UNIVERSITE DE LUBUMBASHI
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES
Département des Sciences Politiques et
Administratives
B.P. 1825
LUBUMBASHI
GROUPES ARMES ET
CONDITIONSSOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA
AUSUD - KIVU
Par
LUTALA KATAMBWE Jacques
- Licencié en Sciences Politiques et Administratives
- Assistant à l'Institut Supérieur de Commerce
Mémoire présenté et défendu en
vue de l'obtention du grade de Diplômé d'Etudes Approfondies en
Sciences Politiques et Administratives
E-mail :
katambwejacques@gmail.com
Octobre 2020UNIVERSITE DE LUBUMBASHI
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES
Département des Sciences Politiques et
Administratives
B.P. 1825
LUBUMBASHI
GROUPES ARMES ET CONDITIONS
SOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA
AUSUD - KIVU
Par
LUTALA KATAMBWE Jacques
- Licencié en Sciences Politiques et Administratives
- Assistant à l'Institut Supérieur de Commerce
Mémoire présenté et défendu en
vue de l'obtention du grade de Diplômé d'Etudes Approfondies en
Sciences Politiques et Administratives
Directeur : MUDIMBI KAPILU Jeef
Professeur
Co-Directeur : MOLENGA LINGOTO
Willy
Professeur
E-mail :
katambwejacques@gmail.com
Année Académique 2019- 2020
DEDICACE
A toutes les personnes, connues ou non, victimes
innocentes des guerres dans le Territoire de Shabunda à l''Est de la
République Démocratique du Congo.
LUTALA KATAMBWE Jacques
REMERCIEMENTS
Nous tenons humblement à remercier toutes les personnes
qui ont eu l`extrême amabilité de nous manifester leur
indéfectible soutien, aussi bien matériel, moral, spirituel
qu'intellectuel tout au long de la réalisation de ce travail. Nous leur
sommes entièrement gré et leur serons à jamais
reconnaissant.
Ces remerciements vont particulièrement à
l'endroit des ProfesseursJeef MUDIMBI KAPILU et Willy MOLENGA LINGOTO,
respectivement Directeur et Co-directeur qui ont bien voulu diriger et
codiriger ce mémoire. Nous avons beaucoup apprécié la
qualité des échanges intellectuels, la justesse et la profondeur
de leurs commentaires. Ils nous ont beaucoup aidé en termes de conseils
et d'orientations méthodologiques et théoriques. Nous leur sommes
profondément gré ;
Au Professeur KITABA Kya Ghoanys Floribert et Madame son
épouse, Professeure KAYIBA BUKASA, pour leur soutien tant moral,
matériel, financier que scientifique qui nous a permis de terminer ce
mémoire. Qu'ils trouvent ici l'expression de notre reconnaissance
à leur égard à travers ce poème de Mahatma Gandhi,
cité par Junior MUMBALA ABELUNGU(1(*)) :
Prends ton sourire, et donne-le à celui qui n'en a
jamais eu. Prends un rayon de soleil, et fais-lui percer les
ténèbres. Découvre une source, et purifie
celui qui est dans la boue. Prends une larme, et dépose-la
sur le visage de celui qui ne sait pas pleurer. Découvre un
sens à la vie, et partage-le avec celui qui ne sait plus où il
va. Prends dans tes mains l'espérance, et vis dans la
lumière de ses rayons. Prends la bonté, et donne-la
à celui qui ne sait pas donner. Découvre l'amour, et
fais-le connaître à tous.
Au feu Professeur MWAMBA SINONDA Jean, lui qui a
été le premier à accepter de diriger ce travail, mais
arraché à la vie avant que nous ne terminions ce mémoire
de DEA. Nous pouvons affirmer que ses compétences, sa simplicité
de coeur sont des souvenirs que nous garderons à jamais de lui ;
Aux Professeurs MBAYA KABAMBA Innocent, NGOY KIMPULWA, ASIPATE
SIKITIKO, VYANEY AN'KORO, NTUBUBA BISIMWA Maurice, KEN DIBWE, Sylvie AYIMPAM,
KASONGO NKULU ; si nous avons pu mener ce travail à terme, nous le
devons en bonne partie à eux. Ils ont manifesté à notre
égard, bienveillance, gentillesse, sympathie et disponibilité.
Nous avons particulièrement apprécié la qualité des
échanges intellectuels. Qu'ils trouvent l'expression de nos
sincères remerciements.
Aupersonnel scientifique de l'ISC/Lubumbashi, nous citons C.T
MONGA MUDILO, C.T Etienne KALUMBA, C.T CIKUNG MUKACHUNG, C.T Claude KABWEBU,
CT. Benjamin ILUNGA TSHIBUMBU, Ass. MAJENDE KAEMBE, Ass. MPILAKWA LOKUMU, Ass.
BANZA PILIPILI, Ass Kelly MUKANYA nous leur sommes vivement reconnaissant pour
leursencouragements qui nous ont permis d'arriver à l'achèvement
de ces recherches.
Une place à part entière lors de cette oeuvre a
été occupée par notre épouse FAIDA MAPENDO Anne
ainsi que nos enfants Bijoux LUTALA KATAMBWE BONGANUMBA, Dieudonné
KATAMBWE LUTALA et Marceline NKABAMUSOGA LUTALA. Grâce à leurs
sacrifices, nous avons pu arriver là où nous sommes. Nous leur
devons plus et ils auront essentiellement une place de choix dans notre coeur.
Nous disons aussi merci à nos parents MUSOMBWA KATAMBWE
Dieudonné et ASHA MPASSA, pour leurs sacrifices et efforts consentis
à chaque fois que les besoins se manifestaient.
Nos remerciements s'adressent également à notre
oncle KIBUNDILA KIMINU Sébastien, à Monsieur MWEPA RASHIDI
Mweras, au Major BIMPA Evariste, à Papa Gaby KEKWA, à MUTUZA
Henri, au Prof OMBENI MONZAT KIKUKAMA, David RAMAZANI, à Maître
Fénelon KYANGALUKA WAKENGE, KATI NALWANGO, Docteur Béatrice
AMUNAZO, MASANGU PATAULE et son épouse HUBERTINE KAMWANYA, Styno
MUNYANGI BILIBILI, Jean MASANGU BWAMPONGA pour leur soutien sans lequel nous ne
serions pas ce que nous sommes aujourd'hui.
Ce travail ne pouvait pas être réalisé
sans le sacrifice de notre équipe restreinte qui nous a aidé
à récolter les informations (données) de terrain. C'est
à ce titre que nous adressons nos remerciements à MUSIGWA BALESSO
Wasso, MANGI BANTUBAGENI, Chef de bureau du Territoire de Shabunda, Descartes
MPONGE MALASI, expert en Droits de l'homme aux Nations unies et
ex-président de la société civile de la Province du
Sud-Kivu ; Monsieur KYAMUSOKE NDAYALE Cyprien, membre de la
société civile de Shabunda, à l'Assistant Zyzy KUZINDA
STEPHANE, président de l'ONG de Droits de l'homme ACADHOSHA à
Shabunda, au chef de groupement de Bangoma BENATALI MONGA III, à
BUTELEZI BUMBANDE Bartelemie, MUPENDA MONGA David et son épouse
Elysée KIKA SIMOKO MUPENDA, Jules KAVALA IKASO, John BWALESO KALUBISA,
Florent BYEKA KAMBALA.
Nous voudrions aussi remercier nos frères, amis et
connaissances : C.T BULANGI KAGULUBE Buckas, C.T SENGI KITIBITIBI, C.T
DIHUMBA KABWE, C.T Jeef TSHITAMBA KABALA, C.T Bienvenu LUHEMBWE, C.T
Jean-Jacques MAKWANGA KALIYA, Assistant Valentin MUKOTA KIMBULU, C.T Djoe
GHOANYS KITENGE, CT. MANYONGA Ferdinand, C.T Colonel Patrick KIMBILIKITI
MENIMENI, Assistant MWEMA MANGI Dieu aide, Assistant Jean MUKULUMANIA AMUNDALA,
Assistant Philippe KWALYA BALOLWA, Assistant Christian MWAMI MIZABA, Assistant
Dominique KIWELE KATATO, Joséphine BWAGWA MAPENDO, Denis MULENDA MUKUBI,
RASHIDI MUSOMBWA, LUCIEN MUSOMBWA, BUMBA MUSOMBWA, MUTUZA LUTALA, KAMUNGU
LUTALA, Sylvain IDOLWA BANANGELA et son épouse Colette KANKU, MUTULWA
MASANGU Gaston, MONGA MIGO Paul, MPIMBI MUKELO Chrisostome, Cadet WABALOLWA
MAPENDO, Régine BULANGI, Elysée BULANGI, YIMBA KAMUNDALA
Léon, KIPUKA KIKUKAMA KEPSON, Jérôme KAMPUNZU MAZOMBO,
WABIKA KASILA Kazos, IDUMBO SEKESEKE André, KALAO KIKUNI, KABUKA
SEKESEKE Signeur, KIBONGA SHABANI, KYANZA KISALA Norbert, Justin AMURI KILIMO,
Pascal KITOGA MBISO MUGALA, Trésor MONGA, Trésor AKILIMALI
KAMUNGU, Alexis TABENA KANDOLO, Dieu donné SENGI MASUNGA, Joseph KABONGA
BAGUNDA, SWEDI BILIBILI, Carlos MUKAMBA, Guylain KILELEZI KIKUNI, Dominique
SUMAILI, Patrick MITIGA ainsi que tous ceux et celles que nous avons
rencontrés dans les échanges et qui nous ont ouvert l'esprit
à tous les horizons du monde. Nous voudrions leur témoigner notre
affection et notre profond respect.
Le support moral de notre famille est indispensable dans ce
genre de recherche. Nous disons merci aux oncles Jacques KATAMBWE LUTALA,
BALIMBALA KATAMBWE André, MASANGU BWAMPONGA Jean, aux tantes TCHEUSI
Jeanne, LAELI KATAMBWE, Charlotte BANGAMPALA KATAMBWE, Regine KATAMBWE, ZENA,
ainsi qu'à tout celui, de près ou de loin, a toujours su nous
offrir son soutien, sa compréhension, son encouragement, sa patience et
son affection.
Nous voudrions présenter nos excuses auprès de
toutes les personnes que nous avons involontairement oubliées de
mentionner dans les balises de remerciements. Qu'elles trouvent ici notre
marque de gratitude et de sympathie.
LISTE DES ABREVIATIONS
- AAP = Agence d'Achat des Performances
- ACCORD = Centre Africain pour la
Résolution Constructive des Conflits
- ACTED = Agence d'aide à la
Coopération Technique et au Développement
- ADF/NALU = Allied Democratic Forces(Forces
démocratiques alliées / Armée nationale pour la
Libération de l'Ouganda
- AFDL= Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo
- C.T= Chef de Travaux
- CI-DDR = Comité
Interministériel de Désarmement, Démobilisation et
Réinsertion
- CGDDR= Comité de Gestion des Fonds
de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion
- CNDD - FDD = Conseil National pour la
Défense et la Démocratie - Forces de Défense de la
Démocratie
- CNDP = Congrès National pour la
Défense du Peuple
- CONADER = Commission Nationale de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion
- CORESHAD = Conférence de
Réconciliation des Enfants de Shabunda pour le Développement
- CTPC = Comité Technique de
Planification et de Coordination
- D.E.A = Diplôme d'Etudes
Approfondies
- DDRR = Désarmement,
Démobilisation, Réinsertion et Réintégration
- DDRRR = Désarmement,
Démobilisation, Rapatriement, Réinstallation et
Réintégration
- F.P.R = Front Patriotique Rwandais
- FAC = Forces Armées Congolaises
- FAAL : Forces Armées
Alléluia
- FARDC = Forces Armées de la
République Démocratique du Congo
- FNL = Front National de Libération
- FRF = Front Républicain
Fédéraliste
- GIZ = Deutsche Gesellschaft Internationale
Zusammenarbeit
- GRIP = Groupe de Recherche et d'Information
sur la Paix et la Sécurité
- ISC = Institut Supérieur de
Commerce
- J-C = Jésus Christ
- Km² = Kilomètre carré
- LRA = Lord Resistance Army
- M23 = Mouvement du 23 mars
- MLC = Mouvement de Libération du
Congo
- MONUC = Mission de l'Observation des
Nations unies pour le Congo
- MONUSCO = Mission de l'Organisation des
Nations unies pour la Stabilité de la République
Démocratique du Congo
- MSF = Médecin Sans
Frontière
- OCHA = Bureau de la Coordination des
Affaires Humanitaires
- OMS = Organisation Mondiale de la
Santé
- ONG = Organisation Non Gouvernementale
- ONU = Organisation des Nations Unies
- PAM = Programme Alimentaire Mondial
- PARECO = Patriotes Résistants
Congolais
- PIB = Produit Intérieur Brut
- PNUD = Programme des Nations unies pour le
Développement
- RCD = Rassemblement Congolais pour la
Démocratie
- RDC = République Démocratique
du Congo
- UNHCR = Haut - Commissariat des Nations
unies aux Réfugiés
- UNICEF = Fonds des Nations unies pour
l'Enfance
- UNILU = Université de Lubumbashi
- UNOPS = Bureau de Nations Unies pour les
Services d'Appui aux Projets
INTRODUCTION GENERALE
1. Présentation de
l'objet d'étude
Depuis plus d'une décennie, l'Est de la RD Congo est en
proie à une instabilité sécuritaire dont les causes
seraient à la fois internes et externes. L'ampleur et les effets de
cette situation sont différemment vécus d'un Territoire à
un autre.
En ce qui concerne le Territoire de Shabunda dans la Province
du Sud - Kivu, l'on sait de mémoire que ce Territoire connaît
particulièrement une histoire politique instable marquée par des
guerres, des crises politiques multiformes, des rébellions et
insurrections, des dissidences, bref la violence entrainant ainsi une
détérioration de conditions existentielles de la population.
Dès lors, des foyers de tensions y ont
été régulièrement localisés depuis le
mouvement de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo, AFDL, en passant par la guerre du Rassemblement
Congolais pour la Démocratie, RCD en sigle, dont l'élan a
été fortement bloqué par la résistance
des Mai-Mai dans la partie Nord du Territoire de Shabunda,
jusqu'au mouvement actuel des Mai-Mai Raïa Mutomboki
localisé sur toute l'étendue de ce Territoire.
Le Territoire de Shabunda est réputé
potentiellement riche grâce à la fertilité de son sol et
sous-sol au plan géologique. Par contre, les effets des actions des
groupes armés ne permettent pas l'exploitation de ces divers atouts en
vue de promouvoir le bien-être de la population ; bien au contraire, ils
entraînent ce milieu dans l'enclavement moral et matériel qui
conduit à une précarité de la vie sociale et
économique de la population qui y vit.
Le contexte de cette situation est rendu complexe par la
multiplicité des enjeux politiques, économiques,
géostratégiques ainsi que par la diversité des acteurs
aussi bien nationaux qu'étrangers. L'absence de la volonté
manifeste des belligérants de se détacher de leurs unités,
armes et munitions constituerait une entrave majeure au processus de la
pacification et de l'amélioration de conditions sociales et
économiques des habitants de ce Territoire. Les caractéristiques
géologiques et géoéconomiques que présente ce
Territoire sont importantes et constitueraient des opportunités majeures
pour l'amélioration de la situation socioéconomique de sa
population alors que cette dernière demeure dans une situation de
pauvreté occasionnant ainsi sa misère.
Depuis le déclenchement de la guerre dite de
« libération » en R.D Congo, l'on assiste à
une partition de fait du territoire national. Une partie est
contrôlée par le gouvernement central et une autre est
partagée entre diverses factions rebelles et bandes armées. Cela
démontre que la guerre de 1998 a entraîné la division du
pays en zones gouvernementales et rebelles, division qui est loin aujourd'hui
d'être réellement résorbée. Il s'observe un
phénomène de développement d'espaces semi-autonomes,
particulièrement dans les régions frontalières de l'Est du
pays.
C'est dans ce contexte que les éléments de
Raïa Mutomboki, un des groupes armés opérationnel à
Shabunda, ont su, par exemple, assurer la gestion de toute l'étendue du
Territoire pendant quatre mois et dix - huit jours lorsque les
éléments des Forces Armées de la République
Démocratique du Congo, FARDC en sigle, ont abandonné le
Territoire, sur ordre du gouvernement congolais, pour se rendre au
brassage(2(*)). Pendant
cette période, les éléments de Raïa Mutomboki sont
arrivés à mettre hors du Territoire, les éléments
du groupe armé de Forces Démocratiques pour la Libération
du Rwanda, FDLR en sigle, qui commettaient des exactions contre la paisible
population.
Tirant des leçons des anciennes luttes
révolutionnaires de l'Est du pays, les combattants des groupes
armés de ce Territoire ne sont plus prêts à servir de main
d'oeuvre à un ou plusieurs individus recherchant un profit personnel
dans l'exploitation des matières précieuses (allusion faite aux
dirigeants du maquis de Kabila de 1967-1986). De même, leurs relations
avec les populations locales se sont considérablement
améliorées : ils se font remarquer de moins en moins dans les
vols, viols, pillages et autres mauvais traitements des paysans.
Le cycle récurrent des guerres et de la violence dans
l'histoire passée et présente causée par les groupes
armés en République Démocratique du Congo nécessite
une approche visant non seulement à mettre fin à la violence,
mais également à s'attaquer aux causes profondes de
l'émergence de groupes armés pour établir
l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population.
Les implications majeures des groupes armés sur les conditions
socioéconomiques de la population de Shabunda appellent à une
plus grande considération de ce mouvement au sein de la province et
à l'échelle nationale.
Dans ce contexte, il est essentiel d'approfondir la
compréhension des causes de l'émergence des groupes armés
dans le Territoire de Shabunda au Sud-Kivu et leurs implications sur les
conditions socioéconomiques de la population dudit Territoire par le
biais d'un travail d'analyse approfondie qui stimule les débats autour
de la question. Les enseignements tirés du travail d'analyse permettront
de mettre en lumière la nature de ces groupes armés et leurs
implications sur le bien-être de la population, aidant ainsi à la
formulation de décisions politiques éclairées au niveau
territorial, provincial et national. L'objectif de la présente
étude est de contribuer à cette compréhension et
d'orienter les débats sur les stratégies visant à parvenir
à une solution durable pour la gestion des groupes armés à
Shabunda.
De tout ce qui vient d'être dit ci - haut, Ernie
Regehr3(*), qui s'interroge
sur les conditions d'émergence des effets violents des groupes
armés, dégage une constante qui peut être isolée :
« on peut raisonnablement conclure que les effets des groupes armés
sont davantage susceptibles de se produire, lorsque les communautés sont
imprégnées de raisons profondes pour rejeter le statu quo,
lorsqu'elles ont accès à des ressources matérielles,
politiques et sociales de la violence, et lorsqu'elles sont convaincues ou
peuvent prétendre de manière crédible que cette violence
est leur seul espoir de changement».
Les considérations ci - haut évoquées
montrent que si les groupes armés peuvent être
considérés comme cause de la détérioration des
conditions socioéconomiques de la population de Shabunda, ils sont
également considérés aux yeux de la population, comme un
facteur qui contribue à l'amélioration des conditions
existentielles de la population et cela dans divers domaines de la vie sociale,
économique et politique.
Le choix de ce sujet a été motivé par le
souci de comprendre la montée des foyers de tensions au sein du
Territoire de Shabunda et son implication sur les conditions
socioéconomiques de ses habitants.
Voilà pourquoi nous avons intitulé notre
sujet : « Groupes armés et conditions
socio-économiques de la population de Shabunda au Sud -
Kivu ».
2. INTERET DU
SUJET
Le problème de l'amélioration des conditions
socioéconomiques de la population à l'Est de la République
Démocratique du Congo en général et dans le Territoire de
Shabunda en particulier occupe une place considérable parmi les
exigences sociales.
C'est pourquoi, aucun pays ne peut prétendre
développer toutes ses entités sans que la population ne soit dans
des conditions sociales et économiques assez bonnes. Celles - ci peuvent
être possible grâce à l'instauration d'une paix durable gage
de tout épanouissement sociétal.
C'est dans cette perspective que nous allons dégager
d'une manière succincte l'intérêt que revêt notre
travail sous trois rubriques.
La nature humaine étant incompatible aux souffrances,
notre souci permanent est de voir un jour le Territoire de Shabunda à
travers ses acteurs, améliorer les conditions socioéconomiques de
sa population. C'est pourquoi, il a été indispensable de
découvrir par et à travers nos recherches les facteurs qui
peuvent favoriser l'amélioration de conditions de vie de la population
dans le Territoire de Shabunda, notamment le facteur social, le facteur
économique, le facteur politique, etc.
Eu égard à ce domaine de recherche,
l'étude de la paix durable pour les meilleures conditions de la vie de
la population ne cesse de susciter des controverses dans les milieux
scientifiques, politiques, .... C'est pourquoi, nous voudrions, par et à
travers cette étude, pénétrer le fond du problème
et apporter une solution favorable à la persistance des groupes
armés qui entravent la vie de la population dans cette partie du
Sud-Kivu.
Dans le domaine des Sciences Politiques et Administratives, ce
travail cherche à identifier les facteurs justifiant la présence
des groupes armés à Shabunda et inventorier quelques effets
sociaux et économiques dûs à la présence de groupes
armés dans le Territoire.
Au demeurant, cette étude se situe au carrefour de
l'interdisciplinarité des domaines partagés entre la sociologie
politique, la polémologie, la géopolitique, la
géostratégie, la géographie politique, la gouvernance
sécuritaire, l'analyse des politiques publiques, et la prospective
politique dans une vision future de la partie Est de la RD Congo en
général, et du Territoire de Shabunda en particulier.
Au niveau sociétal, cette analyse permettra à
toute la communauté de Shabunda de découvrir les
éléments qui peuvent lui permettre d'accéder aux
conditions de vie améliorées pour un développement durable
et intégral.
Parce qu'il s'agit des groupes armés et conditions
socioéconomiques, ce travail vient nouer le rapport entre le dirigeant
et le dirigé congolais, tout en montrant à chacun ses droits et
ses devoirs dans le processus d'amélioration des conditions de vie de la
population sous examen. Quant aux membres de groupes armés, ce travail
veut leur montrer comment ils peuvent se transformer en groupes actifs capables
de booster l'amélioration de la situation sociale et économique
de la population de Shabunda en particulier et de la Province du Sud-Kivu en
général.
3. ETAT DE LA
QUESTION
L'état de la question, qui n'est pas à confondre
avec un simple alignement des opinions des auteurs sur un sujet donné,
est une synthèse critique des écrits existants(4(*)). Il nous permet non seulement
de recenser et de fixer la littérature existante sur la question de
recherche en vue d'opérer une rupture démarcative, mais aussi
d'ouvrir des nouvelles pistes de réflexions capables d'enrichir et
d'élargir l'objet de recherche. Il permet également de retenir ou
de capitaliser certains concepts pouvant être mobilisés dans la
recherche.
Pour étudier avec objectivité un objet
d'étude, le chercheur doit d'abord appréhender ou saisir ce qu'il
y a de typique ou de spécifique, ce qui le distingue d'autres objets,
mais aussi il doit détacher ce qui le croise avec d'autres objets.
Pour dégager la spécificité de notre
recherche, il nous a semblé nécessaire de la situer clairement
par rapport aux travaux déjà réalisés d'autant plus
qu'il serait, comme le stigmatisent à juste titre R. Quivy et L. Van
Campenhoudt(5(*)),
« à la fois absurde et présomptueux de croire que nous
pouvons nous passer purement et simplement de ces travaux comme si nous
étions en mesure de tout réinventer par
nous-même ».
La question de groupes armés à l'Est de la
République Démocratique du Congo n'est pas nouvelle, elle a
déjà fait l'objet de plusieurs recherches depuis un temps. A cet
effet, nous n'aurons pas la possibilité d'accorder la lecture à
toute la littérature en rapport avec notre étude,
néanmoins nous aurons à citer certains auteurs ayant
déjà traité cette question, sous différents aspects
dont les ouvrages nous ont été accessibles ; à titre
indicatif :
Léon De Saint Moulin (6(*)) nous montre que l'année 2008 commence en
République Démocratique du Congo dans un climat d'incertitude.
L'insécurité créée à l'Est du pays à
la suite des affrontements entre les forces armées de la RDC (FARDC) et
les troupes du général dissident Laurent Nkunda ne rassure pas
quant à l'avenir du pays. De nombreux congolais, en majorité les
femmes et les enfants, ont commencé la nouvelle année loin de
chez eux, dans des conditions de précarité extrême.
Dans cet article, l'auteur est parti d'une constatation selon
laquelle les conflits au Nord - Kivu sont destructeurs de l'ordre social et
récurrents. Cette récurrence est imputée pour près
de 80% à des causes externes ; c'est ainsi que l'auteur dira que ce
qui se passe à l'Est de la RD Congo est inquiétant. Cet
état de chose ne pourra changer que si tout le monde :
autorités politiques et militaires, membres de la société
civile, intellectuels et paysans, s'emploient à rechercher sans
complaisance, les causes véritables et y apporter des solutions
réalistes et durables.
Dans sa conclusion, l'auteur souligne que la RD Congo n'est
pas le premier pays à traverser une crise aussi grave et durable,
l'Angola, pour ne citer que ce pays voisin, a connu plusieurs années
d'une guerre meurtrière dont les conséquences ont
été dramatiques mais, ce même pays est aujourd'hui
cité à la surprise de beaucoup, parmi les pays d'Afrique dont les
habitants vivent dans la paix qui est la condition sine qua none pour tout
développement intégral.
Le mérite de l'auteur avec notre objet d'étude
est de considérer que les conflits armés sont destructeurs de
l'ordre social. L'analyse de l'auteur sur la détermination de la
responsabilité de tous les acteurs sociopolitiques afin de trouver sans
complaisance les causes véritables de conflits armés et la mise
en oeuvre des solutions réalistes et durables pouvant conduire à
un changement positif de conditions socioéconomiques d'un peuple sont
les éléments qui nous rapprochent avec l'auteur cité ci -
haut.
Au - delà d'un tel mérite, nous soulevons que
Léon De Saint Moulin est allé jusqu'à comparer la guerre
que connait la RD Congo à celle de pays voisins, notamment celle
d'Angola, oubliant que le contexte de l'émergence de la guerre à
l'Est de la RD Congo n'est pas le même avec celui des pays voisins
auxquels il a fait allusion... En Angola, par exemple, il s'agit d'une guerre
par procuration qui a opposé les deux grandes puissances rivales
américaine et soviétique pendant la Guerre froide, les
États-Unis soutenant les mouvements rebelles alors que l'URSS soutenait
les gouvernements marxistes en place. Mais tandis que les guerres qu'a connue
la RDC sont fonctions de plusieurs enjeux, notamment les enjeux politiques,
économiques, ethniques, etc.
Samuel SOLVIT (7(*)) est parti de l'observation selon laquelle les
ressources naturelles jouent un rôle dans les conflits qui minent la
République Démocratique du Congo depuis tant d'années.
Depuis sa création en 1885, ce pays est en proie à des situations
de conflits quasi permanentes. Du caoutchouc dans les années 1890-1900
au coltan-cassitérite, à l'or ou au pétrole dans les
années 2000 en passant par le cuivre, l'uranium ou le diamant dans les
années 1960, ces ressources sont au coeur des conflits congolais
évoluant avec les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Et
il a observé la diversité et la complexité de ce
rôle au cours de l'histoire du pays.
A l'époque coloniale, les ressources naturelles ont
joué un double rôle dans la dynamique des conflits du pays. Elles
ont tout d'abord servi à alimenter les conflits, car les ressources
naturelles étaient la finalité principale de l'oppression et de
l'exploitation. Les colons et les entreprises ont ainsi exercé ce
pouvoir pour ces ressources, mais aussi via ces dernières. Et à
plus long terme, elles ont contribué à la création d'une
structure politique, étatique, économique et territoriale du pays
instable, ce qui fut le terreau de conflits à venir.
Puis il y eut la période de la guerre froide.
Protégé par l'affrontement des grands blocs, Mobutu pût
tranquillement piller le pays et se servir des ressources naturelles pour
s'enrichir. Le résultat fut un régime dictatorial, le
délitement et la désorganisation totale de l'Etat et de
l'économie ainsi que la création d'une forte instabilité
interne. La fin de son régime se termina d'ailleurs par un conflit. D'un
côté les ressources naturelles ont été un enjeu
capital motivant les intérêts des grands blocs et permettant la
domination et la pression. Et de l'autre côté, la guerre froide a
limité les conflits internes au sein du Zaïre en étouffant
les rébellions et les oppositions.
Avec la fin de la guerre froide et la fin du régime
Mobutu, les années 90 ont laissé un vide. Ce vide politique et
économique a été propice au développement de la
prédation et à l'aboutissement de la désorganisation
totale du pays menant à la chute de ce dernier. L'absence de pressions
liées à la guerre froide et au pouvoir politique central s'est
mêlée au manque de structure étatique. Les ressources
naturelles y ont eu un rôle multiple : elles ont stimulé le
pillage de l'Etat sous l'ère Mobutu ; ce qui aboutit à la
« première guerre du Congo » entre 1996 et 1997,
elles ont accentué la chute de l'Etat et le conflit en stimulant les
intérêts et la prédation, elles ont financé la
guerre et enfin, ajoute l'auteur, elles furent une des finalités de la
guerre pour certains acteurs.
L'auteur continue en stigmatisant qu'en 1998 commença
une nouvelle ère marquée par une guerre meurtrière.
L'économie, par le biais des ressources naturelles, s'est
infiltrée partout pour faire évoluer les conflits vers ce qu'il
qualifierait de Business Conflits. L'abondance de ressources
naturelles du pays dans un contexte mondial changeant - mondialisation,
nouveaux acteurs et nouveaux minerais - a fait naître une nouvelle forme
de conflits et a stimulé le développement de comportement de
prédation. Les trafics de ressources naturelles augmentèrent, se
caractérisant par l'afflux de groupes mafieux, de groupes armés
et des groupes rebelles, ce qui fut source d'instabilité et contribua
à alimenter la présence et la violence de ces groupes. Aussi, ce
contexte mondial attira de nombreuses entreprises minières du monde
entier qui, défendant leurs intérêts, devinrent des acteurs
politiques. La « deuxième Guerre du Congo » fut un
théâtre et une conséquence de ces changements. Se
développa au cours de cette guerre le « commercialisme
militaire » qui se caractérise par une position accrue des
ressources naturelles comme finalité du conflit. Par ailleurs, les
ressources naturelles ont plus classiquement servi à nourrir de guerre
de ce conflit.
Cependant, le rôle des ressources naturelles reste
capital et présent à chaque niveau de ces conflits. Elles donnent
des moyens pour financer l'effort de guerre, des finalités, des
catalyseurs, et indirectement ce sont elles qui permirent de créer un
contexte politique et économique plus ou moins propices aux conflits.
Elles ont donc agi à la fois au niveau conjoncturel et structurel.
Pour mettre son analyse en perspective, l'auteur rappelle
qu'il ne faut oublier deux choses :
- Les ressources naturelles sont au coeur de l'activité
économique du pays ;
- La guerre et l'économie sont éternellement
liées, pour des raisons évidentes de financement de l'effort de
guerre, et par ailleurs pour les liens plus
« métaphysiques » qui peuvent exister entre le
pouvoir, l'argent et la politique.
Ces deux observations ont amené l'auteur à se
demander si ces conflits en RDC sont particuliers : fondement de
l'enjeu économique (en RDC, les ressources naturelles) n'est - il pas,
dans d'autres conflits, ailleurs ?
Il répond à cette préoccupation en disant
que le lien entre les ressources naturelles et les conflits en RDC n'est pas
différent du lien qui aurait pu exister entre n'importe quel autre enjeu
économique et ces conflits. Cela induit que pour comprendre cette
relation, peut-être faudrait-il chercher à comprendre les liens
entre l'économie et la guerre de manière plus
générale. S'il n'y avait pas de coltan, les armes seraient
peut-être financées par autre chose : la drogue, le trafic
d'êtres humains, des mouvements terroristes, la religion, les
kidnappings, des opposants politiques, des
« investisseurs » internationaux, etc.
L'auteur conclut en disant qu'il ne s'agit pas de
déduire de ce dernier questionnement que toute la régulation est
inutile. La RDC reste un pays instable et en très mauvais
état.
Même si le contrôle de l'exploitation, de la
gestion et de la commercialisation des ressources naturelles ne peut changer
entièrement la dynamique des conflits, ce contrôle doit être
exercé d'abord pour la reconstruction du pays et pour écarter
toutes les stimulations qu'elles provoquent. Les ressources naturelles sont,
comme nous l'avons vu, un facilitateur et un stimulateur de conflit. Elles
aiguisent les désirs et nourrissent les appétits des plusieurs
acteurs qui s'en intéressent. Pour ces raisons, les ressources
naturelles doivent être contrôlées pour la stabilité
du pays bien que ce ne soit qu'une étape éternellement
perceptible et insuffisante.
Les guerres en RDC proviennent de causes multiples tournant
autour de quatre séries de facteurs : économiques,
institutionnels, régionaux et géopolitiques mondiaux. Ces
facteurs sont intimement liés et ne peuvent être traités
isolément pour la compréhension des causes des conflits,
l'élaboration des stratégies de règlement des conflits ou
le développement économique à l'issue des conflits. La
faiblesse générale de l'économie a joué un
rôle fondamental dans l'origine des conflits. La guerre contre Mobutu a
éclaté dans un environnement propice aux conflits. Plus
précisément, l'effondrement de l'ensemble de l'environnement
macroéconomique, la mauvaise gestion du secteur public et la
détérioration des conditions sociales, en particulier l'explosion
du chômage des jeunes, ont sensiblement affaibli la capacité de
l'État à pourvoir aux besoins élémentaires du
peuple congolais et à assurer sa sécurité, créant
ainsi un environnement propice à l'apparition de contestations violentes
de l'autorité de l'État causées par le
mécontentement et la cupidité.
Même si les guerres en RDC ont été
décrites comme étant des « guerres des ressources »,
les ressources naturelles ne sont pas la cause directe des conflits. Ces
derniers peuvent être mieux décrits comme étant
principalement « des conflits de répartition », en ce sens
qu'ils ont été alimentés par la mauvaise gestion du
secteur des ressources naturelles et une répartition inégale des
bénéfices provenant de l'exploitation de ces ressources. Le
problème n'est donc pas le volume des ressources naturelles, mais
l'incapacité de mettre en place des institutions solides et un cadre
réglementaire efficace pour leur gestion, qui a rendu le pays
vulnérable aux conflits et l'a empêché de tirer pleinement
avantage de ses ressources naturelles abondantes.
Nous sommes d'avis avec l'auteur lorsqu'il considère
que ces ressources sont au coeur des conflits congolais évoluant avec
les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Et ensuite, par la
considération qu'il donne en ce qui concerne l'absence d'une mise en
place des structures solides et réglementaires efficaces pour la gestion
de ces ressources par le gouvernement congolais.
Nous nous écartons de l'auteur dans le sens que les
ressources naturelles ne sont pas le seul fondement conflictuel en RDC, il
existe d'autres facteurs (l'etnicité, la vulnérabilité de
la population, l'analphabétisme, les problèmes fonciers,...) qui
expliquent la situation de la conflictualité en RD Congo et plus
particulièrement à l'Est et dans le territoire de Shabunda ;
ensuite, l'auteur n'a pas démontré l'incidence qu'ont ces
ressources sur la vie de la population congolaise en général et
de l'Est en particulier ; ce qui constitue notre objet d'étude.
Jean-Claude Willame (8(*)), fait état de conflits au Kivu, partant d'une
classification qu'il va subdiviser en deux parties :
Dans la première catégorisation, il s'agit des
guerres paysannes datant de 1937-1994, qu'il appellera d'une escalade
conflictuelle autour d'enjeux fonciers et identitaires. Pour cette
période, il partira d'une constatation selon laquelle les cohabitations
imposées par les colonisateurs et les tensions politiques
baptisées sous l'appellation « trajectoire
conflictuelle », pour ainsi dire qu'au Nord-Kivu, les collines
fertiles encore boisées et très peuplées au début
de ces siècles, ont attiré des flux importants de migrants en
provenance du Rwanda. En plus, une autre immigration massive encadrée et
organisée par les autorités coloniales entre 1940-50, va inonder
la province du Nord-Kivu, car la raison fondamentale de cette organisation est
que ces migrants étaient confrontés aux problèmes de
famine et aux affrontements politico-ethniques entre Hutu et Tutsi au Rwanda
voisin.
Dans la deuxième catégorisation, le constat fait
par l'auteur est celui de la guerre régionale et acteurs internationaux
autour du Kivu, enjeux politiques en 1995 et 1998. D'après ses analyses,
il constate que le génocide Rwandais est la principale
conséquence, car l'énorme exode qui en découla,
après la victoire du Front Patriotique Rwandais (F.P.R) en Juillet 1994
a représenté incontestablement pour ce qui regarde l'Afrique
centrale, un signal fort d'une mutation historique, profonde en termes de
mouvement et de déplacement de population, ses répercussions ont
même débordé largement, l'Afrique dite des Grands Lacs.
Comme conclusion, l'auteur estime qu'en l'absence d'une
capacité affirmée des organisations régionales africaines
à prévenir et à gérer des situations de crises et
de violences de plus en plus fréquentes, le désinvestissement
politique de l'Organisation des Nations - Unies (ONU) et des principaux acteurs
de la communauté internationale, risque d'accroitre encore davantage la
surcharge humanitaire, car en RDC, il y a véritablement situation de
guerre entre Etats, et des négociations internationales sont
incontournables au vu du nombre des pays voisins, et même plus les pays
lointains impliqués dans ce conflit.
Le débordement de mouvement et déplacement de la
population dûs à ce que l'auteur qualifie des guerres paysannes
d'une escalade conflictuelle autour d'enjeux fonciers et identitaires a
engendré une cohabitation imposée par les colonisateurs. Nous
soutenons la considération de l'auteur dans le sens où l'exode
rwandais serait aussi un des facteurs d'instabilité de la population
dans la partie Est du pays.
Notre démarcation avec l'auteur réside dans le
fait que l'auteur n'a pas fait une analyse sur les acteurs locaux
impliqués dans les conflits et guerres au Kivu afin de dégager la
part de responsabilité de tout un chacun sur la dégradation de la
vie de la population.
Ndabereye Nzita P. (9(*)), qui a apporté sa contribution à la
reconstruction des Grands Lacs Africains en s'interrogeant sur les conditions
de la paix durable, laquelle conditionne le développement de cet espace,
démontre qu'aujourd'hui, beaucoup d'observateurs s'interrogent en sens
divers sur le destin de l'Afrique des Grands Lacs après le temps des
turbulences qu'elle a connu. Les conflits dans cette région n'ont pas
été contenus à l'intérieur des frontières du
Burundi, de l'Ouganda, de la R.D.C. et du Rwanda ; les pays voisins tels
que la Tanzanie, la Zambie,... ont dû en subir considérablement
les conséquences.
En effet, les horreurs de l'épuration ethnique du
Burundi, du génocide au Rwanda, de la guerre civile en Ouganda et de la
coalition ouverte de ces pays contre la RDC, ont mobilisé d'un coup et
les belligérants nationaux et internationaux, la communauté
internationale et l'Union Africaine à s'investir dans la gestion de la
guerre et de l'endiguer.
A cet effet, au fil des années, le dysfonctionnement
des politiques des pays de cette partie de l'Afrique risque de faire demeurer
les peuples de cette région dans un sous - développement
indescriptible. De nos jours, malgré l'intransigeance manifestée
par la minorité contrôlant le pouvoir au Rwanda et au Burundi
hier, le voeu de la majorité est pour la reconstruction de la
région. Or, reconstruire les Grands Lacs, c'est poser d'abord une base
solide pour amener une paix durable. Mais comme nous le savons, souligne
l'auteur, la paix est un processus et non une fin en soi. Alors, il faudra
reconstruire la paix en même temps qu'on intériorise et/ou qu'on
déploie des efforts pour le développement de la région des
Grands Lacs Africains. Car, la paix est une ressource rare pour arriver au
développement. Au fait, c'est dans la quiétude que l'homme
travaille. Et ce dernier a besoin à tout prix de la paix pour ses
projets et pour son avenir, ajoute l'auteur.
Ainsi donc, si l'homme peut se développer pendant la
paix, la réflexion de l'auteur a comme préoccupation de
répondre à la question suivante : quels sont les
facteurs à la base de la conflictualité dans les pays des Grands
Lacs Africains et quelles sont les conditions du retour à la paix face
aux impératifs du développement régional ?
A cette question, l'auteur pense que la colonisation serait
à la base des foyers de tensions entre les peuples des Grands Lacs.
D'abord, du fait du tracé arbitraire des frontières qui n'a pas
tenu compte des identités et clivages qui allaient en résulter.
Pour ce qui est du deuxième volet de la problématique, l'auteur
démontre que la résolution des problèmes internes à
chaque Etat de la région parait être une étape
nécessaire et une urgence dans la gestion des conflits des Grands lacs.
L'auteur conclut son travail en disant que la
démocratisation des institutions, l'instauration d'un Etat de droit
pourrait déclencher la spirale de développement de la
région des Grands Lacs Africains. La pauvreté,
l'analphabétisme, ... sont là les grands obstacles au
développement de cette région. L'éradication de ces maux
peut être, au dire de l'auteur, possible par les soutiens divers du
secteur privé. La démocratisation des institutions pourrait
entraîner la restauration de l'autorité de l'Etat, l'Etat de
droit, l'alternance au pouvoir, la justice (à tous les niveaux), la
jouissance de toutes les libertés, la légitimation du pouvoir,
etc. pour éliminer la pauvreté, l'analphabétisme, le
parasitisme social, ... L'auteur démontre que cette charge incombe aux
pouvoirs publics. La stabilité des régimes pourra attirer des
capitaux étrangers qui pourraient, d'une part, combler les
déficits budgétaires et, d'autre part, résorber le
chômage en créant des emplois rémunérateurs.
Cherchant à comprendre les facteurs à la base de
la conflictualité dans les pays des Grands Lacs et les conditions du
retour à la paix face aux impératifs du développement
régional, nous sommes d'accord avec l'auteur dans la mesure où
l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population
passe par une stabilité sociale (donc la population doit être en
paix). Si l'homme doit être le moteur du développement, il faut
qu'il arrive à développer ses capacités mentales et
physiques. Seules ces capacités pourraient lui permettre de lancer un
défi à toutes les misères qui l'accablent.
Notre démarcation avec l'auteur se situe au niveau
où il considère l'impréparation de l'élite
africaine des Grands Lacs, la gestion démocratique tenant compte des
réalités locales, la redynamisation d'un cadre intégratif
et la création d'une banque commune pour les quatre pays de la
région, etc... comme les éléments pouvant conduire
à une paix durable dans les pays des Grands Lacs sans faire analyse,
sans déterminer les cadres pouvant mettre en place et/ou en application
toutes ces suggestions, mais dans notre étude, nous voulons
démontrer comment les groupes armés impactent négativement
et positivement la vie sociale et économique de la population.
Judith Verweijen et Claude Iguma Wakenge(10(*)) développent des
considérations selon lesquelles, après la défaite
militaire de la rébellion du M23 en novembre 2013, la mobilisation
armée s'est poursuivie à un rythme effréné dans
l'Est de la République Démocratique du Congo. Malgré un
fort retentissement, une première série de redditions n'a pas
duré, et elle a surtout concerné des combattants individuels
plutôt que des groupes armés entiers. Vers 2014, le paysage des
groupes armés a connu une nouvelle fragmentation, les groupes existants
se scindant alors qu'en émergent de nouveaux. La plupart de ces groupes,
tels que les différentes factions Raïa Mutomboki et Nyatura, ne
sont pas des mouvements rebelles de grande envergure, mais regroupent des
combattants en nombre limité et variable, souvent inférieur
à 300. Ils sont arrivés à se poser les questions de savoir
comment expliquer la prolifération des groupes armés de faible
envergure dans l'Est du Congo ? Quelles politiques ont été
adoptées pour venir à bout de cette problématique ? Et,
enfin, quelles en sont les implications pour les efforts de stabilisation et de
consolidation de la paix ?
Les auteurs démontrent qu'en raison de la
prolifération de petits groupes armés et de la disparition et
dispersion des mouvements rebelles de plus grande ampleur, la configuration des
groupes armés dans l'Est du Congo est de plus en plus
fragmentée.
Cette fragmentation résulte de la conjugaison de
plusieurs facteurs, à savoir l'implication croissante d'acteurs
politiques au niveau micro-local dans la politique militarisée, la
volatilité de la dynamique des conflits locaux, et le recours à
des politiques militaires contre-productives, notamment à des
opérations militaires.
Depuis la fin de l'intégration globale des groupes
rebelles dans l'armée nationale congolaise, les opérations
militaires représentent la stratégie de prédilection pour
lutter contre les groupes armés.
Ces opérations militaires ne s'inscrivent pas dans le
cadre de démarches politiques plus larges visant à convaincre les
groupes armés de déposer les armes.
Ils ont conclu en disant qu'il est impératif de
concevoir des politiques axées principalement sur les groupes
armés à proprement parler ainsi que sur leurs réseaux de
soutien politico-économique, et de compléter ces politiques par
une réforme de l'armée et des mesures pour venir à bout de
la dynamique des conflits.
Notre travail converge avec ces auteurs dans la mesure
où leurs analyses ont expliqué la prolifération des
groupes armés de faible envergure à l'Est de la RD Congo et
surtout par le fait qu'ils ont cherché à comprendre les
politiques adoptées pour mettre fin à la persistance de ces
groupes armés. Ces analyses ont une raison d'être quant à
ce qui concerne notre étude.
Nous nous démarquons de ces auteurs par le fait d'avoir
oublié de dégager l'impact de ces petits groupes armés sur
les conditions socioéconomiques de la population, car
l'amélioration de conditions sociales et économiques d'un peuple
est l'un des facteurs pouvant éradiquer la présence des groupes
armés dans cette partie du pays.
Sary Ngoy Blaise (11(*)), estime que deux causes principales peuvent
expliquer la crise des Grands Lacs africains. Il s'agit de la pauvreté
et de la démocratie. Pour lui, chercher à organiser une
conférence régionale sur les Grands Lacs sans avoir résolu
les sources internes des conflits dans chaque pays est une entreprise
dénudée de sens. Pour l'auteur en effet, aussi bien au Congo
qu'au Rwanda, au Burundi et en Ouganda, les racines des conflits futurs sont
encore profondes (absence de démocratie, absence de conditions de
progrès social et économique, le déséquilibre entre
la croissance démographique et la croissance économique, le
sous-développement industriel,...).
L'auteur pense aussi que la signature de « l'accord
global et inclusif est un ingrédient qui en cache d'autres ».
A l'appui de cette thèse, il se demande « si la manière
dont les protagonistes ont mis fin à cette guerre autorise
d'émettre des avis optimistes quant à l'avenir de la
région », car « la guerre s'est achevée (ou
pas achevée) par un cri qui en dit plus : ni perdant ni
gagnant ». Pour lui, les accords conclus et qui mettent fin à
la guerre sont « le fruit des négociations entre
protagonistes... De quoi ils ont négocié ? Des terres du
Kivu ? Des relations avec les voisins ? De la nationalité des
Tutsis du Congo ? De gagne peu ? Des désoeuvrés, des
militaires qui espèrent toujours vivre un eldorado ? Non, ils ont
négocié le partage du pouvoir entre les composantes durant la
transition et la tenue des élections démocratiques ».
Il est donc supposé, affirme l'auteur, que les solutions aux autres
ingrédients locaux sont renvoyées au second degré par le
pouvoir de transition. Ainsi, comme au Congo, la guerre s'est
« achevée par « ni victoire ni perte »,
elle n'est pas totalement achevée. Ses racines demeurent ». La
constitution de ces facteurs déclencheurs est repartie à cause du
« repeuplement de la région par les rwandophones et
l'existence des caches d'armes dans les brousses du Kivu ».
Pour terminer, Blaise SARY, croit que « la paix
régionale passe avant tout par la démocratisation
réciproque des régimes » qui implique « un
pouvoir national rassembleur, légitime et fort dans tous les
pays » pouvant ainsi « préfigurer le début
d'une stabilité et d'une paix durable dans la région.
L'absence de démocratie, l'absence de conditions de
progrès social et économique, le déséquilibre entre
la croissance démographique et la croissance économique,
dégagés par l'auteur comme causes principales pouvant expliquer
la crise des Grands Lacs africains sont des observations qui nous mettent
en convergence avec l'auteur, car la mise en oeuvre de toutes ces causes
évoquées ne peut pas permettre à un peuple de
connaître le bien - être social.
Mais le contraste avec notre étude réside dans
le fait que l'auteur considère que « la paix régionale
passe avant tout par la démocratisation réciproque des
régimes », or notre analyse part de l'observation qui consiste
à comprendre l'implication de groupes armés dans la
détérioration de conditions socioéconomiques de la
population, pas seulement dans son aspect négatif, mais également
dans son aspect positif.
TSHIMPANGA Matala Kabangu et GONZALEZ, F.(12(*)), après avoir
étudié l'essence des conflits dans les pays de la région
des Grands Lacs, notamment au Burundi, en Ouganda, en RD Congo et au Rwanda et
leurs conséquences en Afrique Centrale et Australe, montrent que le
conflit en RDC revêt une dimension régionale. Les peuples de la
région des Grands Lacs sont si étroitement liés les uns
aux autres dans les domaines social, économique, culturel et
linguistique qu'une instabilité provoquée dans un pays de la
même région pour causes internes, peut se propager rapidement
jusqu'à créer une nouvelle dynamique de conflit dans toute la
région, la porosité des frontières aidant.
Pour ces auteurs, en effet, c'est dans le cadre
régional où il convient de trouver des solutions efficaces aux
conflits et à l'instabilité qui couvre sur chacun des pays
membres. Ces chercheurs ont, après investigations, constaté que
« le climat de méfiance entre les gouvernements de la
région et les attitudes extrémistes et de rejet affichées
par la population face à des groupes ethniques déterminés,
ne peuvent pas favoriser la cohabitation, ni la coopération, ni encore
moins la réalisation de certains plans de développement
régional. Il est fort souhaitable de rétablir la confiance et un
dialogue capables de frayer des voies qui mènent vers la paix et la
stabilité. Dans ce sens, la conférence internationale sur la
paix, la sécurité, la démocratie et le
développement revêt tout son sens ». Les chercheurs en
question pensent qu'au cours de cette conférence les Etats
concernés, notamment le Burundi, l'Ouganda, la R.D. Congo et le Rwanda
« doivent ensemble chercher un accord sur des questions bien
déterminées qui affectent leurs relations, notamment la
restauration des relations de bon voisinage ; la recherche des
stratégies qui favorisent un climat de stabilité, de paix et de
sécurité ; la promotion de la démocratie et de la
bonne gouvernance comme modèle de gestion politique et instrument
d'attrait des investissements étrangers favorables à la
croissance de l'économie ; la promotion du développement
social au profit de tous les peuples de la région. Etant donné
que la région a été dévastée, un plan
Marshall doit être mis sur pied pour la relever, affirment les auteurs.
En dégageant la stratégie de l'instauration d'une
conférence internationale sur la paix, la sécurité et la
démocratie, le développement revêt tout son sens.
Nous sommes d'avis avec les auteurs surtout lorsqu'ils
dégagent les considérations sur les stratégies qui
favorisent un climat de stabilité, de paix et de
sécurité ; la promotion de la démocratie et de la
bonne gouvernance comme modèle de gestion politique et instrument
d'attrait des investissements étrangers favorables à la
croissance de l'économie, la promotion du développement social au
profit de tous les peuples.
La démarcation que nous retrouvons dans notre analyse
à celle de ces auteurs réside dans le fait qu'ils n'ont pas
dégagé les éléments déclencheurs de
l'instabilité qui créent le manque de la paix dans la
région et par ricochet, de toute la population de la région. Par
contre, notre étude veut comprendre la montée des foyers de
tensions des groupes armés qui constituerait un frein au retour de la
paix et de la stabilité en causant ainsi une détérioration
des conditions existentielles de la population.
4. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
DE TRAVAIL
4.1.
Problématique
Le problème de groupes armés et des conditions
socioéconomiques de la population à l'Est de la République
Démocratique du Congo reste jusqu'à nos jours un des
problèmes majeurs de ce pays.
Toutefois, depuis la guerre de libération menée
par l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du
Congo en 1996 et 1997, le Territoire de Shabunda vit dans un état
d'enclavement, avec une population fortement paupérisée et
devient un foyer par excellence de groupes armés étrangers et
locaux. Ce Territoire regorge plusieurs potentialités agricoles,
minières et forestières. Un contraste ineffable eu égard
aux conditions de vie socioéconomiques actuelles de la population, au
lieu d'être une aubaine de croissance socioéconomique, ces
potentialités menacent sérieusement l'existence de la
population.
Sur le plan sécuritaire, Shabunda est une zone rouge.
La présence de groupes armés qui se battent fréquemment
met en danger la sécurité des citoyens et de leurs biens. La
plupart de ces groupes, si pas tous, se battent pour le contrôle des
carrés miniers. Quelques unités de l'armée congolaise sont
là, mais dans des conditions difficiles et inhumaines de travail.
Sur le plan sanitaire, Shabunda est une zone où la
gratuité des soins a été et est encore pratiquée
par Médecin Sans Frontière (MSF) Espagne. Cette gratuité
s'expliquerait par le degré de vulnérabilité des
populations toujours en mouvement à cause des affrontements
réguliers entre les groupes armés pour contrôler les sites
miniers et la paupérisation avancée de la population. Cette
gratuité est totale, mais on ne peut s'en douter, l'Hôpital
Général de Référence de Shabunda centre
reflète cependant une vétusté et une dégradation
avancée, sans entretien ni soins aux alentours. Certes, ceci n'est pas
spécifique à cet hôpital, mais il y a lieu de se demander
pourquoi les porteurs du système de la gratuité des soins ne
songent pas à réhabiliter cette infrastructure (comme cela a
été constaté dans le package de gratuité offert
dans certaines structures sanitaires ne fût-ce que pour les
Hôpitaux Généraux de Référence)?
Sur le plan des infrastructures, il n'y a pas de route. C'est
à peine qu'il y a quelques bâtiments neufs. L'habitation est
très rudimentaire, primitive (en chaume). Les routes sont en très
mauvais état, quasi impraticables. La piste d'aviation que nous
qualifierons de fortune n'est pas en reste. Elle risque à tout moment de
causer un crash au décollage ou à l'atterrissage.
Cet aérodrome est pourtant capital pour
l'économie du territoire. C'est par là que toutes les
marchandises et produits nécessaires rentrent dans le territoire et
c'est par là aussi qu'on évacue presque chaque jour vers Bukavu
et Goma une bonne partie des minerais exploités. Quoi de plus normal
alors que de mettre en état utile cet outil de développement
territorial ? Malheureusement cela semble être le cadet des soucis de
ceux qui en ont l'obligation.
Sur le plan économique, bien que ce territoire
possède un sous-sol riche en minerais, mais on observe une absence
totale des investisseurs pour exploiter ces minerais afin de permettre à
la population de se trouver un travail susceptible permettant
d'améliorer sa situation sociale et économique. Toutes les
potentialités ne servent pourtant ni au développement ni au
bien-être de la Province du Sud-Kivu et moins encore dudit Territoire...
Si nous prenons le seul exemple de l'exploitation de l'or par les dragues, il y
a lieu de s'indigner et de se révolter, dans la mesure où ces
dragues mobilisent chaque jour des milliers de dollars qui ne profitent
à rien à la population.
Ainsi, au regard de ce constat, il y a lieu de nous poser la
question de savoir :
Quelles seraient les implications de la
présence des groupes armés sur les conditions
socioéconomiques de la population de Shabunda au
Sud-Kivu ?
L'essentiel pour un chercheur n'est pas seulement de poser sa
problématique, mais surtout en donner aussi quelques propositions
provisoires en termes d'hypothèses.
4.2. Hypothèses du
travail
Selon Rezsohazy (13(*)), l'utilité principale des hypothèses
est de diriger la recherche. Elles désignent l'information à
tirer du document. Tout phénomène social crée toujours une
source d'explication dans la société elle - même.
Voilà pourquoi, nous dégageons des réponses qui serviront
de fil conducteur tout au long de cette étude.
Les groupes armés seraient l'élément
déclencheur, non seulement, de plusieurs effets négatifs
entravant l'amélioration du bien-être de cette population
longtemps marginalisée, mais aussi, la présence de ces groupes
armés présenterait quelques effets positifs qui ont
contribué, tant soit peu à l'amélioration des conditions
socioéconomiques de la population de Shabunda.
Parmi ces effets négatifs, nous pouvons évoquer,
à titre d'hypothèses, l'exploitation illégale de
ressources, le pillage systématique des richesses naturelles et biens de
la population, l'augmentation excessive de prix des produits d'origine
alimentaire, le recrutement forcé des jeunes et enfants dans
l'armée, la déstabilisation des activités
économiques dans le territoire, les assassinats organisés et les
meurtres, le règlement des comptes, le déplacement des
populations, ....
En ce qui concerne les effets positifs, nous pouvons
évoquer l'auto défense locale (sécurisation de la
population) contre les exactions qui proviendraient des FARDC ou des
autres groupes armés, l'existence ou la présence des humanitaires
ou ONG venus exercées leurs activités dans les différents
domaines de l'éducation, santé, de la création de centres
de formation professionnelle pour l'encadrement des jeunes, ....
5. PRESENTATION DE LA
THEORIE EXPLICATIVE DE REFERENCE
Pour saisir à fond la question liée aux groupes
armés et conditions socioéconomiques de la population de Shabunda
faisant l'objet de cette étude relative à la
détérioration de conditions existentielles de ladite population,
nous avons estimé opportun de faire recours au
fonctionnalisme relativisécomme
théorie.
La fonction est, au sens biologique, considérée
comme « la contribution qu'apporte un élément à
l'organisation ou à l'action de l'ensemble dont il fait partie»
(14(*)).
Par exemple, la fonction du coeur, du foie, de l'estomac, du
rein, etc. L'idée de contribution renvoie elle-même à celle
de besoin auquel l'élément répond. C'est ce sens
biologique qui a surtout inspiré les théoriciens du
fonctionnalisme.
A partir de différentes critiques, le fonctionnalisme
va s'assigner comme but « la totalité ordonnée, passible
d'un traitement scientifique. La démarche consiste à replacer
dans leur contexte social les faits décrits, afin de les
interpréter, puis à expliquer un phénomène social
par la totalité dans laquelle il s'inscrit et dans laquelle il est
postulé avoir une ou plusieurs fonctions ainsi que des relations avec
chacun des éléments de l'ensemble, eux-mêmes agencés
en configurations» (15(*)).
Le fonctionnalisme postule la primauté du
système sur l'individu et en définitive s'attachera à
découvrir, l'utilité des institutions, leurs fonctions et la
manière dont les différences s'agencent pour former le
système.
Ainsi, le fonctionnalisme consiste :
- À considérer des sociétés comme
des entités cohérentes ;
- À se demander quelle est la fonction de chaque
institution et à quels besoins des individus et de la
société elle répond. En effet, dans toutes les
civilisations, chaque coutume, chaque objet matériel, chaque idée
et chaque croyance remplit une fonction vitale, a une tâche à
remplir, représente une partie indispensable d'une totalité
organique(16(*)). Il
n'existe pas d'éléments socioculturels inutiles ou accidentels,
ils répondent tous à un besoin que l'analyse sociale doit
découvrir. Il sied de signaler que cette considération est fait
référence au postulat du fonctionnalisme absolu que Merton
à fait usage dans l'analyse du fonctionnalisme qu'il a soutenu.
- À refuser systématiquement de recourir
à l'histoire dont la contribution à l'explication des fonctions
des institutions est jugée nulle. Le fonctionnalisme consiste à
étudier la société telle qu'elle se présente au
moment de l'étude (c'est donc une étude synchronique).
Le fonctionnalisme, a constitué une véritable
révolution dans la mesure où, pour la première fois,
l'étude des sociétés primitives se réalisait
à travers leur observation directe par le chercheur lui-même afin
de saisir le sens des pratiques et des institutions dans leur contexte global
et originel.
En proclamant la société comme une
totalité, une globalité, le fonctionnalisme instituait l'holisme,
c'est-à-dire, l'étude de la société comme un tout
dont les parties sont solidaires. En mettant excessivement l'accent sur
l'harmonie, la cohérence et la stabilité de la
société au détriment des conflits qui répondent
pourtant à des « besoins », en évacuant l'histoire, le
fonctionnalisme a fini par s'ériger en idéologie
réactionnaire et conservatrice pour qui le changement des
sociétés archaïques ne pourrait être que
provoqué de l'extérieur.
Liliane Voyé(17(*)) note que la théorie du fonctionnalisme permet
de considérer la société comme une sorte d'organisme
total, composée de diverses parties interreliées qui constituent
autant de fonctions que l'on peut, par analogie, comparer aux diverses
fonctions des organismes vivants : production, consommation, transport,
communication. Tout comme les organismes vivants, la vie sociale évolue
et c'est cette évolution dont il s'agit d'établir les lois.
Moyen de parvenir à un aspect de la
vérité, de répondre plus particulièrement à
la question « Comment », laquelle question est liée
au problème d'explication, dans la recherche de
l'interprétation des faits que nous analysons, la théorie du
fonctionnalisme relativisé défendue par Robert King MERTON nous
parait ainsi la plus adaptée.
Robert King MERTON,
représentant éminent du fonctionnalisme et défenseur de
l'approche ou la conception relativisée, propose quatre concepts
fonctionnels dans son analyse : la dysfonction, l'équivalent ou
substitut fonctionnel, la fonction manifeste et celle latente(18(*)).
- La dysfonction.
Alors que les fonctions sont, parmi les conséquences
observées, celles qui contribuent à l'adaptation ou à
l'ajustement d'un système donné, les dysfonctions, par contre,
sont celles qui gênent l'adaptation et l'ajustement d'un système.
Ramenant cette réflexion à la réalité de Shabunda,
nous pouvons dire que les effets de groupes armés dans ce territoire
empêchent la population à s'épanouir dans sa vie sociale et
économique.
- L'équivalent ou substitut
fonctionnel
Un élément culturel ou social peut jouer un
rôle d'équivalent ou de substitut fonctionnel à un autre
pour exercer une activité à sa place. La réalité ne
montre-t-elle pas des besoins humains et sociaux, qui peuvent être
satisfaits de façons différentes : un seul
élément pouvant remplir plusieurs fonctions, de même qu'une
seule fonction peut être remplie par les éléments
interchangeables.
En effet, depuis le déclenchement de la seconde guerre
dite de « libération » en R.D Congo, l'on assiste
à une partition de fait du territoire national. Une partie est
contrôlée par le gouvernement central et une autre est
partagée entre diverses factions rebelles et bandes armées. Cela
implique que les missions de l'Etat jadis remplies par le seul gouvernement
central sur tout le territoire national se trouvent ainsi partagées
entre eux en vue d'assurer la continuité de l'Etat. Dans ce cas, bien
que ces belligérants ne soient pas reconnus comme gouvernements d'Etat,
ils ont l'obligation de promouvoir et de respecter les droits de l'homme et
d'assurer la sécurité des citoyens Congolais et étrangers
des territoires qu'ils administrent au même titre que l'Etat. Ces
belligérants remplissent donc le rôle de substitut de l'Etat.
- Les
fonctions manifestes et les fonctions latentes.
Les fonctions manifestes sont les conséquences
objectives qui, contribuant à l'ajustement ou à l'adaptation du
système, sont comprises et voulues par les participants du
système. En revanche, les fonctions latentes sont essentiellement celles
qui ne sont ni comprises, ni voulues mais qui n'en n'existent pas moins. Ces
fonctions latentes sont parfois remplies par des rites anciens qui, ne jouant
plus leur rôle, substituent leur but initial à une autre
fonction.
Dans le cas d'espèce, disons que les acteurs
politiques, en menant les guerres à l'Est de la RD Congo, ont eu pour
objectif principal et officiellement défendu, le remplacement des
institutions existantes considérées selon eux comme autoritaires
et inefficaces par celles qui garantiraient le respect des droits de l'homme,
la justice et le bien-être social ainsi que la démocratie sur
toute l'étendue du territoire national, ensuite, lutter contre
l'occupation étrangère qui menace la partie Est de la RD Congo.
Telles ont été la fonction manifeste de la guerre qu'a connue le
pays dans les conditions normales.
Cependant, l'évolution du conflit a
démontré une toute autre réalité qui se distancie
presque totalement de l'objectif de départ. En effet, les mouvements
rebelles, au lieu de garantir la justice sociale et le bien-être du
peuple congolais pour lequel ils prétendent se battre, se plaisaient
à en violer les droits et libertés les plus fondamentaux. C'est
une situation, certes, non voulue, mais qui déforme voire modifie le
sens même de l'intérêt que prônaient ces groupes
armés. Cette violation des droits humains constitue donc la fonction
latente, parmi tant d'autres, de l'état de guerre.
6. METHODE
L'adoption d'une méthode de recherche scientifique
n'est pas facultative, elle doit être en parfaite corrélation avec
l'objet d'étude et partant permettre au chercheur d'atteindre l'objectif
qu'il s'est assigné dans son travail. Sans elle, son étude serait
gratuite. Partant de cette conception, nous nous proposons de faire recours
à la méthode fonctionnelle pour expliquer la
réalité qui fait l'objet de notre analyse.
Cette méthode consiste à analyser les
phénomènes sociaux selon le rôle, la fonction qu'ils ont au
sein de l'ensemble social dans lequel ils s'insèrent. Autrement dit, la
méthode fonctionnelle explique les faits sociaux par leur fonction, puis
s'interroge sur les fonctions et les faits sociaux dans un système
social toujours rapporté à la façon dont ils sont
liés les uns aux autres(19(*)).
Le mot fonction peut être compris sous plusieurs sens,
Il peut désigner un ensemble des tâches exécutées
par un acteur social. Il peut également désigner une relation
existante entre deux ou plusieurs éléments telle que la
modification d'un élément peut entrainer la modification des
autres éléments et leur adaptation, c'est dans ce deuxième
sens que nous considérons la fonction dans l'analyse fonctionnelle.
Dans la présente étude, l'utilité de
cette méthode est de nous permettre d'apprécier le rôle que
devrait jouer ou joue les éléments des groupes armés dans
la promotion, l'amélioration et la détérioration des
conditions socioéconomiques de la population de Shabunda.
Dans cette perspective, les groupes armés sont à
la fois un instrument de la détérioration de la situation sociale
et économique de la population et aussi serait un élément
participant à l'amélioration de bien-être de la population
sous leur juridiction, comme par exemple, la sécurité des
personnes et de leurs biens dans la partie contrôlée par
eux ; grâce aux groupes armés, le territoire de Shabunda a
connu la présence de plusieurs organisations non gouvernementales de
développement qui sont venues oeuvrer dans les différents
domaines sociaux (construction d'écoles, centres de santé,
centres de formation professionnelle et d'encadrement,...).
7. TECHNIQUES
Toute recherche qui est une application de caractère
scientifique en sciences sociales comme dans les sciences en
général, doit comporter l'utilisation des procédés
opératoires, rigoureux, bien définis, transmissibles,
susceptibles d'être appliqués à nouveau dans les
mêmes conditions adaptées au genre des problèmes et des
phénomènes en causes. Le choix de ces techniques de recherche
est tributaire de plusieurs paramètres dont la nature du
phénomène, les moyens et le temps dont le chercheur peut disposer
sans oublier l'objectif poursuivi, lequel est lié lui-même
à la méthode de travail.
Les techniques ne sont donc que des outils, des moyens, des
instruments d'aborder les problèmes sous examen, mis à la
disposition de la recherche et organisés par la méthode dans ce
but(20(*)). Ainsi les
techniques qui nous ont permis de récolter les données pour
atteindre les vérités scientifiques dans le cadre de ce travail
sont les suivantes : la techniques documentaire, l'entretien libre non
structuré, l'observation extérieure désengagée,
sans oublier la webographie.
§ L'analyse documentaire.
Elle consiste à
étudier et à analyser les documents pour avoir les informations
sur les faits que l'on étudie(21(*)). Le chercheur se contente des données
existantes dans les documents en rapport avec sa préoccupation. Cette
technique a joué un rôle très remarquable, car nous avons
eu l'occasion de fouiller, de consulter les rapports annuels officiels, le
bulletin officiel, les journaux, les livres, les mémoires, les articles,
les différentes lois, les ordonnances et les archives qui traitent de
loin ou de près la question. Ces différents documents nous ont
été utiles dans la collecte des informations relatives à
notre recherche.
§ L'entretien libre non
structuré
A travers cette technique, il a été question
d'échanger avec certaines autorités administratives,
politico-militaires et des branches ciblées de la population civile, qui
vivent au quotidien les réalités de ces conflits. Au cours de ces
échanges organisés à choix raisonné, les questions
n'ont pas été préparées à l'avance. Elles
ont plutôt été données par l'ambiance du
débat pour permettre aux enquêtés de répondre
librement.
§ L'observation extérieure
désengagée
D'une manière ou d'une autre, nous avons assisté
à certains moments de ces conflits qui ont mis à feu et à
sang la province du Sud - Kivu en général, et le Territoire de
Shabunda en particulier sans nous plonger dans des préjugés
prohibés par certaines règles fondamentales de la recherche
scientifique pouvant nous guider vers une subjectivité dans un travail
à la quête de l'objectivité, minime soit-elle, mais en
gardant notre impartialité dans l'analyse du phénomène
étudié.
§ La Webographie
L'usage de l'internet comme outil de collecte des
informations, nous a permis d'accéder aux informations dont nous avions
besoins dans le cadre de notre étude.
8. DELIMITATION DU
SUJET
Au regard de la complexité du phénomène
à étudier, il nous est difficile de circonscrire notre champ
d'investigation sans toutefois dégager au préalable une
délimitation dans le temps et dans l'espace ; d'où la raison
d'être de la présente délimitation spatio-temporelle. C'est
dans ce sens que nous délimitons notre étude, sur le plan
spatial, dans le Territoire de Shabunda qui est le milieu où nous avons
l'accès facile aux données nécessaires. Il est plus
secoué par les guerres et autres mouvements armés qui
créent l'insécurité et occasionnent le déplacement
massif de la population vers d'autres coins et contrées. Temporairement,
nous partirons de 1998 à 2018. L'année 1998 est l'année
qui coïncide avec l'apparition de groupes armés dans ce territoire
et 2018 est l'année qui correspond avec la fin de la collecte de nos
données sur le terrain. Nous ne manquerons pas toutefois de recourir aux
données historiques antérieures à cette date en cas de
nécessité pour éclairer notre objet d'étude.
9. PLAN DESCRIPTIF DU
TRAVAIL
Enfin, pour rendre notre réflexion intelligible,
l'esprit cartésien exige que les parties soient divisées
distinctement.
Hormis l'introduction générale et la conclusion
générale qui situent intelligemment notre production
scientifique, cette étude est répartie en trois chapitres.
Le premier chapitre sera consacré aux
considérations générales ; il sera question dans ce
chapitre, d'abord, de définir les concepts opératoires et
connexes de notre travail qui sont le Groupe armé, conditions sociales,
conditions économiques, conditions socioéconomiques,
développement, sous-développement, la paix,... ensuite de
présenter le milieu d'étude qu'est le Territoire de Shabunda.
Le deuxième chapitre sera articulé autour des
contextes et les causes des groupes armés à l'Est de la RD Congo.
Dans ce chapitre, nous allons, premièrement dégager, les
contextes et les causes de l'émergence des groupes armés à
l'Est de la RD Congo ; ensuite, les contextes et les causes de
l'émergence des groupes armés à Shabunda selon que ces
causes sont internes et externes. Enfin, nous présenterons les groupes
armés à Shabunda et les différentes stratégies de
leur éradication par les pouvoirs publics.
Le troisième chapitre portera sur les implications des
groupes armés sur les conditions socioéconomiques de la
population à Shabunda. Dans cette partie de notre étude, nos
analyses tourneront dans un premier temps autour des implications
négatives des groupes armés qui sont notamment l'exploitation
illégale et pillage des ressources, le déplacement et pillage des
biens de la population, la déstabilisation des activités
économiques et la flambée des prix des produits alimentaires, sur
le recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée et dans
un deuxième temps, nous allons dégager les aspects positifs des
implications des groupes armés qui sont entre autres
l'autodéfense locale, la promotion des fils de Shabunda dans les hautes
fonctions de l'Etat et la promotion des humanitaires et ONGD.
Chapitre I. CONSIDERATIONS
GENERALES
La production d'une recherche qui se veut scientifique fait
l'objet des exigences précises et rigoureuses. Elle requiert, non
seulement le respect logique entre expression, démarche
méthodologique et théories référentielles, mais
recommande aussi l'emploi conséquent et cohérent des concepts y
relatifs.
Dans ce chapitre, il sera question, d'abord de définir
les concepts (concepts de base et concepts connexes) de notre thème de
recherche, ensuite nous allons présenter notre milieu d'étude,
qui est le Territoire de Shabunda qui appartient dans un sous ensemble la
Province du Sud - Kivu.
Section 1. Définition
des concepts
Pour tout travail scientifique, définir les concepts
s'avère indispensable en vue d'éviter l'incompréhension et
de clarifier ainsi le travail, car certains termes ont souvent un sens ambigu,
ou peut-être l'usage vulgaire de ces termes en donne un sens non
scientifique.
En effet, en sciences sociales, chaque chercheur s'efforce de
définir un concept selon la formation subie, selon son objet
d'études et selon ses convictions personnelles et l'approche de
l'investigation. La présente section analyse les concepts clés de
notre étude qui sont le groupe armé et les conditions
socioéconomiques. Mais, étant donné qu'on ne peut mieux
comprendre ces deux concepts sans passer par leurs antipodes qui sont le
développement, le sous-développement, la pauvreté et la
paix, nous avons préféré réserver à ces
derniers une attention particulière pour rendre intelligible cette
étude.
1.1. Groupe
armé
Le groupe armé est un acteur non étatique qui
poursuit généralement ou prétend poursuivre des objectifs
politiques contre un gouvernement ou pouvoir en recourant à la
violence(22(*)). La
plupart des groupes armés combattent le pouvoir en place, mais il arrive
aussi qu'ils se battent entre eux. Certains groupes armés sont
affiliés à des mouvements politiques tandis que d'autres
opèrent indépendamment des partis politiques. Ces
différentes représentations des groupes armés
renvoient à l'idée d'extranéité et à
l'individu en tant que combattant.
De ce fait, on parle de groupe armé étranger qui
est un groupe qui réalise ses actions dans un Etat autre que son Etat
d'origine. Et le combattant est un individu portant des armes pour le compte
d'un groupe armé. Les combattants peuvent soit adhérer aux
idéaux politiques ou servir au sein des groupes armés en tant que
mercenaires(23(*)).
Les groupes armés sont ceux dont la rébellion ou
la résistance menace explicitement l'autorité de l'Etat. Les
groupes armés considèrent que l'action violente est
justifiée par des actions de légitime défense contre les
violations de leurs droits (24(*)).
Pour STEARNS, J., VERWEIJEN, J. et BAAZ, E.B., le groupe
armé est souvent considéré comme des voyous qui s'en
prennent aux civils innocents et sans défense(25(*)).
Certains sont toutefois des prédateurs plus avides que d'autres, et
certains bénéficient du large soutien des communautés
locales dans lesquelles ils sont recrutés.
Quant à International Council on Human Rights(26(*)), le
concept groupe armé désigne un groupe d'individus qui sont
armés, faisant usage de la force pour atteindre leurs objectifs tout en
échappant au contrôle de l'Etat. En général, il fait
allusion à des groupes qui s'opposent au pouvoir en place, mais il est
parfois difficile de distinguer clairement les groupes ayant des visées
politiques de ceux ayant des objectifs criminels.
Cependant, les groupes armés, en tant qu'acteurs
nouveaux de la géopolitique, ont des formes et des dénominations
multiples. Qu'on parle de guérillas, de milices, de mouvements
révolutionnaires, leurs objectifs peuvent être différents
mais leurs méthodologies souvent semblables. C'est ainsi qu'il est
difficile de distinguer leurs motivations réelles et prétendues
et cela rend difficile un classement.
Certains groupes armés prétendent avoir une
dimension religieuse. Cette justification peut soit servir à couvrir un
intérêt purement personnel soit à légitimer un
objectif politique. Cela fait peu de différence. La religion est un
argument de recrutement et de légitimité, mais les
méthodes sont tout aussi nuisibles aux populations victimes de leurs
exactions.
D'autres groupes sont des bras armés de partis
politiques qui, soit n'obtiennent pas la représentativité qu'ils
requièrent (parce qu'ils représentent des minorités), soit
correspondent à la branche dure, radicale d'un mouvement. Si l'Etat en
vient à transiger, le groupe se dissout intégralement ou
partiellement. Dans d'autres cas, si le groupe le peut, il renversera le
pouvoir. Il peut arriver que le groupe diminue ses actions et se pose comme le
justicier lorsque les choses ne vont pas/plus dans son sens. Certains de ces
groupes portent des revendications indépendantistes. D'autres agissent
comme des « Robin des Bois (Héros) » en reversant
aux populations ce qui leur revenait de droit, selon eux et qui leur avait
été volé par le pouvoir politique ou économique.
Tour à tour considérés comme des héros, des
terroristes ou des simples bandits, ils mettent sous pression les Etats et les
affaiblissent. Leur terreau de recrutement est parfois l'idéologie, mais
plus souvent les frustrations, la pauvreté et le désoeuvrement,
quand il ne s'agit pas tout bonnement de l'enlèvement de mineurs.
Leurs ressources, quelle que soit la nature de leur mouvement,
sont assez similaires et comme ils vivent dans la clandestinité, souvent
illégales. Ils prélèvent l'impôt
révolutionnaire sur l'argument que les populations doivent soutenir
l'effort de guerre, procèdent au pillage et organisent la contrebande,
enlèvent et demandent des rançons, etc. ils disposent en effet
d'une bonne connaissance du terrain et d'une puissance armée. Aussi
sont-ils actifs dans la contrebande de produits illicites (comme la drogue) ou
licites, mais habituellement contrôlés. On les retrouve dès
lors dans les régions riches en ressources naturelles et
particulièrement en minerais.
Ils bénéficient cependant souvent du soutien
financier des Etats voisins ou de ceux dont l'objectif géopolitique est
servi par la déstabilisation du pays où ils opèrent. Le
fait qu'ils soustraient un territoire à l'autorité de l'Etat,
qu'ils provoquent l'insécurité résultant du
déplacement de populations, de la destruction des structures sociales et
de l'appauvrissement de la population, a des implications sur la politique de
l'Etat. Perçu comme affaibli, l'Etat n'offrira pas de bonnes
perspectives aux investissements. Il devra par contre consacrer une partie de
ses efforts à contenir ces groupes et les combattre ou à les
démanteler en acceptant parfois la réintégration de leurs
membres au sein de l'armée régulière, ce qui risque de
faire rentrer le ver dans la pomme à moyen ou à long terme.
Politique à l'origine, même si elle est parfois
menée de manière criminelle, l'action armée est
considérée comme un moyen pour parvenir à une fin
politique. Une pression militaire ou une action des forces de
sécurité peuvent être nécessaires pour la
contrecarrer, mais dans la plupart des cas, une résolution durable du
conflit dépendra d'un compromis ou d'un accord politique.
Les groupes armés sont caractérisés par
leur très grande diversité et peuvent représenter
différents degrés de menace pour un Etat. Les forces rebelles
organisées sous la forme d'une armée en mesure de contrôler
un territoire, sont différentes de mouvements politico-militaires de
résistance. Il existe aussi d'autres groupes de taille plus
réduite, organisés en structures cellulaires pour faciliter la
planification d'actes de violence ciblés, mais en lien avec des
représentants politiques ; la vaste gamme de groupes armés
à base ethnique en Afrique et en Asie combattant pour obtenir le
contrôle de populations, de territoires et/ou de ressources ; ou encore
des groupes liés entre eux comme les militants islamistes actifs. De
telles différences accentuent le danger de toute
généralisation ou d'énonciation de principes
généraux.
Les groupes armés varient beaucoup comme le soulignait
Paul Staniland (27(*)) en 2014. Il peut y avoir des différences
spectaculaires entre les groupes armés, même entre ceux qui se
battent contre le même gouvernement, pour ce qui est de leurs
stratégies, de leurs capacités et de leurs bases sociales. Ainsi,
les groupes armés peuvent être considérés comme des
acteurs qui :
1. mettent en question le monopole exercé par
l'État sur la force coercitive ;
2. opèrent en dehors du contrôle effectif de
l'État ; ou
3. sont capables de faciliter ou d'entraver et compromettre
des actions humanitaires ou des initiatives de paix.
Les études de cas présentées dans
différentes recherches adoptent une manière de comprendre les
groupes armés plus fluide et complexe. Parmi eux, figurent des groupes
dotés de liens robustes avec les communautés locales, des
groupes qui ont recours à la violence extrême et ont des ordres du
jour transnational et des groupes qui ont des ambitions politiques confuses et
qui sont les auteurs de violences aveugles à l'encontre de populations
civiles.
Dans le cadre de cette étude, nous considérons
les groupes armés comme une organisation politico-militaire et civile
qui fonde son discours ou son action sur des motifs multiples, notamment la
lutte contre la répression politique ou l'atténuation des
injustices socio-économiques.
Cette considération nous ramène à
épouser les idées de Ernie Regehr(28(*)) qui stipule : « on
peut raisonnablement conclure que les groupes armés sont davantage
susceptibles de se produire, lorsque les communautés sont
imprégnées de raisons profondes pour rejeter le statu
quo, lorsqu'elles ont accès à des ressources
matérielles, politiques et sociales de la violence, et lorsqu'elles sont
convaincues ou peuvent prétendre de manière crédible que
cette violence est leur seul espoir de changement ».
Les études de cas examinent l'incidence qu'ont les
groupes armés sur la relation entre la communauté locale et le
groupe armé les aspects suivants : la nature du conflit, la
réponse de l'État, le type et le caractère du groupe
armé et l'aptitude de la communauté à se mobiliser. Ainsi,
cette observation nous pousse à faire une analyse sur le lien qui
existerait entre communautés et groupes armés.
1.1.1. Communautés et groupes armés
La relation entre un groupe armé et la population
locale est souvent décrite comme soit prédatrice (le groupe
armé inflige des violations des droits de l'homme, pille et
détruit les biens, et la population locale met au point des
mécanismes d'adaptation et des techniques de survie), soit symbiotique
(les populations locales laissent les groupes armés commettre des
violences et entravent les efforts contre-insurrectionnels).
Il faudrait faire remarquer que les attitudes des
communautés ou des groupes dotés de liens étroits avec un
groupe armé peuvent exercer une influence considérable sur ce
dernier, en particulier lorsqu'ils ont des connexions familiales, de clan, de
tribu ou de classe. Des médiateurs internes peuvent
bénéficier d'une « partialité
relationnelle » avec un groupe armé ; des liens
étroits avec un groupe particulier basés sur des connexions
personnelles, politiques ou économiques. Or, jusqu'ici, on ne comprend
pas de manière précise quelle est la valeur de la
partialité dans des efforts efficaces d'établissement de la
paix.
Les groupes armés jouent par ailleurs des rôles
importants sur le plan de la sécurité et du développement.
Par exemple, pour ce qui est de la prestation de services quotidiens, les
acteurs communautaires doivent établir la confiance avec un groupe
armé, exigence souvent mal comprise ou largement ignorée par les
acteurs tant nationaux que venus de l'extérieur.
Même si les acteurs locaux peuvent ne pas identifier
immédiatement une fonction d'établissement de la paix dans leur
contact avec des groupes armés, la mobilisation communautaire peut
contribuer à réduire la violence ou à inciter les groupes
armés à prendre part à un dialogue politique dans la
recherche d'une paix au milieu de la communauté. C'est pourquoi une
analyse particulière mérite d'être faite pour comprendre
comment la communauté se mobilise pour le retour de la paix dans les
groupes armés.
1.1.2. Se mobiliser pour la paix
Il est bon de signaler que ce sont souvent les
communautés locales qui peuvent proposer la manière de comprendre
les groupes armés la plus nuancée, contextualisée et
multidimensionnelle.
La discussion sur les rôles des médiateurs
internes ci-dessous met en relief la complémentarité des efforts
fournis par les médiateurs internationaux et locaux, en particulier au
moment d'explorer la manière dont les acteurs au niveau national
(organisations non gouvernementales, organisations religieuses ou
professionnels de la résolution de conflits) ont pu faciliter la
médiation avec un groupe armé.
La manière dont les communautés contactent les
groupes armés à des fins humanitaires ou de développement
a aussi constitué un domaine commun de recherches.
Cependant, il y a eu beaucoup moins d'analyses de la
manière dont les interactions des communautés avec des groupes
armés, avec lesquels elles « vivent, voire
mangent », peuvent contribuer à établir la paix.
Même si les acteurs locaux peuvent ne pas identifier immédiatement
une fonction d'établissement de la paix dans leur contact avec des
groupes armés, la mobilisation communautaire peut contribuer à
réduire la violence ou à inciter les groupes armés
à prendre part à un dialogue politique.
1.2. CONDITIONS
SOCIOECONOMIQUES
Les conditions socioéconomiques des populations peuvent
être perçues au travers d'un certain nombre de facteurs de
bien-être qui sont entre autres une alimentation suffisante, de l'eau
potable, un abri sûr, de bonnes conditions sociales et un milieu
environnemental et social apte à maîtriser les maladies
infectieuses.
Pour mieux cerner la notion du concept « conditions
socioéconomiques » utilisé dans notre travail, faisons
d'abord une analyse sur le concept développement social, le
développement économique, le bien - être économique
et le bien- être social.
1.2.1. Développement social
Le développement social est défini comme une
nouvelle conception d'action publique (décentralisée ou
déconcentrée) d'une aspiration volontariste à la
reconstruction des liens sociaux. Il est aussi comme une nouvelle pratique
d'intervention sociale favorisant l'implication de tous les acteurs locaux dans
le développement d'initiatives (culturelles, éducatives,
festives, sportives,...) aptes à renforcer la solidarité de droit
par une solidarité d'implication, à transformer la
citoyenneté passive à une citoyenneté active (29(*)).
Le développement social fait référence
à la mise en place et au renforcement au sein des communautés
dans la région et à l'échelle de la collectivité,
des conditions requises pour permettre, d'une part, à chaque individu de
développer pleinement ses potentiels, de pouvoir participer activement
à la vie sociale et, d'autre part, à la collectivité de
progresser socialement, culturellement et économiquement dans un
contexte où le développement économique s'oriente vers un
développement durable soucieux de justice sociale (30(*)).
Dans le cadre de ce mémoire nous considérons le
développement social comme étant l'amélioration de
bien-être de chaque personne dans la société qui est le
Territoire de Shabunda, pour qu'elle puisse réaliser son plein
potentiel. Le succès de Shabunda est lié au bien-être de
tous ses habitants.
Autrement dit, le développement social signifie qu'il
faut investir dans la population. Il est nécessaire d'éliminer
les obstacles empêchant les citoyens à réaliser leurs
rêves avec confiance et dignité. Il ne faut pas se résigner
au fait que les gens qui vivent dans la pauvreté seront toujours
pauvres. Le développement social, c'est aider la population de Shabunda
pour qu'elle puisse progresser sur la voie de l'autosuffisance.
1.2.2. Développement
économique
Le concept développement économique
désigne l'ensemble des transformations des structures mentales et
institutionnelles, les modifications dans les habitudes sociales et
l'organisation d'ensemble des activités économiques. Il repose
sur la croissance et traduit les changements qui se produisent au sein de la
société (élévation du niveau d'étude,
accès aux loisirs, ...) et qui accompagnent les transformations
économiques (régression du chômage, tertiarisation des
emplois, urbanisation,...)(31(*)). Ainsi, pour bien cerner la notion du
développement économique, il est important d'analyser la notion
de la croissance économique et celle des critères du
développement économique.
1.2.2.1. Croissance économique et
développement économique
Il est important de distinguer les termes de croissance et de
développement. En effet, la croissance économique est une
augmentation soutenue et durable de la production des biens et services, alors
que le développement économique traite de l'expansion des
activités économiques ayant une incidence sur
l'amélioration des conditions de vie de la population.
La croissance est une des conditions du développement
économique d'un pays qui porte son action sur la transformation des
structures :
- économiques : Investissement, recherche et
développement, compétitivité ;
- sociales : Accroissement du pouvoir d'achat,
amélioration du niveau de vie ;
- culturelles : Développement du système
éducatif, généralisation de l'accès à la
culture ;
- institutionnelles : Evolution des gouvernances,
développement de la démocratie.
1.2.2.2. Critères du développement
économique
Pour mesurer le développement économique d'une
entité, il faut tenir compte d'un ensemble d'indicateurs. Voici les
trois principaux critères du développement économique
: la richesse, la santé et l'éducation.
a. La richesse
Au sens courant, le mot richesse désigne l'opulence, la
fortune. La richesse est associée au fait d'avoir beaucoup d'argent,
à l'importance des revenus d'une personne ou d'un ménage. Mais
lorsqu'on parle de la richesse d'un pays, on fait référence
à la capacité qu'il a de satisfaire les besoins de la
population.
On perçoit donc le sens économique du mot
richesse : le terme renvoie à la quantité de biens et
services dont dispose un pays pour satisfaire les besoins de sa population. Le
niveau de richesse est traditionnellement mesuré par le Produit
Intérieur Brut : plus le PIB est élevé, plus le pays
sera considéré comme riche.
L'activité économique consiste donc à
produire des richesses pour satisfaire des besoins. Plusieurs questions se
posent alors :
- Que produit-on exactement ?
- Comment mesure-t-on ce qui est produit ?
- Et surtout, comment se répartissent les richesses
à l'intérieur d'un pays ?
Ainsi, produire, c'est créer des biens et des services
pour satisfaire des besoins individuels ou collectifs. On produit des biens
(matériels et stockables) ou des services (biens immatériels et
non-stockables dont la consommation et la production se réalise
simultanément).
b. La santé
L'OMS définit la santé comme un état de
bien-être physique, mental et social complet et ne constituant pas
seulement en une absence de maladie(32(*)). Toutefois, une définition aussi complexe
serait difficile à mesurer et varierait probablement selon les cultures
et sur le long terme. Les indicateurs le plus souvent exploités pour
exprimer la santé sont ceux qui en décrivent l'absence : les
statistiques de mortalité et de morbidité. La mortalité
mesure les décès dans une population ; la morbidité
mesure les taux de maladie(33(*)).
Les Objectifs du Millénaire pour le
Développement(34(*)) ainsi que les travaux de la commission
macroéconomie et Santé 4 ont contribué à ramener la
santé au centre du débat sur le développement. En effet,
trois des huit objectifs du millénaire concernent directement la
santé (l'objectif 4 : réduire la mortalité infantile,
l'objectif 5 : améliorer la santé maternelle, l'objectif 6 :
lutter contre le SIDA, le paludisme et d'autres maladies).
Dans une certaine mesure, l'objectif 1 (réduire
l'extrême pauvreté et la faim) peut être
considéré comme lié à la santé et
l'état nutritionnel des individus. La santé constitue aussi un
ingrédient central du développement en ce qu'elle peut être
considérée comme un investissement en capital humain, qui joue un
rôle important aussi bien dans les modèles de croissance
endogène que dans les théories néoclassiques
appliquées à la santé (35(*)).
La santé est plus fondamentalement un outil
précieux pour améliorer le futur économique et social
d'une population. En améliorant les aspirations des individus ainsi que
leurs capacités, simultanément, la santé participe au
bien-être des individus, ce qui a été traduit par
l'inclusion de l'espérance de vie dans le calcul de l'indicateur de
développement humain.
c. L'éducation
L'idée que l'éducation est un facteur important
pour le développement économique n'est pas nouvelle. Au
VIIe siècle avant J-C., le philosophe chinois Guan Zhong,
écrivait le conseil suivant : « si tu planifies un an
à l'avance, plante une graine. Si tu planifies à dix ans, plante
un arbre. Si c'est à cent ans, forme les gens. Si tu sèmes une
graine, tu feras une récolte unique. Si tu formes les gens, tu feras une
centaine de récoltes » (36(*)).
Des chercheurs contemporains expriment des idées
semblables. Dans le discours qu'il prononça en 1960 devant l'American
Economics Association, en sa qualité de président de
l'association, le prix Nobel Théodore Schultz souligna l'importance que
présentait l'investissement dans les gens. Il fera
référence à l'acquisition de compétence et de
connaissances en les qualifiant d'investissements dans le capital
humain(37(*)). Les
économistes considèrent que les moyens affectés au capital
matériel constituent, non une consommation, mais un investissement
rémunéré par un rendement futur. Pour Schultz, il fallait
avoir une vision similaire des dépenses consacrées aux humains.
Il jugeait que la « croissance impressionnante » des gains
des travailleurs des pays industrialisés tenait, pour une large part,
à l'essor du capital humain et que l'insuffisance des investissements
dans les personnes constituait une entrave au progrès des pays
démunis(38(*)).
Dans le développement économique, malgré
les problèmes que pose la faiblesse qualitative de l'éducation,
la demande dans ce domaine reste forte dans la majorité des pays. Les
parents, qui veulent pour leurs enfants une vie meilleure, voient souvent dans
l'accès à l'éducation le moyen d'y parvenir. Sous l'angle
du bien - être matériel, la perception des parents est
confirmée par les données. En moyenne, les personnes mieux
formées gagnent davantage que celles qui le sont moins.
Bref, le développement économique désigne
les évolutions positives dans les changements structurels d'une zone
géographique ou d'une population : démographiques,
techniques, industriels, sanitaires, culturels, sociaux,... De tels changements
engendrent l'enrichissement de la population et l'amélioration des
conditions de vie. C'est la raison pour laquelle le développement
économique est associé au progrès.
1.2.3. Bien - être
économique
Le terme bien-être désigne tantôt un
certain degré d'aisance, de confort ou de bonheur ; tantôt un
ensemble de biens à la jouissance desquels le bien-être est
lié. Dans la première optique, le
bien-être apparaît comme étant éminemment relatif et
peut seulement être apprécié selon les critères
subjectifs tandis que dans la seconde optique, il est un
phénomène quantitatif qui peut se prêter à la
mesure ; il semble fort proche de la notion de richesse.
En parlant du bien-être économique dans le cadre
de ce travail, nous sous-entendons un certain degré de confort à
la fois selon les critères subjectifs et objectifs et dont les
éléments matériels constitutifs d'un degré de
satisfaction des besoins de l'existence constituent d'une manière ou
d'une autre le soubassement.
Le monde moderne qui, face au progrès de la science et
de la technique est aujourd'hui confronté à un problème
d'ordre général, celui de développement. Celui-ci est un
continu de satisfaction des besoins et d'amélioration des conditions de
vie des individus et des communautés.
S'il est vrai que l'amélioration des conditions
socioéconomiques est une transformation à la fois qualitative et
quantitative de l'homme et de l'environnement, il n'en demeure pas moins que le
sous-développement est un état de déséquilibre.
Ainsi, il serait malaisé de présenter uniquement
les considérations sur le développement social et le
développement économique sans se soucier de dire un mot sur le
sous-développement. Ceci est une évidence car les deux notions
sont inséparables. Pour aboutir à l'amélioration des
conditions socioéconomiques de la population, une nation doit s'acharner
à éliminer les caractéristiques du
sous-développement. Ce fait nous conduit à étudier les
concepts connexes.
1.3. Le sous - développement
Certains auteurs définissent le
sous-développement partant d'un certain nombre de critères. C'est
le cas de Henry LEBENSTEIN (39(*)) pour qui, le sous - développement
dépend d'un certain nombre de critères suivants :
économiques, démographiques, culturels et politiques et les
critères techniques... Yves LACOSTE (40(*)), quant à lui, se base sur trois de ces
critères : économique, démographique et technique.
Certains autres aussi voient le sous - développement,
en quelque sorte de l'intérieur, et soulignent des causes qui paraissent
internes au pays. D'autres appréhendent le sous-développement
« de l'extérieur » et donnent un rôle
primordial aux effets de domination exercés par les pays
impérialistes. A cet effet, le sous-développement est
défini en termes de retard de développement. Cette thèse a
été amplement vulgarisée par ROSTOW. En effet, ROSTOW et
la lignée des auteurs qui constituent l'école de modernisation
(HOSELITZ, HAEGEN, BOEKE,...) intègrent les approchent technologiques et
capitalistiques du développement dans une perspective
linéaire.
Nous définissons le sous - développement avec
Shomba Kinyamba S.(41(*)),
comme étant un état de déséquilibre, de carence, de
pauvreté, dans lequel se trouve un pays, un peuple. Le sous -
développement se remarque dans l'état des infrastructures de
base, dans l'état général de l'économie, dans la
non maîtrise des rouages de l'organisation sociale, politique,
économique. Il s'agit d'un phénomène complexe touchant aux
aspects quantitatifs et qualitatifs de la vie d'un peuple.
Le phénomène du sous-développement n'est
pas facile à comprendre. Néanmoins un certain nombre de
critères peuvent dégager ses symptômes.
3.1.1. Facteurs du
sous-développement
Tous les pays n'ont pas le même niveau de
développement. C'est la raison pour laquelle il existe des pays riches
et des pays pauvres. Daniel COLARD (42(*)) a étudié les facteurs à la base
de cette inégalité et est arrivé à dégager
un certain nombre des causes et des critères du
sous-développement.
Un certain nombre des facteurs semblent justifier
l'inégalité de développement entre les peuples des pays
riches et ceux des pays pauvres. Ces facteurs sont liés à la
démographie (une population excédentaire par rapport aux
ressources, le taux élevé de natalité contrastant avec le
taux réduit de mortalité, progrès sanitaire, vaccination,
etc.), à la géographie et aux conditions naturelles (le climat,
la nature des sols, les ressources brutes), à la technologie (le retard
scientifique, l'insuffisance des techniques de production, le
sous-développement de la recherche), à la culture (les croyances,
les religions, les traditions), à la société (la
persistance de structures sociales archaïques, l'absence d'une classe
d'entrepreneurs, d'une bourgeoisie, d'une élite), à
l'économie (la limitation des disponibilités en capital,
l'inexistence de l'épargne, la sous industrialisation, la carence des
machines), à la politique (mauvaise gestion, stratégies de
développement inadaptées, dictatures militaires),...
3.1.2. Les
critères du sous-développement
En 1968, un portrait-robot a été
élaboré prenant appui sur une douzaine d'études traitant
de ce problème. Il en résulte que les indicateurs du
sous-développement se ramènent à cinq critères
principaux :
- Faible niveau d'instruction de la population ;
- Modicité du revenu national par tête
(généralement inférieur à 1.000 dollars) ;
- Sous-alimentation et malnutrition ;
- Forte natalité et démographique
galopante ;
- Population occupée essentiellement dans le secteur
primaire (l'agriculture).
Il apparaît aujourd'hui que cette tentative de
caractérisation du « sous-développement »
n'est pas suffisante et qu'elle a plusieurs inconvénients graves. Tout
d'abord, si en face de chacun de ces différents points, tous
négatifs, on cherche à donner le critère correspondant aux
pays développés, on aboutira à la caractérisation
d'une situation idéale et naïve qui serait exempte de toute
contradiction.
Par ailleurs, l'énumération de ces
critères de sous-développement et la liste des symptômes de
développement imposent une présentation d'un monde divisé
seulement en deux types de situation. Déjà, même au niveau
des pays développés, beaucoup de contrastes naissent.
De toutes ces considérations ci - haut
évoquées, il sied de retenir que l'amélioration des
conditions socioéconomiques demande un style de vie, une
mentalité, une certaine vision du monde, un ensemble de coutume, bref
c'est une question de culture au sens large de ce terme où la population
vit dans une quiétude, voilà pourquoi un mot sur le concept paix
serait important dans l'analyse de ce travail.
3.2. Notion de la
« paix »
La paix, un petit mot de quatre lettres si facile à
prononcer, mais qui pose pourtant un réel défi aux humains.
« Être en paix », « avoir la paix », « faire la
paix », les nombreuses expressions qui l'utilisent nous font comprendre
à quel point ce mot est riche de sens. Il existe plusieurs façons
de définir la paix. D'abord, l'état de calme et d'harmonie que
l'on peut ressentir à l'intérieur de soi s'avère
certainement un aspect important de la paix. Ensuite, la paix est aussi
reliée aux rapports que nous entretenons avec les autres. Enfin,
à plus grande échelle, la paix s'applique également
à la relation que les nations ont entre elles. On peut donc dire qu'il y
a une dimension personnelle, une dimension sociale et une dimension politique
à la paix (43(*)).
La doctrine sociale de l'Eglise condamne « la sauvagerie
de la guerre » comme étant « la faillite de tout humanisme
authentique » et impose aux Etats l'obligation « de faire tout leur
possible pour garantir les conditions de la paix, non seulement sur leur propre
territoire, mais partout dans le monde ». Cependant, elle admet qu'«
aussi longtemps que le risque de guerre subsistera », le droit de
légitime défense ne saurait être dénié,
« une fois épuisées toutes les possibilités de
règlement pacifique ». Dans ce cas, il est également
légitime de posséder les moyens adéquats conformes au
«principe de suffisance ». L'usage de la force militaire ne peut donc
être considéré que comme l'exception à la
règle et doit être strictement régi dans le cadre du droit
international (44(*)).
On s'accordera pour dire que la paix n'est pas qu'un simple
mot ; c'est un ensemble de bons comportements que l'on cultive. Toute recherche
de paix et de stabilité a une dimension culturelle(45(*)).
Le concept de paix peut être envisagé avec
quelques nuances selon que cette paix se réfère à un
individu vis-à-vis de lui-même, à un individu
vis-à-vis d'un autre ou encore selon qu'elle se réfère
à une société, une culture, un Etat, .... le
phénomène étant conçu au niveau interne ou alors
entre Etats, entre sociétés ou entre cultures différentes.
La paix peut être envisagée en termes universels : elle peut
toucher en effet l'humanité entière. Il faut même
reconnaître que de nos jours, les grandes questions qui
intéressent l'homme tendent à être examinées d'une
part dans une vision universalisante avec comme conséquence
l'opacité touchant les limites entre hommes, sociétés,
Etats, cultures et univers, et d'autre part, les analyses causales autour du
phénomène paix restent aussi limitées du fait qu'il
n'existe pas de solutions définitives applicables en tout temps et en
tout lieu.
Il importe de rappeler que la paix et la guerre fonctionnent
comme deux phénomènes intimement liés comme l'endroit et
l'envers d'une pièce d'étoffe, la pile ou la face d'une
même pièce de monnaie. Ce qui rend malaisée la
définition et le contour des acteurs, les mêmes acteurs de la
guerre pouvant être les artisans de la paix.
La paix est considérée, dans le cadre de ce
mémoire comme un d'idéal dans lequel l'absence de guerre
proviendrait simplement de l'absence de revendications, c'est-à-dire on
réussit à supprimer les causes de la guerre. Cela revient
à dire que cette louable intention de faire prévaloir la paix ne
consiste à vrai dire qu'à réduire les facteurs de conflits
ou tout simplement à en faire atténuer les effets. Pour ce faire,
il faut tout d'abord essayer d'effacer les causes de ces conflits qui, pour la
plupart des cas, sont attisées par une injustice sociale ou par une
défaillance économique, d'où une analyse sur le concept
pauvreté nous paraît importante.
3.3.
Pauvreté
La question de la pauvreté est complexe et
présente de multiples dimensions. Notion polysémique difficile
à saisir, des auteurs s'abstiennent de la définir, alors que
d'autres tentent d'en cerner les contours. La littérature offre une
diversité d'approches, une variété de définitions
et de conceptions, de même qu'une série de mesures
destinées à réduire la pauvreté et le nombre de
pauvres(46(*)).
Les signes de pauvreté des individus sont multiples :
la mauvaise santé, la faiblesse ou l'absence d'un revenu, une
éducation insuffisante, un logement précaire, un travail
difficile, la déresponsabilisation politique, la sous-alimentation, un
environnement dégradé, l'insécurité physique, etc.
Si les poids respectifs et les relations entre ces différents facteurs
ne sont pas encore clairement évalués et démontrés,
la multidimensionnalité de la pauvreté fait aujourd'hui
consensus. Scientifiques, décideurs politiques et professionnels du
développement s'accordent sur le fait que la seule dimension
monétaire (le manque de revenu) ne suffit pas à
représenter la pauvreté(47(*)).
Section 2. PRESENTATION DU
CADRE D'ETUDE
Dans cette partie, nous allons présenter sommairement
la Province du Sud-Kivu ainsi que le Territoire de Shabunda qui est notre
milieu d'enquête.
2.1. Présentation de la Province du Sud Kivu
Il est indispensable de présenter la Province du Sud-
Kivu en dégageant sa localisation, sa situation politico-administrative,
son relief, son climat, sa situation hydrographique et pluviométrique
ainsi que son état du sol.
2.1.1. Localisation
La Province du Sud-Kivu est l'une des 26 provinces qui
composent la République Démocratique du Congo, elle a une
superficie de 69.130 Km2 soit 2,78% du territoire national et
sa population s'élevait à 5 772 000 habitants en 2015, soit
une densité moyenne de 83 habitants par Km2. La ville de
Bukavu est son Chef-lieu. La Province s'étend entre 28°01' de
longitude Est et entre 3°01' de longitude sud.
La Province est limitée :
- à l'Est par la République du Rwanda, le
Burundi, la Tanzanie ;
- à l'Ouest la Province du Tanganyika ;
- au Nord par la Province du Nord-Kivu ;
- au Sud par la Province de Maniema.
2.1.2. Aspects administratifs et
politiques
Depuis décembre 2006, la province du Sud Kivu s'est
dotée des institutions politiques ci-dessous :
- Une Assemblée provinciale constituée de 36
membres appelés « députés provinciaux »
élus au suffrage universel direct.
- Un Gouvernement provincial dirigé par Un Gouverneur
de province et Un Vice-Gouverneur élus par l'Assemblée
Provinciale ; et des ministres provinciaux
Du point de vue administratif, la Province du Sud-Kivu est
subdivisée en neuf entités administratives comprenant huit
territoires (Fizi, Idjwi, Kabare, Kalehe, Mwenga, Shabunda, Uvira et Walungu)
et la ville de Bukavu. La ville de Bukavu constitue le chef-lieu de la Province
du Sud Kivu. Les territoires sont subdivisés en collectivités
(secteurs ou chefferies) et la ville en commune.
Carte de la Province du Sud-Kivu
2.1.3. Relief
Le Sud-Kivu est montagneux et occupe une grande partie de la
chaîne des monts Mitumba avec comme point culminant le Mont Kahuzi (3.308
m d'altitude). Cette partie occupe également le fossé
d'effondrement constitué par la plaine de la Ruzizi, les lacs Kivu et
Tanganyika. Dans sa partie occidentale, le Territoire de Shabunda constitue la
région de basse altitude prolongeant le plateau du Maniema qui descend
insensiblement vers le fleuve Congo.
2.1.4. Climat
La Province est située dans la zone équatoriale,
mais dans sa partie orientale, les excès de climat sont
atténués par l'altitude. La température moyenne annuelle
est de 19°C à Bukavu, 16° à Kabare (1.960m d'altitude)
et de 10°c sur le Mont Kahuzi. Les Territoires de Shabunda et d'Uvira sont
les régions les plus chaudes de la Province avec une température
moyenne supérieure à 25°C. La saison sèche
débute en mai et se termine en septembre.
2.1.5. Hydrographie
Elle est abondante. On y rencontre deux lacs de montagne ; le
lac Kivu (1.470 m) qui est le plus profond de l'Afrique et le deuxième
du monde après le lac Baïkal (1.741 m) et le lac Tanganyika (773
m). Les deux lacs Kivu et Tanganyika sont reliés par la rivière
Ruzizi. Le lac Tanganyika est très poissonneux. Quant au lac Kivu, il
est très peu poissonneux suite à la présence des gaz
carbonique et méthane.
Les cours d'eau du Sud-Kivu appartiennent au bassin
hydrographique du fleuve Congo. La plupart de ces cours d'eau prennent leur
source dans les montagnes de l'Est et coulent pour la plupart vers l'Ouest
où ils débouchent dans le fleuve Lualaba, d'autres se jettent
dans les lacs.
2.1.6. Pluviométrie
Les Territoires de Kabare, Walungu, Kalehe, Idjwi et la ville
de Bukavu connaissent deux saisons : la saison sèche qui dure 3 mois de
Juin à Septembre et la saison de pluie qui dure 9 mois. La saison
sèche connaît une température élevée et une
rareté de pluies durant toute cette période. C'est à ce
moment qu'on cultive les endroits marécageux.
La saison de pluie connaît des fortes
précipitations, mais ce dernier temps, avec l'abattage
désordonné des arbres, la destruction de l'environnement et la
surpopulation, les pluies deviennent de plus en plus rares. Dans les
Territoires forestiers comme Fizi, Mwenga et Shabunda situés à
l'entrée de la forêt équatoriale, il pleut abondamment
toute l'année. Quant au territoire d'Uvira, à part les hauts
plateaux, la pluie commence à s'y faire aussi rare et la
température augmente de plus en plus à cause de la concentration
de la population entraînant la destruction de l'environnement.
2.1.7. Sols
A Kabare, Idjwi et Walungu, le sol est argileux et de plus en
plus pauvre à cause des érosions et de la surpopulation. C'est
ainsi qu'il y a beaucoup de conflits de terre dans ce territoire et
l'élevage diminue sensiblement par manque de pâturages.
A Idjwi le sol est encore riche pour l'agriculture, mais le
problème de surpopulation rend de plus en plus les espaces cultivables
rares.
A Kalehe, il y a aussi un sol argileux et riche à cause
surtout de sa proximité avec la forêt. On y rencontre quelques
gisements d'or.
Les Territoires de Shabunda, Mwenga et Fizi ont un sol
sablonneux très riche pour l'agriculture et contenant d'importantes
richesses minières (or, cassitérite, Coltan...). Le Territoire
d'Uvira a aussi un sol sablonneux favorable à la culture du riz et du
coton. Ses hauts plateaux avec son climat très doux sont plutôt
favorables à l'élevage.
2.2. PRESENTATION GEO-HISTORIQUE
DU TERRITOIRE DE SHABUNDA
Il est nécessaire, voire même important de
présenter, dans cette section, le champ de nos recherches et analyses
afin de permettre à nos lecteurs de saisir la variabilité de la
base sur laquelle la réalité de nos résultats a
été tirée. Cette section nous aidera également
à avoir une vue d'ensemble, du Territoire de Shabunda tant sur le plan
géographique, historico-politique et administratif, économique
que démographique.
2.2.1. Situation géographique
Le Territoire de Shabunda dont le chef -lieu porte le
même nom est le plus vaste de la province du Sud - Kivu avec une
superficie de 25.216 km² représentant 40% de l'espace provincial.
L'un des huit Territoires qui composent la Province du Sud-Kivu en
République Démocratique du Congo, le Territoire de Shabunda n'a
aucune ouverture avec l'extérieur, car le milieu étant quasi
entièrement enclavé. Il est limité :
ü A l'Est par les Territoires de PANGI, KASONGO (au
Maniema) et de FIZI (au Sud-Kivu) ;
ü A l'Ouest par les Territoires de KALEHE, KABARE,
WALUNGU et MWENGA (au Sud-Kivu) ;
ü Au Nord par les Territoires de WALIKALE (Nord-Kivu) et
PUNIA (au Maniema) ;
ü Au Sud par les Territoires de FIZI (Sud -Kivu) et
KABAMBARE (dans le Maniema).
Avec un relief dominé par des collines, des montagnes
et quelques vallées, le Territoire de Shabunda est traversé par
un réseau hydraulique varié et dense, dont les trois principales
rivières sont : La Ulindi, la Lugulu et la Elila.
Dans cette partie de la forêt tropicale, deux climats
sont dominants ; le climat équatorial et le climat de montagne. Il
y a aussi deux principales saisons : la saison de pluies et saison
sèche.
2.2.2. Situation historico-politique et
administrative
Il sied d'abord de signaler que ce sont les Balega qui forment
le peuple majoritaire (plus de 90% de l'ensemble) du Territoire de
Shabunda ; que d'autres appellent des BAREGA ou les WAREGA) dont la
finesse de l'art est connue dans le monde entier mais malheureusement non
exploité suite à l'enclavement du territoire. La minorité
est constituée par des Bakwami, Batembo et Batali. Cependant, cette
majorité n'avait jamais constitué un motif d'orgueil et
d'hégémonie en terme de rendre complexe la cohabitation interne
avec les autres.
Le 17 Janvier 1904, le poste de Shabunda est
créé par le commandant CROONE de l'Etat Indépendant du
Congo (E.I.C en sigle) et regroupe tous les Lega et autres peuples ayant des
affinités culturelles avec eux. Le poste dépendait
administrativement du Territoire de LOKANDU, dans le Maniema.
En 1933, la Province de Costermansville est fondée et
elle comprend deux districts : Maniema et Kivu. Le poste de Shabunda est
scindé en deux territoires : KIHEMBWE (qui deviendra PANGI) est
rattaché au Maniema et Shabunda est envoyé au Kivu(48(*)).
Comme on peut le constater, le rattachement de Shabunda au
district du Kivu a résulté de l'arbitraire du pouvoir colonial
dont le souci a été cette fois basé sur le
découpage de l'espace et non plus en tenant compte des affinités
culturelles.
En 1947, la Province de Costermansville est divisée en
trois districts : le Maniema, le Sud-Kivu et le Nord-Kivu. Le Territoire
de Shabunda est rattaché au Sud - Kivu(49(*)).
L'organisation du territoire en 1947 qui a fait éclater
Shabunda est motivée par la création d'emplois pour les
chômeurs de la métropole à cause de la crise de
l'après-guerre. Ce découpage a été encore une fois
arbitraire.
En 1961, le District d'ELILA est fondé ; il
regroupe les Territoires de Mwenga, Pangi et Shabunda avec siège
à Shabunda. Les pourparlers envisagent d'y ajouter les territoires de
FIZI, PUNIA et WALIKALE. On revient à l'ancienne formule de
l'année 1904 de regrouper les Balega. Le choix de Shabunda comme
siège résulte de sa position centrale par rapport aux autres
territoires.
En Août 1962 est créée la Province du
Kivu-central. Sous la hantise d'hommes politiques de cette Province, on signera
pour le Territoire de Shabunda son annexion à la Province du Kivu -
central qui deviendra plus tard la Province du Sud-Kivu.
L'importance des relations économiques et commerciales
entre le Maniema et les Balega (du moins les deux zones voisines Pangi et
Shabunda) a motivé l'asphaltage de la route Kindu-Shabunda dont les
travaux ont été arrêtés au niveau de Kalima (120Km
de Shabunda) à cause des troubles des années 1960.
Du point de vue situation administrative, le Territoire de
Shabunda est l'un des huit territoires du Sud-Kivu. Il est composé de 2
collectivités (Bakisi et Wakabango 1er), de 11 groupements et
de 833 villages. Le Territoire est chapeauté par un administrateur du
territoire, chaque collectivité est dirigée par un chef de
collectivité, le groupement par un chef de groupement, le chef de
village contrôle le village.
2.2.4. Situation économique
Le Territoire de Shabunda regorge des ressources naturelles
incommensurables, allant des essences ligneuses et espèces animales, aux
ressources agricoles et minières de très grande valeur.
Les sources majeures de revenus en Territoire de Shabunda sont
l'exploitation artisanale des minerais, l'artisanat, l'agriculture, le petit
commerce, l'élevage et la pêche.
· Mines
Hormis ses richesses naturelles du sol, le Territoire de
Shabunda regorge aussi d'immenses ressources du sous - sol : l'or, le
colombo-tentalite, la cassitérite, le wolfram, le diamant, le
calcaire,... ce qui a justifié la présence de la Sominki
(société minière du Kivu) qui est une
société à capitaux belges, aujourd'hui en faillite, dans
ce territoire. Aujourd'hui aucune société n'oeuvre dans le
Territoire, la population s'adonne à l'exploitation artisanale des
minerais.
L'exploitation minière emploie très faiblement
la main d'oeuvre active, exclusivement masculine, étant donné que
le travail fait appel à la force musculaire faisant défaut
à la femme, cette activité procure un petit revenu pour la
subsistance de quelques familles (50(*)).
· Artisanat
Les activités de menuiserie, de scierie, de tissage, de
vannerie, de sculpture sont bien connues dans le territoire et sont
exercées avec un goût raffiné (Art Lega). Fort
malheureusement, ces activités ne sont pas en pleine expansion par
manque d'encadrement des artisans et surtout suite à l'enclavement du
territoire.
L'homme et la femme s'adonnent selon le cas, à des
diverses activités. L'on remarque que les hommes s'attèlent
à la menuiserie, la scierie, la vannerie, la sculpture, ... tandis que
la femme s'emploie davantage dans le tissage.
L'artisanat est exercé avec finesse et procure un petit
revenu de subsistance aux artistes. L'enclavement du Territoire ne permet pas
aux producteurs de vendre assez pour ne survivre que cette activité.
Par ailleurs, l'on constate que l'artisanat, une fois
recadrer, redynamiser et restructurer, ouvrirait le Territoire au tourisme et
procurerait des ressources considérables aux exploitations d'oeuvres
d'art et partant, assurerait un revenu en plus à l'Etat.
· L'agriculture
Le Territoire de Shabunda a la vocation agricole et emploie
une frange de la population. Il s'agit d'une agriculture de subsistance, donc
de type traditionnel (sans machines, matériels aratoires, ni engrais et
utilise des techniques et méthodes archaïques de brulis et de
jachère).
L'agriculture est une activité essentiellement
réservée à la femme, l'homme se contente de l'abattage de
zones forestières.
Jadis, le Territoire de Shabunda constituait le poumon
économique de la Province du Sud - Kivu par sa production agricole
excédentaire. Aujourd'hui, cette production a régressé
suite à la libéralisation de l'exploitation artisanale de
minerais, à la destruction de toutes les unités de production et
de transformation des produits agricoles et au manque de matériels
aratoires.
Deux saisons déterminent le calendrier agricole dans le
Territoire de Shabunda.
1èreSaison A
Elle prend cours à partir du mois de mai et se termine
au mois d'octobre, c'est la période de la culture de riz, arachide,
maïs, banane, coton, palmier à huile. La période allant
d'octobre à décembre correspond à la celle de semer.
2èmeSaison B
Elle commence au mois de décembre jusqu'au mois de
février. De février à mai correspond à la
période de récolte du riz. Les cultures d'arachide, du maïs,
du manioc, de l'amarante et le haricot sont développées à
cette période. Les denrées alimentaires sont vendues localement
et en dehors du territoire. Il s'agit notamment d'huile de palme et
d'arachide.
Il s'avère que la modernisation de l'agriculture, le
recyclage et l'encadrement des moniteurs agricoles, le renouvellement des
cultures de coton et la réhabilitation des plantations (de café,
cacao et palmier à huile) constituent le socle du redécollage
économique du Territoire.
· Commerce
Le petit commerce, tourné exclusivement vers les
produits de première nécessité, est en vogue dans le
Territoire de Shabunda. Il permet à certains habitants d'assurer la
scolarité de leurs enfants, de se préoccuper de l'habillement de
ces derniers, ainsi que de leurs soins de santé. Tout compte fait, cette
activité est, dans bien des cas, exercée par les Bashi et autres
tribus environnantes. On observe malheureusement la dollarisation du milieu, la
flambée des prix due essentiellement à l'enclavement du
Territoire de Shabunda. Les articles n'arrivent dans le territoire que par voie
aérienne.
· Elevage
L'élevage occupe une place de choix dans
l'économie du Territoire de Shabunda, en ce sens qu'il est
pratiqué presque par tous les villages, un petit cheptel de caprins
(chèvres, porcs, moutons) ou d'animaux de basse cours (coqs, pigeons,
poules, canards, perdrix) qui vivent en liberté autour des cases. Chaque
famille dispose en moyenne de deux ou trois têtes de petit bétail
qui se nourrissent sans utilisation de technique d'élevage
particulière.
Le chien, bénéficiaire d'aliment et de soins de
la plupart du maître, est principalement élevé pour la
chasse, tandis que la poule, la chèvre et le mouton tiennent lieu
surtout d'animaux de sacrifice dans de nombreuses circonstances,
cérémonies religieuses ou magico-religieuses, rites de
guérison, rassemblement des liens, réparation des injures en
l'endroit d'un supérieur, ...
Il est bon de signaler que, suite à la guerre (conflits
armés), aujourd'hui dans beaucoup des villages, on ne trouve plus ces
bétails, ils sont exterminés par des pillages,
l'instabilité de la population et le déplacement de la population
d'un endroit à un autre.
· La chasse
La chasse fut dans le temps une activité très
importante quand les forêts furent encore denses et conservaient beaucoup
d'animaux. Elle produisait beaucoup de viande dont une partie était
destinée à la vente et une autre à la consommation
familiale. Avec l'intensification de la chasse au fusil et l'exploitation
abusive des animaux sauvages par la population, beaucoup d'espèces
animales ont disparu.
· La pêche et la pisciculture
L'Activité de la pêche comble les
déficiences alimentaires. La pêche est aussi une activité
traditionnelle, sa rentabilité est fonction des périodes. La
pêche est facilitée par la présence des rivières
Ulindi et Lugulu ainsi que par leurs affluents. La pratique de la pèche
se fait sans distinction de sexe, et cela durant la période de crue ou
d'étiage. A cela, la saison sèche reste la saison la plus
favorable pour la pèche. Durant cette période, les riverains
organisent des expéditions de deux à trois mois dans des Lutanda
(maquis).
La carence des poissons à un certain moment a
incité les paysans du Territoire de Shabunda à la pratique de la
pisciculture et cela a créé une économie familiale pendant
une certaine période dans les ménages. Cette pratique de
pisciculture vise à élever et à multiplier le nombre des
poissons dans un étang. Elle vise d'abord à contrôler
où ils habitent pour les exploiter.
Partout dans le Territoire de Shabunda, la population s'adonne
plus au travail d'étangs. Cela est motivé par des grands
rendements de leur production et de l'intérêt de chacun à
la consommation des poissons frais par rapport aux poissons fumés et
salés venant du Maniema et de Bukavu. Il n'existe aucune entreprise,
dans le Territoire de Shabunda, qui pratique la pêche industrielle.
2.2.5. Situation démographique
Il convient de signaler que le Territoire de Shabunda comptait
depuis les années 2016, une population estimée à 1.008.020
habitants, soit une densité de plus ou moins 37 habitants/Km2 (51(*)).
Cette population de 1.008 020 habitants était repartie
de la manière ci-après :
- 667 541 Habitants dans la chefferie de Bakisi ;
- 167 739 habitants de la collectivité de Wakabango
I ;
- 171 923 habitants à Shabunda - Centre qui est le
chef-lieu de ce territoire ;
- 817 représentent la population
étrangère dans le Territoire (52(*))
Tableau n°1. : situation démographique
de la collectivité/chefferie de BAKISI
Groupements
|
Chef-lieu
|
Population
|
Total
|
Hommes
|
Femmes
|
Garçons
|
Filles
|
Bangoma
|
Matili
|
22 681
|
27 754
|
29 261
|
28 801
|
108 497
|
Beigala
|
Kikamba
|
13 062
|
14 249
|
16 521
|
19 563
|
63 395
|
Bagabo
|
Kassa
|
14 645
|
15 744
|
18 309
|
20 170
|
68 868
|
Bakyunga
|
Mapimo
|
14 802
|
15 940
|
16 947
|
184 481
|
66 170
|
Bamuguba Nord
|
Lulingu
|
28 974
|
27 838
|
35 098
|
36 563
|
128 473
|
Bamuguba Sud
|
Kigulube
|
29 821
|
38 610
|
31 379
|
34 682
|
134 492
|
Baliga
|
Mulungu
|
22 866
|
23 652
|
24 848
|
26 153
|
97 519
|
TOTAUX
|
|
148 943
|
163 808
|
172 369
|
184 421
|
667 541
|
Source : Bureau de l'État-civil
du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016.
Tableau n° 2 : Situation démographique
de la collectivité/chefferie de WAKABANGU 1er
Groupements
|
Chef-lieu
|
Population
|
Total
|
Hommes
|
Femmes
|
Garçons
|
Filles
|
Ikama kasanza
|
Kitandi
|
12 457
|
10 445
|
10 686
|
10 369
|
43 957
|
Basitabiala
|
Kalole 3
|
5 582
|
5 547
|
6 632
|
6 780
|
24 561
|
Nkulu
|
Mikaba (Kanyombo)
|
11 065
|
10 954
|
12 690
|
11 688
|
46 397
|
Batali
|
Mulongo
|
14 736
|
16 295
|
10 300
|
11 493
|
52 824
|
TOTAUX
|
|
43 840
|
43 241
|
40 328
|
40 330
|
167 739
|
Source : Bureau de l'État-civil
du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016.
Quartiers
|
Population
|
Total
|
Hommes
|
Femmes
|
Garçons
|
Filles
|
Lupimbi
|
4 604
|
5 097
|
5 683
|
6 176
|
21 560
|
Administratif
|
8 635
|
9 254
|
10 168
|
11 391
|
39 448
|
Mankulu
|
2 214
|
2 336
|
2 417
|
4 018
|
10 985
|
Kizikibi
|
1 930
|
1 762
|
3 925
|
4 216
|
11 833
|
Kitete
|
1 344
|
1 566
|
10 661
|
7 430
|
21 001
|
Mbangayo
|
7 000
|
8 500
|
23 955
|
25 545
|
65 000
|
Nyalubwe
|
416
|
470
|
449
|
761
|
2 096
|
TOTAUX
|
26 143
|
28 985
|
57 258
|
59 537
|
171 923
|
Tableau n° 3 : Situation démographique
de SHABUNDA - CENTRE
Tableau n° 4 : Situation démographique
de la population étrangère à Shabunda
Population
|
|
Hommes
|
Femmes
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
327
|
179
|
147
|
164
|
817
|
Source : Bureau de l'État-civil
du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016Ø Commentaire
des tableaux
Il ressort de l'interprétation du tableau n°1 que
la collectivité de Bakisi a une population évaluée
à 667.541 habitants catégorisés de la manière ci -
après : 148 943 hommes, 168 808 femmes, 172 369
garçons et 184 421 filles repartis selon les groupements comme
suit : 134 492 habitants pour le groupement de Bamuguba Sud,
128 473 habitants pour le groupement de Bamuguba Nord, 108 497
habitants au groupement de Bangoma, 97 519 habitants constituent la
population du groupement de Baliga et 68 868, 66 170 et 63 395
habitants respectivement aux groupements de Bagabo, Bakyunga et Beigala.
En ce qui concerne le tableau n°2 qui reprend la
situation démograpique de la collectivité de Wakabango
1er, il s'observe que cette collectivité est
constituée de 167 739 habitants reparti de manière ci -
après selon les groupements : 52 824 pour le groupement de
Batali, 46 397 au groupement de Nkulu, 43 957 et 24 561
respectivement pour le groupement d'Ikama Kasanza et celui de Basitabiala. Ce
tableau montre que cette collectivité est composée de 43 840
hommes, 43 241 femmes, 40 328 garçons et 40 330
filles.
La situation démographique de la population de Shabunda
- centre représentée dans le tableau n°3 démontre que
171 923 habitants constituent la population du chef - lieu de ce
territoire. Cette population se répartit de la manière suivante
selon les quartiers : 65 000 habitants pour le quartier Mbangayo,
39 448 pour le quartier administratif, 21 560 pour celui de Lupimbi,
les 21 001 habitants sont du quartier Kitete, 11 833 habitants au
quartier Kizikibi, Mankulu en compte 10 985 et enfin 2 096 habitants
composent le quartier Nyalubwe.
Ces habitants sont repartis par catégories selon qu'on
est homme, femme, garçon ou fille de la manière ci -
après : 59 537 filles, 57 258 garçons, 28 985
femmes et 26 143 hommes.
Quant à la situation démographique de la
population étrangère représentée au tableau
n°4, il est important de retenir que le Territoire Shabunda compte 817
habitants étrangers répartis comme suit : 327 hommes, 179
femmes, 164 filles et 147 garçons.
Chapitre II. CONTEXTES ET
LES CAUSES DE L'EMERGENCE DES GROUPES ARMES A L'EST DE LA RD CONGO
Nous allons épingler, dans ce chapitre, d'abord les
contextes et les causes générales liées à la
prolifération des groupes armés en RD Congo, surtout dans sa
partie Est en les spécifiant selon que ces causes sont internes et
externes. Ensuite, nous dégagerons les contextes et les causes
spécifiques liées à la prolifération des groupes
armés à Shabunda. Enfin, nous présenterons les groupes
armés à Shabunda et stratégies de leur éradication
par les pouvoirs publics.
Section 1. Les contextes et
les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la
RD Congo.
