Groupes armés et conditions socio-économiques de la population de Shabunda au Sud-Kivupar Jacques LUTALA KATAMBWE Université de Lubumbashi - Diplôme d'Etudes Approfondies en Sciences politiques et Administratives. Option : Science Administrative 2020 |
1.2. Groupes armés et déplacement et pillage des biens de la populationDe tout temps, des gens ont été contraints à quitter leur maison, leur terre et leur village. Dans certains conflits, le transfert forcé des populations civiles est une arme de guerre et un moyen de créer des sociétés homogènes culturellement, politiquement, nationalement ou ethniquement. Le transfert forcé des populations diminue les chances de paix, déstabilise le territoire, la province voire le pays tout entier et constitue souvent un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité. Le déplacement est un terme qui caractérise principalement les mouvements forcés des populations civiles en temps de guerre. Il inclut les mouvements de populations illicites, pour des raisons ayant trait au conflit, et licites, soit l'évacuation de la population si la sécurité de la population ou si d'impérieuses raisons de sécurité l'exigent. Le transfert forcé de population est une des formes illicites du déplacement. La dégradation de la situation sécuritaire dans le Territoire de Shabunda est une source principale de déplacement et la cause de pillage des biens de la population. Beaucoup de familles ont fui leur lieu d'habitation, perdant par là-même leur source de revenus. Ceci est particulièrement vrai pour les agriculteurs qui, quittant leurs terres, perdent en même temps leur moyen de subsistance. Selon les différents rapports du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA)93(*), de la société civile, parfois confirmés par l'administration territoriale, plusieurs milliers de personnes se sont déplacées dans un court intervalle et cette situation est motivée par la morosité de la situation sécuritaire due souvent à la présence des forces négatives dans le territoire. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), plusieurs milliers de personnes se seraient déplacées entre le 16 et le 18 avril 2018 dans le groupement Baliga en raison d'incursions de groupe armé Raï Mutomboki dans un village appelé Parking. Drid Bampa, notable de Shabunda a déclaré que les populations du village de Parking s'étaient déplacées suite à l'incursion d'une faction de Raia Mutomboki appelée « Kokodikoko » qui a violé, pillé et volé les biens des populations. Pour l'instant, les populations se sont réfugiées dans les villages de Bulungu et Kigulube dans le groupement Bamuguba-sud(94(*)). Deux jours après, la localité de Bimpanga à une dizaine de kilomètres de Kigulube a elle aussi été victime d'une attaque d'un groupe armé dans la nuit du 19 au 20 avril 2018. Des cas des violences sexuelles et des pillages ont été également signalés. L'accès des populations à leurs champs est rendu difficile par cette insécurité grandissante. Beaucoup de familles ont quitté leur maison et leurs terres pour fuir les combats. Dans les camps de réfugiés par exemple, le rythme de vie et les occupations de tous les membres de la famille sont différents de ce à quoi ils étaient habitués : pas de champ à cultiver, pas de travail pour les adultes, pas d'école pour les enfants. Dans ces situations de rupture avec l'environnement familier, les relations entre adultes et enfants changent. C'est parfois la mort ou le départ du père ou du grand frère qui vient bouleverser la famille, laissant à la mère seule la responsabilité matérielle et morale d'élever les enfants. Le déplacement causé par les actions des groupes armés pousse les parents et les enfants à se retrouver séparer par des centaines de kilomètres et l'enfant n'a donc plus de contact avec sa famille. Dans les zones de conflit, une proportion importante d'enfants se retrouvent seuls, ne pouvant compter que sur leurs propres moyens pour survivre. * 93 Rapport du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU, 2010, p.8 * 94 Entretien téléphonique avec Kabongi Ramazani depuis la cité de Kigulube, en date du 22/04/2018 |
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