République Algérienne démocratique et
populaire
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Ministère de l'enseignement supérieur et de la
recherche scientifique
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Université du 20 Aout 1955 Skikda
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Faculté des lettres et langues
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Êíáß Filière Français
La crise d'Histoire dans le roman Canicule glaciale
de Amin Zaoui :
une approche sémiologique et
sociocritique.
Mémoire en vue de l'obtention du diplôme de
master en Littérature et civilisation
Candidats Encadreur
Kerkar Nabil Dr. Bakouche Abdellah Guergour Hamza
Président du jury A. Benkhalef
Examinateur S. Boumalit
Encadreur A. Bakouche
Année universitaire:
2020/2021
Remerciement
Nous profitons de ce petit passage pour adresser
nos sincères remerciements à notre professeur et encadreur Dr. A.
Bakouche qui a consacré un peu de son temps précieux pour nous
diriger et corriger nos erreurs mais surtout nous fournir la documentation
nécessaire pour la réalisation de notre
mémoire.
Nous adressons également nos
sincères remerciements à nos
enseignants qui n'ont jamais manqué
l'occasion pour nous donner de valeureux conseils pendant notre cursus
universitaire.
Nous n'oublions pas nos chers parents pour le
soutien, avant tout, moral mais aussi matériel qu'ils nous donnés
pour accomplir nos études.
Résumé :
Ce mémoire met à contribution deux approches
théoriques ; la sémiologie et la Sociocritique, afin de faire
ressortir les aspects de la crise dans l'Histoire de l'l'Algérie. Toute
discipline scientifique est susceptible de la notion d'objectivité sauf
que la matière historique est cible de toutes les manipulations et
instrumentalisations. Les deux approches citées nous ont permis
d'analyser les personnages et l'organisation socio-politique de
l'Algérie avant et après l'indépendance.
Mots clés : sémiologie, sociocritique, crise,
Histoire, société, Algérie.
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Abstract:
This thesis makes use of two approaches; semiology and
sociocriticism, in order to bring out the aspects of the crisis in the History
of Algeria. Any scientific discipline is susceptible to the notion of
objectivity except that historical material is the target of all manipulations
and instrumentations. The two approaches cited allowed us to analyze the
characters and the socio-political organization of Algeria before and after
independence.
Keywords : semiology, sociocriticism, crisis, History, society,
Algeria.
Table des matières
Introduction ..01 Partie théorique : chapitre
1 : Littérature et Histoire
1. Aperçu historique
|
04
|
2. Définition de l'histoire
|
..05
|
2.1. Encyclopédie Universalis
|
..05
|
2.2. Définition philosophique .
|
05
|
3. Entre historien et romancier
|
.06
|
4. Rôle de l'histoire dans le récit
|
.06
|
4.1. Rôle idéologique
|
06
|
4.2. Rôle politique
|
.07
|
4.3. Rôle didactique
|
07
|
5. Histoire et idéologie
|
..07
|
Chapitre 2 : Interpellation de
l'Histoire dans la littérature maghrébine
|
|
Francophone
1. Introduction
|
09
|
2. Thème d'Histoire dans les pays du
Maghreb
|
10
|
2.1. La Tunisie
|
10
|
2.2. Le Maroc
|
.11
|
2.3. L'Algérie
|
.12
|
Chapitre 3 : La crise d'Histoire en
Algérie
|
|
1. Introduction
|
15
|
2. Définition de crise
|
..15
|
2.1. Crise d'Histoire
|
15
|
2.2. Transformations sociales
|
16
|
2.3. Transformations Idéologiques
|
16
|
La partie pratique
|
|
1. Introduction
|
17
|
2. Présentation du roman
|
19
|
Chapitre 1 : étude
sémiologique
|
|
1.1. La titrologie
|
.21
|
1.2. L'incipit
|
21
|
1.2.1. La fonction d'informer
|
.21
|
1.2.2. La fonction d'intéresser
|
22
|
1.2.3. Nouer le contrat de lecture
|
.22
|
2. La sémiologie des personnages
|
..23
|
2.1. L'être du personnage
|
24
|
2.1.1. Augustin Girer
|
..24
|
2.1.2. Afulay Rochdi
|
26
|
2.1.3. Levy Al N'qaoua
|
..27
|
2.2. Le faire des personnages
|
.29
|
2.2.1. Commentaire sur le faire des personnages
|
31
|
2.3. L'importance hiérarchique
|
33
|
Chapitre 2 : étude sociocritique
2.1. Définition
|
.34
|
2.2. Concepts de bases
|
36
|
2.2.1. Le sociogramme
|
36
|
2.2.2. Le sociolecte
|
..36
|
2.2.3. L'idéologie dominante
|
..37
|
2.2.4. L'intertextualité
|
.37
|
2.2.5. Le stéréotype
|
.38
|
2.3. Analyse sociocritique du roman
|
38
|
2.3.1. L'explicite
|
..38
|
2.3.2. L'implicite
|
..44
|
2.3.3. L'oblique
|
46
|
La conclusion générale
|
48
|
La bibliographie
|
49
|
1
Introduction générale
Introduction :
A travers son long parcours, la littérature
maghrébine francophone, et algérienne en particulier, a fait
écho aux moindres soubresauts historiques, politiques, et sociaux de son
pays et l'écrivain était à l'avant-garde des aspirations
du peuple.
Cette littérature maghrébine était
toujours animée par l'esprit de la contestation depuis son
émergence, et particulièrement durant la colonisation
française du Maghreb et jusqu'à aujourd'hui.
C'était Nedjma (1956) de Kateb Yacine, au
début, qui a enclenché cette vague d'intellectuels
contestataires, puis d'autres sont venus tels Mouloud Feraoun, Mohammed Dib et
autres.
Apres l'indépendance, l'Algérie a connu une
autre génération d'écrivains qui a suivi, de prés,
les grands bouleversements qui ont secoué le pays, à savoir les
changements socio-politiques et économiques aussitôt devenus la
source d'inspiration et un débat pour l'élite cultivée :
de nouvelles thématiques sont apparues tels le féminisme et la
propagande socialiste.
A partir des années quatre-vingt (80's), une
troisième génération d'écrivains ont pris la
relève avec l'avènement de la société de
consommation et la liberté sociale et politique, mais également
l'apparition du fanatisme religieux qui commence à menacer de plus en
plus la démocratie naissante.
Rachid Mimouni, Tahar Djaout, Amin Zaoui et autres
écriventdésormais dans « l'urgence du réel »,
dans la nécessité du devoir et de la révolte pour ainsi
lutter contre toutes les formes d'injustice et de violence, ils se sont
impliqués directement dans la critique sociale et politique en en
faisant une description audacieuse et pertinente, chose qui n'a pas
été acceptée par les fanatismes et par le pouvoir
politique et a couté la vie à de nombreux écrivains et
journalistes.
Amin Zaoui écrit depuis les années quatre-vingt
et continue toujours à nous exposer en détail les maux et les
non-dits de la société, armé d'un esprit libre et critique
il se positionne dans l'opposition à la montée fulgurante des
conservatismes et des idéologiesdominatrices et violentes. Sa
trajectoire intellectuelle est riche. Actuellement, ilest professeur à
l'université d'Alger, il est producteur de beaucoup d'ouvrages, romans
et articles de presse, il est très actif aussi sur les réseaux
sociaux. Né en 1956, il a dirigé notamment la Bibliothèque
Nationale d'Algérie (al-Hàmma) entre 2003 et 2008, comme
écrivain bilingue, il est connu pour ses nombreux romans tels ; le
serpent à plumes (1998), festin de mensonge (2007), le
dernier juif de
2
Introduction générale
tamentit (2012), le miel de la sieste
(2014), l'enfant de l'oeuf (2017) et récemment
Canicule glaciale (2020). Ce dernier roman est une suite de la
littérature de dénonciation, il relate l'histoire
enchevêtrée de trois amis militaires qui se sont retrouvés
par hasard dans une caserne d'Oran dans l'ouest algérien et ce durant la
colonisation française, l'auteur donne la parole à chacun d'eux
pour narrer son récit, les trois amis sont de religions
différentes, mais ils composeront une harmonie et mèneront une
action héroïque ensemble : curieusement leur
problèmeréside dans le fait que la colonisation les a unis mais
l'indépendance les a désunis !! C'est étrange la
réalité réservée à l'Algérie
après la libération, le rêve d'un pays pluriel et universel
est brisé, selon l'auteur, le pouvoir impose sa version et son
orientation des faits historiques, en un mot, il instrumentalise l'histoire. Ce
déni du passé et de l'identité authentique de
l'Algérie est vu, par Amin Zaoui, comme source de toutes les crises qui
menacent notre existence collective. La problématique qui va nous
intéresser est : quels sont les éléments socio-historiques
utilisés dans le roman pour signifier l'existence d'une crise
multiformes en Algérie ? Comment l'auteur a utilisé les
procédés romanesques pour transcrire le réel à la
fiction ? Y a-t-il une idéologie mise au premier plan par l'auteur et
à laquelle incombe la responsabilité d'une éventuelle
crise d'histoire ?
A travers le récit, le romancier a choisi la ville
d'Oran comme cadre spatiale, cette dernière est décrite comme une
ville cosmopolite où toutes les langues se parlent et se comprennent
ainsi que toutes lesconfessions y sont pratiquées librement. Parce que
l'auteur croit dans ce cosmopolitisme, il nous met dans son cadre idéal
et dans sa vision des choses, plutôt ouverte et généreuse,
mais les transformations ultérieures sont venues pour contrecarrer cette
belle cohabitation. Concrètement, l'indépendance est venue et
l'extrémisme est venu avec elle. Du coup de source de joie inspiratrice,
la société post-indépendante devient un terrain complexe
incitant à la rechercher des origines de la crise. Le choix des noms des
personnages est un indice que l'on ne peut négliger car il renvoie
à un passé qui entre dans la sédimentation de notre
identité, on peut y repérer une réponse à nos
interrogations actuelles, surtout que le malaise identitaire est souvent
évoqué comme source de troubles.
Faire une mise au point de ces thèmes majeurs passe
nécessairement par faire la même chose desthèmes mineurs ;
quel axes a été le plus décisif dans l'engagement
révolutionnaire des personnages ? Quel rôle la religion a-t-elle
joué dans cet engagement ? Y a-t-il d'autres motifs
qu'idéologiques dans le processus de radicalisation d'Afulay ?
Le choix du roman est dicté par une actualité
ainsi que par le thème qu'il traite qui est lié
spécialement aux dérives du monde actuel qui bascule dans
l'intolérance et toutes formes de
3
Introduction générale
violence, ce qui nécessite un retour aux valeurs
humanistes du vivre-ensemble et le rejet de tous les fanatismes.
Pour aborder tous ces points, notre étude du roman se
fera en deux parties ; d'abord théorique puis pratique, la partie
théorique se divisera en trois chapitres ; 1. La littérature et
l'histoire qui met, brièvement, la relation entre le roman
précisément et l'Histoire ou comment la littérature traite
l'Histoire ; 2. Interpellation de l'histoire dans le roman maghrébin
francophone, sachant que l'Histoire était toujours une thématique
préférée des écrivains maghrébins ; 3. Crise
d'Histoire enAlgérie, donner une définition bien précise
de la notion de « crise ». La partie pratique s'articulera sur deux
approches chacune rédigée en un chapitre : l'étude
sémiologique dans le premier chapitre se basera spécialement sur
la sémiologie des personnages selon la méthode de Philippe Hamon.
Nous décèlerons la dimension historique au niveau des noms et
dénominations.Dans l'étude sociocritique on examinera
minutieusement le hors-texte et la sémiosis sociale et surtout le
discours social et l'idéologie dominante dans le récit.
4
La partie théorique
4
Chapitre I littérature et Histoire
Chapitre I Littérature et Histoire
1. Aperçu historique :
La littérature, tous genres confondus, a toujours
puisé dans l'histoire pour y trouver un cadre, un décor bref un
contexte dans lequel est situé un récit, une trame narrative ou
une piècethéâtrale. Des personnages historiques et des
évènements du passé ont souvent constitué une
matière d'écriture et de création, ainsi que les diverses
péripéties et des contradictions, conflits et guerres.
De ce fait la littérature peut s'identifier à
l'histoire dans de nombreux concepts ce qui amena les Goncourt à
écriredans leur journal « l'Histoire est un roman qui a
été, le roman de l'histoire qui aurait pu être » plus
récemment Paul Veyne disait : « les historiens racontent des
évènements vrais qui ont l'homme pour acteur, l'histoire est un
roman vrai », pour cette raison justement est né le roman
historique qui est un genre narratif dont la matière historique est
l'élémentdéclencheur avec une dimension d'ampleur.
Au XVIIe siècle le roman « La princesse de
Clèves » de Madame de La Fayette parut assorti d'une intrigue qui
se déroulait à la cour d'Henri II. Prenons aussi la
tragédie de Racine « Britannicus » qui puise dans l'histoire
romaine.
Mais c'est au XIXe siècle que l'histoire a vraiment
fait l'objet de littérature et surtout sous la forme du roman à
cause des bouleversements majeurs et la rapidité des
évènements survenus à l'instar des guerres de
Napoléon Ier.
Toujours dans son livre le roman historique, Isabelle
Durand-Le Guerne considère qu'après la révolution
française : « le XIXe siècle est bien celui des
bouleversements : les régimes politiques se succèdent avec
rapidité (Empire, Restauration, Monarchie de juillet, république
de 1848, second Empire donnant à voir à chacun la
fragilité des structures politiques et sociales »1.
Mais selon l'autrice toujours, c'est Walter Scott qui, en 1814, a
publié Waverly, et a créé le roman historique,
elle cite : « cette apparition se trouve de fait liée à
une nouvelle conception de l'histoire (...) c'est en effet avec la
révolution française que la perception de l'histoire et donc de
sa place en littérature va changer »2
1Isabelle Durand-Le Guerne, le roman historique,
Armand Colin, Paris, 2008, p : 6 2Ibid. p : 3
5
6
7
Chapitre I littérature et Histoire
Apres Walter Scott, ce sont les écrivainsromantiques
qui ont le plus emprunté à l'histoire leur thèmes et
matières de créationlittéraire, citons Victor Hugo dans
son roman quatre-vingt-treize.
Zola dans sa fresque les Rougon-macquart, Balzac,
dans la comédie humaine, note dans l'avant-propos : «
la société française allait être l'historien, je ne
devraisêtre que le secrétaire » outre les
français il y a aussi des écrivains russes, allemands,
italiens...etc. qui se sont intéressés à l'histoire dans
leurs oeuvres.
Le XXe siècle aussi était riche
d'évènements et de crises notamment à propos des deux
Guerres mondiales et la révolution algérienne qui ont beaucoup
marqué la littérature mondiale, nombreux sont les
écrivains qui ont placé la réflexion sur l'écriture
de l'histoire, ainsi que dans leur préoccupation artistique, on peut
citer : Michelet, Paul Veyne, Paul Ricoeur...
Dans ces tractations et polémiques, pourquoi le romancier
puise-t-il dans l'élément historique ? Quel est le rôle
joué par l'histoire dans le genre romanesque ? On commence par d'abord
par définir la notion de l'histoire.
2. Définition de l'histoire :
2.1. Encyclopédie Universalis :
L'Encyclopédie Universalis définit ainsi
l'histoire : « Le mot histoire désigne aussi bien ce qui est
arrivé que de ce qui arrivé ; l'histoire est donc soit une suite
d'évènements soit le récit de cette suite
d'évènements. Ceux-ci sont réellement arrivés :
l'histoire est récit d'évènements vrais, par opposition au
roman, par exemple, par cette norme de vérité l'histoire, comme
discipline, s'apparente à la science , · elle est une
activité de connaissance »3
2.2. Définition philosophique :
Pour cette définition, nous avons consulté le
dictionnaire de philosophie4 : « transformation dans le
temps des sociétés humaines , · succession des
états par lesquels passe une réalité (individu,
pays,...) »
3 Encyclopédie Universalis, Tome 11, p : 464
4 N. Barraquin, Anne Baudart, Dictionnaire de
philosophie, p : 252
Chapitre I littérature et Histoire
Dans notre travail nous allons nousintéresser au terme
Histoire avec h majuscule qui renvoie au type de discours historique
produit par les historiens au sein de la discipline appelé «
Histoire ».
3. Entre historien et romancier :
A.Zaoui fait du contexte de la colonisation un
référent historique, il interpelle cette Histoire et met ses
moments conflictuels sous les projecteurs de la critique, cependant Amin Zaoui
« l'écrivain » ne se prend pas pour un « historien »
et il n'en fait pas son souci : mais il considère autrement le parcours
narratif de « Afulay » qui a rejoint les groupes armées durant
la décennie noire aprèsson rôled'ancien maquisard pendant
la guerre de libération nationale qui défendait le peuple contre
l'oppression coloniale, ici le romancier est en train de « juger »
l'histoire, pourquoi en est-on arrivé là ? C'est cette question
cruciale et significative qui occupe la pensée de notre écrivain,
donc il y a un jugement de valeurs et des marques de subjectivité
à travers une trame narrative et fictionnelle, c'est moins la
volonté d'approcher « la vérité » que de livrer
sa « vérité » qui ne saurait être que «
subjective » alors loin de l'objectivité nécessaire pour le
travail de l'historien.
Le romancier juge encore l'Histoire imposée par le
pouvoir politique depuis 1962, qui néglige et fait fi d'une partie
fondamentale dans la construction d'un patrimoine collectif de la nation
algérienne, ce patrimoine confisqué faisait réagir
l'écrivain Smail Goumeziane, il rapporte que l'élite
algérienne dominante prétend que l'Histoire de l'Algérie
commence avec l'arrivée des Arabes au VIIIe siècle alors que
:« Gilbert Meynier n'hésite pas à faire de ce
territoire, hérité depuis plus de deux mille années, un
berceau de l'humanité »5
4. Rôle de l'histoire dans le récit : 4.1.
Rôle idéologique :
Le romancier, dans la littérature
particulièrement, essaie souvent de faire passer une idée, un
message idéologique à travers le discours historique tenu dans le
récit « le recours au passé permet en effet de tenir un
discours sur le présent tout en écartant les foudres de la
censure »6. Au contraire de l'historien, qui ne peut pas
fuir le positionnement tenu par le pouvoir politique, et sous peine de finir en
prison ou exposer sa vie au danger, le romancier peut contourner l'interdit en
usant du coté polysémique du langage et de la
littérature.
5Smail Goumeziane, Algérie une histoire en
héritage, Edif 2000/Non-lieu p : 33 6I. Durand- Le Guerne, le
roman historique, P : 8
Chapitre I littérature et Histoire
A.Zaoui fait le constat de l'échec de la construction
d'un Etat moderne après l'indépendance à travers
l'enchainement d'éléments narratifs qui influencent le sort
tragique du personnage juif du roman nommé « Levy » dans son
roman, et dont les ossements finirent par être transférés
vers un cimetière non musulman et ce sur l'injonction de son ami d'arme
« Afulay » « c'est un grand péché ( ...)
d'enterrer les ossements d'un Levy dans le cimetière des martyrs
»7. Tous ces éléments nous éclairent
sur la définition d'une identité nationale algérienne
restreinte et par conséquent exclusive de l' « autre ». Une
telle conception exclusive était de nature à nourrir très
tôt une crise sociale et idéologique assez profonde.
4.2. Rôle politique :
L'engagement politique s'infiltre souvent au travers d'un
discours émaillé d'Histoire et d'évènements
historiques importants.
Parlant d'un drame de Musset « Lorenzaccio »,
isabelle Durand-Le Guerne dit : «la dimension politique y est
essentielle, avec de nombreuses scènes de rue où le peuple
s'exprime et stigmatise la tyrannie des Médicis »8,
l'élément politique est souvent introduit dans le
récit romanesque comme complément ou accompagnateur du fait
historique.
4.3. Rôle didactique :
Le narrateur est amené à maintes fois à
commenter et à prendre position sur les évènements qu'il
décrits, ainsi il juge et soumet le lecteur parallèlement
à sa lecture. Dans le roman en question Canicule glaciale,
A.Zaoui écrit : « ce décret de 1870 avait
créé un clivage de la population autochtone algérienne,
entre juifs et musulmans (...) au même titre que les musulmans.
»9. L'auteur s'est focalisé sur l'aspect didactique
du décret de Crémieux de 1870.
5. Histoire et idéologie :
C'est un point de conflit envisagé par l'historien et
le littéraire qui doivent affronter les tentatives de manipulation de
l'héritage historique de la part de la classe dominante après
avoir été annexé au patrimoine matériel de l'Etat :
cela a facilité sa falsification : « (...) cependant, en
Algérie, ce processus traduit aussi un autre glissement, autrement, plus
fondamental celui de la
7 Amin Zaoui, Canicule Glaciale, Ed ; Dalimen, 2020 ;
p ; 223 8Ibid, p : 10
9 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 212
Chapitre I littérature et Histoire
monopolisation ou de la privatisation du patrimoine
publique, en particulier, de la réalité historique par un groupe
au pouvoir »10
Malgré cette apparente subjectivité de la
science de l'Histoire il n'en demeure pas moins qu'elle présente des
aspects objectifs notamment après l'introduction de la théorie
positiviste d'Auguste Comte quant à l'étude des documents
historiques.
Le philosophe français Paul Ricoeur, dans son ouvrage
Histoire et vérité, n'a cessé de s'interroger sur
cette relation entre l'Histoire et l'objectivité : « Nous
attendons de l'histoire une certaine objectivité, l'objectivité
qui lui convient c'est de là que nous devons partir et non de l'autre
terme.»11
8
10SmailGoumeziane, Algérie, une histoire en
héritage, Edif 2000/Non-lieu, p : 33 11 Paul Ricoeur,
Histoire et vérité, (3eme) éd ; Seuil, 1990, p : 35
9
10
11
Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone
Chapitre 2 : Interpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone.
1. Introduction :
D'après certains historiens (dont Charles André
Julien), tout au long de leur Histoire, les pays du Maghreb ou l'Afrique du
Nord, ont toujours été le théâtre de guerres et de
conflits, de conquêtes et résistances, entre tribus
indigènes et conquérantsétrangers mais aussi entre tribus
elles-mêmes dans des guerres fratricides. Ces faits historiques « de
violence », traduisant des antagonismes sociaux assez
significatifs,n'ontguère laissé les historiens et les hommes de
lettresindifférents du fait de son impact et de son implication directe
dans le présent de ces peuples, soit comme héritage passé
tumultueux ou comme une actualité instable.
Pour comprendre ce présent on doit
nécessairement se référer sans cesse au passé,
à commencer par l'antiquité berbère de l'Algérie et
du Maroc, et l'antiquité romaine pour le cas du Tunisie (Cité de
Carthage), en passant parles chevauchées des armées arabes qui
ont islamisé toute l'Afrique du Nord et enfin l'occupation
française. Toutes ces étapes sont considérées comme
des « sédiments »12 qui construisent ou participent
aux fondements du patrimoine historique et la mémoire commune des
peuples de l'Afrique du nord, oublier les moindre composantes de cette
histoire, c'est d'encourir une falsification et une altération de cette
héritage patrimoniale. Les romanciers ne cessent d'interpeller cette
histoire pour en tirer des leçons et corriger certaines dérives
qui l'ont dénaturée.
Pourquoi ce désir incessant de revisiter des
évènements a priori déjà oubliés
?
Le roman postcolonial, qui est classé dans la
postmodernité, exige d'abord la reconnaissance de la diversité,
une hybridité identitaire et un statut tout différent de celui
tracé par l'ancien colonisateur car ce dernier travaillait dans
l'anéantissement de l'identité réelle et de persuader les
colonisés de leur sous-développement perpétuel. Le roman
postcoloniale voudrait la confirmation du Soi, et ce Soi s'étend sur
plusieurs millénaires à travers les trois pays, les
écrivains font appel à ce passé lointain pour rappeler au
colonisateur et aux générations contemporaines que l'on n'est pas
né hier.
12Sédiments un terme utilisé
par Goumeziane pour désigner les couches qui entrent dans la
construction de l'identité.
Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone
2. Thème d'Histoire dans les pays du Maghreb :
2.1. La Tunisie :
LaTunisie a une spécificité historique
différente de celle de l'Algérie et du Maroc, elle n'a pas cette
ancrage dans la composante berbère encore vivace et qui fait encore
polémique dans les deux pays, et y fait un thème
littéraire. Dans le cas échéant les romanciers tunisiens
essaient de de ressusciter « Carthage afin de puiser dans les mythes
anciens des leçons valables pour aujourd'hui (...) les romanciers
tunisiens remontent encore plus loin dans le temps et trouvent dans le tragique
destin de Carthage un thème romanesque qui se prête à des
lectures multiples »13
Le roman de Abdelaziz Belkhodja Cendres de
Carthage(1993) y fait le parallèle entre la destruction totale de
la cité antique et l'écrasement de l'Iraq et sont mis en
perspective pour mettre en évidence le cynisme de la politique
américaine.
Dans un article paru le 12 mars 2003, dans jeune afrique,
l'historien célèbre M. Talbi, sous le titre «
Delenda Bagdado », reprenant l'expression célèbre
de l'émissaire romain Caton devant le Senat : « Delenda est
Carthago » qui signifie littéralement « Carthage doit
être détruite », dans une similitude étrange avec
l'émissaireaméricainqui ordonna la destruction de
Baghdâd.
La romancière Alia Mabrouk nous livre un roman d'un
aspect archéologique de l'ère romaine où les
propriétaires terriens de la région de DOUGGA refusent de livrer
leur blé aux maitres de l'empire romain, le roman s'appelle DOUGGA
(1993)
Fawzi Mellah dans Elissa, la reine vagabonde (1988)
évoque le mythe entourant la fondation de Carthage. A travers cette
fable historique F.Melleh veut rendre justice à Elissala
fondatrice de Carthage « dont le nom a été effacé
et dont la trace n'existe nulle part contrairement aux noms d'Amilcar ou
d'Hannibal »14, soit une fiction historique au service du
patrimoine collectif tunisien.
Albert Memmi, le très connu intellectuel tunisien, ne
cesse de rappeler dans tous ses écrits ses origines juives malgré
sa naissance en Tunisie, le pays qu'il aime et ne peut le quitter. Dans son
roman le pharaon(1988) il défend la place des
judéo-berbères au Maghreb et spécialement dans son pays,
l'auteur ne cesse de s'interroger sur le sort réservé à la
composante juive après l'indépendance dans un pays se
réclamant déjà de l'islam et de la nation arabe.
13Sabiha Bouguerra, Histoire de la littérature
du Maghreb, ellipses, 2010, p : 154 14Ibid., p : 158
Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone
L'exploration de l'Histoire chez cette élite
intellectuelle montre le désarroi et le malheur du personnage qui
affronte un présent confus et amer. Interpeler l'Histoire c'est essayer
de donner un sens au présent face aux falsificateurs.
2.2. Le Maroc :
La revue marocaine Souffles créée en
1966 a joué un rôle majeur dans le débatidéologique
et linguistique du roman marocain après l'indépendance d'un
peuple longtemps marginalisé. Des écrivains comme Abdellatif
Laabi, Tahar Benjelloun, M.Khair-Eddine ont joué un grand rôle
dans la vulgarisation de cette littérature francophone qui essaie de
traduire le passé biculturel des auteurs (culture occidentale et
marocaine). La génération de l'après Souffles a
adopté une écriture de « démantèlement
»15 qui abandonnent les canevas traditionnelles du
récit(interaction des genres et des formes propres aux deux traditions
culturelles).
Driss Chraïbi, l'éminent romancier touche presque
à tous les problèmes d'actualité c'est-à-dire qui
touche directement à la vie quotidienne du marocain, sans oublier
l'Histoire qui rappelle la réalité du Maroc des années
50's et 60's, mais soumise au service de la fiction.
Dans Naissance de l'aube (1986), il soutient : «
si l'islam n'y est en rien contesté, la
présenceberbère et la lutte des habitants de la montagne pour la
préservation de leur eau et de leur patrimoine culturel, en particulier
de leur langue, sont à bien des égards reconnues et soutenus
»16. Dans le livre Histoire de la littérature
au Maghreb susmentionné, Sabiha Bouguerra elle explique :
« si le romancier marocain (Chraïbi, NDLR) explore le
passé de l'islam et de son avancée victorieuse a travers
l'Afrique du nord (...) que pour épouser la cause de la minorité
berbère et défendre ou plutôt célébrer son
maintien au Maroc malgré les vicissitudes de l'histoire »17
Donc à l'instar des écrivains algériens
actuels, les Marocains insistent sur le volet de l'Histoire qui se
déploie depuis l'antiquité berbère à titre
d'enrichissement de l'identité qui risque d'être effacée,
mais face à cette prise de conscience, Chraïbi amène son
personnage à renier l'islam et revenir aux sources qui le
rendentpaïen comme il était à l'origine, mais dans son
ouvrage L'homme du livre (1996), il rend hommage au prophète de
l'islam, Mohammed QSSSL, il y reconstitue dans une fiction narrative, le
déroulement de la journée précédant la
révélation.
15Ibid., p : 144
16 Charles Bonn, littérature maghrébine
d'expression française, EDICEF, 1996, p : 147
17 Sabiha Bouguerra, Histoire de la littérature
au Maghreb, p ; 170
12
Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone
2.3. L'Algérie :
La littérature algérienne francophone
était toujours à l'avant-garde par rapport aux pays du Maghreb
avec une certaine ressemblance dans le contexte social et surtout historique.
Les romanciers algériens ont cette spécificité
d'êtrepréoccupés et tournés vers la guerre de
libération nationale à cause des blessures profondes et les
traumatismes subis au fond de la conscience commune de tout le peuple.Ce cadre
historique a donc marqué la majorité des oeuvres
littéraires avant et à la postindépendance.
Dans les années 1950, une floraison de
littérature militante a accompagné la lutte de
libérationce qui en a fait, ce que M. Lacheraf qualifiait de «
littérature de combat », éclairant l'opinion occidentale et
surtout les français sur les souffrances et les privations dont
pâtissaient les indigènes.
La colline oubliée, premier roman du grand
écrivain Mouloud Mammeri sorti en 1952, retrace la misère
à laquelle était réduit un petit village Tasga en
kabylie, un village qui vit à l'ombre et coupé du reste du monde,
cette situation catastrophique a été déjà
soulevée par Albert Camus en 1939 dans un reportage pour Alger
républicain. Le récit de M.Mammeri tire déjà
la sonnette d'alarme et prédit le 1 novembre 1954 d'une manière
prophétique et géniale, cette alarme était adressée
au pouvoir colonial. Au demeurant, ce roman a été critiqué
par Md Cherif Sahli, du fait de son éloignement de la dimension
nationale algérienne et sa limitation dans la région de
Kabylie.
Mouloud Feraoun, dans les chemins qui montent (1957),
dénonce le mépris des colons envers les indigènes et
avertit l'administration coloniale. L'histoire se passe pendant l'époque
coloniale en Algérie, c'est une quête d'amour impossible entre,
Dahbia et Mokrane, deux trahis par leur différence culturelle et
sociale, elle estchrétienne, lui, il est un non-croyant, l'histoire se
termine par le suicide délibéré du jeune homme en se
laissant tué par son cousin, quant à Dahbia, elle s'est
mariée au président. Un conflit de moeurs et de cultures toujours
en relation problématique avec la France coloniale, mais
également, terre d'immigration.
L'oeuvre majeure de Kateb Yacine Nedjma(1956) ne peut
que refléter cette réalité historique du colonialisme
oppressif français, ainsi le récit est fortement marqué
par les évènements du 8 mai 1945. A travers la métaphore
de Nedjma, il pose l'identité séculaire de
l'Algérie, certes métissée, car plusieurs fois
violée mais elle est toujours vierge.
13
Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone
L'engagement de Mohammed Dib pour la cause nationale se voit
clairement dans sa trilogie La grande maison, L'incendie, Le métier
à tisser, sortis respectivement en 1952, 1954 et 1957. La liste
d'intellectuels algériens est très longue passant par Malek
Haddad, Khaled Bentobal....etc.
Apres la joie et l'euphorie de l'indépendance, une
nouvelle période a commencé, pour les écrivains, une
période de déceptions et de désillusions ;désormais
on fait la critique des combattants d'hier, devenus des gouverneurs
d'aujourd'hui. Cette nouvelle génération ne fait plus de
crédits au nouveaux maitres face aux dérapages, dérives et
promesses non tenues, la nouvelle élitealgérienne est en
quête de dignité et d'égalité mais aussi en
quête d'identité « ouverte ». Cette littérature
présente aussi des aspects historiques du fait de son attachement aux
personnages et aux évènements.
Boudjedra dans Le démantèlement (1982)
et Rachid Mimouni dans Le fleuve détourné (1984)
refusent de larmoyer sur les exploits des ancêtres
héroïques et pointent directement le doigt accusateur sur les
nouveauxtenants du pouvoir. Cela s'est traduit par le refusdes codes
littérairesétablis et l'anticonformisme à travers des
formes éclatées qui suggèrent le
désenchantementdécoulant de l'état de stagnation du pays
dans tous les domaines. Aussi cela a-t-il eu pour effets le déchirement
idéologique et identitaire, choses qui se ressentent même
aujourd'hui.
Dans le roman de Rachid Mimouni L'honneur de la tribu
(1989) l'auteur y met en cause cette Algérie qui est
gérée par le népotisme et la mentalité tribale, des
nouveaux maitres qui font le beau et le mauvais temps laissant un sentiment
d'amertume comme le confirme Mimouni lui-même. Le roman prend pour
contexte historique les années qui ont suivi directement
l'indépendance, un moment de grands changement dans la structure sociale
de la sociétéalgérienne, commençant par la
formation des cités bidonvilles autour des villes et finissant par
l'apparition des maux qui fleurissent tel le crime, la drogue et la
prostitution...etc. L'auteur ne cite pas des personnages historique, mais fait
allusion à leur politique et à leur gouvernance qui ont
engendré la catastrophe.
Zaoui, qui fait partie de ces écrivains iconoclastes,
ne cesse de rappeler les réalités historique et identitaires de
l'Algérie plurielle dans tous ses romans, comme Canicule glaciale
objet de notre recherche, il y interpelle l'antiquité
berbère à travers ses personnages Saint Augustin et Apulée
de Madaure (Afulay en tamazight), un passé glorieux de la Numidie,
l'histoire originelle de l'Algérie, ensuite l'auteur nous transporte
dans le contexte de la guerre de
14
Chapitre IIInterpellation de l'Histoire dans la
littérature maghrébine
francophone
libération pour nous montrer la composante plurielle
des déclencheurs de la révolution, il y plaide pour une sorte de
cohésion communautaire mais cette cohésion s'est vite
éclipséeaprès l'indépendance pour des causes
idéologiques et identitaires.
Le passé antique de l'Algérie a
été aussi évoqué par Rachid Boudjedra dans La
prise de Gibraltar (1987)où Tarek le personnage principal
nous fait état d'un passage de l'historien Ibn Khaldoun relatant la
prise du rocher du détroit, futur Djebel Tarek ou Gibraltar par Tarik
Ibn Ziad. C'est une réflexion sur l'histoire de la Numidie qui
résistait auxconquêtes romaines mais aussi les
conquêtesislamiques de l'Andalousie. Ce recours éternelau
passé aide à surmonter le présent
désespérant et morne, c'est comme un refuge où l'on se
sent en sécurité.
Chapitre III La crise d'Histoire en
Algérie
15
Chapitre III La crise d'Histoire en
Algérie
Chapitre 3 : La crise d'Histoire en Algérie
1. Introduction :
Lorsqu'on lit un roman comme Canicule glaciale
d'Amin Zaoui on saisit facilement l'aspect de la crise qui touche les
fondements de la nation algériennepost indépendante à
travers un combattant qui voulait libérer son peuple du joug du
colonialisme mais qui finit par se transformer enextrémiste qui dirige
son arme contre son propre peuple.
Le fait révélateur est l'histoire du juif qui
est tombé au champ de combat mais dont les ossements seront
refusés d'être enterrés parmi les martyres musulmans, une
crise profonde transparait à travers cette succession de faits.
Comment aborder cette crise d'Histoire profonde en
Algérie ?
2. Définition de crise :
Dans le sens familier d'après Larousse : «
moment très difficile dans la vie de quelqu'un, d'un groupe, dans le
déroulement d'une activité ...etc. Période, situation
marquée par un trouble profond »18
Mais si on aborde le terme Crise d'un point de vue
philosophique on y relève : « phase de l'évolution du
réel, des idées...etc. caractérisée par un
déséquilibre, un aspect critique dans le processus
d'évaluation, le déséquilibre annonce une transformation
»19
2.1. Crise d'Histoire :
Prenons la définition philosophique de Crise
pour l'appliquer sur la cours de l'Histoire en Algérie avant et
après l'indépendance et la décennie noire 1990-2000, on
devine facilement le déséquilibre et l'aspect critique dans
l'évolution qui ont annoncé les grandes transformations les plus
inattendues, transformations sociales et idéologiques profondes ; on
voit l'avènement des problèmes économiques et sociaux ce
qui a engendré le fanatisme et l'intolérance après une
Algérie plurielle et joyeuse. Un autre aspect de la crise d'Histoire est
l'instrumentalisation et les déformations auxquelles est soumis le fait
historique, ce qui met cette discipline scientifique dans une crise
énorme ; à quel point l'Histoire peut-il être objective
?
18 https://www.larousse.fr/ cosulté le
13/03/2021
19N. Baraquin, dictionnaire de philosophie, Armand
colin, 2011, P : 126
2.2. Transformations sociales :
Le système tribal qui régissait l'Algérie
depuis l'antiquité a été disloqué et percuté
de plein fouet par la colonisation française comme l'a indiqué le
sociologue Pierre Bourdieu, dans son livre, La sociologie de
l'Algérie : « ainsi les grandes lois foncières
essentiellement le Cantonnement, le Senatus Consulte de 1863 et la loi Warnier
de 1873 ont été conçues par leurs promoteurs même
comme instruments de désagrégation des structures fondamentales
de l'économie et de la société »20
Après l'indépendance, l'Algérie
dépendait entièrement du pétrole et l'économie de
la rente ce qui a conduit à l'appauvrissement d'une large couche de la
société notamment après le choc pétrolier de 1986
et l'ouverture de l'économie de marché des années 90's.
2.3. Transformations Idéologiques :
Ces transformations sont les plus marquantes de notre
société actuelle, car elles ont défiguré l'image de
l'islam de nos ancêtres, qui était tolérante et mystique,
ce fondamentalisme a été causé essentiellement par
l'importation d'une idéologie moyen-orientale qui n'est pas conforme
à nos moeurs et habitudes. On connait bien les aboutissements de cette
déculturation avec des milliers de morts dans une tragédie dont
les conséquences resteront à jamais ancrées dans la
conscience collective des algériens, c'est une crise d'Histoire et
d'existence car cette terre est connue par sa diversité culturelle et
linguistique et sa dimension méditerranéennedepuis ses origines.
D'autre part, il y a une autre opinion qui rejette cette accusation et dit que
les courants religieux, à leur naissance, ont agi par réaction
aux idées communistes qui voulaient anéantir toute forme de
religiosité dans la société,étant donné
qu'ilsconsidéraient la religion comme l'opium des peuples et que c'est
de leur droit de défendre un principe reconnu de l'identité de la
nation. Ce conflit idéologique a mis toute la société en
ébullition et s'est manifesté par des affrontements entre
étudiants au niveau des campus universitaires.
16
20 Pierre Bourdieu, La sociologie de l'Algérie,
Ed que sais-je, 1960, p : 94
La partie pratique
Partie pratique Introduction
17
1. Introduction :
L'écrivain Amin Zaoui est un professeur à
l'université d'Alger en littérature moderne, de ce fait,
naturellement, il est amené à faire des réflexions sur les
réalités de son pays et nous faire état des soucis qui
occupent l'imagination collective de son public. Le roman en question
Canicule glaciale vient bouleverser les certitudes et jeter un
pavé dans ce vaste océan de contradictions, de
dénégations et de falsifications du passé de
l'Algérie. Cet état de choses a engendré un malaise
profond qui déchire la société, on le voit d'ailleurs dans
les manières de s'habiller, de manger, de se comporter, mais surtout
dans le domaine du religieux sachant que l'Afrique du Nord était connue
depuis la nuit des temps par sa religiosité tolérante et
l'attitude de ses oulémas ouverts et mystiques. Or désormais ce
n'est plus le cas. A.Zaoui affirme : « nous n'avons pas su ni comment
faire survivre notre passé ni comment l'enterrer, nous vivons une sorte
de tragédie humaine à l'algérienne »21
C'est en esprit contestataire agitant tout intellectuel
soucieux de l'avenir des générations que Zaoui a écrit
Canicule glaciale qui rend hommage à toutes les composantes de
la société algérienne sans exception et sans déni
de quiconque, dans l'entretien précédent il répond :
« l'identité algérienne souffre des mensonges de
l'histoire et des falsificateurs de notre passé ancestral
»22
Notre intérêt porte sur le côté
occulté de l'Histoire de l'Algérie notamment les composantes
juives, chrétienne ou les communistes, qui ont sacrifié leurs
âmes, leurs biens et leurs familles pour que ce pays retrouve sa
liberté et sa dignité.
Notre plan commencera avec le chapitre premier par l' «
étude sémiologique » des personnages principaux selon
l'approche de Philippe Hamon « pour un statut sémiologique du
personnage »(1972) dans le but d'en faire ressortir
particulièrement la sémiologie du nom, du portrait et le faire
des trois protagonistes dans le récit (Afulay,Augustin, Lévy)
correspondant aux trois champs proposés par Ph.Hamon et qui sont :
l'être ( nom, dénominations, portrait ), le faire ( rôles
thématiques et actantiels ) et enfin l'importance hiérarchique.
