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Effets de débordement des politiques budgétaires en union monétaire hétérogène: cas de l'union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA)


par Ismaila SANGHARE
Université Cheikh Anta Diop Dakar (UCAD) - Doctorat  2021
  

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SECTION III : MECANISME DE TRANSMISSION DES EFFETS BUDGETAIRES

Il existe plusieurs canaux par lesquels les politiques budgétaires nationales peuvent affecter les autres pays de l'union en réponse à des chocs économiques. L'approche traditionnelle de la théorie des canaux de transmission de la politique budgétaire lorsqu'il y a l'interdépendance des économies remonte des travaux de Mundell (1961) et de Fleming (1962). D'après Carton (2005) le déficit public d'un pays en union monétaire peut être préjudiciable à ses partenaires. Il produit des effets immédiats et différés, à la fois pour ce pays et pour l'ensemble de l'union en passant par différents canaux. La littérature économique identifie les canaux suivants : le canal du commerce, le canal de l'inflation, le canal du taux d'intérêt et le canal de la fiscalité.

III.1- Canal du commerce

Pour Gauchard (2008) dans une union monétaire d'abord, le commerce entre pays établit un lien entre les prix relatifs des biens et rend la demande de l'économie locale largement tributaire des variations relatives des prix (domestiques et étrangers) de même que la conjoncture nationale et étrangère. Ensuite, la mobilité des facteurs, influencée par les différentiels de rémunération ou encore de fiscalité, affecte inéluctablement l'effet des politiques économiques mises en oeuvre dans les divers pays. Enfin, l'existence d'une monnaie commune contrôlée par une banque centrale unique implique que toute modification de la demande de monnaie domestique aura des répercussions sur les variables monétaires communautaires. Carton (2005) un effet positif de hausse de la demande est immédiatement perceptible dans le pays en déficit et chez ses partenaires. Ce sont là les effets keynésiens qui se propagent via le commerce extérieur. Dans ce contexte, les externalités résultent de l'intégration commerciale selon Trotignon (1997) ; Farvaque et Lagedec (2002) et financière Laguierce (2008).Dans la zone UEMOA Sarr (2006) à partir d'un modèle VAR structurel (SVAR) a montré qu'une hausse des dépenses publiques nationales peut s'adresser directement aux produits étrangers et stimuler ainsi l'économie étrangère17. Elle peut stimuler l'économie domestique, ce qui entraîne une hausse des importations qui à son tour stimule l'activité de l'économie étrangère. Cependant, avec la faiblesse du commerce intra-zone dans l'UEMOA (12 % du commerce extérieur global), les chocs budgétaires ne contribuent que très faiblement aux fluctuations des importations. En effet, l'augmentation des dépenses publiques induisant celle du PIB qui à son tour implique celle des importations agrégées provenant de l'union n'est pas évidente. On note pour la plupart des pays que les importations ne répondent significativement qu'à un choc les affectant. Le commerce extérieur comme canal de transmission des externalités budgétaires est peu opérant, et ce résultat est valable pour pratiquement tous les pays de la zone18. Cela pourrait s'expliquer par plusieurs facteurs. Parmi lesquels, la faiblesse du commerce intrazone (12 % du commerce extérieur global) et par structure des importations des pays de la zone et leur orientation géographique. Les importations sont principalement composées de biens de consommation, d'équipement et de produits manufacturés provenant des pays industrialisés (comme en Europe occidentale, Amérique et en Asie). Par ailleurs, un faible degré de substituabilité entre biens domestiques et étrangers (Corsetti et Pesenti, 2001) combiné à un secteur important de biens non échangeables, (Lane 2001) limitent l'importance du canal des échanges internationaux dans la transmission des

externalités budgétaires.

