Lien entre les activités humaines et mouvements des éléphants (loxodonta cyclotis) autour du parc national de l'Ivindo, Gabon.par Walter D. Mbamy Université Omar Bongo - Master 2020 |
IV.2. Saisonnalité des mouvements des éléphantsA la recherche de nourriture les éléphants peuvent changer plusieurs habitats en un jour et ainsi parcourir près de 200 km en une seule journée pour une moyenne annuelle de 2 800 Km ( Mills et all, 2018). Les éléphants de forêt sont toujours en mouvement dans un environnement dont ils maitrisent les différents composants qui font partie de leur domaine vital. Le domaine vital représente les localisations d'un animal pour une période donnée selon une fréquence de répartition correspondante. Cette observation est relativement évaluée par la quantité proportionnelle de temps qu'un animal a passé dans cette zone ( Worton 1989, Seaman & Powell 1996, Momont 2007). Dans cette étude, pour évaluer le domaine vital de nos deux éléphants nous avons utilisé la méthode de polygone convexe minimum (MCP). Le mâle solitaire Nzamba dont la distance de déplacement journalière peut atteindre les 100 Km et la femelle Amelia qui se déplace avec deux juvéniles dont le plus grand pourrait être âgé de 7 ou 8 ans et le moins âgé doit avoir 3 ou 4 ans ( Beirne et al., 2019) se déplace plus lentement. La superficie du domaine vital des deux éléphants est de 76611 ha, elle est plus de 8 fois plus grande que celle de la commune de Makokou. A des moments ils se retrouvent proches des villages, à d'autres ils sont dans la forêt. Comme l'illustre la carte de la figure 7, l'éléphant Nzamba partage à lui seul plus de 7 villages en dehors du massif forestier. Il se retrouve souvent très proches des maisons et passe aussi du temps dans les concessions forestières. Cet éléphant partage à lui seul différents types d'occupation du sol, le PNI, le domaine rural et les concessions forestières (Figure 7). La carte de la figure7 nous informe que toute la partie nord du parc y compris 14 villages du canton Ntang-louli et une partie de la commune de Makokou est inclus dans le domaine vital de ces deux éléphants. Le tracé en rouge est celui de Nzamba et celui en violet est de Amelia. On remarque des concentrations importantes des tracés à des points précis. Les réunifications de tracés de la partie Est de la carte correspond aux zones d'activités champêtre des habitants du village Loaloa et Edoung-Avion. Aussi, c'est une zone fréquentée majoritairement par Amelia, on observe d'ailleurs une concentration de son tracé autour de Ipassa où elle est fréquemment observée. On a une concentration des traces de Nzamba au nord, cette zone à proximité du village Ebyeng-Edzua a vu naître un projet communautaire de plantation d'un verger initié par le Ministère de l'Agriculture. Mais il n'a malheureusement pas connu une évolution normale car les arbres plantés ont été dévastés par les éléphants. Les autres zones de jonction des tracés sont généralement des zones de localisation d'arbres prisés par les éléphants donnant saisonnièrement du fruit. Certaines zones sont des clairières marécageuses très fréquentées par les éléphants. Figure 7 : Tracé des deux éléphants de notre étude IV.2.1. Rapprochement des éléphants autour des villages par jourLes éléphants de notre base de données nous présentent un rapprochement journalier typiquement identique. Les éléphants se rapprochent le plus des maisons des villages lorsqu'il devient sombre ou très tôt le matin comme le montre le graphique 3 ci-dessous. Nous avons considéré la distance des 100 m du village parce qu'elle est le mieux représentative pour ce qui concerne l'impact qu'ils pourraient avoir sur les plantations quand on sait que les plantations sont très proches des maisons des villages. C'est autour de 16h que les éléphants commencent à migrer vers les villages et à 20h ils se retrouvent derrière les maisons pour passer toute la nuit. On comprend mieux pourquoi les dévastations des champs par les éléphants se font uniquement la nuit dans ces villages. Réalisation : Walter Mbamy, 2020 Graphique 3 : Visitation à 100m des éléphants dans les 24h Selon les résultats de projections des points GPS des éléphants à colliers, nous comprenons qu'ils vont jusqu'à se rapprocher à 100 m des villages (Figure 8). Et cela pourrait être encore plus proche car le signale du collier GPS est émis dans l'intervalle de 1 heure. Il se pourrait donc qu'ils se soient rapprochés à une cinquantaine de mètre pendant la période de latence du collier (Annexe 5 pour visualiser à grande échelle la densité des points GPS dans chaque village). D'ailleurs, les populations villageoises qui vivent la réalité des rapprochements des éléphants nous font savoir lors des enquêtes de terrain que ces derniers se rapprochent même à 0 m de la maison. Il y en a qui affirment que les éléphants vont jusqu'à se servir en eau dans les gros récipients qui servent à recueillir les eaux de pluies derrière les maisons. La grande majorité, plus de 80%, affirme que la distance de rapprochement la plus importante est à moins de 50 m car ils disent apercevoir les éléphants tout le temps et qu'a cette distance de rapprochement ils ressentent le plus d'impact de passage d'éléphants car ces pachydermes ne peuvent se rapprocher des habitations sans dévaster ce qu'ils trouvent sur leur passage (Graphique 3). Ils occasionnent soit la destruction de leur champ ou font des dégâts matériels en détruisant des biens. Entre 50 et 150 m A moins de 50 m Nombre de réponses Distance de présence de éléphants Plus de 1 Km Entre 500 et 1 Km Réalisation : Walter Mbamy, 2020 Graphique 4 : Distance d'approche des éléphants la plus importante A partir du graphique 1 nous savons désormais que les éléphants sont proches des villages 12h/24 chaque jour. Avec la densité des points des éléphants nous avons pu évaluer le nombre de temps que passe un éléphant autour d'un village par le calcul de la densité Kernel. La connaissance du domaine vital permet aussi d'analyser comment les animaux utilisent les habitats et quelles sont leurs préférences. Un autre avantage de cette méthode est qu'elle arrive bien à interpréter les domaines vitaux d'animaux ayant plusieurs zones d'activité, et dont la répartition des localisations est normale ( Seaman & Powell 1996). Figure 8 : Carte de la densité des points GPS des éléphants par village Pour ce qui concerne les deux éléphants Amelia et Nzamba, la densité de leur point peut nous révéler le temps passé dans un milieu spécifique et il y a une différence considérable entre les deux.Nzamba, il passe 30% de son temps à environ 4 km du village. C'est énorme pour un éléphant dont le domaine vital englobe plus de 10 villages du canton Ntang-Louli.Ameliaquant à elle passe 75% de son temps autour des villages et de la station de recherche d'Ipassa. Ce résultat n'est pas étonnant car cet éléphant est vu chaque semaine dans les alentours d'Ipassa et parfois autour du village Loaloa. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les points sont plus denses autour d'Ipassa (90%) et en suite de Loaloa (60%). Et ce qu'il faut noter avec Amelia, contrairement à Nzamba, c'est qu'elle vient fréquemment très proche des maisons, donc environ à 5 m des maisons (Figure9). Figure 9 : Densité Kernel des deux éléphants Amelia et Nzamba en % IV.2.2. Rapprochement annuel des éléphants autour des villages Le rapprochement annuel montre, selon les distances de 100, 500 et 1000m, que la densité des points des éléphants est plus importante pendant les mois de décembre, juillet et août. Ce qui sous-entend, selon ces données, que c'est en période de saison sèche que les éléphants approchent le plus des villages (Graphique 5). Réalisation : Walter Mbamy, 2020 Graphique 5 : Graphiques des visites mensuelles des éléphants à 100m et 500m Les éléphants mâles tels que Nzamba se déplacent très vites en passant par plus de 20 stations de ravitaillement en eau et en nourriture par jour. A 100m et 500m de distance du village, le mâle Nzamba est irrégulier. Mais à la distance de 500m on observe quand même un pique de rapprochement au mois de juillet suivi de décembre et janvier. Ce qui pourrait correspondre sensiblement à la période de saison sèche. Par contre pour la femelle Amelia, il est bien évident de distinguer quelle saison elle se rapproche le plus. D'ailleurs, lorsqu'on observe son rapprochement à 100 m, il ressort clairement que c'est au mois de septembre qu'elle se rapproche le plus, ce qui concorde avec à la saison de pluie. Et à la distance de 500 m, son pique de rapprochement est toujours au mois de septembre suivi du mois d'avril. On est toujours en saison de pluie (Annexe 8 pour visualiser la base de données brutes). La différence de saison entre les deux éléphants peut s'expliquer par la vitesse de déplacement entre des deux éléphants. Nzamba est plus rapide, par conséquent déplace le signal aussi vite favorisant la perte des informations spatio-temporelles utiles pour connaitre la saisonnalité de ses déplacements. Le déplacement lent de la femelle est favorisé par la présence des deux juvéniles qui l'accompagnent. Cet état lui permet de se sédentariser à certains endroits ou l'abondance de nourriture est évident. Se déplacer de façon objective dans différents habitats. C'est pourquoi l'étude de la saisonnalité de mouvement de Amelia nous amène à bien distinguer les saisons de l'année et savoir quelle période de l'année elle visite les plantations des villages. Cela est plus proche de la réalité car l'éléphant a une programmation saisonnière de déplacement selon la disponibilité de nourriture. En observant la visitation annuelle des deux éléphants a 100m des villages on a au moins un pique durant le mois de septembre. Or en janvier, mars et mai on a un nombre des visites d'éléphants identique. Une fois de plus les mois qui ressortent sont ceux appartenant à la saison des pluies (Graphique 6). Réalisation : Walter Mbamy, 2020 Graphique 6 : Visitation annuelle à 100 m des villages 1 En définitive, l'abondance des crottes peuvent nous renseigner sur la densité des éléphants autour des villages. D'ailleurs au Km2 nous avons une estimation de 1,72 éléphant.Cette densité d'éléphants à 2 km du village sous-entend que l'on peut croiser un éléphantà tout moment. Cela confirme l'assertion des populations selon laquelle les éléphants sont non loin des maisons et qu'ils en croisent même en allant puiser de l'eau à la rivière. Cela se justifie dans la mesure ou le tracé GPS de Nzamba et Amelia montre qu'il y a concentration des traces non loin des maisons. Aussi, leur densité des points montre qu'ils passent beaucoup de leur temps dans les zones fréquentées par les populations. Leur période favorite de rapprochement est la saison de pluie. |
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