Les résultats de cette analyse vont nous éclairer sur la valeur
morale et idéologique des personnages cités. Ensuite on passera
au programme narratif du théoricien Greimas qui comporte quatre phases ;
manipulation, compétence, performance et sanction ; «
l'objectif de Greimas, en mettant en évidence la structure commune
à tous les récits, était d'éclairer sur la notion
de sens »23puis il ajoute : « il
21www.algerieculture.com
consulté le 11/01/2021
22 Ibid.
23 Vincent Jouve, La poétique du roman, Armand
colin, P : 54
Partie pratique Introduction
18
est possible d'analyser l' « effet-valeur » d'un
roman, la façon dont ce dernier véhicule une idéologie et
la transmet au lecteur »24
Notre roman a un effet-valeur qui est la liberté, la
dignité et le combat contre la colonisation. Mais la crise réside
justement dans cette indépendance confisquée et cette joie
volée après le départ des colons, c'est la « sanction
» finale qui suit la « manipulation » initiale. On aura
àdémontrer ce qui a manipulé le sujet à
l'acquisition du pouvoir-faire et du savoir-faire nécessaires à
l'accomplissement de l'action (les trois acteurs à regagner le maquis)
débouchant ensuite sur la sanction qui consiste à
l'évaluation et l'interprétation morale (échec ou
succès de l'indépendance). Enfin, pour la réalisation de
notre recherche, nous comptons mettre à contribution les
théories, analyses à l'appui de Vincent Jouve la
poétique du roman qui est un précieux support de
vulgarisation qui aide beaucoup les étudiants.
Le deuxième chapitre de notre partie pratique inclura
une approche sociocritique du corpus, nous rendons compte de l'état du
social et de l'histoire avant et après l'indépendance en
s'inspirant des travaux de Claude Duchet, et autres théoriciens de la
sociocritique, nous viserons surtout le dit et le non-dit derrière les
mots et expressions. Dans cette perspective, l'ouvrage le discours social
de Marc Angenot nous sera beaucoup utile.
En prenant deux orientations, nous entreprenons une approche
syncrétique qui associe deux théories distinctes mais
complémentaires à savoir la sémiologie et la
sociocritique, nous espérons ainsi pouvoir relever certaines
vicissitudes de l'Histoire officielle qui est toujours, malheureusement,
inculquée aux enfants dans les écoles de l'Etat, soit une
histoire qui est totalement mutilée, une identité ancestrale et
millénaire qui a été mise sous le boisseau pour des motifs
idéologiques.L'histoire en Algérie souffre de beaucoup
d'incohérences et de falsifications, choses que les intellectuels
essaient de corriger par le moyen de la littérature qui échappe
un peu au diktat de la censure officielle. Dans un entretien avec
l'universitaire, feu M. Bennoune paru dans le livre les intellectuels
algériens, élaboré par N. Hocine :Bennoune y
répond sans ambages : « l'Histoire de notre pays a
été de tous les temps instrumentalisée à des fins
politiques et politiciennes (...) en somme, je pense que l'histoire de notre
pays, telle qu'elle est enseignée dans notre école,
reflètetrès mal la dimension culturelle et civilisationnelle de
cette nation. »25, Bennoune met le doigt sur la plaie, il
accuse le système éducatif des carences constatées dans la
construction identitaire de l'écolier et dans sa connaissance de la
vraie histoire de son pays.
24 Ibid.
25 Nouara Hocine, Les intellectuels algériens,
Dahleb-ENAG, 2005, P : 205
Partie pratique Introduction
2. Présentation du roman :
Le roman d'Amin Zaoui Canicule glaciale est un roman
polyphonique où succèdent trois narrateurs en alternance, «
Augustin Girer » le premier qui commence à narrer, puis «
Afulay » et enfin « Lévy », le roman est écrit
d'une façon fragmentaire (en fragments ou épisodes), sur le motif
de ce choix l'auteur s'explique : «Canicule glaciale est un roman
écrit selon une construction et un découpage
cinématographique (...) dans cette approche esthétique, il y a
beaucoup d'économie de langage »26, d'ailleurs ce
choix n'est pas nouveau chez l'écrivain puisque son roman l'enfant
de l'oeuf (2018) est construit selon lamêmeesthétique.
Le roman est fait à partir d'une intrigue simple que l'on
peut schématiser de la manière suivante :
radicalisation
médecin
martyr
Afulay
Augustin
Lévy
Indépendance
1962
Début de la
Révolution 1954
19
Il y a trois personnages qui progressent dans le récit
en parallèle jusqu'à la date du déclenchement de la guerre
de libération où ils participent à une action commune,
puis après l'indépendance leur destins divergent.
Les trois principaux protagonistes sont de confessions
différentes, Augustin Girer (chrétien), Afulay (musulman
autochtone) et Lévy (juif de Tlemcen), ils se rencontrent à la
caserne d'Oran à la veille de la guerre de libération, chacun
prend la parole et raconte son histoire jusqu'à son arrivée
à la caserne et nous emmène dans un monde diffèrent de
l'autre.
Augustin, médecin et portraitiste, vient de la
Normandie, « les études de médecine occupaient tout mon
temps »27 il est toujours à la quête de son
père « l'homme soleil » qu'il n'a jamais vu, il essaie souvent
de le reconstituer dans ses dessins, ne supportant plus les ébats
amoureux de sa mère il quitte la maison pour étudier la
médecine à Paris puis finira en Algérie pour accomplir le
service militaire qu'il désertera pour rejoindre le maquis et continuera
dans ce chemin jusqu'à l'indépendance.
26www.algerieculture.com
entretien avec Amin Zaoui consulté le 11/01/2021 27 Amin
Zaoui, Canicule Glaciale, Ed ; Dalimen, 2020, p ; 73
Partie pratique Introduction
20
Afulay fils de Daoued Rochdi et de Rokia bent Abraham il est
kabyle « Afulay est le nom d'un autochtone, fils de ce pays
»28 , il mène une enfance difficile dans une
famille où la jalousie de sa mère et la trahison du père
le poussent à quitter son village natal pour la maison de sa tante, mais
après la déception amoureuse avec Sandrine il sèche les
cours et regagne la caserne d'Oran pour se venger du Caïd Ramdane Laouej
et du père de Sandrine, il mène une vie de combattant durant la
guerre, mais après l'indépendance il s'est
métamorphosé en terroriste.
Quant à Levy Al N'qaoua, le juif de Tlemcen, «
je m'appelle Levy Al Nqaoua, je suis né à Hénaya (...) la
ville historique de Tlemcen »29 il vit dans une famille
mélomane dont la situation a été complétement
bouleversée après la mort de sa mère et le climat de
tristesse qui qui a rendu le père de plus en plus mélancolique ;
ce dernier, seul il consacra son temps à la machine à coudre.
Apres un certain temps le père a conduit Levy à la caserne d'Ain
Sefra où il sera promu capitaine ;après la mort de son cheval
Guibour il a plongé dans une dépression nerveuse brutale, mais il
sera sauvé par sa future femme Nicole. Sa position de capitaine a
aidé ses collègues à déserter l'armée
française pour rejoindre l'armée de libération.
A côté des personnages principaux nous avons des
personnages secondaires qui jouent un rôle plus ou moins important dans
le sort de l'intrigue, on cite : le couple Gomez (Antonio et sa femme Izilda),
les parents de Afulay (Daoued Rochdi et Rokia bent abraham), la mère
d'Augustin (Jannina) et ses grands-parents (Nicolas et Irena), le père
de Levy et sa tante Rena.
28 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 39
29 Ibib, p ; 118
21
22
Chapitre I Etude sémiologique
Chapitre 1 : Etude sémiologique
Avant d'entamer l'étudesémiologique des
personnages, nous avons jugé judicieux, pour la compréhension de
l'ensemble de notre travail, de faire une analyse du titre et de l'incipit.
1.1. La titrologie :
Le titre remplit essentiellement la fonction d'information et
d'identification, il nya pas de livre sans titre, c'est ici que commence «
la relation du lecteur au texte »30
Selon G. Genette31, il existe deux types de titre
à savoir :
? Le titre thématique : qui désigne le contenu
du texte, il peut être de plusieurs sortes : les titres littéraux,
les titres métonymiques, les titres métaphoriques et les titres
antiphrastiques.
? Le titre rhématique : qui désigne la forme du
texte.
Le titre du roman, objet de notre travail Canicule
glaciale, est de type thématique/métaphorique, il contient
une figure de style qui est l'oxymore qui consiste à allier deux mots de
sens contradictoire. En effet « canicule » désigne une
période de grande chaleur, « glaciale » est un adjectif du mot
glace grand froid, donc un titre formé de deux mots contradictoires qui
suggèrent un récit plein d'oppositions et de contrastes mais qui
forment, plus ou moins, un ensemble cohérent à l'image de la
nation algérienne qui est très riche dans sa diversité
culturelle, il peut suggérer un paradoxe d'histoire entre avant
l'indépendance et aprèsl'indépendance.
1.2. L'incipit :
L'incipit est parmi les éléments paratextuels
qu'il importe d'analyser, car c'est un élément qui accomplit le
contrat de lecture et précise la nature du roman ; ce sont les
premières lignes du récit « l'incipit remplit
précisément trois fonctions ; il informe, intéresse et
propose un pacte de lecture »32
1.2.1. La fonction d'informer :
Répondre aux questions ; qui ? Où ? Quand ? Dans
l'incipit de notre roman l'auteur enseigne le lecteur sur les personnages, le
lieu et l'époque de l'action.
30 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman
Colin, Paris, 2006, p : 13
31 Ibid., p : 14
32 Op.cit. p: 19
Chapitre I Etude sémiologique
? Les personnages sont : Afulay, Levy et Augustin : « je
regarde les yeux d'Afulay ou hadj Mohammed (...) un déserteur courageux
qui a choisi son camp comme Hadj Levy et moi »33
? Le lieu une caserne à Oran : « mon ancien
compagnon de caserne à Oran »34
? L'époque d'action : à la veille et pendant la
guerre : « mon frère de maquis, pendant plus de quatre ans
»35
1.2.2. La fonction d'intéresser :
« Intéresser consiste à susciter la
curiosité du lecteur, à le prendre au piège du
récit »36, intéresser, c'est aussi laisser
prévoirun conflit et annoncerune thématique. Dans notre incipit,
l'écrivain annonce la thématique de la guerre ; caserne, maquis,
déserteur..., la thématique de la femme « maison de
tolérance », « je pense à cette belle jeune femme
» « Aicha » « Léa », la thématique de
religion « elle lit des versets coraniques » « psalmodies
».
Mais ce qui tient plus l'attention du lecteur est le
commencement du récit par la fin du roman ou la situation finale,
à la manière des films policiers, de sorte que la page 10 et la
page 132 sont identiques, c'est la scène d'égorgement d'Augustin
par son ami Afulay ou Hadj Mohammed. Ensuite, l'auteur commence le récit
en utilisant la rétrospection, une méthode qui consiste à
narrer l'évolution chronologique d'un fait du passé
jusqu'à son aboutissement, ce que G. Genette appelle « analepse
»37, cet inversement de situation laisse le lecteur sur sa faim
pour connaitre la réponse à la question ; pourquoi on en est
arrivé là ? Et c'est le but de l'auteur pour focaliser le regard
du lecteur sur cette étape de la décennie noire.
1.2.3. Nouer le contrat de lecture :
L'auteur informe le lecteur sur le type de texte et comment il
doit le lire. Amin Zaoui cite dans le premier paragraphe du roman : «
sa vie se déroule devant ses yeux comme les images d'un film en mode
speed », le roman est fragmenté en épisodes à la
manière cinématographique, une lecture simple et rapide avec
économie de langage comme nous l'avons vu dans l'introduction.
33 Amin Zaoui, Canicule glaciale, p ; 10
34 Ibid, p ; 10
35 Ibid, p; 10
36 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman
Colin, Paris, 2006, p : 20 37Gérard Genette, Figure 3, Ed
seuil, 1972, P : 90
Chapitre I Etude sémiologique
2. La sémiologie des personnages :
Philippe Hamon a voulu revaloriser la notion de «
personnage » en évitant la vision traditionnelle qui
consistait à le limiter à son « faire », le personnage
est un acteur mais il a aussi un nom et un portrait, c'est-à-dire un
être.
En ce sens, l'approche de Ph. Hamon consiste
àconsidérer le personnage comme un signe linguistique qui a un
signifiant et un signifié, cette étude a
à voir avec la linguistique de F. de Saussure et sa théorie du
signe linguistique : « en tant qu'unité d'un système, le
personnage peut en une première approche, se définir comme une
sorte de morphème doublement articulé, manifesté par un
signifiant discontinu, à un signifié discontinu »38
? Le signifiant : le personnage est
représenté dans le texte par un pronom ; je, me, il, se ..., ou
par un nom propre ou une dénomination ; jean, julien ...
? Le signifié : le
prénom du personnage a un sens voulu par l'auteur, Philippe Hamon
précise : « ainsi, le prénom (...) est
déjà porteur d'information sur le sexe du personnage (...) voire
sa nationalité »39
Ph. Hamon propose de retenir trois champs pour l'analyse ;
l'être (nom, dénomination, portrait), le
faire (rôle et fonction),
l'importance hiérarchique (statut et valeur)
selon le schéma suivant :
23
38 Ph. Hamon, Pour un statut sémiologique du
personnage, in littérature N'6, 1972, p : 96
39 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman
Colin, Paris, 2006, p : 63
Chapitre I Etude sémiologique
Le personnage
24
L'être Le faire l'importance
hiérarchique
- le nom - Les rôles thématiques - La
distribution
- les dénominations - les rôles actanciels -
L'autonomie
- le portrait :
- le psychologique
- le biographique
- le corps
L'analyse se portera principalement sur les personnages
principaux ; Augustin, Afulay, Levy.
2.1. L'être du personnage :
2.1.1. Augustin Girer :
Il est le premier qui commence à raconter son histoire,
il est médecin et continue d'exercer
cemétiermêmeaprès l'indépendance, on peut le
considérer comme un témoin sur le sort de ses deux amis (Levy et
Afulay) puisque c'est lui aussi qui termine la narration.
? Le nom :
Le nom propre est l'outil le plus efficace de l'effet du
réel, le personnage s'identifie à son nom. Le prénom
« Augustin » vient du latin « Augustinus » dont il tire son
histoire Augustin est dérivé d'un ancien prénom :
Augustinus. Ce dernier puise lui-même son origine d'un terme latin qui
signifie « vénérable » ; « le prénom
Augustin est apparu dès la fin du 1ersiècle dans le
monde latin et s'est rapidement propagé à travers l'Europe, c'est
notamment grâce à Saint Augustin,
25
26
27
28
29
Chapitre I Etude sémiologique
évêque d'Hippone au IVe siècle,
considéré comme l'un des plus grands théologiens
chrétiens de tous les temps »40
Dans le récit, lorsque le nom propre existe on pourra
s'interroger sur sa motivation, le prénom cité ci-dessus a une
consonance religieuse grâce au grand théologien chrétien,
fils de Souk-Ahras, « Augustin d'Hippone ou Saint Augustin », il est
né dans la Numidie, ancienne appellation de l'Algérie et de
l'Afrique du nord, en 354 et mort en 430 à Hippone (actuelle Annaba), il
est l'un des quatrepères de l'église occidentale, donc ce nom est
un indice qui reflète une personnalité historique très
connue dans l'histoire de l'humanité et ce choix n'est jamais fortuit.