17 Ce cas est rare, on le retrouve cependant lorsqu'un état importe directement d'un état étranger

de l'énergie (pétrole ou gaz)

18 Par ailleurs, le PIB étranger a des déterminants autres que la demande adressée à ses produits (investissement, politiques macroéconomiques, etc.), de plus, il n'est pas certain que cette dernière en constitue le principal déte rminant. La plupart des économies de la zone sont exportatrices de matières premières et par conséquent fortement sensibles aux chocs des termes de l'échange.III.2- Canal fiscal

Beetsma et Giuliadori (2011) puis Lane et Benetrix (2011) ont expliqué la transmission des chocs de dépenses publiques en recourant au VAR en panel. La fiscalité reste un des canaux de transmission des politiques budgétaires en union monétaire. Laffer et Golder (1974) ont montré qu'en situation de crise économique, il faut augmenter l'offre et stimuler la consommation par la baisse des impôts. Ce qui sous-entend des politiques évitant de décourager l'effort des entreprises par la réduction des débouchés pour celles-ci en baissant le pouvoir d'achat des consommateurs. Cette même baisse favorise un climat propice au travail. Il faut donc libérer l'offre des contraintes qui pèsent sur elle, notamment celle qui consiste à gonfler la demande et qui se traduit, à long terme, par une augmentation des prélèvements obligatoires19. Dans cette optique, les économistes de l'offre s'opposent aux keynésiens qui accordent à la dépense publique un rôle privilégié de politique économique.

Pour Perotti (1999) comme pour Blanchard (1990b) les effets désincitatifs de la fiscalité sur l'activité sont d'autant plus forts que le taux d'imposition est élevé. Ainsi, de faibles valeurs initiales du taux d'imposition, l'économie réagit de façon keynésienne. En cas de fortes valeurs, l'économie réagit de façon anti- keynésienne. Pour Drazen (1990), un choc important sur les dépenses sera considéré comme structurel et permanent, ce qui renforce la probabilité qu'il ait un effet non keynésien. Au contraire, une mesure de faible ampleur sera considérée comme temporaire et aura donc des effets keynésiens. Un effet expansionniste peut être obtenu par une hausse temporaire des dépenses

publiques ou au contraire par une forte baisse.

19 Certains auteurs estiment toutefois que l'allègement d'impôts peut entrainer, de la part des agents économiques, des comportements autres tels l'importation de biens de luxe ou des activités spéculatives en lieu et place de l'investissement et la stimulation de la production escomptée.Les travaux de Bénassy et Cimadomo (2006) identifient deux canaux par la voie fiscale : la concurrence fiscale et les effets d'offre. La concurrence fiscale entrainant une baisse des impôts dans un pays peut avoir pour conséquence d'attirer des entreprises dans ce pays au détriment des autres pays. Ce qui signifie qu'une relance budgétaire peut donc avoir des implications différentes pour les pays partenaires quand elle résulte d'une baisse de la fiscalité. Dans ce cas, la demande et l'offre sont simultanément encouragées ; sans que cela n'entraine nécessairement un accroissement des importations du pays concerné. Par ailleurs, une politique fiscale agressive en faveur des entreprises (une baisse rapide de l'impôt sur le bénéfice des sociétés) peut obliger les pays partenaires à réagir, soit en rationalisant leurs dépenses publiques, soit en participant à leur tour à la course au moins-disant fiscal.

Pour les effets d'offre, en modifiant sa fiscalité, un pays membre modifie les conditions de l'offre de biens et services et/ou de l'offre de travail. Cela peut avoir une influence sur l'indice de prix agrégé de la zone ; soit directement, soit indirectement. L'importance de ces effets d'offre par rapport aux effets de demande dépend de la position de l'économie dans le cycle. Par exemple, une hausse de TVA mise en oeuvre en haut de cycle a davantage d'impact sur les prix que la même mesure prise en bas de cycle. Monti. M (2010), les incompatibilités entre dispositions fiscales nationales peuvent agir comme barrières et empêcher les citoyens et les entreprises de profiter pleinement des avantages du marché intégré.

Une étude de la Commission Européenne (2012) souligne que l'amélioration des finances publiques par la fiscalité, certains Etats membres pourraient augmenter les recettes fiscales et assainir les finances publiques des Etats membres. Mais cela est favorable seulement pour les pays en situation budgétaire non viable, qui disposent d'une marge de manoeuvre pour augmenter leurs recettes fiscales puisque « trop d'impôt tue l'impôt » selon Laffer (1974). Toutefois, la CE précise que la nécessité d'améliorer la qualité de la fiscalité a augmenté concomitammentavec la nécessité d'accorder la qualité de l'assainissement budgétaire et son

incidence sur la croissance des économies.