Ainsi que l'indique l'intitulé de cette section de
notre travail, nous présenterons respectivement les contextes de
l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo et
les causes de l'émergence des groupes armés à l'Est de la
RD Congo, selon qu'elles sont externes et/ou internes.
1.1. Les contextes de
l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD
Congo
Au-delà de leur diversité et de la
singularité de chaque trajectoire, l'émergence des groupes
armés reste éminemment liée à la
problématique de la fragilité de l'État. La persistance
des violences politiques dans le pays traduit indéniablement la
faiblesse des mécanismes institutionnels internes de régulation
sociale et de redistribution des richesses. En l'absence de jeu
démocratique et de mécanismes impartiaux d'arbitrage, les
contradictions et les oppositions sociales entrainent dans nombre de cas
l'antagonisme armé.
La présence ancienne de groupes armés au Congo
oriental, qui remonte au milieu des années 90 et même avant cette
date dans plusieurs régions, a instauré ces groupes en acteurs
à part entière d'ententes politiques locales. C'est pourquoi il
est important de parler en quelques lignes sur l'éclosion
exacerbée des groupuscules à l'Est de la RD Congo.
Ø L'éclosion exacerbée des
groupuscules armés à l'Est de la RDC
La plupart des groupes armés actuellement
présents dans l'Est de la RDC sont le résultat direct des
première (1996-1997) et deuxième (1998-2003) guerres du
Congo-Kinshasa et de la période de transition qui s'ensuivit
(2003-2006), se concluant par les élections de 2006. Cependant,
l'origine de nombre des groupes qui se constituèrent pendant ces deux
guerres est plus ancienne. Voilà pourquoi il est impératif
d'analyser sur le promoteur direct des groupes armés actifs à
l'Est de la RD Congo ainsi que sur les guerres du Congo comme matrice de la
mobilisation armée à l'Est de la RD Congo.
a. Promoteur direct des
groupes armés actifs à l'Est de la RDC
Confronté à l'épuisement de ses
ressources et à de fortes pressions internationales à la fin de
la guerre froide, Mobutu annonça en avril 1990 une transition vers une
démocratie multipartite. Toutefois, il chercha subrepticement à
faire échouer le nouveau processus de démocratisation en divisant
et affaiblissant l'opposition. L'un des moyens qu'il employa consista à
entretenir les antagonismes ethniques. Les divisions ethniques furent
aggravées par la perspective des élections qui mirent en exergue
la question de l'octroi de la citoyenneté aux descendants d'immigrants
rwandais.
Sous Mobutu, l'érosion progressive des services publics
et l'interdiction des partis politiques avaient entraîné la
prolifération des groupes communautaires dans les provinces du Nord-Kivu
et du Sud - Kivu. Dans les années 1990, ce sont ces groupes
d'autodéfense communautaire, appelés « mutuelles », qui
furent à l'origine de la mobilisation électorale et de la
formation des partis politiques. Plusieurs de ces organisations, notamment la
Mutuelle des agriculteurs de Virunga (MAGRIVI), une mutuelle Hutue sous
l'égide de Mr Muhozi, lancèrent leurs propres milices,
témoignant ainsi de la nature communautaire de ces premiers mouvements
de mobilisation(53(*)).
D'autres groupes furent constitués à la
même époque pour remettre en question l'ordre politique existant.
Au début des années 1990, les Kasindiens, un groupe armé
issu de la communauté Nande, dans la région de Ruwenzori, s'en
prirent à l'autorité de chefs coutumiers. Ce
phénomène se propagea jusqu'aux régions voisines de Beni
et Lubero, où la milice Ngilima du commandant Kaganga,
mêlée à des activités de racket de protection
locale, décida de contester le pouvoir de Mobutu. Ces groupes
influencèrent la formation d'autres milices rurales, notamment les
Batiri (dominés par les Hunde de Masisi) et les Katuku, qui
oeuvrèrent d'abord dans le sud du Walikale parmi les Nyanga, puis
également parmi les Tembo de Bunyakiri54(*). C'est à cette
époque que beaucoup de commandants des groupes armés aujourd'hui
actifs débutèrent leurs carrières, notamment le
général Padiri Bulenda, Bigembe Turinkino, Akilimali Shemongo et
Robert Seninga(55(*)).
Ces milices furent exploitées par les pouvoirs publics
et les hommes politiques locaux dans le cadre de conflits anciens relatifs au
foncier et à l'autorité coutumière. Ces conflits furent
attisés par des développements socioéconomiques de grande
ampleur, comme l'intensification des pressions démographiques et
foncières, la hausse de la pauvreté et le déclin des
infrastructures et des capacités réglementaires de l'Etat.
En 1993, des dizaines de milliers de réfugiés
burundais arrivèrent au Sud-Kivu suite à la guerre civile
déclenchée par l'assassinat de Melchior Ndadaye, Président
du pays élu démocratiquement, issu de l'ethnie Hutu. Vint ensuite
le génocide rwandais de 1994, qui poussa 30.000 à 40.000
miliciens Hutus et soldats des Forces armées rwandaises (FAR), dont la
plupart avaient été impliqués dans le génocide,
à franchir la frontière, aux côtés d'un million de
réfugiés civils. Ils apportaient des armes, un esprit de
radicalisme et une mentalité axée sur la polarisation ethnique.
Regroupés dans les camps de réfugiés, ces combattants
commencèrent à lancer des attaques transfrontalières
contre le Rwanda(56(*)). Cette menace sécuritaire poussa le
gouvernement nouvellement établi à Kigali, en coordination avec
l'Ouganda, l'Angola et d'autres pays de la région, à former une
coalition régionale d'insurgés pour dissoudre les camps de
réfugiés/garnisons dans le Kivu et renverser le Président
Mobutu.
b. Les guerres du Congo,
matrice de la mobilisation armée à l'Est de la RDC
La première guerre du Congo éclata en 1996 suite
à l'insurrection, appuyée par le Rwanda, de l'Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL). Elle
déclencha une mobilisation armée dans tout l'Est du pays. Tandis
que certains groupes se mobilisèrent contre l'invasion, d'autres se
mirent à soutenir la rébellion de l'AFDL. Bien que ces milices
aient provoqué une forte insécurité dans les zones rurales
et alimenté des tensions constantes au sein des communautés,
elles restèrent morcelées, de faible envergure et repliées
sur elles-mêmes, incapables d'influencer la situation au-delà de
leurs fiefs locaux.
Ce fut lors de la deuxième guerre du Congo qui
éclata lorsque les relations se détériorèrent entre
le Président Laurent-Désiré Kabila et ses partisans
rwandais, que ces milices se mirent à prospérer, avec le soutien
de Kinshasa et des groupes armés étrangers. Le Rassemblement
Congolais pour la Démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda et l'Ouganda,
occupa rapidement des grandes parties de l'Est du pays. La guerre au front se
trouvant dans une impasse, Kinshasa envoya des fonds et des armes aux groupes
armés qui opéraient dans les zones placées sous le
contrôle du RCD, nommant certains leaders Maï-Maï, officiers
supérieurs de l'armée nationale. Il forma également des
alliances avec les derniers éléments des ex Forces Armées
Rwandaises (FAR) et des Interahamwe (Ceux qui attaquent ensemble), une
organisation paramilitaire hutue rwandaise arrivée dans l'Est de la RDC
en 1994 et connue par la suite sous le nom de Forces Démocratiques de
Libération du Rwanda (FDLR), ainsi qu'avec le Conseil National Burundais
pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la
Démocratie (CNDD-FDD)(57(*)).
Petit à petit, les guerres du Congo modifièrent
la nature des groupes armés, les milices rurales ancrées au
niveau local se retrouvant mêlées à des réseaux
dirigés par des élites des secteurs politiques et des affaires.
Ces réseaux de milices favorisèrent et, en même temps,
furent encouragés par le développement d'une économie de
guerre stimulée par la taxation illégale, la contrebande et le
racket. Si cette économie permit à certains de s'enrichir
rapidement, des millions de civils en dépendirent pour leur survie et
n'eurent souvent pas d'autre choix que de collaborer avec les groupes
armés(58(*)).
La montée en puissance des dirigeants militaires, qui
s'impliquèrent étroitement dans l'administration locale,
affaiblit encore davantage les structures de l'autorité et la
cohésion sociale. Alors que, dans les années 1990, les milices
s'appuyaient sur le soutien des chefs coutumiers et des communautés
locales, ces liens s'affaiblirent lorsque les leaders militaires devinrent
autonomes dans leur manière de dégager des revenus et furent
aidés par leurs relations à Kinshasa, avec des groupes
armés étrangers et des réseaux commerciaux
régionaux. En même temps, le vaste recrutement de jeunes fit
apparaître une génération militarisée de plus en
plus détachée des chefs coutumiers, des anciens des villages et
des parents. Etant désormais moins dépendants et moins redevables
à l'égard des autorités locales, le comportement des
groupes armés envers les civils se détériora, et les
exactions physiques, le travail forcé et la taxation illégale
devinrent légion(59(*)).
Dans son rapport Judith Verweijen(60(*)) examine les relations entre
la stabilité de l'entente politique nationale et l'instabilité
dans l'Est, à travers le prisme de l'évolution et des
caractéristiques historiques des ententes politiques à ces deux
niveaux. Afin de comprendre les politiques actuelles du gouvernement national,
dominé par le réseau clientéliste présidentiel, en
réaction à l'activité des groupes armés dans l'Est,
il est nécessaire d'identifier les enjeux politiques,
socio-économiques et militaro-stratégiques que cette
activité représentait pour l'ex - Président Joseph Kabila
et ses réseaux de pouvoir. Suivant des patrons de comportements
historiques, c'est-à-dire hérités de l'ère
coloniale, le réseau clientéliste présidentiel s'efforce
d'exercer un contrôle direct sur les principales régions
politiques et économiques...(61(*)).
En conséquence, l'ex-Président
précité a pris très peu d'initiatives à l'intention
des petits groupes armés situés dans des zones rurales
enclavées de l'Est du pays, particulièrement quand ceux-ci ne
sont ni puissants militairement, ni importants géopolitiquement.
D'ailleurs, ce conflit profitait indirectement à Joseph Kabila, sous
forme de ressources clientélistes, y compris celles résultant des
opérations militaires et de l'afflux d'aide internationale.
En raison de la fragmentation profonde du paysage militaire et
de la réduction récente de l'ingérence
étrangère, la grande majorité des dizaines de bandes
armées non étatiques opérant actuellement dans l'Est du
Congo ont des effectifs squelettiques.
C'est là à la fois une cause et un
résultat de l'amoindrissement de l'importance des groupes armés
dans l'arène politique nationale. Au cours de la période de
transition (2003-2006) qui a suivi la seconde guerre du Congo, après
l'accord de partage du pouvoir conclu entre les ex-belligérants, la
manipulation de groupes armés restait un moyen d'action politique
très apprécié. Cela permettait de transmettre des
réclamations politiques et d'accéder à des positions de
pouvoir importantes dans l'appareil politico-administratif et dans les forces
de sécurité.
1.2. Les causes de
l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD
Congo.
Depuis la conclusion de l'accord politique pour la gestion de
la transition en RD Congo, le fait de favoriser des groupes armés
rapporte des avantages politiques de moins en moins importants au niveau
national. Cependant, l'exploitation de la mobilisation armée a
continué à donner accès à des postes et des
positions de pouvoir dans les forces armées nationales. Une des raisons
de la dévalorisation politique de la mobilisation armée au niveau
national est que le réseau clientéliste présidentiel a
renforcé son emprise sur l'appareil d'Etat et la société.
La période de transition (2003 - 2006) n'a pas permis
de stopper la prolifération des groupes armés et de
rétablir l'autorité de l'Etat. Dans la plupart des cas, les
responsables Maï-Maï ne disposaient pas du pouvoir de
négociation, de la cohésion interne et de l'accès
privilégié aux réseaux clientélistes à
Kinshasa nécessaires pour décrocher des postes de
responsabilité au sein des forces de sécurité de
l'après-guerre. Cela explique en partie pourquoi des îlots de
résistance armés sont restés actifs dans plusieurs
zones.
Il en résulte l'apparition de tendances autoritaires et
une entente politique moins inclusive, comme le démontrent des
restrictions croissantes imposées à des acteurs politiques
considérés comme dangereux. La nature plus exclusive et plus
répressive de cet accord politique a influencé la mobilisation
armée dans l'Est du Congo.
Des groupes armés sont intégrés dans des
réseaux sociaux complexes qui s'étendent du niveau local aux
niveaux de la nation, des sous-régions et du monde, et qui font
intervenir des acteurs étatiques et non étatiques. Ces groupes
entretiennent des liens de nature variable avec les hommes politiques, les
milieux d'affaire, les autorités locales et les forces de
sécurité du gouvernement opérant parfois comme des
mandataires ou des alliés dans certaines opérations militaires.
Plusieurs de ces relations peuvent être considérées comme
des mécanismes de protection, avec des dimensions à la fois
coercitives et non-coercitives.
D'un côté, les groupes armés imposent des
contributions aux populations et aux opérateurs économiques dans
le cadre de systèmes de protection mafieux (le racket), mais
également dans le cadre de mécanismes plus globaux de gouvernance
et de recours à l'autorité. De l'autre côté, les
gens peuvent prendre l'initiative de solliciter que ces groupes interviennent
pour eux, notamment pour les protéger, mais aussi dans d'autres buts,
comme par exemple pour renforcer leur position dans un conflit ou pour
protéger leurs marchandises dans des régions peu sûres. En
ce qui concerne les autorités locales, la protection des groupes
armés est également recherchée pour imposer des
décisions administratives et pour obtenir le dessus dans des luttes de
pouvoir.
C'est le mauvais fonctionnement des mécanismes de
gouvernance civile et la piètre performance de l'appareil
étatique de sécurité qui nourrissent la demande de
protection auprès des groupes armés. Cette demande provient
également du fait que les gens qui ne sollicitent pas cette protection
sont dans une position moins favorable que ceux de leurs concurrents et
adversaires qui, eux, ont des protecteurs puissants. En outre, les
mécanismes de protection sont devenus, dans une certaine mesure, une
pratique normale adoptée par des portions relativement importantes des
élites politiques et économiques de l'Est de la RD Congo.
Une des choses qui prouvent cette normalisation, c'est que de
plus en plus de groupes armés sont animés par des entrepreneurs
politico-militaires de bas niveau - des chefs coutumiers, des membres des
autorités locales, des officiers de second rang - et non pas
principalement, comme dans le passé, par des chefs issus des
élites nationales et régionales. Ces entrepreneurs
politico-militaires de plus bas niveau, soutenant la mobilisation armée,
sont en partie mécontents de l'accord politique de la transition, du
fait à la fois de leur propre position dans le champ de cette entente et
de la nature de l'ordre socio-politique dans son ensemble. Beaucoup de groupes
armés expriment des vues anti-establishment, sans pour autant avoir une
vision ou des objectifs politiques globaux. Par conséquent,
contrairement à l'image de purs criminels qu'on se fait
communément des groupes armés, la mobilisation armée
continue à avoir une dimension politique claire.
C'est cela qui explique aussi pourquoi certains groupes
armés reçoivent un soutien populaire relativement important : les
gens sont, parfois, dégoûtés du régime qui
gère le pays et des insuffisances de l'appareil d'Etat et approuvent
l'idée de l'autodéfense, particulièrement dans un contexte
de conflit intense entre les communautés. Le fait que la mobilisation
armée ait une dimension politique n'implique pas nécessairement
que les groupes armés devraient être traités comme des
acteurs politiques légitimes. Ces groupes ne peuvent pas simplement
être pris comme des représentants des communautés qu'ils
prétendent défendre.
Il est difficile de satisfaire nombre de leurs exigences
politiques parce que ces dernières semblent être discriminatoires
par nature. D'autres de leurs exigences se rapportent à l'accès
à l'appareil d'Etat, dans des positions administratives
élevées, et à la fourniture de services publics
améliorés, par exemple pour les routes et les centres de soins.
Satisfaire à de telles exigences risque de créer des motivations
pour que d'autres les imitent et se mobilisent militairement pour
réclamer des avantages semblables.
Dans cette veine, beaucoup de politiques gouvernementales
passées, élaborées pour contrer les groupes armés
- et notamment l'intégration dans l'armée - ont eu des
effets contre - productifs, en créant des mécanismes
d'incitation faussés. Tous les efforts consentis à l'attention
des entrepreneurs politico-militaires devraient éviter de
répéter cette erreur, et plutôt chercher à utiliser
la carotte et le bâton à parts égales. Il est
également nécessaire de trouver le bon équilibre entre
traiter la dynamique structurelle qui nourrit la mobilisation armée et
s'occuper des groupes armés actifs. Ce dilemme entre une action à
long terme et une action à court terme s'applique également
à la question de l'inclusion. Cela nous renvoie à faire une
analyse sur les causes externes.
1.2.1. Les causes externes
Elles peuvent se résumer en trois à savoir la
course aux ressources naturelles dont regorgent le Sud-Kivu en
général, la faiblesse de la réaction de la
communauté internationale face aux crimes graves commis à grande
échelle dans cette contrée et le retrait des armées
étrangères autrefois présentes en RD
Congo.
Ainsi, pour ce qui est des causes liées à la
course aux matières premières, on peut citer les enjeux
économiques fondés essentiellement sur le désir des
États voisins et mêmes des grandes puissances occidentales, ainsi
que des multinationales d'avoir le contrôle sur les ressources naturelles
dont regorgent le pays. C'est ce désir-là qui les pousse à
soutenir et au besoin à créer de toutes pièces certains
groupes armés en RD Congo, ou des prétendues rébellions
qui vont chercher à exploiter quelques causes internes pour avancer
leurs revendications politiques, et pourront même être
dirigées par un homme de paille pour donner une apparence interne au
conflit, mais le vrai but, c'est l'accès aux ressources naturelles
existantes.
Une des illustrations de cette réalité c'est
notamment le rapport du groupe d'experts de l'ONU sur le pillage des ressources
naturelles de la RD Congo (2002). Dans ce rapport en effet, un lien est
établi entre le pillage des ressources naturelles et la poursuite de la
guerre en RD Congo. Et dans sa résolution 1457 du 24 janvier 2003, le
Conseil de Sécurité a noté avec préoccupation que
"le pillage des ressources naturelles et d'autres richesses de la RD Congo se
poursuit et constitue l'un des principaux éléments qui
entretiennent l'émergence des groupes et conflits armés dans la
région et exige donc que tous les États concernés prennent
immédiatement des mesures pour mettre fin à ces activités
illégales qui perpétuent le conflit et l'émergence des
groupes armés, entravent le développement économique de la
RD Congo et exacerbent les souffrances de sa population"62(*).
Dans le rapport précité, les experts de l'ONU
avaient établi une liste des personnalités tant congolaises
(issues tant du gouvernement que des rébellions et milices)
qu'étrangères, dont notamment des Rwandais, des Ougandais et des
Burundais occupant des fonctions aussi bien politiques que militaires, qui
étaient impliquées dans le trafic d'armes violant ainsi l'embargo
sur les armes en RD Congo.
Pour ce qui est de la faiblesse de la réaction de la
communauté internationale face aux crimes graves qui se commettent et
continuent à se commettre en RD Congo, les moyens utilisés pour
ce pillage sont eux-mêmes hautement criminels. Ainsi pour faciliter le
pillage des ressources naturelles en RD Congo, des meurtres à grande
échelle sont commis, causant ainsi des déplacements de
populations réduites à des conditions de vie pouvant
entraîner leur destruction. Face à cette horreur, on constate
malheureusement la faiblesse de la réaction de la communauté
internationale, tant le Conseil de Sécurité que les autres
États qui se montrent réticents à déclencher des
poursuites sur la base de la compétence universelle. On constate en
outre que, ce sont les mêmes auteurs de la tragédie de l'Est de la
RD Congo qui définissent les grandes lignes de la politique sous
régionale en Afrique des grands lacs.
Une autre cause qui nous semble intermédiaire est celle
liée à la prolifération des milices à la suite de
retrait des armées étrangères en RD Congo en vertu des
accords de paix, notamment l'accord dit global et inclusif. Comme le
dénonce un des nombreux rapports du Secrétaire
Général des Nations-Unies : "Le vide du pouvoir qui a
succédé au retrait des forces de défense rwandaises, puis
les forces de défense du peuple ougandais et burundais a entrainé
la prolifération des milices Maï-Maï. Ces milices ont
lutté pour s'assurer le contrôle des zones stratégiques
où se trouvent les ressources lucratives et qui étaient
précédemment détenues par les forces
étrangères"(63(*)).
Cet extrait du rapport du Secrétaire
Général de l'ONU insiste sur le vide créé par le
retrait des troupes étrangères. Mais il semble minimiser le fait
que c'est souvent ces mêmes armées étrangères qui
créent ces milices pour pérenniser leur présence dans le
territoire congolais sous une forme moins officielle. Ainsi l'analyse des
causes de liées à la prolifération des groupes
armés à l'Est de la RD Congo, selon qu'elles sont internes ou
externes, mérite bien d'être aborder dans les lignes qui
suivent.
1.2.2. Les causes internes
Au-delà de multiples causes que nous pouvons avoir,
nous les avons résumées en une cause centrale que nous retrouvons
dans la démission de l'État à ses missions tant
traditionnelles que modernes, notamment son rôle de la défense du
territoire, de la sécurité des personnes et de leurs biens, de
régulateur des conflits sociaux. Cette démission est
manifestement favorisée par la médiocrité de la classe
politique congolaise qui ne cesse de s'encanailler à travers les
stratégies de conquête et de conservation du pouvoir politique
à des fins égoïstes(64(*)).
Comme nous venons de le dire, lorsque l'État n'affirme
son pouvoir ni sur le plan interne ni sur le plan international, il y a
d'autres causes ou facteurs qui se développent favorisant la
prolifération des groupes armés et qui ne sont pas faciles
à éradiquer le jour où il y aura un État de
droit.
En résumé, la cause centrale réside dans
la faillite de l'État congolais qu'il faut reconstruire. Cette cause est
accompagnée des autres causes que nous pouvons qualifier des causes
secondaires qui découlent de la centrale, c'est notamment la
vulnérabilité de la population, les problèmes fonciers, le
conflit interethnique.... C'est parce que l'État est en panne que les
États voisins pillent, violent et font ce qu'ils font. C'est parce que
l'État est défaillant qu'il y a prolifération des
seigneurs de guerre et la prolifération des armes
légères.
Section 2. Le contexte et
les causes d'émergence des groupes armés à Shabunda
Dans cette partie de notre travail, nous allons dégager
les considérations sur le contexte d'une part, et les causes de
l'émergence des groupes armés à Shabunda selon qu'il
s'agit des groupes armés congolais ou des groupes armés
étrangers d'autre part.
2.1. Le contexte
d'émergence des groupes armés à Shabunda
Ce point va aborder d'abord le contexte d'émergence des
groupes armés congolais à Shabunda et ensuite, le contexte des
groupes armés étrangers dans cette partie du territoire
congolais.
2.1.1 Le contexte
d'émergence des groupes armés congolais à
Shabunda
A l'Est et au Nord de la RD Congo, jusqu'à ce que le
front se stabilise, le RCD et le MLC n'ont rencontré qu'une faible
opposition des Forces Armées Congolaises. En revanche, dès les
premiers mois du déclanchement de la guerre du RCD et MLC, les forces
rebelles se heurtent à l'opposition des milices tribales, les
Maï-Maï, engagées dans de véritables campagnes de
guérilla. Ces Maï-Maï, aujourd'hui majoritairement
alliés au gouvernement de Kinshasa, représentent une
nébuleuse de milices ethniques où il n'existe aucun mouvement
fédérateur, sauf à une échelle infra provinciale
où certains chefs de guerre, souvent en marge des autorités
locales traditionnelles, sont parvenus à rassembler plusieurs groupes de
combattants sous leur autorité(65(*)).
Les miliciens, eux, sont le plus souvent recrutés dans
les rangs d'une jeunesse désoeuvrée, vivant dans des conditions
de vulnérabilité qui la poussent à une rébellion
vécue comme la seule chance de survie et d'autodéfense contre un
ordre politique, économique et social qui l'écrase.
Des conflits fonciers ont opposé les populations
autochtones du territoire. Le but initial d'entraide et de promotion
économique s'était transformé en une démarche
protectionniste et violente. Ces mouvements armés étaient des
forces ethniques d'autodéfense locale. Les mouvements de
résistance Maï-Maï sont nés dans le contexte de crise
socio-politique caractérisé essentiellement par des
rébellions et l'instabilité des institutions politiques avec
leurs conséquences sociales et économiques
désastreuses(66(*)).
L'émergence de mouvement de
résistance Maï-Maï est fort
dispersée selon les périodes et leurs contextes. Ainsi, selon la
périodicité, on a distingué deux catégories de
mouvements : les Maï-Maï qui sont liés aux
mouvements de résistance nés des rébellions de 1996 et
1998 d'une part et les Raïa mutomboki qui sont liés aux
mouvements de résistance nés pendant la transition et la
période postélectorale de 2006.
2.1.2. Le contexte
d'émergence des groupes armés étrangers
On distingue la présence d'un seul groupe armé
étranger dans le Territoire de Shabunda, les Forces Démocratiques
pour la Libération du Rwanda (FDLR). Le contexte d'émergence de
ce groupe armé revêt des facteurs multiples.
Dans tout le Sud-Kivu en général et le
Territoire de Shabunda en particulier, le phénomène
d'émergence des groupes armés étrangers est lié
à des facteurs complexes : les problèmes politiques,
économiques, ethniques, etc.
Les problèmes politiques sont liés au
déversement, en RD Congo, des réfugiés armés et non
armés burundais et rwandais depuis les années 1993 et 1994. Les
facteurs économiques se résument dans le pillage des ressources
naturelles de ce territoire.
Les facteurs ethniques renseignent sur les ramifications
identitaires des problèmes touchant les intérêts des
groupes ethniques se trouvant entre deux ou plusieurs États. Tel est le
cas d'une collaboration soupçonnée entre les Burundais de la
plaine de la Ruzizi et les FNL, groupe armé burundais.
2.2. Les causes de
l'émergence des groupes armés à Shabunda
La persistance des groupes armés dans la Province du
Sud - Kivu se justifie par la désintégration sociale, politique
et économique des certaines catégories de la population du
Territoire de Shabunda.
L'usage des armes à Shabunda semble s'inscrire dans le
corpus mouvant et sans cesse réinventé des pratiques de
débrouille au quotidien en contexte incertain. Cette activité
à Shabunda n'est pas conçue selon une logique d'accumulation
structurelle. La capacité d'adaptation des groupes armés aux
évolutions du paysage social dans le territoire, leurs fréquentes
et rapides recompositions et la reproduction constante de certains d'entre eux
tiennent sans doute au fait que les membres de ce mouvement considèrent
leur participation à la lutte comme une pratique ordinaire de survie.
Les modes d'entrée dans le mouvement présentent
une certaine diversité. Pour certains éléments, c'est le
fruit des contingences locales qui résulte d'un désoeuvrement.
Les facteurs exerçant le plus d'influence sur l'éclatement des
guerres civiles se trouvent dans le coût d'opportunité qui
s'appuie sur la prévision des revenus futurs par les individus. Nous
avons retenu les indicateurs suivants : le revenu moyen par habitant, le
taux d'analphabétisme de la population masculine et le taux de
croissance de l'économie.
Ces indicateurs facilitent le recrutement de la population
dans les groupes rebelles. C'est par exemple, lorsque le taux
d'éducation secondaire de la population masculine, le revenu par
habitant et le taux de croissance augmentent, les risques de conflits
diminuent.
Donc les faibles revenus et un accès difficile à
la scolarisation sont fortement susceptibles d'attiser la frustration de la
population envers le gouvernement. Là, il est question des griefs
réels et légitimes.
La faillite de l'Etat a poussé la population à
créer des groupes d'autodéfenses pour faire face aux attaques des
éléments de Forces Démocratiques pour la Libération
du Rwanda (FDLR) qui se sont vus être mis hors territoire suite à
des opérations lancées par de Raïa Mutomboki lorsque toute
l'étendue du Territoire de Shabunda était restée sans
force loyaliste pour assurer la sécurité des personnes et des
biens.
L'intégration dans les groupes armés à
Shabunda des jeunes est une opportunité d'atteindre un statut social
plus élevé, car cela a favorisé plusieurs jeunes
Ex-combattants de bénéficier des formations dans les
différents centres de formation socioprofessionnelle installés
soit à Kitona dans la Province du Kongo - central, soit à Kamina
dans la Province du Haut - Lomani.
Suite aux revendications de l'amélioration du bien -
être de la population par les différents éléments
des groupes armés, il s'est observé la présence, dans le
Territoire de Shabunda, des plusieurs organismes humanitaires oeuvrant dans le
domaine social qui sont venus construire et équiper les écoles
sur toute l'étendue du territoire.
Qu'il découle d'une contrainte physique ou d'un
impératif social, le recours aux armes à Shabunda n'est
conçu ni comme une vocation ni comme un acte exceptionnel. Fruits des
contingences, il répond à des considérations s'inscrivant
dans le « temps court marqué par
l'improvisation »(67(*)), et ce, dans un contexte où « la
distinction entre les luttes pour la subsistance proprement dite et les luttes
pour la survie tout court s'est estompée » et
« où la vie au quotidien est de plus en plus définie
à partir du paradigme de la menace, du danger et de
l'incertitude ».
Les groupes armés à Shabunda mettent en oeuvre
une action collective violente lorsqu'ils considèrent que la situation
d'inégalité horizontale, face à la population ou la
société où ils évoluent, est devenue
intolérable. C'est pourquoi, plusieurs auteurs perçoivent la
défaillance étatique comme le facteur le plus significatif pour
expliquer l'éclatement des groupes armés.
Le terme Etat défaillant est utilisé pour
désigner un Etat dont le degré de faiblesse institutionnelle a
atteint un point critique. C'est-à-dire lorsqu'il y a une rupture
générale du corpus de règles formelles et informelles
gouvernant une société, accompagnée d'une disparition ou
d'une érosion de l'autorité formelle »(68(*)).
Les Etats défaillants sont incapables de remplir leurs
fonctions traditionnelles. Dans une telle situation, les conditions de vie se
détériorent (la réduction des services publics (voir leur
disparition), la dégradation des infrastructures physiques, etc.). Par
conséquent, ce vide politique mène souvent à l'anarchie et
à la formation des différents groupes armés sous
prétexte de l'autodéfense.
Il est remarqué que les groupes armés à
Shabunda sont formés de jeunes (la plupart issus des milieux ruraux) qui
ont observé que les actions de l'Etat n'ont pas un impact
considérable sur les conditions de vie de la population.
L'analphabétisme, le manque d'instruction et aussi le manque d'emploi
sont autant de facteurs qui contribuent à la persistance des groupes
armés.
Nous sommes sans ignorer que la fréquence des groupes
armés est déterminée par des opportunités et des
incitations économiques qui agissent en interaction avec des
revendications politiques et sociales, des disputes interethniques et des
dilemmes sécuritaires.
Selon nos observations, nous constatons qu'aucune des guerres
civiles ne peut éclater à cause de facteurs strictement
économiques. Les motivations politiques ont été, et ce
dans tous les cas, à l'origine de la création des mouvements de
rébellion. Il nous faut insister sur le fait qu'à de multiples
reprises, les facteurs économiques se sont combinés à des
facteurs politiques. Et cette combinaison a facilité l'éclatement
des hostilités.
Pour de nombreux combattants, la surveillance des axes de
communication, l'approvisionnement en vivres, le prélèvement de
taxes sur les marchandises et la protection de groupes viennent combler de
longues périodes d'oisiveté dans les villages occupés par
eux. Certaines de pratiques des groupes armés à Shabunda
s'insèrent dans le tissu économique local et associent des
acteurs qui leur sont proches sans toutefois faire partie du groupe
armé. Ainsi, les combattants arrivent à tirer profit de leur
statut et de leurs armes pour protéger le petit commerce de leurs
proches, notamment dans les zones d'exploitation minière.
La protection du commerce, des fermes et des carrés
miniers d'opérateurs économiques proches des groupes maï -
maï à Shabunda est devenue une activité routinière
pour ces derniers qui assurent ainsi une forme de maintien de l'ordre à
leur propre bénéfice.
Section 3. Groupes armés à l'Est de la RD
Congo et stratégies de leur éradication par les pouvoirs
publics.
Dans cette section de notre travail, nous allons d'abord
présenter les groupes armés opérationnels à l'Est
de la RD Congo, ensuite, nous dégagerons les différentes
stratégies mises en place par les pouvoirs publics pour leur
éradication.
