Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschangpar Jonias KAMWA KAMDE Université de Dschang Cameroun - 2019 |
2.2 Préjugés ethniquesDe plus en plus, les uns et les autres arrivent à une catégorisation des populations à Dschang à travers des idées préconçues, des préjugés ethniques. Faux ou pas, là n'est pas le noeud du problème. Ce qui importe c'est que les uns et les autre à force d'être taxer de tous les maux ont fini par y croire et à vivre selon ce qui est dit d'eux. Toute chose qui affecte considérablement leur vie en société. Les réponses aux différentes questions du guide d'entretien employé dans ce travail font état de ce que les ethnies sont stéréotypés ; que plusieurs étiquettes sont collées à certains à tort ou à raison. Voici quelques étiquettes collées à certaines ethnies issues de la descente sur le terrain : « les bamilékés sont incapables de gouverner et de faire la politique, ils sont des tontinards ; les bétis sont des sardinards »64(*). « Lorsqu'on dit par exemple que les bamilékés ne pourront jamais accéder au pouvoir ça fragilise la couche massive ce sont des mots dissuasifs pour vous décourager à participer aux mouvements politiques. En fait c'est créé pour ça, influencer la participation politique des populations »65(*) . Les notions de « tontinards » et de « sardinards » plus précisément, loin d'être des simples mots utilisés comme référence à deux peuples précis à savoir Bétis et Bamilékés sont porteurs de sens. Les récits remontent à la dernière échéance électorale pendant laquelle l'on a assisté à un réel spectacle opposant ces deux groupes. Dans leur article intitulé « pour vaincre le tribalisme,R GMÜNDER et J-B KENMOGNE66(*) montrent que le tribalisme est en nous et se manifeste par bien de chose comme le phénomène de boucs émissaires, le sentiment de persécution, la généralisation. Bien plus encore, ils montrent que le tribalisme se manifeste par les stéréotypes et préjugés qui au fil du temps, servent à catégoriser et à caractériser certains groupes sociaux. R-K MERTON67(*) exhortait et recommandait dans ses travaux un principe pour l'analyse des phénomènes sociaux. Il proposait d'identifier les fonctions manifestes et les fonctions latentes dans l'analyse. Au regard des données collectées et analysées, nous remarquons que certaines fonctions parfois inavouées et cachées ressortent en surface ; des effets indésirables par les populations. À la lumière donc de cette théorie, nous comprenons un certain nombre de chose par rapport à l'ethnicisation du champ politique dans l'arrondissement de Dschang. Les différentes interventions sur la question concernant les motivations dans l'ethnicisation politique à Dschang nous amènent construire le graphique suivant : Graphique 1: Hiérarchisation des motivations dans l'ethnicisation politique Source : données de terrain, 2019. Selon les différentes raisons avancées par les enquêtés concernant les motivations de l'ethnicisation du champ politique, nous avons pu dresser ce graphique dans l'optique d'hiérarchiser, classifier selon les tendances ces dernières. Nous y retrouvons quatre modalités à savoir : stratégie politicienne, valorisation de l'ethnie, rationalité communautaire et catégorisation des peuples, chacune étant représentée par une couleur. La tendance dominante est une stratégie politicienne, suivie par la valorisation de l'ethnie et la catégorisation des peuples qui sont égaux et la catégorisation des peuples. L'explication que nous pouvons donner à cela est que la politique étant fait par les politiciens, ceux-ci se serve de l'ethnie pour arriver à leurs fins. Elle leur sert de stratégie pour soit se frayer un chemin dans l'espace politique, soit pour dominer, ou encore pour contrôler les populations. Toujours est-il qu'ils s'en servent d'une manière comme d'une autre dans l'exercice du jeu politique. Schéma 2: Représentation récapitulative des motivations dans l'ethnicisation politique à Dschang Volonté manifeste de contrôle politique Stratégie politicienne valorisation de l'ethnie en politique Formation contrôle de l'aire D'une base sociologique célébration communautaire festivals et pratiques Des nominations culturelles Poids des constructions sociales Rationalité communautaire catégorisation des peuples Attachement à abstraction du regroupements préjugés sa communauté projet politique communautaires ethniques Ethnicisation politique Source : enquête de terrain, 2019. À l'épilogue de ce chapitre où il était question du poids des constructions sociales, il en ressort que ces constructions sont entre autre le primat de la rationalité communautaire qui s'aperçoit par l'attachement des individus à leur communauté et l'abstraction qui est faite du programme politique ; également, nous avons vu une autre construction sociale qui est la volonté de catégorisation des peuples qui peut s'apercevoir à travers les regroupements communautaires et les préjugés ethniques. Tout compte fait, l'individu dans sa société est rationnel même si ses choix et décisions donnent l'impression qu'il ne l'est pas. De plus, avec les données collectées, nous avons pu corroborer les théories qui nous ont servi de support d'analyse. L'individu est dans une interdépendance avec la société dans laquelle il vit comme nous le ditN ELIAS 68(*)dans ses recherches innovatrices ; il agit sur la société tout comme la société agit sur lui. Ainsi au vue de l'ethnicisation du champ politique contemporain, la participation politique et le vivre ensemble ne sont-ils pas inquiétés ? * 64 Données du terrain * 65 Propos de l'enquêté n°3, 16 -4- 2019. * 66GMÜNDER Retro & KENMOGNE, Jean-Blaise : « pour vaincre le tribalisme : principes, réflexions et perspectives », CIPRE, 2002, pp.5-90. * 67MERTON Robert-King., Éléments de théories et de méthode sociologique, paris, Plon, 1953, 2è Edition, 1965. * 68ELIAS Norbert., la société en cours (achevé en 1933 mais publié seulement en 1969), avec un avant-propos « sociologie et histoire »de 1969, trad. Franç., préface de CHANTIER. R, Paris, Flammarion, coll. « champs »,1985. |
|