II.1.2. Description des discontinuités
On appelle discontinuité naturelle toute surface,
plane ou courbe, constituant une séparation de la matrice rocheuse. Elle
peut être aussi définie comme étant toute cassure
mécanique ou fracture ayant une résistance en tension
négligeable dans une roche [7].
Il est important de faire la différence entre les
discontinuités naturelles, qui ont une origine géologique et les
discontinuités artificielles qui sont créées par des
activités humaines comme l'excavation d'un massif rocheux. Bien que les
discontinuités aient souvent une géométrie
irrégulière ou ondulée [8].
II.1.2.1. Influence des discontinuités sur le
comportement d'un massif rocheux
Les discontinuités peuvent entrainer plusieurs
changements sur le comportement d'un massif rocheux, à savoir :
Ø De couper la roche en plaques, blocs et coins (libres
de tomber et de bouger) ;
Ø D'agir comme plan de faiblesse pour le glissement ;
Ø De faciliter l'écoulement d'eau et créer
des réseaux d'écoulement ;
Ø D'entrainer de grandes déformations ;
Ø De changer la distribution et l'orientation des
contraintes [9].
Chapitre II. Etude bibliographique
2020/2021
25
II.1.2.2. Types de discontinuités
Les principales discontinuités présentent dans les
massifs rocheux sont :
a- Joints de stratification
Ils sont plus ou moins réguliers séparant les
strates. Ils créent une interface de deux matériaux rocheux et
ces derniers peuvent être soulignés comme de minces
dépôts argileux ou schisteux favorisant le glissement.
b- Schistosité
Elle résulte de la réorientation des
minéraux constitutifs dans une direction perpendiculaire à celle
des contraintes de compression auxquelles le massif a été
soumis.
c- Failles (fractures)
Ce sont des surfaces de rupture générées
par les effets de cisaillement issus des contraintes de compression (failles
inverses ou normales selon l'orientation des contraintes principales) ou par
traction. Le déplacement des lèvres de la rupture (le rejet) peut
avoir une amplitude nulle ou atteindre plusieurs kilomètres.
Il est évident que la genèse de la faille va
dépendre d'état de fracturation des épontes (masses
rocheuses de part et d'autre de la fracture). Les plans de faille sont souvent
marqués de stries indiquant le sens du mouvement et facilitant un rejeu
de la faille dans cette direction.
d- Diaclases
Elles correspondent à une rupture de type fragile.
Elles peuvent être des plans liés à la diagenèse et
au retrait de la roche pour certains ou d'origine tectonique pour d'autres.
Quoiqu'il en soit, dans les roches stratifiées, les diaclases se
présentent pratiquement toujours sous la forme de deux familles
orthogonales entre elles et perpendiculaires aux plans de stratification. Les
diaclases découpent ainsi des éléments
parallélépipédiques facilitant les chutes de blocs.
e- Plis
Les plis sont le résultat de la flexion d'une strate
rocheuse sous l'effet d'une force tectonique ou d'un mouvement
[9].
Chapitre II. Etude bibliographique
2020/2021
26
II.1.2.3. Propriétés
géométriques des discontinuités
Les principales caractéristiques des discontinuités
dans un massif rocheux sont : a- Orientation d'une
discontinuité
Elle est définie par sa direction et son angle de
pendage qui sont mesurés à l'aide d'une boussole
géologique. La direction de pendage est la droite d'intersection du plan
avec un plan horizontal. On caractérise cette direction par son azimut,
c'est-à-dire l'angle qu'elle fait avec la direction du nord. Elle est
toujours perpendiculaire à la direction d'un plan et elle est
mesurée en degrés (°). Tandis que le pendage est l'angle que
forme la ligne de plus grande pente avec l'horizontale [9].
Figure II.2. Représentation de la
direction et du pendage d'un plan
b- Espacement des joints
C'est la distance perpendiculaire entre les joints de
façon à obtenir le véritable écart entre les plans.
On mesure souvent l'espacement apparent et on mesure l'espacement des joints
qui varie selon les différentes faces et directions de mesures. Cet
espacement contrôle la taille des blocs individuels et le mode de rupture
et l'écoulement [9].
Chapitre II. Etude bibliographique
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Figure II.3. Mesure de l'espacement
27
Tableau II.1. Description de l'espacement des
discontinuités [9].
Espacement des discontinuités (m)
|
Description
|
<0.02
|
Espacement extrêmement étroit
|
0.02-0.06
|
Espacement très étroit
|
0.06-0.2
|
Espacement étroit
|
0.2-0.6
|
Espacement modéré
|
0.6-2
|
Espacement large
|
2-6
|
Espacement très large
|
>6
|
Espacement extrêmement large
|
c- Fréquence des discontinuités
(ë)
Elle est déterminée par comptage sur le terrain,
par exemple en mesurant l'espacement des discontinuités le long d'une ou
de plusieurs lignes tracées perpendiculairement à leur direction
ou selon des lignes traversant au mieux (statistiquement) les
différentes familles de joints [10].
Si, le long de la ligne du levé, N est le nombre de
discontinuités et L la longueur du levé, la fréquence (X)
des discontinuités vaut X = N/L et l'espacement moyen (x) vaut x = L/N.
On déduit que la fréquence est simplement l'inverse de
l'espacement moyen des discontinuités. La fréquence et
l'espacement moyen dépendent de l'orientation de la ligne de levé
par rapport à celle des discontinuités [10].
d-
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Figure II.4. Mesure de la fréquence des
discontinuités
28
Rugosité
Elle correspond à la forme de la surface de
discontinuité d'un ensemble individuel à petite échelle.
Elle doit être évaluée sur la base des critères
visuel et sensoriel. Un coefficient de rugosité du joint (JRC) peut
être adapté : il va de 0, pour une surface plane et lisse
(Fig.II.5b), à 20, pour une surface très rugueuse (Fig.II.5a).
Figure II.5. Réseau de fracture, zoom
sur la rugosité d'une fracture (a) et une fracture
linéarisée (b)
e- Persistance
La persistance est l'extension spatiale où la longueur
d'une discontinuité peut être directement mesurée en
observant les longueurs des traces des discontinuités sur les
affleurements [8].
Figure.II.6. Persistance de différents
ensembles de fractures
(a) : Deux ensembles de diaclases persistants avec persistance
élevée ;
(b) : Un ensemble de diaclases avec persistance
élevée + un ensemble de diaclases discontinues avec persistance
moyenne ;
(c) : Deux ensembles de diaclases discontinus avec persistance
moyenne ;
(d) : Deux ensembles de diaclases discontinus avec faible
persistance.
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f- Ouverture et matériaux du
remplissage
29
Il est très rare que les deux surfaces d'une
discontinuité soient en contact, généralement il existe un
espace entre elles appelé ouverture qu'elle soit remplie d'air, d'eau
(joint ouvert) ou avec des matériaux de remplissage
[8].
En général, les propriétés du
matériel de remplissage affectent la résistance aux
cisaillements, la déformabilité et la perméabilité
des discontinuités. On peut distinguer :
Ø Matériaux tendres : qui peuvent être
rayés à l'ongle ou essuyés à la main (argile,
sable) ;
Ø Matériaux durs : qui ne peuvent être
rayés à l'ongle (minéraux comme la calcite, le quartz,
etc.).
Figure II.7. Fissure ouverte et remplie
II.1.2.3. Caractéristiques mécaniques des
discontinuités
Ce sont des facteurs prépondérants pour la
stabilité du massif. Le comportement
mécanique des discontinuités peut être
considéré comme le critère de rupture de Coulomb.
Celui-ci relie la résistance au cisaillement
"r", à la contrainte normale
"0n", par la relation :
r = c
+0n tanp (II.1)
Où
"ö" est l'angle de frottement interne ;
"c" est la cohésion.
(a)
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Figure II.8. Essais de cisaillement sur "joint"
rocheux
30
Essai de cisaillement de la discontinuité ;
(b) courbe du déplacement de cisaillement par rapport
à la contrainte de cisaillement ;
(c) Courbe de Mohr de la force maximale ;
(d) Diagramme de Mohr de la force maximale et
résiduelle.
Les paramètres « c » et « ö »
déterminent par un examen morphologique détaillé des
discontinuités (rugosité, remplissage, etc.) et par des essais de
cisaillement ou autres [8].
II.2. Méthodes de classification des roches pour
l'étude des instabilités
Le but de la classification des roches est d'avoir des
informations sur les propriétés globales des massifs rocheux afin
d'avoir des valeurs représentatives constituant une base rationnelle
aidant l'ingénieur à la décision.