3.1. Les groupes armés à l'Est de la RD
Congo
Dans ce point, nous allons présenter les groupes
armés opérationnel dans la partie Est de la RD Congo selon qu'ils
sont congolais ou/et étrangers.
L'objectif du présent point est de donner un descriptif
de la situation des groupes armés actifs à l'Est du Congo, en
général, et de celle du Territoire de Shabunda en particulier. Il
a également comme ambition de fournir un essai d'analyse de
phénomène de ces groupes armés qui sèment
l'insécurité et empêchent le relèvement de la
situation sociale et économique du Territoire de Shabunda et par
ricochet de la Province du Sud-Kivu.
3.1.1. Les groupes armés
congolais
Au-delà de multiples groupes armés congolais
actifs à l'Est de la République Démocratique du Congo,
nous avons jugé opportun de sélectionner quelques-uns qui ont de
ramifications directes ou indirectes avec notre champ d'étude,
notamment : le Raïa Mutomboki, le Maï-Maï Padiri, le
Maï - Maï Yakutumba, les Patriotes Résistants du Congo -
Nyatura (PARECO-Nyatura).
3.1.1.1. Le Raïa Mutomboki
En termes de nombre de combattants, le Raïa Mutomboki
« citoyens en colère » en swahili, représentent
probablement l'un des groupes armés actif en RDC. Cependant, ce groupe
présent dans les trois provinces constituant l'ancien « Grand Kivu
» (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema) apparaît comme extrêmement
disparate et éclaté.
Au cours des dernières années, il a
réussi à rallier un grand nombre de Maï-Maï, mais a
aussi connu de nombreuses scissions. Les diverses factions, si elles semblent
avoir pour point commun la volonté d'éradiquer les FDLR, n'ont
pas de commandement central et privilégient parfois des alliés
considérés comme des ennemis par d'autres. Aussi, il serait sans
doute plus exact de parler d'un conglomérat de groupes armés.
Nés en 2005 au Sud de Shabunda dans la Province du
Sud-Kivu, les Raïa Mutomboki sont apparus, en réaction aux
exactions des FDLR. Ces dernières (FDLR) qui étaient
alliées aux Maï-Maï Padiri et soutenus par le gouvernement de
Kinshasa pendant l'occupation rwandaise, s'étaient senties
abandonnées après l'Accord global et inclusif de 2002,
prévoyant l'intégration des Maï-Maï dans une nouvelle
armée nationale, les FARDC, mais ne concernant pas les groupes
armés étrangers. Le départ de ceux-ci vers des centres
d'intégration a laissé un vide sécuritaire qu'ont vite
comblé les FDLR qui, dans d'autres territoires, étaient la cible
d'attaques des FARDC, soutenues par la MONUSCO. Ce sentiment de trahison a
alimenté une hargne se traduisant en massacres de civils dans plusieurs
localités du Sud-Kivu. Dans le Sud du Territoire de Shabunda, un
prêtre kimbanguiste, Jean Musumbu, a prêché
l'autodéfense dans les villages, nommant des chefs et mobilisant la
jeunesse Lega de la communauté locale. Dotés quasi-exclusivement
d'armes blanches, confortés par les « pouvoirs magiques » que
leur aurait fournis Musumbu, ces jeunes se sont constitués en milices et
ont réussi, en moins de deux ans, à chasser les FDLR, se frottant
de temps à autre aux FARDC ou à des groupes armés de
territoires voisins.
Très populaires dans cette région, bien que
passés pratiquement inaperçus ailleurs, les Raïa Mutomboki
sont entrés, à partir de 2007, dans une période de
latence. Cependant, plusieurs individus, non mandatés par Musumbu, se
sont approprié le label, que ce soit pour s'en prétendre les
représentants (par exemple lors de la conférence de Goma sur les
groupes armés de 2008) ou pour créer, avec peu de succès,
leur propre milice (Misaba Bwansolo, dit Mwami Alexandre, et Kyatend Dittman).
Le 23 mars 2009, les Raïa Mutomboki, ainsi que 21 autres groupes
armés dont le CNDP, ont signé l'accord par lequel ils ont
intégré dans les FARDC en vue de permettre à ces
dernières de concentrer leurs opérations contre les FDLR ;
ce qui a également déclenché de sanglantes
représailles contre les populations civiles dans les deux Kivus.
En outre, début 2011, toutes les unités des
FARDC ont quitté le Territoire de Shabunda pour y être fondues
dans des nouveaux régiments, intégrant notamment les ex-CNDP.
Profitant à nouveau de l'espace laissé vacant,
les FDLR ont refait leur apparition dans le territoire et commis diverses
exactions. Et à nouveau, Musumbu a mobilisé les siens pour y
résister. Mais, cette fois-ci, la mobilisation a trouvé un large
écho également dans le Nord du territoire, où les FDLR
avaient pris le contrôle de sites miniers.
3.1.1.2. Le Maï Maï
Padiri
Le Maï-Maï (littéralement
« eau-eau ») se sont imposés
progressivement comme un acteur incontournable de la poudrière du Kivu,
pour reprendre l'expression de Roland Pourtier(69(*)), au sein des conflits multidimensionnels que
connaît la République Démocratique du Congo. Par son
contrôle des zones rurales et par un discours rituel attirant, les
Maï-Maï réussissent à recruter des centaines de jeunes
et d'enfants-soldats : une jeunesse congolaise marginalisée par
défaut d'intégration économique et par un contexte
permanent d'insécurité. Mais qui sont ces Maï Maï et
d'où vient leur importance actuelle sur la scène
congolaise ?
L'expression Maï-Maï, fait
référence à des pratiques d'aspersion bénite ou
d'absorption d'eau et autres rituels magiques visant à rendre les
combattants invulnérables aux balles ennemies. Les rebelles Simbas de
Lumumba, dans les années 60, devaient ainsi crier
« Maï Maï » pour dévier les
projectiles adverses. Dans l'imaginaire de la région, l'eau est en effet
l'ultime rempart contre les fétiches et autres sortilèges
maléfiques.
Le Sud - Kivu et Nord - Kivu sont frappés de plein
fouet par l'arrivée de plus d'un million de réfugiés hutus
qui s'installent dans l'Est du Zaïre après le génocide de
1994, et par l'offensive rwandaise visant à éradiquer les camps
de réfugiés en 1996-1997 mettant fin au régime de Mobutu
par le soutien apporté à l'AFDL de Laurent-Désiré
Kabila. Le Kivu est donc pris au coeur des interventions extérieures et
de la régionalisation du conflit de ce qui redevient en 1997 la
République Démocratique du Congo.
Le terme Maï-Maï resurgit en tout
cas en 1993. Les Maï Maï opèrent exclusivement dans la partie
orientale de la République Démocratique du Congo, c'est à
dire la région qui a connu le plus de troubles depuis
l'indépendance jusqu'à aujourd'hui. Ils sont présents
essentiellement dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, mais depuis l'installation de
Laurent-Désiré Kabila au pouvoir en 1997, le Maniema a lui aussi
vu surgir des groupes Maï-Maï. Dans la Province Orientale et le
Haut-Katanga, ce phénomène reste épisodique.
L'émergence de Maï-Maï se fait sans aucun
programme véritablement défini. Une idéologie patriotique
anti-tutsie et anti-rwandaise est bien présente, mais l'apparition des
Maï-Maï relève plutôt de la résurrection d'une
forme de banditisme social qui ne saurait être éradiqué
seulement par la force militaire. Ce groupe armé Maï-Maï est
utilisé par certaines autorités locales voulant prendre leur
revanche sur d'autres groupes armés perçus comme les
« envahisseurs étrangers », ou bien contre
le gouvernement central, adversaire accablé de tous les maux. Il est
d'ailleurs significatif qu'au départ, les Maï-Maï recrutent
largement dans les campagnes et se méfient beaucoup du monde urbain. Les
Maï-Maï ont aussi tendance à se solidifier de plus en plus
autour de groupes ethniques, qui fournissent tout l'encadrement de chaque
bande, combattants, docteurs, et enfants-soldats « kadogo ».
Globalement, le phénomène Maï-Maï a
resurgi en RDC à la faveur des interventions étrangères
provoquées par les deux guerres de 1996-1997 et 1998-2003. Des
évolutions importantes pour ces groupes se sont d'ailleurs produites
pendant le dernier conflit, en particulier.
En 2005, la situation était relativement simple au
Nord-Kivu : tous les groupes Maï-Maï de cette région,
ainsi que ceux de la Province Orientale, reconnaissaient comme chef Padiri
Bulenda Kalendo, nommé général de brigade par Laurent
Désiré Kabila, et qui avait combattu avec succès
l'armée rwandaise et le RCD-Goma (une rébellion de la
deuxième guerre congolaise soutenue par les Rwandais) au Nord-Kivu,
entre 1998 et 2002.
Les Maï Maï ont attiré beaucoup de jeunes,
voire d'enfants-soldats, car l'intégration dans l'un de ces groupes
avaient pour avantage de combler par la violence, une absence de participation
politique tout en satisfaisant des mobiles purement matériels. L'AFDL de
Laurent-Désiré Kabila, qui a mis à genoux le régime
de Mobutu avec l'aide du Rwanda en 1996-1997, avait d'ailleurs beaucoup
recruté dans l'Est de la RDC pour les mêmes raisons. Le revirement AFDL-Maï-Maï se produit car
Kabila ne se soucie guère de récompenser ces jeunes qui ont
assuré, en partie, sa prise du pouvoir.
Si le groupe Maï-Maï s'est montré si
efficaces et résistants sur la longue durée, c'est parce qu'ils
ont bénéficié d'un soutien extérieur non
négligeable. Les ex-FAR (Forces
Armées Rwandaises) et miliciens Interahamwe, autrement dit les
Hutus responsables du génocide rwandais et réfugiés
ensuite en RDC après 1994, ont ainsi encadré et fourni des armes
aux groupes Maï-Maï de Padiri dans le Sud - Kivu en
général et à Shabunda en particulier.
Ce n'est qu'au début de 2002, lorsque le
Président Joseph Kabila se rapproche des Maï-Maï, que les
Hutus réorganisés alors dans les FDLR (Forces
Démocratiques de Libération du Rwanda) s'éloignent des
Maï-Maï, voire les affrontent militairement dans les deux Kivus. Le
gouvernement central congolais s'intéresse en fait au Maï-Maï
Padiri depuis 1998 avec l'émergence de la rébellion du RCD
(Rassemblement Congolais pour la Démocratie), appuyée en
sous-main par le Rwanda et l'Ouganda. Le gouvernement congolais voit dans le
Maï-Maï le moyen de contenir la rébellion dans l'Est et de
s'opposer aux desseins de Kigali en particulier. Des conseillers militaires de
l'armée régulière congolaise sont expédiés
dans le Sud-Kivu en passant par Shabunda et permettent au Maï-Maï de
mener une guérilla des plus efficaces contre les rebelles
parrainés par les rwandais.
L'armement des Maï-Maï a connu plusieurs sources.
D'abord par du troc auprès des populations locales et des
différents autres groupes armés présents dans l'Est de la
RDC comme les FDLR. Quand les temps sont devenus plus durs, lors de la
deuxième guerre du Congo, les Maï-Maï ont commencé
à pratiquer l'extorsion et d'autres activités criminelles pour
obtenir les moyens d'échange utilisés pour l'achat d'armement. Un
commerce fructueux s'était ainsi développé avec le Burundi
et des officiers peu regardants de son armée. Mais depuis 2002, c'est
Kinshasa qui arme les Maï-Maï, baptisés Forces
d'Autodéfense Populaires, une force formée par Laurent
Désiré Kabila et entretenue après sa mort par Joseph
Kabila.
Si on analyse les pratiques, le nom et le programme des
Maï-Maï, on peut déduire que ce groupe représente, en
quelque sorte, un rejet de toute société et d'un Etat
considéré comme défaillant ; une sorte d'enclave
à vocation « égalitariste » dans un
monde patrimonial, pour reprendre la formule de deux spécialistes de la
question.
Les pratiques rituelles des Maï-Maï structurent
aussi le comportement de ces communautés de combattants. Le rituel de
l'eau magique est, on l'a dit, souvent administré aux enfants,
initiés par des docteurs plus anciens. Placé au milieu d'une
hutte, un bac en plastique contient l'eau mélangée à des
herbes, des substances organiques, voire des parties du corps humain
(testicules écrasées et réduites en cendres, par exemple).
Le Maï-Maï est scarifié sur différentes parties du
corps. On lui remet une arme (souvent une machette ou autre arme blanche dans
les années 90, faute d'armes à feu en nombre suffisant) et au
combat il est toujours suivi d'un docteur qui l'asperge d'eau continuellement
en hurlant « Maï-Maï », cri
également poussé par les combattants.
L'invulnérabilité du Maï-Maï dépend de certains
interdits à respecter : rapports sexuels, vols, regard du sang,
toilette et utilisation du savon, consommation de feuilles de manioc et de
viande cuite avec peau et os, contact avec les civils sont prohibés. La
mort d'un Maï-Maï est souvent attribuée au non-respect d'une
des règles, d'ailleurs souvent peu respectées : les
Maï-Maï sont en effet connus pour leur pratique massive
d'enlèvement des femmes et les viols qui s'ensuivent
régulièrement.
La faillite de l'Etat congolais est donc bien à
l'origine de la montée en puissance des Maï-Maï depuis 1993.
Le Sud - Kivu en général et le Territoire de Shabunda en
particulier ne répond quasiment plus aux ordres de Kinshasa, et les
Maï-Maï servent les desseins de différentes factions
politiques, tout en entretenant des activités quasi mafieuses des plus
lucratives, à l'image de ce qu'avaient réalisé le Rwanda
et l'Ouganda dans l'Est de la RDC pendant la deuxième guerre du Congo.
3.1.1.3. Le Maï-Maï Yakutumba
Le Maï-Maï du Général Yakutumba s4EST
imposé comme le principal groupe armé dans le sud du Sud-Kivu,
autrement dit le Territoire de Fizi. Depuis l'indépendance, ce
territoire bordant le lac Tanganyika, à quelques encablures de la
Tanzanie, n'a jamais pu être réellement contrôlé par
les autorités centrales. C'est là que se développa en 1964
la rébellion des Simba et que Laurent-Désiré Kabila
reçut, l'année suivante, Che Guevara. De même, pendant
l'occupation rwandaise, Kigali et ses supplétifs du RCD-Goma ne
réussirent à assurer leur mainmise que sur quelques centres
urbains, sans jamais l'étendre sur la plus grande partie du territoire.
Un groupe Maï-Maï, dirigé par un ancien combattant Simba,
Dunia Lwendama, s'y est développé, même au-delà du
Territoire de Fizi. Par ailleurs, cette occupation a fortement
dégradé les relations, déjà tendues, entre les
Bembe, l'ethnie majoritaire vivant essentiellement de l'agriculture, et les
Banyamulenge, des éleveurs d'expression rwandaise et assimilés
aux Tutsi, vivant sur les hauts plateaux surplombant le littoral fizien.
Après le départ des troupes rwandaises, une
partie des Maï-Maï a été démobilisée ou a
été intégrée dans les FARDC, tel fut le cas de
Dunia, nommé Général. Cependant, certains autres, dont le
capitaine William Amuri Yakutumba, un adjoint de Dunia nommé commandant
de la brigade basée à Baraka, la principale localité
côtière du territoire de Fizi, a refusé d'envoyer ses
hommes au centre de « brassage », arguant que les milices
banyamulenge (qui allaient devenir les Forces républicaines
fédéralistes, FRF, aujourd'hui dissoutes) étaient
également réticentes à ce processus.
En janvier 2007, après avoir rencontré
Raphaël Looba Undji, un politicien bembe et futur idéologue de son
mouvement, Yakutumba quittait les FARDC, créait les Maï-Maï
réformés et s'autoproclamait « Général ».
Invité par le Président Joseph Kabila, il arriva à
Kinshasa en septembre 2007 en compagnie de Looba Undji, mais dût
patienter six mois avant de se voir accorder une audience d'à peine 30
minutes. Il eut cependant largement le temps d'établir des contacts avec
des politiciens bembe vivant dans la capitale et de réfléchir
à une stratégie, passant notamment par l'établissement
d'une branche politique, le Parti pour l'action et la reconstruction du Congo
(PARC).
En 2009, le déploiement de troupes rwandaises au Kivu
pour traquer les FDLR, alliées de longue date de Yakutumba, ainsi que,
surtout, l'arrivée dans le territoire de nouvelles troupes des FARDC
commandées par des officiers provenant du CNDP et du PARECO,
c'est-à-dire de groupes armés respectivement tutsi et hutu, mit
encore plus d'huile sur le feu. Pour Yakutumba, il s'agissait d'une preuve
supplémentaire que le Président Kabila, non content d'accorder la
nationalité congolaise aux Banyamulenge, travaillait à
l'établissement d'un « empire hima », à la
dévotion de Kigali. D'autre part, alors que ses Maï-Maï
développaient de plus en plus d'activités lucratives et souvent
criminelles (réseau de soutien à Kinshasa et à
l'étranger, racket, trafic d'or, piraterie), Yakutumba renforçait
son alliance avec les FNL burundaises, dont certains membres rejoignaient son
propre groupe. A la fin 2010, il nommait la branche armée de son
mouvement « Forces armées alléluia » (FAAL). En 2011,
année électorale, Yakutumba a été
intensément courtisé par plusieurs hommes politiques bembe, dont
un autre point commun était une virulente rhétorique hostile aux
Banyamulenge.
Après les élections et l'intégration des
Fronts Répûblicain Fédéraliste (FRF) dans les FARDC,
Yakutumba fut soumis à des pressions accrues pour qu'il en fasse de
même avec ses combattants. Ces efforts semblent avoir été
abandonnés après l'insurrection du M23, les Forces Armées
Alléluia (FAAL) profitant en outre des désertions au sein des
FARDC pour s'emparer de nouvelles positions. Des négociations en vue
d'une alliance se seraient tenues avec le M23, qui aurait
transféré des armes aux FAAL.
A la fin 2012, le départ des Forces Nationalistes de
Libération(FNL) vers des zones plus proches du Burundi et la reprise des
attaques des FARDC semble avoir affaibli le groupe, qui reprenait des
négociations en vue de son intégration dans les FARDC.
Malgré l'envoi d'environ 250 hommes, environ la moitié des
effectifs estimés, bien que Yakutumba prétend en avoir plus de
10 000, dans un camp d'intégration près de Baraka, le
processus échouait à nouveau et, à partir de juillet 2013,
des combats avec les FARDC étaient signalés en divers lieux du
territoire.
Signalons enfin que les FAAL sont présentes dans
d'autres territoires, notamment celui de Kalemie (Tanganyika) et dans ceux de
Shabunda et d'Uvira (Sud-Kivu). Dans ces deux derniers, des alliances ont
été forgées avec des groupes armés locaux.
3.1.1.4. Patriotes Resistants du
Congo-Nyatura/Pareco-Nyatura
Apparue en 2010, la milice des Nyatura est composée des
Hutus, dont des anciens membres du groupe des Patriotes résistants
congolais (PARECO), intégrés en 2009 dans les FARDC avant d'en
déserter rapidement. Dirigée par un « Colonel Kasongo
», elle est présente dans les territoires de Kalehe (Sud-Kivu) et
dans celui de Masisi (Nord-Kivu), bien qu'elle ait conduit des
opérations également plus au Nord, à proximité de
Rutshuru et de Kiwanja. Sa motivation première aurait été
de protéger les agriculteurs hutus face à l'expansionnisme des
éleveurs tutsis. Mais elle semble s'être développée
surtout en 2011, en réaction aux attaques anti-hutues des Raïa
Mutomboki. Cela l'a également conduit à s'allier à
d'autres groupes hutus, comme le Mouvement populaire d'autodéfense
(MPA), ainsi qu'aux FDLR et à accueillir des transfuges de ce dernier
groupe. En outre, elle ne dispose apparemment pas de commandement central et
ses effectifs sont mal connus, mais ils ne dépasseraient pas un millier
de combattants.
Depuis 2011, les Nyatura se sont affrontés à
plusieurs autres groupes, dont les Forces de défense du Congo (FDC,
branche Hunde-Nyanga des Raïa Mutomboki), les Maï-Maï Shetani
(Nande), et l'APCLS (Hunde) faisant craindre, particulièrement au
Nord-Kivu, le développement d'une guerre interethnique. Des massacres
des civils Nande, Tembo et Hunde par des miliciens Nyatura ont
été constatés. Dans le territoire de Kalehe, une alliance
éphémère a uni ces derniers au groupe de Kirikicho, un
chef maï-maï tembo.
L'apparition du M23 a fortement influencé les Nyatura.
Le redéploiement de troupes des FARDC pour combattre le M23 a permis aux
Nyatura d'accroître la zone sous leur contrôle, parfois de
connivence avec d'autres groupes armés, avant que les nouveaux
maîtres des lieux en décousent entre eux. En outre, apparemment en
coalition avec les FDLR, les Nyatura sont partis affronter le M23 dans les
territoires de Rutshuru et de Nyiragongo, menant notamment un raid sur la
cité de Rutshuru en avril 2013. En juillet, près de Goma, ils ont
également tiré sur une patrouille de la MONUSCO qui tentait de
protéger des civils fuyant les combats qui les opposaient au M23.
Comme avec de nombreux autres groupes armés du Kivu,
les paradoxes sont nombreux avec les Nyatura. A l'instar des Raïa
Mutomboki, les Nyatura sont un groupe extrêmement fragmenté.
Ainsi, dans une seule localité du territoire de Masisi, Bashali,
située près de la cité de Kitshanga dans le territoire de
Masisi, cinq groupes armés, dont trois se revendiquant des Nyatura, y
auraient été créés en l'espace d'une année,
certains ne comptant que quelques individus.
3.1.1.5. LE MOUVEMENT DU 23 MARS/M23
L'accord d'intégration signé le 23 mars 2009
s'effondra début 2012 en raison d'un différend entre Kinshasa et
le leadership de l'ex-CNDP, entraînant une énième phase de
mobilisation. Alors que les FARDC tentaient depuis 2009 de redéployer le
leadership de l'ex-CNDP à l'écart des régions des Kivus,
le fiasco électoral 2011 poussa le Président Joseph Kabila
à intensifier ces efforts. En partie du fait des pressions
internationales, il essaya aussi d'arrêter le général Bosco
Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale. Cependant,
anticipant la situation, certaines parties de l'ex-CNDP se mutinèrent en
avril 2012. Cette dissidence se transforma en une nouvelle rébellion,
qui prit le nom de M23, conduisant à une fracture au sein du
réseau de l'ex-CNDP. Environ la moitié des officiers de l'ex-CNDP
ne rejoignirent pas le M23, résistant ainsi aux pressions des
autorités rwandaises qui étaient de plus en plus
impliquées dans la gestion de la rébellion70(*).
La crise du M23 se fit sentir dans toute la région,
déclenchant la formation ou la consolidation de plusieurs groupes
antagonistes dans sa zone de déploiement de Rutshuru, notamment les
FDLR-Soki, le Maï-Maï Shetani, le Mouvement populaire
d'autodéfense (MPA) et les Forces pour la défense des
intérêts du peuple congolais (FDIPC). Cette mobilisation
croissante était également le résultat des efforts
entrepris par le M23 et ses alliés au Rwanda pour former des alliances
ou créer des nouveaux groupes dans tout l'Est de la RDC, tels que
l'Alliance pour la libération de l'Est du Congo (ALEC) à Uvira et
la Force oecuménique pour la libération du Congo (FOLC)
dirigée par le déserteur des FARDC Hilaire Kombi dans la
région de Beni, dans la partie nord du Nord-Kivu. Le M23 tenta
également d'organiser des coalitions de groupes armés en Ituri,
efforts qui pour la plupart furent vains.
Outre les déserteurs de l'armée comme Kombi, des
politiciens marginalisés jouèrent un rôle crucial dans ces
efforts de mobilisation. Dans le nord du Nord-Kivu, Antipas Mbusa Nyamwisi,
député et ancien ministre des Affaires étrangères,
organisa un soutien politique significatif en faveur du groupe de Kombi et lui
donna des armes71(*).
Au Sud-Kivu, le candidat parlementaire malheureux Gustave
Bagayamukwe fut l'initiateur d'un nouveau satellite du M23 appelé
l'Union des forces révolutionnaires du Congo (UFRC) fin 201272(*).
Cependant, la plupart de ces groupes étaient de faible envergure et le
M23 ne parvint pas à déstabiliser la région au sens
large.
3.1.2. Groupes armés
étrangers
Les Forces Démocratiques de Libération du
Rwanda, FDLR et les Allied Democratic Forces - National Army of Liberation of
Uganda, ADF-NALU (Forces démocratiques alliées - l'Armée
Nationale pour la Libération de l'Ouganda) sont les deux grands groupes
armés étrangers que nous retrouvons à l'Est de la RD
Congo.
3.1.2.1. Les Forces Démocratiques pour la
Libération du Rwanda, FDLR
Les Forces Démocratiques pour la Libération du
Rwanda (FDLR; Urugaga Ruharanira Demokarasi No Kubohoza U Rwanda en
kinyarwanda) regroupent essentiellement des Hutu et des soldats des anciennes
Forces Armées Rwandaises de Juvénal Habyarimana et des anciennes
milices Interahamwe. Elles sont basées dans l'Est de la
République démocratique du Congo. Ce groupe a pris cette
dénomination en 2000, après s'être appelé
Armée de Libération du Rwanda (ALiR).
Ces forces ont pris forme dans les camps de
réfugiés du Zaïre (actuelle RD Congo) en 1994,
organisés par l'opération Turquoise de la France au Rwanda du 22
juin au 21 août 1994. Médecin Sans Frontières avait
quitté ces camps en novembre 1994 en dénonçant les
reconstitutions des forces dans les camps. Le gouvernement de Kigali demande le
démantèlement de ces forces depuis 1994. En 1996 lors de la
première guerre du Congo, l'armée du régime actuel du
Rwanda a poursuivi ces forces à travers les forêts du Congo et
massacré plusieurs milliers de leurs membres et des populations
réfugiées prises en otage par ces forces génocidaires.
Ces rebelles ont contribué à la
déstabilisation de l'Est de la République Démocratique du
Congo. La Commission d'enquête citoyenne française et la
journaliste Colette Braekmann, du journal belge Le Soir, ont eu des
informations selon lesquelles la France avait contribué à leur
armement(73(*)).
Les FDLR ont annoncé officiellement début avril
2005 qu'elles acceptaient de renoncer aux armes et de rentrer au Rwanda.
D'autres membres de FDLR sont déjà rentrés au Rwanda
depuis plusieurs années. Mais attention, les rebelles hutus
présents en RDC ne sont pas tous d'ex-génocidaires. À
l'inverse, tous les exilés rwandais qui ont pris part au génocide
ne sont pas établis dans l'Est de la RDC. Ceux qui, en revanche, se
trouvent bel et bien sur le théâtre des opérations
militaires sont alliés aux rebelles hutus des Forces
Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) qui, eux, ne peuvent
être systématiquement assimilés aux artisans du
génocide.
Les FDLR sont loin d'être homogènes. Elles
comprennent essentiellement:
1. Des membres des ex-FAR et des milices interahamwes qui ont
participé au génocide de 1994 ;
2. Des ex-FAR qui n'ont pas participé aux massacres
;
3. Des recrues « post-génocide »
passées par les camps de réfugiés en Tanzanie et au
Zaïre, entre 1994 - 1996, et qui constituent aujourd'hui le gros des
troupes.
Bâties sur les restes de l'armée gouvernementale
de l'ancien régime rwandais, les Forces Armées Rwandaises (FAR),
et des milices Interahamwe exilées au Congo après le
génocide de 1994, les Forces Démocratiques pour la
Libération du Rwanda (FDLR) ont été fondées en 2000
dans l'Est du Congo. Leurs objectifs principaux sont la protection des
réfugiés hutus rwandais disséminés dans cette
partie du pays et la lutte contre le gouvernement en place à Kigali.
Le sigle FDLR fait en réalité
référence à la branche politique, implantée en
Occident (en Allemagne surtout), tandis que le nom officiel de la branche
armée est « Forces Combattantes Abacunguzi (FOCA) ».
Cependant, parmi la population et les médias, l'appellation FDLR est de
loin la plus courante. Par ailleurs, il faut noter qu'une proportion croissante
de combattants est de nationalité congolaise, notamment des Hutus,
représentant près de la moitié des effectifs totaux de
combattants, estimés actuellement à environ 1 500,
répartis dans les deux Kivu.
En outre, à partir de 2005 dans le Territoire de
Shabunda, et depuis 2011 dans plusieurs autres territoires du Sud-Kivu, les
Raïa Mutomboki se sont soulevés contre les FDLR et leur
cortège de violations des droits des populations locales, s'en prenant
violemment à leurs suspectés sympathisants ; ce qui a permis
d'éradiquer le groupe de pratiquement tout le Nord de la province. De
plus, fin 2011 et début 2012, des tueurs à gages, apparemment
commandités par Kigali, ont éliminé plusieurs chefs
militaires de la milice, contribuant à l'affaiblissement de son
commandement, encore accru par l'arrestation en Tanzanie et l'extradition au
Rwanda d'un de ses principaux leaders au début de l'année
2013(74(*)). Enfin, des divisions internes entre «
modérés » et « radicaux » et
l'éparpillement des cellules encore actives relativisent encore
davantage l'ampleur de la menace représentée par les FDLR.
Actuellement, les FDLR subsistent encore dans une partie du
Nord-Kivu, où ils seraient un bon millier de combattants dirigés
par le Colonel Pacifique Ntawhunguka alias Omega, et dispersés dans le
Nord du Territoire de Walikale, dans le Sud de celui de Lubero et dans ceux de
Rutshuru et Masisi. A l'instar du Territoire de Shabunda, on les trouve
également dans d'autres Territoires du Sud-Kivu, soit quelques centaines
de combattants commandés par le Lieutenant-colonel Hamada Habimana et
disséminés dans les Territoires de Mwenga, Uvira et Fizi.
Leurs ressources proviendraient principalement de financements
de la diaspora hutue rwandaise, de l'extorsion de biens sur les routes, des
sites miniers et des marchés, et de la culture et la vente de cannabis.
Peu de groupes armés s'aventurent encore à s'allier ouvertement
aux FDLR. Au Sud-Kivu, elles collaborent avec les Hutus burundais des Forces
Nationales de Libération (FNL) pour affronter les FARDC soutenues par
divers groupes armés locaux.
La population congolaise subit encore journellement les
exactions de ces combattants déracinés et sans perspective de
réintégration dans la vie civile, sinon après passage par
les « fourches caudines » de Kigali. D'autre part, les diverses
rébellions, comme celle du Rassemblement Congolais pour la
Démocratie - Goma (RCD/Goma), soutenues par le Rwanda, et le
gouvernement lui-même, ont souvent justifié leur action par le
risque de « génocide » que ferait courir à la
population tutsi la simple existence des FDLR. L'élimination de cette
milice apparaît donc incontournable pour mettre fin à
l'ingérence du Rwanda en RDC, elle-même en grande partie à
la base de l'instabilité qui gangrène tout l'Est du pays.
3.1.2.2. Allied Democratic Forces-National
Army Of Liberation Of Uganda/ADF-NALU
A l'origine, deux groupes armés ougandais
étaient en lutte contre le pouvoir incarné par le
Président Yoweri Museveni, les Forces démocratiques
alliées (Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée
nationale pour la libération de l'Ouganda (National Army of the
Liberationof Uganda/NALU) se sont unies en 1995, à l'instigation
des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux d'affaiblir un
adversaire commun. Les ADF/NALU sont composées des groupes suivants,
Allied Democratic Movement/ADM, Uganda Muslim Liberation Army/UMLA, et par
National Army of Liberation of Uganda/NALU. Installées dans le massif de
Ruwenzori, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda, elles n'ont
jamais réussi à s'implanter dans leur pays d'origine,
malgré plusieurs attaques contre des localités
frontalières et des attentats à Kampala. Cependant, aucune action
d'envergure en sol ougandais ne semble y avoir été
enregistrée depuis 2001, bien que les ADF-NALU y recrutent encore
régulièrement des combattants, ce qu'elles font également
dans d'autres pays d'Afrique orientale.
C'est donc en territoire congolais, en particulier dans le
Nord-est du territoire de Beni (Nord-Kivu), autour des localités
d'Eringeti et Oïcha et dans la zone entre cet axe et la frontière
ougandaise, que les ADF-NALU concentrent leurs activités. L'occupation
ougandaise de la région ne semble guère avoir gêné
le développement du groupe. C'est surtout après le retrait des
forces ougandaises et le déploiement des FARDC, soutenues par la MONUC,
que les ADF-NALU ont essuyé des revers militaires, en particulier entre
2005 et 2007. Suite à ceux-ci et à des négociations, tant
avec la MONUC qu'avec le gouvernement ougandais, la branche NALU du groupe a
accepté de se dissoudre et de participer à un programme de DDRRR,
tandis que Kampala reconnaissait, en 2008, un « Royaume de Rwenzururu
» à l'intérieur de ses frontières, la principale
revendication à la base de la création de la NALU.
Quant aux ADF, qui semblent avoir été
créées en réaction à la répression des
musulmans ougandais entreprise par Museveni après sa prise de pouvoir,
elles ne paraissent pas avoir le profil-type d'une organisation terroriste
à idéologie islamiste radicale que leur attribue le gouvernement
de Kampala. Même si, depuis la disparition de la tendance NALU, tous les
combattants des ADF doivent être d'origine musulmane ou se convertir
à l'islam, elles n'ont jamais exprimé les objectifs politiques
« classiques » des mouvements islamistes (instauration de la charia,
d'un califat, etc.).
Quoi qu'il en soit, les ADF encore fréquemment
désignées sous leur ancien sigle ADF-NALU, semblent avoir
forgé une alliance durable avec le groupe Al-Shebab « la jeunesse
» en arabe, issu des tribunaux islamiques de Somalie et auteur d'attentats
sanglants, notamment à Kampala (74 morts en juillet 2010) et à
Nairobi (au moins 62 morts en septembre 2013 et plus de 300 en 2014). Des
combattants des ADF auraient renforcé Al-Shebab en Somalie, ou se
seraient entraînés dans ce pays, et réciproquement des
combattants d'Al-Shabab seraient présents en RDC(75(*)).
Toujours est-il que cette situation met particulièrement mal à
l'aise la petite communauté musulmane du territoire de Beni,
soupçonnée d'être complaisante envers les ADF et se
plaignant de tensions accrues avec la communauté chrétienne.
Contrairement à de nombreux groupes congolais, les ADF
disposent d'un commandement centralisé. Leur chef, Jamil Mukulu, est
à la tête du mouvement depuis 2007, tandis que les
opérations militaires sont dirigées par Hood Lukwago. Le taux de
désertion serait particulièrement faible, de même que le
nombre de candidats à un processus DDRRR. Elles disposent d'une grande
variété d'armes antiaériennes, ainsi que d'un important
réseau de soutien et de financement, implanté notamment en
Ouganda, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et au Royaume-Uni. En outre, elles
tirent des revenus en « taxant » les exploitants de mines d'or, la
production de bois et les motos-taxis dans leur zone d'activité.
Selon des estimations minimales, leurs effectifs seraient
compris entre 800 et 1 200 combattants, dont de nombreux Congolais
d'ethnie Nande76(*), mais
pourraient avoir crû récemment en raison d'une campagne de
recrutement entamée vers la fin 2012. En tout cas, une recrudescence des
activités du groupe a été constatée à partir
de juillet 2013 ; outre des combats avec les FARDC et même avec la
MONUSCO, des civils ont été victimes de meurtres,
d'enlèvements et de pillages, qui ont entraîné la fuite de
plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont une partie s'est
réfugiée du côté ougandais de la
frontière.
3.2. Stratégies
d'éradication des groupes armés à Shabunda par les
Pouvoirs publics
La politique de lutte contre la prolifération des
groupes armés menée par l'Organisation des Nations unies (ONU) et
le gouvernement de la RDC peut se résumer en quatre grands
axes :
1. Désarmement, démobilisation et
réinsertion sociale des enfants soldats ;
2. Désarmement, démobilisation, rapatriement,
réinstallation et réintégration des combattants
étrangers (DDRRR) ;
3. Désarmement, démobilisation et
réintégration des ex-combattants congolais (DDR) ;
4. Les opérations militaires des FARDC.
3.2.1. Désarmement,
démobilisation et réinsertion sociale des enfants-soldats
Les Nations unies ont, via l'UNICEF, soutenu dès 1999
les programmes de désarmement, démobilisation et
réinsertion sociale d'enfants-soldats. Dans un premier temps, ces
programmes de désarmement ont ciblé des enfants ayant appartenu
aux Forces Armées Congolaises (FAC). Par la suite, l'UNICEF s'est
attaché à assurer la réinsertion sociale et
économique de milliers d'enfants ayant appartenu aux groupes
armés qui n'avaient pas participé au programme officiel de DDR.
Le bilan de ce programme est mitigé, dans la mesure
où la participation de combattants armés à ce processus
d'intégration militaire ou de désarmement, démobilisation
et réintégration (DDR) n'a eu qu'un succès limité.
Ceux d'entre eux qui se sont réintégrés dans la
société locale se sont souvent retrouvés
marginalisés et avec peu d'opportunités économiques qui
les ont poussés à rejoindre de nouveau la brousse et reprendre
avec la vie armée.
3.2.2. Désarmement,
démobilisation, rapatriement, réinstallation et
réintégration des combattants étrangers (Ddrrr)
Dès février 2000, la résolution 1291 du
Conseil de sécurité donne pour mandat à la MONUSCO, alors
MONUC, d'élaborer un plan d'action systématique pour le DDRRR des
groupes armés présents dans l'Est du Congo(77(*)). Dans un premier temps,
l'avis du Secrétariat général et du Conseil de
sécurité est qu'il faut comme préalable « que les
groupes armés eux-mêmes acceptent d'être
désarmés et démobilisés »(78(*)). En décembre 2000, le
Conseil de sécurité « engage » ainsi « les
parties, à coopérer pour faire avancer le désarmement, la
démobilisation, la réinsertion et le rapatriement et la
réinstallation » des groupes armés
étrangers(79(*)).
Le programme DDRRR est pris en charge par la MONUC en
collaboration avec les programmes de réintégration des pays
d'origine des combattants étrangers. Conformément à
l'Accord de Lusaka, il vise les FDLR du Rwanda, les FNL (Forces Nationales de
Libération) du Burundi et les ADF/NALU (Forces Démocratiques
Alliées / Armée Nationale pour la Libération de
l'Ouganda).
L'accent est mis sur les combattants hutu rwandais et leurs
dépendants (en majorité des FDLR) en raison d'une part de leur
importance numérique, et d'autre part de leur impact négatif sur
la sécurité de la population et sur la stabilité
régionale.
Notons qu'à l'exception notable de la Lord Resistance
Army (LRA), la plupart des groupes armés burundais et ougandais ont
volontairement quitté le territoire de la RDC après avoir conclu
des accords de paix avec leurs gouvernements respectifs(80(*)). Cette politique n'a
cependant qu'un succès très relatif.
Au fil de la lecture des rapports du Secrétaire
général sur la MONUC, il apparaît que seul un petit nombre
de combattants étrangers et membres de leurs familles ont
progressivement intégré les programmes DDRRR mis en place par la
MONUC - avec l'aide de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), du
Haut-Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (UNHCR), du
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et du Programme
Alimentaire Mondial (PAM) - et consenti à rentrer dans leur pays.
Aussi, en dépit de ses faibles succès, le DDRRR
n'a guère permis de juguler le flot des armes légères dans
l'Est du Congo. Considérant que le désarmement, la
démobilisation et la cessation de tout soutien aux ex-Forces
armées rwandaises et aux forces Interahamwe faciliteraient le
règlement du conflit en RDC, le Conseil de sécurité est
néanmoins régulièrement revenu à la charge. Tandis
que le Gouvernement d'unité nationale et de transition se met en place,
le Conseil de sécurité se fait de plus en plus pressant.
En mars 2005, après que huit casques bleus
guatémaltèques aient été tués par des
combattants de la LRA dans le Nord-Est du Congo, le Conseil de
sécurité demande au gouvernement congolais «
d'établir avec la MONUC un concept conjoint d'opérations en vue
du désarmement des combattants étrangers ». Le Conseil
« insiste sur le fait que la MONUC est autorisée à utiliser
tous les moyens nécessaires », et ce, y compris le recours aux
« tactiques d'encerclement et de recherche pour prévenir des
attaques contre les civils et perturber les capacités militaires des
groupes armés illégaux qui continuent de faire usage de la
violence dans ces régions »(81(*)).
Ainsi, tandis que la MONUC affine sa stratégie en
matière de DDRRR, la position minimaliste et attentiste de départ
cède progressivement le pas à une politique plus proactive, plus
offensive, ayant pour objet la traque et le désarmement forcé des
combattants étrangers et qui amènera in fine les forces
de la MONUC à soutenir les vastes opérations menées par
les Forces Armées de la République Démocratique du Congo
(FARDC) contre les groupes armés étrangers dans l'Est de la RDC.
Tant et si bien que depuis le début de l'année
2009, les pressions diplomatiques et militaires (opérations « Umoja
wetu », « Kimia II » et plus récemment « Amani leo
») exercées sur les groupes armés étrangers ont
contribué à l'augmentation spectaculaire du nombre de candidats
au désarmement volontaire et au rapatriement. Selon le
représentant spécial du Secrétaire général
des Nations unies, Alan Doss, l'action de la cellule DDRRR de la MONUC a en
effet permis, le rapatriement volontaire de plus de 1.500 ex-combattants FDLR
et de plus de 2.000 de leurs dépendants en 2009.
Par ailleurs, au cours de la même période,
près de 15.000 civils rwandais ont été rapatriés
par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés
(UNHCR), portant le total à 18.500 le nombre de Rwandais rentrés
dans leur pays en 2009(82(*)).
3.2.3. Désarmement,
démobilisation et réintégration des ex-combattants
congolais (Ddr)
Les accords de cessez-le-feu de Lusaka de juillet 1999 ont
été les premiers à mettre en place un cadre pour un
processus DDR en RDC. Ils stipulaient que les armées
étrangères devaient retourner dans leur pays d'origine et que la
future force de maintien de la paix des Nations unies aura pour mandat de
« traquer et désarmer les groupes armés » et «
élaborer toutes les mesures (persuasives ou coercitives) jugées
appropriées pour atteindre les objectifs de désarmement, de
rassemblement, de rapatriement et de réintégration dans la
société des membres des groupes armés »83(*), et ce, y compris les
éléments des ex-Forces Armées Rwandaises et des milices
interahamwe.
Il a cependant fallu attendre l'Accord global et inclusif du
17 décembre 2002 dans le cadre du Dialogue inter-congolais pour avoir un
cadre consensuel pour les actions de DDR axées sur les forces
armées et les combattants congolais.
L'Accord global et inclusif a confié au Conseil
supérieur de la Défense une mission de concertation sur le
désarmement des groupes armés et la formation d'une nouvelle
armée nationale restructurée et intégrée. Ainsi, le
décret présidentiel n°03/027 du 16 septembre 2003 a
désigné les ministères de la Défense nationale, des
Affaires sociales et de la Solidarité et des Affaires humanitaires pour
jouer le rôle de points focaux pour le DDR. Ensuite,
l'arrêté du ministre de la Défense nationale
n°027/2003 du 18 octobre 2003 a institué le Comité Technique
de Planification et de Coordination du DDR (CTPC/DDR), un mécanisme de
concertation avec les partenaires internationaux en matière de DDR et
d'animation de la phase intérimaire.
Sa mission a été notamment la préparation
d'un programme national et de la gestion des urgences du DDR. Le 18
décembre 2003, le Président de la République a
promulgué trois autres décrets (03/041, 03/042, 03/043)
instituant les structures de gestion du programme national de DDR : le
Comité interministériel chargé de la conception et de
l'orientation en matière de DDR (CI-DDR) ; la Commission nationale du
DDR (CONADER) ; le Comité de gestion des fonds de DDR (CGDDR)
chargé de la gestion financière et de la passation des
marchés.
Ce CGDDR ayant connu de nombreux dysfonctionnements, il a
été dissout en avril 2005 et a vu ses missions être
confiées à la CONADER. Celle-ci était chargée de
mettre en oeuvre le Programme national de DDR (PNDDR) alors que la structure
militaire d'intégration, créée par le décret
présidentiel n° 04/026 du 26 janvier 2004, devait s'occuper du
brassage et de la formation d'une nouvelle armée nationale.
Les deux structures n'ont été effectivement
opérationnelles qu'à partir de la deuxième moitié
de 2004. La complexité du DDR congolais, liée notamment à
la persistance de divers conflits après la signature de l'Accord de paix
global, la multiplication des intervenants, les faiblesses du gouvernement et
la diversité des forces et groupes armés concernés,
explique les lenteurs de la mise en place du Programme national de DDR.
3.2.4. Les opérations militaires
lancées par les FARDC contre les groupes armés
Les politiques adoptées jusqu'à présent
pour venir à bout des groupes armés n'ont pas réussi
à empêcher leur prolifération. Elles ont même
été contre-productives. Précédemment, l'un des
principaux moyens de convaincre les groupes armés congolais de
déposer les armes avait consisté à négocier leur
intégration dans les Forces Armées de la République
Démocratique du Congo.
Dans ce cadre, des représentants du gouvernement,
souvent des officiers FARDC et des politiciens, ouvraient des
négociations secrètes avec les dirigeants des groupes
armés concernant les modalités de leur intégration. Ces
modalités concernaient, dans la plupart des cas, l'obtention de grades
et de postes au sein des FARDC (84(*)), un versement en espèces et d'autres formes
de paiement informel et, dans certains cas, une garantie de ne pas
redéployer les troupes dans des zones éloignées de leur
ancien fief.
Aux groupes armés qui avaient un agenda politique, on
promettait parfois de répondre à leurs revendications politiques,
même si celles-ci n'apparaissaient pas forcément dans les accords
écrits. Il était d'ailleurs rare que leurs revendications soient
écoutées, les différentes parties s'accusant mutuellement
d'avoir bafoué les modalités de l'accord.
Le fait de promettre des grades et des postes
élevés aux chefs des groupes armés et de leur
conférer une impunité pour leurs crimes passés, a
incité d'autres à prendre les armes. En outre, il est
arrivé que des officiers intégrés désertent de
nouveau s'ils jugeaient que les traitements qu'ils avaient perçus
étaient décevants, s'ils craignaient d'être
persécutés ou si l'on cherchait finalement à les
redéployer loin de leur ancien fief.
Dans d'autres cas, seuls les principaux chefs des groupes
armés ont été intégrés dans l'armée,
les troupes continuant d'opérer sous les ordres de différents
commandants. Ainsi, la politique axée sur des négociations et une
intégration dans l'armée n'a que rarement réussi à
éliminer définitivement les groupes armés(85(*)). Elle a plutôt
instauré un cercle vicieux, en cela que les dividendes de la paix
attendue ont mis en place des structures d'incitation en faveur d'une
mobilisation armée.
Outre l'intégration militaire, l'autre stratégie
destinée à venir à bout des groupes armés - de plus
en plus répandue depuis 2009, a consisté à lancer des
opérations militaires. Bien que ces opérations aient dans
certains cas affaibli les différents groupes, elles n'ont guère
permis d'endiguer la mobilisation armée générale, comme
l'illustrent trois opérations militaires menées successivement de
2009 à 2012 : Umoja Wetu (« Notre unité »),
Kimia (« Silence ») II et Amani Leo (« La paix
aujourd'hui »). Ces opérations ont permis de déloger et de
disperser certains des plus gros mouvements rebelles qui jouaient un rôle
dominant au sein de leurs fiefs, notamment les Forces Démocratiques de
Libération du Rwanda (FDLR). D'autres groupes ont complètement
disparu suite à l'intégration de l'armée dont le
Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) et la Coalition
des Patriotes Résistants Congolais (PARECO).
Les zones précédemment contrôlées
par ces groupes ont fait l'objet d'une profonde fragmentation. Les FARDC n'ont
pas réussi à occuper et sécuriser ces zones, laissant la
population en proie à des attaques de représailles et des actes
de pillage. Ce phénomène a d'une part conduit à
l'apparition d'un espace permettant à d'autres groupes armés de
circuler et, d'autre part, il a été perçu comme justifiant
une nouvelle mobilisation à des fins d'« auto-défense
», en particulier dans les zones sujettes à une forte dynamique des
conflits locaux.
Malgré le peu de réussite qu'ont connu les
opérations militaires dans la lutte contre la mobilisation armée,
le gouvernement a continué d'y recourir avec vigueur. Le gouvernement de
Kinshasa, face à l'échec de plusieurs processus de
négociation et d'intégration menés en 2012 et 2013, a
décidé de mettre un terme à l'intégration globale
des groupes armés au sein des FARDC.
Les combattants rebelles peuvent encore aujourd'hui être
intégrés dans l'armée, mais à titre individuel et
seulement après avoir suivi une formation dans les bases militaires de
Kamina ou de Kitona. Ceux qui souhaitent regagner la vie civile peuvent, en
théorie, passer par un nouveau programme de désarmement,
démobilisation et réintégration (DDR) annoncé en
décembre 2013.
Entre-temps, les opérations Sokola («
Nettoyer ») I et II, lancées en 2014 et 2015 contre les mouvements
rebelles étrangers des FDLR et des Allied Democratic Forces
(Forces démocratiques alliées, ADF), ont accentué la
volatilité et la fragmentation, d'autant plus que ces groupes sont
profondément ancrés dans la politique locale.
Chapitre III. LES
IMPLICATIONS DES GROUPES ARMES SUR LES CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES DE LA
POPULATION DE SHABUNDA
Pour comprendre la lecture des conditions
socio-économiques de la population de Shabunda, faisons d'abord une
analyse sur les guerres à l'Est de la RD Congo et la transformation de
la mobilisation armée. La première guerre du Congo éclata
en 1996 suite à l'insurrection, appuyée par le Rwanda, de
l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du
Congo-Zaïre (AFDL). Elle déclencha une mobilisation armée
dans tout l'Est du pays. Tandis que certains groupes se mobilisèrent
contre l'invasion rwandaise et ougandaise, d'autres se mirent à soutenir
la rébellion de l'AFDL. Bien que la milice Maï Maï aie
provoqué une forte insécurité dans les zones rurales et
alimenté des tensions constantes au sein des communautés, elles
restèrent morcelées, de faible envergure et repliées sur
elles-mêmes, incapables d'influencer la situation au-delà de leurs
fiefs locaux. Ce fut lors de la deuxième guerre du Congo - qui
éclata lorsque les relations se détériorèrent entre
le Président Laurent-Désiré Kabila et ses partisans
rwandais-que ces milices se mirent à prospérer, avec le soutien
de Kinshasa et de groupes armés étrangers.
Petit à petit, les guerres du Congo modifièrent
la nature des groupes armés, les milices rurales ancrées au
niveau local se retrouvant mêlées à des réseaux
dirigés par des élites des secteurs politiques et des affaires.
Ces réseaux de milices favorisèrent et, en même temps,
furent encouragés par le développement d'une économie de
guerre stimulée par la taxation illégale, la contrebande et le
racket. Si cette économie permit à certains de s'enrichir
rapidement, des millions de civils en dépendirent pour leur survie et
n'eurent souvent pas d'autre choix que de collaborer avec les groupes
armés(86(*)). La
montée en puissance des dirigeants militaires, qui s'impliquèrent
étroitement dans l'administration locale, affaiblit encore davantage les
structures de l'autorité et la cohésion sociale. Alors que, dans
les années 1990, les milices s'appuyaient sur le soutien des chefs
coutumiers et des communautés locales, ces liens s'affaiblirent lorsque
les leaders militaires devinrent autonomes dans leur manière de
dégager des revenus et furent aidés par leurs relations à
Kinshasa, avec des groupes armés étrangers et des réseaux
commerciaux régionaux. En même temps, le vaste recrutement de
jeunes fit apparaître une génération militarisée de
plus en plus détachée des chefs coutumiers, des anciens des
villages et des parents. Étant désormais moins dépendants,
et moins redevables, à l'égard des autorités locales, le
comportement des groupes armés envers les civils se
détériora, et les exactions physiques, le travail forcé et
la taxation illégale devinrent légion.
Pour sa part, le groupe Maï-Maï rencontrera
différents défis lors de la transition politique de pouvoir de
2003 - 2006 en RD Congo, qui inciterait beaucoup à reprendre les armes.
Le gouvernement et les forces armées étaient en grande partie
dirigés par le biais de réseaux clientélistes : pour
obtenir une promotion ou accéder à des sources informelles de
revenus, il était primordial d'avoir des connaissances parmi les leaders
militaires ou politiques influents. Or, les différents commandants
Maï-Maï qui se braquèrent contre l'intégration ne
jouissaient souvent pas de telles relations d'élite. Un grand nombre
d'entre eux n'avait reçu qu'une formation militaire rudimentaire ;
certains n'avaient pas bénéficié d'une instruction de
base ; ce qui réduisait leurs chances de promotion.
Par ailleurs, certains hésitaient à quitter leur
secteur vu les problèmes de sécurité causés par
d'anciens adversaires qui refusaient de démanteler leurs groupes
armés(87(*)). Les
rares commandants Maï-Maï qui obtinrent des postes importants, comme
le général Padiri Bulenda, se servirent de leur nomination
pour récompenser des membres de leur propre famille ou communauté
ethnique, écartant ainsi un grand nombre de leurs anciens
collègues commandants. Parmi les délégués
Maï-Maï qui participèrent aux pourparlers de paix en Afrique
du Sud, les deux qui représentèrent les groupes les plus
importants, Anselme Enerunga, du mouvement de Padiri, et Kosco Swedy, du groupe
de Dunia, finirent par être excommuniés par leurs commandants sur
le terrain. La marginalisation des réseaux Maï-Maï
coïncida avec l'accélération de leur fragmentation, qui les
rendit vulnérables à toute tentative de manipulation de la part
du gouvernement de Kinshasa, lequel chercha à contrôler ces
groupes en cooptant certains de leurs leaders. En tout, les groupes
armés de tout l'Est du Congo reçurent 13 des
620 sièges au parlement de transition, quatre des 63 postes
ministériels, et un des 11 postes de gouvernements provinciaux.
Mais cette manière de distribuer les postes à compte-gouttes fit
de nombreux mécontents. Un officier Maï-Maï a ainsi
expliqué : « Nos délégués sont arrivés
à Kinshasa puis se sont mis à vendre les postes auxquels nous
pouvions prétendre. Des gens qui n'avaient rien à voir avec les
Maï-Maï ont ainsi pu acheter un des postes militaires ou politiques
qui nous revenaient. C'est notre propre faiblesse interne qui a permis de tels
agissements. »(88(*)). Du fait de ces différents
développements, des dizaines de commandants Maï-Maï dissidents
regagnèrent le maquis entre 2007 et 2009. L'insécurité
permanente, due en partie aux groupes armés étrangers comme les
FDLR, et la perpétuation des conflits locaux firent qu'ils n'eurent
aucun problème à attirer des recrues et à mobiliser un
soutien. En l'absence d'une armée solide et impartiale, le sentiment
selon lequel l'autodéfense communale était justifiée et
nécessaire fut encore renforcé.
La compréhension des conditions d'émergence des
conflits, dans leurs contextes spécifiques peut devenir un
précieux outil pour l'élaboration d'initiatives
préventives ou des réponses ajustées lorsqu'une situation
est en passe de se dégrader(89(*)).
L'analyse des implications des groupes armés sur les
conditions socioéconomiques de la population de Shabunda porte sur deux
aspects. Le premier aspect analyse ces implications du point de vu
négatif et l'autre du point de vu positif.
Section 1. Les implications
négatives des groupes armés
Le développement de toute entité administrative,
grande ou petite soit-elle, repose sur la paix. Il n'y a donc pas de
progrès sans la sécurité que SPINOZA(90(*)) perçoit comme un
premier besoin d'un État. C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent
être capables de créer et de maintenir un environnement stable. La
longue instabilité que le Territoire de Shabunda a connue et continue de
connaître explique, dans une large mesure, son sous-développement.
A ce point, il importe de présenter ces implications négatives
dans les lignes qui suivent et cela de la manière ci -
après : groupes armés et exploitation illégale et
pillages des ressources, groupes et déplacement et pillage des biens de
la population, groupes armés et déstabilisation des
activités économiques et flambée des prix des produits
alimentaires, enfin, groupes armés et recrutement forcé des
enfants et jeunes dans l'armée.
1.1. Groupes armés et exploitation illégale et
pillage des ressources
Shabunda, à l'instar de l'ensemble des autres
territoires du Sud - Kivu, est l'illustration exemplaire de la «
malédiction des matières premières »
dénoncée par maintes ONG. La guerre, l'exploitation des
ressources naturelles et la corruption s'auto entretiennent.
Les activités d'exploitation et de commercialisation
des ressources de Shabunda sont situées principalement dans le secteur
informel qui ne respecte pas le droit congolais. Le contexte de Shabunda est
hautement criminalisé et les groupes armés locaux,
étrangers ainsi que les entreprises et les particuliers trouvent un
intérêt à la perpétuation de la guerre. En situation
de déclin économique, l'exploitation et l'exportation des
ressources minières sont souvent illégales. Il y a pillage plus
ou moins important.
La valeur des gisements d'or que regorge le sous-sol de l'Est
de la RD Congo est estimée à 28 milliards de dollars. Mais les
richesses aurifères du pays, dont la majeure partie est exploitée
artisanalement, sont depuis longtemps mal utilisées. Convoités
par des groupes armés et des élites corrompues, les revenus
générés par le secteur aurifère artisanal de l'Est
du Congo ont trop souvent financé la corruption ou alimenté les
exactions et les conflits violents plutôt que de contribuer à
atténuer la pauvreté qui touche la région(91(*)).
L'enquête de Global Witness sur la récente
ruée vers l'or le long de la rivière Ulindi, dans le Territoire
de Shabunda, révèle l'ampleur des problèmes qui rongent le
secteur aurifère artisanal de la région. Le boom d'Ulindi a
débouché sur la production de plus d'une tonne d'or par an, d'une
valeur approximative de 38 millions de dollars, dont ont notamment
bénéficié des groupes armés et une
société chinoise aux pratiques prédatrices, Kun Hou
Mining, en lieu et place de la population locale.
Les recherches de Global Witness révèlent que
Kun Hou Mining a versé 4.000$ au groupe armé Raïa Mutomboki
opérant sur les rives de la Ulindi et leur a donné deux fusils
d'assaut AK-47 pour s'assurer l'accès aux riches gisements
aurifères présents dans le lit de la rivière. Kun Hou
Mining a opéré quatre dragues semi-industrielles le long de la
Ulindi durant le boom. Les membres de ce groupe armé ont aussi
gagné jusqu'à 25.000$ par mois en prélevant
régulièrement des taxes auprès des travailleurs des
dragues de fabrication locale qui effectuaient la dangereuse tâche
d'aspirer manuellement l'or du lit de la rivière.
Les dragues opérées manuellement le long de la
rivière ont atteint le nombre de 150 au plus fort de la ruée vers
l'or. Les autorités du Sud-Kivu chargées de superviser le secteur
aurifère artisanal de la province ont semblé défendre Kun
Hou Mining plutôt que de faire appliquer la loi et de réclamer des
comptes à la compagnie pour ses activités illégales.
Dans certains cas, ces mêmes autorités ont
oeuvré de pair avec des hommes et femmes en armes appartenant au groupe
armé Raïa Mutomboki pour taxer illégalement les creuseurs
artisanaux, en violation de la loi congolaise. Les autorités du
ministère des mines à Bukavu, la capitale régionale, ont
falsifié des déclarations d'origine pour les petites
quantités d'or artisanal de Shabunda qui ont été
officiellement exportées afin de masquer leur origine, laquelle est
considérée « à haut risque » au regard des
normes internationales(92(*)).
D'après nos investigations, au moins 12kg d'or de la
Ulindi ayant bénéficié à des groupes armés
ont été exportés par un comptoir d'achat d'or du Sud-Kivu
avec comme destination Dubaï. Mais la majeure partie de l'or extrait lors
du boom, ainsi que les taxes prélevées sur cet or, se sont
volatilisées, ayant presque certainement été sorties du
pays clandestinement.
Dans les comptes provinciaux du Sud-Kivu pour 2014 et 2015,
aucun signe de ruée vers l'or n'apparaît. Le boom aurifère
a laissé la ville de Shabunda pratiquement dans l'état où
il l'avait trouvée : celui d'une enclave défavorisée, sans
routes, sans eau courante ni électricité, avec une population
vivant dans une extrême pauvreté.
Une lettre datant de février 2015 et émanant du
groupe maï maï Raïa Mutomboki confirme que ce dernier a
réçu 4000 USD et deux fusils d'assaut AK-47 de KUN HOU MINING
pour « collaboration et installation de leurs machines
(dragues) ». La lettre, adressée à Franck de Kun Hou,
indique également que les hommes armés ont reçu 24
Motorola et quatre cartons de biscuits.
Il sied de signaler que les groupes armés ont
impacté négativement sur l'économie du pays en ce sens que
le respect de normes établies sur la réglementation de
l'exploitation et l'exportation des ressources minières au Sud - Kivu et
à Shabunda particulièrement n'a pas été
observé.
A cet effet, un programme régional a été
mis en place par la RD Congo et les États voisins pour lutter contre le
commerce nuisible de minerais et faciliter l'accès des opérateurs
responsables au marché, mais il doit encore faire la preuve de son
utilité. La législation congolaise dispose que l'or ne peut
être exporté du pays que s'il est accompagné d'un
certificat délivré par le Centre d'Évaluation, d'Expertise
et de Certification (CEEC). Le certificat du CEEC est censé confirmer
que l'or provient d'une mine qui satisfait aux exigences énoncées
par le Mécanisme Régional de Certification (MRC), un
système de devoir de diligence établi par une organisation
intergouvernementale de 11 États de la Conférence Internationale
sur la Région des Grands Lacs (CIRGL).
Les richesses minières de Shabunda ont la
capacité de générer des recettes dont la Province du Sud -
Kivu et le Territoire de Shabunda ont cruellement besoin. Un secteur
aurifère artisanal géré de façon responsable
pourrait bénéficier aux communautés locales pendant les
décennies à venir. Mais aussi longtemps que le secteur
aurifère artisanal sera manipulé par des sociétés
aux pratiques prédatrices, par des groupes armés, ces richesses
minérales finiront dans de mauvaises mains.
1.2. Groupes armés et
déplacement et pillage des biens de la population
De tout temps, des gens ont été contraints
à quitter leur maison, leur terre et leur village. Dans certains
conflits, le transfert forcé des populations civiles est une arme de
guerre et un moyen de créer des sociétés homogènes
culturellement, politiquement, nationalement ou ethniquement. Le transfert
forcé des populations diminue les chances de paix, déstabilise le
territoire, la province voire le pays tout entier et constitue souvent un crime
de guerre, voire un crime contre l'humanité.
Le déplacement est un terme qui caractérise
principalement les mouvements forcés des populations civiles en temps de
guerre. Il inclut les mouvements de populations illicites, pour des raisons
ayant trait au conflit, et licites, soit l'évacuation de la population
si la sécurité de la population ou si d'impérieuses
raisons de sécurité l'exigent. Le transfert forcé de
population est une des formes illicites du déplacement.
La dégradation de la situation sécuritaire dans
le Territoire de Shabunda est une source principale de déplacement et la
cause de pillage des biens de la population.
Beaucoup de familles ont fui leur lieu d'habitation, perdant
par là-même leur source de revenus. Ceci est
particulièrement vrai pour les agriculteurs qui, quittant leurs terres,
perdent en même temps leur moyen de subsistance.
Selon les différents rapports du Bureau de coordination
des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA)93(*), de la société civile, parfois
confirmés par l'administration territoriale, plusieurs milliers de
personnes se sont déplacées dans un court intervalle et cette
situation est motivée par la morosité de la situation
sécuritaire due souvent à la présence des forces
négatives dans le territoire.
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de
l'ONU (OCHA), plusieurs milliers de personnes se seraient
déplacées entre le 16 et le 18 avril 2018 dans le groupement
Baliga en raison d'incursions de groupe armé Raï Mutomboki dans un
village appelé Parking.
Drid Bampa, notable de Shabunda a déclaré que
les populations du village de Parking s'étaient
déplacées suite à l'incursion d'une faction de Raia
Mutomboki appelée « Kokodikoko » qui a
violé, pillé et volé les biens des populations. Pour
l'instant, les populations se sont réfugiées dans les villages de
Bulungu et Kigulube dans le groupement Bamuguba-sud(94(*)).
