers de la musique, l'infirmier est amené à susciter le
désir et la créativité des patients. Apprendre de nouveau
et désirer favoriserait d'une certaine façon le bien être
des patients Alzheimer. Selon
62 MAISONNEUVE.J La psychologie Sociale. Paris.2013
63 B.RIME Le partage social des émotions.
Neuchatel.1989
43
Suzanne OGAY « La personne démente, dont les
ressources en énergie font défaut, et dont le repli sur soi a
tari la source du désir, peut retrouver, grâce à un univers
relationnel stimulant, une capacité désirante, même si elle
n'est que passagère. Bien que la demande ne fonctionne plus ou presque
plus, le thérapeute doit être à même de créer
cette demande, ce désir ». L'infirmière devrait bannir
l'image de la personne démente qui n'a plus de désir du fait de
ses pertes mais au contraire plutôt favoriser le développement de
la créativité et susciter le désir. La musique est bien un
outil qui suscite le désir et la créativité,
l'imagination.
On peut se référer à la pyramide de
MASLOW, une classification des besoins humains, dans laquelle nous retrouvons
le besoin de s'accomplir. La personne âgée à toujours ce
besoin et notre rôle en tant qu'infirmier est d'y répondre.
|
|
D'après Suzane OGAY « les comptines, les
chants de jeunesse constituent un répertoire de choix pour raviver et
restaurer une image de soi déficitaire ». En tant qu'infirmier
nous devons choisir un bon répertoire de chant afin de leur faire
revisiter leur passé, les moments agréables qu'ils ont pu avoir,
pour susciter leur désir d'entendre des chants qui leur parle.
L'improvisation musicale représente selon Suzanne Ogay
« le libre jaillissement sonore, la libération à
l'état brut de sentiments et d'émotions. Elle va traduire dans
l'instant, sans parole, la peur, la colère, l'irritation, l'entrain, la
joie, le mystère, le calme et l'évocation de souvenirs. Elle
représente une part essentielle du processus de
créativité, soutenu par le désir et l'imagination
, · désir de créer, de se défouler, de se
libérer, d'entrer en communication ». Cette recherche me
permet de démontrer que l'improvisation musicale permet le
développement de la créativité et favorise le bien
être. D'après Suzanne OGAY « l'improvisation musicale
suscite la créativité du patient. Et en développant sa
créativité, le patient développe ses ressources
potentielles ». C'est à nous « de mettre les sujets
en situation de créer, en leur offrant cadres et objets sonores dans un
contexte de jeu, de plaisir, de fonctionnement ludique ». «
La capacité créatrice peut se développer, aussi, par
l'audition de musique , · leur pouvoir évocateur peut
déclencher et engendrer la formation d'image mentales. Ces images sont
produites par l'imagination, entrainée par la suggestibilité de
certaines musiques à la forme descriptive, mais également
à la tonalité affective ».
44
2.4.2 Capacités d'Analyse et d'adaptations aux
patients
« Jouer est une thérapie en soi »
(Winnicott)
Nous avons vu jusqu'à présent que la musique
aide à favoriser l'improvisation et donc la créativité et
le bien-être. Mais cette improvisation que faut-il en faire ? C'est par
celle-ci que le patient Alzheimer va pouvoir se livrer complètement, il
laisse ses émotions s'exprimer librement. Ainsi c'est une partie du
sujet qui s'offre à nous soignant et notre rôle serait d'analyser
ce libre jaillissement d'émotions. Selon Suzanne OGAY « Lorsque
la communication est établie, le travail d'approfondissement consiste
à se centrer sur ce qu'elle éveille, ce qu'elle suscite, à
analyser et interpréter ce que le sujet va exprimer à travers les
techniques actives de production, de création ainsi que durant les
moments d'écoute ». Dorénavant, je comprends mieux le
travail que l'infirmier serait amené à faire une fois la
communication établie : un travail d'analyse. Selon Suzanne OGAY «
les bâillements, les soupirs sont des représentations de
détente, prélude au bien être, de même que le regard,
le sourire, et le rire sont des indicateurs qui ne trompent pas ».
S.Ogay nous donne des signes qui doivent nous interpeller en tant qu'infirmier.
Ces signes réfèrent à un état de
bien-être.
Dans la musicothérapie réceptive
nous avons vu précédemment que les auditions
d'extraits peuvent être inductrices de modifications de comportements et
d'humeur, ainsi que de l'émergence de souvenirs. Notre rôle en
tant qu'infirmier serait d'adapter les musiques aux patients pour un bon
processus thérapeutique. Comment y parvenir ? D'après Suzanne
OGAY « dans un premier temps la musique doit s'accorder à
l'état du patient, dans la perspective d'une mise en résonnance
entre les deux. Puis l'extrait suivant va correspondre aux intentions
recherchées, qui peuvent être l'apaisement ou la stimulation,
selon l'effet désiré ».
Une expérience a été
réalisée aux Etats Unis64 où l'on a fait
écouter à cinq patients Alzheimer confus et agités des
musiques propres à leur individualité pendant une demi-heure tous
les jours durant une semaine. Les effets furent une modification
bénéfique des conduites agitées.
64 GERDNER L-A et SWANSON E-A Effects of
individualised music on confused and agitated elderly patients. Iowa City.
Etats unis. 1993. P284 à 291
45
Dans la musicothérapie active, quels
instruments ?
Grace à mes recherches, je découvre qu'il existe
différents instruments. L'infirmière pourrait être capable
d'analyser les capacités des patients et d'adapter ces instruments aux
patients. La découverte des différentes fonctions des instruments
m'aident à répondre à ma question. Les instruments
à peau : Le tambourin, le tambour et les timbales sont des
instruments à manipulation facile car on peut frapper avec les mains,
les coudes contre les cuisses, la poitrine et les genoux. C'est un lieu de
décharge rythmique, d'expression de sentiments. Les Bois : Les
claves et le wood-block ne sont pas à la portée des personnes
n'exerçant plus le contrôle de leurs gestes. Ils permettent de
marquer le rythme et donc le bien-être.
Les Métaux : Le triangle, les cymbales, les
grelots et les maracas sont des instruments à résonnance qui
calme. De plus il n'y a pas besoin d'habileté manuelle.
Les instruments à percussion mélodiques :
Les métallophones, le xylophone, le carillon sont des instruments
à caractère mélodique. La sonorité cristalline
créée des climats qui captent l'attention et engendrent des
satisfactions ainsi que des demandes. Le pipe-dreams a un son aérien au
timbre planant qui charme et induit la détente.
Ces percussions rythmiques sont adaptées aux
capacités d'expressions des déments Alzheimer car le corps comme
nous l'avons vu, peut prendre le relais pour exprimer les affects.
Les instruments à cordes : la harpe, le
psaltérion ont une connotation affective. Ce sont des objets harmonieux,
induisant l'intimité, le calme et l'apaisement.
2.4.3 Rôle de préservation de
l'identité
En tant que soignant notre rôle est de préserver
au maximum les capacités de la personne, son autonomie mais aussi et
surtout son identité.
En métaphysique « l'Identité » se
définit comme le fait d'appartenir à la même sorte de chose
que d'autres. Ici c'est le mot « appartenance » qui en dit beaucoup.
En effet si l'on se réfère à la pyramide de MASLOW, il y a
un besoin fondamental qui est celui d' « appartenance ».
D'après Suzanne Ogay « unique par son timbre, la voix est un
des reflets les plus sûrs de la personnalité. Elle dévoile
l'être dans sa totalité, car elle est sujette aux fluctuations du
vécu corporel et des émotions, les trahissant sans pouvoir les
contrôler. Aussi la voix est-elle l'un des indicateurs les plus sensibles
pour traduire et trahir l'état affectif. »
46
3 Exploration d'enquête
Suite à l'élaboration du cadre conceptuel, j'ai
mené des entretiens auprès des professionnels en unité
Alzheimer pour recueillir des témoignages permettant d'enrichir ma
réflexion quant à ma question de départ. Cette partie est
constituée de l'analyse des entretiens, d'observations d'ateliers, de la
comparaison de leurs similitudes et différences pour confronter la
théorie à la pratique. Les guides d'entretiens et d'observation
sont retranscrits en annexes.
3.1 Présentation de la méthode
d'enquête
J'ai mené mon exploration selon des entretiens
semi-directifs car c'est une technique qualitative d'informations permettant de
centrer le discours des enquêtés autour des concepts de ma
question. Ces guides sont de bon outils d'enquête car ils m'ont
immédiatement permis de faire des liens entre les réponses que
j'attendais et celles que je recevais. Un dictaphone a été
utilisé sur autorisation pour me faciliter la retranscription. J'ai
interrogé 5 infirmiers et un musicothérapeute. J'ai aussi
créé un guide d'observation afin d'assister à 2 ateliers
musicaux et d'exploiter des données d'observation parallèlement
au déroulement des entretiens semi-directifs pour enrichir l'analyse des
éléments recueillis en confrontant discours et pratique. Pour
cela j'ai choisi de préparer un atelier de musique ou j'ai simplement
fait écouter de la musique aux patients sans aucune intervention d'un
soignant en observant discrètement. Les notes prises pendant
l'observation sont en annexes 9 ainsi que la retranscription en annexe 10.
Enfin j'ai souhaité assister à un atelier de
musicothérapie avec intervention d'un musicothérapeute. Ce
dernier m'a expliqué la complexité de la démarche
administrative et l'absence d'intérêt d'assister à un seul
atelier. Toutefois il m'a proposé de me parler dans la suite de notre
entretien, du déroulement des ateliers. Ces propos se sont
révélés très intéressants et j'ai donc eu
l'idée de les retranscrire sous la forme d'un tableau (annexe 11). Ces
méthodes d'exploration m'ont permis de rassembler les faits, opinions,
recueillis sur l'objet de recherche. Je pourrais ensuite les comparer
grâce à une analyse par thématiques.