Sans aucun doute, ce choix vise à donner une dimension chrétienne
et plurielle à l'histoire de notre pays, c'est également mettre
l'accent sur les interactions et diverses échanges entre le nord et le
sud du bassin méditerranéen, ces échanges n'ont jamais
cessé et ne cesseront pas, de ce fait nous sommes condamnés
à vivre ensemble malgré nos divergences. « Augustin Girer
» n'a pas d'autres désignations dans le récit.
? Le portrait :
Concernant le portrait d'Augustin, on n'abordera que le
côté psychologique et le cote biographique puisque l'habit et le
corps ne sont pas signalés.
- Le psychologique :
Selon la définition de V. Jouve, la psychologie du
personnage est fondée sur les modalités, « le lien du
personnage au pouvoir, au savoir, au vouloir et au devoir qui donne l'illusion
d'une vie intérieure »41.
Tout au long du récit, Augustin est
possédé par l'image de son père qu'iln'a jamais vu, il
essaie de le dessiner d'après la description de sa mère, il
ressent profondément cet absence du père et la place vide dans le
lit de sa mère, c'est cette quête du père «
l'homme soleil » qui le dote d'une intériorité profonde
puisque « il veut plus qu'il ne peut », d'autre part il sait
des choses sur les relations amoureuses de sa mère, « il sait
plus qu'il ne doit », il devait quitter la maison pour ne pas tuer sa
mère. La personnalité d'Augustin est complexe, car elle passe de
l'adoration à la haine soudaine. En tant que médecin, il est
accablé de devoirs ; durant la révolution il devait assister les
moudjahidines et après l'indépendance il devait rester
au pays pour aider la
40www.madame.lefigaro.fr
consulté le 18/04/2021
41Vincent Jouve, La poétique du roman, Armand
Colin, p : 38
Chapitre I Etude sémiologique
population. L'intérêt du portrait psychologique
d'Augustin c'est qu'il pourrait susciter l'admiration du lecteur.
- le biographique :
En l'absence du père « l'homme soleil »,
l'éducation d'Augustin est confiée à ses grands-parents,
son grand-père Nicolas et sa grand-mère Irena. L'action
révolutionnaire (l'engagement au cote des opprimés) d'Augustin
pourrait êtreinterprétée par le penchant communiste de son
grand-père, cela tient del'hérédité. Nicolas lisait
beaucoup le journal l'Humanité et adorait Marx, Engels et
Lénine.
2.1.2. Afulay Rochdi :
Le deuxième personnage qui raconte représente
l'algérienindigène, le berbère natif de cette terre.
? Le nom :
Afulay est le nom que lui a donné Izilda, la femme
d'Antonio Gomez ; pour sa scolarisation, c'est le nom amazigh d' «
Apulée », le premier romancier du monde qui a écrit son chef
d'oeuvreL'âne d'or.« Apulée de Madaure » est
né vers 125 à Madaure actuel M'daourouch à Souk-Ahras. A
l'instar du nom Augustin, le nom « Afulay » s'enracine dans
l'histoire antique de l'Algérie, l'antique Numidie berbère.Afulay
a d'autres désignations dans le roman comme « kenzi », «
chitane » mais surtout le surnom « Hadj Mohammed Afulay »,
après l'indépendance, qui a une connotation
idéologique.
? Le portrait :
- La psychologie :
Il parait que Afulay est quelqu'un de sans ambitions et de
caractère naïf, mais sa connaissance (le savoir) des exactions du
Caïd Ramdane et le mépris du père de Sandrine envers lui, le
dotent d'une volonté (le vouloir) de rejoindre l'armée pour
porter le pistolet et se venger, donc « il ne veut que ce qu'il peut
et il ne sait que ce qu'il doit ». Afulay aimait Sandrine mais a
été choqué par l'attitude méprisant de son
père « hier soir, après la projection du film, mon
père m'a confié que les arabes et les berbère ont des
queues d'âne qui poussent sur leur derrière
»42. Il ne pouvait supporter l'humiliation, il
intériorise ce sentiment « tout le monde savait que
j'étais
42 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 167
Chapitre I Etude sémiologique
un âne avec une queue excepté moi
»43. Il quitte la maison et l'école surtout
après avoir vu son père en train de trahir sa mère avec
Izilda Gomez.
- La biographie :
Le portrait biographique faisant référence au
passé ou à l'hérédité du personnage sert
à conforter le vraisemblable psychologique. Afulay est kabyle
autochtone, il est l'indigène et fils d'indigène, objet de
mépris du Caïd Ramdane et du colonel, le père de Sandrine.
Sa déception amoureuse l'a marqué dans la profondeur «
...cette image apocalyptique, Sandrine me hantait, je tentais de l'effacer
(...) son image collait »44, cet état de fait le
pousse à la violence « je rêvais d'un jour où je
posséderais un pistolet ou une kalachnikov »45.
Dans la société kabyle, on donnait beaucoup d'importance aux
valeurs et à la dignité et c'est pour cela qu'il n'a
accepté de voir son père entre les bras d'Izilda, cette image a
bouleversé son été d'âme : « j'ai senti une
douleur dans le ventre et un frémissement dans les genoux
»46
- Le physique :
Le physique d'Afulay est signalé une seule fois :
« enfant, j'étais fragile, chétif et pieux
»47, toute cette enfance difficile est
reflétée dans son corps faible. L'habit n'est pas cité
parce que l'auteur focalise le regard sur la psychologie en relation avec le
côté identitaire.
2.1.3. Levy Al N'qaoua :
Levy est un personnage primordial dans le récit, il
représente la communauté juive en Algérie qui a souvent
été objet de toutes les accusations et du racisme. Comment
l'auteur rend-t-il hommage à cette composante indéniable dans
l'histoire algérienne ?
? Le nom :
Levy est un prénomhébraïque en provenance
de l'hébreu « Lewi » qui signifie « reclus
» quelqu'un qui vit en réclusion. Le nom Al N'qaoua renvoie au
grand rabbin Ephraïm Al N'qaoua ce grand théologien qui est
arrivé à Tlemcen en 1392 et est devenu la figure
emblématique de la communauté juive de l'Afrique du nord durant
presque tout le XVe siècle, Tlemcen était appelée «
Jérusalem de l'Afrique du nord », à cause de
l'épanouissement économique et spirituel de
43 Ibid, p ; 115
44 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 175
45 Ibid, p ; 152
46 Ibid, p ; 173
47 Ibid, p ; 138
Chapitre I Etude sémiologique
toutes les confessions qui coexistaient dans la paix et le
respect mutuel, les juifs, notamment, formaient une communauté
considérable à côté des chrétiens et
musulmans, ce vivre-ensemble s'est poursuivi jusqu'à
l'indépendance date de leur départ massif d'Algérie, et ce
malgré l'appel lancé par le FLN durant la révolution et
les assurances données qu'ils auront tous leurs droits comme citoyens
algériens après la victoire sur la colonisation. Levy n'apas
d'autres désignations dans le récit.
? Le portrait :
- La psychologie :
Levy parait un personnage timide et reclus comme son nom
l'indique, il se suffit de décrire c qu'il voit en utilisant les verbes
de sensation ; aimer, sentir.... La mort de sa mère a totalement
chamboulé la quiétude qui régnait à la maison, son
père est devenu de plus en plus solitaire et finit par quitter la maison
définitivement, après avoir emmené Levy à la
caserne d'Ain Sefra pour le faire engager dans l'armée. Il était
profondément touché par la mort de son cheval « Guibour
». Après le déclenchement de la guerre de
libération, Levy voyait que c'est de son « devoir » de
déserter et derépondre à l'appel lancé par le FLN :
« nous aussi il faut que nous regagnions le maquis
»48, une action paraissait peu probable du capitaine Levy
mais c'était de son « pouvoir » « il ne veut que ce
qu'il peut », sa fonction de capitaine lui facilite la tâche
d'accomplir l'action « le savoir » « il ne sait que ce qu'il
doit ».
- La biographie :
L'amour de la mère est enraciné dans l'âme
des juifs, elle a une place sacrée dans la famille, elle est le pilier
dans la construction de l'unité familiale juive,ceci explique qu'on voit
cetteatmosphère de tristesse qui a envahi la maison après la mort
de Rachel, ensuite Levy a transposé cet amour de la mère à
son cheval « Guibour » dont il ahérité l'adoration de
son père qui était un éleveur de chevaux, on sent que Levy
est d'une âme sensible et généreusehéritée de
sa famille qui aimait l'art et la musique, il était aussi d'une grande
spiritualité chose qui l'incite à choisir le coté des
opprimés dans la lutte anticoloniale : « nous sommes du
côté du mal, nous sommes avec le diable ! C'est maintenant qu'il
faut changer de camp » (p : 202).
L'intrigue du récit se concentre dans le rôle
actantiel de Levy puisque c'est lui le plus gradé parmi ses amis, aussi
lui-même qui a concrétisé sur le terrain l'idée de
déserter l'armée
48 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 220
Chapitre I Etude sémiologique
française. Il n'y a pas d'indications sur le physique
et les vêtements de Levy puisque l'auteur s'est focalisé sur les
actions
2.2. Le faire des personnages :
Nous remarquons que dans ce roman il y a un brouillage presque
complet des repères habituels du récit, l'intrigue est un peu
floue. Il parait que l'auteur est trop influencé par les romanciers du
nouveau roman. Pour analyser le « faire » des personnages, Philippe
Hamon retient deux notions fondamentales ; rôles thématiques et
rôles actantiels.
? Les rôles thématiques :
Cela consiste à relever des axes
préférentiels dans lesquels s'opposent les personnages, ces
thèmes généraux sont identifiables grâces aux
critères suivants :
- la fréquence(les actions les plus fréquentes)
- la fonctionnalité (les actions les plus
déterminantes)
« Ces ressemblances et ces différences se
mettent en place par rapport à un certain nombre d'axes
sémantiques distinctifs, caractérisés par leur
récurrence, et auxquels renvoient, ou ne renvoient pas, les personnages,
par exemple (...) la beauté, la richesse, la jeunesse...
»49
L'intrigue du roman Canicule glaciale présente
trois axes préférentiels : la politique, la religion et l'origine
géographique.
Sur le plan politique, le capitaine Levy s'est montré
engagé et convaincu de la lutte armée contre le « camp
du mal »50, Afulay aussi, par souci de vengeance et
Augustin, puisqu'il est médecin et humaniste, il est en faveur des
opprimés.
Sur le plan religieux, les deux personnages (Augustin et Levy)
s'opposent à Afulay qui se mettra sur la voie de la radicalisation
religieuse et refusera que l'on enterre Levy dans le cimetière musulman
pourtant il (Levy) est tombé martyr sur le champ de combat pour la
liberté de l'Algérie. Afulay finit par égorger son ami
Augustin par motivation toujours religieuse ; « du sang »51
49Ph. Hamon, Pour un statut sémiologique du
personnage, p : 99
50 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 202
51 Ibid, p ; 233
30
Chapitre I Etude sémiologique
Sur le plan géographique : la mention d'autochtone est
citée à l'égard d'Afulay et de Levy qui se
différencient d'Augustin qui, lui, vient de la France. On peut
résumer ces constatations dans un tableau :
Axes retenus
Personnages
|
Politique (engagé)
|
Religion (musulman)
|
Origine
géographique (autochtone)
|
Levy
|
+
|
-
|
+
|
Afulay
|
+
|
+
|
+
|
Augustin
|
+
|
-
|
-
|
Commentaire du tableau :
On remarque que le plan politique a réuni les trois
personnages dans un même volet « engagé » servant
l'objectif d'accomplir l'action centrale du récit, vient ensuite le plan
géographique qui définit Levy et Afulay comme autochtones, ces
deux critères étaient plus décisifs que le plan religieux
qui n'était un motif commun dans le déclenchement de la guerre de
libération. En effet la révolution algérienne était
hétérogène.
? Les rôles actantiels :
« Quel est le programme narratif du personnage
étudié (programme détectable à travers son devoir,
son pouvoir, son vouloir et son savoir) ? »52.
Interrogation de V. Jouve et dont la réponse explicite tout un chapelet
de compétences.
On voit que Levy, de par son statut de militaire (le savoir),
est de son (devoir) de déserter les forces du mal qui sont les forces
coloniales et pour réaliser cet objectif il en a les moyens et la
capacité d'agir (le pouvoir) tant il est capitaine (responsable).
Afulay et Augustin jouent le rôle d'adjuvants tant ils
ne s'opposent pas et même encouragent l'action de Levy en prenant la
fuite avec lui et emportant les armes avec eux. Mais le rôle actantiel
d'Afulay se nuancera après l'indépendance à cause de son
(savoir) erroné qui le mènera à se voir obligé
(devoir) d'appliquer une idée religieuse extrémiste et fausse
et
52 V. Jouve, La poétique du roman, Arman Colin,
p : 61
31
Chapitre I Etude sémiologique
dangereuse même car il termine son parcours par devenir
un égorgeur. Cela rappelle les tragiques moments de la décennie
noire où la société a été infectée
par des idéologies fondamentalistes intolérantes.
