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Effets de débordement des politiques budgétaires en union monétaire hétérogène: cas de l'union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA)


par Ismaila SANGHARE
Université Cheikh Anta Diop Dakar (UCAD) - Doctorat  2021
  

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SECTION III : CONVERGENCE BUDGETAIRE ET SURVEILLANCE MULTILATERALE

DANS L'UEMOA

Le concept de convergence a été développé dans la littérature depuis les travaux de Solow (1956). Elle a connu une forte utilisation dans les études empiriques avec l'avènement des processus d'intégration. Il est question d'évaluer la vitesse de rapprochement des pays pauvres vers les pays riches, membres d'une même union monétaire. Il convient de rappeler que la théorie traditionnelle de la croissance prédit que les économies semblables en termes de technologie et de préférences, convergent vers un même niveau de PIB par tête. En revanche la théorie de la croissance endogène initiée par Romer (1986) énonce que lesdifférences entre les niveaux de PIB par tête persisteront. Le débat actuel réside dans la notion de convergence absolue ; étant donné que l'équilibre économique de long terme dépend des caractéristiques structurelles des pays (par exemple : la technologie, les préférences, la croissance démographique, les politiques publiques, les structures de marchés, etc. La convergence absolue requiert, au préalable, la convergence des caractéristiques structurelles entre les pays. Dès lors, il n'est pas étonnant que l'hypothèse de la convergence absolue ait été rejetée par les régressions économétriques fondées sur les données transversales (Barro et al., 1991).

Cette section expose le fondement théorique de la convergence budgétaire, les réformes institutionnelles en matières budgétaires et les mécanismes de surveillance multilatérale.

III.1- Fondements de la convergence budgétaire

À la question de savoir faut-il imposer des contraintes aux politiques fiscales nationales des pays au sein d'une union monétaire ? La théorie économique apporte comme argument le comportement du passager clandestin des autorités budgétaires. La littérature admet que l'imposition des contraintes budgétaires dépend de l'engagement de l'autorité monétaire par rapport à sa politique future. Combey et Mally (2010) montrent que l'incohérence temporelle dans la mise en oeuvre de la politique monétaire conduit au comportement de passager clandestin dans l'administration des politiques fiscales. Sans engagement, les autorités monétaires ont tendance à accroître le niveau du taux d'inflation lorsque le niveau d'endettement des Etats est en hausse, et à diminuer le niveau du taux d'inflation dans le cas contraire.

Cependant, lorsque l'autorité budgétaire d'un Etat membre veut prendre une décision sur son niveau d'endettement, elle reconnaît qu'en augmentant son niveau d'endettement, l'autorité monétaire augmentera le niveau du taux d'inflation. Ainsi, il introduit le coût d'inflation induite par la dette dans sonprogramme, et ignore le coût que cette inflation induite impose aux autres Etats membres. Ce comportement du « free-rider » conduira à un niveau d'endettement insoutenable et à un niveau d'inflation élevé. C'est le point de vue développé par Chari et Kehoe (2007). Leur modèle conduit aux résultats suivants : si l'autorité monétaire peut s'engager, alors les règles fiscales imposées aux différents Etats membres ne conduiront pas à une augmentation de bien-être ; cependant, si elle ne peut pas s'engager, alors les contraintes augmentent le bien-être des Etats membres. Bertola et Drazen (1991) analysent l'effet d'une austérité budgétaire et suggèrent qu'un déficit fiscal élevé peut être le signe d'une forte pression fiscale à venir. Cette anticipation peut décourager l'investissement privé, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur la croissance.

L'analyse a été ensuite développée sous un autre aspect par Giavazzi et Pagano (1995). À partir d'une évidence internationale, les auteurs démontrent l'effet non keynésien du déficit budgétaire. Dans une union monétaire, la structure fiscale est beaucoup plus liée au niveau général des prix et donc plus au taux d'inflation qu'à la politique monétaire. Un niveau de déficit élevé requiert un niveau général des prix élevés pour réduire le niveau d'endettement réel et permettre à l'autorité fiscale de respecter sa contrainte budgétaire à l'horizon (Woodford, 2001). Un rééquilibrage budgétaire de plus longue durée serait alors source de stabilité macroéconomique en rassurant les investisseurs que les impôts et les taux d'intérêt n'augmenteront pas pour financer de futurs déséquilibres budgétaires. Comme ont su souligner Combey et Mally (2010), le premier avantage d'une union monétaire est la réduction du taux d'inflation avec pour avantage la promotion de l'intégration économique et de la croissance économique ; aussi les coûts résident dans l'effet des politiques fiscales décentralisées sur la politique monétaire. Herzog (2005) démontre à partir d'un modèle dynamique, le rôle du pacte dans la discipline des politiques fiscales.III.2- Réformes institutionnelles en matière budgétaire

Pour l'union européenne, les déficits importants des pays membres au début des années 1990 ont favorisé l'adoption du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) en 1997. Concernant la coordination des politiques budgétaires des Etats de l'UE, le PSC fixe le seuil des déficits publics à 3 % du PIB, plafonne la dette à

60 % du PIB et fixe le taux d'inflation à moins de 1,5 % de points de la moyenne des trois pays membres ayant le plus faible taux d'inflation.

Dans la même perspective, des mesures pour l'encadrement des politiques budgétaires nationales ont été prises en compte par le traité de l'UEMOA dès sa signature en 1994 à travers le programme de surveillance multilatérale. Pour renforcer la surveillance multilatérale, l'UEMOA a adopté en décembre 1999 un pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité (PCSCS). Au plan opérationnel, le Pacte s'appuie sur huit indices chiffrés permettant d'évaluer l'état du secteur réel, des finances publiques et celui du secteur extérieur. Ces indicateurs sont regroupés en quatre critères de premier rang, et quatre autres de second rang.

