EPIGRAPHE
« Il faut deux êtres humains dont chacun,
pensant à l'autre pense en même temps à ce qui est
destiné de plus élevé a cet autre, à ce qui sert de
plus élevé à l'accomplissement de sa destinée sans
vouloir lui imposer en quoique ce soit sa propre réalisation, il faut
deux êtres humains, dis-je, pour qu'en eux s'incarne concrètement
la grandeur de l'être ». (M. Buber)
« Celui qui est prisonnier de sa souffrance et
de son orgueil, n'est pas apte à accueillir et à comprendre. Il
est fermé sur lui-même au sens le plus littéral du terme et
ne peut pas entrer en relation vraie avec les autres ». (A.
Bernard)
« L'homme qui peut se mettre à la place
des autres, qui peut comprendre le mécanisme de leurs pensées,
celui-là n'a pas à s'inquiéter de ce que l'avenir lui
réserve ». (A. Young)
DEDICACE
A vous chers parents Jean-Pierre KAYEMBA ILUNGA et
Christine MASENGU LUKENGU. De vous nous avons appris qu'une bonne
éducation est le meilleur héritage que les parents puissent
léguer à leurs enfants. Nous avons vu jour devant vos yeux et
vous avez pu veiller à notre croissance dans un amour si grand que nous
ne saurons exprimer par écrit.
A vous mes chers frères et soeurs : Willy-Am
MWAMBA, Clarisse KADIOMBO, Ezéchiel KALALA et Carine CIALA. Pour vos
encouragements permanents et vos soutiens tant maternels, moraux que
spirituels.
A vous mes chers Oncles et Tantes : Ezéchiel KALALA
KANGULU, José LUMBALA, Marie Véronique NDAYA, José DJONGA,
Kalex KALENGA. Vous qui avez éclairé par vos sages
avertissements, riches soient-ils et vos attentions combien indispensables le
temps de notre jeunesse.
A vous tous qui, les premiers avez humidifié avec
nous dans le bain du dialogue, traçant pour nous une ouverture
aérée vers la grande rencontre et la gratuite relation, celles du
cosmos et des autres hommes nos frères et soeurs.
Nous consacrons, en toute reconnaissance, ce travail,
premier pas de nos efforts scientifiques et philosophiques.
Martin KASHILA KAYEMBA, Ofm
AVANT-PROPOS
L'homme est une tension vers ; cet état n'est
possible que grâce aux relations entretenues avec autrui. Etant dans la
société, nous demeurons sans aucun doute dans le devoir de
gratifier ceux qui ont participé à notre formation
intellectuelle, morale, culturelle et religieuse nous permettant
l'élaboration harmonieuse de ce travail.
Ainsi, dans la reconnaissance des biens-faits, nous adressons
nos remerciements avant tout au Souverain Bien, Dieu de gloire et de
pitié qui ne cesse de nous assister jour et nuit. Nous formulons nos
vifs remerciements aux pères : Emmanuel MUTOMBO, Dieudonné
MUSANGU, André MPIANA, Georges MBAYO, Anicet MIKOBI, Martial NGALET,
Gustave MBAK, Moïse MUYEMBA, Alphonse MWAMB, Marcel TSHIKEZ, Oscar OMARI,
Damien ISABELL, pour leurs dévouements dans le souci de guider nos pas.
Nos sincères reconnaissances s'adressent à notre
ministre provincial Grégoire BOWA, à son vicaire Benoit MUTOMBO
et à tous nos formateurs qui nous ont apporté assistance en
voulant notre avancement.
Nous remercions également toutes les autorités
académiques du Scolasticat Saint Jean XXIII ainsi que tous nos
professeurs pour leur aide tant intellectuelle que spirituelle etde
manière spéciale, monsieur l'abbé Jean-Hilaire ILUNGA qui,
malgré ses multiples occupations, s'est donné corps et âme
pour diriger ce travail.
Nous remercions enfin tous ceux qui ont apporté leur
contribution d'une manière ou d'une autre, à la
réalisation de ce travail ainsi que tous nos collègues avec
qui nous avons partagés les bons et mauvais moments, peines et joies de
promotion : François MBOMBO, Dieudonné ILUNGA, Elie
MUNGUAKONKUA, Jacques KAPAYA.
Vous tous qui, de par votre existence, valez notre gratitude,
trouvez ici l'expression de nos sincères remerciements.
Martin KASHILA KAYEMBA, Ofm
INTRODUCTION GENERALE
1. CHOIX
ET INTERET DU SUJET
L'homme de par sa nature est un être avec les autres.
C'est-à-dire un être en relation permanente ; il ne peut pas
vivre seul ou s'approcher de l'existence sans les autres. Se laisser ouvert aux
autres, c'est rendre témoignage de cette corrélation
indispensable pour se compléter. Ainsi, être homme n'est pas
seulement le fait de naître des humains, mais vivre avec eux et parmi
eux.
Le monde en évolution aujourd'hui, manifestant
certaines caractéristiques telles que l'égoïsme, la
séparation, la guerre, les troubles, etc. tend à sa disparition
faute de collaboration, d'ententes, d'unité, de dialogue, de relation
entre les humains. Les conditions de vie dans des foyers, dans des
églises voir dans des entreprises, ne nous laissent pas insensibles.
Vu tout ceci, une théorie sur la relation
intersubjective s'avère importante dans le but de rendre clair ce que
les hommes de ce monde doivent faire pour vivre dans la paix, dans
l'unité et l'entente. Ainsi que faire la part des choses entre les
genres de relations qui sont pourtant co-naturelles à l'être que
nous sommes.
2.
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
L'une des difficultés parmi tant d'autres que le monde
rencontre depuis toujours est la proximité interpersonnelle. Tout le
monde se voit préoccuper par ce qui lui est nécessaire : sa
survie.
L'intersubjectivité, par ailleurs, a depuis un temps
perdu de sens du fait que certaines personnes ne cherchent pas de vivre en
harmonie avec leurs semblables. A ce point, certains cas peuvent nous faire
comprendre cette indifférence humaine : le fait de s'estimer riche
ou pauvre, fort ou faible de manière physique ou intellectuelle, le fait
de repousser consciemment ou inconsciemment la collaboration avec nos
semblables, ceux qui nous entourent etc. En observant toutes ces attitudes,
nous nous trouvons dans l'obligation de nous poser ces quelques
questions auxquelles nous essayerons de répondre au cours de notre
réflexion :
- Qu'est-ce qu'une relation selon Martin Buber ?
- Pourquoi la relation ne retrouve elle pas son sens profond
entre les humains ?
- Pourquoi une proximité intersubjective dans la
société actuelle ?
- Quelle est la finalité d'une relation ?
Voyons sans tarder la méthode et la division de ce
travail.
3.
METHODE ET DIVISION DU TRAVAIL
Pour une meilleure élaboration de notre travail, nous
allons nous servir de la méthode herméneutico-critique afin
d'interpréter, comprendre et exposer la pensée de l'auteur. Nous
allons aussi apporter notre appréciation critique tout en relevant les
bienfaits et les manques dans son opinion. Le livre de base de Martin Buber
« Je et Tu» ainsi que d'autres ouvrages vont contribuer dans la
réalisation de ce travail.
En dehors de l'introduction et la conclusion
générales, notre travail comprend trois grands chapitres. Le
premier chapitre traitera de l'historique du concept de la relation, le
deuxième chapitre abordera la philosophie bubérienne de
l'intersubjectivité et le troisième chapitre sera consacré
à l'appréciation critique.
4.
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
Martin Buber est né le 08 février 1878 à
Vienne, en Autriche dans une famille juive. Il reçut une
éducation complète, et pour le moins polyglotte : il parlait
à la maison yiddish et allemand, il apprit l'hébreu et le
français dans son enfance, ainsi que le polonais au cours de ses
études secondaires.
En 1892, il retourna dans la maison paternelle, en proie
à une crise religieuse qui l'amena temporairement à se
détacher du judaïsme. Au cours de cette période, il s'initia
à la lecture de Nietzsche et de Kant.
En 1896, il fait ses études de philosophie à
l'université de Vienne, de Leipzig, Berlin et Zurich. Comme juif, Buber
a vécu de tristes expériences, en particulier au sein de sa
famille, avec la séparation de ses parents, et a été
éduqué par ses grands-parents qui exercèrent une grande
influence sur lui. Il vécut surtout le drame de l'antisémitisme
et cela influencera très profondément sa philosophie.