3.2 Présentation des personnes
interviewées
|
âge
|
sexe
|
ancienneté
|
Formation
|
intérêt
|
musique
|
Conditions
|
IDE 1
|
42
|
M
|
10 et 8 ici
|
IDE
|
Relation, Humour
|
guitare un peu
|
Bureau
|
IDE 2
|
34
|
F
|
7 ici
|
IDE référente
|
Respect, animaux
|
Flûte avant
|
Bureau
|
IDE 3
|
56
|
F
|
33 et 16 ici
|
IDE
|
Partager le quotidien, relation
|
Non mais aime
|
Bureau
|
IDE 4
|
61
|
F
|
37 d'EHPAD
|
IDE coordinat Réf humanitude
|
soins selon ses valeurs
|
Non mais aime
|
Téléphone
|
IDE 5
|
30
|
F
|
7 et 1 ici
|
IDE
|
Personnel
suffisant, médecin reconnu
|
Non
|
Téléphone
|
Musico- thérapeute
|
32
|
M
|
10
|
Musico-thérapie
|
Musique Relation, Mixité publique
|
Pratique, passion
|
Bureau
|
47
3.3 Traitement des données et analyse
THEME 1 Les difficultés de communication et les
conséquences
Je traite ce thème avec les questions 1 et 2 des
deux guides
Avec ces questions je voulais confirmer les difficultés de
communication, je voulais connaitre
les types et en comprendre les conséquences pour le
soignant et le patient ANALYSE QUANTITATIVE
Tous les professionnels interrogés sont souvent
confrontés aux difficultés de communication : 3IDE rencontrent
des difficultés notamment lors des refus de soins. 3 professionnels
évoquent les personnes qui déambulent. 1IDE seulement ne
différencie pas les stades de la maladie car selon lui les
difficultés de communication sont présentes à tous les
stades. 1IDE apporte la notion de dépendance. 2IDE évoquent la
perte de mémoire.
Les conséquences de ces difficultés
sont les suivantes : 2IDE ont évoqué l'impuissance
du soignant et 3 IDE ont parlé de frustration du soignant. 4IDE ont
parlé de l'agressivité des résidents. 3IDE ont cité
le repli et l'isolement des patients. 1IDE cite la frustration du patient.
Les réponses majoritaires sont
: les difficultés de communication lors des refus de soins
et l'inaccessibilité des personnes qui déambulent. Les
conséquences majoritaires sont la frustration des soignants et
l'agressivité, le repli, l'isolement des résidents. Quel que soit
l'âge, le sexe, l'ancienneté, il n'y a pas d'écart dans
leurs réponses « même avec 40ans d'expérience, pas
facile » (IDE4).
ANALYSE QUALITATIVE
L'évidence des difficultés de
communication
Les difficultés de communication sont évidentes
pour tous les professionnels. Quand je leur demande s'ils ont
déjà été confrontés à des
difficultés de communication, j'obtiens des réponses positives,
des phrases exclamatives (IDE1 et 2) des « bah oui » (IDE2, 4 et 5)
ou encore « il ne faut pas se leurrer » (IDE3). L'IDE4 dit même
« c'est mon quotidien ».
La gêne d'en faire part
Lorsque je pose la question des types de difficultés et
s'ils ont des exemples, les soignants ont tendance à partir dans leurs
pensées et à souffler (IDE1 et IDE2), à rire nerveusement
(IDE2
48
et 5) ou encore à prendre une grande respiration
(IDE3). J'en déduis qu'ils en ont beaucoup et comme c'est aussi une
difficulté dans leur métier, peut-être qu'il n'est pas
évident d'en parler.
La diversité des types de
difficultés
Les exemples des difficultés de communication dont ils
me font part sont très divers comme le refus d'une patiente de prendre
ses médicaments et la nécessité de faire du chantage
(IDE1) ou la volonté des patients désorientés de sortir
(IDE2) ou l'inaccessibilité des personnes qui déambulent
(musicothérapeute) ou bien un patient ancien médecin qui continue
son métier dans son monde imaginaire en voulant donner des
médicaments à une autre résidente (IDE3). L'IDE3 insiste
d'ailleurs sur la nécessité d' « une vigilance accrue
». L'IDE4 dit rencontrer des difficultés dans tous les actes de la
vie quotidienne, que ce soit lors des soins d'hygiène, d'habillage ou
pour le repas. Cependant l'IDES n'a pas d'exemple à me donner. J'ai
l'impression que les difficultés sont tellement quotidiennes et
évidentes, qu'elle cherchait une réponse ailleurs, elle finit par
évoquer la difficulté des personnes avec troubles psychiatriques.
Ainsi je retrouve les difficultés quotidiennes de communications avec
les personnes Alzheimer dont nous avons parlé dans le cadre conceptuel
de type perte de mémoire, incompréhension, aphasie, refus et
désorientation.
Les conséquences pour le
patient
Les difficultés de communication rencontrées par
les soignants affectent la prise en charge du bien-être du patient. Par
exemple en parlant du patient j'obtiens les réponses « il est
frustré, de la colère peut arriver » (IDE2) ou encore «
il devient très agressif, c'est l'agacement, le refus, le repli,
l'isolement » (IDE3) ou encore « indéniablement l'angoisse et
l'agitation » (IDE4). L'IDES nomme cette « violence des patients
» comme le déclenchement d'une « situation dramatique »
Elle dit d'ailleurs le « mal être » qui renforce l'opposition
avec le bien être que les soignants souhaitent obtenir. « Ils sont
dépendants » (IDE4).
Les conséquences pour le
soignant
De même, en parlant des conséquences pour le
soignant, les réponses sont péjoratives « on est très
frustré, si on n'y arrive pas, ça va être des
médicaments et fatalement pour nous c'est l'échec » (IDE2)
Cette même IDE évoque notamment les effets secondaires des
médicaments « une personne endormie qui risque de tomber ».
L'IDE4 dit qu'elle se sent démunie. Les
49
soignants expriment leur impuissance : soupir d'impuissance,
air désespéré et rire nerveux de l'IDE1, qui peut se
traduire par un sentiment de gêne car il ne sait pas comment régir
face à l'agressivité des résidents. De même l'IDE2 a
un rire gêné lors de cette même question. L'IDE3 soupire en
regardant le ciel « c'est infernal, on est impuissant ». Le
musicothérapeute souffle et a un air embêté. Pour l'IDE4 si
on n'arrive pas bien à gérer la situation, on peut même
« augmenter ces troubles du comportement » Certains professionnels
insistent sur leur rôle dans la compréhension des résidents
: Pour l'IDE2 « c'est à nous de déchiffrer, c'est notre
rôle d'essayer de comprendre ce qu'ils essayent de nous dire de la
façon qu'ils peuvent ». Pour l'IDE3 « le mot n'a plus de sens
mais il faut arriver dans son attitude à comprendre ». Je ressens
leur volonté de vouloir bien faire, comme s'ils s'excusaient de ne pas y
arriver.
C'est intéressant ici de relever les concepts de
dépendance du patient et d'impuissance du soignant. En quelques mots
l'impuissance et la dépendance :
Le Larousse 2003 définit la dépendance comme
« un rapport de sujétion, de subordination. Etat d'une personne
qui ne peut plus toute seule réaliser les actes de la vie quotidienne
». On constate une certaine infériorité du patient qui
est dépendant du soignant. Or du fait des difficultés de
communication, le soignant est impuissant. L'impuissance se définit
comme « un manque de force, de pouvoir, de moyen pour faire quelque
chose ».
Ainsi de la même façon que nous l'avons
clairement exposé dans le cadre conceptuel, cette maladie est donc un
problème de santé publique du fait de ces conséquences
importantes, de ces difficultés que ce soit pour le soignant ou le
patient.
Les différences entre les
stades
En général les professionnels me font part des
différences selon les stades de la maladie en mettant en valeur les
difficultés supplémentaires lors des stades sévères
: « au stade débutant, il y aura encore la communication, encore
pleins d'acquis sur lesquels on va s'appuyer. Sur les stades beaucoup plus
avancés c'est plus difficile, on est vraiment sur tout ce qui est
sensoriel » (IDE2). L'IDE3 identifie le stade de « la grande
dépendance, où la communication est extrêmement tactile
» et le stade de « déambulation ». D'ailleurs l'IDE4
nomme le stade modéré pour parler de la désorientation :
« au stade modéré, la désorientation impacte de plus
en plus sur la communication mais au stade avancé, le patient n'arrive
plus à traiter
50
l'information qu'on lui transmet, il faut réellement
trouver une stratégie pour communiquer avec eux. ». Je retrouve ces
propos chez l'IDE5 : « quand la maladie évolue, il faut trouver
d'autres stratégies ». Chez le musicothérapeute c'est la
musique qui va lui permettre de « doser le stade de la maladie » : au
stade sévère la mémoire récente est tellement
altérée, que les patients ne se souviennent que des chansons de
leur 20ans. Au contraire au stade débutant, les patients se souviennent
des chansons de leur 40ans. Comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel, la
maladie n'est pas homogène, il y a des stades qui sont identifiés
aussi par les soignants même si c'est avec leurs propres mots. Je peux
analyser ces réponses en m'appuyant sur le cadre conceptuel : nous
retrouvons la difficulté du stade sévère.
L'évolution de ces dernières
années
Du fait de son ancienneté, l'IDE3 me fait part qu'il y
a 15 ans, il y avait très peu d'Alzheimer dans la maison de retraite
alors que maintenant la tendance s'est inversée « nous avons
pratiquement que des personnes Alzheimer, c'est une grosse évolution qui
s'est faite sur les 15 années ». Je peux analyser cette
donnée en faisant le lien avec le cadre conceptuel : La fréquence
de la maladie augmente avec l'âge et avec le vieillissement de la
population cela devient un défi de santé publique.
Synthèse : Les difficultés de
communication sont évidentes et quotidiennes pour les infirmiers : types
perte de mémoire, déambulation, refus de soins etc. Les
conséquences sont importantes (frustration, isolement,
agressivité, dépendance, impuissance etc.). Cette maladie
représente un véritable problème de santé publique
renforcé par le vieillissement de la population et donc l'augmentation
de la fréquence de la maladie. Le stade sévère de la
maladie représente une difficulté supplémentaire. Cela
confirme la nécessité de trouver des stratégies de
communication. D'où l'importance de ma question de recherche en
proposant un outil : la musique.
51
THEME 2 Les stratégies de
communication
Je traite ce thème avec les questions 3 (guide
infirmier) et 5 (guide musicothérapeute)
Avec ces questions je voulais apporter des réponses sur
la manière dont s'y prends l'infirmier pour favoriser la
communication, le bien-être. Je voulais vérifier si les notions
d'Humanitude, d'empathie était présentes. Je voulais savoir si
la musique était pour les infirmiers une stratégie de
communication
ANALYSE QUANTITATIVE
Tous les professionnels ont des stratégies de
communication :
Le concept de l'Humanitude : 2IDE
ont cité l'« Humanitude ». 3IDE ont évoqué le
toucher. 3IDE ont cité les gestes, les mimes. 2IDE ont cité la
parole (parler fort, lentement, ne pas hausser le ton, articuler, phrases
courtes). 4IDE ont évoqué le regard (sourire, face à eux).
1IDE et le musicothérapeute ont parlé d'empathie, être
à l'écoute de l'autre.
Des médiations : 1IDE a
évoqué l'humour. 1IDE a évoqué la
zoothérapie. 2IDE et le musicothérapeute ont évoqué
la musique, le chant. 1IDE a parlé du tutoiement
thérapeutique.
Des qualités : 1IDE a
cité la patience. 1IDE a cité la fermeté et l'assurance.
1IDE et le musicothérapeute ont cité la confiance. 1IDE a
cité la logique. 1IDE a cité l'imaginaire. 2IDE et le
musicothérapeute ont cité la connaissance des
résidents.
Les réponses majoritaires sont
: l'Humanitude (étudié dans le cadre conceptuel)
avec le toucher, les gestes, les mimes, le regard, la musique et la
connaissance des résidents. Cela relève surtout du sensoriel.
La confiance est une nouvelle notion non
abordée dans le cadre conceptuel
La confiance en quelques mots
Elle se définit selon le Larousse comme « un
sentiment de sécurité d'une personne qui se fie à
quelqu'un ». Elle est donc source de bien-être et
nécessaire dans la communication avec les personnes Alzheimer.
52
ANALYSE QUALITATIVE
Les professionnels ont des stratégies de
communication très diverses.
Les moyens utilisés dépendent le plus
souvent des centres d'intérêt des soignants :
En effet, l'IDE1 aime la relation et blaguer avec les
résidents, il nous présente ainsi l'humour en tant que
stratégie de communication. C'est une nouvelle stratégie dont je
n'avais pas évoqué dans le cadre conceptuel.
L'humour en quelques mots
« L'humour c'est l'euphorisant de la souffrance
» citation de Jérôme Touzalin, dramaturge, extrait de
« Le pommier »
« L'humour est un déguisement sous lequel
l'émotion peut affronter le monde extérieur ». Tony
Mayer, écrivain extrait de « Différence entre l'esprit et
l'humour »
L'IDE2 elle, a plutôt un centre d'intérêt
pour les animaux, donc la zoothérapie dont nous n'avions pas
évoqué dans le cadre conceptuel, lui convient bien.
Au niveau de la formation, l'IDE4, étant
référente de la méthode d'Humanitude dont nous avons
parlé dans le cadre conceptuel, elle utilise beaucoup cette
méthode, peut-être plus que les autres soignants où du
moins, elle l'identifie clairement dans ses propos : « l'Humanitude c'est
prendre soin de la personne comme on aimerait qu'elle prenne soin de nous sans
oublier qu'elle n'est pas nous ».
On remarque que l'IDE3 qui a cité la patience, a dans
ses centres d'intérêt la relation et surtout le partage du
quotidien des résidents : « il y a une dose de patience qui doit se
renouveler chaque jour ». C'est une stratégie dont je n'avais pas
fait part dans le cadre conceptuel. Quelques mots sur ce nouveau concept :
« Un moment de patience peut préserver de
grands malheur, un moment d'impatience, détruire toute une vie »
Proverbe chinois
« La patience est la clef du bien-être »
Mahomet, prophète
« Patience et longueur de temps, font plus que force ni
que rage » Jean de la fontaine, poète
Les professionnels qui citent le chant, la musique comme
stratégie de communication, ont un centre d'intérêt pour la
musique : « la communication est plus musicale ; le chant aide beaucoup
» (IDE3) ou « je peux utiliser le chant aussi même si je chante
mal, j'aime bien »
53
(IDE4). Ces deux IDE aiment chanter même si elles n'ont
jamais fait de musique. Le musicothérapeute a mis sa passion au service
des patients, il considère que c'est un outil qui favorise la
communication : « la personne n'est pas du tout à même de
communiquer avec les soignants et souvent la musique réussit à
faire ce lien ; l'entrée en communication est facilitée par la
musique ; j'ai la chance d'avoir cet outil qu'est la musique que n'ont pas tous
les soignants parce qu'il y en a beaucoup qui disent je n'aime pas chanter,
c'est pas mon truc mais en général cet outil marche bien
».
La musique pensée comme une
stratégie de communication
L'IDE1 et l'IDE4 ne citent pas la musique lorsque je pose la
question des stratégies de communication mais ils la citent
néanmoins en réponse à la question des effets de la
musique, les signes visibles sur le bien-être et la communication. J'en
déduis qu'ils n'y pensaient pas à première vue, ce n'est
peut-être pas une stratégie habituelle pour eux mais c'est
lorsqu'ils font le lien avec les effets de la musique et la communication
qu'ils finissent par me dire « donc c'est un bon moyen de communication
».
La Parole, une stratégie peu efficace pour
Alzheimer
Je remarque que la parole n'est pas citée parmi les
réponses majoritaires. J'analyse cette donnée en me
référant au cadre conceptuel : c'est une stratégie peu
efficace pour les patients Alzheimer qui ont perdu la compréhension du
langage. Toutefois, lorsque les soignants sont amenés à
l'utiliser, ils vont selon l'IDE4 « parler fort, lentement et bien
articuler » Je retrouve ces propos chez le musicothérapeute
lorsqu'il me décrit ses actions lors d'atelier.
Des stratégies de communication non
verbales
Je constate que la plupart de ces stratégies
décrites par les professionnels sont surtout des stratégies de
communication non verbales.
La gestuelle : En effet l'IDE1
évoque la gestuelle, les mimiques car il s'est rendu compte que pour
amener quelqu'un dans le salon, « il faut gesticuler un peu, prendre le
bras, et ça passe. Alors que quand on parle, ils ne comprennent pas
». De même, lorsque l'IDE4 explique à une patiente qu'il faut
manger, elle ne comprend pas alors qu'elle comprend quand on lui mime.
L'ouïe : Pour le musicothérapeute, c'est
la musique la première stratégie de communication non verbale :
« avec la musique on va souvent faire ressortir un souvenir, une
personne
54
associée à cette chanson, un lieu, une date, ce
qui ne marche plus forcément avec quelqu'un qui va simplement discuter
avec cette personne ».
Le regard : Ensuite il y a tout ce
qui a trait au regard : « il faut juste sourire » (IDE1) « ne
pas arriver par surprise, face à eux » (IDE2). Dans les propos du
musicothérapeute sur la description du déroulement des ateliers
de musicothérapie et les actions du professionnel, je retrouve le
sourire dont a parlé l'IDE1 et le regard axial dont a parlé
l'IDE2. Selon le musicothérapeute, en réponse à ce regard
bienveillant, les résidents sont rassurés, valorisés
(tableau annexe).
Le toucher : Les professionnels
s'appuient beaucoup sur le sensoriel comme le toucher : « la
zoothérapie » (IDE2) ou « c'est des gens qui répondent
beaucoup par le toucher, on les prend dans nos bras, toujours leur tenir la
main » (IDE5) ou « pas de prise en pince mais en berceau »
(IDE4). D'ailleurs je retrouve la prise en berceau du musicothérapeute
lorsqu'il m'explique ses actions (tableau annexes). Et de la même
façon que l'IDE2 explique « ne jamais arriver par surprise pour que
le patient ne se sente pas agressé », je retrouve le toucher
progressif dans les actions du musicothérapeute.
Ainsi ici nous retrouvons au travers de la gestuelle, du
regard bienveillant, de la parole douce, du toucher progressif, le concept
d'Humanitude détaillé dans le cadre conceptuel même si tous
les professionnels ne le nomment pas en tant que tel.
L'effet miroir, l'empathie, une entrée dans
leur monde
Pour l'IDE3, « il faut répondre à leur langage
par le même langage ; entrer en communication, c'est entrer dans leur
monde ». Cela fait penser à l'effet miroir notamment au moment
où le musicothérapeute explique qu'il doit déambuler avec
le patient pour le faire s'assoir. L'empathie de l'IDE5 se retrouve dans les
propos du musicothérapeute (tableau annexe). Ici je retrouve donc
l'empathie et les neurones miroirs dont nous avons parlé dans le cadre.
L'IDE5 dit « ne jamais les remettre dans la réalité ».
Dans le cadre conceptuel nous avons effectivement vu une question
d'éthique qui présentait les symptômes comme
représentatifs d'un mode de défense, qu'il ne faudrait pas
vouloir recadrer, stopper, remettre dans la réalité.
Synthèse Les stratégies de
communication des professionnels sont diverses. Chacun s'appuie sur celles qui
leur convient le mieux (humanitude : toucher, regard, empathie etc.). Ces
stratégies sont surtout des stratégies non verbales. A plusieurs
reprises, la musique est évoquée en tant que stratégie de
communication, donc cela montre l'intérêt du sujet
étudié.
55
THEME 3 : Les types d'activités et les
objectifs
Je traite ce thème avec les questions 4 (guide
infirmier) et 3, 4 (guide musicothérapeute)
Avec ces questions je voulais connaitre les activités
proposées dans les établissements et vérifier l'objectif
de favoriser la communication et le bien-être des résidents. Je
voulais savoir si la musique était présente et si non pourquoi
?
ANALYSE QUANTITATIVE
Des activités musicales :
Tous les professionnels ont évoqué des
activités de chant, de chorale. 2IDE et le musicothérapeute ont
parlé de gym douce en musique. 1IDE et le musicothérapeute ont
parlé de salle de musique. 2IDE disposent d'une salle snoezelen avec lit
chauffant et musique. Le musicothérapeute a parlé de
musicothérapie active et réceptive (dont j'avais parlé
dans le cadre conceptuel), de percussions corporelles, de pratiques
instrumentales. Il a évoqué l'objectif de mobilisation cognitive
au travers de la verbalisation du ressenti, de l'émergence de
souvenirs.
De l'animation : 2IDE ont parlé
d'un animateur. 1IDE a parlé d'activité occupationnelle.
Du bien-être, de la beauté, des
créations : 2IDE ont évoqué les massages.
1IDE a parlé de manucure. 1IDE a parlé de dessin
De l'air, des rencontres : 1IDE a
évoqué la zoothérapie. 1IDE a parlé de ballades
De la réflexion : 2IDE ont
évoqué la mobilisation cognitive avec les quizz,
baccalauréat. 1IDE a parlé d'autonomisation comme mettre la
table
Les réponses majoritaires sont
les activités de chant, de chorale, la gym douce en
musique, les massages, la salle snoezelen et la mobilisation cognitive.
Les activités peuvent être prises en charge par
des professionnels (animateur, musicothérapeute). L'infirmière
peut intervenir ponctuellement (exemple massage, chant, zoothérapie)
Cependant le sexe, l'âge ou l'ancienneté n'influent pas sur le
choix de l'activité. Peut-être que le centre
d'intérêt influe-t-il ? Par exemple l'infirmière qui aime
les animaux et qui participe à la zoothérapie. Le
musicothérapeute propose des ateliers de musicothérapie compte
tenu de sa formation.
56
ANALYSE QUALITATIVE
Les activités proposées sont diverses et
dépendent de ce que les professionnels disposent dans la structure. Ces
derniers s'appuient sur leurs ressources comme la possibilité d'avoir
une salle snoezelen, une salle de musique, un piano, un animateur ou encore un
animal.
Vers le sensoriel
On remarque que les activités sont principalement
sensorielles comme les massages, la musique, le toucher des animaux ou encore
le lit chauffant. L'IDE2 dit d'ailleurs « on travaille avec le sensoriel
».
Le sensoriel est un nouveau concept dont nous n'avions pas
évoqué dans le cadre conceptuel. En quelques mots, le
sensoriel :
D'après le dictionnaire Larousse, du latin «
sensorium » le sensoriel est le « siège de la sensation,
qui se rapporte aux organes des sens, aux structures nerveuses qu'ils mettent
en jeu et aux messages qu'ils véhiculent ». La sensation est
« le reflet dans la conscience d'une réalité
extérieure dû à l'activation des organes des sens ».
Dans le livre « 5 leçons sur la perception » de Serge
Carfantan, docteur en philosophie, 5 sens sont identifiés, la vue,
l'ouïe, l'odorat, le toucher, le goût.
Des objectifs...
Les objectifs des activités sont surtout le bien
être, la communication, la mobilisation cognitive ou encore
l'autonomisation.
...De bien être
En effet lorsque l'IDE2 me parle de la zoothérapie,
elle dit que quand les animaux « s'assoient sur les résidents, on
constate que le visage s'éclaire ». Ici on est donc dans un
objectif de bien-être. De même lorsqu'elle parle de massage, de
lumière et de musique, elle dit que ce sont des activités «
pour les apaiser ». D'ailleurs l'IDE3 reprend cet objectif de bien
être, conforme au cadre conceptuel, en évoquant « la musique
qui adoucit vraiment ».
...De communication
L'IDE4 évoque aussi ce même objectif de
bien-être et même celui de communication, en pensant « que
l'on peut transmettre beaucoup d'information par le toucher ».
57
...D'autonomisation
L'IDE2 cherche aussi l'objectif d'autonomiser les
résidents puisque qu'elle dit « on leur fait mettre la table pour
qu'ils se sentent utiles et essayer de les autonomiser ». Ici elle cherche
à préserver d'une certaine façon leur identité,
leur valeur, leur estime.
...En fonction des goûts
L'IDE4 et le musicothérapeute font des ateliers en
fonction des goûts de la personne. « La base c'est d'abord le
plaisir ; un résident va venir avec ses gouts musicaux, son vécu
musical, c'est à moi de jouer là-dessus et pas l'inverse »
(musicothérapeute), « alors avant tout c'est fait en fonction des
goûts de la personne » (IDE4).
...De mobilisation cognitive selon les
stades
L'IDE5, elle, évoque l'objectif de mobilisation cognitive
avec les baccalauréats, les quizz mais explique notamment que les
activités dépendent aussi « du degré de la maladie
». ...D'occupation
Pour l'IDE5 les ateliers musique ont aussi un
intérêt occupationnel « ils sont occupés ici ».
Nous n'avions pas pensé à aborder l'aspect occupationnel dans le
cadre conceptuel. L'occupation peut aussi effectivement être source de
bien-être.
La musique, un outil présent qui fonctionne
bien
Je constate que la musique, le chant est présent dans
toutes les structures. Peut-être est-ce un outil facilement utilisable.
Selon les professionnels cela marche plutôt bien. En effet l'IDE1 a un
sourire de satisfaction lorsqu'il m'explique que l'animateur «
créé une ambiance dans le salon avec la musique, tout le monde
ensemble, ça marche ». De même l'IDE5 a également un
sourire de satisfaction en disant que « les ateliers chant fonctionnent
très bien. Quand la maladie est plus évoluée en
général les ateliers chant, ça fonctionne bien, ils aiment
». L'IDE1 pense aussi que la musique est « quelque chose de basique
chez la plupart des gens ». Comme nous l'avons vu l'IDE3 a même dit
que « la musique adoucit vraiment ». Ainsi la musique, le chant sont
très présents, cela renforce donc l'intérêt de ma
question de recherche.
Les objectifs des ateliers musicaux
Les objectifs des ateliers chant ne sont pas clairement
identifiés par les IDE, Ce sont surtout un objectif de bien-être
et de communication comme nous avons vu le voir dans le cadre conceptuel.
58
Le musicothérapeute, lui, me les détaille avec
précision du fait de sa formation : d'une part il parle de la
régularité des ateliers pour rassurer et donner une structure aux
résidents désorientés. Il y a un jour fixe, une heure
fixe, un lieu fixe et des personnes fixes (tableau annexes). Il me
décrit le déroulement de l'activité de pratique
instrumentale structuré en 4 temps :
Dans un premier temps les résidents choisissent une
chanson et un instrument. Je retrouve les instruments des ateliers de
musicothérapie étudiés dans le cadre conceptuel mais aussi
de nouveaux instruments comme le bâton de pluie et le guiro Le
musicothérapeute chante la chanson choisie par les patients et
s'accompagne de l'instrument. Cela me fait penser aux propos de l'IDE4 qui
parlait de l'importance de s'appuyer sur les goûts de la personne avant
tout. Lorsque le musicothérapeute laisse le choix de chanson aux
résidents, cela me rappelle la « préservation de
l'identité » étudiée dans le cadre conceptuel.
Dans un deuxième temps les résidents travaillent
l'instrument choisi avec l'aide de la psychomotricienne dans la manipulation.
Ici ce toucher des instruments me rappelle les propos de l'IDE4 disant que l'on
peut transmettre beaucoup d'information par le toucher. Le
musicothérapeute lui, m'explique l'objectif de susciter la
curiosité des résidents par le toucher des instruments. Je
retrouve cette idée du toucher des instruments qui permet de susciter la
curiosité comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel.
Dans un troisième temps les résidents
écoutent jouer chacun leur tour ce qu'ils ont réussi à
faire avec leur instrument dans l'objectif de s'exprimer librement,
d'être créatif. Cet objectif est conforme au cadre conceptuel
puisque nous avions bien parlé de créativité.
Enfin dans un dernier temps, les résidents jouent tous
ensemble dans le plaisir de jouer avec les autres. Cela me rappelle l'IDE1 qui
évoquait les résidents qui pédalaient en musique et «
tout le monde ensemble ». Cela m'évoque aussi les bienfaits de
jouer à plusieurs dont nous avons parlé dans le cadre conceptuel.
Le musicothérapeute me décrit également les objectifs des
ateliers chant qui sont la verbalisation du ressenti entre chaque chanson, un
travail sur l'attention, la concentration et la déambulation. Ainsi je
constate que les objectifs des ateliers de musique sont vraiment établis
chez le musicothérapeute contrairement aux IDE qui ne les identifient
pas forcément.
59
Une collaboration
Je remarque, à plusieurs reprises, que les IDE ont
évoqué d'autres professionnels lors des ateliers : la
psychomotricienne est évoquée par l'IDE1 et le
musicothérapeute. La psychologue est évoquée par l'IDE1 et
2. L'animateur est évoqué par l'IDE1 et 3. Enfin
l'éducatrice et le kiné sont évoqués par le
musicothérapeute. Plusieurs professionnels semblent ainsi
concernés par les activités.
Synthèse Les activités sont
diverses avec pour principaux objectifs le bien-être et la communication
mais aussi d'occupation, d'autonomisation. Les professionnels s'appuient
principalement sur des activités sensorielles comme la musique, les
massages. La musique est très présente car selon les
professionnels c'est une activité qui fonctionne plutôt bien. Les
objectifs de ces activités musicales ne sont pas clairement
définis par les infirmiers mais pour le musicothérapeute on
retrouve les objectifs de créativité, de curiosité, la
verbalisation du ressenti, la mémoire. Globalement ce sont si on se
réfère au cadre conceptuel, des actions sur le bien-être et
la communication.
60
THEME 4 Les effets de la musique sur le bien-être
et la communication
Je traite ce thème avec les questions 5 (guide
infirmier), 6 (guide musicothérapeute), avec mon guide d'observation
et le tableau de retranscription du déroulement d'ateliers
Avec ces questions et mes observations, je voulais me prouver
les effets bénéfiques de la musique sur le bien-être et
la communication (signes visibles) et en comprendre les mécanismes.
Je voulais vérifier l'action sur la mémoire.
ANALYSE QUANTITATIVE
Des effets sur la détente, le plaisir
: 4IDE et le musicothérapeute ont parlé de
détente, de calme. 4IDE ont parlé de bonheur, de sourire
Des effets sur la déambulation
: 3IDE et le musicothérapeute ont aperçu des effets
positifs sur les personnes qui déambulent.
Des effets sur le mouvement : 1IDE a
parlé de danse. 1IDE et le musicothérapeute ont
évoqué les jeux corporels, les balancements de la tête,
frapper des mains.
Des effets sur la mémoire :
4IDE et le musicothérapeute ont évoqué des effets sur la
mémoire, sur la ré-révocation de souvenirs. 1IDE et le
musicothérapeute ont évoqué l'apprentissage de nouveaux
chants. 3IDE et le musicothérapeute ont parlé des effets positifs
de l'écoute de vieilles chansons françaises.
Des effets lors des soins : 2IDE et
le musicothérapeute ont évoqué les effets positifs de la
musique lors des soins comme la toilette ou lors du repas.
Des effets sur la curiosité :
2IDE et le musicothérapeute ont parlé de curiosité,
d'intérêt et d'attention, de concentration.
Les réponses majoritaires sont
: la détente, le bonheur, la curiosité, des effets
sur la déambulation, sur la mémoire, des réactions lors
d'écoute de vieilles chansons françaises et une meilleure
coopération lors des soins.
Dans les objectifs des ateliers de musicothérapie, il y
a la notion de « concentration » que je n'ai pas
évoquée dans mon cadre conceptuel.
61
La concentration en quelques mots
Selon le dictionnaire Larousse c'est « l'action de
faire porter toute son attention sur un même objet ». L'objet
ici serait la musique. Selon l'article de la revue Le Point parue en 2015 par
E.LANEZ, « la concentration rend heureux »
L'encodage de textes nouveaux évoqué par 2
professionnels à savoir le musicothérapeute et l'IDE5 peut
s'expliquer d'une part, par la formation du musicothérapeute, donc
davantage de connaissances à ce sujet. Et d'autre part, par la
présence dans l'équipe de l'IDE5 d'un médecin chercheur
connu, spécialisé dans la maladie d'Alzheimer et les effets de la
musique sur les patients atteints de cette maladie. L'IDE5 est donc plus
sensibilisée qu'un autre IDE aux avancées de la recherche.
ANALYSE QUALITATIVE
Des effets satisfaisants
Quel que soit leur âge, leur sexe ou leur formation,
tous les professionnels ont évoqué des effets positifs lors
d'utilisation de musique et en sont satisfaits. D'ailleurs l'IDE1 sourit d'un
air satisfait lorsqu'il voit les résidents chanter avec lui. De
même, l'IDE3 est émerveillée par les effets de la musique
« je n'arrive pas encore à me dire que c'est normal, c'est normal
mais c'est merveilleux ». Elle est aussi très émue
lorsqu'elle me raconte qu'elle a chanté avec une patiente en fin de vie
jusqu'à sa mort. D'ailleurs le musicothérapeute est aussi
ému lorsqu'il me raconte une situation semblable. Ce dernier utilise le
mot « bluffant » pour qualifier les effets de la musique. Enfin
l'IDE2 affirme que « c'est donc plutôt positif ».
Le pouvoir de la musique
Je retrouve le « pouvoir de la musique »
étudié dans le cadre conceptuel qui est réellement mis en
évidence dans les entretiens notamment par l'expression
d'émerveillement, de satisfaction des soignants. L'IDE1 dit même
qu'avec la musique « c'est impressionnant alors que nous on n'arrive pas
à les faire parler, c'est décevant ». On devine qu'il est
frustré de voir ce simple outil qui est la musique, plus « fort
» que ces propres méthodes. Il y a aussi l'IDE3 qui voit la musique
comme « un élément extrêmement
fédérateur ». Le pouvoir de la musique est bien visible.
62
J'ai organisé un atelier de musique où j'ai
choisi des extraits de musique et les ai fait écouter aux patients sans
aucune intervention en observant discrètement (annexes). Je vais m'en
servir afin d'exploiter des données d'observation parallèlement
au déroulement des entretiens semi-directifs. Ceci me permettra
d'enrichir l'analyse des éléments recueillis en confrontant
discours et pratique.
Si je me réfère au cadre conceptuel, on peut
parler de musicothérapie réceptive pour nommer mon atelier
puisque je fais écouter de la musique aux patients. 3 résidentes
Alzheimer ont participé. L'infirmier et moi avons installé les
résidents volontaires dans le salon de l'EHPAD un après-midi
à 15h afin de leur faire écouter 3 extraits de style
différents en observant leurs réactions discrètement.
C'est un atelier ponctuel. J'analyserai les quelques réactions des
patientes observées en les confrontant avec les propos recueillis lors
des entretiens.
Musique et détente
D'un point de vu général, les patients se
détendent sur la musique. En effet l'IDE1 dit que certains «
s'endorment même pendant l'atelier ». Il parle d'un accès
à une forme de bonheur ». L'IDE3 dit qu' « ils sont plus
sereins », que « la musique adoucit vraiment » et qu'il y a
« beaucoup plus de calme ». Ces réponses sont conformes au
cadre conceptuel. Je retrouve les effets de la musique qui agissent sur le
bien-être.
Musique et induction d'humeur
La musique semble ainsi avoir un pouvoir et induire des
humeurs de la même façon que nous l'avons étudié
dans le cadre conceptuel. Lorsque j'ai effectué ma propre observation
lors de la mise en place de l'atelier, j'ai observé une patiente de
stade sévère énervée qui s'est détendue et
même presque endormie au moment de l'écoute d'un extrait de
musique douce. L'IDE2 me dit même que « les visages sont
détendus, souriants » et l'IDE4 dit également qu'ils «
retrouvent le sourire ». Je peux faire un lien avec ces propos et le
sourire de la patiente de stade sévère que j'observe
moi-même lors d'écoute d'une musique joyeuse. De même je
retrouve ce pouvoir d'induction d'humeur dans les propos du
musicothérapeute lors de la description des ateliers de
musicothérapie. Il me raconte que lors de l'écoute d'une musique
triste, une patiente verse quelques larmes et chez une autre patiente, le
visage se détend, elle sourit lors d'écoute de musique
joyeuse.
63
Musique et effet miroir
Le musicothérapeute parle d'« effet miroirs »
pour nommer ce phénomène. Je retrouve donc cette notion comme
nous l'avons vu dans le cadre conceptuel même si les infirmières
ne le nomment pas en tant que tel.
Le musicothérapeute m'explique toutefois qu'il y a des
résidents qui ne se détendent pas sur de la musique calme mais
plutôt sur de la musique Zouk, hard rock. C'est interpellant car je ne
m'y attendais pas. C'est un contre-exemple de l'effet « miroir ».
J'en déduis que le vécu musical dépend des patients,
certaines tonalités touchent plus telles ou telles personnes. Le
musicothérapeute m'explique qu'il ne suffit pas de Chopin pour
détendre. C'est le travail en amont sur le vécu musical du
patient, les connaissances de ces derniers, qui vont permettre au soignant de
savoir quelle musique lui correspond le mieux. Cela me permet de relativiser
les propos de l'IDE2 qui pense que seule la musique douce peut détendre
le patient. L'observation de l'IDE2 est renforcée par les propos de
l'IDE1, qui évoque des résidents agités qui se
détendent lors de musique douce.
Le musicothérapeute, lui, se sert aussi de cet effet
miroir, avec des imitations gestuelles. Par exemple il m'explique en me
décrivant les ateliers de musicothérapie, qu'une patiente
agitée voit une patiente taper sur un tambour, ce qui lui donne aussi
envie de taper dessus et de décharger sa colère. Le
musicothérapeute se sert également de cet effet miroir avec les
personnes qui déambulent : Il me parle notamment d'un patient qui
déambulait et afin de rentrer en contact avec lui, il s'est mis à
déambuler avec lui et ses maracas, comme en miroir, pour l'amener
à s'assoir.
Musique et déambulation
Je remarque que le musicothérapeute n'est d'ailleurs
pas le seul professionnel à avoir parlé des effets positifs de la
musique avec les personnes qui déambulent. Chez l'IDE1 « des
résidents qui déambulent s'endorment souvent pendant les ateliers
de musique » et chez l'IDE2 « les résidents qui ont d'habitude
des tendances à déambuler, s'arrêtent de déambuler
et se posent ». Chez l'IDE3, c'est un peu différent, la musique
pour elle, permet de préserver ce besoin de déambuler mais sans
que cela soit gênant « ceux qui ont besoin de déambuler
tournent autour du piano parce qu'on ne peut pas leur enlever ce besoin de
déambuler ».
64
Musique et jeux corporels
Par ailleurs, des IDE remarquent des effets de la musique sur
le corporel comme par exemple « madame C, est très
réceptive, elle balance la tête, frappe des mains » ou «
certains dansent même parfois » (IDE1). Je retrouve ces jeux
corporels dans les propos du musicothérapeute lors de la description des
ateliers : il me fait part d'une réponse motrice très
présente, les patients tapent des mains, se balancent. De même
lors de ma propre observation de mon atelier, j'ai observé des
balancements des jambes de deux résidentes. Ainsi Je retrouve les
bienfaits du rythme, des balancements rythmiques qui sont, comme nous l'avons
vu dans le cadre conceptuel, source de satisfaction, de bien-être.
Musique et Mémoire
Alzheimer
Comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel, je retrouve
des effets sur la mémoire. La musique et la mémoire semblent
liées car presque tous les professionnels m'ont parlé d'effets
sur la mémoire et en sont impressionnés. En effet l'IDE1 s'est
aperçu « qu'une fois les chorales parties, les résidents
chantent encore dans la journée les chansons, c'est impressionnant
» ou encore lorsque l'IDE1 se met à chanter des vieilles chansons
un soir à une table et qu'il ne se souvient plus des paroles, «
tout le monde s'est mis à chanter à la table la suite ». De
même l'IDE3 me fait part d'une dame Alzheimer, qui, jusqu'au jour de sa
mort, se souvenait des paroles d' « aux marches du palais » et elle
chantait. Elle évoque aussi une patiente « qui chante Malbrough
s'en va en guerre impeccablement », et une autre qui peut chanter la
marseillaise. D'ailleurs j'ai moi-même été surprise
d'observer lors de mon atelier, lors de l'écoute de l'extrait d'Edith
piaf, une patiente qui chantait les paroles.
Musique et apprentissage
L'IDE5 s'est « aperçue qu'aux ateliers de chants,
malgré leur mémoire défaillante, à l'apprentissage
de chants nouveaux, au fil des ateliers ils pouvaient se souvenir des paroles
». Le musicothérapeute me fait également part d'une
situation qu'il qualifie de « bluffante » dans laquelle deux dames
Alzheimer ont été capables de se souvenir pratiquement de toute
une chanson et de la chanter. Dans ses ateliers de musicothérapie, en
particulier de chant, il m'explique que certains patients travaillent sur
l'apprentissage de nouvelles paroles de chanson dans l'objectif de
préservation des capacités cognitives, pour éviter le
déclin, garder une stabilisation et il observe parfois de bons
résultats. Ces réponses sont donc conformes au
65
cadre conceptuel. Cependant, pour ré-encoder des textes
nouveaux, c'est « plus difficile pour les stades sévères
» (musicothérapeute)
Mémoire musicale
préservée
Cette mémoire étudiée dans le cadre
conceptuel, est identifiée seulement par certains soignants.
Le musicothérapeute me parle de la « mémoire
musicale » qui est préservée. Cela me fait penser à
l'IDE3 qui dit que « cette mémoire-là est tellement intacte,
que pour une personne qui perd tous ses repères, c'est extrêmement
satisfaisant de retrouver quelque chose qui puisse leur faire une communication
avec l'autre ». Les IDE disent souvent que la musique fait émerger
des souvenirs aux résidents : par exemple l'IDE4 a « le sentiment
que cela réactive un peu leur mémoire ».