Le ratio du solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal est le critère clé. Ce critère, permettant de mesurer la capacité d'un pays d'assurer le financement sur ressources internes de ses dépenses courantes et de ses investissements publics, devrait être positif ou nul. À sa signature, la phase de convergence du PCSCS était fixée sur la période allant du premier janvier 2000 au 31 décembre

2002 et la phase de stabilité devait démarrer à partir du premier janvier 2003 (acte additionnel N° 04/99-UEMOA). Les limites1 du PCSCS ont conduit les autorités de l'UEMOA à repousser les phases du pacte (l'Acte additionnel N°

03/2003 du 29 janvier 2003, l'Acte additionnel N° 02/2006 du 27 mars 2006 et

l'acte additionnel N° 05/2009/CCEG/UEMOA).

L'union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est née en 1994 de la

volonté de renforcer l'harmonisation des politiques intracommunautaires. Cetteaspiration a trouvé son expression dans l'élaboration d'un « pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité » (PCS). Dans ce cas, la surveillance de la politique économique dépasse le domaine monétaire pour mettre les variables budgétaires sous contrôle communautaire. La littérature en souligne en effet la difficulté de promouvoir l'efficacité économique sans une bonne combinaison des politiques monétaires et budgétaires (Devarajan et Walton (1994) ; Semedo et Vilieu (1997). En 1999, le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les États membres de l'UEMOA est entré en vigueur. Ce pacte distinguait deux phases :

Une phase de convergence, allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre

2002, durant laquelle les États membres devaient se rapprocher progressivement des normes communautaires ;

Une phase de stabilité, devant débuter initialement au 1er janvier 2003, à partir de laquelle tous les États membres devraient respecter l'ensemble des critères de convergence.

Le Pacte introduisait également une hiérarchisation des critères de convergence en identifiant des critères de premier rang (celui relatif au solde budgétaire est considéré comme un critère clé dont le non-respect peut entraîner le déclenchement d'un mécanisme de sanction) et des critères de second rang. L'État membre qui ne satisfait pas à un des critères de premier rang doit élaborer, en concertation avec la Commission de l'UEMOA, un programme de mesures rectificatives dans un délai de trente jours.

Aucun État n'est parvenu à respecter les huit critères de convergence en 2002 ; alors, la conférence des chefs d'État et de gouvernements a décidé de reporter l'horizon de la convergence en fin décembre 2005. En mars 2006, constatant qu'un seul État respectait les critères de premier rang pour l'exercice 2005, elle a fixé un nouvel horizon de convergence pour l'UEMOA, en décidant que « désormais, l'Union entrera en phase de stabilité dès qu'une masse critiqued'États aura respecté les quatre critères de premier rang et que ce respect aura été jugé durable ». L'objectif cible pour l'atteinte de la phase de stabilité avait été fixé au 31 décembre 2008. Cet horizon a de nouveau été repoussé au 31 décembre 2013 lors de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement.

En 2006, deux indicateurs complémentaires (inflation sous-jacente et solde budgétaire corrigé) ont été adoptés par le Conseil des ministres de l'UEMOA. Le solde de base corrigé est calculé en ajoutant aux recettes totales (hors dons) le montant des dons budgétaires étrangers et le montant de l'aide PPTE ayant financé les dépenses courantes et les dépenses d'investissement public. Depuis la Conférence des chefs d'État et de gouvernement de mars 2009, c'est désormais ce critère du solde budgétaire corrigé qui devient le critère de premier rang.

Selon un rapport du Comité de Convergence établi en avril 2014, la situation en matière de convergence s'est sensiblement améliorée en 2013 par rapport à l'année précédente, bien que ces performances soient encore jugées insuffisantes en ce qui concerne le respect du critère relatif au solde budgétaire de base. Cinq pays ont respecté un ou deux critères de convergence supplémentaires par rapport à l'année précédente. Seul le Niger a respecté un critère de moins, alors que le Sénégal et le Togo ont respecté les mêmes critères qu'en 2012. Tous les pays ont rempli les critères relatifs à l'inflation, à la dette publique et à la non- accumulation des arriérés. Cependant, seuls le Bénin et le Burkina Faso respectent le critère du solde budgétaire de base et, de ce fait, les quatre critères de surveillance de premier rang.

Tableau 3 : Critères de Convergence de la zone UEMOA

Critères de 1er rang

Normes

Critères de 2nd rang Normes

Le solde budgétaire de base

Le taux inflation

L'encours de la dette publique

rapporté au PIB nominal

Les arriérés de paiement de la période de la gestion courante

= 0

= 3

= 0

0

La masse salariale en % des

recettes fiscales. = 35%

Dépenses en capital sur

Financement interne en % = 20%

Recettes fiscales en % du PIB =17%

Solde des paiements courants hors

dons / PIB = -5%

Source : Commission de l'UEMOA (1999)

Le pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre Etats membres de l'UEMOA a pour objectifs de renforcer la convergence des économies des Etats membres, de favoriser la stabilité macroéconomique, d'accélérer la croissance économique et d'approfondir la solidarité entre les Etats membres (acte additionnel N° 04/99-UEMOA). Les cibles économiques et sociales des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) viennent s'ajouter aux recommandations du PCSCS.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius