Groupes armés et conditions socio-économiques de la population de Shabunda au Sud-Kivupar Jacques LUTALA KATAMBWE Université de Lubumbashi - Diplôme d'Etudes Approfondies en Sciences politiques et Administratives. Option : Science Administrative 2020 |
Chapitre I. CONSIDERATIONS GENERALESLa production d'une recherche qui se veut scientifique fait l'objet des exigences précises et rigoureuses. Elle requiert, non seulement le respect logique entre expression, démarche méthodologique et théories référentielles, mais recommande aussi l'emploi conséquent et cohérent des concepts y relatifs. Dans ce chapitre, il sera question, d'abord de définir les concepts (concepts de base et concepts connexes) de notre thème de recherche, ensuite nous allons présenter notre milieu d'étude, qui est le Territoire de Shabunda qui appartient dans un sous ensemble la Province du Sud - Kivu. Section 1. Définition des conceptsPour tout travail scientifique, définir les concepts s'avère indispensable en vue d'éviter l'incompréhension et de clarifier ainsi le travail, car certains termes ont souvent un sens ambigu, ou peut-être l'usage vulgaire de ces termes en donne un sens non scientifique. En effet, en sciences sociales, chaque chercheur s'efforce de définir un concept selon la formation subie, selon son objet d'études et selon ses convictions personnelles et l'approche de l'investigation. La présente section analyse les concepts clés de notre étude qui sont le groupe armé et les conditions socioéconomiques. Mais, étant donné qu'on ne peut mieux comprendre ces deux concepts sans passer par leurs antipodes qui sont le développement, le sous-développement, la pauvreté et la paix, nous avons préféré réserver à ces derniers une attention particulière pour rendre intelligible cette étude. Le groupe armé est un acteur non étatique qui poursuit généralement ou prétend poursuivre des objectifs politiques contre un gouvernement ou pouvoir en recourant à la violence(22(*)). La plupart des groupes armés combattent le pouvoir en place, mais il arrive aussi qu'ils se battent entre eux. Certains groupes armés sont affiliés à des mouvements politiques tandis que d'autres opèrent indépendamment des partis politiques. Ces différentes représentations des groupes armés renvoient à l'idée d'extranéité et à l'individu en tant que combattant. De ce fait, on parle de groupe armé étranger qui est un groupe qui réalise ses actions dans un Etat autre que son Etat d'origine. Et le combattant est un individu portant des armes pour le compte d'un groupe armé. Les combattants peuvent soit adhérer aux idéaux politiques ou servir au sein des groupes armés en tant que mercenaires(23(*)). Les groupes armés sont ceux dont la rébellion ou la résistance menace explicitement l'autorité de l'Etat. Les groupes armés considèrent que l'action violente est justifiée par des actions de légitime défense contre les violations de leurs droits (24(*)). Pour STEARNS, J., VERWEIJEN, J. et BAAZ, E.B., le groupe armé est souvent considéré comme des voyous qui s'en prennent aux civils innocents et sans défense(25(*)). Certains sont toutefois des prédateurs plus avides que d'autres, et certains bénéficient du large soutien des communautés locales dans lesquelles ils sont recrutés. Quant à International Council on Human Rights(26(*)), le concept groupe armé désigne un groupe d'individus qui sont armés, faisant usage de la force pour atteindre leurs objectifs tout en échappant au contrôle de l'Etat. En général, il fait allusion à des groupes qui s'opposent au pouvoir en place, mais il est parfois difficile de distinguer clairement les groupes ayant des visées politiques de ceux ayant des objectifs criminels. Cependant, les groupes armés, en tant qu'acteurs nouveaux de la géopolitique, ont des formes et des dénominations multiples. Qu'on parle de guérillas, de milices, de mouvements révolutionnaires, leurs objectifs peuvent être différents mais leurs méthodologies souvent semblables. C'est ainsi qu'il est difficile de distinguer leurs motivations réelles et prétendues et cela rend difficile un classement. Certains groupes armés prétendent avoir une dimension religieuse. Cette justification peut soit servir à couvrir un intérêt purement personnel soit à légitimer un objectif politique. Cela fait peu de différence. La religion est un argument de recrutement et de légitimité, mais les méthodes sont tout aussi nuisibles aux populations victimes de leurs exactions. D'autres groupes sont des bras armés de partis politiques qui, soit n'obtiennent pas la représentativité qu'ils requièrent (parce qu'ils représentent des minorités), soit correspondent à la branche dure, radicale d'un mouvement. Si l'Etat en vient à transiger, le groupe se dissout intégralement ou partiellement. Dans d'autres cas, si le groupe le peut, il renversera le pouvoir. Il peut arriver que le groupe diminue ses actions et se pose comme le justicier lorsque les choses ne vont pas/plus dans son sens. Certains de ces groupes portent des revendications indépendantistes. D'autres agissent comme des « Robin des Bois (Héros) » en reversant aux populations ce qui leur revenait de droit, selon eux et qui leur avait été volé par le pouvoir politique ou économique. Tour à tour considérés comme des héros, des terroristes ou des simples bandits, ils mettent sous pression les Etats et les affaiblissent. Leur terreau de recrutement est parfois l'idéologie, mais plus souvent les frustrations, la pauvreté et le désoeuvrement, quand il ne s'agit pas tout bonnement de l'enlèvement de mineurs. Leurs ressources, quelle que soit la nature de leur mouvement, sont assez similaires et comme ils vivent dans la clandestinité, souvent illégales. Ils prélèvent l'impôt révolutionnaire sur l'argument que les populations doivent soutenir l'effort de guerre, procèdent au pillage et organisent la contrebande, enlèvent et demandent des rançons, etc. ils disposent en effet d'une bonne connaissance du terrain et d'une puissance armée. Aussi sont-ils actifs dans la contrebande de produits illicites (comme la drogue) ou licites, mais habituellement contrôlés. On les retrouve dès lors dans les régions riches en ressources naturelles et particulièrement en minerais. Ils bénéficient cependant souvent du soutien financier des Etats voisins ou de ceux dont l'objectif géopolitique est servi par la déstabilisation du pays où ils opèrent. Le fait qu'ils soustraient un territoire à l'autorité de l'Etat, qu'ils provoquent l'insécurité résultant du déplacement de populations, de la destruction des structures sociales et de l'appauvrissement de la population, a des implications sur la politique de l'Etat. Perçu comme affaibli, l'Etat n'offrira pas de bonnes perspectives aux investissements. Il devra par contre consacrer une partie de ses efforts à contenir ces groupes et les combattre ou à les démanteler en acceptant parfois la réintégration de leurs membres au sein de l'armée régulière, ce qui risque de faire rentrer le ver dans la pomme à moyen ou à long terme. Politique à l'origine, même si elle est parfois menée de manière criminelle, l'action armée est considérée comme un moyen pour parvenir à une fin politique. Une pression militaire ou une action des forces de sécurité peuvent être nécessaires pour la contrecarrer, mais dans la plupart des cas, une résolution durable du conflit dépendra d'un compromis ou d'un accord politique. Les groupes armés sont caractérisés par leur très grande diversité et peuvent représenter différents degrés de menace pour un Etat. Les forces rebelles organisées sous la forme d'une armée en mesure de contrôler un territoire, sont différentes de mouvements politico-militaires de résistance. Il existe aussi d'autres groupes de taille plus réduite, organisés en structures cellulaires pour faciliter la planification d'actes de violence ciblés, mais en lien avec des représentants politiques ; la vaste gamme de groupes armés à base ethnique en Afrique et en Asie combattant pour obtenir le contrôle de populations, de territoires et/ou de ressources ; ou encore des groupes liés entre eux comme les militants islamistes actifs. De telles différences accentuent le danger de toute généralisation ou d'énonciation de principes généraux. Les groupes armés varient beaucoup comme le soulignait Paul Staniland (27(*)) en 2014. Il peut y avoir des différences spectaculaires entre les groupes armés, même entre ceux qui se battent contre le même gouvernement, pour ce qui est de leurs stratégies, de leurs capacités et de leurs bases sociales. Ainsi, les groupes armés peuvent être considérés comme des acteurs qui : 1. mettent en question le monopole exercé par l'État sur la force coercitive ; 2. opèrent en dehors du contrôle effectif de l'État ; ou 3. sont capables de faciliter ou d'entraver et compromettre des actions humanitaires ou des initiatives de paix. Les études de cas présentées dans différentes recherches adoptent une manière de comprendre les groupes armés plus fluide et complexe. Parmi eux, figurent des groupes dotés de liens robustes avec les communautés locales, des groupes qui ont recours à la violence extrême et ont des ordres du jour transnational et des groupes qui ont des ambitions politiques confuses et qui sont les auteurs de violences aveugles à l'encontre de populations civiles. Dans le cadre de cette étude, nous considérons les groupes armés comme une organisation politico-militaire et civile qui fonde son discours ou son action sur des motifs multiples, notamment la lutte contre la répression politique ou l'atténuation des injustices socio-économiques. Cette considération nous ramène à épouser les idées de Ernie Regehr(28(*)) qui stipule : « on peut raisonnablement conclure que les groupes armés sont davantage susceptibles de se produire, lorsque les communautés sont imprégnées de raisons profondes pour rejeter le statu quo, lorsqu'elles ont accès à des ressources matérielles, politiques et sociales de la violence, et lorsqu'elles sont convaincues ou peuvent prétendre de manière crédible que cette violence est leur seul espoir de changement ». Les études de cas examinent l'incidence qu'ont les groupes armés sur la relation entre la communauté locale et le groupe armé les aspects suivants : la nature du conflit, la réponse de l'État, le type et le caractère du groupe armé et l'aptitude de la communauté à se mobiliser. Ainsi, cette observation nous pousse à faire une analyse sur le lien qui existerait entre communautés et groupes armés.