L'effet des vieilles chansons françaises,
que des souvenirs
Les professionnels qui ont fait part de ces effets sur la
mémoire, ont trouvé que ce sont souvent les vieilles chansons
françaises qui « marchaient » bien chez ces personnes. Il est
vrai que lors de mon observation, il s'agissait d'une chanson française
ancienne : Edith Piaf. Je peux l'expliquer d'une part, par la
préservation de la mémoire musicale, d'autre part, par la
préservation de la mémoire lointaine, et donc l'émergence
des souvenirs heureux de la période de l'enfance comme me l'explique
très bien le musicothérapeute lors de l'entretien. Chez l'IDE1 ce
sont « les patients qui viennent du Proche Orient qui sont les plus
réceptifs ». Je peux l'expliquer par la spécificité
de la maison de retraite qui célèbre les fêtes religieuses
avec des chorales, et donc cela leur rappelle des souvenirs.
Un goût musical avant tout
Par ailleurs plusieurs professionnels ont constaté, que
chez les patients les plus réceptifs, il « existe un goût
pour la musique avant la pathologie » (IDE5). Les propos de l'IDE3
illustrent cette idée : elle me fait part d'une dame qui écoutait
beaucoup la musique classique et elle dit que « c'est impressionnant
comment elle se détend avec la musique classique ». Enfin les
propos de l'IDE2 viennent renforcer cette idée : « il y en a qui ne
sont pas réceptif à la musique peut-être parce qu'ils n'en
ont jamais écouté ». De même dans mon observation
d'atelier, une patiente n'est pas réceptive à la musique, elle
semble dans l'incompréhension de ce qui l'entoure, elle regarde les
autres résidents et tente de se lever à plusieurs reprises.
Mais
66
peut-être est-ce lié au stade très
sévère de sa maladie, ou bien encore à l'atelier qui
n'était pas adapté à la patiente. Je peux aussi remettre
en question l'atelier ponctuel qui peut être pour elle favorisait la
désorientation. Il est difficile de savoir.
La musique, une aide dans les
soins
Les bienfaits de la musique sont aussi décrits par les
soignants comme une aide lors :
Des soins intimes : Par exemple lors
de la toilette, qui est connu pour être un soin particulièrement
délicat puisqu'on rentre dans l'intimité des résidents, on
les met nus ce qui provoque souvent de l'agressivité comme m'en font
part l'IDE2, l'IDE3 et le musicothérapeute. En effet l'IDE2 s'est «
rendu compte qu'en mettant de la musique pendant la toilette, le patient
n'avait plus ce comportement-là ». J'ai été
très surprise quand l'IDE3 m'a parlé de technologie : la mise en
place d'un système de projection d'image et de son au plafond dans les
chambres des résidents. Celle-ci m'explique que « ça capte
leur attention pendant les toilettes qui sont très difficiles car il y
en a qui sont extrêmement agressifs ». Elle trouve ce système
« très intéressant car la personne est en fait plus
absorbée par ce qu'elle voit, pendant ce temps on peut soigner le corps
». La musique permettrait ainsi d'induire des comportements, nous l'avons
vu dans le cadre conceptuel, ces réponses sont donc conformes.
Musique et induction de
comportement
Les propos du musicothérapeute me confirment cette
idée : il me fait part lors de la description des ateliers de
musicothérapie, d'un patient qui ne répondait pas quand on
l'appelait mais qui répondait quand on chantait. De même l'IDE3 me
fait part d'une patiente qui ne parlait jamais et qui se met à dire
« Pleyel » (une salle de concert). La musique induit un comportement.
De la même façon la musique entraine un résident qui
déambule à s'assoir (musicothérapeute). Il est aussi
intéressant de relever qu'une patiente est incapable de chanter une
chanson qu'elle connait si on le lui demande mais qu'elle en est capable si on
joue les accords du début (musicothérapeute).
Musique, quand la nervosité monte lors des
repas
Nous avons vu que la musique est décrite par des
soignants comme un bienfait lors des soins comme les toilettes et l'IDE3 et 4
me parlent aussi de ses bienfaits lors des repas : « pendant les repas,
quand on sent que la nervosité monte, c'est vraiment un bon soutien, la
musique
67
calme, ça remet tout un petit peu en place »
(IDE3). Il est d'ailleurs intéressant de noter le mot « valse
» lorsque cette IDE me décrit l'infernal aller-retour des patients
lors des repas. Cela me fait justement penser à une danse tournoyante,
une musique ternaire.
Musique et liberté
d'expression
Je retrouve également le pouvoir de la musique qui
préserve l'identité des résidents grâce à la
liberté d'expression avec les instruments que propose le
musicothérapeute.
Lors de mon atelier d'écoute de musique, j'ai entendu
une des patientes exprimer ce qu'elle pensait de la chanson : « elle
chante mal ». Cela m'a fait penser à l'expression de ses
goûts et donc à la préservation de son identité,
c'est important pour le bien être de pouvoir s'exprimer. Je peux faire un
lien avec l'IDE1 qui me parle d'une patiente qui ne supporte pas quand
l'infirmier chante. La musique stimule les résidents à exprimer
leurs goûts. D'ailleurs le musicothérapeute insiste sur l'objectif
de verbalisation du ressenti lors des ateliers.
Musique et curiosité
Lors de l'observation de mon atelier, j'ai trouvé les
résidents un peu intéressés, curieux d'écouter la
musique (excepté la patiente désorientée, non
réceptive). Je pense néanmoins que la curiosité des
résidents est renforcée par la présence d'un soignant. En
effet lorsque le musicothérapeute me décrit ces ateliers, comme
nous l'avons vu dans ces stratégies pour améliorer le
bien-être, il suscite beaucoup la curiosité des résidents
(notamment en positionnant les instruments sur la table, en les aidants
à manipuler). Le musicothérapeute intervient beaucoup lors de ces
ateliers et cela renforce la curiosité des résidents puisqu'il me
dit qu'ils sont très intéressés.
Musique et confiance
Cependant, le musicothérapeute m'explique que 3
séances sont nécessaires pour créer une relation de
confiance primordiale, qu'il faut avoir une attitude empathique. Je peux
comparer la description des ateliers du musicothérapeute avec mon
atelier d'observation où la curiosité est moins suscitée
puisque d'une part, aucun soignant n'intervient et d'autre part les patients
restent très interrogatifs, du fait notamment d'une absence de relation
de confiance. Cela me fait penser aux propos de l'IDE3 qui évoque la
notion de confiance en réponse à ma question sur les moyens dont
elle dispose pour favoriser la communication, le bien être.
68
Musique et
créativité
Enfin, la créativité est le dernier effet
bénéfique de la musique noté uniquement par le
musicothérapeute. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il m'explique
lors de l'entretien, que la créativité est assez pauvre chez les
patients Alzheimer car ils sont plutôt dans la spontanéité.
Il veut me dire que les patients Alzheimer peuvent sortir des mots lorsqu'ils
écoutent une chanson mais ils sont incapables d'en dire autre chose. Par
exemple il se souvient d'un patient disant « ah cette musique me rappelle
Michel Sardou » mais cela va s'arrêter là, il ne va pas faire
d'autres liens. Je retrouve dans le cadre conceptuel la
spontanéité des personnes Alzheimer dont nous avions
parlé. Cependant dans le cadre conceptuel nous avions parlé de
créativité grâce à la musique mais je comprends ici
que c'est limité pour le stade sévère.
Musique à plusieurs
Je retrouve les bienfaits de la musique à plusieurs vu
ans le cadre conceptuel notamment lorsque l'IDE1 me dit que « tout le
monde ensemble ça marche » ou même dans les objectifs des
ateliers de musicothérapie décrits, je retrouve
l'expérience à plusieurs.
La limite de la recherche
Parfois la musique a des effets mais parfois non. L'IDE5 dit
que « pour l'instant on en est là », les recherches sont en
cours. Quand je demande aux soignants qu'est ce qui explique ces effets
bénéfiques, ils restent assez perplexes. Certains m'expliquent
que c'est à l'origine de la mémoire musicale encore intacte, le
rappel de bons souvenirs de leur enfance (IDE 4 et 5). D'autres m'expliquent la
réceptivité du fait que cela touche le sensoriel : « avec
les vibrations de la musique, il n'y a pas besoin de comprendre »
(IDE2).
Synthèse La musique a des effets
positifs sur le bien-être, la communication (détente, induction
d'humeur, de comportement, effet miroir, balancements rythmiques,
créativité, curiosité, émergence de souvenirs) La
musique a un grand pouvoir. Les professionnels décrivent les effets avec
satisfaction et s'en serve parfois comme outil de médiation qui peut
même se révéler efficace dans les soins. Les effets
bénéfiques de la musique sont majorés par la
présence d'un soignant. La musique agit aussi sur la mémoire, les
professionnels en sont étonnés, cela reste difficile à
l'expliquer et les recherches sont toujours en cours.
69
THEME 5 : La place de l'infirmier dans l'utilisation de
la musique
Je traite ce thème avec les questions 6 (guide
infirmier) et 7 (guide musicothérapeute)
Avec ces questions je voulais savoir si l'infirmier avait une
place dans l'utilisation de la musique et laquelle. Je voulais connaitre les
causes de la participation ou de la non- participation de l'infirmier aux
activités de musique. Je voulais vérifier la place de
l'infirmier dans l'accompagnement des patients autour de leur
bien-être, de l'échange, de la communication à travers
la musique. Je voulais vérifier le rôle dans l'écoute,
l'empathie, la connaissance de l'identité du patient pour mieux
prendre soin de lui
ANALYSE QUANTITATIVE
Une question de place : 4IDE et le
musicothérapeute répondent que l'infirmière a une place
dans l'utilisation de la musique.
2IDE disent que ce n'est pas leur domaine, qu'ils chantent
faux et qu'il n'y a pas d'intérêt mais que d'autres
infirmières, qui savent chanter ont leur place.
Une pluri professionnalité :
2IDE et le musicothérapeute parlent de pluri-professionnalité, de
collaboration au travers de projet d'accompagnement, de transmissions ou de la
mise en place d'activité et de leurs objectifs.
Du chant infirmier dans les chambres
2IDE ne chantent jamais dans les chambres des résidents et
les 3 autres IDE disent qu'elles chantent assez facilement dans la maison de
retraite.
Une place ? Laquelle ?
Les IDE qui répondent qu'elles ont une place dans
l'utilisation de la musique, expliquent toutes que cela permet d'avoir une
autre approche du résident, un autre rapport, différent de celui
de tous les jours et de créer de nouveaux échanges. 1IDE explique
aussi que cela favorise la confiance avec le résident. 1IDE dit que cela
permet de lâcher prise. 2IDE et le musicothérapeute expliquent la
place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique du fait qu'elle est tous
les jours auprès des malades qu'elle connait donc très bien et
que cela lui permet de voir leur évolution.
