SECTION III : MECANISME DE TRANSMISSION DES EFFETS
BUDGETAIRES
Il existe plusieurs canaux par lesquels les politiques
budgétaires nationales peuvent affecter les autres pays de
l'union en réponse à des chocs économiques.
L'approche traditionnelle de la théorie des canaux de transmission de la
politique budgétaire lorsqu'il y a l'interdépendance des
économies remonte des travaux de Mundell (1961) et de Fleming (1962).
D'après Carton (2005) le déficit public d'un pays en union
monétaire peut être préjudiciable à ses partenaires.
Il produit des effets immédiats et différés, à la
fois pour ce pays et pour l'ensemble de l'union en passant par
différents canaux. La littérature économique identifie les
canaux suivants : le canal du commerce, le canal de l'inflation, le canal du
taux d'intérêt et le canal de la fiscalité.
III.1- Canal du commerce
Pour Gauchard (2008) dans une union monétaire d'abord,
le commerce entre pays établit un lien entre les prix relatifs des biens
et rend la demande de l'économie locale largement tributaire des
variations relatives des prix (domestiques et étrangers) de même
que la conjoncture nationale et étrangère. Ensuite, la
mobilité des facteurs, influencée par les différentiels de
rémunération ou encore de fiscalité, affecte
inéluctablement l'effet des politiques économiques mises en
oeuvre dans les divers pays. Enfin, l'existence d'une monnaie commune
contrôlée par une banque centrale unique implique que toute
modification de la demande de monnaie domestique aura des répercussions
sur les variables monétaires communautaires. Carton (2005) un effet
positif de hausse de la demande est immédiatement perceptible dans le
pays en déficit et chez ses partenaires. Ce sont là les effets
keynésiens qui se propagent via le commerce extérieur. Dans ce
contexte, les externalités résultent de l'intégration
commerciale selon Trotignon (1997) ; Farvaque et Lagedec (2002) et
financière Laguierce (2008).Dans la zone UEMOA Sarr (2006) à
partir d'un modèle VAR structurel (SVAR) a montré qu'une hausse
des dépenses publiques nationales peut s'adresser directement aux
produits étrangers et stimuler ainsi l'économie
étrangère17. Elle peut stimuler l'économie
domestique, ce qui entraîne une hausse des importations qui à son
tour stimule l'activité de l'économie étrangère.
Cependant, avec la faiblesse du commerce intra-zone dans l'UEMOA (12 % du
commerce extérieur global), les chocs budgétaires ne contribuent
que très faiblement aux fluctuations des importations. En effet,
l'augmentation des dépenses publiques induisant celle du PIB qui
à son tour implique celle des importations agrégées
provenant de l'union n'est pas évidente. On note pour la plupart des
pays que les importations ne répondent significativement qu'à
un choc les affectant. Le commerce extérieur comme canal de
transmission des externalités budgétaires est peu opérant,
et ce résultat est valable pour pratiquement tous les pays de la
zone18. Cela pourrait s'expliquer par plusieurs facteurs. Parmi
lesquels, la faiblesse du commerce intrazone (12 % du commerce extérieur
global) et par structure des importations des pays de la zone et leur
orientation géographique. Les importations sont principalement
composées de biens de consommation, d'équipement et de produits
manufacturés provenant des pays industrialisés (comme en Europe
occidentale, Amérique et en Asie). Par ailleurs, un faible degré
de substituabilité entre biens domestiques et étrangers (Corsetti
et Pesenti, 2001) combiné à un secteur important de biens non
échangeables, (Lane 2001) limitent l'importance du canal des
échanges internationaux dans la transmission des
externalités budgétaires.
17 Ce cas est rare, on le retrouve cependant
lorsqu'un état importe directement d'un état étranger
de l'énergie (pétrole ou gaz)
18 Par ailleurs, le PIB étranger a des
déterminants autres que la demande adressée à ses produits
(investissement, politiques macroéconomiques, etc.), de plus, il n'est
pas certain que cette dernière en constitue le principal déte
rminant. La plupart des économies de la zone sont exportatrices de
matières premières et par conséquent fortement sensibles
aux chocs des termes de l'échange.III.2- Canal fiscal
Beetsma et Giuliadori (2011) puis Lane et Benetrix
(2011) ont expliqué la transmission des chocs de dépenses
publiques en recourant au VAR en panel. La fiscalité reste un des canaux
de transmission des politiques budgétaires en union monétaire.
Laffer et Golder (1974) ont montré qu'en situation de crise
économique, il faut augmenter l'offre et stimuler la consommation par la
baisse des impôts. Ce qui sous-entend des politiques évitant de
décourager l'effort des entreprises par la réduction des
débouchés pour celles-ci en baissant le pouvoir d'achat des
consommateurs. Cette même baisse favorise un climat propice au travail.
Il faut donc libérer l'offre des contraintes qui pèsent sur elle,
notamment celle qui consiste à gonfler la demande et qui se traduit,
à long terme, par une augmentation des prélèvements
obligatoires19. Dans cette optique, les économistes de
l'offre s'opposent aux keynésiens qui accordent à la
dépense publique un rôle privilégié de politique
économique.
Pour Perotti (1999) comme pour Blanchard (1990b) les effets
désincitatifs de la fiscalité sur l'activité sont d'autant
plus forts que le taux d'imposition est élevé. Ainsi, de faibles
valeurs initiales du taux d'imposition, l'économie réagit de
façon keynésienne. En cas de fortes valeurs, l'économie
réagit de façon anti- keynésienne. Pour Drazen (1990), un
choc important sur les dépenses sera considéré comme
structurel et permanent, ce qui renforce la probabilité qu'il ait un
effet non keynésien. Au contraire, une mesure de faible ampleur sera
considérée comme temporaire et aura donc des effets
keynésiens. Un effet expansionniste peut être obtenu par une
hausse temporaire des dépenses
publiques ou au contraire par une forte baisse.
19 Certains auteurs estiment toutefois que
l'allègement d'impôts peut entrainer, de la part des agents
économiques, des comportements autres tels l'importation de biens de
luxe ou des activités spéculatives en lieu et place de
l'investissement et la stimulation de la production escomptée.Les
travaux de Bénassy et Cimadomo (2006) identifient deux canaux par la
voie fiscale : la concurrence fiscale et les effets d'offre. La
concurrence fiscale entrainant une baisse des impôts dans un pays peut
avoir pour conséquence d'attirer des entreprises dans ce pays au
détriment des autres pays. Ce qui signifie qu'une relance
budgétaire peut donc avoir des implications différentes pour les
pays partenaires quand elle résulte d'une baisse de la fiscalité.
Dans ce cas, la demande et l'offre sont simultanément encouragées
; sans que cela n'entraine nécessairement un accroissement des
importations du pays concerné. Par ailleurs, une politique fiscale
agressive en faveur des entreprises (une baisse rapide de l'impôt sur le
bénéfice des sociétés) peut obliger les pays
partenaires à réagir, soit en rationalisant leurs dépenses
publiques, soit en participant à leur tour à la course au
moins-disant fiscal.
Pour les effets d'offre, en modifiant sa fiscalité, un
pays membre modifie les conditions de l'offre de biens et services et/ou de
l'offre de travail. Cela peut avoir une influence sur l'indice de prix
agrégé de la zone ; soit directement, soit indirectement.
L'importance de ces effets d'offre par rapport aux effets de demande
dépend de la position de l'économie dans le cycle. Par exemple,
une hausse de TVA mise en oeuvre en haut de cycle a davantage d'impact sur les
prix que la même mesure prise en bas de cycle. Monti. M (2010), les
incompatibilités entre dispositions fiscales nationales peuvent agir
comme barrières et empêcher les citoyens et les entreprises de
profiter pleinement des avantages du marché intégré.
Une étude de la Commission Européenne (2012)
souligne que l'amélioration des finances publiques par la
fiscalité, certains Etats membres pourraient augmenter les recettes
fiscales et assainir les finances publiques des Etats membres. Mais cela est
favorable seulement pour les pays en situation budgétaire non viable,
qui disposent d'une marge de manoeuvre pour augmenter leurs recettes fiscales
puisque « trop d'impôt tue l'impôt » selon Laffer (1974).