De 1924 à 1933, il est professeur de philosophie de la
religion juive à l'université de francfort. En 1933, il est
nommé directeur du bureau central de l'éducation des adultes
juifs. De 1938 à 1951, il est professeur de philosophie sociale à
l'université de Jérusalem. De 1952 à 1953, il
reçoit le prix de Goethe et la prise de la paix des éditeurs en
Allemagne. En 1963, il reçoit à Amsterdam le prix Erasme.
Martin Buber était docteur honoris causa en droit
hébreu (à Cincinnati), en lettres (à Paris), en
théologie (à Aberdeen), en humanité (à New York) et
en philosophie (à Jérusalem). Il est mort à
Jérusalem le 13 juin 1965, travaillant sur une traduction allemande du
livre de Job.
Parmi ses oeuvres les plus connues, nous citons : Moise,
PUF, Paris, 1957, Judaïsme, trad., Paris, Gallimard, 1986 ; Deux
types de foi, Cerf, Paris, 1991 ; Je et Tu, Aubier-Montaigne, Paris 1992.
Abordons à présent le premier chapitre
consacré à l'historique du concept de relation.
CHAPITRE PREMIER
L'HISTORIQUE DU CONCEPT DE LA RELATION
I.0.
Introduction partielle
La relation est un thème le plus décisif dans la
période contemporaine. La relation comme expression de l'être, la
relation comme rapport entre les humains. Elle implique au moins deux
êtres, un être et un objet, et est souvent décrite via des
typologies différentes, selon la personne s'intéressant à
la nature de la relation ou plutôt aux personnes en relation. Les
relations humaines d'une manière collective sont nécessaires au
développement individuel et intellectuel de chaque être humain, du
fait que grâce à ces liens, les sociétés sont
constituées. Il y a même lieu de dire que, sans bonnes relations
humaines, il ne peut y avoir de bonne qualité de vie. Cela veut dire que
Buber a compris qu'une vie pleine se réalise dans la relation. Et il
parvient a envisagé quelques attitudes de l'homme en face de ses
semblables, essentiellement l'isolement, la solidarité et l'amour
mutuel.
Dans ce chapitre intitulé `'l'historique du concept de
la relation'', nous allons développer la notion philosophique de la
relation en premier lieu ; en deuxième lieu nous allons voir
l'homme dans ses relations ; par après nous verrons les deux
couples de relation chez Martin Buber ; nous traiterons aussi de la
relation comme engagement de soi et pour finir, il sera question de voir les
attitudes de l'individu envers autrui dans la relation.
Commençons avec la notion philosophique de la relation.
I.1.
Notion philosophique de la relation
La relation fait référence à quelque
chose de plus fondamental ; c'est une caractéristique de notre
être en tant qu'elle se définit comme lien à autrui. Dans
ce sens, on pourrait dire de manière un peu sommaire que l'être
humain est marqué par les rapports qu'il entretient avec les autres. A
vrai dire, ce concept est interprétatif de la réalité
sociale : il exprime d'abord le fait qu'à la base de toute vie, il
existe des liens qui unissent les gens.
Le concept de `'relation'' apparait comme l'un des concepts
fondamentaux du discours pertinent dans la philosophie de Martin Buber. Il
désigne toute espèce de rapport. Aristote en fait une des
premières catégories aussitôt après la substance,
à côté de la qualité et de la quantité.
L'Antiquité païenne gréco-latine
connaissait déjà une notion de personne
caractérisée par des aspects relationnels. Chez Cicéron
par exemple, le terme persona désignait l'individu humain
doué de raison et agissant dans un contexte social, la présence
singulière d'un homme convaincu dans sa proximité1(*).
Depuis longtemps, la réflexion philosophique,
sociologique et psychologique n'a cessé d'étendre et
d'approfondir la notion de relation, en distinguant ses divers types
interpersonnels qui interviennent dans la constitution, puis dans le
développement de la personne humaine.
Dans l'espace de la relation s'orchestre une rencontre des
différences, les contestations, les écarts, les divergences.
Cette coprésence se déploie vers le « tout
monde », un monde chaotique et imprévisible.
L'analyse de la structure dialogique de la personne, en
phénoménologie, part de l'affirmation suivante : on se
découvre être une personne, un `je', lorsqu'on se trouve en
relation avec un `Tu'. Cette voie se réfère souvent à
Martin Buber. Elle est celle qui intéresse notre travail tout entier.
En opposition a Martin Heidegger qui nous montre l'être
ainsi posé, l'être dans le monde, Buber pose un principe
dialogique. Il ne s'agit plus de décrire la manière dont un sujet
atteint un objet mais de préciser l'espace où trouver les
structures qui permettent l'objectivation. Pour sortir de ce je
enfermé en lui-même, Martin Buber présente la doctrine de
la relation Je-Tu comme une volonté de décrire
positivement cet effort qui au-delà de l'objet se porte vers
l'être sans que cette connaissance n'engendre une entité inhumaine
et neutre, mais rende compte d'une relation et, ce faisant, de la
société comme d'une modification totale de l'être. Martin
Buber ne flotte pas dans les parfums de la mystique, contrairement à ce
que certains ont laissé entendre. Il affirme que la condition de toute
véritable rencontre tient à la spécificité de ceux
qui y participent.
Passons au point suivant, celui de l'homme dans ses relations.
I.2.
L'homme dans ses relations
La relation se définit comme un échange entre
deux acteurs, qui éveillent chez eux des attentes culturellement
définies ; elle est un lien de dépendance ou d'influence
réciproque entre les personnes. Ce concept s'oppose tant à
l'individualisme, où l'autre n'est perçu que par rapport à
lui-même, qu'à la perspective collective, où l'individu est
occulté au profit de la société.
Martin Buber a pris ce concept d'une façon
spéciale et lui a donné une valeur. Pour lui, cette relation
n'est pas à voir seulement entre les hommes, mais aussi entre l'homme et
Dieu. Il milite pour une relation fraternelle qui n'exclut pas le dialogue.
Pour Buber, la vraie relation présente quatre aspects
importants : la réciprocité, la présence, la
totalité et la responsabilité.
La relation chez Buber repose sur la
réciprocité, laquelle n'existe que là où il y a la
présence réelle des autres. Entrer en relation avec l'autre c'est
affronter sa réalité et l'assumer dans la vie vécue.
C'est aussi avoir la capacité d'écouter l'autre dans ce qui le
touche personnellement. C'est pouvoir l'entendre affirmer ses convictions, ses
désirs, ses attentes, le laisser parler de la façon dont il se
vit.
Dans la réciprocité notre auteur suppose que
l'autre soit saisi comme conscience et non comme phénomène. Le Tu
agit en moi comme j'agis en lui. Nous parvenons à remarquer ici une
attitude d'opération : Je qui opère Tu et Tu qui
opère Je. En parlant du Je ou du Tu, Buber évoque l'homme
réel.
L'autre comme présence, comme être physique est
rencontré. Ici on vise l'être intégral. Pour Buber, lorsque
nous sommes en présence de l'autre, nous devons l'aimer d'un amour qui
ne soit pas aveugle. Puisque dans l'amour les deux partenaires sont
conviés à un tête-à-tête exclusif2(*). Etant donné que le Je et
le Tu forment un seul monde, celui de la relation dans toute son
intégrité, l'action de l'un et de l'autre les concerne. C'est
cela qui se produit sous le nom de responsabilité.
En dehors de ces quatre aspects, Buber parle
expressément de l'autre que je rencontre, qui manifeste un
caractère diffèrent que moi, mais qu'il faut supporter et
considérer comme tel. Cela nous amène à dire que chacun
doit traiter l'autre non pas comme objet, mais comme son semblable. Et lorsque
les deux partenaires arrivent à s'abandonner dans une complète
mutualité, ils atteindront la sphère de l'interhumain3(*). Voyons à présent
les deux couples de relations chez Martin Buber.
I.3.
les deux couples de relations chez Buber
Dans ses recherches et expériences, Martin Buber a mis
en exergue, sous une forme originale et expressive au moyen de tournures
grammaticales particulières, les deux concepts constitutifs de la
relation, le`'Je-Tu'' et le `'Je-Cela''. Cette diversité de couple ne
peut se réduire en un seul, car, dans notre vie, nous nous rapprochons a
des expériences diverses, notamment, dans les rapports avec les autres
sujets et les objets extérieurs. Dans ce sens, la vie humaine est
essentiellement une série de rencontres : rencontres avec les
objets extérieurs, rencontres avec les autres sujets, rencontres
intérieures avec nous-mêmes4(*). Buber postule que le monde est double pour l'homme
car l'attitude de l'homme est double en vertu de la dualité des mots
fondamentaux, des mots principes qu'il est apte à prononcer.5(*)
A) La relation Je-Tu
Pour Buber, Le mot-principe Je-Tu confère à la
personne sa pleine valeur. Autrement dit, la personne ne s'accomplit totalement
que dans la référence à l'autre. Ce rapport entre Je et Tu
s'actualise dans la parole. Et l'homme devient un Je au contact du Tu.
Dans son analyse, Buber est convaincu que la relation Je-Tu
est d'ordre existentiel. Il affirme la suprématie de cette relation de
par sa finalité :
« L'homme devient un Je au contact du Tu. Le
partenaire parait et s'efface, les phénomènes de la relation se
condensent ou se dissipent et c'est dans cette alternance que
s'éclaircit et croit de proche en proche la conscience du partenaire qui
demeure, la conscience du Je »6(*).
Cette relation est personnelle parce qu'il s'agit des sujets.
Lorsqu'elle se prolonge, elle aboutit au Tu éternel, au divin. Ce
dernier occupe une place importante dans la pensée de Buber puisqu'il
fait une forte référence à la religion. A travers l'autre,
on arrive au Tu divin, créateur de ce qui existe. L'homme doit lui
rendre grâce et le prier.
B) La relation Je-Cela
Contrairement au couple personnel, celui du Je-Tu, ce
deuxième instaure un rapport de type impersonnel, parce qu'il ne s'agit
pas de relation entre les sujets mais entre le sujet et l'objet. Le but est
celui d'utiliser, d'instrumentaliser et d'objectiver.
Cette relation instaure un rapport qui ne permet pas la pleine
réalisation du Je, il ne le crée pas et ne l'édifie pas.
C'est un rapport où le sujet est amené à utiliser l'objet
dans le but du savoir, du connaitre et de l'expérience7(*). Ce qui n'est pas le cas pour le
couple personnel Je-Tu.
Le Je-Cela est une forme de relation qui repose totalement sur
l'expérience objective. Il ignore la différence entre deux
termes. Le Je absorbe complètement l'autre car leurs valeurs sont
différentes. C'est le domaine, selon la conception de Buber, de
l'oppression, de l'objectivation, de la totalité. Le Cela instaure
un domaine totalement impersonnel et reste subalterne au couple Je-Tu.
On pourrait dire que le modèle Je-Cela relève de
la connaissance de l'autre au sens de l'acquisition d'un savoir sur l'autre, du
rassemblement d'un certain nombre d'éléments permettant une
appréciation, un diagnostic de la personne, qui bien qu'utile, semble
insuffisant pour traduire et exprimer l'ensemble du processus
inter-relationnel. Ce couple s'ancre dans le monologue, qui transforme le monde
et l'être humain en objet. Dans l'ordre du monologue, l'autre est
réifié, il est perçu et utilisé. Pour qualifier le
monologue, Buber parle d'une expérience superficielle des attributs
extérieurs de l'autre ou de l'expérience intérieure
insignifiante, qu'il oppose à la relation authentique qui intervient
entre deux êtres humains.
Une lecture attentive de Buber en ce sens nous pousse à
reconnaitre la priorité du premier couple, celui du Je-Tu par rapport au
deuxième, Je-Cela. Parce que c'est le premier seul qui permet le passage
au Tu Absolu. Et son rapport n'est pas de l'ordre des choses, mais des
personnes. De ce fait, le rapport avec Dieu est vu également sous ce
caractère personnel.
I.4.
La relation, un engagement de soi
La façon dont le concept « relation »
est abordé dans ce chapitre se trouve placée à l'abri de
toute particularité entre les humains ; c'est-à-dire qu'il
n'est pas question de distinguer les sens de rapport entre les personnes. Loin
de là. Qu'il s'agisse donc de la relation véritable et
sincère.
Cependant, un aspect moral qui est l'engagement
de « soi » est à dégager dans la
relation. La responsabilité qu'exige la relation ne devient effective,
affirme Buber, que s'il existe un juge devant lequel je dois répondre de
moi-même, et dont le seul critère de choix est la
compétence.
Ainsi, celui qui exerce la responsabilité dans la
relation a toujours comme point de départsoi-même et comme point
d'arrivée la communauté des personnes qu'il rencontre et non le
Tu seul. Car, au cours d'une telle relation on est entièrement
engagé par sa présence, ses mouvements et la considération
de l'autre en face de nous. A ce point nous voyons que la philosophie de
Levinas, celle de l'autre, se révolte contre l'enfermement de l'autre et
veut que l'autre prime8(*).
Un facteur important à soulever ici est que de
nombreuses recherches ont montré que les gens qui se découvrent
avoir les mêmes idées ou les mêmes centres
d'intérêt, ont tendance à entrer plus facilement en
relation les uns avec les autres, ils s'engagent sans aucune difficulté.
I.5.
Les attitudes de l'individu envers autrui dans la relation
L'individu dans sa façon d'être manifeste en
lui-même tout comme devant les autres une diversité d'attitudes.
Buber en cite deux : premièrement il nous parle de la solitude
comme abandon de soi par les autres (la déréliction) et
deuxièmement il parle de la solitude comme abandon des autres
(l'égoïsme). A l'opposé de ces deux attitudes, Buber trouve
une solution en y ajoutant la notion de l'amour mutuel.
Avant de se lancer dans la relation avec les autres, l'homme
vit d'abord seul, il vit dans la solitude. Selon Buber, cette solitude est
meilleure puisqu'elle offre au partenaire solitaire l'opportunité de
vivre la vertu de la présence et de bien voir comment s'insérer
dans la relation. C'est en vivant de cette vertu que l'homme se trouve
relié aux autres êtres.
Buber considère la solitude selon plusieurs plans, en
l'occurrence, la solitude de l'homme abandonné à lui-même
et la solitude de l'homme qui a abandonné les autres êtres. La
solitude de l'individu qui a été abandonné a un nom :
la déréliction. L'être en déréliction est
diffèrent de l'être qui a abandonné les autres êtres.
C'est au contraire, l'être à la recherche de l'autre, c'est
l'être finalement accueilli par Dieu.
A part la solitude de l'être abandonné à
lui-même, il existe une autre : celle de l'individu qui a
abandonné les autres pour vivre dans l'isolement en s'enfermant dans une
sorte de forteresse. Cette solitude, selon Buber, est la véritable
déchéance de l'esprit. En effet, l'individu ne peut se suffire
à lui-même. Il a besoin de s'ouvrir aux autres. C'est ce qui
amène Buber à parler de la solidarité humaine.
I.6.
Conclusion partielle
Ce premier chapitre reposant sur l'historique du concept de la
relation démontre l'importance majeure de l'existence de l'être
humain en face de ses semblables. Buber n'a pas développé de
manière imprudente cette philosophie de la relation. Il a mis en place
quelques aspects importants qui évoquent l'existence d'une vraie
relation. Il s'agit de la réciprocité, de la présence, de
la totalité et de la responsabilité qui touche de
façonparticulière, l'aspect moral de l'homme. En se mettant en
relation avec son prochain, l'homme accepte ce dernier tel qu'il est.
CHAPITRE DEUXIEME
LA PHILOSOPHIE BUBERIENNE DE L'INTERSUBJECTIVITE
II.0.
Introduction partielle
Apres avoir vu l'historique du concept de la relation, nous
voulons, dans ce deuxième chapitre, faire voir comment la relation
intersubjective est observée comme accomplissement de soi. Ce qui
implique que la relation d'un être humain a d'autres êtres humains
n'est pas occasionnelle mais constitutive de son humanité. L'être
humain est conscient du bien et du mal, libre et responsable de ses actes aux
yeux de ses semblables avec lesquels il interagit.
En effet, Parler d'intersubjectivité selon Buber
revient à signifier que l'expérience humaine n'est pas celle d'un
être isolé, coupé du monde et des autres, mais celle d'un
être en rapport avec les autres êtres. Ce rapport à l'autre
détermine l'être qui, de par sa nature, est un être de
relation.
Où que nous nous trouvions, dans la
société, dans nos milieux respectifs, notre expérience de
chaque jours nous fait voir que `être homme' veut dire `exister et vivre
avec les autres'. En d'autres termes regarder l'autre et être vu par
lui.
Ainsi, dans ce présent chapitre, en premier lieu, nous
traiterons de la relation avec la nature, où nous verrons que la
relation y est de manière obscure et non explicite. En deuxième
lieu, nous verrons l'intersubjectivité dans la pensée
bubérienne ; troisièmement il sera question de la vie avec
les hommes, et quatrièmement la considération
interpersonnelle.
II.1.
La relation avec la nature
La relation ici manifeste un caractère
obscurément réciproque et n'arrive pas à accéder au
langage. C'est un niveau des flèches allées sans flèches
retour et l'homme a, dans cette sphère la difficulté d'employer
le mot-principe Je-Tu à cause du caractère moins rationnel des
êtres qu'il y rencontre. Toutefois dans cette relation, les
créatures nous font agir, mais trouvent l'impossibilité de venir
jusqu'à nous. C'est alors un monde du Cela dont aucun homme ne peut se
passer et avec lequel il ne peut vivre sans l'autre monde, celui du Cela. Buber
dira à propos de cette sphère que
« La relation y vibre dans l'obscurité
sans atteindre le seuil du langage. Les créatures se déplacent en
notre présence, mais elles ne peuvent venir jusqu'à nous et le Tu
que nous leur adressons bute au seuil du langage »9(*).
Il est évident que le monde d'épanouissement du
`Cela' (nature) n'est pas le nôtre et tout désir de mettre
ensemble place le Moi en maître agissant. Tout le reste ne prend son sens
que par rapport à lui. Ainsi, prétendre a un certain
dialogue entre le `Je' et le `Tu' serait mener un combat inégal
où l'un a le fil de commandement et l'autre la soumission.
Dans l'optique bubérienne, le `Cela' (nature) ne
favorise pas mon épanouissement. Il est cet autre qui est distrait, qui
attend le premier pas qui viendrait de moi. Le langage que le `Tu' pourrait
employer sur le champ de la rencontre entre le `lui' et le `cela' est encore
une arme terrifiante pour gagner l'écart net. Toutefois, la relation
n'en est pas rompue. Ainsi il faut une autre forme de relation, celle avec le
`Tu'.
II.2.
l'intersubjectivité dans la pensée bubérienne
La forme la plus directement observable de la relation est ce
qu'on appelle l'intersubjectivité, elle met l'accent sur le type
d'échanges établis essentiellement entre deux ou plusieurs
personnes et sur les sentiments éprouvés à l'égard
d'autrui. La pensée de Martin Buber nous fait voir que la divergence
collectionne et que quand on veut s'en passer, on prend une certaine position
à son égard. Ce constat est d'après Gabriel Marcel, le
résultat d'une réflexion suscitée par les enquêtes
qui l'ont amené à reconnaitre la certitude du Toi10(*). La vision de Buber peut
s'observer dans la disposition généreuse comme `philosophie de la
rencontre' qui est le fruit de l'évènement de
l'intersubjectivité.
Ce qu'il faut voir avec un oeil ouvert est que ce n'est pas du
côté de la sphère du Je et Tu qu'il faut fouiller
l'ontologie de l'être humain ; c'est dans le rapport ou sur l'axe
Je-Tu qu'on apercevra les vraies caractéristiques de l'homme. Il y a
là une sorte d'ontologisme réciproque qui transcende le
substantialisme du moi, qui fait du Tu l'attribut le plus prochain, le plus
fondamental du Je. « Je suis une substance si je suis une personne.
En me détachant de mon frère, je m'anéantis. En perdant
son souci, j'abandonne Dieu »11(*).
La catégorie bubérienne de la relation trouve
son sens à ce niveau. Cette relation ne s'effectue en aucun cas sur
l'axe du Je-Cela, puisque c'est une sphère qui établit un rapport
impersonnel. Sinon sur celui du Je-Tu qui établit un rapport personnel,
celui entre les sujets.
Pour Buber, la pensée la plus admirable est sans
substance si elle est sans discours. La communauté des hommes ne
saurait être détruite que pour la possibilité des relations
particulières. Nous sommes ainsi responsables de nos semblables, de nos
proches, de ceux qui sont en face de nous. Buber évoquera l'idée
que « C'est par grâce que le Tu vient à moi ; ce
n'est pas en le cherchant qu'on le trouve. Mais en lui adressant le
mot-principe, c'est l'acte de mon être, c'est mon acte
essentiel »12(*). En parlant des mots-principes `Je-Tu' ou `Je-Cela',
Buber dira encore que « lorsque placé en face d'un homme
qui est mon Tu, je lui dis le mot-principe `Je-Tu', il n'est pas une chose
entre les choses, il ne se compose pas de choses13(*).
A des instants différents, l'auteur souligne avec soins
le rapport entre le Je et le Tu, c'est-à-dire la relation. Le Je va vers
le Tu et le Tu va vers le Je. Dans cette attitude intersubjective, les
partenaires se reconnaissent, entrent en dialogue et se confirment.
Dans sa conception, dire Tu, c'est n'avoir aucune chose pour
objet. Car où il y a une chose, il y a une autre chose14(*).
II.2.1. Relation et réciprocité
Buber dans sa philosophie de la rencontre a mis en
lumière le caractère concret de la relation et de la
réciprocité. La relation est pour lui une chose primitive et
capitale dans le monde, elle existe depuis le commencement. Elle fait surgir la
clarté des choses et leur redonne sens. Grace à cette relation,
les choses et les personnes sont liées entre elles. Pour Buber la
relation est primitive et délicate dans le monde. Par elle les choses
reçoivent leur sens et deviennent compréhensibles. Chez lui il
n'y a des relations que là où il y a la présence de deux
termes. C'est-à-dire le Je et le Tu. Il arrive à nous dire que
toute relation est réciprocité où se passe la vraie
réalisation15(*).
Buber nous fait voir que la réciprocité
s'établit à tous les niveaux de relation16(*). Cette dernière se
définit comme capacité de l'individu à interagir et
à maintenir des échanges sociaux mutuels. Selon la vision de
l'auteur, dans la conception de l'autre, l'enfant nait relationnel. Il
manifeste des réflexes d'innéité : par la perception
de l'objet en face de lui, les cris inarticulés, les émotions qui
prouvent son souci de réaliser son existence. Là l'homme devient
Je au contact du Tu.
La réciprocité rend possible la construction de
relation et d'échanges sociaux continus. Son caractère peut
s'observer par la démonstration d'habileté telle la
démonstration d'un intérêt certain lors des
échanges, l'attention conjointe, la capacité à s'ajuster,
à interpréter et à répondre aux indices
interpersonnels.
II.2.2 Le dialogue comme affirmation du Je-Tu
D'emblée, disons que chaque société a son
expression depuis toujours et cette expression rend possible le dialogue entre
les membres qui forment cette société. Le langage est un moyen
par excellence, il est quelque chose d'important qui facilite l'actualisation
du « nous sommes ». Lorsqu'il est exprimé ou
silencieux, le langage constitue la voie privilégiée du dialogue
entre les humains. Et tout celui qui s'y intéresse et s'y
réfère participe à l'être du « nous
sommes ».
Le langage dans la vie de l'homme occupe une place
considérable. Il y apparait comme un caractère fondamental de la
communication pour un meilleur entretien. Il facilite la collaboration entre
les membres d'une société, d'une communauté. Chez Levinas,
le langage a une fonction noble d'expression. Il instaure une relation
irréductible à la relation sujet-objet : la
révélation de l'autre17(*).
Toutefois le langage en tant que système des signes
estime le lien qui existe entre les personnes. Ainsi pour parler d'un dialogue,
il faut qu'il y ait la présence de ceux qui doivent dialoguer. Et le
vrai dialogue se manifeste là où il y a un entretien franc et
sincère. Ce dialogue doit pouvoir se distinguer par son caractère
de création d'intimité entre les gens. Dans l'entretien, l'homme
a le droit d'être d'accord ou de refuser les pensées qui lui
viennent de son collaborateur selon qu'ils s'adressent dans la droiture ou non.
C'est dans ce sens qu'il est d'une grande importance de
préciser les éléments essentiels du dialogue. Le dialogue
découle de la rencontre entre les humains qui se parlent en toute
honnêteté de manière à co-appartenir dans le vrai
sens du mot. A ce propos, Buber écrira : « Dans
l'entretien authentique, on se tourne vers son partenaire et on s'adresse
à lui en toute vérité ; c'est donc un mouvement de
l'être vers lui »18(*).
Dans le parler, celui qui parle ne perçoit pas
seulement la personne qui lui est présenté, mais il l'accepte
comme partenaire. C'est ce mouvement qui fait que le Je, s'adressant au Tu
inclut cette acceptation, cette confirmation.
Autrement dit, lorsque nous parlons du dialogue et lorsqu'il
doit se produire, chacun des partenaires qui y participent devra faire l'apport
de lui-même. Cela veut dire qu'il devra être prêt à
dire ce qu'il pense vraiment de l'objet traité. Cela signifie ensuite
qu'il devra livrer chaque fois sa part d'esprit, sans l'écouter et sans
la faire dévier vers un autre terrain.
Lorsque dans un dialogue, l'un des partenaires veut se faire
écouter et n'arrive pas à écouter l'autre, il
détruit la relation. L'expérience de la vie de chaque jour nous
révèle plusieurs résultats ou conséquences qui
découlent du dialogue non véritable ; les partenaires se
disent des mensonges à la place de la vérité. A ce propos,
Buber dira : « Là, par contre, où le dialogue
s'accomplit en son essence, entre des partenaires qui sont véritablement
tournés l'un vers l'autre, qui s'expriment sans réserve et sont
libres de toute volonté de paraitre, il se produit dans leur
communauté un mémorable état de fécondité,
comme il ne s'en présente nulle part ailleurs. La parole nait
substantiellement, à chaque fois, entre des hommes que saisit dans leur
profondeur et ouvre le dynamisme d'une coprésence et mutualité
élémentaires. L'interhumain offre un accès à ce qui
autrement serait fermé à cette
pénétration »19(*).
Cependant, nous soulignons que le silence joue un rôle
important et est aussi une disposition nécessaire et même
recommandée dans le dialogue afin de permettre aux partenaires de
s'exprimer sincèrement20(*). Si nous parlons du dialogue vrai comme manifestation
du Je-Tu, c'est dans le sens de vouloir a tout pris entre les partenaires
l'entraide mutuelle. C'est ce qu'affirme Gusdorf quand il dit :
« le dialogue authentique scelle ma rencontre des hommes de bonne
volonté, dont chacun porte pour l'autre témoignage non de soi
seulement mais des valeurs communes »21(*).
II.2.3. Prendre intimement connaissance
Selon Buber, le mot-principe Je-Tu ne peut être dit que
par l'intégralité de l'être. Cette fusion en un être
intégral ne peut jamais se faire par moi, ne peut jamais se faire sans
moi. Je m'accomplis au contact du Tu. C'est en devenant Je que je dis Tu. Toute
vie est rencontre, dit-on. Pour qu'un dialogue véritable puisse avoir
lieu, il faut que chacun apprenne que son partenaire est autre, essentiellement
autre en le légitimant en tant qu'homme avec lequel il est prêt
à entrer en dialogue et en lui faisant confiance. On a aucune
expérience du Tu, car on ne peut l'expérimenter.
Chacun doit en ce sens prendre intimement connaissance de
l'autre en face de lui. Prendre intimement connaissance d'une chose ou d'un
être signifie très généralement le prendre dans sa
totalité. Bien qu'il soit un être parmi d'autres êtres et
même une chose parmi d'autres choses, l'homme forme une catégorie
différente de toutes les choses et de tous les êtres. Car on ne
peut comprendre l'homme véritablement l'homme sans le saisir, aussi en
ce qui lui a été donné à lui seul, entre tous dans
l'esprit.
II.3.
La vie avec les hommes
C'est une relation qui restaure l'épanouissement de
l'homme, qui est manifeste et explicite. Elle s'accomplit davantage du fait que
le Je et son Tu manifestent un rapport d'égalité ; lorsqu'on
y donne le Je, on s'attend y recevoir avec précision le Tu. Le Moi (Je)
retrouve un autre Moi (Je) et entre eux le dialogue s'établit sans
faille.
La sphère de la vie avec les hommes est une
sphère par excellence où le langage se parachève en se
prolongeant dans le discours suivi de sa réplique. Le mot-principe est
donné et rendu sous un même langage ; le Je et le Tu y sont
non seulement en relation mais dans la sincérité du dialogue. Les
moments de la relation sont reliés entre eux par l'élément
même du langage dans lequel ils plongent. Par conséquent, c'est
là et là seulement que nous sommes bien réellement
contemplateurs et contemplés, connaisseurs et connus, aimants et
aimés22(*).
II.3.1. La relation humaine et l'intersubjectivité
Bien que l'homme soit un être complet, jouissant ainsi
de toutes les fonctions nécessaires à la vie, il ne peut en aucun
cas se suffire à lui-même. Il se verra en difficulté de
remplir toutes les taches de la vie à la fois. Ceci prouve que l'homme
seul n'existe pas et qu'il doit être avec ses semblables. Cette forme de
son existence est pour lui la condition d'un plus grand bonheur et d'un
progrès plus rapide.
La vision de Buber nous confirme que l'homme dans toutes ses
formes ne doit pas seulement attendre la protection, toute forme d'aide, de
conseils des autres, mais il doit chercher dans les mesures du possible
à venir en aide à ceux qui lui tendent la main, car le fait
seulement d'attendre des autres quelques choses plonge cet être dans
l'égoïsme qui est parmi les vices qui rongent la
société.
Les véritables relations encouragées par notre
auteurs, sont celles dans lesquelles chacun de ceux qui y participe apporte sa
part, c'est-à-dire son aide, sa pierre afin d'aboutir à une
édification du type universel dans laquelle règne la
mutualité, la paix, l'entente, l'unité...en un mot, une
société de dialogue.
Les actions de la vie sociales sont objets de
l'intersubjectivité, elles ne proviennent pas seulement des relations
totalement apparentes, car elles concourent au sentiment intérieur de
sympathie et de développement pour ses semblables ; par là
on voit apparaitre la dignité de l'homme.
Comme nous venons de le voir, le rapport de présence
réside dans la reconnaissance de la valeur infinie d'autrui. Pour cette
raison, une communauté de personnes ne suffit pas pour le fonder. Il
faut en plus l'intervention d'un principe fondateur : ma relation,
c'est-à-dire rapport dialogal.
II.3.2. La rencontre et la réciprocité
Lorsque placé en face d'un homme qui est mon Tu, je
lui dis le mot-principe Je-Tu, il n'est pas la chose entre les choses. Il ne se
compose pas des choses. Il peut interpeler les choses et leur donner sens
selon son gré.
Buber dira que « l'homme à qui je dis
Tu, je n'ai pas de lui une connaissance empirique ». Le Tu qui se
présente à ma rencontre, je le prends tel qu'il se
présente sans analyse. C'est pourquoi je suis porté à
croire que cette présence ne peut ni être connu par
expérience, ni par description.
Malgré le fait que nous ne pouvons étudier
à fond Autrui, malgré le fait que nous ne pouvons rien savoir de
superficiel à son sujet, si pas tout, nous devons reconnaitre que c'est
par grâce que le Tu vient à nous ; ce n'est pas en le
cherchant qu'on le trouve. Mais en lui adressant le mot-principe, c'est l'acte
de notre être, c'est notre acte essentiel.
Le Tu vient à ma rencontre. Mais c'est moi qui entre en
relation immédiate avec lui. Ainsi cette rencontre est à la fois
passive et active.
En fait, la rencontre est alors un travail que l'on n'a pas
cherché, une découverte de ce qui est principalement
donné. Le tout se manifeste par l'élection mutuelle. Cette
élection est une fusion en un être intégral. Elle ne peut
ainsi se faire par Moi et sans Moi. Je m'accomplis au contact du Tu, c'est en
devenant ce que je dis Tu. « Toute vie véritable est
rencontre »23(*), dira Buber.
La nécessité du Moi et du non-Moi est le circuit
de l'existence. Nous n'avons pas à les séparer ou à les
poser alternativement. Ils sont là simultanément et se limitent
mutuellement. Ils constituent dans l'ordre du jugement, un jugement objectif.
II.4.
La considération interpersonnelle
Le passage de l'objectivité à
l'interpersonnalité est une question très délicate dans le
monde philosophique en toute particularité qui, incontestablement nous
fait voyager d'une philosophie pessimiste comme celle de J.P. Sartre qui nous
dit que « l'enfer c'est les autres » a une philosophie de
la rencontre selon Buber qui considère l'être de l'autre comme une
chance, une grâce. C'est à ce sujet qu'il affirme que :
« L'homme devient un Je au contact du Tu. Le
vis-à-vis parait et s'efface, les phénomènes de relation
se condensent ou se dissipent, et c'est dans cette alternance que
s'éclaircit et croit de proche en proche la conscience du partenaire qui
demeure le même, la conscience du Je »24(*).
Une telle affirmation se focalise dans un dialogue
véridique, franc et sincère que l'homme tient avec l'autre se
trouvant en face de lui et qui l'interpelle réellement.
Dans la conception spécifique de Martin Buber, il est
clair de souligner que pour une réalisation des rapports
interpersonnels, il faut la présence d'un effort consenti de part et
d'autre ; un effort d'amour, d'entente, d'écoute, de paix qui
permet à chaque Je de faire sortir l'autre dans le monde de la
chosification (le Cela) pour un monde de l'humanisation (le Tu).
Ainsi, seuls les hommes capables d'entrer en dialogue les uns
avec les autres peuvent vivre des relations interpersonnelles qui se
révèlent comme une voie incontournable pour un vivre-ensemble
paisible. Mais les difficultés étant attachées à
l'être humain, le dialogue authentique se révèle comme une
voie privilégiée pour la sortie des conflits, qui, de temps en
temps, opposent les hommes les uns aux autres.
II.5.
Conclusion partielle
Ce présent chapitre a tourné au tour de quatre
points principaux. Premièrement nous avons vu comment la relation avec
la nature bute au seuil du langage. Buber a donné un
éclaircissement sur cette relation en disant qu'elle est
obscurément réciproque et non explicite du fait que le Tu que
nous adressons à la nature n'accède pas au langage.
Deuxième nous avons vu dans l'intersubjectivité que l'homme
placé en face de moi n'est pas une chose mais mon semblable qu'il faut
considérer, écouter tel qu'il est. Il se présente devant
moi avec ses différences, ses problèmes, ses difficultés
Troisièmement dans la vie avec les hommes, la relation est manifeste et
explicite. Nous pouvons y donner et y recevoir le Tu. Le langage ici se
parachève et se plonge dans le discours entre les partenaires.
Quatrièmement dans la considération interpersonnelle, l'autre que
je rencontre est une chance, il est une grâce. Et selon Buber, pour une
bonne réalisation des rapports interpersonnels, il faut un effort de
présence, d'amour, de paix, d'entente etc.
CHAPITRE TROISIEME
APPRECIATION CRITIQUE
III.0. Introduction
partielle
Ce dernier chapitre que nous allons développer est
consacré à l'appréciation critique de la pensée de
M. Buber.Sans prétendre à l'exhaustivité dans
l'appréciation de la philosophie de la relation, nous allons nous
contenter de relever, par-ci par-là, les points positifs et les points
négatifs.
III.1. Les mérites de la
philosophie bubérienne de la relation
Comme tout philosophe, nous saluons avec un profond respect la
pensée de Martin Buber. Dans la vie humaine, la relation est une
dimension indispensable. Buber a compris que la relation implique et suppose un
échange entre les personnes : c'est une ouverture à l'autre,
une communication sincère afin d'aboutir à une réalisation
mutuelle et à une vraie compréhension. Voilà pourquoi il
dit qu' « il n'y a pas de Je en soi ; il n y a que le Je du
mot principe Je-Tu et le Je du mot-principe Je-Cela »25(*).
Nous lui reconnaissons, par ailleurs, le mérite de nous
montrer que l'homme n'est homme que lorsqu'il est en rapport avec les autres.
Il se définit et exprime son rôle de
`l'être-au-monde-avec-autrui'. A ce sujet, G. Marcel a dit
que « (...) quelque chose de puissant et de secret m'assure que
si les autres ne sont pas, je ne suis pas non plus »26(*). Dans la même
perspective, Ngimbi Nseka affirme que « l'homme ne peut trouver
en lui-même ce qui comble son désir, il ne peut le trouver que
dans l'autre. Ce désir humain est le désir de
l'autre »27(*).
Nous partageons un même avis que M. Buber qui envisage
que l'homme vit ou doit mener sa vie avec l'autre et qui, à travers son
épiphanie, éprouve le besoin d'aller vers lui. De ce fait,
l'absence de l'autre, la fermeture sur soi constitue une zone d'ombre dans les
relations humaines.
Au fait, touchant ce point de vue de Buber, M. Bon le rejoint
en ces termes : « la relation permet d'arriver à un
accord sur les moyens d'action et a une synthèse constructive
débouchant sur un engagement commun. La relation permet ainsi de
construire une communauté temporelle de l'humanité (...). La
relation caractérise d'une façon dynamique la nature humaine. Par
elle l'humanité se construit et progresse, à travers les hommes
et les sociétés28(*).
En effet, la vraie relation comme ouverture à autrui
dans l'horizon de la philosophie de la relation tel que nous le remarquons avec
Buber, ne peut pas être une relation avec soi-même, mais une
intersubjectivité. A ce sujet nous pensons que, ordinairement c'est
l'homme qui s'engage à entrer en contact avec les autres, car exister
c'est vivre en face des autres. Et P. Mayivangwa nous dira que dans notre
existence, nous sommes tous confrontés à autrui. Etre-avec et
être-pour-l'autre, voilà ce qui constitue
l'intersubjectivité et qui nous caractérise comme sujets
humains29(*).
Pour être en relation vraiment, il faut que chaque
membre révèle aux autres ses désirs profonds qu'il porte
en lui. Ce sera le point crucial de la rencontre des différentes
solitudes qui sont appelées à l'union, à la
réconciliation, à la coopération en vue d'une certaine fin
qui les transcendent les unes et les autres, mais à laquelle chacune a
sa contribution.
Buber reconnait la grandeur d'une entraide mutuelle. Celle-ci
s'avère indispensable, car l'homme ne vit pas seul, il a tout
intérêt de participer à l'oeuvre collective. Voilà
pourquoi Motima, reprenant la pensée de Buber,
écrit :« l'homme n'est homme que parmi les hommes (...).
L'être humain qui est ontologiquement un être de désir,
être indigne, ne peut s'enfermer dans les limites du moi...car alors il
se vouerait a un étouffement certain et se dirigerait vers une mort
inéluctable »30(*).
Buber considère la relation comme cette vie avec les
autres, distingués dans leurs façons d'être, tout en
cherchant comment comprendre les modes de leurs pensées. Ainsi, dans
toute relation, la notion de la liberté individuelle n'est pas à
passer sous silence.
L'intersubjectivité dont l'auteur nous parle,
mérite d'être appréciée en ce sens qu'elle nous
permet de promouvoir la collaboration sociale. En fustigeant
l'égoïsme ou la non-participation à autrui, Buber nous
pousse à combattre l'égocentrisme qui rend l'homme fermé
sur lui-même. D'où la tâche des existentialistes qui ont
voulu favoriser la communication sociale et non pas la nature du rapport qui
joint une existence a une autre31(*).
Le plus important de la coprésence dans la
pensée de Buber c'est que tout être agisse de façon
à s'ouvrir aux autres dans le but de s'entraider mutuellement. En fait,
si l'homme a besoin des autres dans sa vie, c'est parce que ces autres sont
différents de lui et peuvent, grâce à cette situation
différentielle, lui apporter ce qu'il n'a pas. Ainsi, le
développement humain ne peut être que le fruit d'une oeuvre
collective.
Buber ne nous laisse pas dans le noir en ce qui concerne cette
notion si riche pour notre société. Selon lui, la vraie relation
humaine commence d'abord en famille, jusqu'à s'étendre dans la
société toute entière. Si la société existe,
c'est pour aider l'homme. Inversement, tout ce que l'homme possède, il
le tient de la société. Son existence corporelle est une
existence reçue ; le monde qu'il trouve autour de lui et dont il a
besoin pour se réaliser n'est jamais une nature brute, mais un monde
déjà travaillé par un système relationnel et
humaniser par les autres. Ceci revient à dire que l'homme est
naturellement un être social et toujours un
être-déjà-avec-autrui.
En effet, bien que l'individu humain soit un être
complet, jouissant de toutes les fonctions nécessaires à la vie,
il ne peut se suffire à lui-même. Il ne saura accomplir
convenablement toutes les taches à la fois.
C'est ainsi que L. Mpala parle du passage du Moi sauvage et du
Moi servile au Moi-pour-et-avec-les autres. Le Moi-sauvage est celui qui
écrase les autres dans le but de réaliser son aspiration de
devenir meilleur. Il piétine les autres et se rend compte qu'il est
devenu sauvage. Dans ce cas, le Moi est un enfer pour les
autres »32(*).
Pour Buber, écraser n'humanise pas, piétiner son semblable ne
favorise en aucun cas la détermination et l'épanouissement de la
dignité de la personne dans la société.
Après avoir relevé tout ce qui nous semble
meilleur dans la philosophie bubérienne de la relation, voyons à
présent en quoi sa pensée accuse des limites.
III.2. les limites de la
philosophie de Martin Buber
Sans aucun doute, nous reconnaissons bien à M. Buber le
mérite de nous avoir apporté un sens humain de la relation
authentique. Mais il y a certains points qui posent problème.
En effet, nous trouvons dans les conceptions anthropologiques
de Buber le caractère foncièrement paradoxal des relations
humaines. La solitude agit au coeur même de l'union la plus intime, la
solitude du `Je' n'est jamais surmontée non pas que l'amour soit
impossible, mais aucun amour ne peut prétendre effectuer totalement son
mouvement vers autrui.
Mettant l'accent sur la relation, comme celui qui nous aide
à aller de l'avant, à progresser et a toujours fixer le haut,
Buber ne considère pas que la structure relationnelle se découvre
aussi comme un lieu conflictuel, lieu de contestation, de dispute et de lutte.
Le Tu se présente au Je comme une menace et cela suite à
certaines circonstances et qualités des rapports sociaux.
Aussi, il est certain d'affirmer qu'autrui-sujet est un danger
parce que par son apparition, il se présente comme une négation
de notre expérience de sujet, par le fait que nous sommes vus par lui,
nous devenons immédiatement des simples objets et cessons d'être
sujets pour lui. Il nous attire ainsi vers lui pour faire de nous les objets
parmi d'autres objets qui s'organisent autour de lui. Autrement dit, au lieu de
nous considérer comme nous sommes, autrui-sujet nous identifie à
des objets qui l'entourent. A cet effet, nous perdons notre
subjectivité. Raison pour laquelle Sartre déclare que
« l'enfer c'est les autres »33(*). Cette identification d'autrui
à l'enfer revient au fait qu'au lieu de nous regarder dans notre
subjectivité, il nous transforme en objet, et se considère
à la suite comme la seule transcendance. Ainsi, nous cessons
d'être transcendant pour devenir une transcendée. Nous le
découvrons par-là même comme celui qui place du
côté d'objets du champ de sa perception.
Comme Buber promouvait Autrui comme celui qu'on doit approcher
avec sympathie par le moyen de la relation, Sartre pense qu'Autrui est un
danger parce qu'il est la cause de troubles de notre conscience. C'est pour
cela qu'il dira que « l'apparition d'Autrui dans le monde
correspond donc à un glissement figé de tout l'univers a une
décentralisation du monde (...) 34(*)» De ce fait, l'homme devient destructeur de
toute valeur de notre conscience, et une perdition de notre assurance que nous
avions dans notre solitude d'être sujet pour qui tous les restes
n'étaient que des objets à classer parmi les extensibles du
monde. Il veut ainsi notre mort du fait qu'il ne reconnait à notre
subjectivité, par la même raison qu'il nous considère comme
l'en-soi.
D'une manière générale et plus
particulièrement Sartre considère Autrui comme un danger d'abord
parce qu'il nous chosifie, et ensuite parce que nous nous découvrons
objets devant lui et nous perdons, par sa présence, notre
expérience d'être sujet.
III.3. Conclusion partielle
Dans ce dernier chapitre, il était question de relever
d'une part les mérites de Buber dans la présentation de sa
philosophie de la relation entre autre du Je et Tu qui sont
considérés comme des sujets, et d'autre part les limites que
présente Buber à ce même sujet.
Buber nous a montré comment la relation est une
dimension indispensable dans la vie de l'homme. Elle lui permet d'entrer en
contact avec ses semblables, elle suppose un échange entre les
personnes. Selon Martin Buber, la relation authentique ne peut pas être
une relation personnelle. C'est-à-dire une relation où l'homme
vit seul mais une relation où l'homme s'engage à rencontrer les
autres.Au-delà des mérites de Buber, nous voyons qu'il ignore que
la relation, loin d'être un lieu d'union et de réalisation, elle
se fait découvrir aussi comme lieu de conflit, de doute, de dispute et
de lutte.
Somme toute, nous avons salué en notre auteur un homme
toujours actuel dans son élaboration de la philosophie de la relation.
Et tout compte fait, passons à présent à
la synthèse de notre investigation philosophique.
CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme de notre investigation philosophique. Au
cours de ces analyses, nous nous sommes efforcé de comprendre
l'intervention de Buber et de pénétrer les motivations qui sont
à l' origine de sa démarche philosophique. Notre effort a
consisté, en effet, à considérer l'homme dans sa
volonté de relation avec les autres pour se réaliser. C'est
grâce à cette dissertation sur l'homme que nous avons pu engager
un dialogue fructueux avec Buber, dialogue qui nous a conduit dans les
méandres de sa pensée.
Notre dissertation philosophique a porté sur la
relation intersubjective selon Martin Buber. Nous l'avons subdivisée en
trois chapitres dans le but de répondre aux préoccupations de la
problématique qui était la nôtre.
Le premier chapitre s'est employé à
étaler l'historique du concept de la relation. Ce dernier est
subdivisé en cinq points. Nous avons dans un premier moment
présenté la notion philosophique de la relation qui est un
concept fondamental dans la vie d'un être humain marquant la
présence des différences, des contestations, des écarts et
des divergences. Ce concept manifeste une grande importance dans la vie de
chaque être humain, surtout cette présence en face des autres.
Cette existence touche de façon particulière l'aspect moral de
l'homme. De ce fait, l'homme doit accepter dans ses relations, tous ceux qui se
présentent à lui tel qu'ils sont. Nous avons ensuite vu comment
l'homme dans ses relations est considéré. Il doit être
aimé d'un amour qui n'est pas aveugle. Par après nous avons
développé les deux couples de relation. Le couple Je-Tu qui
confère a l'être humain sa pleine valeur et s'actualise dans la
parole. Le couple Je-Cela quant à lui instaure un rapport de type
impersonnel, car il s'agit des rapports entre sujet et objet. Dans la relation
comme engagement de soi, l'être qui veut entrer en relation avec les
autres doit de lui-même s'engager par sa présence, ses mouvements
et la considération de l'autre. Enfin nous avons vu quelques attitudes
de l'individu envers autrui dans la relation. Ici, Buber cite deux attitudes
que l'être humain manifeste en lui tout comme devant les autres. Il cite
premièrement la solitude comme abandon de soi par les autres,
c'est-à-dire la déréliction ou l'isolement et
deuxièmement il cite la solitude comme abandon des autres ou
l'égoïsme.
Le deuxième chapitre s'est focalisé sur la
philosophie bubérienne de l'intersubjectivité. A ce niveau, il a
été question d'indiquer que la vie humaine est un mouvement. Le
mouvement fondamental de l'homme, c'est d'être un mouvement tourné
vers autrui. De là, une ascension vers le mieux-être et le plein
épanouissement de l'homme, le pas est vite franchi. De ce fait nous
avons compris combien Buber a une conception optimiste de
l'intersubjectivité. Ce chapitre a tourné sur quatre points
principaux. Le premier point est celui dans lequel nous avons exposé la
relation avec la nature. Nous avons montré que cette relation y vibre
dans l'obscurité sans atteindre le seuil du langage. Le
deuxièmepoint est celui dans lequel nous avons vu
l'intersubjectivité dans la pensée bubérienne. Ici Buber
affirme que l'homme est un être de relation, il est ce mouvement vers
autrui. La vraie relation découle de la rencontre entre les hommes qui
s'expriment en toute honnêteté de manière à
co-appartenir dans le vrai sens du mot. Nous y avons aussi montré que
pour qu'il y ait relation, il faut la présence des partenaires. Le
troisième point est sans doute celui de la vie avec les hommes. Ici la
relation est manifeste et explicite. En donnant le Je, nous pouvons recevoir le
Tu. Nous avons aussi montré dans ce point que l'homme ne peut en aucun
cas se suffire àlui-même bien qu'il soit complet. La vision de
Buber nous confirme que l'homme doit éviter l'égoïsme, un
des vices qui rongent la société. Et le quatrième point
est celui dela considération interpersonnelle. Ici Buber nous dit
quel'autre que nous rencontrons est une chance, il est une grâce. Pour
une bonne réalisation de ces rapports, il faut un effort de
présence, d'amour, de paix et d'entente.
Le troisième chapitre portant sur l'appréciation
critique de la relation telle qu'abordée par Martin Buber. Nous nous
sommes appuyés, pour apprécier à juste titre cette
intersubjectivité, sur les conceptions d'autres penseurs philosophes.
Avec le concours de ceux-ci, nous avons accepté la considération
de la relation de l'homme et la nature, l'homme et son semblable ainsi que de
l'homme et la transcendance. Avec ces philosophes, nous constatons que l'homme
en tant qu'être social ressent le besoin urgent de la rencontre avec les
autres.
Apres avoir présenté les mérites de Buber
quant à la conception de la relation humaine, nous remarquons certaines
zones d'ombres. Il est vrai que la pensée de M.Buber regorge des
mérites, mais en même temps elle donne à penser de sorte
que tout esprit qui la rencontre ne peut ne pas en saisir le fort et le faible
qu'elle renferme. Dans cette perspective nous constatons que Buber mise
légitiment sur la rencontre de l'homme avec son semblable, cependant,
L'autre tel que nous le constatons, peut constituer une menace. Sartre a eu
à le démontrer en déclarant que « l'enfer
c'est les autres ».
Somme toute, il va sans dire que malgré toutes les limites
adressées à l'endroit de la pensée de Buber, nous
reconnaissons en lui les mérites de nous avoir apporté un sens
humain de la relation authentique.
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
OUVRAGES DE L'AUTEUR
1. BUBER M., Je et Tu, Ed. Aubier, Paris, 1923.
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1959.
AUTRES OUVRAGES
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l'extériorisation, Ed. La Haye, Paris, 1971.
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3. GUSDORF G., La parole, Ed. Vendôme PUF, Paris,
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5. NGIMBIH., Ethique et intersubjectivité,
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6. BON M., Dialogue et les dialogues, Ed. Centurion,
Paris, 1973.
7. MPALA L., Education à la conscience et à la
raison, Lubumbashi, 1995.
8. MOUNIER E., Introduction aux existentialismes, Paris,
1962.
9. MAYIVANGWA P., De la communication avec l'autrui à
la réalisation de soi, Rome, 1985.
10. SARTRE J.P., Les huit clos suivi des mouches, Paris,
1945, p. 92
ARTICLES
11. NEDONCELLE M., Prosopon et persona dans
l'Antiquité classique, in revue des sciences religieuses, n0
22, 1948.
12. MOTIMA P., Brèves réflexions sur
l'intersubjectivité humaine, in Afrique et philosophie 5(mars
1981), p. 104-105
13. SARTRE, cité par MOUYOULA P., L'existence devant
Autrui, in Raison ardente, 31 (juin 1989), p. 71-76
DICTIONNAIRE
14. HUISMAN D. (dir), Dictionnaire des philosophes,
P.U.F, Paris, 1984.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
1
1. CHOIX ET INTERET DU SUJET
1
2. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
1
3. METHODE ET DIVISION DU TRAVAIL
2
4. NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
2
CHAPITRE PREMIER
4
L'HISTORIQUE DU CONCEPT DE LA
RELATION
4
I.0. Introduction partielle
4
I.1. Notion philosophique de la
relation
4
I.2. L'homme dans ses relations
6
I.3. les deux couples de relations chez
Buber
7
A) La relation
Je-Tu
7
B) La relation
Je-Cela
8
I.4. La relation, un engagement de
soi
9
I.5. Les attitudes de l'individu envers
autrui dans la relation
10
I.6. Conclusion partielle
11
CHAPITRE DEUXIEME
12
LA PHILOSOPHIE BUBERIENNE DE
L'INTERSUBJECTIVITE
12
II.0. Introduction partielle
12
II.1. La relation avec la
nature
12
II.2. l'intersubjectivité dans la
pensée bubérienne
13
II.2.1. Relation et
réciprocité
15
II.2.2 Le dialogue comme affirmation du
Je-Tu
15
II.2.3. Prendre intimement
connaissance
17
II.3. La vie avec les hommes
18
II.3.1. La relation humaine et
l'intersubjectivité
18
II.3.2. La rencontre et la
réciprocité
19
II.4. La considération
interpersonnelle
20
II.5. Conclusion partielle
21
CHAPITRE TROISIEME
22
APPRECIATION CRITIQUE
22
III.0. Introduction partielle
22
III.1. Les mérites de la philosophie
bubérienne de la relation
22
III.2. les limites de la philosophie de
Martin Buber
25
III.3. Conclusion partielle
27
CONCLUSION GENERALE
28
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
31
* 1 M. NEDONCELLE, Prosopon
et persona dans l'Antiquité classique, in revue des sciences
religieuses, n0 22, 1948, p. 277-299
* 2 BOSOMI, Les
thèmes majeurs de la philosophie contemporaine, p. 59
* 3 BUBER, La vie en
dialogue,Ed. Montaigne, Paris, p. 20
* 4 BOSOMI, Les
thèmes majeurs de la philosophie contemporaine, p. 60
* 5 BUBER, Je et Tu, p.
19
* 6 BUBER, Je et Tu, p.
52
* 7 BUBER, Je et Tu, p.
23
* 8 BOSOMI, Les
thèmes majeurs de la philosophie contemporaine p. 68
* 9 BUBER, Je et Tu, p.
23
* 10 BUBER, Je et Tu,
p. 5
* 11 BUBER, Je et Tu,
p. 9
* 12 BUBER, Je et Tu,
p. 29
* 13 BUBER, Je et Tu,
p. 26
* 14 BUBER, Je et Tu,
p. 21
* 15 BOSOMI, Les
thèmes majeurs de la philosophie contemporaine, p. 58
* 16 BOSOMI, Les
thèmes majeurs de la philosophie contemporaine, p. 58
* 17E. LEVINAS,
Totalité et infini : Essai sur l'extériorisation,
Ed. La Haye, Paris, 1971, p. 33
* 18 BUBER, La vie en
dialogue, p. 215
* 19 BUBER, La vie en
dialogue, p. 216
* 20 BUBER, La vie en
dialogue, p. 217
* 21G. GUSDORF, La
parole, Ed. Vendôme PUF, Paris, 1952, p. 97
* 22 BUBER, Je et Tu,
p. 150
* 23 BUBER, Je et Tu,
p. 30
* 24 BUBER, La vie en
dialogue, p. 25
* 25 BUBER, Je et Tu,
p.20
* 26 G. MARCEL, Le
mystère de l'être II, réflexion et mystère, Ed.
Aubier, 1951, p. 27
* 27H. NGIMBI,Ethique et
intersubjectivité : essai sur les fondements philosophiques de la
vie en société, Kinshasa, 2001, p. 3
* 28 M. BON, Dialogue et
les dialogues, Ed. Centurion, Paris, 1973, p. 228
* 29 P. MAYIVANGWA, De la
communication avec l'autrui à la réalisation de soi, Rome,
1985, p. 53
* 30 P. MOTIMA,
Brèves réflexions sur l'intersubjectivité humaine, in
Afrique et philosophie 5(mars 1981), p. 104-105
* 31 E. MOUNIER,
Introduction aux existentialismes, Paris, 1962, p. 109
* 32L. MPALA, Education
à la conscience et à la raison, Lubumbashi, 1995, p. 31
* 33J.P.SARTRE, Les huit
clos suivi des mouches, Paris, 1945, p. 92
* 34SARTRE, cité par P.
MOUYOULA, L'existence devant Autrui, in Raison ardente, 31 (juin
1989), p. 71-76
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