L'expérience accumulée sur les problèmes
de stabilité des talus anthropiques a permis l'élaboration d'une
méthodologie cohérente pour la prévision des ruptures et
le choix de mesures confortatives adaptées.
Le premier indice proposé dans ce sens s'appelle le RQD
(Rock Quality Designation) par Deere et al., (1988). L'indice RQD permet de
quantifier simplement l'état de fracturation de la roche. RQD a
étéì défini par le pourcentage de la
longueur cumulée des éléments de carottes de longueur
unitaire supérieure ou égale à 10 cm par rapport à
la longueur de la passe forée.
Chapitre II. Etude bibliographique
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31
Le RQD dépend des caractéristiques et des
conditions du forage. RQD est indépendant de la direction du forage et
peut-être effectivement considéré comme un indice global de
qualité du massif rocheux [11].
Le système de classification le plus connu est le RMR
(Rock Mass Rating) proposé par Bieniawski (1989) est basé sur
l'évaluation de 6 paramètres qualitatifs ou quantitatifs qui sont
additionnés : la résistance à la compression simple de la
roche ; la qualité du massif rocheux avec le RQD ; l'espacement des
discontinuités ; les conditions hydrauliques du massif rocheux et
l'orientation des discontinuités par rapport aux directions
représentatives du problème traité est prise en compte
dans l'un de ces paramètres.
Le Q-Système (Tunneling Quality Index)
développé par Barton et al. (1974). L'indice Q a
étéì mis au point à l'origine pour les
tunnels Barton (1973), Barton & Choubey (1977). Le Q-système tient
compte des orientations des discontinuités uniquement par le nombre de
famille existantes. Ceci est insuffisant pour analyser des fractures. Elle
n'est pas aussi fiable car elle utilise pour représenter la
qualité du terrain par un seul nombre Q.
La méthode SMR (Slope Mass Rating) proposée par
Romana (1985, 1991) est une méthode quantitative qui a
étéì développée pour
l'étude de la stabilité de versant excavé (l'état
du talus rocheux), elle est basé sur le calcul du RMR, auquel est
ajouté un produit de facteurs dépendant de l'orientation des
discontinuités et du talus (la direction des discontinuités, le
pendage des discontinuités, la relation entre la pente du talus et le
pendage des discontinuités, et la méthode d'excavation).
La méthode de Hoek-Brown n'est pas à proprement
parler un système de classification Hoek & Bray (2004), Wyllie et
al. (2004), Hoek (1998), et Hoek & Karzulovic (2000). Elle se base sur la
prise en compte d'un certain nombre de caractéristiques du massif
rocheux pour en déduire les paramètres mécaniques globaux,
angle de frottement interne et cohésion du massif rocheux. Ces
paramètres seront ensuite utilisés dans des méthodes de
calcul de stabilité de type de celles employées en
mécanique de massifs. La détermination ces paramètres se
basent sur certaines caractéristiques du matériau rocheux et la
détermination de l'état de fracturation du massif qui est GSI
(Geological Strength Index).
II.3. Instabilité des massifs rocheux
Un mouvement de terrain est un déplacement plus au
moins brutal du sol ou du sous-sol, sous l'effet d'influence naturelle (agent
d'érosion, pesanteur, séisme...etc.) ou anthropique
(exploitation, déboisement, terrassement...etc.). Ce
phénomène comprend diverses manifestations : lentes ou rapides,
en fonction des mécanismes initiateurs, des matériaux
considérés et de leur structure [12].
Chapitre II. Etude bibliographique
2020/2021
32
Nous distinguons deux grandes familles d'instabilités :
II.3.1. Mouvements rapides II.3.1.1.
Ecroulements
Ce sont des chutes soudaines de masses rocheuses qui se
détachent d'une paroi en se désorganisant. Ils sont
représentés par l'effondrement d'un pan de falaise verticale pour
venir former, au pied du versant, des nappes de matériaux grossiers qui
peuvent s'étendre sur plusieurs kilomètres. Ils se produisent
pour des configurations géologiques particulières : fissures
parallèles à la surface libre ou présence d'un banc
érodable sous une couche résistante...etc
[13].
Figure II.9. Deux types d'écroulement :
a) par rupture d'un plan de falaise ; b) à la suite d'un
glissement plan
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