Toutefois, la CE précise que la nécessité
d'améliorer la qualité de la fiscalité a augmenté
concomitammentavec la nécessité d'accorder la qualité de
l'assainissement budgétaire et son
incidence sur la croissance des économies.
Les travaux de Griffth. R, Redding. J ; Simpson. H (2003) et
SARR. F (2006) sur la relance par la fiscalité dans les pays en
développement de l'UEMOA, concluent que les effets de débordement
par la fiscalité sont d'une ampleur très limités et
parfois inexistants dans leurs économies et chez leurs partenaires
commerciaux. Toutefois, un consensus se dégage pour montrer que les
effets de débordement des politiques fiscales sont difficiles à
identifier dans les pays en développement.
III.3- Canal du taux d'intérêt
Pour Wyploz (1990a) un accroissement du déficit
budgétaire dans l'un des pays membres de l'union impose à ses
partenaires une externalité sous la forme d'une hausse des
taux20. Cette externalité implique que chaque pays aura
tendance à ignorer le coût imposé à ses partenaires.
Ce qui se traduira par la mise en oeuvre de politiques trop expansionnistes.
Carton (2005) à partir d'un VAR structurel montre que
les variations de la demande d'un pays en biens et services, provoquent une
hausse des prix dans le pays en déficit et une réaction de la
politique monétaire. Les taux d'intérêt de court terme
augmentent temporairement dans l'ensemble de la zone, avec une propagation
partielle des taux longs. Cependant, les taux réels diminuent dans le
pays en déficit ; ce qui accélère son activité,
mais augmente dans les autres pays ; ce qui pèse sur leurs
activités. Dans le cas où le déficit
détériore la soutenabilité des finances publiques dans
le pays concerné, les marchés
financiers perçoivent une augmentation du risque de
monétisation de la dette (ou
20 Alors qu'en cas de flottement des monnaies ou de
changes ajustables, une partie au moins de cet effet peut être
absorbé par une appréciation du taux de change du pays dont le
déficit augmentede défaillance). Cela conduit à une hausse
des primes de risques sur les taux longs dans le pays et dans l'ensemble de la
zone euro, ralentissant ainsi l'activité.
D'autres chercheurs comme Canova et al., (2012) ont recours au
modèle VAR en panel pour analyser la transmission des chocs
asymétriques entre pays et dans le temps. Ils ont étudié
comment les chocs de taux d'intérêt aux États-Unis se
propagent sur dix (10) économies européennes, dont sept (07) dans
la zone euro et trois (03) autres en dehors. Puis, comment les chocs sur
l'économie allemande augmentant à la fois la production
intérieure, l'emploi, la consommation et l'investissement sont transmis
à neuf (09) autres pays de la zone euro.
Les travaux de Ducoudré et al., (2005) portant sur les
finances publiques, montrent que la dégradation de celles-ci entraine
une hausse des taux d'intérêts réels, qui dissuade les
entreprises d'investir et les ménages de consommer. Le niveau
élevé de la dette et du déficit public crée des
pressions inflationnistes, qui conduisent les Banques Centrales à
augmenter le taux d'intérêt de court terme. Dans ce cas, les
marchés financiers anticipent la persistance de ces tensions ; ce qui
entraine immédiatement un niveau plus élevé des taux
longs. Le taux d'intérêt réel d'équilibre,
compatible à long terme avec la stabilité des prix, serait ainsi
une fonction croissante du niveau des déficits et de la dette.
Les auteurs Tanzi et Chalk (2000) de la « théorie
des fonds prêtables » pensent qu'une hausse du déficit ou de
la dette publique entraîne une hausse de la demande de fonds
prêtables à l'offre de fonds constante ; ce qui fait monter le
taux d'intérêt. Cette théorie suppose
généralement que l'économie est au plein emploi. Un
déficit public élevé peut apparaître en
période de récession. Il s'accompagne alors d'un faible taux
d'intérêt de court terme et d'un taux d'intérêt de
long terme relativement élevé par rapport au taux court. Dans un
autre cas, ce déficit peut caractériser une période de
politique budgétaire trop expansionniste et s'accompagner de taux
d'intérêt élevés.
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