2.2.1. Commentaire sur le faire des personnages
:
A travers les rôles thématiques et actanciels on
peut connaitre la valeur et la signification des personnages. Dans la page 209
le FLN a fait appel aux israélites d'Algérie les exhortant
à choisir leur camp, Levy le juif d'Algérie a été
du côté de la révolution et il est tombé comme
martyre dans le champ d'honneur, Augustin, l'européen, qui a
sympathisé et participé à la guerre contre son pays la
France et resté fidèle à ses principes
mêmeaprès l'indépendance ; il continuera d'assister la
population médicalement dans des moments très difficiles de
l'après-guerre. Afulay, l'algérien autochtone a totalement
changé d'idéologie et devenu inconnaissable aux yeux de son ami
de combat Augustin. Le rôle d'Afulay peut symboliser le système
politique algérien qui a chassé les frères de combat
(départ massif des juifs et des colons juste après 5 juillet
1962), le nouveau pouvoir était ingrat,maisil faut quand même dire
que leur départ était volontaire et par peur de
représailles. L'Algérie a renié ensuite sa
diversité culturelle et linguistique ce qui a entrainé des
conflits idéologiques interminables, ce qui laisse supposer un
échec dans la construction d'un nouveau pays basé sur la
modernité. Le modèle sémiotique de Greimas nous
éclaire plus :
32
Chapitre I Etude sémiologique
1 2
Manipulation
Transmission du vouloir/faire et Acquisition du
savoir/faire
devoir/faire l'origine de l'action et du
pouvoir/faire
3
Performance
4
Sanction
Accomplissement de l'action clôture de
l'action
Evaluation et interprétation
1. Manipulation : Levy transmet le
(vouloir/faire) de l'intention de rejoindre la révolution et le
(devoir/faire), il faut quitter la force du mal.
2. Compétence : Augustin et Levy
(médecin et capitaine) ont le savoir/faire et le pouvoir/faire pour
agir.
3. Performance : les héros ont
quitté la caserne par la nuit, ont aidé la révolution
jusqu'à l'indépendance.
4. Sanction : succès de la
révolution mais échec de l'indépendance car tous les
sacrifices de Levy et d'Augustin ont été reniés.
33
Chapitre I Etude sémiologique
Le schéma sémiotique de Greimas consolide nos
résultats trouvés dans les rôles actantiels et
thématiques des personnages du roman.
2.3. L'importance hiérarchique :
Ce volet qui a rapport au personnage/héros est
brouillé par l'auteur, car, en appliquant les critères
d'héroïsme dePhilippe Hamon, qui sont ; la qualification, la
distribution, l'autonomieet la fonctionnalité, on pourrait
déduire que chaque critère peut s'appliquer aux trois personnages
au même temps, de ce fait il n'y a pas d'hiérarchie, mais il n'en
demeure que Levy joue un rôle un peu plus important en proposant l'action
de déserter l'armée à ses amis.
Chapitre II Etude sociocritique
34
Chapitre 2 : Etude sociocritique 2.1. Définition
:
Après avoir conduit dans le chapitre
précédent une analyse sémiologique assez exhaustive des
personnages, il nous est aisé maintenant d'aborder le côté
social et historique ou la sociocritique du roman, car nous l'avons vu, tous
les acteurs principaux du récit entretiennent des rapports connotatifs
et sont sujets aux diverses interprétationsidéologiques,
sociologiques...
L'approche sociocritique qui se veut comme un «
entre-deux » pour reprendre l'expression de Claude Duchet dans son texte
fondateur Pour une approche sociocritique, il nous donne une
première approximation : « un entre-deux parait ouvert, pour
elle et non par elle, entre la sociologie de la création, à
laquelle le nom de Lucien Goldman demeure attaché, et la sociologie de
la lecture (...) dont se préoccupentégalement des sociologues de
la production littéraire »53, cet « entre-deux
» est nommé « le texte » par Claude Duchet, ainsi il
définit la sociocritique comme : « une
sociologie des textes, un mode de lecture du texte »54,
donc la sociocritique met l'accent sur la socialité du texte, elle
analyse le statut du social dans le texte et non le statut social du texte, sa
procédure va du texte vers le « hors-texte »
c'est-à-dire le sémiosis social : «
l'oeuvre n'est lue, ne prend figure, n'est écrite qu'au travers
d'habitudes mentales, de traditions culturelles, de pratiques
différenciées de la langue qui sont les conditions de la lecture
»55.
Pour l'autre sociocritique Pierre Zima, il rapproche les
études des sociologues allemands de l'école de francfort (Adorno,
Horkheimer, Habermas, Schmidt) de celles de Roland Barthes, Goldman et Greimas
de l'école pratique de France, Pierre Zima aboutit, à travers
cette collaboration philosophique, sociologique et sémiotique, à
définir la sociocritique comme : « une théorie critique
de la société qui ne s'oriente pas seulement vers le texte
littéraire, mais tient compte de tous les discours qui coexistent et
interagissent dans le cadre d'une formation sociale»56.
Cette définition résume le discours social
développé par Marc Angenot de l'école de Montréal
dans sa contribution le discours social ; problématique d'ensemble,
il le définit comme suit : « le discours social : tout ce
qui se dit, tout ce qui s'écrit dans un état de
société donné (tout ce qui s'imprime, tout ce qui se parle
aujourd'hui dans les media électronique), tout ce qui
53 Claude Duchet, pour une sociocritique ou variations
sur un incipit, In Littérature n°1, 1971, p : 6
54 Ibid. p : 6
55 Ibid. p : 8
56 Pierre Zima, texte et société, Ed ;
Harmattan, 2011, p : 86
Chapitre II Etude sociocritique
35
se narre et s'argumente ; le narrable et l'argumentable
dans une société donnée »57, il le
relie à l'idéologie et lui donne une autre définition :
« ensemble de la matière idéologique propre à une
société donnée à un moment donné de son
développement »58.Régine Robin l'a
développé ainsi : « il s'agit de regarder
lesidéologèmesrécurrents qui traversent toutes les zones
du discours sociale : le discours médicale, le discours juridique, le
discours de la scène politique parlementaire, le discours
journalistique, le critique littéraire... »59.
La littérature est constituée essentiellement de
divers discours sociaux ou d'aspects discursifs, on ne peut jamais occulter le
référent social dans le texte littéraire : « la
littérature est une pratique langagière qui s'investit d'un
contenu social »60, c'est à partir du texte qu'on
doit retrouver le hors-texte.
»61
A travers ces définitions, nous devons faire la
différence entre la sociocritique et la sociologie de la
littérature, cette dernière : « cherche à mettre
en valeur les rapports de causalité et d'effet de retour entre la
société, les structures économiques du marché, la
dynamique sociale et l'oeuvre, le produit, le texte (...)
Le social et l'histoire vont de pair dans leur appartenance
à l'objet d'étude de la sociocritique, car l'histoire est un
élément produit par la société : «
l'histoire est un produit social »62, la sociocritique
doit s'interroger sur le dit et le non-dit de l'histoire contenu dans le texte,
sur l'explicite et l'implicite, les traces des pressions culturelles, on peut
se demander, par exemple, pourquoi un tel contexte historique a
été omis dans un roman quelconque ? Il s'interroger aussi sur le
discours marginal d'un personnage ou le discours dominant qui marque le
récit (sociolecte et stéréotype).
Globalement la sociocritique est définie par
Popôvic : « analyser, comprendre, expliquer, évaluer ce
sont les quatre temps d'une herméneutique, c'est pourquoi la
sociocritique- qui s'appellerait tout aussi bien socio-sémiotique- peut
se définir de manière concise comme une herméneutique
sociale des textes »63, c'est une interprétation
plus centrée sur le caractère social du texte en puisant toujours
dans les traditions, habitus et cultures de la société.
57 Marc Angenot, le discours social
problématique d'ensemble, 1984, p : 20
58 Ibid. p : 20
59 Régine Robin, de la sociologie de la
littérature à la sociologie de l'écriture, In ;
Littérature, n°70, 1988, p : 105
60 Yasmina Abbes. Kara, recherche sémiotique,
n°2, 2006, p : 27
61 Régine Robin, de la sociologie de la
littérature à la sociologie de l'écriture, p : 99
62 Thomas Kuhn, revue de la recherche scientifique,
n°1, 2003, p : 7
63 Pierre Popovic, la sociocritique,
définition, histoire, concepts, voies d'avenir, 2011, p : 17
Chapitre II Etude sociocritique
36
2.2. Concepts de bases : 2.2.1. Le sociogramme
:
Pour aborder la sémantique historique, on lui rattache
ce que Claude Duchet appelle le sociogramme, car ils sont liés
l'un à l'autre, il le définit comme : « ensemble flou,
instable, conflictuel de représentations partielles, centrés
autour d'un noyau, en interaction les unes avec les autres
»64, ce noyau est au coeur du sociogramme, il contient un
oxymore autour duquel gravitent des oppositions multiples, par exemple «
pauvre mais honnête » est au coeur du sociogramme du pauvre au
19esiècle, mais Hugo pousse l'oxymore à sa limite et
devient « forçat mais juste » c'est une opposition mais qui a
sa valeur dans le roman, on peut relever plusieurs oxymores tel
ville/cité, révolution/guerre ...
Le terme sociogramme est utilisé par C. Duchet
pour remplacer celui de reflet idéologie qui jadis
évoquait la domination et l'univocité, son but était
d'exprimer la nature entre littérature et réalité sociale,
quant à la sémantique historique, elleétudie :
« le devenir en longue durée de la signification des mots et
leur circulation dans la parole publique »65
Ces définitions appellent, pour être comprises,
les notions d'information, d'indice et de valeur qui sont impliqués
directement dans la texualisation ou la mise en texte, c'est-à-dire la
transformation par l'écriture des indices en valeurs,
cela a pour effet de transformer le domaine des idéologies et l'univers
des discours et le réelsémitisé (indice) en unités
qui prennent une charge sémantique discrète qui se
différencient les unes des autres (valeur). Notons que valeur
devrait être pris au sens saussurien.
2.2.2. Le sociolecte :
Pierre Zima donne le nom de sociolecte et le définit :
« comme langage collectif et comme système modélisant
secondaire, dont le répertoire lexical, pertinences et taxinomies
rendent possible la production d'un certain type de discours que l'on reconnait
sur les plans lexical et sémantique »66, en
d'autres termes le sociolecte est un type de discours et un conglomérat
de langages spécifique à une collectivité
déterminée en interaction dynamique, ces sociolectes permettent
à chaque groupe de se définir et de critiquer explicitement ou
implicitement les autres groupes, un sociolecte humaniste, religieux,
révolutionnaire, idéologique...
64 Claude duchet cité par R. Robin op.cit. p :
106
65 Pierre Popovic, la sociocritique,
définition, histoire, concepts, voies d'avenir, p : 17
66 P. Zima, texte et société, Harmattan,
p : 90
Chapitre II Etude sociocritique
37
Dans une autre définition P. Zima clarifie : «
un sociolecte peut ainsi être défini comme un langage
collectif marqué par un lexique, une sémantique et un faire
taxinomique particulier qui peuvent engendrer des parcours narratifs ou
discours plus ou moins cohérent »67, le sociolecte
entre dans le fond de la discipline sociolinguistique à laquelle
l'écrivain se confronte continuellement, il est défini par
opposition à idiolecte qui est l'utilisation individuelle d'un certain
langage. Dans notre travail, nous traitons le sociolecte en tant que parler
spécifique qui indique sur une idéologie manifeste dans le
texte.
2.2.3. L'idéologie dominante :
La classe dominante impose sa domination à travers un
langage diffusé via les outils de socialisation comme les media, les
lieux de culte, l'université...etc. C'est une sorte
d'hégémonie discursive, on peut la définir comme : «
la doctrine, directement liée à des enjeux politiques par
laquelle la fraction de classe la plus proche du contrôle des appareils
d'Etat justifie sa domination »68. L'écrivain peut
adopter cette idéologie dans son écriture ou il peut
carrément la contredire dans le cas où il veut corriger ou
contester certaines réalités historiques masquées et
faussées oudans le cas où il défend les
intérêts des groupes dominés étant donné que
ces derniers subissent les aspects négatifs de l'hégémonie
discursive tels les tabous, les interdits, et la censure.
La proposition marxiste nous résume cet état des
faits : « des idées dominantes d'une époque sont des
idées de la classe dominante »69
2.2.4. L'intertextualité :
L'approche sociocritique traite l'immanence du texte mais
s'intéresse aussi à son entour (le hors-texte parlé ou
écrit ; le texte entre en relation dialogique ou intertextuelle avec les
autres textes, le concept d'intertextualité introduit par Julia Kristeva
qui se réclame de la théorie dialogique du langage
développé par le groupe de M. Bakhtine. Selon eux : « le
texte littéraire ou non littéraire n'est pas une monade : (...)
il entre en dialogue. Un tel dialogue peut prendre la forme d'un pastiche,
d'une parodie, d'une polémique ouverte ou latente ou d'une critique
»70, naturellement, l'écrivain, avant tout, est un
grand lecteur, quelqu'un qui est imprégné, sans le vouloir, des
traces des écrits des autres, le chercheur doit chercher ces
interactions.
67 P. Zima cité par Popovic op.cit. p : 21
68 M. Angenot, le discours social problématique
d'ensemble, p : 29
69 Ibid. p : 31
70 Pierre Zima, texte et société,
Harmattan, p : 76-77
Chapitre II Etude sociocritique
38
2.2.5. Le stéréotype :
Il y a une grande présence du stéréotype
dans la littérature contemporaine. Les idéesreçues, les
clichés façonnent notre vision du monde ; c'est une
représentation figée, vraie ou fausse, sur l'autre, on
préjugeait le citoyen indigène de « paresseux » et le
juif de « avare » ....La thématisassions de la pensée
stéréotypie pourrait se faire en substituant le
stéréotype à la personne concerné dans le
récit.
Dans son analyse du stéréotype, Henri Boyer le
définit comme : « une sorte de représentation que la
notoriété, la fréquence, la simplicité ont
imposé comme évidence à l'ensemble de la communauté
(...) il s'agit donc d'une structure sociocognitive figée
»71. Généralement les groupes sociaux
utilisent le stéréotype à des fins dévalorisantes
à l'autre. C'est une idée qui n'a, bien sûr, aucun
fondement logique, mais le public aime les raccourcis et les jugements
aléatoires.
2.3. Analyse sociocritique du roman :
En guise de simplification, Vincent Jouve a établi un
plan d'analyse qui se résume en trois champs à savoir :
l'explicite, l'implicite et l'oblique.
2.3.1. L'explicite :
Dans ce champ on doit s'interroger essentiellement sur les
références historiques qui parsèment la surface du roman,
le référent social, le dit et le non-dit (le tu) du roman.
? Le dit du roman :
? Les structures sociales :
Le roman Canicule glaciale est directement
impliqué dans l'Histoire de l'Algérie colonisée et
l'Algérie indépendante, il existe deux grandes étapes
représentées par les actions des personnages qui ont un point
commun symbolique à savoir la caserne d'Oran où ils se sont
rencontrés pour accomplir une action commune ; dans la première
étape d'avant-indépendance est surtout marquée par la
relation amicale de la famille d'Afulay avec le couple de colons « Gomez
», mais conflictuelle teintée de haine et de mépris avec le
père de Sandrine « le colonel Christophe Bigard ».la question
posée est ; y a-t-il des bon colons et de mauvais colons ?
71 Henri Boyer, stéréotype,
emblème, mythe, ENS-Editions, 2008, p : 5
Chapitre II Etude sociocritique
39
La France a encouragé les migrants européens de
diverses nationalitésà s'installer en Algérie et
d'accaparer les terres agricoles et moderniserle secteur économique qui
était archaïque jusque-là : « entre les
années 1830 et 1880, l'Etat s'efforce d'installer des colons sur les
terres qu'il accapare, achète ou libère. Il s'agit d'une petite
colonisation (...) les premiers colons se consacrent surtout à la
culture des céréales.»72. Cette politique de
colonisation était surtout bénéfique pour l'Etat
français et pour ses citoyens, au contraire de l'indigène qui
était vu comme un paresseux, qui ne travaille pas, qui passe toute sa
journée dans le jeu de carte et boire le thé et café
à l'image du père d'Afulay « Daoud Rochdi » il est
dépeint dans le roman : « recroquevillé sur
lui-même, le regard pensif, englouti dans sa carapace
»73 , mais après l'arrivée du couple Gomez
sa vie a changé « depuis l'installation des Gomez dans notre
village Hab L'Mlouk, mon père a décidé de quitter l'ombre
»74 , ce changement étrange et soudain s'explique
par le besoin du travail de l'indigène et la nécessité de
sortir de sa marginalisation et de son état d'aliénation. Souvent
l'autochtone travaillait comme « khammès » ou
métayer chez le colon. Le sociologue français P. Bourdieu a
réalisé une étude sociologique sur la
sociétéalgérienne durant la colonisation où il
décortique profondément ce statut de l'indigène : «
le khammès est lié au patron qui dicte les clauses et
s'assure seul contre le risque ; il abdique liberté et initiative et ne
reçoit qu'une très faible part de la récolte
(1/5)»75. Cette situation s'assimile à une sorte de
servage visible et apparente, mais cela n'empêche pas que de bonnes
relations naissent de ce contrat de travail, des intérêts communs
consolident cette coopération. La politique de répression
était sévèrement menée par l'armée
française, elle est représentée par la figure du colonel
« Christophe Bigard » à travers son caractère rustre et
méprisant envers Afulay, il insinuait que les indigènes ont
« un queue par le derrière », c'est une image
stéréotypée qui a marqué le parcours narratif
d'Afulay et l'a nourri de rancune et de volonté de vengeance du colonel,
l'armée coloniale imposait une violence inouïe à
l'égard des populations autochtones notamment durant les insurrections
qui se déclenchaient çà et là sporadiquement dont
les évènements du 8 mai 1945 en est le plus bel exemple. Bourdieu
nous en donne une belle analyse : « à mesure que la
colonisation s'implante et s'installe la sociétéalgérienne
se désagrège, donnant au colon une justification
supplémentaire pour éviter et mépriser
»76, cette distanciation entre indigènes et
françaissème les premières semences de la révolte
générale des autochtones contre la colonisation. Dans sa
volonté absolue de domination, l'armée coloniale a
créé une nouvelle entité qui s'appelait « caïd
», historiquement connue comme intermédiaire entre
l'administration
72 Pierre Bourdieu, la sociologie de l'Algérie,
Que sais-je ?, p : 95
73 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 14
74 Ibid, p ; 21
75 Pierre Bourdieu, Op.cit. p ; 59
76 Ibid. p : 99
Chapitre II Etude sociocritique
40
coloniale et la population locale, cette position des «
caïds » était généralement mal utilisée
pour imposer des injustices et extorquer les biens des groupes dominés.
Ce fait colonial est présenté par A. Zaoui dans le portrait du
caïd Ramdane Laouedj : « un village où les habitants sont
à la merci du caïd Ramdane Laouedj, boiteux, violeur et voleur
»77, c'est l'image type d'un agent indigène mis au
service des classes dominantes européennes. Soit un double mépris
auquel est exposé l'autochtone, d'abord par l'administration coloniale
puis par ses agents de l'autorité française qui étaient
les « caïds ». Ces derniers usent et abusent de leur pouvoir
dans le sens d'exactions, cette situation de plus en plus insupportable a
engendré les premiers indices de l'explosion révolutionnaire.
? Oran, cadre d'une vie idéale :
En imaginant un cadre de vie idéale en accord avec ses
pensées de tolérance et de vivre-ensemble, l'écrivain a
perçu Oran une cité féconde, très significative en
terme de coexistence, une ville méditerranéenne accueillant
toutes sortes de confessions, car il y a la joie, la musique et les belles
femmes européennes et arabes, les lieux du culte se côtoient sans
aucun problème, toutes les langues y sont parlées et comprises.
Naturellement, Oran était toujours aimée à cause de la
sympathie de ses habitants, les différents conquérants qu'elle a
connus (espagnoles, français, ottomans) l'ont donné un
caractère cosmopolite, mais surtout à cause des écrivains
illuminés qui y passaient souvent leur vacance ou en profitaient dans le
cadre de leur travail à l'image d'Albert Camus. A. Zaoui fait
l'éloge d'Oran en disant : « dans cette ville ouverte
cohabitent les musulmans, les juifs, les chrétiens et les autres
»78 et dans un autre passage il dit : «
très vite, le sentiment d'appartenir à cette ville bleue a
germé dans les tréfonds de ma mémoire
»79.
La deuxième étape représentée dans
la fiction de Zaoui réfère à l'après
indépendance qui est caractérisée par deux thèmes
majeures ; le coup de force de 1962 et la décennie noire.
? Le coup de force de l'été 1962
:
C'est une escale très cruciale dans l'histoire de
l'Algérie, qui a basculé dans des moments de doute juste
après le départ de la puissance coloniale après 132 ans
d'occupation. Les combattants de la liberté étaient placés
devant le fait accompli et ils devaient construire leur pays comme ils
l'avaient tant rêvé et espéré. Malheureusement les
évènements qui ont suivi le
77 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 16
78 Ibid, p ; 86
79 Ibid, p ; 90
Chapitre II Etude sociocritique
41
cessez-le-feu, le 19 mars 1962,étaient des plus
désolantset ont mis le nouvel Etat dans une crise dont les effet pervers
se ressentent jusqu'à nos jours, et pour cause les conflits internes
entre les frères d'hier se sont déclenchés avec violence ;
« les jours de l'indépendance courent, se suivent à
toute vitesse, les nouvelles de violence et de guéguerre
déclarées entre les frères d'hier »80,
ainsi l'espoir de bâtir un pays moderne se dissipe peu à peu :
« les camarades de la révolution, se propagent, elles nous
attristent. L'espoir de construire un pays moderne, démocratique et
pluriel sombre dans la haine et le clanisme »81, la
fraternité d'hier a laissé place aux luttes intestines. Cet
été 1962 était le théâtre d'affrontements
entre l'armée des frontières et l'armée de
l'intérieur, une lutte fratricide autour de l'accession au pouvoir.
L'historien Charles Robert Ageron auteur du livre Histoire de
l'Algérie contemporaine nous rapporte des faits : « Des
fusillades meurtrières opposèrent à Alger même les
partisans des deux camps ; des accrochages sanglants eurent lieu dans divers
secteurs (...) Alger fut démilitarisé ce qui permit aux forces de
Boumediene.d'entrer sans coup férir dans la ville le 10 septembre
assurantainsi la victoire définitive de M. Ben Bella
»82. Ainsi est née une crise historique, le premier
coup d'Etat, selon l'auteur, contre la légitimité a
instauré la suspicion au sommet du pouvoir. Smail Goumeziane nous relate
sa version des faits : « le 9 septembre, l'armée des
frontières baptisée ANP (armée nationale populaire)
commandée par le colonel Boumediene qui avait tout organisé,
entra dans la capitale »83. Cette période
d'anarchie et de règlements de compte a vu l'exode massif des
Européens et juifs et même les harkis ou les musulmans
pro-françaisaprès que leur vie s'est avérée en
danger. La primauté du civil sur le militaire n'est plus valable puisque
l'Assemblée nationale constituante, qui proclama la naissance de la
République algérienne démocratique et populaire,
« n'y figurait aucun membre du dernier G.P.R.A ; en revanche, cinq
militaires, dont le colonel Boumediene, occupaient les postes-clés
»84, cette situation avait des conséquences sur le
plan politique mais surtout idéologique car les nouveaux maitres du pays
sont majoritairement inspirés du nationalisme arabe
nassérienlui-même proche des frères musulmans d'Egypte de
l'époque. Cette contiguïté idéologique s'affirmera
par le choix du Parti unique comme système de gouvernance, ce parti-pris
pour la force militaire entrainera l'exclusion de toute opinion opposante, la
censure et autres formes de dictature. A ce climat d'incertitudes s'ajoutent le
taux de chômage élevé qui dépassait : «
deux millions de chômeurs et 2 600 000 personnes sans ressources
»85, ces difficultés sociales sont
entrainées par le manque de cadres administratifs et
80 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 214
81 Ibid, p ; 214
82 Ch. Robert Ageron, histoire de l'Algérie
contemporaine, Ed ; que sais-je, 1964, p : 116
83 S. Goumeziane, Algérie l'histoire en
héritage, p : 330
84 Ch. Robert Ageron, Histoire de l'Algérie
contemporaine, Que sais-je ?, p : 117
85 Ibid. P : 119
Chapitre II Etude sociocritique
42
techniques qui pouvaient gérer les secteurs en faillite
après le départ des colons. Une autre politique appliquée
par les dirigeants avait approfondi les déchirures entre les population
est celle de l'arabisation ; par souci de conquérir une
indépendance totale, la révolution avait voulu tout arabiser sans
tenir des conséquences néfastes comme l'a montré Smail
Goumeziane : « Taleb El Ibrahimi créa des sections en langue
arabe au côté des sections en langue française plutôt
que d'arabiser progressivement module par module, il fut ainsi à
l'origine du clivage artificiel entre « arabophones » et «
francophones »86, et de poursuivre, toujours selon ses
analyses : « à partir de là, le ver de l'islamisme
politique entrait dans la pomme »87. Amin Zaoui cite dans
le roman : « le pouvoir vient au secours des islamistes
»88 En effet, les arabophones ont l'habitude de traiter
les francophones de traitres et de fils de la France, les francophones à
leur tour ripostent par qualifier leurs adversaires de bédouins,
d'arriérés et d'obscurantistes. Ce clivage est visible surtout
chez les intellectuels, avec l'arrivée des parties politiques aux
années 80's les choses se sont aggravées, les insultes sur la
télévision sont devenues un menu quotidien.
? L'extrémisme religieux :
Par suite d'accumulation de crises, de conflits et
d'échecs économiques et éducatifs, mais surtout suite au
clivage linguistique entre arabophones et francophones que le fondamentalisme
religieux est apparu, encouragé par l'arrivée massive des
enseignants orientaux dans le cadre de la politique d'arabisation. Dans le
récit d'Amin Zaoui, il fait endosser la responsabilité de cette
radicalisation idéologique sur le régime politique qui a tendu,
selon lui, la main aux extrémistes religieux pour contrecarrer les
courants démocratiques et avant-gardistes dans les campus universitaires
: « le pouvoir du colonel Boumediene cherche un allié
saisonnier, il vient au secours des islamistes afin d'écraser les forces
politiques de la gauche »89. Amin Zaoui decrit le profil
de l'extrémiste : « une barbe indisciplinée, sauvage
»90 , La suite de ces dérapages est catastrophique
sur les pays et le future des jeunes générations dont la
majorité ira s'exiler pour fuir la mort durant la « décennie
noire » ou « rouge » sanglante où le pays était
sur le point de s'écrouler sous les coups du terrorisme islamiste.
? Le « tu » du roman :
? Le discours de la famille :
86 S. Goumeziane, Algérie Histoire en
héritage, P : 374
87 Ibid. P : 374
88 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 216
89 Ibid, p ; 216
90 Ibid, p ; 218
Chapitre II Etude sociocritique
43
L'auteur a certes mis au premier plan les raisons
idéologiques qui ont mené Afulay à la radicalisation, mais
d'aprèsnotre analyse de son parcours narratif que nous avons fait dans
la partie sémiologique le personnage (narrateur) a vécu une
enfance difficile, ayant un père fainéant qui menait une vie
monotone avant l'arrivée du couple Gomez qui allait tout changerpour
lui. Ce père, irresponsable, était entré dans une relation
amoureuse avec Izilda sous les yeux de son fils et de sa femme qui est devenue
folle de rage et de jalousie. Face à cette situation compliquée,
Afulay décide de quitter la maison et l'école
définitivement : « abandonner définitivement les bancs
de l'école »91. Il y a aussi sa volonté de
vengeance de Ramdane Laouedj le caïd qui réprimait le village. Donc
le récit met en évidence une enfance perturbée et
difficile de l'enfant autochtone à l'opposé de ses deux
collègues Augustin et Levy. Dans le processus de radicalisation, le
discours de la famille joue un rôle essentiel dans l'équilibre
psychologique du radicalisé, un rôle négligé par
l'auteur.
? Le facteur économique :
Le discours économique a été
négligé dans la formation d'un extrémiste, la force des
groupes terroristes tient dans sa capacité de récupération
des marginaux sociaux en leur promettant le paradis dans l'au-delà, mais
surtout en aliénant ici-bas avec la promesse de l'argent et une belle
situation pour le « candidat au martyr » et pour sa famille. La
plupart des extrémistes viennent des couches sociales
défavorisées et pauvres, chose négligée par
l'auteur.
? La problématique identitaire :
Dans la composition plurielle de l'identité
algérienne il existe des berbères, des chrétiens, et des
juifs, mais aussi les arabes qui se sont implantés notamment
après les conquêtes consécutives de l'Afrique du nord. En
lisant le roman d'Amin Zaoui on découvre l'identité juive et
chrétienne aisément, à l'inverse il y a une confusion
quand il s'agit de l'identité arabe et berbère, l'écrivain
assimile les deux composantes à l'instar de l'Arabe tué par
meursault dans L'étrangerd'Albert Camus, or il faut distinguer
entre Arabe et Berbère. M. Arkoun, repris par notre professeur Abdellah
Bakouche dans sa contribution sous le titre M. Arkoun et le Maghreb pluriel
: pour une approche scientifique,constatait que contrairement à la
conception islamiste réductrice de l'identité maghrébine
à deux dimensions, arabe et islamique : « M. Arkoun postule
l'existence de trois cultures au moins, correspondant à trois langues
qu'il conviendrait de déterminer par des enquêtes sociologiques
(...) à savoir le berbère (...) la langue arabe (...)
91 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 117
Chapitre II Etude sociocritique
44
enfin le français que l'auteur qualifie de langue
des super-élites »92. Notre identité est
multiple, africaine avec une dimension méditerranéenne, dans ce
sens M. Arkoun invite à : « explorer la dimension
méditerranéenne de la personnalité maghrébine (...)
pour ainsi restaurer la solidarité des Maghrébins avec le monde
méditerranéen »93
2.3.2. L'implicite :
Dans ce volet on procèdera à identifier les
rapports textuels du roman ainsi que l'idéologie dominante, l'homologie
du processus historique avec le récit romanesque.
? L'intertextualité :
Nous avons vu dans l'analyse sémiologique que l'auteur
avait brouillé les normes classiques du roman en vertu d'une imitation
des écrivains du nouveau roman, ce brouillage qui caractérisait
le nouveau roman est un signe de l'inquiétude qui régnait dans
les années 50's et 60's en France, A. Zaoui s'en est inspiré pour
contester l'ordre social. Nous pouvons suggérer aussi l'existence d'une
analogie thématique entre notre roman et celui de Rachid Mimouni le
fleuve détourné (1984) dans la mesure où le fleuve
qui a été détourné de son cours a fait allusion
à l'indépendance qui a été dévié de
ses principes initiales à savoir la diversité culturelle, le
partage des biens, la dignité et l'égalité des chances
entre citoyens,
Le fleuve détourné raconte l'histoire
d'un maquisard qui a été porté disparu dans le maquis,
mais à la surprise générale il a
réapparuaprès de longues années du cessez-le-feu et
là il sera témoin de l'Algérie indépendante
où la corruption, le vol, le népotisme et toutes sortes de maux y
régnaient.
Il y a aussi une grande ressemblance entre Canicule
glaciale et lepremier homme (1994) d'Albert Camusdont le
thème de la quête du père occupe une place essentielle,
dans les deux romans le héros cherche désespérément
à restituer l'image du père qu'il n'a jamais vu ou connu. Amin
Zaoui a imité en pastichant ces deux ouvrages précités en
en empruntant le thème principal.
? La grande Histoire et histoire du récit
:
Il y a une homologie apparente entre le temps du
récitet la grande Histoire dans la mesure où les personnages,
Augustin, Levy Al N'qaoua et Afulay, évoquaient directement des
grandes
92 A. Bakouche, M. Arkoun et le Maghreb pluriel : pour
une approche scientifique, In ; Insaniyat n°43 ; 2009, P : 70
93 Ibid. P : 71
Chapitre II Etude sociocritique
45
figures historiques de l'Afrique du nord et de
l'Algérie en particulier, c'est un message implicite voulu par l'auteur
pour signifier l'existence d'une diversité culturelle, ethnique et
linguistique depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours que le pouvoir
politique a voulu effacer et escamoter.
M. Arkoun toujours repris par Dr. A. Bakouche a livré
une analyse pertinente : « parmi les obstacles
épistémologiques qui ne cessent de retarder l'avènement
d'une ère de « réévaluation/critique » (...)
l'auteur met en cause les dérives vers un islam militant et un arabisme
abstrait et intolérant accentués après les
indépendances »94
L'auteur du roman évoque la vie idéale de
l'Andalousie à travers l'image d'Averroès, le grand philosophe
qui se situe dans le confluent de la pensée orientale et occidentale,
sachant que c'est lui qui a introduit l'interprétation de la philosophie
d'Aristote à l'occident : « je suis l'arrière-petit fils
d'Averroès commentateur d'Aristote »95
? L'idéologie dominante :
Selon une expression marxiste, une idée dominante n'est
que l'effet d'une classe dominante. Durant l'occupation l'idéologie
dominante fut celle de la colonisation, cette dernière imposait des lois
coercitives et légiférait pour le besoin de sa survie, elle
censure et punit. En contrepartie le discours marginal est porté par les
indigènesqui revendiquent leur autonomie par rapport à la classe
dominante. Après l'indépendance c'est le nouveau régime
politique qui impose sa domination et son hégémonie
langagière en employant les média, l'université, les lieux
du culte ...etc. Cette idéologie issue de l'alliance entre nationalisme
et islamisme dominait toutes les sphères, les persécutions des
opposants et des minorités linguistiques en sont les
conséquences. Cette idéologie est représentée dans
les paroles d'Afulay après sa radicalisation : « c'est un juif,
c'est haram de lire la fatiha sur son âme »96
? La polyphonie : (voix dialogiques)
C'est Michail Bakhtine (1895-1975) qui a jeté les bases
de la théorie dialogique, cette notion désigne : «
l'existence et la concurrence de plusieurs voix dans un texte où
s'expriment les points de vue idéologiques ou sociaux divergents, voire
incompatibles »97
Pour Bakhtine « le langage est un medium social et
tous les mots portent les traces, intentions et accentuations des
énonciateurs qui les ont employés auparavant
»98.
94 Ibid. P : 72
95 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 54
96 Ibid, p ; 221
97 A. Viala, P. Aron, le dictionnaire du
littéraire, PUF, 2002, P : 181
Chapitre II Etude sociocritique
46
Dans la proposition de Levy où il y dit : «
nous aussi, il faut que nous regagnions le maquis »99,
il y a un discours dialogique là-dedans puisque cette phrase est une
réponse à une voix intérieure, une voix dans l'esprit de
locuteur, comme s'il répond à cette injonction intérieure
: « vous devez agir, vous devez faire quelque chose », cette
voix interne est celle de la communauté, du groupe social auquel il
appartient. Ce discours dialogique est révélégrâce
à la théorie du dialogisme de Bakhtine. De la même
manière on découvre cette voix tierce dans l'expression : «
moi aussi un indigène, ould l'blad, fils du bled
»100, Levy utilisait un discours implicite en se
référant à un stéréotype doxique qui
déniait aux juifs d'Algérie le statut autochtone, les
considérant comme étrangers. Levy essayait de convaincre son
interlocuteur que, lui aussi,il a le droit de défendre son pays.
2.3.3. L'oblique :
Dans ce volet de sociocritique, on fera l'analyse du
stéréotype et du sociolecte.
? Le stéréotype :
Comme nous l'avons déjà défini, le
stéréotype est une idée reçue sur l'autre, cette
idée est révélatrice sur certains traits de
l'idéologie. Dans sa discussion avec Afulay, Sandrine a utilisé
un stéréotype révélateur : « est-ce que
toi aussi, à l'image de tous autres Arabes, tu as une queue comme celle
d'un singe ou d'un âne »101, or le fait qu'un Arabe
est imaginé comme ayant une queue cela entretien un
stéréotype dévalorisant qui exprime l'idéologie
raciste des colonialistes qui mettent les indigènes et les animaux
à égalité, dans le même sac. Par ailleurs, la
dénomination « Mohammed » attribuée à
Afulay ainsi qu'à Duval, le religieux français, est un
stéréotype collé au dos des hommes arabes en les appelant
tous par ce nom et les femmes par le nom « fatma ». Les
autochtones également utilisent la dénomination « roumi
» pour designer l'européen ou le chrétien
particulièrement.
Chaque groupe social portait des préjugés sur
l'autre, ce qui a fait naitre ce grand fossé qui séparait les
deux communautés autochtone et européenne.
98 Ibid. p : 182
99 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 202
100 Ibid, p ; 177
101 Ibid, p ; 114
Chapitre II Etude sociocritique
47
? Le sociolecte :
Etant donné que le roman est essentiellement
chargé de faits historiques, naturellement, les personnages emploient le
sociolecte qui a trait à l'histoire tel le sociolecte
révolutionnaire utilisé par Levy dans la caserne. Le sociolecte
idéologique est utilisé par Augustin dans son exposé sur
le passé de ses grands-parents notamment son grand-père qui
lisait souvent L'Humanité l'organe de presse des communistes
français il disait : « il n'y a pas de guerre juste. Toutes les
guerres sont sales »102 . Afulay après sa
radicalisation utilisait le sociolecte religieux pour défendre sa
nouvelle idéologie : « c'est un grand péché
intolerable et impardonnable d'enterrer les ossements d'un Levy dans le
cimetiere des martyrs (...) il est juif, il est sale »103
En appliquant une lecture sociocritique à ce roman nous
avons pu identifier le hors-texte sur lequel est bâti la fiction du roman
et les différents groupes sociaux qui forment la communauté
indigène ainsi que la communauté européenne en
Algérie, également les différents discours qui occupaient
l'imaginaire de la société du roman, mais le plus essentiel dans
cette analyse est l'identification de la source de toutes les crises de
l'Algérie actuelle et qui réside, selon l'avis de l'auteur, dans
le coup de force de l'été 1962.
102 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 61
103 Ibid, p ; 223
48
Conclusion générale
Conclusion générale :
Notre étude du roman d'Amin Zaoui nous a permis de
donner un sens à la crise multidimensionnelle qui secoue
l'Algérie depuis 1962 et plus particulièrement la crise de
l'Histoire dans son acception générale qui demeure une
quête continue vers l'« objectivité ». L'Histoire est
abordée comme crise lorsque la matière historique est sujette aux
déformations et aux manipulations par les représentants de
l'idéologie dominante.
A travers notre approche sémiologique, nous avons pu
démontrer que les noms des personnages reflètent un pan de
l'Histoire oubliée voire inconnue de la majorité du peuple, ce
déni de notre passé commun a créé une
déchirure entre les différentes composantes culturelles et
linguistiques existantes et a conduit, par conséquent, à
l'échec de l'instauration d'un Etat moderne qui englobe et
protège tous ses membres et leur garantit la justice et
l'égalité. Cet échec est démontré aussi dans
la phase « sanction » du schéma de Greimas.
En prolongement du précédent chapitre,
l'approche sociocritique nous a permis d'éclaircir premièrement
;les transformations sociales survenues en Algérie avant la guerre et
après l'indépendance en en faisant une relation thématique
entre le texte et le hors-texte, deuxièmement ; les discours qui
émergent sur la surface du roman notamment le discours politique et
révolutionnaire puis le discours religieux sans oublier de faire le
point sur l'idéologie dominante qui a caractérisé
l'Algérie indépendante avec l'instauration du Parti unique comme
système de gouvernance.
Le roman Canicule glaciale peut être
considéré comme un support ou un document contre l'amnésie
générale et la négation préméditée de
l'Histoire officielle de l'Algérie et plus précisément
l'Histoire de la guerre de libération où un grand chantier reste
à explorer par de futures recherches ; c'est un plaidoyer pour un climat
de liberté et d'égalité entre toutes ses composantes,
à restaurer, sinon à restaurer. L'Algérie a
été libérée par tous ses fils de toutes les
confessions et mêmes des européens y ont pris part, par
conséquent ils devraient tous vivre ensemble à pied
d'égalité et sans différence aucune.
Nous ne pouvons pas terminer notre travail sans signaler les
difficultés rencontrées au cours de nos recherches à cause
de la situation exceptionnelle de la pandémie COVID 19, mais surtout
à cause de l'interruption momentanée des cours ce qui a
réduit au maximum les séances avec nos enseignants. Nous
signalons que nous avons imprimé plusieurs ouvrage à cause du
manque de références au niveau de la bibliothèque.
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La bibliographie
La bibliographie
- Smail Goumeziane, « Algérie, une Histoire en
héritage », Non-lieu, Paris, 2011
- Abdellah Bakouche, « M. Arkoun et le Maghreb pluriel :
pour une approche
scientifique », Insaniyat, n°43, 2009, pp ; 69-79
- Claude Duchet, « pour une sociocritique ou variations
sur un incipit », Littérature, n°1,
1971
- Charles Robert Ageron, « Histoire de l'Algérie
contemporaine », Que sais-je, Paris, 1990
- Feren Hardi, « le roman algérien de langue
française de l'entre-deux-guerres, discours
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- Henri Boyer, « stéréotype,
emblème, mythe » ENS-Editions, Montpellier, 2008, mise en
ligne
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journals.openedition.org
- Isabelle Durand-Le Guerne, « le roman historique
», Armand Colin, Paris, 2008
- Encyclopédie Universalis, tome ; 11
- Gérard Genette, « figure III », Seuil,
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- Marc Angenot, « le discours social :
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- N. Barraquin, Anne Baudart, « dictionnaire de
philosophie », Armand Colin, Paris, 2011
- N. Barraquin, D. Laffite, « dictionnaire des
philosophes », Armand Colin, 2007
- Pierre Bourdieu, « la sociologie de l'Algérie
», 8eme édition, Que sais-je ? 1960
- Nouara Hocine, « les intellectuels algériens
Mythe, Mouvance et Anamorphose »,
Dahleb-ENAG, 2005
- Philippe Hamon, « pour un statut sémiologique du
personnage », Littérature, n°6, 1972
- Pierre Zima, « texte et société,
perspectives sociocritiques », Harmattan, Paris, 2011
- Paul Ricoeur, Histoire et vérité, (3eme)
éd ; Seuil, 1990
- Pierre Popovic, « la sociocritique, définition,
histoire, concepts, voies d'avenir », 2011,
en ligne
http:// oie.uqam.ca
- Régine Robin, « de la sociologie de la
littérature à la sociologie de l'écriture : le projet
sociocritique », Littérature, n°70, 1988
- Vincent Jouve, « la poétique du roman »,
Armand Colin, Paris, 2006
- SabihaBouguerra, « Histoire de la littérature du
Maghreb », ellipses, Paris, 2010
-
www.Algérieculture.com
entretien avec Amin Zaoui le 11/01/2021
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