SECTION II : ANALYSE DES EXTERNALITES BUDGETAIRES DANS
LA ZONE
Selon la théorie keynésienne et ses
prolongements, les politiques budgétaires produisent bel et bien des
externalités positives sur les économies. A contrario, l'approche
libérale et ses prolongements soutiennent purement la thèse
d'externalités négatives comme l'effet d'éviction ayant
tendance à faire baisser l'investissement privé. En premier, nous
examinons les théories relatives aux externalités
budgétaires dans une union monétaire et en second, nous
étudions la nature des effets induits par cette politique
économique.II.1- Approche de la Nouvelle Économie
Keynésienne (NEK)
La règle de Mundell (1961) prédit qu'en
régime de change fixe, la politique budgétaire est efficace. En
effet, la hausse des prix va baisser le solde courant à travers une
appréciation du taux de change réel ; ce qui va conduire à
un effet d'éviction. Si les prix sont rigides et s'il existe des
capacités de production excédentaires, la demande globale
détermine le revenu global. Pour pallier les déficiences du
marché, et favoriser la mise en place d'un cercle vertueux de croissance
économique, Keynes décrit et justifie l'intervention de l'Etat
dans l'économie.
Levin (1983), inspiré par le modèle
Mundell-Fleming (1962) a appliqué au cas d'une petite zone de taux de
change fixes entre deux pays en supposant une mobilité imparfaite des
capitaux entre cette zone et le reste du monde. Dans ce modèle de Levin,
l'hypothèse de mobilité parfaite des capitaux au plan
internationale implique qu'une relance budgétaire dans un pays est
inévitablement une « politique d'appauvrissement du voisin »
parce que le revenu national dans l'autre pays doit diminuer pour maintenir
l'équilibre du marché monétaire de la zone (pour un taux
d'intérêt donné et une offre de monnaie constante).
Lorsque l'activité économique ralentit, les
dépenses publiques ont tendance à s'accélérer
tandis que les rentrées de recettes ralentissent mécaniquement.
Cela qui entraine une détérioration du solde budgétaire.
De ce fait, le montant des recettes fiscales diminue et le volume des
dépenses augmente. Aussi, la détérioration de
l'activité économique provoque un transfert de revenu des
administrations publiques vers les ménages et les entreprises ; ce qui
atténue l'effet du ralentissement économique sur les revenus de
ces derniers. C'est le rôle de stabilisateur automatique de la politique
budgétaire. Cet effet est également relevé par Solow
(2002) dans la réhabilitation de la politique budgétaire. Il
soutient que l'effet stabilisateur est apparent du simple fait que la
variabilité du revenu agrégé sera plus faible en
réponse à une variabilité donnée de la
dépenseautonome. Dès lors, l'effet stabilisateur est d'autant
plus fort que le système d'imposition du revenu est plus progressif.
Cette progressivité est mesurée par l'élasticité du
taux marginal par rapport au revenu agrégé.
Même si la théorie montre l'efficacité de
la politique budgétaire (effets de débordement positifs) sur les
économies des pays à travers le multiplicateur Keynésien,
elle fait encore l'objet de vives critiques. Lorsque les prix sont rigides, et
l'investissement sensible au taux d'intérêt ; le financement des
dépenses publiques par l'impôt a un effet nul du fait de l'effet
d'éviction : en effet, la hausse des dépenses publiques va
augmenter le taux d'intérêt, par la suite il y aura une baisse de
l'investissement. Cette baisse peut être négligeable si
l'investissement est fortement sensible à la demande.
II.2- Approche de la Nouvelle Économie Classique
(NEC)
Friedman (1976) et Schwartz (1963) ont rappelé compte
tenu des hypothèses d'anticipations adaptatives et de taux de
chômage naturel, qu'une politique budgétaire expansionniste
entraîne un effet d'éviction total, et qu'une politique
monétaire se traduit inévitablement par une hausse du niveau
général des prix (courbe de Phillips verticale à long
terme, pas de relation inflation/chômage). De telles théories ont
trouvé un écho favorable chez les théoriciens de la
nouvelle économie classique ; notamment Lucas (1973) ; Barro, (1974) ;
Prescott (1977) qui ont souligné qu'à partir des
hypothèses d'ajustements continus des marchés et d'anticipations
rationnelles, que les politiques de relance n'avaient aucun effet sur
l'activité dans la mesure où les agents anticipent les effets.
Barro (1974), sur le plan théorique, met en
évidence le « théorème de l'équivalence
ricardienne » selon laquelle les dépenses gouvernementales nettes
pouvaient compenser les insuffisances de la demande dans le secteur
privé. On considérait désormais que les politiques
budgétaires étaient sans effet sur le monde réel, si ce
n'est qu'elles pouvaient avoir des conséquences inflationnistes sur le
long terme. Les effets de l'augmentation des dépenses publiques sont les
mêmes ;qu'elles soient financées par la hausse des impôts ou
par l'emprunt. Seule une politique surprenant les agents aura un effet par le
biais des mécanismes d'offre. La discipline budgétaire
était considérée comme nécessaire pour assurer la
stabilité des prix, contrairement aux institutions qui oeuvraient
activement à la stabilité macroéconomique. Pour Lucas
(1973), seule une politique monétaire non anticipée pourrait
avoir des effets sur le niveau de production. Cette théorie milite pour
l'abandon des politiques discrétionnaires.
Sur le plan empirique, Alesina et Perotti (1995) montrent
qu'il peut exister un biais en faveur du déficit budgétaire. En
effet, les agents privés peuvent entre autres ne pas percevoir la
contrainte budgétaire de l'Etat stipulant qu'un déficit soit
comblé ultérieurement. Les électeurs peuvent
délibérément souhaiter transférer le poids de la
dette publique sur les futures générations, ou encore percevoir
que les gouvernements peuvent se livrer à une utilisation
stratégique des dépenses publiques en engageant les futurs
dirigeants sur des dépenses correspondant à leurs propres
préférences.
Au regard des approches théoriques, on peut
déduire une controverse sur la nature des effets de débordements
des politiques budgétaires. Certains trouvent les externalités
favorables à l'activité économique (soutien à la
croissance, situation de plein-emploi, etc.) d'autres par contre y voient un
dérapage (effet d'éviction, entrave à la liberté du
marché, etc.) et une gabégie dans la gestion des finances
publiques (déficit hors norme).
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