1IDE qualifie la musique comme un soin à part
entière. 2IDE et le musicothérapeute parlent de la
possibilité de transposer la musique dans un autre cadre comme par
exemple pour aider dans les soins douloureux ou bien lors des repas quand la
tension monte par exemple.
70
Une autre place : 2IDE parlent
plutôt de la place de l'infirmier dans l'écoute, l'empathie,
l'apaisement.
Les limites : 2IDE et le
musicothérapeute expliquent le manque de temps.
La majorité des professionnels
répondent que l'infirmier a une place dans l'utilisation
de la musique, que les soignants chantent généralement dans les
chambres et que cela permet une autre approche du résident. C'est une
aide dans les soins. Dans les réponses majoritaires il y a aussi le
manque de temps et c'est beaucoup un travail d'équipe. Les
réponses ne dépendent pas de l'âge, du sexe ou de la
formation. Elles peuvent dépendre des centres d'intérêt :
celles qui chantent facilement aiment chanter.
ANALYSE QUALITATIVE
Des réponses subjectives
Les réponses sont subjectives, selon les
représentations des soignants autour de la musique.
La musique ? Pas mon domaine et je chante
mal
Pour l'IDE1 comme l'IDE5 ce n'est absolument pas leur domaine.
Ils en sont convaincus et rient nerveusement lorsqu'ils en parlent. L'IDE1 dit
qu'il chante faux mais qu'avec l'animateur cela marche très bien.
Cependant il dit qu' « il y a des infirmiers qui sont certainement assez
musical, qui peuvent l'intégrer dans les soins, dans la communication et
que ça serait un grand plus ». Il pense que chacun à sa
manière et lui il se sert de l'humour, « l'humour et la musique,
ça se vaut ». De la même façon l'IDE5 dit qu'elle
« chante comme une casserole. Donc il n'y a pas d'intérêt, je
vais leur casser les oreilles plus qu'autre chose ».
La musique ? Un soin, une mission
infirmière
L'IDE5 estime cependant que la musique est un soin à
part entière et que « c'est notre métier de prendre soin
». Elle explique qu'elle n'a aucun intérêt à aller aux
ateliers de chant non pas parce qu'elle est infirmière mais parce
qu'elle ne fait pas de musique. Elle ajoute : « Sinon c'est n'importe qui
d'intéressé et qui a de l'oreille ». Elle dit même que
« cela peut faire partie des missions de l'infirmière » dans
le sens où c'est intéressant de voir l'évolution des
résidents et puis voir s'il est possible de lier la musique et les
soins.
71
La musique ? Une certitude
A la différence de l'IDE1 et 5, Pour l'IDE3 la place de
l'infirmier dans la musique est vraiment « une certitude ». Elle
chante souvent dans la chambre des malades, c'est « évident »
selon elle. D'ailleurs à l'époque où il n'y avait pas
d'animateur pour les ateliers de musique, elle avait pris d'elle-même
l'initiative d'animer les ateliers. Elle dit qu' « elle était hyper
heureuse » parce qu'elle avait un autre rapport aux résidents :
« ce n'était plus l'infirmière qui venait, c'était
une personne qui venait jouer, on faisait des jeux, on chantait ». L'IDE4
pense aussi que sa place est importante car « avec les activités
chant nous pouvons voir ces résidents différemment, dans un autre
cadre. On apprend davantage de ces patients lors des ateliers, ce qu'ils sont
capable de ressentir, comment ils réagissent. ». L'IDE3 pense avoir
« une énorme place justement parce que les résidents nous
place dans leur vie, et il n'y a pas que l'animateur qui peut avoir les
confidences ». Elle explique, de la même manière que l'IDE4,
que l'infirmière est au plus proche des malades, tous les jours
même dans « les derniers moments ». Enfin l'IDE3 elle pense que
c'est important de s'investir complètement dans ces moments : « je
ne pourrais pas être une bonne infirmière si je ne m'investissais
pas complètement ». L'IDE2 complète les propos de l'IDE3 en
disant que la musique permet de « créer l'échange ».
Pour elle cela peut être une grande aide pour les soins : elle explique
que les résidents vont « se souvenir de ce qu'on leur a fait
ressentir ». De ce fait, ils vont plus facilement se laisser faire, pour
un soin, si l'infirmière leur a fait vivre quelque chose
d'agréable par le biais de la musique.
La limite du temps
La limite du temps est mise en avant par les professionnels :
« oui je pense qu'on a une place mais l'infirmière est seule pour
72 résidents, ça laisse très peu de place », «
Malheureusement au niveau temps, ce n'est pas possible » (IDE2) ou «
ça demande du temps » (IDES) « le problème c'est que
souvent les infirmières sont débordées »
(musicothérapeute)
L'IDE2 explique que les infirmières apaisent le
résident agité lors de l'atelier chant mais une fois
calmé, elles partent. Même si l'IDE1 et l'IDE2 n'ont pas un
rôle actif dans l'utilisation de la musique, ils accordent de
l'importance à la communication, l'écoute et l'empathie. Le
musicothérapeute insiste d'ailleurs dans la description des ateliers sur
l'écoute du patient, de son rythme. Il parle d'écoute active et
d'empathie comme nous l'avons vu dans le cadre conceptuel. Cependant je
constate que nous n'avions pas évoqué la limite du temps.
72
En quelques mots, le nouveau concept du temps
« Notion fondamentale conçue comme un milieu
infini dans lequel se succède les évènements et souvent
ressenti comme une force agissant sur le monde » (Larousse 2003)
L'inter professionnalité
Certains professionnels parlent de collaboration : l'IDE1
collabore avec l'animateur qui fait les activités musicales. Ils
discutent du projet d'accompagnement, ils font le point ensemble pour savoir ce
qui a changé, comment le patient participe, ce qu'il aime le plus et ce
qui peut être changé. Pour le musicothérapeute : «
l'équipe est intégrée au projet », il participe
souvent aux réunions pluridisciplinaires pendant lesquelles il fait part
de ce qui va et de ce qui ne va pas chez les résidents à
l'équipe. Il donne « des indices aux soignants de comment apaiser
quand ça monte ». S'il a trouvé une chanson qui fonctionne
bien, un mode d'accroche, les soignants peuvent s'en saisir. Il donne l'exemple
des infirmières, qui, confrontées à l'agressivité
d'un patient lors de la toilette, ont utilisé la musique qu'il leur
avait conseillé. Cela a rendu la toilette plus simple. Le
musicothérapeute pense que les infirmières ont leur rôle
à jouer dans la musique car elles ont une approche différente en
voyant les patients tous les jours, elles peuvent faire un retour sur le long
terme au musicothérapeute, leurs constats. Ce concept d'inter
professionnalité est nouveau.
L'inter professionnalité en quelques mots
«Dynamique de collaboration, de coopération
entre les différents partenaires et acteurs du soin. Cela tient compte
de la pluralité des identités professionnelles ». G. LE
BOTREF, Construire les compétences individuelles et collectives
Ainsi, les réponses étant
très subjectives, je constate qu'il y a des réponses conformes au
cadre conceptuel et d'autres non. Parmi les réponses conformes, je
retrouve la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique. Grâce
à son approche au plus près des malades, c'est lui qui les
connait le mieux. Il peut l'utiliser pour favoriser la communication en
s'appuyant sur une attitude empathique, sur l'écoute active qu'il
maitrise. Mais aussi pour le bien-être et la confiance du résident
afin de le guider le plus facilement lors des soins. Dans les réponses
non conformes : la notion d'inter professionnalité et la limite du
temps.
Synthèse Les réponses sont
très subjectives concernant la place de l'infirmier dans l'utilisation
de la musique. Cela dépend du bon vouloir de
l'infirmier et des représentations qu'il a de la
73
musique. Pour certains c'est un soin, pour d'autres c'est
davantage une occupation. Il y a des infirmiers qui ne considèrent pas
la musique dans leur domaine, qui disent qu'ils ne savent pas chanter. D'autres
diront que la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique est une
certitude. L'infirmier peut avoir sa place dans l'utilisation de la musique,
notamment en collaboration avec l'équipe et dans la limite du temps
qu'il dispose. La musique n'est pas considérée comme un
élément thérapeutique qui rentre réellement dans la
prise en charge infirmière. Cependant elles peuvent s'en servir comme
outil de communication, de bien-être.
4 Les limites du travail et les
difficultés
Limites dans la réalisation du travail
J'ai rencontré des difficultés lors de la
réalisation de mes entretiens. Lors des prises de rendez-vous cela n'a
pas été toujours facile car j'ai dû appeler de nombreuses
fois avant de joindre la cadre qui me demandait ensuite de joindre la direction
en envoyant ma demande par mail avec mon cv. En ce qui concerne les infirmiers,
j'ai dû également prendre en compte leurs contraintes : visite
d'établissement imprévu pour une infirmière qui a dû
reporter mon rendez-vous ou encore rendez-vous pris avant 17h car après
c'est la distribution des médicaments. Cela a donc pris beaucoup de
temps pour obtenir mes rendez-vous. Deux entretiens ont été fait
par téléphone, il m'était impossible de voir les
expressions du visage de la personne. J'ai néanmoins eu la chance
d'avoir des entretiens de qualité dans de bonnes conditions. Je n'ai pas
pu assister à un atelier de musicothérapie étant
donné la complexité de la démarche administrative. J'ai
toutefois eu la chance d'obtenir un rendez-vous avec un musicothérapeute
pour un entretien et pour qu'il m'explique le déroulement de ces
ateliers.
Limites du sujet
Il est difficile pour les professionnels de
différencier réellement les stades de la maladie. Les
réponses peuvent être subjectives, approximatives à ce
sujet.
Les professionnels qui n'aiment pas la musique, qui n'aiment
pas chanter ou qui chantent mal ne sont pas intéressés et ne
voient pas l'intérêt pour eux-mêmes. Ils parlent
plutôt pour les autres infirmiers plus sensibles au sujet.
L'infirmier a un emploi du temps difficilement
malléable. Il ne dispose que de très peu de temps disponible en
EHPAD pour participer aux ateliers de musique.
La musique n'est pas considérée réellement
dans la prise en charge infirmière.
Les recherches sur le sujet de la musique et de la maladie
d'Alzheimer sont toujours en cours.
74
5 Synthèse
J'ai réalisé une enquête de terrain pour
répondre à ma problématique qui était « En
quoi la musique peut-elle être un instrument infirmier favorisant la
communication et le bien être avec les personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer de stade sévère en institution ? ».
Pour cela j'ai interrogé 5 infirmiers et 1
musicothérapeute dans de bonnes conditions au travers de guides
d'entretien. J'ai également préparé un atelier
d'écoute de musique pour confronter discours et pratique. L'analyse
s'est faite grâce à mon guide d'observation.
Les réponses obtenues aux différentes questions
posées ont été riches ce qui montre l'efficacité
des différents guides. J'ai réalisé une analyse par
thèmes. Le cheminement de ma réflexion s'est fait progressivement
au fur et à mesure de mon analyse par thèmes.
L'analyse du premier thème a permis de vérifier
les difficultés de communication qui sont très présentes
et les conséquences qui sont importantes. Les réponses obtenues
ont mis en exergue le problème de santé publique
étudié dans le cadre conceptuel. Deux nouveaux concepts, non
étudiés dans le cadre conceptuel ont été mis en
évidence : la dépendance du patient et l'impuissance du soignant.
Cela me confirme la nécessité de trouver des stratégies de
communication et donc l'importance de ma question de recherche en proposant un
outil : la musique.
Puis dans le deuxième thème, j'ai cherché
à déterminer les stratégies de communication
utilisées par les professionnels. J'ai constaté qu'elles sont
diverses et que chacun s'appuie sur celle qui lui convient le mieux (exemple de
l'humour pour un infirmier). J'ai toutefois remarqué qu'il s'agissait
principalement de stratégies de communication non verbales. J'ai
relevé le concept de patience et de confiance qui sont importants dans
la communication et dont je n'avais pas fait part dans le cadre conceptuel.
J'ai poursuivi mon analyse avec un troisième
thème centré sur les activités proposées et leurs
objectifs afin de favoriser la communication et le bien-être. J'ai
repéré que les professionnels s'appuyaient principalement sur des
activités sensorielles et que la musique est bien présente. Le
quatrième thème a mis en évidence les effets de la musique
sur le bien-être et la communication. Les professionnels reconnaissent et
apprécient les effets de la musique. Il se serve parfois de la musique
comme un outil de médiation. J'ai relevé le nouveau concept de
« concentration » que je n'avais pas évoqué dans le
cadre conceptuel. En effet je me rends compte que la musique permet aussi la
concentration, l'attention des personnes. A ce stade je me demande si la
musique peut être considérée comme un «
complément thérapeutique ».
75
Enfin l'analyse du dernier thème s'est centrée
sur la place de l'infirmier dans l'utilisation de la musique. J'ai
observé que l'infirmier peut en effet avoir sa place dans l'utilisation
de la musique. Il peut également collaborer avec d'autres professionnels
et dans la limite du temps qu'il dispose. J'ai ainsi exploré les
concepts du temps et de l'inter professionnalité.
5.1 Question de recherche
A ce stade de ma réflexion, je mets en évidence
:
Ø La limite du temps dont disposent les
infirmières pour les activités musicales
Ø L'utilisation de l'outil « musique » par
l'infirmier pour les malades Alzheimer dépend du bon vouloir de
l'infirmier.
Ø Les effets de la musique comme un complément
thérapeutique
Ø L'inter professionnalité, la collaboration
des professionnels autour de la musique
Ø La limite des recherches qui sont en cours sur cette
maladie et la musique.
Au début de ce travail de recherche, lors de mes
situations d'appel, je suis partie avec deux idées : la musique et
l'infirmier. Compte tenu de mes observations, je me suis demandée si
l'infirmier pouvait utiliser la musique dans ses soins, en quoi la musique
pouvait être un « instrument infirmier ». Mes recherches sur la
musique en maison de retraite, m'ont guidé dans la réalisation de
ce travail. J'ai compris que tout infirmier peut utiliser la musique en maison
de retraite selon ses disponibilités, ses envies et dans la pluri
professionnalité dans le but de favoriser la communication et le
bien-être des personnes Alzheimer. Ce travail m'a permis de faire
ressortir la limite du temps et la « non intégration » de la
musique dans la prise en charge infirmière en maison de retraite. Ce
travail m'a fait prendre conscience de la limite de la recherche scientifique
autour de la « mémoire » : la recherche est toujours en cours.
Enfin ce travail a mis en évidence les effets de la musique, je pourrais
donc à présent évoquer la musique comme un « support
thérapeutique ».
A ce stade de ma réflexion, je souhaite conserver mes
deux idées : la musique et l'infirmier et me diriger dans un autre
service afin de découvrir si l'instrument musical de l'infirmier peut
« s'emporter ».
Je propose ainsi d'orienter ma question de recherche sur le
service psychiatrique dans lequel les activités de musique, d'art
thérapie sont parties intégrantes dans la prise en charge, les
infirmières y participent. La limite du temps disparait puisque du temps
« infirmier » est consacré à ces activités. Il y
a la notion d'inter professionnalité que nous avons pu relever dans les
établissements pour personnes âgées. Je retrouverai cette
notion dans le service
76
psychiatrique. Les infirmiers travaillent en équipe et
se répartissent les activités, cela peut être en fonction
de leurs centres d'intérêts, ils peuvent s'arranger entre eux
(groupe musique, groupe peinture, groupe écriture etc.) La musique en
psychiatrie rentre dans l'art thérapie et celle-ci est davantage
considérée comme un soin, un complément
thérapeutique, une prise en charge des patients, avec des objectifs
précis et préétablis de la même façon que le
musicothérapeute prépare ses ateliers (verbalisation du ressenti,
concentration, attention, mémoire, déambulation,
curiosité, écoute). En service de psychiatrie, à la suite
des ateliers d'Art thérapie, les professionnels échangent
oralement, puis l'infirmier fait des transmissions écrites selon son
point de vue « métier ». Je choisis de garder la population
gériatrique comme nous l'avons étudiée et de cibler une
pathologie : la psychose maniaco-dépressive, et plus
particulièrement le pôle dépressif (la musique étant
contre-indiquée dans le pôle maniaque). En effet, en reprenant le
cadre conceptuel, nous avons vu les différents pouvoirs de la musique,
notamment celui d'induction de l'humeur. Nous avons vu que la musique permet
d'exprimer librement ses émotions. Nous avons aussi parlé du
circuit de la récompense. Tout cela tend à favoriser le
bien-être et la communication dans le trouble dépressif.
Je formule ainsi ma question de recherche
:
En quoi la musique peut-elle être un instrument
infirmier dans les ateliers thérapeutiques favorisant la
communication et le bien-être des patients dépressifs au sein
d'une équipe inter professionnelle en service de
géronto-psychiatrie ?
Conclusion
Face aux difficultés de communication
rencontrées avec les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et
des limites des traitements, les chercheurs ont fait des découvertes
stupéfiantes sur l'influence positive de la musique. Les recherches sur
les concepts de ma question de départ et l'enquête de terrain,
m'ont confirmées les effets bénéfiques de la musique sur
la communication et le bien-être des personnes Alzheimer. Au travers de
l'analyse, je me suis aperçue que l'infirmier avait en effet une place
dans l'utilisation de la musique. Son rôle dépend de son
investissement, de sa motivation et du temps dont il dispose. Il n'y a pas de
temps prévu, consacré à la musique dans les EHPAD dans le
planning des infirmiers. La musique est plutôt vue comme une
activité occupationnelle favorisant le bien-être, la communication
et pouvant se révéler notamment comme un outil de
médiation lors des soins. L'infirmier peut collaborer avec les autres
professionnels comme par exemple le musicothérapeute puisqu'il a une
solide connaissance du patient et peut faire un retour sur les
77
améliorations constatées. A l'inverse le
musicothérapeute peut apporter des astuces à l'infirmier pour
mieux s'y prendre.
Nous avons ainsi pu tout au long de ce travail, constater deux
aspects essentiels pour que la musique puisse « soigner » : d'une
part nous connaissons maintenant les effets bénéfiques de la
musique et d'autre part il ne faut pas négliger l'action du soignant qui
renforce ces effets positifs. Aussi tout infirmier qui le souhaite semble
pouvoir utiliser selon ses disponibilités, la musique comme un
instrument pour favoriser la communication, le bien-être avec les
patients Alzheimer. Pour cela il peut mobiliser ses compétences
relationnelles, analytiques qui lui seront une grande aide.
J'orienterai mes recherches sur le service de psychiatrie afin
de contourner le problème de la limite du temps : l'absence de temps
« infirmier » prévu pour la musique dans les EHPAD. En
psychiatrie la musique qui entre dans l'art-thérapie, fait partie
intégrante de la prise en charge infirmière. Pour répondre
à la question de recherche : « En quoi la musique peut-elle
être un instrument infirmier, dans les ateliers thérapeutiques,
favorisant la communication et le bien-être des patients
dépressifs au sein d'une équipe interprofessionnelle en service
de géronto-psychiatrie ? », je m'appuierai essentiellement sur les
concepts de la musique, de la communication et du bien-être que nous
avons étudiés mais je ferai également ressortir le concept
de la psychiatrie, de la santé mentale, de la thérapie et de la
dépression. J'étendrai la mise en oeuvre de mon futur objet
d'étude à un échantillon beaucoup plus important : des
infirmiers en géronto-psychiatrie de la région Ile de France,
c'est faisable. J'utiliserai les questionnaires pour obtenir plus de
réponses. Je préparerai également un atelier de musique au
sein d'un établissement psychiatrique afin d'observer les bienfaits de
la musique sur les patients et de confronter discours et pratique pour un
travail plus riche.
Ce travail m'a permis d'envisager la musique comme un
médiateur pouvant aider à « prendre-soin ». Suite
à mes expériences de stages tout au long de ma formation j'ai
pris conscience que la musique pouvait vraiment apporter une aide
précieuse aux personnes en souffrance. Je me suis impliquée dans
ce travail de recherche avec plaisir autant que je m'implique dans la musique.
Ce travail est aussi une recherche par rapport à la qualité des
soins dans la communication auprès des personnes Alzheimer qui sont de
plus en plus nombreuses. Etant donné les difficultés
auprès de cette population il a été intéressant de
s'interroger sur les stratégies de communication et de proposer un outil
: la musique.
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http://www.academie-sciences.fr/pdf/membre/s121206_rizzolatti.pdf
Institut de formation en soins infirmiers MGEN - La
Verrière
Liste des annexes
Claire DESMET
Promotion LAKOTAS - 2013/2016
83
Guide d'entretien auprès de
professionnels de santé
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85
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