SECTION III : CONVERGENCE BUDGETAIRE ET SURVEILLANCE
MULTILATERALE
DANS L'UEMOA
Le concept de convergence a été
développé dans la littérature depuis les travaux de Solow
(1956). Elle a connu une forte utilisation dans les études empiriques
avec l'avènement des processus d'intégration. Il est question
d'évaluer la vitesse de rapprochement des pays pauvres vers les pays
riches, membres d'une même union monétaire. Il convient de
rappeler que la théorie traditionnelle de la croissance prédit
que les économies semblables en termes de technologie et de
préférences, convergent vers un même niveau de PIB par
tête. En revanche la théorie de la croissance endogène
initiée par Romer (1986) énonce que lesdifférences entre
les niveaux de PIB par tête persisteront. Le débat actuel
réside dans la notion de convergence absolue ; étant donné
que l'équilibre économique de long terme dépend des
caractéristiques structurelles des pays (par exemple : la technologie,
les préférences, la croissance démographique, les
politiques publiques, les structures de marchés, etc. La convergence
absolue requiert, au préalable, la convergence des
caractéristiques structurelles entre les pays. Dès lors, il n'est
pas étonnant que l'hypothèse de la convergence absolue ait
été rejetée par les régressions
économétriques fondées sur les données
transversales (Barro et al., 1991).
Cette section expose le fondement théorique de la
convergence budgétaire, les réformes institutionnelles en
matières budgétaires et les mécanismes de surveillance
multilatérale.
III.1- Fondements de la convergence budgétaire
À la question de savoir faut-il imposer des contraintes
aux politiques fiscales nationales des pays au sein d'une union
monétaire ? La théorie économique apporte comme argument
le comportement du passager clandestin des autorités
budgétaires. La littérature admet que l'imposition des
contraintes budgétaires dépend de l'engagement de
l'autorité monétaire par rapport à sa politique future.
Combey et Mally (2010) montrent que l'incohérence temporelle dans la
mise en oeuvre de la politique monétaire conduit au comportement de
passager clandestin dans l'administration des politiques fiscales. Sans
engagement, les autorités monétaires ont tendance à
accroître le niveau du taux d'inflation lorsque le niveau d'endettement
des Etats est en hausse, et à diminuer le niveau du taux d'inflation
dans le cas contraire.
Cependant, lorsque l'autorité budgétaire d'un
Etat membre veut prendre une décision sur son niveau d'endettement, elle
reconnaît qu'en augmentant son niveau d'endettement, l'autorité
monétaire augmentera le niveau du taux d'inflation. Ainsi, il introduit
le coût d'inflation induite par la dette dans sonprogramme, et ignore le
coût que cette inflation induite impose aux autres Etats membres. Ce
comportement du « free-rider » conduira à un niveau
d'endettement insoutenable et à un niveau d'inflation
élevé. C'est le point de vue développé par Chari et
Kehoe (2007). Leur modèle conduit aux résultats suivants : si
l'autorité monétaire peut s'engager, alors les règles
fiscales imposées aux différents Etats membres ne conduiront pas
à une augmentation de bien-être ; cependant, si elle ne peut pas
s'engager, alors les contraintes augmentent le bien-être des Etats
membres. Bertola et Drazen (1991) analysent l'effet d'une
austérité budgétaire et suggèrent qu'un
déficit fiscal élevé peut être le signe d'une forte
pression fiscale à venir. Cette anticipation peut décourager
l'investissement privé, ce qui pourrait avoir des effets négatifs
sur la croissance.
