L'interference entre les voies d'execution et les procedures collectivespar Adama SEL COULIBALY Université Mohamed V de Rabat FSJES-SOUISSI - Master II juriste d'affaires 2019 |
Paragraphe 2 : Les effets de l'ATD sur l'égalité entre les créanciersA. L'efficacité de l'ATD : rupture d'égalité entre les créanciersLa jurisprudence avait déduit du silence de la loi de 1985 à l'égard des saisies attributions qu'elles pouvaient être librement pratiquées pendant la période suspecte205(*). Outre ce principe de la rupture d'égalité entre les créanciers, cette jurisprudence laissait notamment la porte ouverte à de possibles concerts frauduleux entre le débiteur et certains de ses créanciers : par exemple, le débiteur en période suspecte s'empresse de signer des reconnaissances de dette aussitôt suivies de saisies attributions diligentées par le bénéficiaire de ces reconnaissances. Elle avait également décidé qu'une saisie conservatoire nulle pouvait être validée par sa conversion en saisie attribution avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective206(*). A l'analyse de cette position de la jurisprudence, les créanciers mettant en oeuvre ces voies d'exécution portaient un coup sévère tant au « principe d'égalité » postulat du droit des procédure collectives, qu'à « l'objectif du redressement » de la difficulté en cas de redressement judiciaire. Ainsi, la cour de cassation française affirma que lorsque l'ATD est délivré au tiers saisi (en l'espèce une banque) avant jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur, « le trésor public acquiert un droit propre né de l'attribution immédiate, à son profit de la créance saisie disponible entre les mains de la banque ». La créance est alors sortie du patrimoine de la société débitrice avant l'ouverture de la procédure collective et le receveur est recevable à exercer des poursuites contre la banque, tiers saisi, pour obtenir le paiement de cette créance207(*). B. Nullité de l'ATD : primauté du droit des procédures collectivesIl ressort de la lecture du nouvel article (art. L. 632-2 al. 2., c.com. Fr.) que « Toute saisie administrative à tiers détenteur [...] peut être annulée lorsqu'elle a été délivrée [...] après la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci ». Nonobstant l'emploi du verbe pouvoir, le juge doit prononcer la nullité de l'ATD lorsque les deux conditions ci-dessus sont réunies. La cour de cassation française affirme que l'objet de ce texte est de « reconstituer l'actif du débiteur » et qu'un ATD notifié en connaissance de l'état de cessation des paiements appauvrit son patrimoine et rompt l'égalité entre les créanciers208(*). En définitive, en faisant de l'ATD qu'un cas de nullité facultative laissé à l'appréciation souveraine des juges du fond, le législateur français laisse subsister une grande incertitude sur les motifs réels de cette annulation, et peut-être ferme indirectement la porte à cette remise en cause des avis à tiers détenteurs délivrés en période suspecte209(*). * 205 Cass. com., 16 juin 1998 : JCP E 1998, p. 2063, § 8, obs. M.C. à propos d'un avis à tiers détenteur, qui a fait application de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution 1991. * 206 André Jacquemont., op. cit. « La Cour de cassation avait admis dans un premier temps, pour le cas où la saisie conservatoire avait été convertie en saisie-attribution avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, que la nullité de la saisie conservatoire rejaillissait sur la saisie-attribution et que par voie de conséquence, le paiement du créancier saisissant ainsi obtenu devait être lui-même annulé. Mais elle avait modifié sa jurisprudence pour juger qu'en cas de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution avant le jugement d'ouverture, le « juge n'avait pas à se prononcer sur l'application de l'article (ancien) L. 621, 7° du code commerce. Cette nullité de la mesure conservatoire prise pendant la période était donc bien purgée par la conversion en saisie-attribution. » p. 366 à 367. * 207 Cass. com., 14 nov. 2000 : Act. proc. Coll. 2001-1, n°6.- V. également A. Martin-Serf, L'avis à tiers détenteur du trésor public : Rev. proc. Coll. 2000 p. 172. * 208 Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 janvier 2010, 09-11.119, Publié au bulletin. * 209 V. en ce sens M. Cabrillac, obs. ss. Cass. com., 12 janv. 2010 ; JCP E 2010, 1296, n° 7, qui qualifie cette réforme d'« innovation aussi contestable dans son principe qu'ingérable dans son application ». Cité par André Jacquemont. P. 371. |
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