La relation entre un groupe armé et la population locale est souvent décrite comme soit prédatrice (le groupe armé inflige des violations des droits de l'homme, pille et détruit les biens, et la population locale met au point des mécanismes d'adaptation et des techniques de survie), soit symbiotique (les populations locales laissent les groupes armés commettre des violences et entravent les efforts contre-insurrectionnels). Il faudrait faire remarquer que les attitudes des communautés ou des groupes dotés de liens étroits avec un groupe armé peuvent exercer une influence considérable sur ce dernier, en particulier lorsqu'ils ont des connexions familiales, de clan, de tribu ou de classe. Des médiateurs internes peuvent bénéficier d'une « partialité relationnelle » avec un groupe armé ; des liens étroits avec un groupe particulier basés sur des connexions personnelles, politiques ou économiques. Or, jusqu'ici, on ne comprend pas de manière précise quelle est la valeur de la partialité dans des efforts efficaces d'établissement de la paix. Les groupes armés jouent par ailleurs des rôles importants sur le plan de la sécurité et du développement. Par exemple, pour ce qui est de la prestation de services quotidiens, les acteurs communautaires doivent établir la confiance avec un groupe armé, exigence souvent mal comprise ou largement ignorée par les acteurs tant nationaux que venus de l'extérieur. Même si les acteurs locaux peuvent ne pas identifier immédiatement une fonction d'établissement de la paix dans leur contact avec des groupes armés, la mobilisation communautaire peut contribuer à réduire la violence ou à inciter les groupes armés à prendre part à un dialogue politique dans la recherche d'une paix au milieu de la communauté. C'est pourquoi une analyse particulière mérite d'être faite pour comprendre comment la communauté se mobilise pour le retour de la paix dans les groupes armés.
Il est bon de signaler que ce sont souvent les communautés locales qui peuvent proposer la manière de comprendre les groupes armés la plus nuancée, contextualisée et multidimensionnelle. La discussion sur les rôles des médiateurs internes ci-dessous met en relief la complémentarité des efforts fournis par les médiateurs internationaux et locaux, en particulier au moment d'explorer la manière dont les acteurs au niveau national (organisations non gouvernementales, organisations religieuses ou professionnels de la résolution de conflits) ont pu faciliter la médiation avec un groupe armé. La manière dont les communautés contactent les groupes armés à des fins humanitaires ou de développement a aussi constitué un domaine commun de recherches. Cependant, il y a eu beaucoup moins d'analyses de la manière dont les interactions des communautés avec des groupes armés, avec lesquels elles « vivent, voire mangent », peuvent contribuer à établir la paix. Même si les acteurs locaux peuvent ne pas identifier immédiatement une fonction d'établissement de la paix dans leur contact avec des groupes armés, la mobilisation communautaire peut contribuer à réduire la violence ou à inciter les groupes armés à prendre part à un dialogue politique. Les conditions socioéconomiques des populations peuvent être perçues au travers d'un certain nombre de facteurs de bien-être qui sont entre autres une alimentation suffisante, de l'eau potable, un abri sûr, de bonnes conditions sociales et un milieu environnemental et social apte à maîtriser les maladies infectieuses. Pour mieux cerner la notion du concept « conditions socioéconomiques » utilisé dans notre travail, faisons d'abord une analyse sur le concept développement social, le développement économique, le bien - être économique et le bien- être social. 1.2.1. Développement social Le développement social est défini comme une nouvelle conception d'action publique (décentralisée ou déconcentrée) d'une aspiration volontariste à la reconstruction des liens sociaux. Il est aussi comme une nouvelle pratique d'intervention sociale favorisant l'implication de tous les acteurs locaux dans le développement d'initiatives (culturelles, éducatives, festives, sportives,...) aptes à renforcer la solidarité de droit par une solidarité d'implication, à transformer la citoyenneté passive à une citoyenneté active (29(*)). Le développement social fait référence à la mise en place et au renforcement au sein des communautés dans la région et à l'échelle de la collectivité, des conditions requises pour permettre, d'une part, à chaque individu de développer pleinement ses potentiels, de pouvoir participer activement à la vie sociale et, d'autre part, à la collectivité de progresser socialement, culturellement et économiquement dans un contexte où le développement économique s'oriente vers un développement durable soucieux de justice sociale (30(*)). Dans le cadre de ce mémoire nous considérons le développement social comme étant l'amélioration de bien-être de chaque personne dans la société qui est le Territoire de Shabunda, pour qu'elle puisse réaliser son plein potentiel. Le succès de Shabunda est lié au bien-être de tous ses habitants. Autrement dit, le développement social signifie qu'il faut investir dans la population. Il est nécessaire d'éliminer les obstacles empêchant les citoyens à réaliser leurs rêves avec confiance et dignité. Il ne faut pas se résigner au fait que les gens qui vivent dans la pauvreté seront toujours pauvres. Le développement social, c'est aider la population de Shabunda pour qu'elle puisse progresser sur la voie de l'autosuffisance. 1.2.2. Développement économique Le concept développement économique désigne l'ensemble des transformations des structures mentales et institutionnelles, les modifications dans les habitudes sociales et l'organisation d'ensemble des activités économiques. Il repose sur la croissance et traduit les changements qui se produisent au sein de la société (élévation du niveau d'étude, accès aux loisirs, ...) et qui accompagnent les transformations économiques (régression du chômage, tertiarisation des emplois, urbanisation,...)(31(*)). Ainsi, pour bien cerner la notion du développement économique, il est important d'analyser la notion de la croissance économique et celle des critères du développement économique.
Il est important de distinguer les termes de croissance et de développement. En effet, la croissance économique est une augmentation soutenue et durable de la production des biens et services, alors que le développement économique traite de l'expansion des activités économiques ayant une incidence sur l'amélioration des conditions de vie de la population. La croissance est une des conditions du développement économique d'un pays qui porte son action sur la transformation des structures : - économiques : Investissement, recherche et développement, compétitivité ; - sociales : Accroissement du pouvoir d'achat, amélioration du niveau de vie ; - culturelles : Développement du système éducatif, généralisation de l'accès à la culture ; - institutionnelles : Evolution des gouvernances, développement de la démocratie.
Pour mesurer le développement économique d'une entité, il faut tenir compte d'un ensemble d'indicateurs. Voici les trois principaux critères du développement économique : la richesse, la santé et l'éducation. a. La richesse Au sens courant, le mot richesse désigne l'opulence, la fortune. La richesse est associée au fait d'avoir beaucoup d'argent, à l'importance des revenus d'une personne ou d'un ménage. Mais lorsqu'on parle de la richesse d'un pays, on fait référence à la capacité qu'il a de satisfaire les besoins de la population. On perçoit donc le sens économique du mot richesse : le terme renvoie à la quantité de biens et services dont dispose un pays pour satisfaire les besoins de sa population. Le niveau de richesse est traditionnellement mesuré par le Produit Intérieur Brut : plus le PIB est élevé, plus le pays sera considéré comme riche. L'activité économique consiste donc à produire des richesses pour satisfaire des besoins. Plusieurs questions se posent alors : - Que produit-on exactement ? - Comment mesure-t-on ce qui est produit ? - Et surtout, comment se répartissent les richesses à l'intérieur d'un pays ? Ainsi, produire, c'est créer des biens et des services pour satisfaire des besoins individuels ou collectifs. On produit des biens (matériels et stockables) ou des services (biens immatériels et non-stockables dont la consommation et la production se réalise simultanément). b. La santé L'OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social complet et ne constituant pas seulement en une absence de maladie(32(*)). Toutefois, une définition aussi complexe serait difficile à mesurer et varierait probablement selon les cultures et sur le long terme. Les indicateurs le plus souvent exploités pour exprimer la santé sont ceux qui en décrivent l'absence : les statistiques de mortalité et de morbidité. La mortalité mesure les décès dans une population ; la morbidité mesure les taux de maladie(33(*)). Les Objectifs du Millénaire pour le Développement(34(*)) ainsi que les travaux de la commission macroéconomie et Santé 4 ont contribué à ramener la santé au centre du débat sur le développement. En effet, trois des huit objectifs du millénaire concernent directement la santé (l'objectif 4 : réduire la mortalité infantile, l'objectif 5 : améliorer la santé maternelle, l'objectif 6 : lutter contre le SIDA, le paludisme et d'autres maladies). Dans une certaine mesure, l'objectif 1 (réduire l'extrême pauvreté et la faim) peut être considéré comme lié à la santé et l'état nutritionnel des individus. La santé constitue aussi un ingrédient central du développement en ce qu'elle peut être considérée comme un investissement en capital humain, qui joue un rôle important aussi bien dans les modèles de croissance endogène que dans les théories néoclassiques appliquées à la santé (35(*)). La santé est plus fondamentalement un outil précieux pour améliorer le futur économique et social d'une population. En améliorant les aspirations des individus ainsi que leurs capacités, simultanément, la santé participe au bien-être des individus, ce qui a été traduit par l'inclusion de l'espérance de vie dans le calcul de l'indicateur de développement humain. c. L'éducation L'idée que l'éducation est un facteur important pour le développement économique n'est pas nouvelle. Au VIIe siècle avant J-C., le philosophe chinois Guan Zhong, écrivait le conseil suivant : « si tu planifies un an à l'avance, plante une graine. Si tu planifies à dix ans, plante un arbre. Si c'est à cent ans, forme les gens. Si tu sèmes une graine, tu feras une récolte unique. Si tu formes les gens, tu feras une centaine de récoltes » (36(*)). Des chercheurs contemporains expriment des idées semblables. Dans le discours qu'il prononça en 1960 devant l'American Economics Association, en sa qualité de président de l'association, le prix Nobel Théodore Schultz souligna l'importance que présentait l'investissement dans les gens. Il fera référence à l'acquisition de compétence et de connaissances en les qualifiant d'investissements dans le capital humain(37(*)). Les économistes considèrent que les moyens affectés au capital matériel constituent, non une consommation, mais un investissement rémunéré par un rendement futur. Pour Schultz, il fallait avoir une vision similaire des dépenses consacrées aux humains. Il jugeait que la « croissance impressionnante » des gains des travailleurs des pays industrialisés tenait, pour une large part, à l'essor du capital humain et que l'insuffisance des investissements dans les personnes constituait une entrave au progrès des pays démunis(38(*)). Dans le développement économique, malgré les problèmes que pose la faiblesse qualitative de l'éducation, la demande dans ce domaine reste forte dans la majorité des pays. Les parents, qui veulent pour leurs enfants une vie meilleure, voient souvent dans l'accès à l'éducation le moyen d'y parvenir. Sous l'angle du bien - être matériel, la perception des parents est confirmée par les données. En moyenne, les personnes mieux formées gagnent davantage que celles qui le sont moins. Bref, le développement économique désigne les évolutions positives dans les changements structurels d'une zone géographique ou d'une population : démographiques, techniques, industriels, sanitaires, culturels, sociaux,... De tels changements engendrent l'enrichissement de la population et l'amélioration des conditions de vie. C'est la raison pour laquelle le développement économique est associé au progrès.
Le terme bien-être désigne tantôt un certain degré d'aisance, de confort ou de bonheur ; tantôt un ensemble de biens à la jouissance desquels le bien-être est lié. Dans la première optique, le bien-être apparaît comme étant éminemment relatif et peut seulement être apprécié selon les critères subjectifs tandis que dans la seconde optique, il est un phénomène quantitatif qui peut se prêter à la mesure ; il semble fort proche de la notion de richesse. En parlant du bien-être économique dans le cadre de ce travail, nous sous-entendons un certain degré de confort à la fois selon les critères subjectifs et objectifs et dont les éléments matériels constitutifs d'un degré de satisfaction des besoins de l'existence constituent d'une manière ou d'une autre le soubassement. Le monde moderne qui, face au progrès de la science et de la technique est aujourd'hui confronté à un problème d'ordre général, celui de développement. Celui-ci est un continu de satisfaction des besoins et d'amélioration des conditions de vie des individus et des communautés. S'il est vrai que l'amélioration des conditions socioéconomiques est une transformation à la fois qualitative et quantitative de l'homme et de l'environnement, il n'en demeure pas moins que le sous-développement est un état de déséquilibre. Ainsi, il serait malaisé de présenter uniquement les considérations sur le développement social et le développement économique sans se soucier de dire un mot sur le sous-développement. Ceci est une évidence car les deux notions sont inséparables. Pour aboutir à l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population, une nation doit s'acharner à éliminer les caractéristiques du sous-développement. Ce fait nous conduit à étudier les concepts connexes.
Certains auteurs définissent le sous-développement partant d'un certain nombre de critères. C'est le cas de Henry LEBENSTEIN (39(*)) pour qui, le sous - développement dépend d'un certain nombre de critères suivants : économiques, démographiques, culturels et politiques et les critères techniques... Yves LACOSTE (40(*)), quant à lui, se base sur trois de ces critères : économique, démographique et technique. Certains autres aussi voient le sous - développement, en quelque sorte de l'intérieur, et soulignent des causes qui paraissent internes au pays. D'autres appréhendent le sous-développement « de l'extérieur » et donnent un rôle primordial aux effets de domination exercés par les pays impérialistes. A cet effet, le sous-développement est défini en termes de retard de développement. Cette thèse a été amplement vulgarisée par ROSTOW. En effet, ROSTOW et la lignée des auteurs qui constituent l'école de modernisation (HOSELITZ, HAEGEN, BOEKE,...) intègrent les approchent technologiques et capitalistiques du développement dans une perspective linéaire. Nous définissons le sous - développement avec Shomba Kinyamba S.(41(*)), comme étant un état de déséquilibre, de carence, de pauvreté, dans lequel se trouve un pays, un peuple. Le sous - développement se remarque dans l'état des infrastructures de base, dans l'état général de l'économie, dans la non maîtrise des rouages de l'organisation sociale, politique, économique. Il s'agit d'un phénomène complexe touchant aux aspects quantitatifs et qualitatifs de la vie d'un peuple. Le phénomène du sous-développement n'est pas facile à comprendre. Néanmoins un certain nombre de critères peuvent dégager ses symptômes. Tous les pays n'ont pas le même niveau de développement. C'est la raison pour laquelle il existe des pays riches et des pays pauvres. Daniel COLARD (42(*)) a étudié les facteurs à la base de cette inégalité et est arrivé à dégager un certain nombre des causes et des critères du sous-développement. Un certain nombre des facteurs semblent justifier l'inégalité de développement entre les peuples des pays riches et ceux des pays pauvres. Ces facteurs sont liés à la démographie (une population excédentaire par rapport aux ressources, le taux élevé de natalité contrastant avec le taux réduit de mortalité, progrès sanitaire, vaccination, etc.), à la géographie et aux conditions naturelles (le climat, la nature des sols, les ressources brutes), à la technologie (le retard scientifique, l'insuffisance des techniques de production, le sous-développement de la recherche), à la culture (les croyances, les religions, les traditions), à la société (la persistance de structures sociales archaïques, l'absence d'une classe d'entrepreneurs, d'une bourgeoisie, d'une élite), à l'économie (la limitation des disponibilités en capital, l'inexistence de l'épargne, la sous industrialisation, la carence des machines), à la politique (mauvaise gestion, stratégies de développement inadaptées, dictatures militaires),... En 1968, un portrait-robot a été élaboré prenant appui sur une douzaine d'études traitant de ce problème. Il en résulte que les indicateurs du sous-développement se ramènent à cinq critères principaux : - Faible niveau d'instruction de la population ; - Modicité du revenu national par tête (généralement inférieur à 1.000 dollars) ; - Sous-alimentation et malnutrition ; - Forte natalité et démographique galopante ; - Population occupée essentiellement dans le secteur primaire (l'agriculture). Il apparaît aujourd'hui que cette tentative de caractérisation du « sous-développement » n'est pas suffisante et qu'elle a plusieurs inconvénients graves. Tout d'abord, si en face de chacun de ces différents points, tous négatifs, on cherche à donner le critère correspondant aux pays développés, on aboutira à la caractérisation d'une situation idéale et naïve qui serait exempte de toute contradiction. Par ailleurs, l'énumération de ces critères de sous-développement et la liste des symptômes de développement imposent une présentation d'un monde divisé seulement en deux types de situation. Déjà, même au niveau des pays développés, beaucoup de contrastes naissent. De toutes ces considérations ci - haut évoquées, il sied de retenir que l'amélioration des conditions socioéconomiques demande un style de vie, une mentalité, une certaine vision du monde, un ensemble de coutume, bref c'est une question de culture au sens large de ce terme où la population vit dans une quiétude, voilà pourquoi un mot sur le concept paix serait important dans l'analyse de ce travail. La paix, un petit mot de quatre lettres si facile à prononcer, mais qui pose pourtant un réel défi aux humains. « Être en paix », « avoir la paix », « faire la paix », les nombreuses expressions qui l'utilisent nous font comprendre à quel point ce mot est riche de sens. Il existe plusieurs façons de définir la paix. D'abord, l'état de calme et d'harmonie que l'on peut ressentir à l'intérieur de soi s'avère certainement un aspect important de la paix. Ensuite, la paix est aussi reliée aux rapports que nous entretenons avec les autres. Enfin, à plus grande échelle, la paix s'applique également à la relation que les nations ont entre elles. On peut donc dire qu'il y a une dimension personnelle, une dimension sociale et une dimension politique à la paix (43(*)). La doctrine sociale de l'Eglise condamne « la sauvagerie de la guerre » comme étant « la faillite de tout humanisme authentique » et impose aux Etats l'obligation « de faire tout leur possible pour garantir les conditions de la paix, non seulement sur leur propre territoire, mais partout dans le monde ». Cependant, elle admet qu'« aussi longtemps que le risque de guerre subsistera », le droit de légitime défense ne saurait être dénié, « une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique ». Dans ce cas, il est également légitime de posséder les moyens adéquats conformes au «principe de suffisance ». L'usage de la force militaire ne peut donc être considéré que comme l'exception à la règle et doit être strictement régi dans le cadre du droit international (44(*)). On s'accordera pour dire que la paix n'est pas qu'un simple mot ; c'est un ensemble de bons comportements que l'on cultive. Toute recherche de paix et de stabilité a une dimension culturelle(45(*)). Le concept de paix peut être envisagé avec quelques nuances selon que cette paix se réfère à un individu vis-à-vis de lui-même, à un individu vis-à-vis d'un autre ou encore selon qu'elle se réfère à une société, une culture, un Etat, .... le phénomène étant conçu au niveau interne ou alors entre Etats, entre sociétés ou entre cultures différentes. La paix peut être envisagée en termes universels : elle peut toucher en effet l'humanité entière. Il faut même reconnaître que de nos jours, les grandes questions qui intéressent l'homme tendent à être examinées d'une part dans une vision universalisante avec comme conséquence l'opacité touchant les limites entre hommes, sociétés, Etats, cultures et univers, et d'autre part, les analyses causales autour du phénomène paix restent aussi limitées du fait qu'il n'existe pas de solutions définitives applicables en tout temps et en tout lieu. Il importe de rappeler que la paix et la guerre fonctionnent comme deux phénomènes intimement liés comme l'endroit et l'envers d'une pièce d'étoffe, la pile ou la face d'une même pièce de monnaie. Ce qui rend malaisée la définition et le contour des acteurs, les mêmes acteurs de la guerre pouvant être les artisans de la paix. La paix est considérée, dans le cadre de ce mémoire comme un d'idéal dans lequel l'absence de guerre proviendrait simplement de l'absence de revendications, c'est-à-dire on réussit à supprimer les causes de la guerre. Cela revient à dire que cette louable intention de faire prévaloir la paix ne consiste à vrai dire qu'à réduire les facteurs de conflits ou tout simplement à en faire atténuer les effets. Pour ce faire, il faut tout d'abord essayer d'effacer les causes de ces conflits qui, pour la plupart des cas, sont attisées par une injustice sociale ou par une défaillance économique, d'où une analyse sur le concept pauvreté nous paraît importante. La question de la pauvreté est complexe et présente de multiples dimensions. Notion polysémique difficile à saisir, des auteurs s'abstiennent de la définir, alors que d'autres tentent d'en cerner les contours. La littérature offre une diversité d'approches, une variété de définitions et de conceptions, de même qu'une série de mesures destinées à réduire la pauvreté et le nombre de pauvres(46(*)). Les signes de pauvreté des individus sont multiples : la mauvaise santé, la faiblesse ou l'absence d'un revenu, une éducation insuffisante, un logement précaire, un travail difficile, la déresponsabilisation politique, la sous-alimentation, un environnement dégradé, l'insécurité physique, etc. Si les poids respectifs et les relations entre ces différents facteurs ne sont pas encore clairement évalués et démontrés, la multidimensionnalité de la pauvreté fait aujourd'hui consensus. Scientifiques, décideurs politiques et professionnels du développement s'accordent sur le fait que la seule dimension monétaire (le manque de revenu) ne suffit pas à représenter la pauvreté(47(*)). * 22 HUGO, P., Géopolitique de l'Afrique, Paris, Ed. SEDES, 2007, p.130 * 23 ROMME, H., Opportunité et contrainte relatives au désarmement et au rapatriement des groupes armés étrangers en RDC. Cas de FDLR, FNL et ADF/NALU, Washington, MDRA, 2007, p.4 * 24WHITFIED, T., « Pratique de la médiation. Entrer en contact avec les groupes armés. Défis & options pour les médiateurs », Centre pour le Dialogue Humanitaire (hd centre), 2012, p. 17 * 25 STEARNS, J., et alii, Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de l'insécurité, RVI Projet Usalama, 2014, p.14 * 26 International Council on Human Rights, « les fins et les moyens, agir pour les droits de l'homme auprès des groupes armés », in ICHR, juin 2014, p.14. * 27 STANILAND, P., cité parHASPESLAGH, S. et ZAHBIA, Y., « Dialogue local avec les groupes armés. Au milieu de la violence », in Accord Insight 2, Londres, 2015, p. 13 * 28REGEHR, E., cité par LUNTUMBWE, M., Op. cit, p. 4 * 29 SANCHEZ, J-L., « Pouvoirs locaux : vers une nouvelle réponse sociale », in Les Cahiers de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale), Paris, Octobre 1997, p.7 * 30 Consortium en développement social de la Maurice, in www.consortium-mauricie.or vu le 26/12/2018 * 31 Le développement économique, in htt//e-classeroom.over-blog.com/le-developpement-economique.html. Consulté le Mercredi, 26/12/2018 * 32 DWIGHT, H., et alii, Economie du développement, 3e édition, Bruxelles, Ed. De Boeck, 2008, p. 372 * 33 Idem * 34 www.un.org/fr/millenniumgoals/, juin 2013, consulté le 11/01/2019 * 35 BERTHELEMY, J-C., et THUILLIEZ, J., « Santé et Développement : une causalité circulaire », In cairn.info, Revue d'économie du développement, Vol 21, 2013, pp. 119-147. www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2013-2-page-119.htm, Consulté le 23/11/2019 * 36 GUAN ZHONG, cité par DWIGHT, H., et alii, Op. cit, p.322 * 37Idem * 38 GUAN ZHONG, cité par DWIGHT, H., et alii, Op. cit, p.322 * 39 LERBESTEIN, H., cité par AUSTRUY, J., Le scandale du développement, Paris, Ed. Rivières, 1968, p.p. 92-96 * 40 LACOSTE, Y., Les pays sous-développés, 7e édition refondue, Paris, PUF,1984, p.3 * 41SHOMBA KINYAMBA, S., Méthodologie et épistémologie de la recherche scientifique, Kinshasa, PUK, 2013, p. 212 * 42 COLARD, D., Les relations internationales, Paris, Ed. Masson, 1987, p.246 * 43Dans L'album thématique « Comprendre pour agir : Pour une culture de la paix » produit en 2015 par le Réseau In-Terre-Actif du Comité de Solidarité/ Trois-Rivières à Québec. * 44 Promouvoir la paix dans le monde, vocation de l'Europe contribution des évêques de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE) en vue de la future stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de sécurité, Bruxelles, Avril 2016, p.43 * 45 AÏSSATOU LABO, T., La paix : fondement d'un développement durable, Journée Internationale de la Paix, In Echos de la MONUSCO, Volume VIII, N°61, Septembre 2016, p.3. * 46 MERCIER, L., « La pauvreté : Phénomène complexe et multidimensionnel », Service social, 44(3), 7-27. Htpps : doi.org/10.7202/70 consulté le 29/12/2018 * 47BENOIS M.,"Quelles « mesures » pour quantifier la pauvreté ? Les indicateurs produits par les organisations internationales", CERISCOPE Pauvreté, 2012, [en ligne], consulté le 29/12/2018, URL http://ceriscope.sciences-po.fr/pauvrete/content/part1/quelles-mesures-pour-quantifier-la-pauvrete |
|