L'analyse a été ensuite développée
sous un autre aspect par Giavazzi et Pagano (1995). À partir d'une
évidence internationale, les auteurs démontrent l'effet non
keynésien du déficit budgétaire. Dans une union
monétaire, la structure fiscale est beaucoup plus liée au niveau
général des prix et donc plus au taux d'inflation qu'à la
politique monétaire. Un niveau de déficit élevé
requiert un niveau général des prix élevés pour
réduire le niveau d'endettement réel et permettre à
l'autorité fiscale de respecter sa contrainte budgétaire à
l'horizon (Woodford, 2001). Un rééquilibrage budgétaire de
plus longue durée serait alors source de stabilité
macroéconomique en rassurant les investisseurs que les impôts et
les taux d'intérêt n'augmenteront pas pour financer de futurs
déséquilibres budgétaires. Comme ont su souligner Combey
et Mally (2010), le premier avantage d'une union monétaire est la
réduction du taux d'inflation avec pour avantage la promotion de
l'intégration économique et de la croissance économique ;
aussi les coûts résident dans l'effet des politiques fiscales
décentralisées sur la politique monétaire. Herzog (2005)
démontre à partir d'un modèle dynamique, le rôle du
pacte dans la discipline des politiques fiscales.III.2- Réformes
institutionnelles en matière budgétaire
Pour l'union européenne, les déficits importants
des pays membres au début des années 1990 ont favorisé
l'adoption du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) en 1997.
Concernant la coordination des politiques budgétaires des Etats de l'UE,
le PSC fixe le seuil des déficits publics à 3 % du PIB, plafonne
la dette à
60 % du PIB et fixe le taux d'inflation à moins de 1,5
% de points de la moyenne des trois pays membres ayant le plus faible taux
d'inflation.
Dans la même perspective, des mesures pour l'encadrement
des politiques budgétaires nationales ont été prises en
compte par le traité de l'UEMOA dès sa signature en 1994 à
travers le programme de surveillance multilatérale. Pour renforcer la
surveillance multilatérale, l'UEMOA a adopté en décembre
1999 un pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de
solidarité (PCSCS). Au plan opérationnel, le Pacte s'appuie sur
huit indices chiffrés permettant d'évaluer l'état du
secteur réel, des finances publiques et celui du secteur
extérieur. Ces indicateurs sont regroupés en quatre
critères de premier rang, et quatre autres de second rang.
Le ratio du solde budgétaire de base rapporté au
PIB nominal est le critère clé. Ce critère, permettant de
mesurer la capacité d'un pays d'assurer le financement sur ressources
internes de ses dépenses courantes et de ses investissements publics,
devrait être positif ou nul. À sa signature, la phase de
convergence du PCSCS était fixée sur la période allant du
premier janvier 2000 au 31 décembre
2002 et la phase de stabilité devait démarrer
à partir du premier janvier 2003 (acte additionnel N° 04/99-UEMOA).
Les limites1 du PCSCS ont conduit les autorités de l'UEMOA à
repousser les phases du pacte (l'Acte additionnel N°
03/2003 du 29 janvier 2003, l'Acte additionnel N° 02/2006
du 27 mars 2006 et
l'acte additionnel N° 05/2009/CCEG/UEMOA).
L'union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA) est née en 1994 de la
volonté de renforcer l'harmonisation des politiques
intracommunautaires. Cetteaspiration a trouvé son expression
dans l'élaboration d'un « pacte de convergence, de
stabilité, de croissance et de solidarité » (PCS). Dans ce
cas, la surveillance de la politique économique dépasse le
domaine monétaire pour mettre les variables budgétaires sous
contrôle communautaire. La littérature en souligne en effet la
difficulté de promouvoir l'efficacité économique sans une
bonne combinaison des politiques monétaires et budgétaires
(Devarajan et Walton (1994) ; Semedo et Vilieu (1997). En 1999, le Pacte de
convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre
les États membres de l'UEMOA est entré en vigueur. Ce pacte
distinguait deux phases :
Une phase de convergence, allant du 1er janvier 2000 au 31
décembre
2002, durant laquelle les États membres devaient se
rapprocher progressivement des normes communautaires ;
Une phase de stabilité, devant débuter
initialement au 1er janvier 2003, à partir de laquelle tous les
États membres devraient respecter l'ensemble des critères de
convergence.
Le Pacte introduisait également une
hiérarchisation des critères de convergence en identifiant des
critères de premier rang (celui relatif au solde budgétaire est
considéré comme un critère clé dont le non-respect
peut entraîner le déclenchement d'un mécanisme de sanction)
et des critères de second rang. L'État membre qui ne satisfait
pas à un des critères de premier rang doit élaborer, en
concertation avec la Commission de l'UEMOA, un programme de mesures
rectificatives dans un délai de trente jours.
Aucun État n'est parvenu à respecter les huit
critères de convergence en 2002 ; alors, la conférence des chefs
d'État et de gouvernements a décidé de reporter l'horizon
de la convergence en fin décembre 2005. En mars 2006, constatant qu'un
seul État respectait les critères de premier rang pour l'exercice
2005, elle a fixé un nouvel horizon de convergence pour l'UEMOA, en
décidant que « désormais, l'Union entrera en phase de
stabilité dès qu'une masse critiqued'États aura
respecté les quatre critères de premier rang et que ce respect
aura été jugé durable ». L'objectif cible pour
l'atteinte de la phase de stabilité avait été fixé
au 31 décembre 2008. Cet horizon a de nouveau été
repoussé au 31 décembre 2013 lors de la Conférence des
chefs d'État et de gouvernement.
En 2006, deux indicateurs complémentaires (inflation
sous-jacente et solde budgétaire corrigé) ont été
adoptés par le Conseil des ministres de l'UEMOA. Le solde de base
corrigé est calculé en ajoutant aux recettes totales (hors dons)
le montant des dons budgétaires étrangers et le montant de l'aide
PPTE ayant financé les dépenses courantes et les dépenses
d'investissement public. Depuis la Conférence des chefs d'État et
de gouvernement de mars 2009, c'est désormais ce critère du solde
budgétaire corrigé qui devient le critère de premier
rang.
Selon un rapport du Comité de Convergence établi
en avril 2014, la situation en matière de convergence s'est sensiblement
améliorée en 2013 par rapport à l'année
précédente, bien que ces performances soient encore jugées
insuffisantes en ce qui concerne le respect du critère relatif au solde
budgétaire de base. Cinq pays ont respecté un ou deux
critères de convergence supplémentaires par rapport à
l'année précédente. Seul le Niger a respecté un
critère de moins, alors que le Sénégal et le Togo ont
respecté les mêmes critères qu'en 2012. Tous les pays ont
rempli les critères relatifs à l'inflation, à la dette
publique et à la non- accumulation des arriérés.
Cependant, seuls le Bénin et le Burkina Faso respectent le
critère du solde budgétaire de base et, de ce fait, les quatre
critères de surveillance de premier rang.
Tableau 3 : Critères de Convergence de la zone
UEMOA
Critères de 1er rang
|
Normes
|
Critères de 2nd rang Normes
|
Le solde budgétaire de base
Le taux inflation
L'encours de la dette publique
rapporté au PIB nominal
Les arriérés de paiement de la période de la
gestion courante
|
= 0
= 3
= 0
0
|
La masse salariale en % des
recettes fiscales. = 35%
Dépenses en capital sur
Financement interne en % = 20%
Recettes fiscales en % du PIB =17%
Solde des paiements courants hors
dons / PIB = -5%
|
Source : Commission de l'UEMOA (1999)
Le pacte de convergence, de stabilité, de croissance et
de solidarité entre Etats membres de l'UEMOA a pour objectifs de
renforcer la convergence des économies des Etats membres, de favoriser
la stabilité macroéconomique, d'accélérer la
croissance économique et d'approfondir la solidarité entre les
Etats membres (acte additionnel N° 04/99-UEMOA). Les cibles
économiques et sociales des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) viennent s'ajouter aux recommandations du PCSCS.
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