Les travaux de Griffth. R, Redding. J ; Simpson. H (2003) et SARR. F (2006) sur la relance par la fiscalité dans les pays en développement de l'UEMOA, concluent que les effets de débordement par la fiscalité sont d'une ampleur très limités et parfois inexistants dans leurs économies et chez leurs partenaires commerciaux. Toutefois, un consensus se dégage pour montrer que les effets de débordement des politiques fiscales sont difficiles à identifier dans les pays en développement.

III.3- Canal du taux d'intérêt

Pour Wyploz (1990a) un accroissement du déficit budgétaire dans l'un des pays membres de l'union impose à ses partenaires une externalité sous la forme d'une hausse des taux20. Cette externalité implique que chaque pays aura tendance à ignorer le coût imposé à ses partenaires. Ce qui se traduira par la mise en oeuvre de politiques trop expansionnistes.

Carton (2005) à partir d'un VAR structurel montre que les variations de la demande d'un pays en biens et services, provoquent une hausse des prix dans le pays en déficit et une réaction de la politique monétaire. Les taux d'intérêt de court terme augmentent temporairement dans l'ensemble de la zone, avec une propagation partielle des taux longs. Cependant, les taux réels diminuent dans le pays en déficit ; ce qui accélère son activité, mais augmente dans les autres pays ; ce qui pèse sur leurs activités. Dans le cas où le déficit détériore la soutenabilité des finances publiques dans le pays concerné, les marchés

financiers perçoivent une augmentation du risque de monétisation de la dette (ou

20 Alors qu'en cas de flottement des monnaies ou de changes ajustables, une partie au moins de cet effet peut être absorbé par une appréciation du taux de change du pays dont le déficit augmentede défaillance). Cela conduit à une hausse des primes de risques sur les taux longs dans le pays et dans l'ensemble de la zone euro, ralentissant ainsi l'activité.

D'autres chercheurs comme Canova et al., (2012) ont recours au modèle VAR en panel pour analyser la transmission des chocs asymétriques entre pays et dans le temps. Ils ont étudié comment les chocs de taux d'intérêt aux États-Unis se propagent sur dix (10) économies européennes, dont sept (07) dans la zone euro et trois (03) autres en dehors. Puis, comment les chocs sur l'économie allemande augmentant à la fois la production intérieure, l'emploi, la consommation et l'investissement sont transmis à neuf (09) autres pays de la zone euro.

Les travaux de Ducoudré et al., (2005) portant sur les finances publiques, montrent que la dégradation de celles-ci entraine une hausse des taux d'intérêts réels, qui dissuade les entreprises d'investir et les ménages de consommer. Le niveau élevé de la dette et du déficit public crée des pressions inflationnistes, qui conduisent les Banques Centrales à augmenter le taux d'intérêt de court terme. Dans ce cas, les marchés financiers anticipent la persistance de ces tensions ; ce qui entraine immédiatement un niveau plus élevé des taux longs. Le taux d'intérêt réel d'équilibre, compatible à long terme avec la stabilité des prix, serait ainsi une fonction croissante du niveau des déficits et de la dette.

Les auteurs Tanzi et Chalk (2000) de la « théorie des fonds prêtables » pensent qu'une hausse du déficit ou de la dette publique entraîne une hausse de la demande de fonds prêtables à l'offre de fonds constante ; ce qui fait monter le taux d'intérêt. Cette théorie suppose généralement que l'économie est au plein emploi. Un déficit public élevé peut apparaître en période de récession. Il s'accompagne alors d'un faible taux d'intérêt de court terme et d'un taux d'intérêt de long terme relativement élevé par rapport au taux court. Dans un autre cas, ce déficit peut caractériser une période de politique budgétaire trop expansionniste et s'accompagner de taux d'intérêt élevés.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery