République Démocratique du
Congo
UNIVERSITE OFFICIELLE DE BUKAVU
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC
LA LIMITATION DES DROITS
FONDAMENTAUX AU NOMDE L'ORDRE PUBLIC ET DE LA SECURITE NATIONALE : CAS DES
COUPURES D'INTERNETEN PERIODE ELECTORALE DE DECEMBRE 2018
Mémoire présenté pour l'obtention
du titre de Licencié en Droit
Par JEAN-CLAUDE ISAMBYA John
Directeur : IMANI MAPOLI Marcel, Professeur
Associé
Encadreur : CUBAKA CICURA Charles, Chef des
travaux
Année académique :
2018-2019
I
EPIGRAPHE
Les mêmes droits dont les personnes disposent hors
ligne doivent être aussi protégés en ligne, en particulier
la liberté d'expression, qui est applicable indépendamment des
frontières et quel que soit le média que l'on choisisse,
conformément aux articles 19 de la Déclaration universelle des
droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
RésolutionA/HRC/32/L.20 du Conseil des droits de
l'homme de l'ONU sur la promotion, la protection et l'exercice desdroits de
l'homme sur Internet(27 juin 2016).
IN MEMORIAM
A notre défunte mère, VUMILIA MWADJUMA
Espérance.
DEDICACE
A Papa Bertin MUKAMBA et Maman Aline MWENEBATENDE, pour avoir
cru en nous et surtout, pour leurincommensurable
générosité ;
Nous tenons aussi à rendre hommage à notre
affidée, Micheline LUHARHI IRAGI, pour tout son amour.
JEAN-CLAUDE ISAMBYA John
REMERCIEMENTS
Nous tenons ici à exprimer notre gratitude envers Dieu
tout-puissant grâce à qui nous avons pu réaliser ce
labeur ;
Nous exprimons également notre profonde reconnaissance
à notre père ITULAMYA WALUMONA KYABASUMBU Gédéon,
pour ses inestimables soutiens ;
Nous remercions aussi Papa FATAKI DOMINIQUE, pour toutson
appui ;
Nous ne pouvons en aucun cas nous priver de remercier notre
Alma mater, qu'est l'Université Officielle de
Bukavu qui nous conduit à la perfection et à l'excellence dans
nos recherches, et nous prépare adroitement à notre vie
professionnelle ;
Particulièrement, nous tenons à coeur et en
toute considération à remercier notre Directeur de
mémoire, Monsieur le Professeur IMANI MAPOLI Marcel, pour la rigueur et
la précision dans la recherche qu'il a suscitées en nous et pour
toutes ses vertus en dépit desquelles ce travail parait ;
Nos remerciements s'adressent ensuite à notre Encadreur
de mémoire, Monsieur le Chef des travaux CUBAKA CICURA Charles, pour ses
conseils toujours précieux et son soutien constant tout au long de ce
travail de recherche ;
Nous remercions assidûment nos frères, Thomas
FURAHA MWAGALWA, Innocent ITULAMYAZilfried, BYAMUNGU MBILIZI, BANAMUGI
Christian, BAHATI Innocent et FATAKI NGOY Espoir ;
Nous tenons également à exprimernotre gratitude
à nos soeurs, FURAHA KASHINDI, Rosette BYAMUNGU, LUGOLO Julie, Ghislaine
SANGANYI, Margueritte ITULAMYA NGALYA, SANGO PELO, KYEMBE AMOSI Ange, RIZIKI
NABAOMBWA Joséphine, BANAMUGI SALIMA, BANAMUGI Liliane et
Espérance ITULAMYA ;
Nos derniers remerciements, mais aussi les plus forts vont
à nos amis, Félix MUNEPA, Alice ANSIMA, MASUMBUKO Delphin,
Christian KAMUNTU MUHIGIRE, KIKALA MANDELA,WAKABEGHO SHULI Jules, SHOKULU
AKYULA Bonheur, WILONDJA M'LULEY César et SIVIRI Vianney.
JEAN-CLAUDE ISAMBYA John
LISTE DES SIGLES ET
ABREVIATIONS
AGNU Assemblée
Générale des Nations Unies
ANR Agence Nationale des
Renseignements
AR. P.T.C Autorité de
Régulation de la Poste et des Télécommunications
Art. Article
C. Contre
CADHP Commission Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples
C.E Conseil d'Etat français
CEDH Cour européenne des Droits
de l'Homme
CIPESA Collaboration on International ICT
Policy for East and Southern Africa
CSAC Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel et de la Communication
DEA Diplôme d'Etudes
Approfondies
DG Directeur Général
DEMIAP Détection Militaire des
activités Anti-Patrie
DUDH Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme
Éd. Edition
EUI Economist Intelligent Unit
FAI Fournisseur d'Accès
à Internet
IP Internet Protocol
J.O Journal Officiel
LGDJ Librairie générale
de droit et de jurisprudence
N° Numéro
OCDE Organisation de
Coopération et de Développement Economique
ONU Organisation des Nations Unies
P. Page
PIB Produit Intérieur Brut
PIDCP Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques
PUF Presses Universitaires de
France
RCADI Recueil des Cours de
l'Académie de Droit International de La Haye
RDC République
Démocratique du Congo
Rés. Résolution
RFDC Revue Française de Droit
Constitutionnel
RLDI Revue Lamy Droit de
l'Immatériel
SMS Short Message Service
TIC Technologies de l'Information et
de la Communication
UIT Union internationale des
télécommunications
1
0. INTRODUCTION
L'Ordre public et les libertés entretiennent une
relation aussi essentielle que périlleuse1(*). Cette relation repose sur le postulat selon lequel
les libertés ne sauraient prospérer sans la sauvegarde de l'ordre
public qui, lui-même, a pour seul objet de protéger les
libertés. L'ordre public freine l'émancipation des
libertés, de même que la consécration des libertés
restreint les exigences de l'ordre public. Il résulte de cette
corrélation une tension, inhérente à l'exercice même
des libertés. Le maintien de l'ordre public étant une
nécessité pour l'exercice des libertés, il en
découle que, dans certaines circonstances, les libertés peuvent
être limitées pour sauvegarder l'ordre public.
Ce pouvoir de limitation appartient au législateur
dès lors que l'article 122 de notre Constitution dispose
que « sans préjudice des autres dispositions de la
présente Constitution, la loi fixe les règles concernant les
droits civiques et garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice des libertés publiques »2(*).
0.1
PROBLEMATIQUE
La coupure d'Internet est une « interruption
intentionnelle d'Internet ou de communications électroniques, les
rendant inaccessibles ou effectivement inutilisables, pour une population
spécifique ou dans un lieu précis souvent pour exercer un
contrôle sur la circulation de l'information »3(*). La coupure d'Internet
présente des impacts considérables non seulement sur
l'économie du pays mais aussi sur les droits et libertés
fondamentaux des citoyens.
Sur le plan économique, la coupure d'Internet affecte
l'économie de nombreuses façons, perturbant la
productivité et générant des pertes monétaires dans
les transactions urgentes. En effet, plusieurs études ont
démontré qu'il y a un impact réel des coupures d'Internet
sur les produits intérieurs bruts (PIB) des pays. Par exemple, une
étude de la Brookings Institution4(*) estime qu'entre le 1er juillet 2015 et le
30 juin 2016, les coupures délibérées d'Internet ont
coûté au monde entier un total de 2,4 milliards de dollars, avec
des pertes maximales encourues par l'Inde (968 millions de dollars). Selon un
rapport de l'organisation Collaboration on International ICT Policy for
East and SouthernAfrica, CIPESA en sigle, l'Afrique subsaharienne a perdu
jusqu'à 237 millions de dollars suite aux coupures d'Internet depuis
20155(*).DELOITTE6(*) estime que même les pays
ayant un faible niveau d'accès à Internet sont exposés
à un impact moyen du PIB estimé à 6,6 millions de dollars
par jour.
En matière des droits de l'homme, comme le souligne
Internet Society, « l'accès à Internet ne peut
être distingué de l'exercice de la liberté d'expression,
d'opinion et du droit de réunion pacifique »7(*).En termes pratiques, les gens
dépendent régulièrement d'Internet pour rester en contact
avec leur famille et leurs amis, créer des communautés locales
d'intérêt, rapporter des informations de nature publique, demander
des comptes aux institutions, accéder et partager des connaissances. En
tant que telles, les coupures d'Internet, en particulier celles qui
désactivent tous les moyens de communication, devraient être
considérées comme des violations potentielles des droits de
l'homme.
Des coupures d'Internet ont eu lieu lors
d'événements majeurs comme les élections et les
manifestations de masse, alors que la surveillance active du contenu des
messages des citoyens et l'intimidation de ceux qui expriment des opinions
contraires aux vues gouvernementales sont également courantes. En RDC,
les élections ont souvent été marquées par un
accroissement significatif des violations des droits de l'homme et par la
restriction de l'espace démocratique8(*). La présente période électorale
ne fait malheureusement pas exception à ce constat. La question du
calendrier électoral pour les élections à venir a accru
les tensions politiques et sociales et s'est accompagnée d'un
durcissement de l'autorité face à ses opposants et à toute
voix considérée comme dissidente, notamment les défenseurs
desdroits humains. En particulier, menaces, arrestations, détentions
arbitraires, poursuites judiciaires abusives à l'encontre des
défenseurs se sont multipliées depuis janvier 2015, après
l'adoption par l'Assemblée nationale le 17 janvier, d'un projet de loi
modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet posait la
condition d'un recensement national avant l'organisation des élections
présidentielles et législatives prévues en 2016. Un tel
recensement, manifestement impossible à organiser avant les
échéances électorales, retardait le processus
électoral dans son ensemble et permettait de fait au président de
rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat prévu le 19
décembre 2016.
Le lundi 31 décembre 2018 au lendemain des
élections générales, présidentielle et
législatives, l'accès à Internet a été
coupé sur instruction du Gouvernement sur toute l'étendue du
territoire de la République démocratique du Congo. Ces
perturbations sont intervenues alors que la compilation des résultats
des élections générales était en cours dans tout le
pays. Les responsables des sociétés de téléphonie
(Vodacom RDC, Airtel RDC, Orange RDC, etc.) avaient déclaré sur
Jeune Afrique avoir reçu par téléphone
une instruction consistant à couper la transmission des images et des
vidéos sur Internet et à ralentir les autres services9(*). Les SMS10(*) indiquant ce qui suit
atterrissaient dans les téléphones des utilisateurs :
« Cher client, sur instruction du gouvernement, nos services
Internet sont suspendus pendant une période
indéterminée ».
Les droits fondamentaux visent l'ensemble des droits et
libertés reconnus aux personnes physiques comme aux personnes morales de
droit privé et de droit public en vertu de la Constitution, mais aussi
des textes internationaux et protégés tant contre le pouvoir
exécutif que contre le pouvoir législatif par le juge
constitutionnel ou le juge international11(*).
Par essence conditionnel, le droit à la liberté
d'expression et d'information est un droit consacré non seulement par
les textes internationaux, tels la Déclaration universelle des droits de
l'homme de 194812(*) et le
Pacte international des droits civils et politiques13(*), mais aussi par les textes
régional14(*) et
national15(*) des droits
de l'homme.
Le droit à la liberté d'expressionimplique la
liberté d'exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la
parole, l'écrit et l'image, sous réserve du respect de la loi, de
l'ordre public et des bonnes moeurs. Par liberté d'expression et
d'information, il est ainsi consacré un droit de rechercher, d'obtenir
et de communiquer les informations et les idées de son choix, sans
ingérence et sans considération de frontière16(*).
Par-là, le droit à la liberté
d'expression et d'information garantit à chacun une expression et une
diffusion libres de ses opinions (liberté d'expression) et
protège la recherche d'informations auprès des sources
généralement accessibles, ainsi que la réception et la
diffusion libres d'informations (liberté d'information)17(*).
Le droit à la liberté d'expression et
d'information ne peut être restreint que si les conditions
générales en matière de restrictions légitimes des
droits fondamentaux sont remplies.Ces conditions générales de
restriction des droits fondamentaux doivent être scrupuleusement
observées par les pouvoirs publics afin de ne pas tomber dans
l'arbitraire et l'abus de pouvoir.
Avec l'essor des technologies de l'information et de la
communication, il est aisé de nos jours d'user de ses droits
fondamentaux relatifs à la liberté d'expression et d'information
sur un espace aussi large avec Internet. L'agence spécialisée des
Nations Unies pour les technologies de l'information et de la communication,
l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), estime qu'il
y avait en 2014 près de 3 milliards d'utilisateurs d'Internet dans le
monde, soit 40 % de la population mondiale18(*). Près de la moitié d'entre eux sont
inscrits en tant qu'utilisateurs d'un même service privé,
Facebook.
Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la
promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et
d'expression, Franck La Rue, a considéré en 2011 que «
supprimer l'accès à l'Internet et ce, quelle que soit la
justificationfournie, [...] est excessif et constitue une violation »
de l'article 19 § 3 du Pacte International relatif aux droits civils et
politiques. Quelques mois plus tard il précisera que « bien
quel'accès à Internet ne soit pas encore un droit de l'homme en
tant que tel », il est « indispensable non seulement
à l'exercice du droit à la liberté d'expression mais aussi
à celuid'autres droits, comme le droit à l'éducation, le
droit de s'associer librement avec d'autres etle droit de réunion, le
droit de participer pleinement à la vie sociale, culturelle et politique
etle droit au développement économique ou social
»19(*).
Au regard de ce qui précède, nous proposons
d'orienter nos réflexions sur ces quelques interrogations :
v Peut-on considérer à l'heure actuelle,
l'accès à Internet comme un droit fondamental ?
v L'ingérence de l'Etat congolais du fait d'avoir
coupé Internetpendant la période électorale de
Décembre 2018 était-elle une violation au droit à la
liberté d'expression et d'information ?
0.2 HYPOTHESES
Avoir accès à Internet c'est avoir la
possibilité d'être à la fois « client » pour
recevoir les données envoyées par les serveurs
interconnectés qui forment le réseau mondial, et « serveur
» pour envoyer soi-même des données vers d'autres clients.
Avoir pleinement accès à Internet nécessite de pouvoir
communiquer librement avec l'ensemble des machines elles-mêmes
connectées à Internet, qu'il s'agisse des serveurs de grands
sites Internet mondialement connus ou du téléphone mobile de son
voisin.
Dès lors qu'une restriction empêche de recevoir
ou d'envoyer correctement tout ou partie des informations, l'accès
à Internet devient vicié, et tous les droits fondamentaux qui
dépendent de l'accès à Internet s'en trouvent
fragilisés. En effet, que ce soit par la législation et la
réglementation qu'il choisit de mettre en oeuvre dans le droit national,
ou par des pratiques de ses organes, l'État congolais semblerait parfois
être celui qui enfreint directement sa propre obligation de respecter les
droits de l'homme sur Internet. On pourrait le voir notamment par la
surveillance massive des communications électroniques qui ne respecte
pas le principe de proportionnalité des restrictions nécessaires
dans une société démocratique, et par des atteintes
répétées à la liberté d'expression et
d'information.
Pourtant, déjà en 1950, l'Organisation des
Nations Unies a réalisé la jointure entre les droits de l'homme
et le droit international des télécommunications en adoptant une
résolution qui, citant côte à côte l'interdiction du
brouillage imposée par la Convention Internationale des
Télécommunications et la liberté d'expression
affirmée dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, a
« condamné les mesures de cette nature en tant que
négation du droit de toute personne à être
pleinementinformée eu égard aux nouvelles, opinions, et
idées, sans considérations de frontières
»20(*).
Des controverses persistent sur la nature (source) d'un droit
fondamental d'accès à Internet. En effet, certains, en
l'occurrence Michaël BARDIN, estiment que l'accès à Internet
n'est ni un droit de l'homme ni un droit fondamental en lui-même. Pour
cette école, l'Internet n'est et n'existe que comme moyen de
concrétisation de la liberté d'expression et de communication. En
définitive, le droit d'accès à Internet viendrait prendre
sa juste place dans les moyens déjà connus et
protégés que sont la presse, la radio ou encore la
télévision21(*).
Tel n'est pas l'avis d'autres auteurs, dont LAURE MARINO, qui
soutiennent que la liberté de communication et d'expression implique
désormais la liberté d'accès à Internet.
L'accès à Internet devient ainsi, en lui-même, un
droit-liberté, en empruntant par capillarité la nature de son
tuteur, la liberté d'expression. Il appert de souligner que la
consécration de l'accès à Internet comme droit fondamental
découlerait de la méthode d'annexion ; méthode qui
aurait permis au Conseil constitutionnel français de décider que
la liberté de communication et d'expression impliquait également
la liberté d'accès à Internet22(*).
En ce qui nous concerne, estimons-nous que, bien qu'il n'y
ait pas encore d'instrument juridique contraignant qui traite
spécifiquement du droit fondamental d'accès à Internet, il
n'en reste pas moins évident que, ce droit soit inclus dans celui de la
liberté d'expression et d'information, tel que prévu par les
articles 23 et 24 de notre Constitution, de même que par l'article 19 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il est d'une évidence que, définir l'ordre
public constitue une tâche épineuse23(*). L'indétermination de
la notion d'ordre public proviendrait des réalités diverses
auxquelles elle renvoie. De manière générale, « est
d'ordre public, ce qui est si important qu'est mise en question l'essence de la
société ou de son droit »24(*).
La jurisprudence administrative témoigne de
l'élargissement de l'ordre public au cours du
XXèmesiècle25(*). En plus de « l'ordre matériel et
extérieur »26(*)qui est, d'ores et déjà,
hétérogènepuisqu'il comprend la sécurité, la
salubrité et la tranquillité publiques mais aussi le bon ordre,
l'ordre public vise de nouvelles exigences. Tel est le cas de la
moralité publique, avec la reconnaissance de la dignité de la
personne humaine comme composante de l'ordre publicet, plus largement, de la
protection des individus contre eux-mêmes.
Dans la jurisprudence duConseil constitutionnel
français, les considérations d'ordre public seraient d'abord
saisies par la catégorie juridique des objectifs de valeur
constitutionnelle. Ces objectifs constitueraient des impératifs
liés à la vie en société, qui s'imposeraient au
législateur et qui visent à mettre en oeuvre les droits et
libertés de valeur constitutionnelle. Les impératifs d'ordre
public seraient compris dans deux objectifs liés à la
préservation de l'ordre public, à savoir : la sauvegarde de
l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions.
A l'exception de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples qui formellement ne prévoit aucune restriction possible pour
le droit à l'information (mais qui en autorise pour le droit d'exprimer
et de diffuser ses opinions, ce qui revient sensiblement au même), et de
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui n'a pas de
portée juridiquement contraignante, tous les textes internationaux
relatifs aux droits de l'homme ouvrent grand la porte aux restrictions à
la liberté d'expression et d'information, après avoir
affirmé le principe de son respect. Le Pacte international relatif
auxdroits civils et politiques permet ainsi aux États de soumettre ces
libertés à des restrictions fixées par la loi et
nécessaires au respect des droits ou de la réputation d'autrui,
ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre
public, de la santé ou de la moralité publique27(*). Ces aménagements du
principe ne sont toutefois pas un blanc-seing qui permettrait aux États
d'appliquer à volonté d'importantes restrictions au droit de
s'exprimer et de s'informer, notamment sur Internet28(*).
Est-il que l'ordre de couper Internetait été
reçu par le canal d'un appel téléphonique par les
opérateurs des télécommunications de la part du
Gouvernement. D'où l'intérêt même de s'interroger sur
la valeur juridique d'un coup de fil et sur l'autorité habilitée
à donner une telle injonction. En l'espèce, nous estimons que
seule la loi entendue stricto sensu pourrait, conformément
à l'article 19 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, limiter l'exercice de la liberté d'expression et
d'information sur Internet en cette période électorale et comme
en tout autre temps.
0.3 ETAT DE LA
QUESTION
Diverses études présentant des traits avec notre
travail ont été menées par différents auteurs et
institutions, en l'occurrence, Guillaume CHAMPEAU, Pauline GERVIER, Marie
BASTIANetla Collaboration on International ICT Policy for East and
SouthernAfrica, CIPESA, en sigle.
v Guillaume CHAMPEAU :
Dans son mémoire de recherche en master 2 en Droit
international et européen des droits fondamentaux, intitulé
« Les intermédiaires de l'Internet face aux droits
de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de
protéger », il s'intéresse à la
responsabilité qui incombe aux intermédiaires d'Internet (tels
les sociétés des télécommunications) dans le
non-respect des droits de l'homme. C'est ainsi que, en vertu des Principes de
Ruggie, les personnes morales qui proposentleurs services
d'intermédiaire sur Internet doivent elles-mêmes veiller à
respecter les droits del'homme lorsqu'elles sont en situation de pouvoir leur
porter atteinte. C'est d'ailleurs cetteobligation de respect qui occupe le plus
la doctrine, légitimement préoccupée par les
atteintesportées directement ou indirectement par les
intermédiaires de l'internet au droit à la vieprivée et
à la protection des données personnelles, à la
liberté d'expression, au droit depropriété intellectuelle,
ou dans une moindre mesure à la liberté de réunion
etd'association29(*).
v Pauline GERVIER :
Dans son ouvrage relatif à « La
limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre
public », cette auteure révèle la
relation qui existe entre l'ordre public et les libertés fondamentales
et met davantage l'accent sur la procédure à suivre pour pouvoir
restreindre la portée ou l'exercice des dites libertés afin de
sauvegarder l'ordre public. Car, cette relation repose sur le postulat que les
libertés ne sauraient prospérer sans la sauvegarde de l'ordre
public qui, lui-même, a pour seul objet de protéger les
libertés. Leur union implique un équilibre, tenant à ce
que l'ordre public encadre l'exercice des libertés seulement lorsque
leur protection l'exige30(*).
v Marie BASTIAN :
Dans son article portant sur « La
fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par
analogie : le cas du droit d'accès à
Internet », Marie BASTIAN renseigne quele droit
d'accès à Internet intègre aujourd'hui, indirectement, la
grande famille des droitsfondamentaux, par un processus d'annexion au droit
à la liberté d'expression et de communication. Toutefois, elle
reconnait que si l'essentialité du droit d'accès à
Internet, et, par conséquent, son universalité, paraissent
incontestables et reconnues, c'est bien l'aspect multidimensionnel d'Internet,
et en particulier de son accès, qui rend complexe son rattachement
à un droit fondamental préexistant, l'enfermant dans un carcan
juridique préétabli ne permettant pas de concevoir pleinement les
nouveaux enjeux y afférent. Ainsi, l'analogie n'est sans doute pas
toujours suffisante et adéquate s'agissant de la dimension virtuelle. Le
droit d'accès à Internet doit pouvoir s'appréhender comme
un exemple s'inscrivant dans une dynamique normative plus large, au-delà
de sa stricte dimension infrastructurelle, à savoir un droit du
cyberespace31(*).
v CIPESA :
Dans son rapport publié en 2016 sur l'état des
lieux des libertés sur Internet en République démocratique
du Congo, cette organisation s'inquiète d'une part de ce que le pays
continue à enregistrer des violations croissantes des libertés
sur Internet pendant que le nombre d'utilisateurs des TIC augmente et d'autre
part, de l'état embryonnaire des lois en matière de
communications numériques32(*).
0.4 DELIMITATION DU
SUJET
Dans le cadre de ce travail, nos réflexions porteront
sur le droit positif congolais et en particulier sur les instruments juridiques
et les mécanismes de protection des droits de l'homme aussi bien
nationaux qu'internationaux. Qui plus est, nous tenterons d'une part de
rechercher les décisions de justice en rapport avec le sujet sous examen
et d'autre part, les décisions du Gouvernement enjoignant aux
opérateurs de téléphonie de couper l'Internet.
Le présent travail s'étale sur la période
électorale de décembre 2018 qu'a connue la République
Démocratique du Congo. Cette période a été
caractérisée par divers faits susceptibles d'attirer l'attention
de nombre des chercheurs. Néanmoins, notre étude se penchera sur
l'effectivité de l'exercice du droit à la liberté
d'expression et d'information pendant cette période.
0.5 CHOIX ET INTERET DU
SUJET
L'intérêt qui est nôtre dans le choix de
ce sujet s'étale sur un triple plan, à savoir :
§ Sur le plan
pédagogique :
L'étude de ce sujet nous permettra d'approfondir les
notions des cours des droits humains : libertés publiques, de droit
Constitutionnel, et de droit international public.
§ Sur le plan
scientifique :
L'objectif par nous poursuivi dans le cadre de ce travail, est
de tenter de prendre part d'un côté à la promotion et
à la protection des droits de l'homme sur l'Internet, en l'occurrence le
droit à la liberté d'expression et d'information en
période des élections, et d'autre part, de contribuer à la
lutte contre les violations de ces libertés par l'arbitraire dont
useraient les pouvoirs publics.
§ Sur le plan social :
Nous espérons apporter par le biais du présent
travail notre contribution dans le cadre de la promotion et de la protection
des droits de l'homme par l'usage des nouvelles technologies de l'information
et de télécommunication. Qui plus est, nous souhaitons
éclairer l'opinion publique sur les modalités de limitation des
droits et libertés fondamentaux au nom de l'ordre public en droit
positif congolais tout en focalisant les réflexions sur les coupures
d'Internet.
0.6 METHODES ET TECHNIQUES DE
RECHERCHE
Dans le souci de rendre cohérent ce travail, diverses
méthodes et techniques seront utilisées.
Pour ce qui est des méthodes, nous ferons recours
à :
· La méthode juridique
(exégétique) :
Cette méthode nous permettra d'analyser et
d'interpréter divers textes juridiques relatifs à notre objet
d'étude. Ainsi, nous analyserons entre autres textes : la
Constitution de notre pays de 2006 telle que modifiée par la loi n°
11/002 du 20 janvier 2011, la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l'exercice de la liberté de presse, la loi-cadre
n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en
RDC, la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de
l'Autorité de régulation de la poste et des
télécommunications, la loi organique n° 11/011 du 10 janvier
2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil
supérieur de l'audiovisuel et de la communication, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966 ratifié par la RDC le 1er novembre 1976, la
Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre
1948, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, etc.
· La méthode
sociologique :
Elle nous sera utile dans la confrontation des dispositions
légales au vécu quotidien de la société congolaise.
Plus concrètement, nous analyserons l'impact des coupures totales
d'Internet sur toute l'étendue de la République
Démocratique du Congo pendant la période électorale de
décembre 2018 sur l'exercice du droit à la liberté
d'expression et d'information.
En plus de ces différentes méthodes, nous
utiliserons les techniques ci-après :
La technique documentaire :
Cette technique va nous être indispensable dans la
recherche et l'exploitation de la doctrine en la matière. Pour ce faire,
nous consulterons les ouvrages de droit international des droits de l'homme, de
droit constitutionnel, de droit administratif; les thèses de doctorat,
les articles et tous autres documents relatifs au sujet de notre travail.
La technique d'interview :
Par le truchement de cette technique, nous espérons
nous entretenir avec les responsables de ces trois compagnies de
téléphonie mobile et fournisseurs d'accès à
Internet de la place : Airtel RDC, Orange RDC et Vodacom RDC.
L'intérêt ici étant de nous informer d'un côté
de la procédure suivie par ces entreprises avant de couper le
réseau Internet, et de l'autre, savoir si l'autorité à
l'origine de la décision était compétente pour ce
faire.
CHAPITRE I. L'ACCES A
INTERNET ET LE DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO
Avant de nous pencher sur les controverses au tour d'un
nouveau droit fondamental, en l'occurrence, celui de l'accès à
Internet (section II), il parait nécessaire de nous imprégner des
notions générales sur les droits de l'homme (section I).
SECTION I. LES DROITS ET
LIBERTES FONDAMENTAUX DE L'HOMME
La notion de libertés fondamentales ou de
libertés publiques ou encore de droits de l'homme, parfois
controversée en doctrine, mérite d'abord d'être
définie avant que nous jetions une oeillade sur les différentes
catégories ou générations des droits de l'homme
(§.1). Il est également nécessaire de mettre en exergue les
sources sur lesquelles se fondent les libertés fondamentales
(§.2).
§.1. NOTIONS ET
CATEGORIES DES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX
Dans un premier lieu, nous éluciderons les
différentes dénominations du concept « droit de
l'homme » (I) et dans un second lieu, nous présenterons les
catégories ou générations des droits de l'homme (II).
I. NOTIONS
Le respect et la garantie des droits de l'homme et des
libertés fondamentales constituent l'un des fondements essentiels des
sociétés démocratiques33(*). Universels, ces droits et libertés sont le
patrimoine commun de l'humanité ; ils sont aujourd'hui à la
charnière des ordres juridiques internes et internationaux. Les
expressions utilisées pour désigner cette matière ont
évolué ; elles se sont en outre multipliées :
libertés publiques, droits de l'homme, droits fondamentaux,
libertés fondamentales... Ces expressions, si elles sont connexes, ne
sont pas synonymes. Il importe de les distinguer (I.2).
La notion de liberté publique est délicate
à appréhender dans la mesure où elle ne fait l'objet
d'aucune définition légale. Il conviendra donc de revenir sur la
notion de liberté en général (I.1).
I.1. DEFINITION DE LA
LIBERTE
La liberté peut se définir d'un point de vue
philosophique ou politique. La première définition, d'inspiration
philosophique, consiste à définir comme libre celui qui n'a
besoin de personne, ni de quoi que ce soit. Cette approche est inutile pour le
droit qui vise à régir les rapports sociaux34(*). Il est encore possible de
considérer que la liberté est caractérisée par un
pouvoir d'autodétermination sur soi-même, une faculté de
choisir son comportement personnel (Sartre, Descartes, Malraux...).
Cette définition ontologique est récusée
par le courant déterministe au motif que l'Homme ne peut pas être
libre à partir du moment où il se trouve dans une
société puisqu'il est prédéterminé dans une
structure sociale (Comte, Calvin, Hegel). Néanmoins, cette notion
d'autodétermination peut être reprise par le juriste pour
définir la liberté en société.
D'un point de vue politique, la liberté peut aussi se
définir sous l'angle du rapport de l'Homme avec le pouvoir. Il s'agit
alors de la liberté comme sphère d'action qui échappe
à la contrainte sociale.
Elle peut faire référence à deux
libertés distinctes selon Gilles LEBRETON35(*) :
· La liberté participation : elle
correspond à la faculté pour le gouverné de devenir
gouvernant. Le gouverné échappe alors à la contrainte
sociale et devient maître de son destin politique. Cette vision est
à l'origine de la pensée de Rousseau dans ce sens où elle
aboutit à la démocratie et au pouvoir des gouvernés (droit
de vote, droit d'être élu).
· La liberté autonomie : elle
donne la faculté d'échapper à la contrainte sociale non
pas en participant à la décision mais en délimitant une
sphère qui échappe au pouvoir. La liberté résulte
alors du fait que le pouvoir ne peut s'immiscer dans la sphère
d'autonomie (liberté d'aller et venir, droit à la
sûreté).
Ces deux conceptions conduisent à l'opposition entre
deux courants : le courant rousseauiste qui ne prône aucune autonomie
mais une grande participation (l'individu s'approprie l'État) et
à l'opposé, le libéralisme politique qui repose sur la
primauté de l'autonomie par rapport au pouvoir (l'individu est
adversaire de l'État). Au sein des démocraties libérales,
la liberté participation et la liberté autonomie
coexistent36(*).
I.2. DISTINCTION ENTRE
LIBERTES PUBLIQUES, DROITS DE L'HOMME, DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTES
FONDAMENTALES
- Des libertés
publiques aux libertés fondamentales
Les libertés prises en charge par l'État ou
reconnues par lui sont des libertés publiques37(*). Le mot « public »
n'est pas à comprendre comme une opposition au terme « privé
». Il n'est guère concevable d'admettre l'existence des
libertés publiques, définies comme n'intéressant que les
relations des citoyens avec l'État et des libertés privées
qui concerneraient les rapports entre les individus. Toutes les libertés
sont des libertés publiques38(*).
Les libertés publiques sont des libertés
aménagées dans le cadre de l'État par le pouvoir politique
de façon à les rendre effectives. Elles sont « publiques
» car elles supposent l'intervention de l'autorité publique.
Selon la définition proposée par G. LEBRETON,
sont des libertés publiques « les pouvoirs
d'autodétermination qui visent à assurer l'autonomie de la
personne humaine, sont reconnus par des normes à valeur au moins
législative, et bénéficient d'un régime juridique
de protection renforcée même à l'égard des pouvoirs
publics »39(*).
Pour certains auteurs, les libertés publiques
protègent les individus contre l'État alors que les
libertés fondamentales les protégeraient également contre
les autres individus. Techniquement, le droit des libertés fondamentales
assurerait une protection verticale (contre la puissance publique) et
horizontale (contre l'ingérence des autres citoyens) alors que le droit
des libertés publiques n'aurait qu'une dimension verticale. J. RIVERO
souligne que « ce qui rend publique une liberté quel qu'en soit
l'objet, c'est l'intervention du pouvoir pour la reconnaître et
l'aménager »40(*).
- Droits de l'homme ou
droits fondamentaux ?
La notion de « droits de l'homme » est ancienne et
antérieure (en France) à celle de droits fondamentaux41(*). Elle trouve notamment son
origine dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Elle a ensuite été choisie, après la deuxième
guerre mondiale, pour nommer les deux grands instruments de protection des
droits : en 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme ; en
1950, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales.
Ces trois textes visent à garantir à l'homme,
c'est-à-dire l'individu, des droits universels inhérents à
sa qualité de personne humaine. Il s'agit de textes recognitifs,
c'est-à-dire qui reconnaissent des droits préexistants à
la vie de l'homme en société. Les droits consacrés sont
des droits libéraux, essentiellement civils et politiques.
Cette expression de « droits de l'homme » est
aujourd'hui contestée par certaines organisations de protection des
droits fondamentaux et en particulier par des associations féministes,
qui dénoncent le caractère restrictif de cette formule. Elles
proposent d'opter, comme c'est le cas en Amérique du Nord, pour
l'expression « Droits humains » ou « Droits de la personne
». Ce combat sémantique n'emporte pas l'adhésion, car
l'homme est considéré par le juge, comme la « personne
humaine » et non comme l'homme, opposé à la femme.
Plus sérieusement, l'intérêt du recours
à la notion de « droits fondamentaux », notion d'inspiration
germanique, est de couvrir un champ plus vaste que celui de droits de l'homme :
tant au regard de son contenu que de ses destinataires. Cette notion
désigne non seulement les droits civils et politiques, inspirés
de la théorie du droit naturel, mais aussi les droits sociaux et
également les droits les plus récents, dits de la
troisième génération.
De ce fait, la liste des bénéficiaires des
droits fondamentaux est plus large et non fermée ; en jouissent non
seulement les individus (nationaux, étrangers, apatrides), mais aussi
des groupes sociaux désignés (travailleurs, enfants...) et
même des entités n'ayant pas encore la qualité de personne
humaine (l'embryon protégé par les droits «
bioéthiques » ou les générations à venir,
bénéficiaires par ricochet du droit à l'environnement et
du principe de précaution).
Selon Louis FAVOREU, les droits fondamentaux visent l'ensemble
des droits et libertés reconnus aux personnes physiques comme aux
personnes morales de droit privé et de droit public en vertu de la
Constitution, mais aussi des textes internationaux et protégés
tant contrele pouvoir exécutif que contre le pouvoir législatif
par le juge constitutionnel ou le juge international42(*).
En somme, les dénominations
sus-évoquées : « libertés
publiques », « libertés fondamentales »,
« droits fondamentaux » et « droits de
l'homme » bénéficient d'une protection juridictionnelle
équivalente. Bien que la « liberté » se
définisse comme un pouvoir d'autodétermination par lequel l'homme
choisit lui-même ses comportements. Le « droit » semble
requérir une action positive de la part des autorités. Il s'agit
d'un droit « à ».
Sur cette base, l'on distinguerait d'un côté les
libertés classiques, dont jouissent sans entrave les individus en
société, et d'un autre côté, les
droits-créances impliquant nécessairement une action de la part
de l'Etat. Cette dichotomie, trop marquée, n'est pas convaincante.
Certes, les libertés laissent à l'individu un
droit à l'autodétermination, mais il existe,
simultanément, un droit à leur respect. De ces libertés,
les juges internes et internationaux dégagent des obligations positives,
à la charge des autorités étatiques, tenues de garantir
leur pleine effectivité. Ainsi, les droits « à », comme
le droit à la vie, n'impliquent pas toujours une action positive de
l'Etat, mais plutôt une abstention.
C'est pourquoi ces deux notions de droit et liberté
sont indissociables. Les expressions « droits et libertés
fondamentaux », « libertés fondamentales » ou encore
« droits fondamentaux » peuvent être utilisées pour
désigner le même ensemble43(*).
En droit positif congolais, le titre II de Constitution
consacre les termes « Des Droits humains, des libertés
fondamentales, des devoirs du citoyen et de l'Etat ». Et relativement
à notre étude, il sied de noter que, en vertu des articles 23 et
24 de la Constitution de notre pays, le droit à la liberté
d'expression et le droit à l'information sont aussi bien des
« droits humains » que des « libertés
fondamentales ».
Il importe alors de voir dans le point qui suit, comment se
catégorisent les droits de l'homme au travers des instruments juridiques
qui les consacrent.
II. CATEGORIES DES DROITS
DE L'HOMME
Personne ne peut présenter une liste définitive
des droits de l'homme44(*). D'une part, ceux-ci peuvent être
présentés de beaucoup de façons, d'autre part, chaque
droit peut être décomposé en plusieurs, et d'autres peuvent
être regroupés en un seul. Cependant, il est nécessaire de
montrer que les droits de l'homme constituent un ensemble indivisible,
c'est-à-dire un système qui, tout en étant
inachevé, n'est pas indéfini.
Le principe a été posé lors de la
Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui a eu lieu à
Vienne en 1993 : « Tous les droits de l'homme sont universels,
indissociables,interdépendants et intimement liés. La
communauté internationale doit traiter des droits de l'homme
globalement, de manière équitable et équilibrée,
sur un pied d'égalité et en leur accordant la même
importance (...) »45(*).
Le mode de classification retenu par la Charte universelle des
droits de l'homme distingue d'une part les droits économiques, sociaux
et culturels et de l'autre part, les droits civils et politiques. Il existe
aussi un autre mode de classification des droits de l'homme en vogue dans les
organisations internationales. De cette classification, il découle trois
générations ou catégories des droits de l'homme, à
savoir : les droits de la première génération (les
droits civils et politiques), les droits de la deuxième
génération (droits économiques, sociaux et culturels) et
les droits de la troisième génération (droits de
solidarité).
Ainsi, peuvent être considérés comme
droits de la première génération, les droits civils et
politiques suivants : le droit à la vie ; le droit à la
dignité et à la sécurité de la personne ; le droit
à la liberté de pensée, de conscience, de religion et le
droit à la liberté d'expression, le droit à l'information
; le droit de n'être ni torturé, ni arrêté
arbitrairement; le droit à la liberté de réunion et
d'association ; le droit à l'égalité devant la justice ;
le droit de vote; le droit à la propriété privée ;
le droit à une nationalité.
Il faut noter que cette conception, d'abord essentiellement
individualiste des droits, a évolué avec le temps pour finir par
inclure également une dimension collective. C'est l'origine des droits
économiques, sociaux et culturels ou droits de la deuxième
génération.
Cette deuxième catégorie des droits de l'homme
apparaît au XIXème siècle. Elle cherche à
intégrer l'égalité socio-économique à la
liberté. L'intention est de garantir les conditions sociales et
culturelles qui permettront à chacun et à chacune de jouir
pleinement de tous ses droits. Doivent donc être appelés droits de
deuxième génération, les droits économiques,
sociaux et culturels ci-après : le droit au bien-être ; le droit
au travail et aux conditions d'emploi justes ; le droit à
l'éducation ; le droit à la santé; le droit à la
syndicalisation et le droit de grève ; le droit à l'alimentation,
etc.
La troisième génération des droits de
l'homme se développe à partir des années 1970 en
réponse à la situation mondiale de notre époque. Certains
auteurs l'appellent droits de la solidarité46(*). Ces droits s'infèrent
d'une conception planétaire qui tient compte de l'interdépendance
mondiale et du besoin d'établir un nouvel ordre politique et
économique international. La solidarité est
considérée comme un élément nécessaire
à la mise en application du respect de ces droits. Etant donné
l'état embryonnaire de leur formulation, on ne trouve pas encore de
texte universel qui les énonce dans leur ensemble, comme c'est le cas
des deux premières générations des droits. Mais on peut
citer comme constituant les droits de la troisième
génération : le droit à la paix ; le droit à
l'autodétermination des peuples ; le droit des minorités ; le
droit au développement ; le droit à un environnement sain et
à l'utilisation de ses ressources naturelles ; etc.
Il appert d'indiquer dans le paragraphe qui va suivre, les
sources sur lesquelles se fondent les droits de l'homme.
§.2. LES SOURCES DES DROITS
ET LIBERTES FONDAMENTAUX
Les sources des droits et libertés fondamentaux ne se
limitent pas seulement au droit national (B), elles s'étendent aussi au
droit international (A).
A. LES SOURCES
INTERNATIONALES DES DROITS DE L'HOMME
Nous aborderons ces sources sous deux angles : universel
et régional. Au plan universel, nous mettrons plus l'accent relativement
à notre objet d'étude, sur la Déclaration universelle des
droits de l'homme et sur le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. Au plan régional par contre, nous analyserons les sources
des droits de l'homme selon le système juridique de l'Union
Africaine.
En effet, la première source juridique du droit
international des droits de l'homme se situe dans la Charte des Nations unies,
dont le Préambule proclame « la foi des Nations Unies dans les
droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la
personne humaine»47(*) et l'article premier qui évoque « le
respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion »48(*)
tous deux complétés par l'article 55 du même instrument qui
rappelle « le respect universel et effectif des droits de l'homme et
des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion »49(*).
Mais, c'est la Déclaration universelle des droits de
l'homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948, qui incarne la
première phase d'un véritable régime, par le truchement
d'une liste contingente des droits, ne proposant donc pas de définition
avérée de leur substance (1).
La DUDH va servir de fondation à un plus vaste projet,
la Charte internationale des droits de l'homme, un amalgame de trois
instruments : la DUDH, le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP) (2) et le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels.
Toujours au plan international, en plus de la Charte
internationale des droits de l'homme, mentionnons les quatre conventions du
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) fondant le droit
international humanitaire, ainsi que de nombreux traités
thématiques à vocation universelle, notamment : la
Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime
de génocide, la Convention de 1951 relative au statut des
réfugiés, la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale de 1966, la Convention de 1979
sur l'élimination de toutes formes de discrimination à
l'égard des femmes, la Convention de 1989 relative aux droits de
l'enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990, etc.
Bien que leurs niveaux de développement et de mise en
oeuvre soient encore inégaux à ce jour, quelques initiatives
régionales en matière des droits de l'homme existent
également50(*). En
Europe, nous pouvons citer entre autres sources des droits de l'homme : la
Convention européenne des droits de l'homme (1950), la Charte sociale
européenne (1989) et la Charte des droits fondamentaux (2000). Dans les
Amériques, il y a : la Déclaration américaine des
droits et devoirs de l'homme (1948), la Convention américaine relative
aux droits de l'homme (1969) et le Protocole à cette Convention traitant
des droits économiques, sociaux et culturels (1988). En Afrique,
pouvons-nous énumérer : la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples (1981) (3) et le Protocole à
cette Charte relatif au droit des femmes (2003).
Outre ces sources normatives, il y a également la
jurisprudence, la coutume internationale, les principes généraux
du droit et la doctrine.
1. La Déclaration
universelle des droits de l'homme
Juridiquement, la Déclaration universelle n'est qu'une
résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, soit
un acte dépourvu de caractère obligatoire, à l'inverse
d'un traité international qui oblige les Etats qui le ratifient ou y
adhèrent51(*). A
l'origine du texte, la Commission des droits de l'homme avait souhaité
aboutir rapidement à l'adoption d'un document énonçant les
droits de l'homme, ce qui, l'avenir devait en adopter la confirmation,
eût été impossible pour un instrument contraignant.
Le Préambule de la Déclaration réaffirme
le lien entre la protection de la personne humaine et le maintien de la paix,
rappelle que les Etats membres « se sont engagés à
assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations unies, le
respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales » et indique qu'une conception commune de ces droits et
libertés est de plus haute importance pour remplir cet engagement.
Mais la Déclaration, comme le souligne Patrick
WACHSMANN, est un idéal commun à atteindre par tous les peuples
et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la
société, ayant cette Déclaration constamment à
l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de
développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer,
par des mesures progressives d'ordre national et international, la
reconnaissance et l'application universelles et effectives.
Déjà cet instrument juridique international
prévoit le droit à la liberté d'expression et le droit
à l'information, notamment quand il dispose que « Tout
individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui
implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions
et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans
considération de frontières, les informations et les idées
par quelque moyen d'expression que ce soit »52(*).
2. Le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
Nous tenons à examiner cet instrument juridique dans le
souci d'asseoir la base de la consécration du droit à la
liberté d'expression et du droit à l'information.
En effet, le 16 décembre 1966, l'Assemblée
générale de l'Organisation des Nations Unies adopte deux pactes
dans sa résolution 2200 A (XXI) : le Pacte international sur les
droits civils et politiques et le Pacte international sur les droits
économiques, sociaux et culturels. Ces deux pactes viennent
compléter et renforcer la Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
revêt un caractère contraignant plus marqué, ce qu'atteste
bien son article 2 quand il indique que « Les Etats parties au
présent Pacte s'engagent à prendre, en accord avec leurs
procédures constitutionnelles et avec les dispositions du présent
Pacte, les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre
législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus
dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en
vigueur»53(*).
Le pacte s'attache aussi à encadrer la limitation que les
libertés qu'il consacre pourront subir lors de circonstances
exceptionnelles.
Le Pacte sous examen consacre effectivement les droits civils
et politiques. Il s'agit des droits de l'homme considérés comme
les « droits libertés ». Ils impliquent
généralement une abstention d'intervention des Etats dans les
libertés de chaque personne.
Historiquement, les droits civils et politiques ont permis la
reconnaissance de l'individu et de ses libertés, notamment par
l'exercice de sa citoyenneté et la protection de son
intégrité physique54(*).
Il s'agit entre autres du droit à la vie, de la
liberté de pensée, la liberté d'expression55(*), l'interdiction de la torture
et de l'esclavage, le droit de vote, etc.
3. La Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples
La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
(Charte de Banjul) va plus loin. Elle est le premier texte juridiquement
contraignant qui institue des droits collectifs tels que le droit à
l'autodétermination des peuples, le droit des peuples à disposer
librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, le droit au
développement économique, social et culturel ainsi que le droit
à un environnement propice. La Charte traite également de droits
individuels, tels les droits civils, politiques, économiques, sociaux
et culturels. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples est
l'organe prévu dans la Charte pour promouvoir et protéger les
droits définis. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
a son siège permanent à Arusha, en Tanzanie.
B. SOURCES INTERNES DES
DROITS DE L'HOMME
En droit interne congolais, la Constitution est la source
principale des droits de l'homme (1). Au côté de
la Constitution, il existe également des lois qui consacrent les droits
de l'homme, telles : la loi n° 96-002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l'exercice de la liberté de presse, la loi-cadre
n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en
RDC, la loi n° 014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de
l'Autorité de régulation de la poste et des
télécommunications, la loi organique n° 11/011 du 10 janvier
2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil
supérieur de l'audiovisuel et de la communication.
1. La Constitution de
2006
En dehors de l'article 10 sur la nationalité
congolaise, l'ensemble des droits de l'homme sont prévus au titre II
relatif aux « Droits humains, libertés fondamentales et
devoirs du citoyen et de l'Etat ». Ce titre contient 57 articles
(soit de l'article 11 à 67). La quantité est donc
considérable mais, manifestement, le nouveau constituant tente d'y
intégrer l'ensemble des instruments juridiques tant internationaux que
régionaux relatifs aux droits de l'homme.
Il faut brièvement préciser que l'actuelle
Constitution contient d'énormes avancées en matière des
droits de l'homme, notamment la résolution de la question de la
parité homme-femme dans la représentation des femmes au sein des
institutions nationales, provinciales et locales (article 14),
l'élimination des violences sexuelles utilisées comme arme de
déstabilisation ou de dislocation de la famille (article 15),
l'accès de manière équitable aux médias
audiovisuels et écrits d'Etat à tous les courants politiques et
sociaux (article 24), la prohibition de l'abandon et la maltraitance des
enfants notamment la pédophilie, les abus sexuels ainsi que l'accusation
de sorcellerie (article 14), le droit à un environnement sain et propice
(article 53), le droit d'être indemnisé ou de recevoir la
compensation en cas de pollution ou de destruction résultant d'une
activité économique (article 54), le droit de jouir des richesses
nationales (article 58) et du patrimoine commun de l'humanité (article
59), la prolongation des droits dont on ne peut déroger même
lorsque l'état de siège ou l'état d'urgence aura
été proclamé (article 61), etc.
Examinons dans la section qui va suivre les divers
questionnements sur l'accès à Internet.
SECTION II. LE DROIT D'ACCES
A INTERNET : NOUVELLE PIERRE ANGULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX ?
Le besoin de communiquer est un des caractères
fondamentaux de la nature humaine56(*). Mis à part le langage, premier moyen
d'expression, l'homme a développé rapidement d'autres techniques
telles que l'écriture, la peinture et la sculpture reconnues comme des
moyens d'expression ou de transmission de l'information depuis la
préhistoire. Dès l'Antiquité, le théâtre fut
considéré comme un miroir tendu à la
société. Il pouvait avoir un effet cathartique servant d'exutoire
aux passions non autorisées par la morale57(*).
Après le développement de l'imprimerie au
XVe siècle, les moyens de communication ne cessent
d'évoluer. L'invention du télégraphe marque un tournant
dans l'histoire en permettant aux gens de communiquer sur de longues distances.
Au XIXe siècle, la radio démocratise la diffusion de
l'information à grande échelle. Au XXe siècle,
il est possible de recevoir une information imagée et instantanée
par le biais du cinéma, de la télévision et d'Internet.
Nous pouvons également passer des appels depuis quasiment n'importe quel
endroit du monde grâce au développement du réseau de
téléphonie mobile.
Aujourd'hui, il existe un ensemble de techniques (en dehors
des mots écrits ou prononcés à la radio, à la
télévision, sur Internet, dans des livres, des journaux) qui nous
permettent de diffuser et faire entendre nos opinions. On pense au dessin,
à la chanson, mais il y a aussi les gestes, les tags, les
vêtements, les tatouages, les manifestations, les grèves... sans
oublier les moyens d'expression extrêmes et tragiques que sont les
automutilations et les suicides.
Le monde digital permet à de nombreuses personnes
d'accéder à l'information dont elles ont besoin pour
défier les autorités et les entreprises. De plus en plus de gens
ont la chance d'exprimer ce qu'ils voient et sentent, où qu'ils soient
et quoi qu'ils vivent.
Le succès des blogs, des Smartphones et des
possibilités ultrarapides de diffusion via les médias sociaux a
pour conséquence que les nouvelles ne restent plus à diffusion
restreinte. Des citoyens prennent eux-mêmes l'initiative de
dénoncer des méfaits. Grâce au journalisme citoyen, des
images et des informations sont envoyées aux médias
internationaux et cela va souvent de pair avec de l'activisme. En
réaction, beaucoup d'autorités prennent des mesures pour
étouffer les voix critiques et l'activisme en ligne58(*).
Les méthodes de désinformation ont
contribué à faire de l'année 2017 la 7ème
année consécutive où la liberté sur Internet est
globalement sur le déclin, auxquelles on peut ajouter l'augmentation des
perturbations des services d'accès à Internet sur mobile ainsi
que le nombre croissant d'attaques physiques et techniques contre des
défenseurs des droits de l'homme et médias
indépendants59(*).
Un nombre record de gouvernements a restreint les services
Internet mobiles pour des motifs politiques ou des raisons de
sécurité, souvent dans des régions peuplées par des
minorités ethniques ou religieuses. Pour la troisième
année consécutive, la Chine est le pire détracteur de la
liberté en ligne, suivie par la Syrie et l'Éthiopie.
De ce qui précède, nous
tenterons de répondre à la fameuse interrogation de savoir si
l'on peut s'accorder à affirmer unanimement que l'accès à
Internet constitue de nos jours, un droit fondamental au regard, notamment des
liens qu'il entretient avec le droit à la liberté d'expression et
d'information. Ce sera l'objet d'étude du premier paragraphe de la
présente section.Par la suite, nous présenterons dans le
deuxième paragraphe, quelques considérations de l'information en
ligne dans une société démocratique, l'accent étant
mis sur le contexte électoral qu'a connu la République
Démocratique du Congo en cette fin de l'année 2018.
§.1. CONTROVERSES SUR UN
« DROIT FONDAMENTAL » D'ACCES A INTERNET
Le débat juridique sur la reconnaissance et la
protection d'un « droit d'accès à Internet »
fait opposer deux courants. Le premier courant soutient que l'accès
à Internet est un droit, voire même un droit fondamental, en ce
sens que l'on ne peut le dissocier d'une panoplie d'autres droits et
libertés fondamentaux, en l'occurrence, le droit à l'information,
le droit à la liberté d'expression, la liberté de
réunion, etc. (1). Néanmoins, le second courant,
tout en réfutant la reconnaissance (l'existence) d'un droit fondamental
d'accès à Internet, s'accorde tout de même sur la
protection à garantir aux utilisateurs
d'Internet(2).
1. ACCES A INTERNET COMME
DROIT FONDAMENTAL
C'est par la France que la question de la reconnaissance de
l'accès à Internet comme droit fondamental s'est
présentée le plus concrètement, au moment où le
gouvernement poussait à l'adoption de la loi « favorisant la
diffusion et la protection de la création sur Internet », dite
« loi Hadopi I ». Cette loi prévoyait de confier à une
autorité administrative indépendante le pouvoir d'ordonner la
suspension de l'accès à Internet d'un abonné accusé
de n'avoir pas pris les mesures suffisantes pour empêcher la mise
à disposition du public d'oeuvres contrefaites. Par crainte que le
modèle français ne fasse tache d'huile, le Parlement
européen s'était emparé du sujet pour tenter d'y faire
obstacle au nom des droits fondamentaux. Avant l'adoption de la loi
française, un amendement aux directives « Paquet
Télécom » fut donc adopté en 2008 à une
très large majorité60(*) en première lecture, qui imposait
qu' :
« aucune restriction ne [puisse] être
imposée aux droits et libertés fondamentauxdes utilisateurs
finaux [d'Internet] sans décision préalable des autorités
judiciaires,notamment conformément à l'article 11 de la charte
des droits fondamentaux de l'Unioneuropéenne concernant la
liberté d'expression et d'information, sauf lorsque la
sécuritépublique est menacée, auquel cas la
décision peut intervenir ultérieurement »61(*).
La France rejeta publiquement l'interprétation selon
laquelle l'amendement s'opposait aux sanctions administratives de coupure de
l'accès à Internet prévues par son projet de loi Hadopi,
mais oeuvrait tout de même en coulisses pour qu'il soit
réécrit dans des termes plus permissifs. Un an plus tard lors de
l'adoption définitive du Paquet Télécom
révisé, le texte fut effectivement édulcoré, mais
disposait toujours que :
« les mesures nationales relatives à
l'accès desutilisateurs finaux aux services et applications, et à
leur utilisation, via les réseaux decommunications électroniques
[doivent respecter] les libertés et droits fondamentaux despersonnes
physiques, y compris eu égard à la vie privée et au droit
à un procès équitable, telqu'il figure à l'article
6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme etdes
libertés fondamentales »62(*).
Sans aller jusqu'à reconnaître un « droit
à » qui générerait une obligation positive de fournir
l'accès à Internet, les États ont donc au minimum
l'obligation de garantir la liberté d'accéder à Internet
en tant que « facilitateur » de l'exercice des droits de l'homme.
Dans sa décision du 10 juin
200963(*), le Conseil
constitutionnel français a créé un nouveau
droit-liberté : le droit d'accès à Internet.
L'accès à Internet devient ainsi, en lui-même, un
droit-liberté, en empruntant par capillarité la nature de son
tuteur, la liberté d'expression64(*). Certes, le droit d'accès à Internet
est donc nécessairement dépendant tant de la liberté
d'expression que de l'état technologique.
C'est pourquoi, comme le relève LAURE MARINO dans son
commentaire sur la décision du Conseil constitutionnel :
« le Conseil tient compte de l'état actuel des moyens de
communication et a égard au développement
généralisé des services de communication au public en
ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la
participation à la vie démocratique et l'expression des
idées »65(*). Dans son pouvoir créateur de normes, le
Conseil accompagne ainsi l'évolution des modes d'exercice de la
liberté d'expression.
Ici, souligne LAURE MARINO, la nouveauté réside
notamment dans l'interactivité du média, car l'internaute est
aussi bien récepteur qu'émetteur (que l'on songe aux e-mails, aux
blogs ou aux réseaux sociaux du web 2.0). L'internaute
bénéficie donc du « droit de s'exprimer et de communiquer
librement »66(*). De
façon inédite, les deux dimensions, active et passive de la
liberté d'expression sont ainsi protégées d'un même
élan.
A la Cour Européenne des droits de l'homme de souligner
dans son arrêt du 1er décembre 2015 que
« l'Internet est aujourd'hui devenu l'un des principaux moyens
d'exercice par les individus de leur droit à la liberté de
recevoir ou de communiquer des informations ou des idées : on y trouve
des outils essentiels de participation aux activités et débats
relatifs à des questions politiques ou d'intérêt
public »67(*). Par ailleurs, en ce qui concerne l'importance des
sites Internet dans l'exercice de la liberté d'expression, grâce
à leur accessibilité ainsi qu'à leur capacité
à conserver et à diffuser de grandes quantités de
données, les sites Internet contribuent grandement à
améliorer l'accès du public à l'actualité et, de
manière générale, à faciliter la communication de
l'information. La possibilité pour les individus de s'exprimer sur
Internet constitue un outil sans précédent d'exercice de la
liberté d'expression.
Plus tard, en juin 2016, l'Assemblée
générale de l'Organisation des Nations Unies à travers le
Conseil des droits de l'homme a adopté une résolution portant sur
la promotion, la protection et l'exercice des droits de l'homme sur Internet.
Il y est noté que l'exercice des droits de l'homme sur Internet, en
particulier du droit à la liberté d'expression, est une question
dont l'intérêt et l'importance vont croissants à mesure que
la rapidité de l'évolution technologique permet aux personnes
d'utiliser les nouvelles technologies de l'information et de la communication
dans le monde entier.
Qui plus est, le respect de la vie privée en ligne est
important pour la réalisation du droit à la liberté
d'expression, du droit de ne pas être inquiété pour ses
opinions, et du droit à la liberté de réunion et
d'association pacifiques, souligne la Résolution. Ce faisant, le Conseil
des droits de l'homme affirme que les mêmes droits dont les personnes
disposent hors ligne doivent être aussi protégés en ligne,
en particulier la liberté d'expression, qui est applicable
indépendamment des frontières et quel que soit le média
que l'on choisisse, conformément aux articles 19 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques68(*).
Au niveau du continent africain, la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples réunie en sa 32e session
ordinaire à Banjul (Gambie) du 17 au 23 octobre 2002 a
procédé à l'adoption de la Résolution
CADHP/Rés.62 (XXXII) 02 relative à la Déclaration des
principes sur la liberté d'expression en Afrique, qu'elle l'a d'ailleurs
recommandée aux Etats africains69(*). Cette Résolution a été
révisée en 2016 par la Résolution CADHP/RES.350
(EXT.OS/XX) 2016 lors de la 20e session extraordinaire qui
s'était tenue du 9 au 18 juin 2016, à Banjul, en
République islamique de Gambie.
Par ailleurs, c'est à travers sa Résolution
CADHP/Rés.362 (LIX) 2016 sur le droit à la liberté
d'information et d'expression sur Internet en Afrique que la Commission engage
les États parties à respecter et à prendre des mesures
législatives et autres pour garantir, respecter et protéger le
droit des citoyens à la liberté d'information et d'expression par
l'accès aux services de l'Internet70(*).
En République Démocratique du Congo, notre pays,
cette question est à appréhender avec prudence, parce que, un
droit d'accès à Internet n'est consacré par aucun des
instruments juridiques nationaux. Il faudra donc vérifier si la RDC ne
s'inscrit pas dans le courant que nous allons examiner dans le point qui
suit.
2. L'ACCES A INTERNET COMME
MOYEN DE CONCRETISATION DES DROITS DE L'HOMME
Internet forme sans doute l'innovation la plus importante de
la fin du XXe siècle, du fait de ses incidences sur les
mécanismes économiques, mais aussi de ses interférences
avec le fonctionnement social. Il est un instrument privilégié
pour la défense des droits fondamentaux de la personne humaine.
Aujourd'hui, avec Internet et la téléphonie mobile, il est
possible de faire connaître instantanément et dans le monde
entier, une violation des droits de l'Homme commise en un endroit particulier
de la planète. C'est une avancée considérable71(*).
Nul besoin de rappeler ici qu'Internet est un terme
utilisé de façon de plus en plus large pour désigner les
réseaux et ce qu'ils supportent en termes de services et d'applications,
qui recourent au même protocole, IP72(*). Cette réalité est fréquemment
désignée également sous le nom de web, ou toile, bien
qu'à l'origine cette dernière appellation désigne un
ensemble d'applications structurées autour des liens hypertextes, qui ne
forment qu'une des applications disponibles sur Internet. Ces
différentes appellations caractérisent la révolution
apportée par la communication électronique
généralisée de données de toute nature sur cet
ensemble des réseaux, mondial et géant, mais régi
uniquement par le protocole IP.
Par rapport à l'arrêt du Conseil Constitutionnel
français évoqué précédemment qui
considère l'accès à Internet comme un droit fondamental,
Michaël BARDIN s'inscrit en faux en ce que si « les juges, par cette
décision confirment bien qu'il est nécessaire de
reconnaître l'importance contemporaine du droit d'accès à
Internet (...), pour autant, le droit d'accès à Internet n'est ni
un droit de l'homme ni un droit fondamental en
lui-même »73(*).
Il ajoute également qu'Internet n'est et n'existe que
comme moyen de concrétisation de la liberté d'expression et de
communication. De surcroît, l'Internet vient prendre sa juste place dans
les moyens déjà connus et protégés que sont :
la presse, la radio ou encore la télévision.
En s'en tenant aux différentes Résolutions
mentionnées ci-haut, que ce soit au sein de l'Assemblée
générale de l'Organisation des Nations Unies ou au sein de la
Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples, l'on ne s'aviserait
pas à affirmer que l'accès à Internet est un droit, voire
un droit fondamental, en se fondant sur ces dites Résolutions. La
nature d'une Résolution est discutable. En effet, une Résolution
est une décision dépourvue de valeur juridique contraignante,
elle ne lie donc pas les Etats (exception faite de la Résolution du
Conseil de Sécurité de l'ONU).
Il convient tout de même de distinguer les dimensions
physique et virtuelle d'Internet. Concernant la dimension physique d'Internet
(infrastructures), l'application de normes préexistantes de droit
international demeure un processus logique puisque rattachable à des
sujets de droit international (par exemple, le droit international des
télécommunications ; le droit de la mer pour les câbles
sous-marins ; le droit de l'espace extra-atmosphérique pour les
satellites réseau ; le droit de l'environnement ; etc.).
En revanche, au sujet de la dimension immatérielle ou
virtuelle d'Internet, le droit international intervient principalement pour
assurer la protection des droits fondamentaux des utilisateurs, le plus
souvent, mais pas systématiquement, en étendant le champ
d'application des textes préexistants, moyennant une
interprétation dynamique du texte opérée par certaines
juridictions internationales.
En réalité, relève Marie BASTIAN,
l'analogie qui puisse être tirée de la liberté d'expression
et du droit à l'information « n'est sans doute pas
toujours suffisante et adéquate s'agissant de la dimension
virtuelle »74(*). La globalisation à la fois
économique et technologique crée des lieux de rencontre à
l'échelle mondiale où de nouveaux liens unissent sur certains
plans mais désunissent et fragmentent sur d'autres. Une menace plane
ainsi sur le droit qui revêt dès lors un caractère ambigu
et incertain.
En ce qui concerne le droit positif interne congolais, nul
texte ne prévoit et ne traite spécifiquement du droit fondamental
d'accès à Internet. De même, aucun mécanisme de
protection n'est aménagé lorsque l'accès à Internet
est vicié, restreint ou bloqué. Or, comme le souligne Louis
FAVOREU, un droit fondamental est comme tel lorsqu'il est reconnu aux personnes
physiques comme aux personnes morales de droit privé et de droit public
en vertu de la Constitution, mais aussi des textes internationaux et
protégé tant contre le pouvoir exécutif que contre le
pouvoir législatif par le juge constitutionnel ou le juge
international75(*).
Cependant, la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002
sur les télécommunications et la loi n° 014/2002 du 16
octobre 2002 portant création de l'Autorité de régulation
de la poste et des télécommunications sont les principales lois
ayant une incidence sur les libertés sur Internet en RDC, car elles
contiennent diverses dispositions sur la vie privée en ligne, la
protection des données et la surveillance, etc.Par exemple, l'article 52
de la loi-cadre sur les Télécommunications prévoit la
confidentialité de tout email envoyé au travers des services des
télécommunications. Cette confidentialité ne peut
être violée que par l'autorité publique, lorsque cela est
nécessaire pour l'intérêt public tel que décrit dans
la loi. C'est encore la même loi-cadre qui prévoit un
contrôle judiciaire dans la conduite de la surveillance des
communications. En conséquence, le Procureur général doit
nommer un magistrat qui, à son tour, approuve un agent qualifié
pour procéder à l'interception. Le magistrat doit
détailler les procédures de chaque interception et soumettre le
rapport au procureur général. Selon les articles 59 à 60,
dans des circonstances exceptionnelles, le Ministre de l'intérieur peut
accorder l'autorisation d'interception sur proposition écrite du
Ministre de la Défense et du Chef des services de renseignement. Outre
la collecte de renseignements sur la sécurité nationale,
l'interception peut également être autorisée en vue de
protéger les éléments essentiels du potentiel
scientifique, économique et culturel de la RDC76(*).
De ce constat, on serait pressé d'affirmer que dans
notre droit interne, l'accès à Internet n'est pas un droit
fondamental en tant que tel, mais que l'Internetconstitue juste un outil et un
espace de concrétisation des droits et libertés fondamentaux.
Cette approche permettrait donc d'appuyer l'école de ceux qui
réfutent l'existence d'un droit fondamental d'accès à
Internet pour deux principales raisons : l'absence de textes (universels,
régionaux ou nationaux) juridiquement contraignants qui reconnaissent
pareil droit fondamental ; l'absence de mécanismes juridictionnels
de protection spécifiquement aménagés quant à ce.
Néanmoins, il importe de mentionner que, d'une partle droit
d'accès à Internet constitue une sorte de droit fondamental en
gestation, en tant qu'annexé à celui de la liberté
d'expression et de communication et d'autre part qu'il bénéficie
d'une reconnaissance institutionnelle variée faisant ainsi
apparaître l'approche territorialisée de son
intégration77(*).
C'est ainsi que, dans le cas de la République Démocratique du
Congo, l'interprétation de l'article 24 de la Constitution dans la
phrase : « ... ou tout autre moyen de
communication... », permetde déduire que le droit
d'accès à Internet est inclus dans celui de la liberté
d'expression et d'information ; et que par conséquent,il
bénéficie de la même protection que ses pairs qui sont par
essence des droits fondamentaux.
Ceci étant, les individus peuvent doncs'attendre au
respect de leur droit fondamental d'accéder sans entrave à
l'Internet et l'Etat congolais a le devoir de veiller à cela.C'est
à ce niveau que se manifeste le bien-fondé de toutes les
Résolutions auxquelles nous avons fait
allusion précédemment, simplement parce qu'elles tendent
à décourager la pratique récurrente des Etats, qui
consiste à censurer Internet au moment où celui-ci est un outil
à la fois efficace et privilégié pour l'exercice des
libertés fondamentales.C'est la raison pour laquelle, l'étude des
conditions de limitation des droits de l'homme s'avère importante.
§.2. APERCU SUR L'EXERCICE
DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION SUR INTERNET EN RDC
Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC)
changent rapidement la nature des interactions sociales et politiques à
travers le monde. La République démocratique du Congo, le
deuxième plus grand pays d'Afrique avec une population de près de
79 millions d'habitants, adopte lentement l'utilisation des TIC, bien que la
plupart des lois et législations régissant les communications
numériques soient en brouillon78(*). Ce qui est inquiétant, ce que le pays
continue également à enregistrer des violations croissantes des
libertés sur Internet pendant que le nombre d'utilisateurs des TIC
augmente. Il y a cinq principaux opérateurs de
télécommunications offrant des services d'appels et des
données : Vodacom RDC, Airtel RDC, Orange RDC, Africel RDC et
Standard Telecom, dont la plupart d'entre eux fournissent l'accès
à la connectivité 3G et 4G également79(*).
Le Congo n'a pas encore créé de fonds pour
l'accès universel aux TIC. En 2014, la RDC a lancé la
cinquième phase du Projet Backbone Centrafricain (CAB5) avec le soutien
de la Banque Mondiale pour accroître la connectivité et faciliter
une économie numérique plus inclusive. L'objectif de
développement de cette phase du programme CAB5 est d'accroître la
portée et l'utilisation géographique de l'infrastructure à
large bande régionale et de réduire le prix des services pour
permettre un accès plus large aux services TIC.
L'Agence Nationale des Renseignements (ANR) est
considérée comme une menace pour la liberté de la
presse80(*). Selon
l'indice mondial de la liberté de la presse de 2016, le Congo se
classait 152ème sur 180 pays81(*). En 2015, 72 attaques documentées contre la
liberté de la presse incluaient la détention et le
harcèlement de journalistes, entravant la libre circulation de
l'information, la fermeture des maisons de presse, la censure de la presse et
la coupure de l'Internet. Cette répression des médias a
été critiquée par les organes des droits de l'homme.
Par exemple, en Février 2016, la Coalition pour le
respect de la constitution, un réseau de 33 organisations congolaises
de défense de la démocratie et des droits de l'homme, s'est
déclarée préoccupée par les attaques
fréquentes contre les médias et les défenseurs des droits
humains.
Suite à la répression médiatique,
certains journalistes et maisons de presse pratiquent l'autocensure et
s'abstiennent souvent de publier des informations qu'ils jugent sensibles.
Beaucoup de maisons de presse sont la propriété de politiciens,
ce qui nuit également à leur indépendance. Dans certaines
circonstances, des acteurs des médias attendent que les médias
internationaux publient des articles critiques sur l'action du gouvernement,
ainsi, ils les recueillent, les publient et font référence
à ces médias internationaux comme source de l'histoire.
Relativement, les citoyens et les groupes de défense des droits humains
jouissent plus de leur liberté d'expression en ligne (sur Internet) que
sur les médias traditionnels. En tant que tel, les journalistes qui
pratiquent l'autocensure au sein de leurs organes de presse sur le contenu
jugé trop controversé pour être publié, se tournent
souvent vers les blogs, les groupes Facebook et WhatsApp pour partager leurs
points de vue souvent anonymement. Ceux qui parlent en ligne sous leur
véritable identité se gardent bien d'être accusés
d'avoir «insulté le président» ou d'avoir
«incité les gens à la désobéissance
civile».
Les agences gouvernementales qui peuvent
«légalement»surveiller les communications des citoyens
comprennent l'Agence Nationale de renseignement (ANR), créée en
vertu du décret 003-2003, ayant pour mandat de rechercher, de
centraliser, d'interpréter, d'utiliser et de diffuser des informations
politiques, diplomatiques, stratégiques, culturelles, scientifiques et
d'autres informations intéressantes sur la sécurité
intérieure et extérieure de l'Etat; Détection militaire
des activités anti-patrie (DEMIAP) qui est le service de renseignement
militaire qui a été utilisé pour réprimer
l'opposition et le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la
Communication (CSAC) créé en vertu de l'article 212 de la
Constitution en charge de la réglementation des médias.
Des coupures d'Internet ont eu lieu lors
d'événements majeurs comme les élections et les
manifestations de masse, alors que la surveillance active du contenu des
messages des citoyens et l'intimidation de ceux qui expriment des opinions
contraires aux vues gouvernementales sont également courantes. En RDC,
les élections ont souvent été marquées par un
accroissement significatif des violations des droits de l'Homme et par la
restriction de l'espace démocratique82(*). La présente période électorale
ne fait malheureusement pas exception à ce constat. La question du
calendrier électoral pour les élections à venir a accru
les tensions politiques et sociales et s'est accompagnée d'un
durcissement de l'autorité face à ses opposants et à toute
voix considérée comme dissidente, notamment les défenseurs
des droits humains. En particulier, menaces, arrestations, détentions
arbitraires, poursuites judiciaires abusives à l'encontre des
défenseurs se sont multipliées depuis janvier 2015, après
l'adoption par l'Assemblée nationale le 17 janvier, d'un projet de loi
modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet posait la
condition d'un recensement national avant l'organisation des élections
présidentielles et législatives prévues en 2016. Un tel
recensement, manifestement impossible à organiser avant les
échéances électorales, retardait le processus
électoral dans son ensemble et permettait de fait au président de
rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat prévu le 19
décembre 2016.
La contestation de cette proposition de loi a entrainé
une série de manifestations dans tout le pays, défenseurs,
citoyens et opposition politique réclamant l'alternance
démocratique. Ces manifestations ont été
fréquemment interdites et/ou réprimées de manière
excessive par la police, l'armée et les services de renseignements qui
ont également multiplié les arrestations de manifestants,
d'opposants politiques et de défenseurs pacifiques, marquant ainsi le
début d'une restriction alarmante des libertés publiques.
L'apaisement espéré suite à la signature de l'accord du 31
décembre 2016 dit de la Saint-Sylvestre, nouvel accord politique pour
régir la période de transition jusqu'à la tenue des
élections, n'a malheureusement pas eu lieu, en raison notamment de la
division entre majorité et opposition s'agissant des arrangements
particuliers, visant la mise en oeuvre concrète dudit accord et la
gestion de la transition jusqu'à la tenue des élections
repoussées à la fin 2017. Après de nombreux achoppements,
lesdits arrangements ont finalement été signés le 27 avril
2017 sans la participation d'une frange importante de l'opposition qui accusait
la majorité présidentielle d'avoir purement et simplement fait fi
de l'accord de la Saint-Sylvestre.
Dans ce contexte très tendu, le
rétrécissement de l'espace démocratique et la
multiplication des attaques contre les défenseurs, observés
dès le début de l'année 2015, se sont poursuivis en 2017.
Ainsi, entre le 1er janvier 2015 et le 31 août 2017, le Bureau
Conjoint des Nations unies aux Droits de l'Homme en RDC (BCNUDH) a
dénombré 1.958 violations des droits de l'Homme en lien avec les
restrictions de l'espace démocratique ; dont 596 violations depuis le
début de l'année 2017. Les violations les plus rapportées
sont les atteintes au droit à la liberté et à la
sécurité de la personne et à la liberté d'opinion
et d'expression. Les membres de partis politiques, d'organisations de la
société civile et les journalistes et autres professionnels des
médias comptent parmi les principales victimes de ces violations.
La liberté de la presse et le droit à
l'information ont subi des restrictions. Le nombre de visas et
d'accréditations délivrés aux correspondants
étrangers a considérablement diminué. Au moins un
journaliste, belge, a été expulsé du pays, en septembre ;
deux autres journalistes, une Française et un Américain, n'ont
pas réussi à obtenir la reconduction de leur
accréditation, en juin et en août respectivement. Dans au moins 15
cas, des journalistes congolais et étrangers ont été
victimes d'intimidations, de harcèlement ainsi que d'arrestation et de
détention arbitraires alors qu'ils faisaient leur travail. Très
souvent, leur équipement a été confisqué ou ils ont
été contraints d'effacer des données qu'ils avaient
enregistrées. Le ministre de la Communication a pris en juillet un
décret instaurant une nouvelle réglementation qui oblige les
correspondants étrangers à obtenir du ministère
l'autorisation de voyager hors de la capitale, Kinshasa83(*).
En août, la veille d'une manifestation de deux jours
organisée par l'opposition, qui appelait les gens dans tout le pays
à rester chez eux pour réclamer la publication d'un calendrier
électoral, l'Autorité de régulation de la poste et des
télécommunications du Congo a ordonné aux entreprises de
télécommunication de restreindre considérablement toutes
les communications et activités sur les réseaux sociaux.
La période électorale de Décembre 2018
en République Démocratique du Congo n'a pas été
sans incidence sur les droits de l'homme. L'accent dans la présente
étude est mis sur l'effectivité de l'exercice du droit à
la liberté d'expression et d'information.
L'indice de démocratie publié par le service de
renseignement de l'Economist Intelligent Unit (EIU), classe comme
autoritaires tous les pays africains qui ont coupé Internet cette
année (en 2018). La RDC figure aussi sur cette liste.En effet, sur les
22 pays africains où les coupures d'Internet ont été
enregistrées au cours des cinq dernières années, 77%
disposent de régimes autoritaires, tandis que 23% sont classés
comme hybrides. Notons que « autoritaire » est la
catégorie sur l'indice de démocratie, suivie par la
catégorie « hybride », en référence
à des pays qui manifestent certains éléments de la
démocratie et de fortes doses d'autoritarisme en même
temps84(*).
Les Prédateurs des libertés sur Internet sont
également les prédateurs de la liberté de la presse. Les
pays qui ont ordonné des coupures d'Internet sont parmi les derniers au
Classement mondial de la liberté de la presse en Afrique pour 2018.On
peut citer l'Algérie, le Congo-Brazzaville, le Burundi, le Cameroun, la
République Centrafricaine, le Tchad, la République
Démocratique du Congo, l'Ethiopie, la Guinée équatoriale,
le Gabon, la Gambie, le Mali, l'Ouganda et le Zimbabwe.
CHAPITRE II. LES CONDITIONS
GENERALES EN MATIERE DE LIMITATION DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET
D'INFORMATION
Les restrictions à accéder à Internet
présentent des répercussions non négligeables sur
l'exercice des droits de l'homme. C'est justement là que surgit la
capillarité du droit à l'information et à la
liberté d'expression avec l'accès à Internet. Cette
capillarité se justifierait par le souci de rendre effectifs ces dits
droits.Dans le cas de la RDC, en cette période électorale, les
enjeux étaient majeurs non seulement pour le Gouvernement (veiller
à la tranquillité et la sécurité dans la passation
des votes), mais également pour les citoyens (accéder à
l'information et partager cette information). Il se remarque de ce qui
précède une juxtaposition des intérêts.
Alors que, pour le Gouvernement, le bon déroulement de
ces élections était synonyme de sacrifier les attentes des
citoyens, comme avait déclaré le Ministre LAMBERT MENDE,
Porte-parole du Gouvernement lors d'un point de presse85(*), notamment par la prise de
certaines mesures comme : la coupure d'Internet, SMS, etc. Les citoyens de
leur côté ne s'attendaient qu'à user et jouir pleinement de
leurs droits (conséquence de leur autonomie).
Nul besoin de rappeler ici que le droit à l'information
et à la liberté d'expression sont des droits conditionnels, et
donc sujets à limitation. Ces limitations sont énoncées au
paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques. Ces dernières feront l'objet d'étude de la
deuxième section du présent chapitre.
Tout en prenant en considération les
particularités liées aux restrictions imposées à
l'accès à Internet, certains mécanismes alternatifs
pourront être suggérés en vue de pallier à la
pratique récurrente de la coupure totale du réseau Internet.
Mais bien avant cela, dans la première section de ce
chapitre, l'accent sera mis sur les obligations qui incombent à l'Etat
en matière des droits de l'homme afin de se rendre compte d'une part de
l'effectivité de ces droits et d'autre part, des ingérences
autorisées ou non de la part de l'Etat congolais.
SECTION I. LUMIERE SUR LES OBLIGATIONS DE L'ETAT EN
MATIERE DES DROITS DE L'HOMME : SOUCI DE L'EFFECTIVITE DES DROITS DE
L'HOMME
Avant que les obligations de l'Etat en matière des
droits de l'homme ne soient mises en éclat dans le second paragraphe
(§.2), l'objectif recherché dans le premier paragraphe est sans
doute, de se pencher à l'étude de l'effectivité des droits
de l'homme (§.1).
§.1. DE L'EFFECTIVITE DES
DROITS DE L'HOMME
La notion d'effectivité est complexe86(*). On la trouve, par exemple,
souvent utilisée de manière interchangeable avec la notion
d'efficacité ou parfois avec la notion économique
d'efficience.
L'effectivité désigne la qualité de ce
qui est effectif, c'est-à-dire entièrement réalisé
ou mis en oeuvre87(*). Par
opposition, l'efficacité se réfère au pouvoir ou à
la capacité de produire un résultat donné. Ce n'est que si
ce résultat est produit, qu'on pourra dire que le comportement qui l'a
produit était efficace.
Pour Jean SALMON, l'effectivité est le
caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une
situation juridique qui correspond à la réalité, d'une
compétence qui s'exerce réellement. Elle produit des effets en
droit, dans les conditions prévues dans l'ordre juridique international
lui-même et joue, en conséquence, un rôle dans des
nombreuses institutions de droit international88(*). Enfin, pour reprendre
Gérard CORNU, l'effectivité est le caractère d'une
règle de droit qui produit l'effet voulu, qui est appliquée
réellement89(*).
Un droit de l'homme est donc effectif lorsqu'il est
entièrement mis en oeuvre ou réalisé. L'effectivité
des droits de l'homme fait ainsi référence à leur
réalisation complète. Elle désigne un état de fait,
une réalité ou un statut qui peut être décrit.
L'effectivité des droits de l'homme est
considérée par certains auteurs comme une condition de leur
existence. Ces auteurs peuvent être regroupés dans une mouvance
que l'on appelle couramment l'approche des « droits-manifeste
»90(*).
Selon cette notion, un droit-manifeste n'est pas un vrai droit
auquel correspondraient des obligations, mais un simple manifeste de la
pauvreté et du besoin de certaines personnes et constitue, par
conséquent, tout au plus une aspiration. Un droit de l'homme n'est qu'un
droit-manifeste, selon ces auteurs, lorsqu'il manque d'effectivité. Ce
manque d'effectivité ou de réalisation entière du droit
peut avoir plusieurs causes dont l'absence d'obligations
déterminées ou de destinataire déterminé de ces
obligations ou encore l'absence de possibilité de mettre ces obligations
en oeuvre. C'est surtout en relation aux droits sociaux que la notion s'est
développée : ces droits sont en effet souvent difficiles à
mettre en oeuvre, car leurs obligations ou porteurs d'obligations sont
indéterminés et leur mise en oeuvre coûteuse.
En bref, le défi des droits-manifeste peut être
exprimé comme suit : l'existence des droits de l'homme en tant que
droits moraux et légaux dépend de leur pleine réalisation
juridique et institutionnelle et donc de leur effectivité.
De ce qui précède, s'agissant de la situation
qui a caractérisé notre pays, la RDC, durant la période
électorale de fin décembre 2018, en prenant notamment en
considération la coupure totale d'Internet et d'autres moyens de
communication, tels les SMS, précisément à partir du 31
décembre 2018 jusqu'au 19 janvier 2019, soit 20 jours de
« shutdown » numérique, l'on s'aviserait
d'affirmer bien évidemment que le droit à la liberté
d'expression et le droit à l'information ont été
viciés et ce faisant, non effectifs.
Mais, ce manque d'effectivité peut-il être
considéré comme constitutif de violation à l'égard
de l'Etat congolais ? Indubitablement, cette question conduit à
l'examen des obligations qui incombent à l'Etat congolais en
matière des droits de l'homme.
§.2 LES OBLIGATIONS DE
L'ETAT EN MATIERE DES DROITS DE L'HOMME
Si la vocation des instruments internationaux de protection de
la personne humaine est avant tout d'énoncer des droits, cette
protection est fonction, outre des mécanismes de garantie mis en place,
des obligations incombant aux Etats parties. Il n'est dès lors pas
surprenant que les organes internationaux de contrôle portent une
attention particulière à leur identification, à leur
délimitation et leur portée. On peut même soutenir que
cette attention est plus vive dans le domaine des droits de l'homme, eu
égard aux principes qui prévalent ici, au premier rang desquels
figure le principe d'effectivité91(*). Celui-ci commande en effet d'interpréter les
engagements pris dans le sens le plus protecteur de la personne. Il impose
aussi, s'agissant des obligations, d'interpréter les conventions
pertinentes à la lumière des évolutions sociales.
D'où le caractère progressiste de la jurisprudence en la
matière.
Chaque droit a un titulaire et un garant ; de même,
chaque droit, qui peut être revendiqué par son titulaire,
s'accompagne aussi d'une obligation pour le garant. Le titulaire des droits de
l'homme est la personne humaine, alors que le garant de ces droits est
l'Etat.
Pour définir l'étendue et la portée des
engagements des Etats, diverses voies sont empruntées par les organes de
contrôle. L'une des plus intéressantes consiste à
considérer que chaque droit peut impliquer trois sortes
d'obligations : l'obligation de respecter92(*), l'obligation de protéger93(*)et l'obligation de mettre en
oeuvre94(*).
En effet, l'obligation de respecter impose aux organes et
agents de l'Etat de ne pas commettre eux-mêmes de violation. Mieux
encore, elle implique le respect des droits de l'homme par l'Etat. Par respect,
on entend l'obligation pour l'Etat de s'abstenir d'interférer de
manière injustifiée dans les droits de l'homme. Il s'agit d'une
obligation négative et ne requiert aucune action positive de l'Etat.
Cela signifie pour l'individu qu'il peut se défendre contre les
ingérences dans ses droits commises par l'Etat. Ce droit de
défense ou l'obligation de respecter s'y rapportant ne s'applique, en
règle générale, pas de manière absolue. Il existe,
en effet, dans certains cas, des raisons légitimes à une
restriction des droits et libertés fondamentaux par l'Etat.
L'étude de ces restrictions, surtout celles qui se rapportent à
la liberté d'expression et d'information, sera consacrée à
la section qui va suivre.
Le deuxième type d'obligation est celui qui consiste
pour l'Etat à protéger les droits de l'homme contre les abus des
tiers, qui peuvent être soit des personnes physiques ou morales, soit des
acteurs étatiques ou non étatiques, comme les entreprises ou les
associations. L'obligation de protéger peut être de nature
préventive ou réparatrice. L'Etat est obligé de prendre
les précautions nécessaires pour prévenir un risque
avéré d'atteinte aux droits de l'homme par un tiers95(*). Et si un droit devait
être finalement violé, l'Etat doit veiller à ce qu'une
réparation soit obtenue. Bref, l'obligation de protéger, exige de
l'Etat qu'il protège les titulaires des droits contre les atteintes
émanant des tiers et qu'il en réprime les auteurs.
In fine, le troisième niveau d'obligation de
l'Etat consiste à garantir que les droits de l'homme puissent être
effectifs en pratique96(*). Cela signifie que l'Etat est obligé de
créer les conditions nécessaires à la jouissance
réelle d'une garantie des droits de l'homme. Qui plus est, l'Etat doit
prendre des mesures pour établir les bases légales,
institutionnelles ou procédurales pour une réalisation
complète du droit en question. Cette obligation implique un comportement
actif de l'Etat et s'adresse le plus souvent au législateur. L'Etat
doit, par exemple, mettre au point une législation prévoyant un
système scolaire sans lequel le droit à l'éducation
n'aurait aucun sens ; selon les cas et le droit en question, l'Etat doit
fournir certaines prestations monétaires ou en nature, etc. L'obligation
de mettre en oeuvre appelle donc, l'adoption des mesures positives propres
à donner pleine concrétisation et plein effet aux droits de
l'homme.
Nonobstant la consécration de toutes ces obligations
par les instruments juridiques de protection des droits de l'homme et leur
respect par l'Etat, certains des droits de l'homme demeurent sujets à
limitation. Cependant, ces limitations doivent répondre à des
conditions légitimes prévues par les instruments juridiques,
à l'instar du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques à son article 19 paragraphe 3.
SECTION II. ANALYSE DES
CONDITIONS DE LIMITATION SELON L'ARTICLE 19 DU PIDCP
Certains droits sont affectés d'un certain coefficient
de relativité97(*).
Cette relativité peut tenir à des causes diverses. La
première est qu'en toute hypothèse, ces droits peuvent connaitre
des dérogations en périodes exceptionnelles. La seconde tient
à ce que certains des droits reconnus sont susceptibles, même en
période normale, de connaitre des limitations dont les traités
qui les prévoient, s'emploient à régler l'ampleur.
Ces limitations expliquent donc l'ingérence del'Etat
dans les droits et libertés des citoyens. En ce sens, la Cour
européenne des droits de l'homme souligne que, pour être
admissible, cette ingérence est subordonnée à une triple
condition :
· Elle doit être prévue par la loi ;
· Elle doit viser un but légitime, et
· Elle doit présenter un caractère de
nécessité dans une société démocratique.
Dans cette section, nous n'allons pas examiner les conditions
consacrées à l'article 4 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques se rapportant respectivement aux circonstances
exceptionnelles, mais plutôt celles de l'article 19 du même Pacte
qui s'appliquent en période normale.
L'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques se libelle comme suit98(*) :
« 1. Nul ne peut être
inquiété pour ses opinions.
2. Toute personne a droit à la liberté
d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et
de répandre des informations et des idées de toute espèce,
sans considération de frontières, sous une forme orale,
écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son
choix.
3. L'exercice des libertés prévues au
paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et
des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence
être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la loi et qui sont
nécessaires:
a) Au respect des droits ou de la réputation
d'autrui;
b) À la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publiques. »
Il découle de ces dispositions que les restrictions
doivent être expressément prévues par la loi (§.1) et
qu'elles doivent être nécessaires (§.2). Après avoir
démontré l'inefficacité des mesures de coupure totale
d'Internet, quelques suggestions pourront être formulées en vue de
pallier à la pratique récurrente qui caractérise nombre
des Etats en général, et la RDC en particulier (§.3).
§.1 LES RESTRICTIONS
DOIVENT ETRE EXPRESSEMENT PREVUES PAR LA LOI
L'exercice des droits de l'homme ne peut faire l'objet que des
seules restrictions prévues par une loi nationale d'application
générale qui est compatible avec le Pacte et en vigueur au moment
où la restriction est appliquée. Les lois qui imposent des
restrictions à l'exercice des droits de l'homme ne doivent être ni
arbitraires ni déraisonnables. Les règles juridiques restreignant
l'exercice des droits de l'homme doivent être claires et accessibles
à tous. De surcroit, des garanties adéquates et des recours
utiles doivent être prévus par la loi contre l'introduction ou
l'application, illégale ou abusive de restrictions aux droits de
l'homme.
En revanche, des objections restent à éclaircir
quant à l'appréhension du terme « loi ».
D'où, l'intérêt de passer en revue les différentes
conceptions de la loi.
A. Diverses conceptions de
la Loi : Lato sensu Versus Stricto sensu
En matière de limitation des droits et libertés
fondamentaux, certains militent pour la conception restreinte de la loi, alors
que d'autres pour la conception élargie.
- Compétences
partagées en matière de limitation : Conséquence de
la conception élargie de la loi
La Cour européenne des droits de l'homme a une
conception singulièrement extensive de la notion de
« loi », qu'elle entend dans son acception
matérielle et non formelle. Dans un sens couvert par le droit
écrit, la « loi » désigne le texte en vigueur
tel que les juridictions compétentes l'ont interprété en
ayant égard, au besoin, à des données techniques
nouvelles99(*).
Ainsi,pour la Cour européenne des droits de l'homme, la
« loi matérielle » est l'ensemble du droit en
vigueur, qu'il soit législatif, réglementaire ou jurisprudentiel.
Un acte administratif peut ainsi fournir une base légale à une
ingérence.
Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme
insiste surla qualité de la mesure légale qui, en vertu de sa
jurisprudence traditionnelle (arrêt Sunday Times, du 26 avril
1979, § 49 et 50, GACEDH, n° 49)dégage les caractères
que doit présenter ladite mesure :
L'accessibilité aux citoyens : ce critère
implique que la mesure fasse l'objet de publication, notamment au Journal
officiel ;
La précision et la prévisibilité dans
ses conséquences :cela suppose que la mesure doive définir
avec une précision suffisante les conditions et modalités de la
limitation au droit, afin de permettre au citoyen de régler sa conduite
et de bénéficier d'une protection adéquate contre
l'arbitraire100(*).
C'est dans cette conception que s'inscrivent les deux mesures
prises respectivement par l'Autorité de régulation de la poste et
des télécommunications en date du 24 décembre 2018 et du
Ministère des postes, télécommunications et nouvelles
technologies de l'information et de la communication en date du 31
décembre 2018. En revanche, toutes ces deux mesuresn'ont fait l'objet de
publication.
Comme l'a mis en évidence Jean RIVERO, la
détermination des limites aux droits fondamentaux est liée
à la définition de leurs statuts juridiques101(*). Au sens strict, les droits
fondamentaux se définissent comme des permissions d'agir, dans la mesure
où ils autorisent certains comportements humains, y compris lorsqu'ils
sont formulés négativement102(*).
Conformément à l'article 122 de notre
Constitution et à chaque disposition relative à un droit ou une
liberté, le législateur est habilité à
déterminer leurs conditions d'exercice. Il précise les exigences
de l'ordre public nécessaires à la vie en société,
en les traduisant en règles juridiques. Il revient donc au
législateur de définir les permissions garanties aux
bénéficiaires, mais aussi les interdictions et les obligations
qui s'imposent à eux. Concrétiser l'ordre public implique ainsi,
pour le législateur, de déterminer des limites aux droits et
libertés garantis.
D'après la définition retenue dans cette
étude, les limites désignent des prescriptions juridiques ayant
pour objet de restreindre la portée ou l'exercice d'un droit ou d'une
liberté garanti103(*). Leur appréhension est indispensable puisque
modifier les limites, au gré des exigences de l'ordre public, conduit
à redéfinir les conditions d'exercice des droits et
libertés.
La question de la délimitation des compétences
entre la loi et le règlement se pose depuis le début du
XXème siècle104(*). Les incertitudes résident à la fois
sur la distinction entre les domaines de la loi et du pouvoir
règlementaire d'exécution, qui complète la loi en vertu
d'une habilitation législative, mais aussi entre la loi et le pouvoir
règlementaire autonome.
Néanmoins, les restrictions apportées aux droits
et libertés semblent faire l'unanimité à ce sujet.
Dégagé par le Conseil d'État français,
l'élément de répartition reposerait sur l'effet juridique
de la norme105(*). Dans
les arrêts du 19 février 1904, Chambre syndicale des
fabricantsconstructeurs de matériels pour chemins de fer et de
tramways106(*),
puis du 4 mai 1906, Sieur
Babin107(*), le Commissaire du Gouvernement ROMIEU
considère que relèvent par leur nature du pouvoir
législatif toutes les questions relatives directement ou indirectement
aux obligations à imposer aux citoyens par voie d'autorité sans
aucun lien contractuel. Il précise que le législateur peut
déléguer au pouvoir règlementaire la définition de
leur champ d'application et que c'est, en principe, le pouvoir exécutif
qui règle l'organisation intérieure des services publics et les
conditions de leur fonctionnement qui ne lèsent pas les droits des
tiers. Ces indications demeurent précieuses pour comprendre la
répartition des compétences en matière de
définition des limites aux droits fondamentaux.
Ces arrêts signifient que le législateur
détermine le principe de la restriction à l'exercice des droits
et libertés et peut confier au pouvoir réglementaire la fixation
des modalités d'application. Le législateur dispose donc d'une
compétence de principe dans la mise en cause des dispositions
constitutionnelles, alors que le pouvoir réglementaire est
cantonné à leur mise en oeuvre. Il en découle une
répartition en profondeur des compétences, selon l'importance de
la question traitée. Il y a donc une compétence partagée
dans la définition des limites aux droits et libertés.
Si, face à des circonstances de fait, les exigences de
l'ordre public se sont renforcées, elles se sont également
complexifiées, rendant nécessaire une réaction
immédiate et technique du pouvoir politique. A cet égard, le
pouvoir exécutif dispose d'un pouvoir réglementaire
indépendant de la loi, lui permettant de déterminer des limites
aux droits fondamentaux, alors que la restriction apportée à leur
exercice justifierait leur éligibilité au rang
législatif.
La justification du pouvoir réglementaire autonome en
matière d'ordre public repose sur l'idée que le pouvoir
exécutif doit pouvoir réagir face à des circonstances
appelant une réponse rapide. Comme le souligne Georges BURDEAU, le
pouvoir exécutif est responsable de l'ordre et doit pouvoir
empêcher les troubles108(*).
- Pour une conception
stricte de la Loi : Assurance contre l'arbitraire des pouvoirs
publics
Selon le sens strict du mot « loi », ce mot ne
recouvre qu'une partie de la loi entendue au sens large, à savoir les
règles confectionnées par le pouvoir législatif au sens
constitutionnel du terme. La loi est donc strictement parlant l'oeuvre du
pouvoir législatif, c'est-à-dire du Parlement. La Constitution de
la RDC dispose à cet égard que « Le pouvoir
législatif est exercé par un Parlement composé de deux
Chambres: l'Assemblée nationale et le Sénat. Sans
préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, le
Parlement vote les lois (...) »109(*).
Le domaine de la loi se trouve limité par la
Constitution, qui détermine les matières qui sont
réservées à la loi. Il est vrai que la loi n'a pas
vocation générale à réglementer toute
activité en tout secteur. Les matières qui ne sont pas du domaine
de la loi sont déférées au domaine
réglementaire110(*). Ainsi, la compétence législative
s'étend à des matières fort étendues et
importantes.
Or, les droits civiques et les garanties fondamentales
accordés aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques sont
du domaine de la loi entendue stricto sensu111(*).Dans ce sens, la loi
parait comme la règle par excellence dans la protection des droits des
citoyens.
En ce qui concerne la loi régissant la limitation du
droit à la liberté d'expression et d'information sur le web en
République démocratique du Congo, cette matière reste
à élucider.
B. Pour une clarté de
la loi en matière de limitation : Remise en question de l'article
46 de la Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les
Télécommunications en RDC
La jointure entre l'Internet et les droits de l'homme,
notamment la liberté d'expression et d'information, justifierait bien la
protection à accorder aux usagers des services de
télécommunications. C'est dans ce sens que certaines dispositions
de la loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les
télécommunications en RDC ont des incidences avec les
activités sur le Net. Et parmi ces dispositions, il y a l'article 46 qui
donne à l'Etat le pouvoir d'interdire, soit pour des raisons de
sécurité publique ou de la défense du territoire, l'usage
de tout ou partie des installations de télécommunications.
Cet article serait la base légale justificative des
coupures d'Internet en RDC112(*). A la lecture de l'article 46 de la loi
sus-indiquée, qui se libelle de la manière suivante, il y a lieu
de faire quelques commentaires :
« Article 46 :
L'Etat peut, soit pour des raisons de
sécurité publique ou de la défense du territoire soit dans
l'intérêt du service public de télécommunications
soit pour tout autre motif, interdire en tout ou partie, et durant le temps
qu'il détermine, l'usage des installations de
télécommunications.
L'Etat peut également, dans les cas visés
au premier alinéa du présent article, réquisitionner ou
faire réquisitionner par les fonctionnaires désignés par
lui, les installations de télécommunications.
Les personnes desservant habituellement ces installations
peuvent être tenues de prêter leurs services à
l'autorité compétente si elles en sont requises par
celle-ci. »
L'article sous examen parait ambigu pour pouvoir constituer de
base à la prise de mesure restreignant la liberté d'expression et
d'information sur Internet. Les installations sont des implantations, telles
les antennes de réseaux, etc. Or, il est entendu que les États
exercent leur souveraineté sur l'installation des infrastructures et
déterminent les moyens à mettre en oeuvre aux fins de la
télécommunication internationale. Il s'agit donc ici, des
règles qui s'appliquent aux matériels. Mais, s'agissant des
règles d'utilisation des réseaux, celles-ci fixent le droit des
usagers, lesquels usagers sont guidés par trois principes essentiels :
la liberté, l'égalité des usagers et la neutralité
du traitement des communications113(*).
Ce qui ne semble pas être le cas de l'article 46 de la
loi-cadre indiquée ci-haut. Le champ d'application de cet article porte
donc sur les implantations des réseaux de
télécommunications. Autrement, il s'agit des prérogatives
reconnues aux pouvoirs publics, notamment au Gouvernement, d'interdire aux
exploitants privés du secteur, l'utilisation de leurs installations pour
quelque raison que ce soit.
Relativement à la situation de décembre 2018,
rien ne démontre que l'Etat congolais ait assiégé les
antennes des sociétés de télécommunications. Loin
de là, l'idée d'interpréter les dispositions de cet
article comme étant le fondement justifiant la mesure de censure
d'Internet en RDC.
Par contre, en droit international des
télécommunications, l'article 31 de la Convention internationale
des télécommunications de 1959, à laquelle la RDC est
partie, dispose d'une part que :
« Les Membres et lesMembres associés se
réservent le droit d'arrêter la transmission de tout
télégramme privé qui paraîtrait dangereux pour la
sûreté de l'Etat ou contraire à ses lois, à l'ordre
public ou aux bonnes moeurs, à charge d'aviser immédiatement le
bureau d'origine de l'arrêt total du télégramme ou d'une
partie quelconque de celui-ci, sauf dans le cas où cette notification
paraîtrait dangereuse pour la sûreté de
l'Etat. »114(*),
et d'autre part que :
« Les Membres et les Membres associés se
réservent aussi le droit de couper toute communication
télégraphique ou téléphonique privée qui
peut paraître dangereuse pour la sûreté de l'Etat ou
contraire à ses lois, à l'ordre public ou aux bonnes
moeurs115(*)».
§.2 LES RESTRICTIONS
DOIVENT ETRE NECESSAIRES
Les restrictions à la liberté d'expression et
d'information doivent être prises dans l'intérêt de la vie
étatique (sécurité nationale), de la vie sociale (ordre
public, santé ou moralité publique) ou des droits d'autrui.Plus
concrètement, après les reports des dates pour les
élections législatives et présidentielle en RDC, c'est
finalement en date du 30 décembre 2018 que ces dernières eurent
lieu. Sur instruction de l'Autorité de régulation des postes et
télécommunications du 24 décembre 2018, les
sociétés des télécommunications ont
été tenues de restreindre l'accès aux vidéos et
images sur les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Viber, YouTube et
Twitter durant la période électorale116(*). Un peu plus tard, le 31
décembre de la même année, un appel
téléphonique a été reçu par les
opérateurs des sociétés de
télécommunications de la part du Ministre ayant les postes et
télécommunications dans ses attributions117(*). L'intérêt ici
étant, comme l'a dit Monsieur Emery OKUNDJI, Ministre des postes,
télécommunications et nouvelles technologies de l'information et
de la communication, de sauvegarder la sécurité nationale et
l'ordre public en permettant ainsi, aux congolais et congolaises de
célébrer les festivités de fin d'année en toute
tranquillité et toute quiétude118(*).
L'autorité de régulation en matière des
postes et télécommunications, prévue d'abord par la
loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les
télécommunications119(*), instituée ensuite, par la loi n°
014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l'Autorité de
régulation de la poste et des télécommunications poursuit
entre autres comme missions120(*) :
v veiller au respect des lois, règlements et
conventions en matière des postes et
télécommunications;
v contribuer à définir et à adapter,
conformément aux orientations de la politique gouvernementale, le cadre
juridique général dans lequel s'exercent les activités des
postes et télécommunications;
v définir les principes d'interconnexion et de
tarification des services publics des postes et
télécommunications;
v élaborer et gérer le plan national de
numérotation;
v s'assurer que les citoyens bénéficient des
services fournis à l'aide de nouvelles technologies de l'information et
de la communication.
v Etc.
Néanmoins, nous pouvons reprocher à cette mesure
de l'Autorité de régulation susvisée ces quelques
éléments au regard des prescrits du paragraphe 3 de l'article 19
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques :
· L'absence de motivation et
· La non indication de la durée de levée de
cette mesure.
Le premier élément aurait permis de
démontrer la nécessité de prendre une telle mesure, alors
que le second permettrait de rassurer les citoyens privés de leur
liberté de s'exprimer et d'obtenir des informations sur Internet. Il
convient tout de même de mentionner que, relativement à ce dernier
grief, Monsieur Emery OKUNDJI, Ministre des postes,
télécommunications et nouvelles technologies de l'information et
de la communication (PTNTIC) avait déclaré sur le média,
notamment à la Radio Okapi, que la mesure relative à la coupure
d'Internet et du service des SMS sera levée le Lundi 1er
janvier 2019 à partir de 23heures121(*). Chose qui n'a malheureusement pas été
faite.
De la lecture de la décision de censure d'Internet
émanant de l'Autorité de régulation de poste et
télécommunications, il découle que cette décision
consisterait en des mesures préventives qui tendent à
préserver l'intégrité du processus électoralen
cette période. Et pourtant, même après les
élections, ladite mesure a subsisté, soit à partir du 24
décembre 2018 (date marquant le début des perturbations du
réseau Internet avec notamment la restriction d'accès aux images
et vidéos sur les réseaux sociaux), en passant par le 31
décembre 2018 (la date du début de coupure totale d'Internet et
des SMS) jusqu'au 20 janvier 2019.
Or, comme l'a dit la Cour européenne des droits de
l'homme dans l'arrêt De BECKER contre Belgique, une mesure de
dérogation aux droits fondamentaux constitue une violation si, elle
demeure après la disparition des circonstances exceptionnelles pour
lesquelles elle a été prise122(*).
I. Au respect des droits ou
de la réputation d'autrui
Les droits et les libertés d'autrui qui peuvent avoir
pour effet de limitercertains droits reconnus par le Pacte vont au-delà
de ceux qui sont reconnus parle Pacte. En cas de conflit entre un droit
protégé par le Pacte et un droit qui ne l'estpas, il faut tenir
compte du fait que le PIDCP cherche à protéger les droits
etlibertés les plus fondamentaux. A cet égard, une importance
toute particulièredoit être accordée aux droits auxquels
aucune dérogation n'est autorisée aux termesde l'article 4 du
Pacte. La possibilité d'apporter des restrictions à un droit de
l'homme pour protégerla réputation d'autrui ne doit pas
être utilisée pour protéger l'Etat et ses agentscontre
l'opinion publique ou la critique.
II. A la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de
la moralité publiques
· La
Sécurité nationale : Des principes de Syracuse aux principes
de Johannesburg
Pour établir qu'une restriction de la liberté
d'expression ou d'information est nécessaire pour protéger un
intérêt légitime de sécurité nationale, un
gouvernement doit démontrer que123(*):
ü l'expression ou l'information en question constitue une
sérieuse menace à un intérêt légitime de
sécurité nationale;
ü la restriction imposée est le moyen le moins
restrictif de protéger cet intérêt; et
ü la restriction est compatible avec des principes
démocratiques.
« La Commission des droits de l'homme attache,
on le sait, la plus haute importance à la mise en oeuvre du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, et plus
particulièrement des dispositions de cet instrument auxquelles aucune
dérogation n'est admise » ; c'est par ces mots que
commence le Préambule des Principes de Syracuse. Il s'agit en fait, des
principes concernant les dispositions du PIDCP qui autorisent des restrictions
ou des dérogations. Une restriction qu'un gouvernement tenterait de
justifier par des raisons de sécurité nationale n'est pas
légitime à moins que son véritable but et son effet
démontrable ne soit de protéger l'existence d'un pays ou son
intégrité territoriale contre l'usage ou la menace d'usage de la
force que cela vienne de l'extérieur, comme par exemple une menace
militaire, ou de l'intérieur, telle l'incitation au renversement d'un
Gouvernement124(*). En
particulier, une restriction qu'un gouvernement tenterait de justifier par des
raisons de sécurité nationale n'est pas légitime si son
véritable but et son effet démontrable est de protéger des
intérêts ne concernant pas la sécurité nationale,
comme par exemple de protéger un Gouvernement de l'embarras ou de la
découverte de ses fautes, ou pour dissimuler des informations sur le
fonctionnement des institutions publiques, ou pour imposer une certaine
idéologie, ou pour réprimer des troubles sociaux.
La sécurité nationale ne peut être
invoquée pour justifier des mesures restreignant certains droits que
lorsqu'il s'agit de mesures prises pour protéger l'existence de la
nation, son intégrité territoriale ou son indépendance
politique contre l'emploi ou la menace de la force. La sécurité
nationale ne peut également pas être invoquée comme un
motif pour introduire des restrictions lorsqu'il s'agit de prévenir des
menaces de caractère local ou relativement isolées contre la loi
et l'ordre. In fine, la sécurité nationale ne peut
servir de prétexte pour imposer des restrictions vagues ou arbitraires
et elle ne peut être invoquée que lorsqu'il existe des garanties
adéquates et des recours utiles contre les abus.
Ainsi, l'expression ne pourra pas être punie comme
menaçant la sûreté nationale à moins que le
Gouvernement ne puisse prouver que125(*):
l'expression est destinée à provoquer la
violence de manière imminente;
qu'elle est susceptible de provoquer une telle violence;
et
qu'il y a un lien immédiat et direct entre
l'expression et des actes de violence ou de potentiels actes de violence.
De même, un Etat ne peut pas systématiquement
refuser l'accès à toute information concernant la
sécurité nationale, mais doit préciser dans la loi les
catégories précises et étroites d'information qu'il est
nécessaire de ne pas divulguer pour protéger un
intérêt légitime de sécurité nationale.
· L'ordre
public : le fondement constitutionnel de l'ordre public
La question du fondement constitutionnel de l'ordre public
divise la doctrine. Si certains auteurs rattachent cette notion à une ou
plusieurs dispositions de la Constitution, d'autres soutiennent qu'elle
relève d'une certaine « idée du droit ». En droit
positif congolais, le concept de l' « ordre public »
se trouve dans nombre des textes et notamment dans la Constitution ;
néanmoins, il y est dépourvu de toute définition. Dans le
cas sous examen, l'ordre public constitue une limitation au droit à la
liberté d'expression et d'information aussi bien en droit interne,
à travers les articles 23 et 24 de la Constitution, qu'en droit
international, à travers le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
Comme le relève PIERRE DE MONTALIVET, l'ordre
public est une norme permissive, puisque l'ordre public octroie à
l'autorité compétente une faculté de limiter126(*). L'expression "ordre
public", telle qu'elle est utilisée dans le PIDCP peut être
définie comme étant la somme des règles qui assurent le
fonctionnement de la société ou l'ensemble des principes
fondamentaux sur lesquels repose la société127(*).
La Constitution congolaise fait souvent
référence à l'ordre public pour limiter les droits
fondamentaux. En effet, l'assise libérale des sociétés
démocratiques repose sur l'idée qu'aucun droit ne peut être
conçu en termes absolus. Les exigences de la vie en
société, et particulièrement celles inhérentes
à l'ordre public, impliquent des restrictions à l'exercice des
droits fondamentaux nécessaires à la protection même de
l'ordre général qui garantit ces droits. Comme le souligne Pierre
Bon, l'ordre public « remplit une fonction bien précise, qui
est de ne limiter les libertés que lorsque ce dernier l'exige et de ne
les limiter que dans l'exacte proportionnalité à laquelle la
protection de ce dernier l'exige »128(*). La reconnaissance constitutionnelle de l'ordre
public confère une faculté aux autorités
compétentes pour restreindre l'exercice des droits et
libertés.
Cependant, si le principe de la « liberté
limitée » est partagé par la majorité des pays
libéraux, les modalités constitutionnelles de limitation peuvent
diverger sensiblement d'une Constitution à l'autre. Une
différence d'approche est à mettre en relation avec la conception
des limites aux droits fondamentaux par l'ordre public. Deux types de relation
peuvent être identifiés : la théorie externe, selon
laquelle la limite est extérieure au droit, puis la théorie
interne, en vertu de laquelle le droit est uniquement envisagé de
manière limitée.
En vertu de la théorie externe de la limitation, le
droit et la limite sont conçus comme deux objets distincts129(*). Il y a le droiten
lui-même, qui n'est pas limité, puis ce qui reste du droit une
fois qu'une mesure limitative a été appliquée, à
savoir le droit limité. Si cette théorie admet que, dans un
État de droit, les droits sont principalement des droits limités,
elle insiste sur le fait que ces derniers sont concevables sans limites. La
relation de limitation intervient uniquement lorsque le droit doit être
concilié avec les libertés d'autrui et des impératifs
d'intérêt général. Les limites à l'exercice
des droits, énoncés dans un premier temps en termes absolus, sont
identifiées et précisées.
La théorie externe de la limitation des droits et
libertés est partagée par plusieurs instruments conventionnels de
protection des droits de l'homme. La RDC s'inscrit également dans ce
sens. La clause spécifique de limitation est contenue dans la
disposition consacrant un droit en particulier. Le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques par exemple énonce le droit garanti puis
détermine les limites qui peuvent lui être
apportées130(*).
Et dans la Constitution congolaise, en prenant les exemples des articles 23 et
24 suivants, la théorie externe de limitation se remarque
nettement :
« Article 23
Toute personne a droit à la liberté
d'expression.
Ce droit implique la liberté d'exprimer ses
opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l'écrit et
l'image, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des
bonnes moeurs.
Article 24
Toute personne a droit à l'information.
La liberté de la presse, la liberté
d'information et d'émission par la radio et la télévision,
la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties
sous réserve du respect de l'ordre public, des bonnes moeurs et des
droits d'autrui .... »131(*).
Par ailleurs, en vertu de la théorie interne, il n'y
aurait pas deux choses, un droit et sa limite, mais seulement une, un droit qui
a un certain contenu132(*). L'idée de limitation serait «
remplacée » par celle de l'étendue du droit. La limite
ferait partie intégrante du droit proclamé. La définition
du droit ou de la liberté comprend à la fois ses implications, en
termes de facultés d'agir et de champ d'application matérielle,
et ses limites. A l'inverse de celle présente au sein de la
théorie externe, la relation de limitation relève ici de la
définition même du droit fondamental. Cette théorie
s'analyse peu dans les constitutions et instruments internationaux de
protection des droits de l'homme adoptés après la Seconde guerre
mondiale. La volonté de réaffirmer les droits fondamentaux et
d'encadrer la faculté de les restreindre y était
prégnante.
De plus, les limites aux droits et libertés
déterminées par le législateur s'inscrivent dans la
durée et ne sont pas « exceptionnelles ». Elles ne constituent
pas, formellement, une exception par rapport à un « temps de calme
et un droit des périodes dites normales ». Au contraire, elles
constituent ce droit « des périodes normales ». Elles sont
revêtues d'un caractère permanent et ne sont pas enserrées
dans des conditions temporelles et/ou spatiales caractéristiques des
régimes d'exception. Les limites n'ont pas vocation à
disparaître une fois que les circonstances justifiant leur adoption se
dissipent, dans la mesure où elles s'inscrivent dans la durée et
sont ancrées dans l'ordre juridique. Les limites modifient le droit
commun, à savoir un nombre important de codes et de lois, dans des
domaines variés. La limitation des droits fondamentaux s'inscrit donc
dans la loi et pénètre l'ensemble de l'ordre juridique.
Bref, que ce soit l'article 46 de la loi-cadre sur les
télécommunications en RDC ou la mesure de l'Autorité de
régulation de la poste et des télécommunications à
l'origine de la censure d'Internet pendant la période électorale
de fin décembre 2018, rien ne semble légalement prouver la prise
d'une telle mesure. Alors que l'article 46 de la loi susmentionnée
parait indécis, ce qui constitue une violation du paragraphe 3 de
l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques ; la décision de l'Autorité de régulation
de la poste et des télécommunications quant à elle souffre
de motivation pour pouvoir s'inscrire dans la visée du paragraphe 3 de
l'article 19 du Pacte évoqué ci-haut.
Dans ce cas, les usagers des services de
télécommunications peuvent-ils réclamer des dommages et
intérêts ? La réponse mérite d'être
nuancée selon que l'action est contre l'Etat congolais ou contre les
fournisseurs d'accès à Internet, que sont les
sociétés de télécommunications.
S'agissant de l'action en réclamation des dommages et
intérêts contre l'Etat congolais, elle sera purement et simplement
sans fondement dès lors que l'Etat congolais, en vertu de l'article 33
de la Convention internationale sur les télécommunications,
« Les Membres et les Membres associés n'acceptent aucune
responsabilité à l'égard des usagers des services
internationaux de télécommunications, notamment en ce qui
concerne les réclamations visant à obtenir des dommages et
intérêts. »133(*)
Mais, au sujet de l'action en réclamation contre les
fournisseurs d'accès à Internet, notamment les
sociétés Africel RDC, Airtel RDC, Orange RDC et Vodacom RDC, les
règles de droit commun des obligations seraient applicablesipso
facto. Là aussi, il y a de quoi s'inquiéter.
Dans les contrats d'abonnement entre ces
sociétés et leurs clients (abonnés), il existe des clauses
qui confèrent à ces sociétés le droitde bloquer
l'accès aux services de transmission de données, voire de
déconnecter les clients qui abuseraient du service Internet pour envoyer
des messages qui ne respectent pas les lois et règlements de la RDC. Tel
est le cas des articles 3, 6 et 13 des conditions générales
d'utilisation du service Internet de la société Airtel
RDC134(*).
Dans la pratique, ce genre des clauses pourraient donc
permettre à ces sociétés, sur injonction du ministre ayant
les postes et télécommunications dans ses attributions ainsi que
de l'Autorité de régulation de la poste et des
télécommunications, de déconnecter une catégorie
d'utilisateurs qui s'étaient livrés à divulguer des
« fake news » sur les résultats des
élections et autres, de nature à troubler l'ordre public.
Malencontreusement, il s'observe que ce sont ces
sociétés qui ont le plus à payer des conséquences
des coupures d'Internet. Et pourtant, lors de nos entretiens avec les
responsables des sociétés Airtel RDC, Orange RDC et Vodacom RDC
au niveau provincial (Sud-Kivu), rien n'a semblé présager une
attitude de frustration voire de critique hostile envers l'Etat
congolais135(*). La
justification à cette inertie serait la crainte du retrait de leur
licence d'exploitation.
§.3 QUELQUES ALTERNATIVES A
PRENDRE EN COMPTE
Par l'illustration des divers cas, Julie OWONO, directrice
exécutive de l'ONG Internet sans frontières et chercheuse au
Berkman Klein Center de l'Université de Harvard, souligne la
vacuité d'une pratique qui se multiplie. Elle fait allusion ici à
la coupure d'Internet. En effet, plusieurs pays recourent à des coupures
totales ou partielles d'Internet. Par exemple, le Soudan, l'Ethiopie et la
Mauritanie où l'Internet n'est pas totalement coupé, mais
l'accès aux réseaux sociaux est perturbé en raison des
examens de fin d'année. C'est la même situation au Tchad où
la population est également privée de réseaux sociaux
depuis plus d'un an. Le premier argument qui tend à contrer cette
pratique est sous le volet scientifique136(*).
Dans aucun des cas répertoriés à ce jour,
le recours à la coupure d'Internet n'a permis de combattre le mal contre
lequel il était censé prémunir. Le Sri Lanka par exemple,
a coupé Internet pour empêcher d'éventuelles attaques
contre les musulmans dans le sillage des attentats terroristes qui ont
été perpétrés en avril 2019. Cela n'a absolument
pas réglé le problème de l'islamophobie. Même
constat avec l'Inde qui a espéré, en coupant Internet, que le
Cachemire va cesser de réclamer son indépendance. En
Algérie, la coupure d'Internet n'a pas empêché les gens de
tricher aux examens. Les informations se partagent d'une manière ou
d'une autre ; certains sont prêts à livrer les
épreuves pour l'argent. Cela pose d'autres problèmes qui ne sont
en rien liés à Internet.
A Julie OWONO de conclure que les coupures d'Internet sont
inefficaces, mais aussi coûteuses. Les interruptions sont d'autant plus
contre-productives, qu'elles s'inscrivent en totale contradiction avec les
discours officiels sur le numérique. D'un côté, l'Union
africaine milite pour le développement numérique par le bais de
son programme Digital ID, qui promeut la digitalisation des services publics et
de l'identité. De l'autre, ses Etats membres coupent Internet tous les
quatre matins. Cela atteste de la bêtise et de l'illogisme de certains
dirigeants africains137(*).
Les leçons de l'arrêt AHMET YILDIRIM contre
Turquie, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme semblent
adaptées en termes de suggestion à formuler face à la
pratique de coupure totale d'Internet qu'a connue la République
Démocratique du Congo en cette fin de l'année 2018. De plus,
l'opinion concordante du juge PINTO DE ALBUQUERQUE nous parait bien
indiquée.
I. RESUME DE L'ARRET138(*)
Un étudiant turc en doctorat, Monsieur Ahmet YILDIRIM,
s'était plaint devant la Cour européenne de la
« censure collatérale » dont il était victime
lorsque l'accès à son site web hébergé sur
« Google Sites » a été bloqué par les
autorités turques à la suite de la décision prise par le
tribunal d'instance pénal de bloquer l'accès à
« Google Sites » en Turquie. L'injonction du tribunal a
été prise afin d'empêcher l'accès à un site
web spécifique hébergé par Google, dont le contenu
était jugé offensant pour la mémoire de Mustafa Kemal
Atatürk, le fondateur de la République turque. En raison de cette
injonction, le site web sur lequel monsieur YILDIRIM publie ses travaux
académiques a été bloqué par la Présidence
de la télécommunication et de l'informatique (PTI), bien qu'il
n'ait aucun lien avec le site dont le contenu était prétendument
insultant pour la mémoire d'Atatürk. Selon la TIB, le blocage de
l'accès à « Google Sites » était
l'unique moyen technique de bloquer le site litigieux, dans la mesure où
son propriétaire résidait à l'étranger. Les
diverses tentatives de monsieur YILDIRIM pour remédier à cette
situation et rétablir l'accès à son site web
hébergé par « Google Sites » sont
restées vaines.
La Cour européenne estime à l'unanimité
que la décision prise et confirmée par les autorités
turques de bloquer l'accès à « Google Sites » constitue
une violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit la liberté
d'exprimer, de recevoir et de diffuser des informations et des opinions sans
considération de frontière. Elle considère que cette
ordonnance de blocage, en l'absence d'un cadre juridique strict, n'est pas
prévue par la loi. Même si ce blocage pouvait avoir comme but
légitime d'empêcher l'accès à un site offensant pour
la mémoire d'Atatürk, cette restriction d'accès ne
s'inscrivait pas dans un cadre légal strict délimitant
l'interdiction et offrant la garantie d'un contrôle juridictionnel contre
d'éventuels abus.
La Cour rappelle qu'une restriction d'accès à
une source d'information est compatible avec la
Convention uniquement si un cadre légal strict
contenant de telles garanties est en place. L'arrêt précise que
les juges auraient dû tenir compte du fait qu'une telle mesure entravait
l'accès à une quantité considérable d'informations,
ce qui affectait directement les droits des internautes et avait un effet
collatéral important.
Il observe par ailleurs que la législation turque a
permis à un organe administratif, la PTI, de jouir d'un pouvoir
étendu dans le cadre de l'exécution d'une mesure de blocage qui
avait été à l'origine décidée pour un site
spécifique. En outre, rien dans le dossier ne permet de conclure que
« Google Sites » ait été informé qu'il
hébergeait un contenu jugé illicite, ni qu'il ait refusé
de se conformer à une mesure provisoire concernant un site à
l'encontre duquel une procédure pénale avait été
engagée. Le tribunal pénal n'a par ailleurs pas cherché
à établir un équilibre entre les divers
intérêts en présence, en appréciant notamment la
nécessité et la proportionnalité d'un blocage total de
l'accès à « Google Sites ».
La Cour européenne observe que la législation
turque ne comporte à l'évidence aucune obligation pour les juges
d'examiner le bien-fondé d'un accès total à « Google
Sites ». Il convient de tenir compte du fait qu'une telle mesure, en
rendant inaccessible une grande quantité d'informations sur Internet,
affecte directement les droits des internautes et a un effet collatéral
considérable sur leur droit d'accès à Internet. Comme la
mesure en cause a eu des effets arbitraires et que le contrôle
juridictionnel du blocage d'accès n'a pas réuni les conditions
suffisantes pour éviter les abus, l'ingérence dans les droits de
M. Yildirim constitue une violation de l'article 10 de la Convention par les
autorités turques.
Par cet arrêt, la Cour européenne des droits de
l'homme soutient expressément le droit de tout individu à
accéder à Internet, comme dans sa décision rendue contre
le blocage total de contenus en ligne, et affirme qu'Internet est devenu
aujourd'hui l'un des principaux moyens d'exercice du droit à la
liberté d'expression et d'information.
Toute restriction imposée au fonctionnement des sites
web, des blogs et de tout autre système de diffusion de l'information
par le biais de l'Internet, de moyens électroniques ou autres, y compris
les systèmes d'appui connexes à ces moyens de communication,
comme les fournisseurs d'accès à Internet ou les moteurs de
recherche, n'est licite que dans la mesure où elle est compatible avec
le paragraphe 3 de l'article 19 du PIDCP. Les restrictions licites devraient
d'une manière générale viser un contenu spécifique
; les interdictions générales de fonctionnement frappant certains
sites et systèmes ne sont pas compatibles avec le paragraphe 3 de
l'article 19 du Pacte sus-évoqué. Interdire à un site ou
à un système de diffusion de l'information de publier un contenu
uniquement au motif qu'il peut être critique à l'égard du
gouvernement ou du système politique et social épousé par
le gouvernement est tout aussi incompatible avec le paragraphe 3 de l'article
19 susmentionné.
On peut donc déduire de l'ensemble des garanties
générales protégeant la liberté d'expression qu'il
y a lieu de reconnaître également un droit d'accès sans
entraves à Internet.
En ce qui concerne les mesures possibles de restriction en cas
de contenus illicites sur Internet, il existe dans les textes des pays
européens une grande diversité d'approches et de mesures
législatives, qui vont de la suspension individualisée de
l'accès à Internet jusqu'à l'interdiction d'accès
au site spécifique, en passant par l'effacement du contenu illicite.
Dans les Etats qui ne disposent pas de cadre
législatif, général ou spécifique, prévoyant
la fermeture des sites et/ou le blocage de l'accès, cette absence
n'exclut pas que des mesures de blocage puissent être adoptées par
un juge ou appliquées de façon volontaire.
La possibilité de contester une mesure d'interdiction
d'accès à Internet est étroitement liée aux
garanties générales de protection du droit de recevoir des
informations et de s'exprimer. Il en va spécialement ainsi dans le cas
de la presse : l'information est un bien périssable et en retarder la
publication, même pour une brève période, risque fort de la
priver de toute valeur et de tout intérêt.
L'Internet est aujourd'hui devenu l'un des principaux moyens
d'exercice par les individus de leur droit à la liberté
d'expression et d'information : on y trouve des outils essentiels de
participation aux activités et débats relatifs à des
questions politiques ou d'intérêt public. Selon la jurisprudence
constante de la Cour Européenne des droits de l'homme, pour
répondre aux exigences technologiques, le droit interne doit offrir une
certaine protection contre des atteintes arbitraires de la puissance publique
aux droits garantis par la Convention. Lorsqu'il s'agit de questions touchant
aux droits fondamentaux, la loi irait à l'encontre de la
prééminence du droit, qui constitue l'un des principes
fondamentaux d'une société démocratique consacrés
par la Convention, si le pouvoir d'appréciation accordé à
l'exécutif ne connaissait pas de limite. En conséquence, elle
doit définir l'étendue et les modalités d'exercice d'un
tel pouvoir avec une netteté suffisante
Au regard de ce qui précède, les mesures
alternatives ci-après pourraient bien se substituer à la pratique
récurrente liée aux coupures totales d'Internet :
1. La détermination des catégories de personnes
et d'institutions susceptibles de voir leurs publications bloquées,
telles que les propriétaires nationaux ou étrangers de contenus,
sites ou plates-formes illicites, les utilisateurs de ces sites ou
plates-formes ou ceux qui mettent en place des hyperliens vers des sites ou
plates-formes illicites et qui en souscrivent au contenu ;
2. La définition des catégories de
décisions de blocage, par exemple celles qui visent le blocage de sites,
d'adresses IP, de ports, de protocoles réseaux, ou le blocage de types
d'utilisation, comme les réseaux sociaux ;
3. La disposition sur le champ d'application territoriale de
la décision de blocage, qui peut avoir une portée provinciale ou
nationale139(*) ;
4. Une limite à la durée d'une telle
décision de blocage;
5. L'indication des intérêts, au sens de ceux qui
sont exposés à l'article 19 § 3 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, qui peuvent justifier une mesure de
blocage ;
6. L'observation d'un critère de
proportionnalité, qui prévoit un juste équilibre entre la
liberté d'expression et les intérêts concurrents
poursuivis, tout en assurant le respect de l'essence de la liberté
d'expression ;
7. Le respect du principe de nécessité, qui
permet d'apprécier si l'ingérence dans la liberté
d'expression promeut de façon adéquate les intérêts
poursuivis et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour
réaliser ledit besoin social140(*) ;
8. La détermination des autorités
compétentes pour émettre une ordonnance de blocage
motivée;
9. Une procédure à suivre pour l'émission
de cette ordonnance, comprenant l'examen par l'autorité
compétente du dossier à l'appui de la demande d'ordonnance et
l'audition de la personne ou institution lésée, sauf si cette
audition est impossible ou se heurte aux intérêts poursuivis ;
10. La notification de l'ordonnance de blocage et de sa
motivation à la personne ou à l'institution lésée ;
et
11. Une procédure de recours de nature judiciaire
contre l'ordonnance de blocage.
Quoi qu'il en soit, le blocage de l'accès à
l'Internet ou à des parties de l'Internet pour des populations
entières ou des segments de population entiers n'est en aucun cas
justifiable, même au nom de la justice, de l'ordre public ou de la
sécurité nationale141(*).
C'est ainsi que, lorsque des circonstances exceptionnelles
justifient le blocage d'un contenu illégal, comme ce fut le cas en RDC
avec les élections, il s'avère nécessaire d'ajuster les
mesures aux contenus illicites et d'éviter de viser des personnes ou des
institutions qui ne sont responsables ni de jure ni de facto
de la publication illégale ni n'en ont souscrit au contenu.
CONCLUSION
La présente étude a porté sur
La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et
de la sécurité nationale : cas des coupures d'internet en
période électorale de décembre 2018. Il
s'est agi de savoir d'une part, si l'accès à Internet constitue
un droit fondamental, et d'autre part, si la coupure totale d'Internet durant
cette période électorale peut être considérée
comme une violation à la liberté d'expression et d'information.
Ainsi, quelques hypothèses ont été soulevées.
A la première question de cette recherche, il
paraitrait que l'accès à Internet ne soit pas un droit
fondamental à part, dès lors que, à l'heure actuelle, que
ce soit aux niveaux international, régional ou national, aucun
instrument juridique revêtu de force obligatoire ne consacre pareil
droit. Néanmoins, l'Internet serait un moyen de communication efficace
en vue de la concrétisation d'une panoplie des droits fondamentaux.
Et pour la seconde question de recherche, considérant
que l'Internet noue des liens étroits avec la liberté
d'expression et d'information, limiter l'accès à cette
technologie, comme c'était le cas en République
Démocratique du Congo, serait constitutif de violation non pas contre ce
« pseudo-droit fondamental d'accès à
Internet », mais plutôt contre le droit à l'information
et à la liberté d'expression à partir du moment où
la procédure de limitation telle que prévue au paragraphe 3 de
l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n'a
pas été observée.
Dans le but de donner suite à toutes ces
interrogations, le présent travail a été scindé en
deux chapitres dont chacun s'est consacré à répondre
respectivement à chacune des questions de façon
méthodique. Alors que le premier chapitre s'est penché aux
controverses sur un droit fondamental d'accès à Internet, le
second quant à lui s'est voué à l'examen des conditions
liées à la limitation du droit à la liberté
d'expression et d'information.
En effet, deux courants divergents alimentent le débat
juridique sur l'existence d'un droit fondamental d'accès à
Internet. L'un, soutenu par LAURE MARINO affirme que l'accès à
Internet est bel et bien un droit fondamental à part. Cette affirmation
se trouve renforcée par les jurisprudences à la fois du Conseil
constitutionnel français dans sa décision se rapportant à
la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur
Internet, dite « loi Hadopi I », et de la Cour
Européenne des droits de l'homme, notamment dans ses arrêts Ahmet
Yildirim c. Turquie du 18 décembre 2012 et Cengiz et autres c. Turquie
du 1er décembre 2015. Qui plus est, les différentes
résolutions sur la promotion, la protection et l'exercice des droits de
l'homme sur Internet émanant aussi bien du Conseil des droits de l'homme
que de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples viennent
enrichir le postulat que l'accès à Internet pourrait être
un droit fondamental du fait de l'analogie qui découle de son tuteur, la
liberté d'expression et d'information.
L'autre école s'inscrit en faux s'agissant de
l'existence d'un droit fondamental d'accès à Internet.
Michaël BARDIN, l'un des tenants de cette école, s'indigne de la
décision du Conseil constitutionnel français relative à la
« loi Hadopi I ». Pour lui, l'Internet n'est et n'existe
que comme moyen de concrétisation de la liberté d'expression et
de communication. Partant, l'Internet vient prendre sa juste place dans les
moyens déjà connus et protégés que sont la
presse, la radio ou encore la télévision. Au sujet des
résolutions sus-évoquées, l'absence d'obligations
juridiquement contraignantes y découlant à l'égard des
Etats, démontre bien que cette matière n'est qu'encore en une
phase purement déclarative.
Se focalisant alors au droit positif congolais, cette
étude a relevé l'appartenance de la République
Démocratique du Congo à la première école, celle
qui considère l'accès à Internet comme un droit
fondamental par le fait de l'analogie qui découle de l'article 24 de la
Constitution.
Après avoir reconnu une protection aux usagers des
technologies de l'information et de communication au rang desquelles figure
Internet, le second chapitre a consacré son substrat à l'analyse
des conditions de limitation du droit à la liberté d'expression
et d'information tout en portant une attention particulière à la
mesure de censure d'Internet durant la période électorale de fin
décembre 2018 en RDC.Ce chapitre s'est focalisé plus sur la
procéduresuivie par les autorités publiques pour aboutir à
la prise d'une décision de censure d'Internet. L'examen des instruments
juridiques qui encadrent cette matière a également
été mis en évidence.
Le constat est que, le fondement de la mesure de coupure
totale d'Internet en RDC se trouve en droit international des
télécommunications, plus précisément à
l'article 31 de la convention internationale des
télécommunications de 1959 et non pas à l'article 46 de la
loi-cadre sur les télécommunications car, étant ambigu.
Néanmoins, aucune référence n'a été faite
à cet instrument dans la mesure sus-évoquée. En outre,
l'absence de publication de ces deux mesures de coupure d'Internet au Journal
officiel démontrent à suffisance que les citoyens, utilisateurs
du réseau Internet ne pouvaient pas par eux-mêmes savoir ajuster
leurs agissements sur le Web.
Il s'est aussi observé que les deux décisions de
censure d'Internet prises par le Gouvernement congolais en cette période
n'étaient pas proportionnelles à l'intérêt
lié à la sauvegarde de la sécurité nationale ou
même de l'ordre public car, ces mesures devraient concerner les personnes
ou les institutions qui s'étaient livrées àposerdes actes
susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ou à la
sécurité nationale de l'Etat congolais. Ce qui a amené
à arguer que ces mesuresétaientincompatibles avec les prescrits
du paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques et par conséquent, constitutives de violation du
droit à la liberté d'expression et d'information.
Tout bien considéré, la présente
étude a abouti à la démonstration selon laquelle, d'une
part, le droit d'accès à Internet intègre aujourd'hui,
indirectement, la grande famille des droits fondamentaux, par un processus
d'annexion au droit à la liberté d'expression et
d'information142(*).
Toutefois, son universalité, qui pourrait bien garantir sa
reconnaissance et sa protection juridictionnelles, fait défaut. Ce qui
fait du droit d'accès à Internet une sorte de droit fondamental
en gestation. Conséquemment, l'absence de législation publique
internationale en la matière favorise le non-respect du droit
d'accès à Internet par nombre des Etats dans le monde143(*).D'autre part, cette
étude a démontré queles limitations (restrictions)
à l'accès à Internet en République
Démocratique Congolors de la période électorale de
décembre 2018 sont constitutives de violation aux termes de l'article
19 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, eu
égardnon seulement aux liens étroits qu'Internet entretient avec
la liberté d'expression et d'informationmais égalementà la
protection aménagée pour les droits sus-indiqués dans une
société démocratique aux fins de leur
effectivité.
Le raisonnement par nous développé dans ce
travail relativement à notre objet d'étude n'est pas exhaustif et
nous ne prétendons pas l'avoir épuisé dans tout son
substrat ; le champ restant ample, la voie demeure ouverte aux chercheurs
potentiels qui s'intéresseront d'autres angles.
ANNEXES
ANNEXE N° 1 : Décision de censure
d'Internet
Source : Léopold SALUMU, Responsable marketing,
Orange RDC/Sud-Kivu
ANNEXE N° 2 : Guide d'entretien
INTERVIEW
I. PRESENTATION DU CHERCHEUR ET INTERET DE
L'INTERVIEW
Nous sommes Jean-Claude ISAMBYA,
étudiant en Deuxième année de Licence à la
Faculté de Droit, Option Droit Public, à l'Université
Officielle de Bukavu. La présente interview s'inscrit dans le cadre de
notre mémoire portant sur le sujet intitulé comme
suit : La limitation des droits fondamentaux au nom de
l'ordre public et de la sécurité nationale : cas des coupures
d'internet en période électorale de décembre
2018.La présente interview tend à trouver des
réponses aux diverses questions qui ont trait à notre objet
d'étude. Ce mémoire sera soutenu en ce mois de Septembre 2019.
II. PRESENTATION DE L'INTERVIEWE
Nom :
Post-Nom :
Fonction au sein de l'institution :
Téléphone :
Dénomination de
l'institution :
III. QUESTIONS
1. Votre institution est-elle Fournisseur
d'accès à Internet (FAI) ?
OUI NON
2. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste le travail
d'un FAI ?
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
3. De quel (s) ministère (s) relève
votre institution ?
.............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
4. Fin Décembre 2018, Internet et SMS ont
été interrompus, de quelle autorité est venue la
décision enjoignant votre institution à couper le réseau
Internet ?
.............................................................................................................................................................................................................................
Et via quel moyen ?
a) Par Arrêté ministériel b) Par
Communiqué c) Par téléphone
d) Autres, à préciser
...................................................................................................................
5. Pensez-vous que cette mesure de censurer Internet
était nécessaire ?
...........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
6. La mesure de censurer Internet et le service des
SMS vous a coûté approximativement combien de dollars en termes de
manque à gagner ?
........................................................................................................................................................................................................................................................
7. Avez-vous obtenu réparation de toutes ces
pertes de la part du Gouvernement congolais ?
OUI NON
Si NON, disposez-vous de recours légal
(juridictionnel) pour recouvrer cette réparation ? L'aviez-vous
appliqué ?
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
8. Pendant et après la période de
censure, votre institution a-t-elle fait l'objet des plaintes de la part de vos
clients ?
OUI NON
Si OUI :
a) Auprès de quelles
juridictions ?
...........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
b) Quelles ont été les issues de ces
plaintes ?
........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
9. Quels autres mécanismes alternatifs
suggérez-vous au Gouvernement congolais en lieu et place de la coupure
totale d'Internet ?
........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
Nous vous remercions infiniment de l'inestimable aide
que vous nous apportez.
Jean-Claude ISAMBYA, Chercheur.
+243 970295185
jeanclaudejc582@gmail.com
BIBLIOGRAPHIE
I. INSTRUMENTS JURIDIQUES
A. TEXTES NATIONAUX
ü Constitution de la RDC du 18 Février 2006 telle
que modifiée par la loi n°11/002 du 20 Janvier 2011, J.O,
Numéro spécial, 52e année, Kinshasa, 5
Février 2011.
ü Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les
télécommunications en RDC, J.O, Numéro spécial, 25
janvier 2003.
ü Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 Création
de l'Autorité de la Poste et des Télécommunications, J.O,
Numéro spécial, 25 janvier 2003.
B. TEXTES INTERNATIONAUX
ü Charte de l'Organisation des Nations Unies.
ü Déclaration universelle des droits de l'homme
Adoptée et proclamée par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III)
du 10 décembre 1948.
ü Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, adopté et ouvert à la signature, à la
ratification et à l'adhésion par l'AGNU dans sa résolution
2200A (XXI) du 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars
1976, ratifié par la RDC le 1er novembre 1976.
ü Convention internationale des
télécommunications, Genève, 1959.
ü Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples.
II. PRINCIPALES RESOLUTIONS ET
JURISPRUDENCES
A. RESOLUTIONS
v Résolution 424(V) de l'Assemblée
générale des Nations Unies du 14 décembre 1950.
v ONU, Conseil économique et social, Principes de
Syracuse.
v Assemblée générale des Nations Unies,
Conseil des droits de l'homme, Résolution A/HRC/32/L.20 du 27 juin 2016
portant sur la promotion, la protection et l'exercice des droits de l'homme sur
Internet.
v Résolution CADHP/Res.62 (XXXII) 02 relative à
la Déclaration des principes sur la liberté d'expression en
Afrique.
v Résolution CADHP/Rés.362 (LIX) 2016 sur le
droit à la liberté d'information et d'expression sur Internet en
Afrique.
v Observation générale no 34 du
Comité des droits de l'homme CCPR/C/GC/34, au paragraphe 43,
Genève, 11 au 29 juillet 2011.
B. JURISPRUDENCES
v Cour Européenne des droits de l'homme, Cengiz et
autres c. Turquie, arrêt du 1er décembre 2015.
v Cour européenne des droits de l'homme
(deuxième section), Ahmet Yildirim c. Turquie, requête
n° 3111/10 du 18 décembre 2012, disponible en pdf
sur
http://merlin.obs.coe.int/redirect.php?id=16262
v CEDH, Affaire De Becker c. Belgique, Requête
n°214/56, Strasbourg, 27 mars 1962.
v Cour Européenne des droits de l'homme, Khurshid
Mustafa et Tarzibachi c. Suède, n° 23883/06, §§
44-50, 16 décembre 2008.
v Cour Européenne des droits de l'homme, Ürper
et autres c. Turquie, § 43, 20 octobre 2009.
v Conseil constitutionnel français, Décision
n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, AJDA 2009.
v Conseil d'Etat français, 4 mai 1906, Sieur Babin,
Rec. Lebon.
v Conseil d'Etat français, 19 février 1904,
Chambre syndicale des fabricants constructeurs de matériel pour
chemins de fer et de tramways.
III. OUVRAGES GENERAUX ET SPECIFIQUES
A. OUVRAGES GENERAUX
· Dictionnaire universel, 5e éd.,
Paris, Hachette-Edicef, 2008, 1555 p.
· Gérard CORNU, Vocabulaire juridique,
4e éd., Paris, PUF, 2003, 951 p.
· Maurice HAURIOU, Précis
élémentaire de droit administratif, Paris, Sirey, 1933, 549
p.
· Y. MENY et O. DUHAMEL, Dictionnaire
constitutionnel, Paris, PUF, 1992, 683 p.
· Jean SALMON, Dictionnaire de droit international
public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1198 p.
· M.-J. REDOR, De l'État légal à
l'État de droit : l'évolution des conceptions de la doctrine
publiciste française,Paris, Economica, 1992, 389 p.
· Michel VIRALLY, Panorama du droit international
contemporain, Cours général de droit internationalpublic,
Paris, R.C.A.D.I, 1983, 486 p.
B. OUVRAGES SPECIFIQUES
· Pauline GERVIER, La limitation des droits
fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, 663
p.
· Louis FAVOREU, L'élargissement de la saisine
du conseil constitutionnel aux juridictions administratives et
judiciaires, Paris, R.F.D.C, 1990, 588 p.
· Charlotte DENIZEAU, Droit des libertés
fondamentales, 5e éd., Paris, Vuibert, 2017, 344 p.
· Caroline LACROIX, Protection des droits et
libertés fondamentaux, Tome I, Paris, Dalloz, 2016, 321 p.
· Gilles LEBRETON, Libertés publiques et
droits de l'Homme, 8e éd., Paris, Sirey
Université, 2008, 580 p.
· LOUIS FAVOREU et alii, Droit des
libertés fondamentales, 6e éd., Paris, Dalloz,
coll. « Précis », 2012, 728 p.
· Patrick WACHSMANN, Les droits de l'homme,
3e éd., Paris, Dalloz, 1999, 168 p.
· Blaise TCHIKAYA, Droit international des
télécommunications, PUF, 1998, 128 p.
· Georges BURDEAU, Les libertés publiques,
4e éd., Paris,L.G.D.J., 1972, 457 p.
· Fréderic SUDRE, Droit européen et
international des droits de l'homme, 6e éd., PUF, Paris,
2003, p.
· Jean RIVERO et Hugues MOUTOUH, Libertés
publiques, 9e éd., Tome I, Paris, PUF, 2003, 288 p.
· Künzli JÖRG etKälin WALTER, The Law
of International Human Rights Protection, 1eéd., Oxford,
Oxford University Press, 2009, 475 p.
· Jean-François AKANDJI-KOMBE, Les obligations
positives en vertu de la Convention européenne des droits de
l'homme, Précis sur les droits de l'homme, n° 7, 76 p.
IV. PRINCIPAUX ARTICLES
Franck LATTY, « La diversité des sources du
droit de l'Internet », éd. Pedone, 2014.
Marie BASTIAN, « La fragmentation d'un droit
préexistant ou la fondamentalité par analogie : le cas du
droit d'accès à Internet », Revue des droits de
l'homme, 2019, 15 p.
Michaël BARDIN, «Le droit d'accès à
Internet : entre «choix de société» et protection des
droits existants»,RLDI, 2013, n° 91.
Samantha BESSON, « L'effectivité des droits
de l'homme : Du devoir être, du pouvoir être et de
l'être en matière de droits de l'homme », 32 p.
Laure MARINO, « Le droit d'accès à
Internet, nouveau droit fondamental », Recueil Dalloz, 2009, p.
2045.
Conseil de l'Europe, Liberté d'expression et
d'information,
https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information
Jean-François LEVESQUE, « Droit
international des droits de l'homme »,
www.operationspaix.net/43-ressources/details/droit-international-des-droits-de-l-homme.html.
Les pactes internationaux de 1966, en ligne sur
https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/
Laurent GILLE ET JACQUES-FRANÇOIS MARCHANDISE, La
dynamique d'Internet : Prospective 2030, Paris, Etudes 2013, n°
1, 2013.
V. COURS ET MEMOIRES
A. COURS
Ø MAKUDI OUAFAE, « Libertés publiques
et droits de l'homme », Cours, 2016, 124 p.
B. MEMOIRES
Ø Guillaume CHAMPEAU, Les intermédiaires de
l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter
à la responsabilité de protéger, Mémoire de
recherche-Master 2 en droit international et européen des droits
fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, 91 p.
Ø Pierre-Felix KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO, Du
système congolais de promotion et de protection des droits de
l'homme : Contribution pour une mise en oeuvre du mécanisme
institutionnel spécialisé, Mémoire de DEA en Droit,
Université de Lubumbashi, 2011, 278 p.
VI. RAPPORTS ET DISCOURS
A. RAPPORTS
§ Amnesty international, « Liberté
d'expression », Dossier pédagogique 2017.
§ CIPESA, « Etat des lieux des libertés
sur Internet en RDC », 2016, 20 p.
§ Fournisseur d'accès à Internet (FAI) au
Congo, en ligne sur
http://www.pagesclaires.com/fr/Activites/Fournisseur-d-acces-Internet-FAI
§ L'ANR : une menace à la liberté des
médias de la RDC, disponible sur
http://www.dc4mf.org/en/content/anr-threat-dr-congosmedia-freedom
§ RSF-Index 2016 sur la Liberté Mondiale de
Presse, sur
https://rsf.org/en/news/drc-ranked-152nd-world-press-freedomindex
§ CIPESA, « Dictateurs et restrictions :
Cinq dimensions de coupures d'Internet en Afrique », février
2019.
§ ARTICLE 19, Principes de Johannesburg.
B. DISCOURS
§ Bernard KOUCHNER, Réunion `Internet et
liberté d'expression', Paris, 8 juillet 2010, 4 p.
VII. WEBOGRAPHIE
1.
www.accessnow.org/keepiton/
2.
https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v-3.pdf
3.
https://cipesa.org/2017/09/economic-impact-of-Internet-disruptions-in-sub-saharan-africa/
4.
www.Internetsociety.org/fr/policybriefs/Internet-shutdowns
5.
https://www.jeuneafrique.com/697269//elections-en-rdc-Internet-coupe-au-lendemain-du-scrutin-du-30-decembre
6.
https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information
7.
www.humanrights.ch/fr/service/droits-humains/liberte-d-039expression/
8.
http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-08-681_fr.htm?locale=fr
9.
https://mobile.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine-ou-ailleurs-rein-ne-prouve-l-efficacite-des-coupures-dInternet_3506943.html
10.
www.rfi.fr/afrique/20190118-rdc-comment-gouvernement-prive-congolais-Internet-mobile
11.
https://jambordc.info/lambert-mende-couper-Internet-cest-une-chose-quon-fait-en-periode-electorale-cest-une-fois-tous-les-5-ans/
12.
https://www.airtel.cd/termCondition
13.
https://www.radiookapi.net/2018/01/01/actualite/politique/rdc-le-gouvernement-annonce-le-deblocage-de-linternet-et-sms
VIII. ANNEXES
F Correspondance de l'AR. P.T.C aux DG des
sociétés Airtel RDC, Orange RDC, Vodacom RDC et Africel RDC,
Annexe n° 1.
F Guide d'entretien, Annexe n° 2.
TABLE DES
MATIERES
EPIGRAPHE
I
IN MEMORIAM
II
DEDICACE
III
REMERCIEMENTS
IV
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
V
0. INTRODUCTION
1
0.1 PROBLEMATIQUE
1
0.2 HYPOTHESES
5
0.3 ETAT DE LA QUESTION
7
0.4 DELIMITATION DU SUJET
9
0.5 CHOIX ET INTERET DU SUJET
10
0.6 METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE
10
CHAPITRE I. L'ACCES A INTERNET ET LE DROIT A LA
LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
12
SECTION I. LES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX DE
L'HOMME
12
§.1. NOTIONS ET CATEGORIES DES DROITS ET
LIBERTES FONDAMENTAUX
12
I. NOTIONS
12
I.1. DEFINITION DE LA LIBERTE
13
I.2. DISTINCTION ENTRE LIBERTES PUBLIQUES, DROITS DE
L'HOMME, DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTES FONDAMENTALES
14
- Des libertés publiques aux
libertés fondamentales
14
- Droits de l'homme ou droits fondamentaux
?
14
II. CATEGORIES DES DROITS DE L'HOMME
16
§.2. LES SOURCES DES DROITS ET LIBERTES
FONDAMENTAUX
18
A. LES SOURCES INTERNATIONALES DES DROITS DE
L'HOMME
18
1. La Déclaration universelle des
droits de l'homme
19
2. Le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques
20
3. La Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples
21
B. SOURCES INTERNES DES DROITS DE L'HOMME
21
1. La Constitution de 2006
22
SECTION II. LE DROIT D'ACCES A INTERNET :
NOUVELLE PIERRE ANGULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX ?
22
§.1. CONTROVERSES SUR UN « DROIT
FONDAMENTAL » D'ACCES A INTERNET
24
1. ACCES A INTERNET COMME DROIT
FONDAMENTAL
24
2. L'ACCES A INTERNET COMME MOYEN DE
CONCRETISATION DES DROITS DE L'HOMME
27
§.2. APERCU SUR L'EXERCICE DU DROIT A LA
LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION SUR INTERNET EN RDC
31
CHAPITRE II. LES CONDITIONS GENERALES EN MATIERE DE
LIMITATION DU DROIT A LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION
36
§.1. DE L'EFFECTIVITE DES DROITS DE
L'HOMME
37
§.2 LES OBLIGATIONS DE L'ETAT EN MATIERE DES
DROITS DE L'HOMME
38
SECTION II. ANALYSE DES CONDITIONS DE LIMITATION
SELON L'ARTICLE 19 DU PIDCP
40
§.1 LES RESTRICTIONS DOIVENT ETRE EXPRESSEMENT
PREVUES PAR LA LOI
41
A. Diverses conceptions de la Loi :
Lato sensu Versus Stricto sensu
42
- Compétences partagées en
matière de limitation : Conséquence de la conception
élargie de la loi
42
- Pour une conception stricte de la
Loi : Assurance contre l'arbitraire des pouvoirs publics
44
B. Pour une clarté de la loi en
matière de limitation : Remise en question de l'article 46 de la
Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les
Télécommunications en RDC
45
§.2 LES RESTRICTIONS DOIVENT ETRE
NECESSAIRES
46
I. Au respect des droits ou de la
réputation d'autrui
48
II. A la sauvegarde de la
sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de
la moralité publiques
49
? La Sécurité nationale :
Des principes de Syracuse aux principes de Johannesburg
49
? L'ordre public : le fondement
constitutionnel de l'ordre public
50
§.3 QUELQUES ALTERNATIVES A PRENDRE EN
COMPTE
54
CONCLUSION
60
BIBLIOGRAPHIE
68
TABLE DES MATIERES
74
* 1 P. GERVIER, La
limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public,
Paris, LGDJ, 2014, p. 13.
* 2 Constitution de la RDC du
18 Février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20
Janvier 2011, J.O, Numéro spécial, 52e année,
Kinshasa, 5 Février 2011, Art. 122 § 1.
* 3
www.accessnow.org/keepiton/,
consulté le 5/4/2019.
* 4
https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v-3.pdf,
consulté le 5/04/2019.
* 5
https://cipesa.org/2017/09/economic-impact-of-Internet-disruptions-in-sub-saharan-africa/,
consulté le 5/04/2019.
* 6 Est un des quatre plus
importants cabinets d'audit et de conseil mondiaux.
* 7 Internet Society,
Coupures d'Internet, Un exposé sur la politique publique de
l'Internet Society, 14 novembre 2017, p. 2, disponible sur
www.Internetsociety.org/fr/policybriefs/Internet-shutdowns,
consulté le 5/04/2019.
* 8 CIPESA, « Etat
des lieux des libertés sur Internet en RDC », 2016, p. 11.
* 9
https://www.jeuneafrique.com/697269//elections-en-rdc-Internet-coupe-au-lendemain-du-scrutin-du-30-decembre/,
consulté le 5/04/2019.
* 10 En
télécommunication, abréviation de l'anglais signifiant
« Short Message Service », c'est-à-dire Service de
messages courts ; système de communication sans fil permettant aux
usagers d'envoyer et de recevoir des messages alphanumériques à
partir de leur téléphone mobile, in Dictionnaire universel,
5e éd., Paris, Hachette-Edicef, 2008, p.1162.
* 11 L. FAVOREU,
L'élargissement de la saisine du conseil constitutionnel aux
juridictions administratives et judiciaires, Paris, RFDC, 1990, p.588.
* 12 Déclaration
universelle des droits de l'homme, Adoptée et proclamée par
l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa
résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, Art. 19.
* 13 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques adopté et ouvert à la
signature, à la ratification et à l'adhésion par l'AGNU
dans sa résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966 et
entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la RDC le
1er novembre 1976, Art 19 § 3.
* 14 Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, Art. 9.
* 15Constitution de la
RDC, Op. cit., Art. 23 et 24.
* 16Conseil de l'Europe,
Liberté d'expression et d'information, disponible en ligne sur
https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information,
consulté le 14/04/2019.
* 17Humanrights,
Liberté d'expression et d'information, disponible sur
www.humanrights.ch/fr/service/droits-humains/liberte-d-039expression/,
consulté le 14/04/2019.
* 18OCDE, The Role of
Internet Intermediaries in Advancing Public Policy Objectives, 2011, p.
20.
http://dx.doi.org/10.1787/9789264115644-en,
cités par GUILLAUME CHAMPEAU, Les intermédiaires de
l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter
à la responsabilité de protéger, Mémoire de
recherche-Master 2 en droit international et européen des droits
fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 7.
* 19F. LA RUE, Rapport
établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la
protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression,
A/66/290, 10 août 2011, § 61, en ligne sur
http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/66/290inGUILLAUME
CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de
l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité
de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit
international et européen des droits fondamentaux, Université de
Nantes, 2014-2015, p. 16.
* 20Résolution 424(V)
de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14
décembre 1950.
* 21M. BARDIN, «Le
droit d'accès à Internet : entre «choix de
société» et protection des droits existants»,RLDI,
2013, n° 91.
* 22L. MARINO,
« Le droit d'accès à Internet, nouveau droit
fondamental », Recueil Dalloz, 2009, p. 1.
* 23P. GERVIER,Op.
cit., p. 19.
* 24 Y. MENY et O. DUHAMEL,
Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 683. Cités
par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels
par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 20.
* 25 M. HAURIOU,
Précis élémentaire de droit administratif, Paris,
Sirey, 1933, p. 549.
* 26 B. BONNET, «
L'ordre public en France : de l'ordre matériel et extérieur
à l'ordre public immatériel.Tentative de définition d'une
notion insaisissable », Cité par Pauline GERVIER, La limitation
des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ,
2014, p. 25.
* 27Pacte international
relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art 19§3.
* 28G. CHAMPEAU, Les
intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de
l'obligation de respecter à la responsabilité de
protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit
international et européen des droits fondamentaux, Université de
Nantes, 2014-2015, p. 41.
* 29G. CHAMPEAU, Op.
cit., p. 11.
* 30P. GERVIER, Op.
cit., p. 13.
* 31M. BASTIAN, « La
fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par
analogie : le cas du droit d'accès à Internet », Revue des
droits de l'homme, 2019, p. 13.
* 32CIPESA, Op.
cit., p. 2.
* 33C. DENIZEAU, Droit
des libertés fondamentales, 5e éd., Paris,
Vuibert, 2017, p. 5.
* 34C. LACROIX,
Protection des droits et libertés fondamentaux, Tome I, Paris,
Dalloz, 2016, p. 14.
* 35G. LEBRETON,
Libertés publiques et droits de l'Homme, 8e
éd., Paris, Sirey Université, 2008, p. 14.
* 36C. LACROIX, Op.
cit., p. 15.
* 37M. OUAFAE,
« Libertés publiques et droits de l'homme », Cours,
2016, p. 3.
* 38Ibidem, p.
2.
* 39G. LEBRETON,Op.
cit., p. 15.
* 40J. RIVERO et H. MOUTOUH,
Libertés publiques, Tome I, 9e éd.,
Paris,PUF, 2003, p. 6.
* 41C. DENIZEAU, Op.
cit., p. 5.
* 42L. FAVOREU, Op.
cit., p. 588.
* 43L. FAVOREU et
alii,Droit des libertés fondamentales,
6eéd.,Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2012,
p. 70 et s.
* 44P.-F. KANDOLO ON'UFUKU
wa KANDOLO, Du système congolais de promotion et de protection des
droits de l'homme : Contribution pour une mise en oeuvre du
mécanisme institutionnel spécialisé, Mémoire
de DEA en Droit, Université de Lubumbashi, 2011, p. 61.
* 45Extrait de
Déclaration et Programme d'action de Vienne, § 5. Cité par
Pierre-Félix KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO, Op. cit., p. 62.
* 46M. VIRALLY, Panorama
du droit international contemporain, Cours général de droit
internationalpublic, Paris, RCADI, 1983, p. 486.
* 47Préambule de la
Charte de l'ONU.
* 48Charte de l'ONU, art. 1
§ 3.
* 49Ibidem, art. 55
point C.
* 50J.-F. LEVESQUE,
« Droit international des droits de l'homme »,
www.operationspaix.net/43-ressources/details/droit-international-des-droits-de-l-homme.html,
consulté le 12/05/2019.
* 51P. WACHSMANN, Les
droits de l'homme,3e éd., Paris, Dalloz, 1999, p.
17.
* 52Déclaration
universelle des droits de l'homme,Op. cit., Art. 19.
* 53Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, Op. cit., Art. 2 § 2.
* 54Les pactes
internationaux de 1966, en ligne sur
https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/,
consulté le 13/05/2019.
* 55PIDCP, Op.
cit., art. 19.
* 56Amnesty international,
« Liberté d'expression », Dossier pédagogique
2017, p. 25.
* 57 Amnesty international,
Op. cit., p. 25.
* 58Ibidem, p. 27.
* 59La liberté du Net
en 2017, « Manipuler les réseaux sociaux pour affaiblir la
démocratie : principaux constats », p. 1.
* 60573 voix contre 73.
* 61
http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-08-681_fr.htm?locale=fr,
consulté le 10/06/2019.
* 62Art. 1er de
la Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant
la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des
utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques.
* 63Conseil constitutionnel
français, Décision n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, AJDA 2009.
1132, obs. S. Brondel.
* 64L. MARINO, Op.
cit., p. 2045.
* 65Idem.
* 66Idem.
* 67Cour Européenne
des droits de l'homme, Cengiz et autres c. Turquie, arrêt du
1er décembre 2015, §§ 49 et 52.
* 68Assemblée
générale des Nations Unies, Conseil des droits de l'homme,
Résolution A/HRC/32/L.20 du27 juin 2016 portant sur la promotion, la
protection et l'exercice des droits de l'homme sur Internet.
*
69RésolutionCADHP/Res.62 (XXXII) 02 relative à la
Déclaration des principes sur la liberté d'expression en
Afrique.
* 70Résolution
CADHP/Rés.362 (LIX) 2016 sur le droit à la liberté
d'information et d'expression sur Internet en Afrique.
* 71B. KOUCHNER,
« Réunion `Internet et liberté
d'expression' », Discours, Paris, 8 juillet 2010, p. 2
* 72L. GILLE et J.-F.
Marchandise, La dynamique d'Internet : Prospective 2030, Paris,
Etudes 2013, n° 1,2013 p. 19.
* 73M. BARDIN, Op.
cit.,n° 91.
* 74M. BASTIAN, Op.
cit., p. 3.
* 75L. FAVOREU,
L'élargissement de la saisine du Conseil Constitutionnel aux
juridictions administratives et judiciaires, Paris, RFDC, 1990, p. 588.
* 76Loi-cadre n°
013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC,
J.O, Numéro spécial, 25 janvier 2003, Art. 59 à 60.
* 77M. BASTIAN, Op
cit., p.5.
* 78CIPESA,
Op.cit., p. 5.
* 79Fournisseur
d'accès àInternet (FAI) au Congo, en ligne sur
http://www.pagesclaires.com/fr/Activites/Fournisseur-d-acces-Internet-FAI,
consulté le 13/05/2019.
* 80L'ANR : une menace
à la liberté des médias de la RDC, disponible sur
http://www.dc4mf.org/en/content/anr-threat-dr-congosmedia-freedom,
consulté le 13/05/2019.
* 81RSF-Index 2016 sur la
Liberté Mondiale de Presse, sur
https://rsf.org/en/news/drc-ranked-152nd-world-press-freedomindex,
consulté le 13/05/2019.
* 82CIPESA,Op. cit.,
p. 11.
* 83CIPESA, Op. cit.,
p. 18.
* 84CIPESA,
« Dictateurs et restrictions : Cinq dimensions de coupures
d'Internet en Afrique », février 2019, p. 4.
* 85En ligne sur
https://jambordc.info/lambert-mende-couper-Internet-cest-une-chose-quon-fait-en-periode-electorale-cest-une-fois-tous-les-5-ans/,
consulté le 21/05/2019.
* 86S. BESSON,
« L'effectivité des droits de l'homme : Du devoir
être, du pouvoir être et de l'être en matière de
droits de l'homme », p 17.
* 87Idem.
* 88J. SALMON,
Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001,
p. 411.
* 89G. CORNU,
Vocabulaire juridique, 4e éd., Paris, PUF, 2003, p.
333.
* 90S. BESSON,Op.
cit.,p 17.
* 91J.-F.
AKANDJI-KOMBE,Les obligations positives en vertu de la Convention
européenne des droits de l'homme, Précis sur les droits de
l'homme, n° 7, p. 7.
* 92Pacte international
relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art. 2 § 1.
* 93Ibidem., Art. 2
§ 3.
* 94Ibidem., Art. 2
§ 2.
* 95 K. JÖRG, K.
WALTER, The Law of International Human Rights Protection,
1eéd., Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 97.
* 96Idem.
* 97P. WACHSMANN, Op.
cit., p. 71.
* 98Pacte international
relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art. 19.
* 99F. SUDRE, Droit
européen et international des droits de l'homme, 6e
éd., Paris, PUF, 2003, p. 205.
* 100Ibidem, p.
206.
* 101 J. RIVERO et H.
MOUTOUH, Libertés publiques, 9e éd., Tome I,
Paris, PUF, 2003, p. 164.
* 102L. FAVOREU et
alii, Droit des libertés fondamentales, 6e
éd., Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2012, p. 79.
* 103P. GERVIER,Op.
cit.,p. 113.
* 104 M.-J. REDOR, De
l'État légal à l'État de droit : l'évolution
des conceptions de la doctrine publiciste française,Paris,
Economica, 1992, p. 143.
* 105Idem.
* 106C.E., 19
février 1904, Chambre syndicale des fabricants constructeurs de
matériel pour chemins de fer etde tramways.
* 107C.E., 4 mai 1906,
Sieur Babin, Rec.Lebon.
* 108G. BURDEAU, Les
libertés publiques,4e éd., Paris,L.G.D.J., 1972,
p. 36.
* 109Constitution de la
RDC,Op. cit.,Art. 100.
* 110Ibidem, Art.
128.
* 111Ibidem, Art.
122.
* 112
www.rfi.fr/afrique/20190118-rdc-comment-gouvernement-prive-congolais-Internet-mobile
* 113B. TCHIKAYA, Droit
international des télécommunications, PUF, 1998, p. 87.
* 114Convention
internationale des télécommunications, Genève, 1959, Art.
31 § 1.
* 115Ibidem, Art.
31 § 2.
* 116Correspondance de
l'AR. P.T.C aux DG des sociétés Airtel RDC, Orange RDC, Vodacom
RDC et Africel RDC, voir Annexe n° 1.
* 117Renseigne Monsieur
Léopold SALUMU, Responsable marketing chez Orange et Représentant
ad intérim de la Société Orange RDC en province
du Sud-Kivu.
* 118
https://www.radiookapi.net/2018/01/01/actualite/politique/rdc-le-gouvernement-annonce-le-deblocage-de-linternet-et-sms,
consulté le 2/01/2019.
* 119Loi-cadre n°
013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en
RDC,Op. cit.,Art. 5.
* 120Loi-cadre n°
014/2002 du 16 octobre 2002 portant Création de l'Autorité de la
Poste et des Télécommunications, J.O, Numéro
spécial, 25 janvier 2003, Art. 3.
* 121
https://www.radiookapi.net/2018/01/01/actualite/politique/rdc-le-gouvernement-annonce-le-deblocage-de-linternet-et-sms,
consulté le 2/01/2019.
* 122CEDH, Affaire De
Becker c. Belgique, Requête n°214/56, Strasbourg, 27 mars
1962.
* 123ARTICLE 19, Principes
de Johannesburg, Principe 1.3.
* 124Ibidem,
Principe 2.
* 125Ibidem, Principe
6.
* 126P. DE MONTALIVET,
Les objectifs de valeur constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2006, p. 61.
Cité par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux
constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 47.
* 127ONU, Conseil
économique et social, Principes de Syracuse, p. 7.
* 128P. BON, La police
municipale, Thèse dactylographiée, Université de
Bordeaux I, 1975, p. 226. Cité par Pauline GERVIER, Op. cit.,
p. 54.
* 129P. GERVIER,Op.
cit.,p. 55.
* 130Pacte international
relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art. 12, 14, 18, 19,
21 et 22.
* 131Constitution de la RDC
du 18 Février 2006,Op. cit.,Art. 23 et 24.
* 132P. GERVIER,Op.
cit.,p. 64.
* 133Convention internationale
des télécommunications, Op. cit., Art. 33.
* 134
https://www.airtel.cd/termCondition,
consulté le 8/08/2019.
* 135Voir le Guide
d'Interview et les réponses données pour la Société
Orange RDC, Annexe n° 2.
* 136Franceinfo Afrique,
« En Afrique ou ailleurs, rien ne prouve l'efficacité des
coupures d'Internet », sur
https://mobile.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine-ou-ailleurs-rein-ne-prouve-l-efficacite-des-coupures-dInternet_3506943.html,
consulté le 10/08/2019.
* 137Idem.
* 138IRIS, Observations
juridiques de l'Observatoire Européen de l'Audiovisuel,
Résumé de l'Arrêt de la Cour européenne des droits
de l'homme (deuxième section), affaire Ahmet Yildirim c. Turquie,
requête n° 3111/10 du 18 décembre 2012,
disponible en pdf sur
http://merlin.obs.coe.int/redirect.php?id=16262
* 139Voir l'arrêt de
la Cour Européenne des droits de l'homme, Khurshid Mustafa et
Tarzibachi c. Suède, n° 23883/06, §§ 44-50, 16
décembre 2008.
* 140Voir l'arrêt de
la CEDH, Ürper et autres c. Turquie, § 43, 20 octobre
2009.
* 141Voir l'Observation
générale no 34 du Comité des droits de l'homme
CCPR/C/GC/34, au paragraphe 43, Genève, 11 au 29 juillet 2011.
* 142 M. BASTIAN, Op.
cit., p. 14.
* 143 F. LATTY,
« La diversité des sources du droit de l'Internet »,
éd. A Pedone, 2014.
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