Deux jours après, la localité de Bimpanga
à une dizaine de kilomètres de Kigulube a elle aussi
été victime d'une attaque d'un groupe armé dans la nuit du
19 au 20 avril 2018. Des cas des violences sexuelles et des pillages ont
été également signalés. L'accès des
populations à leurs champs est rendu difficile par cette
insécurité grandissante.
Beaucoup de familles ont quitté leur maison et leurs
terres pour fuir les combats. Dans les camps de réfugiés par
exemple, le rythme de vie et les occupations de tous les membres de la famille
sont différents de ce à quoi ils étaient habitués :
pas de champ à cultiver, pas de travail pour les adultes, pas
d'école pour les enfants. Dans ces situations de rupture avec
l'environnement familier, les relations entre adultes et enfants changent.
C'est parfois la mort ou le départ du père ou du grand
frère qui vient bouleverser la famille, laissant à la mère
seule la responsabilité matérielle et morale d'élever les
enfants.
Le déplacement causé par les actions des groupes
armés pousse les parents et les enfants à se retrouver
séparer par des centaines de kilomètres et l'enfant n'a donc plus
de contact avec sa famille. Dans les zones de conflit, une proportion
importante d'enfants se retrouvent seuls, ne pouvant compter que sur leurs
propres moyens pour survivre.
1.3. Groupes armés et
déstabilisation des activités économiques et
flambée des prix des produits alimentaires
La République Démocratique du Congo connait de
nombreux surnoms. Deux d'entre eux sont particulièrement
évocateurs : le « scandale
géologique » et la
« gâchette » de l'Afrique. L'un a
été donné par les colonisateurs belges et l'autre par
l'écrivain Frantz Fanon. Dans les deux cas, ils soulignent l'importance
stratégique du pays. Qui est extrêmement riche en ressources
naturelles et connu en tant que tel, est aussi tristement fameux pour son
instabilité et ses conflits(95(*)).
La RDC est dotée des richesses naturelles immenses,
extraordinaires, mais que sa population ne profite pas comme il se doit.
Nombreuses guerres qui s'y sont déroulées ont été
alimentées pour l'essentiel par l'exploitation illicite des ressources
naturelles. Pendant la guerre, de nombreux groupes rebelles ont financé
leurs activités par l'exploitation des minerais. Le rapport n°213
des experts des Nations Unies du 12 avril 2001 affirme que les principaux
motifs du conflit en RDC sont devenus l'accès, le contrôle ainsi
que la commercialisation de cinq ressources minérales de première
importance qui sont le Colombo-tantalite, le diamant, le cuivre, le cobalt et
l'or. Nombreux penseurs ont qualifié le secteur minier d'«
épine dorsale du développement économique de la RDC
».
Depuis plus d'une décennie, le Territoire de Shabunda
fait face à des conflits armés. Les conséquences
énormes des conflits armés ne sont pas uniquement d'ordre
sécuritaire, politique et social. Elles sont aussi d'ordre
économique et consistent notamment dans la destruction des
infrastructures de base : marchés, champs,... ayant pour
conséquence la baisse de la production, de la commercialisation, de la
circulation des personnes et de leurs biens. A titre illustratif, nous pouvons
parler de la destruction du marché de Langalanga à plus ou moins
45Km de Shabunda - centre, chef du Territoire qui a été
brulé par les rebelles maï maï en mai 2004. Ce lieu de
négoce facilitait la transaction commerciale entre quatre de sept
groupements qui composent la collectivité de Bakisi. Les champs de la
population se voient détruit chaque fois que le milieu est occupé
par soit les éléments des groupes armés, soit par les
éléments de forces loyalistes qui viennent l'occuper après
avoir délocalisé les milices, cela avec comme conséquence
la flambée des prix des produits de première
nécessité.
Le tissu économique en a été
lamentablement détruit. Autrefois, le Territoire de Shabunda,
grâce à l'agriculture et à l'élevage, était
classé parmi les greniers du Sud-Kivu. Aujourd'hui, ce n'est plus le
cas, les populations de ce territoire où sévit
l'insécurité sont devenues presque dépendantes des
territoires et pays voisins, surtout sur le plan alimentaire. On peut cependant
noter qu'à présent, une relance se fait observer notamment
à travers les investissements privés dans les secteurs agricole
et minier et dans le petit commerce.
Lorsque les bandes armées s'affrontent à
Shabunda, les soldats tuent, violent les femmes, détruisent les
récoltes, emportent les bétails, brulent les maisons, etc., les
champs sont abandonnés, les récoltes qui échappent
à la destruction sont confisquées par les seigneurs de guerre.
Cela entraine la baisse du niveau des revenus de la population avec toutes les
conséquences y afférentes, notamment la pauvreté de masse
et surtout dans les villages sous contrôle des bandes et groupes
armés.
Il sied de signaler aussi que dans cette partie de la Province
du Sud-Kivu, plusieurs fois la société civile locale a
lancé une campagne de sensibilisation pour la
désobéissance fiscale en refusant de payer toute taxe ou
impôt suite à la persistance de l'insécurité et le
délabrement très avancé des infrastructures suite aux
multiples guerres et insécurités que connait ce territoire. Cette
état de chose arrive à créer un ralentissement et une
paralysie des activités économiques dans cette contrée.
1.4. Groupes armés et
recrutement forcé des enfants et jeunes dans l'armée
Des groupes armés s'opposent pour des raisons
politiques, économiques ou ethniques. Pour augmenter leurs effectifs et
légitimer leurs actions, ces groupes se lancent dans des actions de
propagande auprès de la population. Le premier leitmotiv est de parler
du danger que représente l'ennemi. Sur ce discours, se greffe l'appel
à la résistance et à la protection des proches.
L'argumentaire présente alors l'engagement comme un devoir moral
vis-à-vis de la communauté.
Il n'y a plus qu'un pas à franchir pour qualifier de
traîtres ceux qui ne prennent pas les armes. La pression exercée
sur la population s'intensifie et il devient de plus en plus difficile de ne
pas répondre à l'appel.
La République Démocratique du Congo
connaît une suite de guerres pratiquement sans interruption depuis le
milieu des années 1990. Les conflits armés de 1994, 1997,
1998/1999 et 2000/2002 se sont succédé, passant d'une zone
à l'autre du pays. Or, plus les guerres s'enlisent, plus le risque de
recruter des soldats de plus en plus jeunes s'accroît.
En effet, le « réservoir » d'hommes adultes
s'amenuise et il faut bien puiser là où les «
réserves » sont disponibles et abondantes. Ainsi, même si les
enfants de moins de 18 ans ne sont pas spécifiquement recherchés
par les militaires, ceux-ci auront tendance à faire quelques entorses
aux procédures et recruter des mineurs si l'occasion se présente
pour renflouer leurs rangs.
A Shabunda par exemple, les éléments de groupes
armés, ici considérés comme les recruteurs avancent
multiples raisons pour procéder au recrutement des enfants dans leur
groupe. Parmi ces raisons nous pouvons citez les suivantes :
- Les enfants sont courageux, ils n'ont pas conscience de la
mort. Au nom de cette inconscience, les adultes vont envoyer les enfants dans
les situations les plus risquées ;
- Ils sont dociles, facilement manipulables ;
- Ils sont compétents ;
- Ils sont résistants, dynamiques ;
- Ils sont une main-d'oeuvre, bon marché.
Tous ces arguments avancés par les recruteurs peuvent
aisément être dévoilés : le « courage
» des enfants est souvent le résultat d'un dopage physique et moral
des enfants. La « docilité » est facilement obtenue
grâce aux nombreuses et cruelles punitions que subissent les enfants en
cas de désobéissance. Les prétendues résistance,
compétence, efficacité des enfants font partie du discours
flatteur par lequel les responsables des groupes armés « tiennent
» aux jeunes. Quant à l'affirmation sur le faible coût des
enfants, cela tient tout simplement aux promesses non tenues des recruteurs.
Ils promettent aux enfants qu'ils seront payés comme les adultes et n'en
font rien.
Groupes armés qui ont besoins des combattants, avec une
préférence pour les enfants
Enfants en situation précaire :
· Economique
· Sociale
· Familiale
· Psychologique
Modèle de recrutement des enfants dans les
groupes armés
Enrôlement volontaire
Enlèvement, Conscription,
Recrutement quasi-forcé
Source : Bureau International du Travail
Il nous parait important de commenter ce modèle de
recrutement des enfants dans les groupes armés qui passe par l'enfant en
situation précaire qui cohabitent avec les groupes armés et se
recherchent, le recrutement, et l'enlèvement.
a. Enfants en situation précaire et groupes
armés cohabitent et se recherchent
On se retrouve donc dans une situation explosive où les
enfants doivent trouver une solution pour assurer leur survie et côtoient
des groupes armés qui sont à la recherche de combattants. Ce
contexte, combiné à la pression ambiante, agit comme un
véritable « champ magnétique » où les deux
groupes s'attirent et conduit de nombreux jeunes à demander leur
enrôlement.
Selon l'observation du terrain, les enfants «volontaires
» représentent la majorité des enfants membres des groupes
armés. Cependant, tous les enrôlements ne sont pas aussi «
naturels » et il existe des enfants qui ont été
recrutés de force par les groupes armés. Bien sûr, la large
proportion d'enfants qui s'enrôlent de leur propre gré peut faire
croire à une situation où les enfants s'enrôlent
librement.
L'observation de terrain montre que ce n'est pas le cas. Dans
un premier temps, il apparaît que les frontières entre ces
différents modes de recrutement sont loin d'être étanches,
perméables. D'autre part, l'analyse des décisions personnelles
prouve que dans la plupart des cas, il s'agit d'un choix fait sous de
nombreuses pressions et dans l'ignorance des conséquences. Cette
ambiguïté sur le « volontariat » est illustrée par
la différence d'appréciation sur les conditions de recrutement
entre les jeunes toujours engagés au moment de l'enquête et ceux
qui sont sortis des groupes armés.
b. Le recrutement
Les rebelles viennent à la maison pour recruter les
jeunes et les menacent si une fois ils refusaient de les suivre. Ces jeunes
finissent par accepter parce que même si les rebelles ne les tuaient pas,
ce peut - être ils peuvent être victimes des militaires qui
pourraient le faire de toute façon.
Néanmoins, la pression exercée dans certaines
zones par les autorités militaires pour inciter les jeunes à
rejoindre les rangs de l'armée peut être assimilée à
un recrutement forcé.
Dans le cadre de cette étude, nous avons
distingué deux types de recrutement en fonction de l'observation de
terrain :
- Le recrutement forcé s'applique à tous les cas
où l'enfant n'a pas eu le choix de refuser. Il peut s'agir de pressions
morales ou d'obligation de se présenter ;
- Enfin, la décision personnelle concerne les
situations dans lesquelles l'enfant a fait lui-même la démarche
d'aller vers le groupe armé.
c. L'enlèvement
L'enlèvement recouvre les situations dans lesquelles
les enfants ont été pris de force, sous la menace d'armes.
Plusieurs enfants ont été enlevés ou ont subi des menaces
les forçant à s'enrôler. D'après tous les
témoignages sur ce sujet, les groupes armés qui pratiquent
l'enlèvement choisissent un moment favorable pendant lequel il y a peu
ou pas d'adultes autour des enfants. Il peut s'agir d'enlèvements
collectifs ou individuels.
Nous pouvons déjà signaler que les
enlèvements sont suivis de conditions plus difficiles que, dans les
autres cas de recrutement, les enfants subissent des violences plus grandes et
qu'ils sont envoyés au combat plus rapidement.
Section 2. Les
conséquences positives des groupes armés à Shabunda
Les considérations ci - haut
évoquées montrent que les groupes armés à Shabunda
ont des implications négatives sur la population, mais au-delà de
tous ces aspects, les groupes armés ont aussi contribué à
l'amélioration des conditions existentielles de la population et cela
dans divers domaines de la vie sociale, économique et politique.
Les conflits armés sont perçus comme des
phénomènes irrationnels. Qu'elle que soit la nature des
motivations justifiant l'éruption des conflits armés, la
violence, sur le plan individuel et collectif, ces motivations exercent de
multiples fonctions(96(*)).
Ainsi, un individu qui décide de s'engager dans une
activité sociale violente telle que la rébellion, laisse tomber
sa fonction productive au détriment d'une fonction d'appropriation. Il
est évident que son choix s'inscrit dans un contexte précis
puisque les individus évoluent dans un environnement contraignant.
Ils (les individus) choisissent une activité dans le
but d'assouvir leur désir de prédation, d'assurer leur survie
physique et économique ou de défendre une cause en laquelle ils
croient. Ainsi, il semble évident que les facteurs économiques
influencent la stratégie et le comportement des acteurs participants aux
activités des groupes armés. Cela favorise souvent
l'émergence d'une économie de guerre et d'une dynamique
conflictuelle
La nature et l'intensité des griefs sociaux,
économiques et politiques présents à Shabunda
constitueraient un contexte propice à l'émergence d'un mouvement
des groupes armés.
La décennie de guerre et conflits violents qu'a connus
Shabunda n'a pas seulement engendré morts d'hommes,
réfugiés et destructions, mais aussi d'importants changements
sociaux et économiques. Au lieu de conduire à un effondrement,
l'activité des groupes armés à Shabunda semble avoir la
potentialité de créer un système alternatif de profit, de
pouvoir et de protection qui aboutit à l'existence de diverses
structures informelles de gouvernance.
Ainsi, groupes armés et autodéfense locale,
groupes armés et promotion des originaires de Shabunda dans les hautes
fonctions de l'Etat, groupes armés et promotion des humanitaires et ONG
tels sont les points qui feront l'objet de l'analyse de cette section.
2.1. Groupes armés et
autodéfense locale
Les populations locales ne sont pas seulement des acteurs
passifs dans les zones en conflit, ni simplement soumises à la
coercition d'acteurs armés. De même, les acteurs armés ne
font pas qu'exploiter ou maltraiter les communautés des zones dans
lesquels ils opèrent(97(*)).
Les seigneurs de guerre ne sont pas seulement des agents de
violence et de destruction, comme on peut le croire, mais procurent à la
population une relative sécurité.
La RD Congo peine, en effet, à assurer son
autorité sur l'ensemble de son territoire et à garantir à
la fois les services de base, la sécurité humaine et la
sécurité territoriale.
Shabunda est reconnu pour ses énormes richesses en
ressources minières, notamment en or, cassitérite, Coltan et
wolframite. Cette manne a naturellement attiré les rebelles des Forces
Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) qui y sont
installés en maîtres, tirant leurs revenus de ces richesses, et
par la même occasion, terrorisant les populations locales.
Depuis le départ d'une trentaine de compagnies des
Forces Armées de la République démocratique du Congo
(FARDC) en formation, les FDLR se sont incrustées dans le vide ainsi
créé de quatre mois et dix-huit jours, occupant les sites
stratégiques de Kabulu, Misima, Katombi, Biangama, Gombo, Mulungu,
Nianzi, Ngoma, Kashei, tous situés à Shabunda. Dans cette zone
dont ils ont le quasi-monopole des richesses, il règne une
insécurité évidente caractérisée par des
prises d'otages pour transporter les biens pillés ou demander des
rançons, mais également des attaques à mains armées
sur les populations, ainsi que des viols et autres types de violence.
Désespérés et seuls face à leur
sort, les habitants de Shabunda ont décidé de prendre en main
leur propre sécurité. C'est ainsi que certains notables et
leaders d'opinion ont suscité la résurgence du groupe
d'auto-défense Maï Maï (Raïa Mutomboki) pour
protéger les populations contre les rebelles rwandais. Ces
éléments de Raïa Mutomboki, sont arrivés à
mettre hors du territoire, les éléments du groupe armé de
Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda, FDLR en sigle,
qui commettaient des exactions contre la population.
2.2. Groupes armés et
promotion des originaires de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat
Pour les acteurs politiques, l'instauration de liens avec les
groupes armés présente de nombreux avantages.
Premièrement, elle renforce leur pouvoir au sein de leur
circonscription. Elle leur permet d'accroître leur influence sur les
autorités locales, mais elle leur confère aussi un avantage dans
les conflits et dans le cadre de la compétition électorale et
économique. En outre, l'établissement de liens avec des groupes
armés permet aux acteurs politiques d'accroître leur soutien
populaire, surtout lorsque ces groupes armés sont perçus comme
protégeant les intérêts et la sécurité des
communautés.
Une position de pouvoir renforcée au niveau local peut
ainsi se traduire par un accès accru aux cercles du pouvoir provinciaux
et nationaux. Grâce à l'influence qu'ils exercent sur les groupes
armés et à leur capacité à mobiliser des partisans
à l'échelon local, les politiciens et les hommes d'affaires
deviennent des personnalités avec lesquelles il faut compter.
Les individus au pouvoir se retrouvent donc contraints de
s'assurer du concours de ces groupes pour éviter qu'ils ne provoquent
une insécurité et qu'ils n'agissent contre leurs
intérêts.
Les groupes armés en tant qu'organisation politique,
fondent leurs discours ou leurs actions sur des motifs multiples, notamment la
lutte contre la répression politique ou l'atténuation des
injustices socioéconomiques.
Parlant des groupes armés à Shabunda, nous
observons que ces mouvements luttent pour l'atténuation des injustices
socioéconomiques auxquelles la population de cette entité fait
face. Cet acte pousse le pouvoir public à prendre des mesures pouvant
arriver à mettre fin à l'injustice que la population
dénonce par et à travers les groupes armés.
Au niveau politique, il existe deux grandes théories
qui entrainent l'éclatement des groupes armés(98(*)). Il s'agit de la
théorie des inégalités horizontales et la théorie
des Etats défaillants défendues par plusieurs auteurs en science
politique.
Les inégalités horizontales sont des
inégalités parmi des groupes de personnes. Elles contrastent avec
les inégalités verticales, qui sont des inégalités
entre tous les individus d'une société(99(*)). Les inégalités
horizontales sont avant tout importantes en raison de leurs
répercussions sur la justice et la stabilité sociales. En outre,
les importantes inégalités horizontales dans une
société sont susceptibles de nuire au pluralisme, car elles
engendrent des griefs entre les groupes et une insatisfaction dans la
société.
Les inégalités horizontales sont
multidimensionnelles. D'importantes dimensions incluent les
inégalités de statut économique, social et politique et de
reconnaissance culturelle. Chaque dimension inclut un certain nombre
d'éléments : les inégalités économiques
englobent les inégalités en matière de revenu, d'actifs,
d'emploi, ..., les inégalités sociales sont les
inégalités dans les réseaux sociaux et dans l'accès
aux services de base. La dimension politique comprend la représentation
dans le gouvernement central et local, dans la bureaucratie, dans
l'armée et dans les partis politiques(100(*)).
Une bonne raison de se préoccuper des
inégalités horizontales est qu'elles sont injustes. Aucune raison
ne saurait justifier que des personnes reçoivent une
rémunération inégale ou qu'elles aient un pouvoir
politique inégal simplement parce qu'elles sont noires et non blanches,
des femmes et non des hommes, d'une ethnie plutôt que d'une autre. Le
bien-être et le respect de soi souffrent lorsque les gens font partie
d'un groupe défavorisé et victime de discrimination.
La population de Shabunda perçoit des
inégalités horizontales dans la gestion des affaires publiques.
Cette frustration l'amène à utiliser la violence afin d'obtenir
ou de maintenir son contrôle sur les institutions étatiques. Il
existe quatre sources de différenciation entre la
société : la participation politique, les actifs
économiques, les revenus et l'accès à l'emploi ainsi que
la situation sociale. Ainsi, une perception collective de disparités
entre la société face à une ou plusieurs de ces sources
produit un phénomène d'inégalité horizontale.
La cooptation de certains fils originaires du territoire issus
des groupes pour les hautes fonctions au niveau national, provincial et du
territoire, est aussi l'un des aspects positifs que nous ne pouvons pas ignorer
dans l'analyse de cette étude. Nous avons trouvé qu'il y a eu
ceux qui sont nommés ministres au niveau national parce qu'ils
étaient membres des groupes armés et après les
négociations entre le gouvernement et le groupe Maï-Maï, il y
a certains éléments qui ont été
élevés au plus haut rang dans la gestion du pays.
Grâce aux mouvements de groupes armés, il existe
un nombre important des originaires du territoire dans le haut commandement de
l'armée nationale et de la police nationale, où nous pouvons
trouver les Lieutenants, les Capitaines, les Majors, les Colonels, les
Généraux, tous issus des groupes armés ; aspect qui
ne s'est jamais observé depuis plusieurs décennies à
Shabunda.
2.1. Groupes armés et promotion des humanitaires et
ONGD
Au cours des vingt dernières années, un nouveau
type d'acteur a connu un essor spectaculaire : les ONG. Celles-ci se
présentent comme humanitaires et apolitiques et ont pour objectif de
promouvoir des actions décentralisées, adaptées aux
conditions locales et appelant à la participation active des
intéressés. Dans la mesure où elles entretiennent des
relations étroites avec la population cible, et en raison du
caractère social plus que technique de leur préoccupation, les
ONG semblent occuper une position particulière favorable pour aborder
les problèmes socio-sanitaires dans toute leur complexité.
La détérioration des conditions existentielles
de la population due à la présence des groupes armés dans
la partie Est de la République Démocratique du Congo a
suscité la multiplicité de la présence des organisations
humanitaires et associatives oeuvrant dans plusieurs secteurs de la vie sociale
et économique dans la partie impliquée par ces conflits
armés.
Ainsi plusieurs actions, notamment le financement des projets,
l'assistance médicale et éducative, l'appui technique aux petites
entreprises, l'adduction d'eau, etc. ont-ils vu le jour pour aider la
population économiquement faible en vue de réduire la
pauvreté.
Le Territoire de Shabunda ne reste pas en marge de ce triste
ballet. En effet avec l'enclavement du territoire, la crise
socioéconomique, les conditions de vie des populations n'ont fait que se
détériorer. Compte tenu de ce qui précède,
plusieurs humanitaires se sont installés dans ce Territoire pour pallier
ces fléaux. Tel est le cas des ONG Internationales et des Agences du
système des Nations Unies à l'occurrence le MSF- Espagne,
MSF-Hollande, ACTED, AAP, UNOPS, GIZ, OCHA, et autres ONG nationales et locales
oeuvrant chacune dans son secteur selon son projet.
Ainsi, il est important de dégager les
considérations sur les ONG sur le plan éducatif, sur la
santé et sur la formation professionnelle à Shabunda.
2.3.1. ONG et éducation
à Shabunda
En 2007, l'éducation a été reconnue par
les Nations Unies comme un domaine à part entière de l'aide
d'urgence dans le cadre de la réforme plus globale du secteur de
l'humanitaire.
Un conflit armé détruit non seulement les
infrastructures scolaires, mais aussi les espoirs et les ambitions d'une
génération entière d'enfants.
La formation scolaire demeure un investissement privé
et social de valeur. Dans chaque pays, en moyenne, celui qui a
bénéficié d'un plus grand nombre d'années
d'étude gagne davantage que celui dont la formation est moindre. Les
taux de rendement estimés, qui prennent en compte à la fois les
avantages et les coûts des études, indiquent que
l'éducation donne des rendements intéressants quand on les
compare à d'autres investissements(101(*)).
Les pays touchés par un conflit sont fortement
concentrés au mauvais bout de l'échelle mondiale de mesure des
résultats éducatifs(102(*)). Les plus pauvres d'entre eux comptent une part
disproportionnée des enfants du monde qui ne sont pas scolarisés.
Il s'observe à Shabunda que les indicateurs de
nutrition, d'alphabétisation et d'égalité entre les sexes
sont, marqués négativement par le théâtre des
groupes armés, parmi les plus bas de la province voir même du
pays.
Ces résultats sont étroitement liés aux
types de violences manifestes dans ce territoire. Les acteurs étatiques
et non étatiques font de moins en moins la distinction entre combattants
et civils et, dans bien des cas, ciblent délibérément les
enfants, les enseignants et les infrastructures scolaires. Les viols et les
violences sexuelles massifs et systématiques, de même que les
déplacements de masses de population, sont des manifestations
particulièrement atroces des formes que prend la violence.
Au-delà des coûts humains et de la destruction
des infrastructures scolaires, les activités de groupes armés
tarissent les ressources financières des habitants de ce territoire
condamnés à une pauvreté sans précédent.
Il s'observe que les pauvres ne sont pas les seuls à
devoir repenser leurs priorités ; les donateurs d'aide
dépensent eux aussi beaucoup en aide au développement
destinée à l'éducation.
La déperdition scolaire qu'a connu les écoles de
Shabunda était due à des multiples raisons, parmi lesquelles nous
pouvons citer la résurgence des groupes armés.
Le faible niveau d'accès à l'école,
l'insuffisance d'infrastructures scolaires, le délabrement
d'infrastructures scolaires, le non-respect de la carte scolaire, la coutume
qui ne facilite pas les filles à étudier, etc sont là les
défis que les humanitaires et ONG sont venus relever à
Shabunda.
Nous pouvons affirmer avec force que, la présence des
ONG oeuvrant dans le cluster(103(*)) éducation dans le Territoire de Shabunda ont
intervenu en construisant, en équipant les écoles que nous
pouvons qualifier des écoles modernes, sur toute l'étendue du
territoire et au-delà de la construction et de l'équipement en
fourniture scolaire, ces ONG ont pris en charge, financièrement et par
le renforcement de capacité, le personnel enseignant de ces
écoles qui ont bénéficié de leur financement. Cela
a favorisé une forte présence des enfants à
l'école, car estimant étudier dans des conditions acceptables et
normales. Ensuite, cette prise en charge des enseignants par ces organisations
a favorisé, tant soit peu, une amélioration de conditions non
seulement du travail d'enseignants, mais aussi des revenus de ces
enseignants.
C'est dans ce cadre que l'ONG Agence d'Achat de Performances,
AAP, a construit plus de 100 écoles dans les villages et
localités du Territoire de Shabunda et ensuite cette ONG a pris en
charge le personnel enseignant de ces écoles. L'ONG SAVE THE CHILDREN a
procédé, de 2005 à 2009 par la distribution des kits
scolaires aux enfants/élèves des écoles primaires dans le
territoire.
2.1.2. ONG et santé à
Shabunda
On a pu dire de la guerre que c'est « le
développement en marche arrière»(104(*)). Un épisode
même bref de conflit armé peut interrompre les progrès ou
effacer des gains obtenus au fil des générations, compromettant
la croissance économique et l'amélioration de la santé, de
l'alimentation et de l'emploi.
Le non accès à toute forme de soins de
santé, l'abandon des zones de santé nouvellement
découpées dans le territoire, l'insuffisance d'infrastructures
sanitaires (car certains groupements n'avaient ni hôpital, ni centre de
santé, ni poste de santé,...), la couverture sanitaire
très faible, le délabrement d'infrastructures sanitaires sont
là les domaines du secteur sanitaire qui se sont vus être
améliorés par les actions des humanitaires et ONG dans le
Territoire de Shabunda.
Comme signalé ci-haut, la santé est plus
fondamentalement un outil précieux pour améliorer le futur
économique et social d'une population. En améliorant les
aspirations des individus ainsi que leurs capacités, la santé
participe au bien-être des individus ; ce qui a été
traduit par l'inclusion de l'espérance de vie dans le calcul de
l'indicateur de développement humain.
C'est dans cette perspective que Shabunda a connu des ONG
humanitaires oeuvrant dans le domaine sanitaire. Parmi ces organisations, nous
pouvons citer MSF - Hollande, MSF-Espagne, AAP, ACTED, qui s'occupent de la
construction, de la réhabilitation, de l'équipement des
hôpitaux, des centres de santé et la prise en charge du personnel
soignant de trois zones de santé.
C'est grâce aux interventions de ces ONG que
l'hôpital général de référence de Shabunda
centre a été réhabilité, d'abord par MSF-Hollande
depuis 2006, et ensuite par MSF-Espagne qui continue à exercer ses
activités dans les zones de santé de Shabunda et celle de Mulungu
jusqu'à ces jours.
Le personnel médical et paramédical s'est vu
pris en charge par ces ONG avec un salaire plus ou moins décent qui lui
permet d'améliorer, d'une manière ou d'une autre, son mode de
vie.
L'ONG, Médecins Sans Frontières intervient en
cas d'épidémies dans les zones de conflits ou d'autres situations
de crise. La médecine en contexte précaire est au coeur de son
activité. C'est dans ce contexte que cette ONG a mis en oeuvre, à
Shabunda, un large éventail de soins qui passe par la consultation,
l'hospitalisation, les interventions chirurgicales, la nutrition, les soins
psychologiques, etc.
Les activités médicales déployées
sur les terrains d'intervention dépendent de l'évaluation, par
les équipes, des conséquences de la crise sur la population.
Du choléra à la tuberculose, en passant par la
rougeole ou la méningite, les équipes de Médecins Sans
Frontières soignent des patients touchés par de nombreuses
pathologies sans aucun frais.
De plus, MSF a apporté et apporte encore des secours
matériels, nutritionnels et sanitaires pour améliorer les
conditions de vie de personnes affectées par une crise en distribution
d'abris et de matériel de premier secours, distribution de nourriture,
ou approvisionnement en eau potable.
2.1.3. ONG et formation professionnelle
à Shabunda
Au-delà de la création/construction des
écoles, hôpitaux et centres de santé, les actions des
groupes armés ont favorisé aussi l'ouverture des centres de
formations professionnelles pour les jeunes par plusieurs ONG locales.
C'est dans cette perspective que l'ATTELIER KWETU et le centre
de formation professionnelle MWANA BUATO apprennent aux jeunes la
maçonnerie, la menuiserie, la coupe et couture, etc. qui sont autant des
métiers pouvant leur permettre d'être utiles à la
société et de s'auto créer de l'emploi.
Dans cette même optique, La MONUSCO a officiellement
remis, le vendredi 17 avril 2015, aux autorités de Shabunda, un nouveau
centre de formation et d'apprentissage des métiers et de
réinsertion communautaire. Ce centre, situé dans la Chefferie de
Bakisi, a été réalisé dans le cadre du projet de
réduction de la violence communautaire et de stabilisation. Les 389
premiers bénéficiaires disposent de locaux et de kits de
réinsertion, ce qui devrait leur permettre d'être
immédiatement opérationnels. Le centre est pourvu d'un atelier de
menuiserie, d'une salle de coupe et couture et une salle de cours.
En outre, ce centre a été doté de 11
lots de près de deux tonnes de kits pour les 389
bénéficiaires, dont 230 hommes et 159 femmes. Ces
bénéficiaires sont regroupés en quatre associations de
coupe et couture, quatre associations de maçonnerie et trois de
menuiserie. Quatre salles ont aussi été louées pour
accueillir certains bénéficiaires. Une large consultation avait
en effet été menée auprès des communautés
pour identifier les besoins prioritaires en termes d'actions à mettre en
place pour réduire la violence communautaire.
Rappelons que c'est dans le cadre de projet de
réduction de la violence communautaire que ce centre a été
mis en oeuvre pour soulager les populations en proie à cette violence,
réduire la précarité de leurs conditions de vie et leur
proposer un autre moyen de survie que le recours aux armes.
C'est ainsi que la section de Désarmement,
Démobilisation, Rapatriement, Réintégration et
Réinstallation (DDRRR) de la MONUSCO, en synergie avec le gouvernement
provincial, a initié une série de concertations communautaires
dans certains territoires ciblés, lesquelles ont abouti au financement
par la MONUSCO, de 4 projets à Shabunda, qui devraient attirer, entre
autres, des ex-combattants réfractaires ou non éligibles au
processus DDRIII, les femmes et les filles vulnérables ainsi que les
jeunes désoeuvrés.
CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme de cette étude qui a porté
sur « Groupes armés et conditions socioéconomiques de
la population de Shabunda au Sud-Kivu ». Nous sommes parti, de
l'observation selon laquelle le Territoire de Shabunda connaît une
histoire politique instable marquée par des guerres, des crises
politiques multiformes, des rébellions et insurrections, des
dissidences, bref la violence entrainant ainsi une détérioration
de conditions sociales et économiques de la population depuis plus d'une
décennie.
Ce territoire réputé riche géologiquement
et géoéconomiquement, a par contre une population qui vit dans
une situation de pauvreté occasionnant une précarité de la
vie sociale et économique.
Sur le plan sécuritaire, le Territoire de Shabunda est
considéré comme une zone rouge. La présence de groupes
armés qui se battent fréquemment met en danger la
sécurité des citoyens et de leurs biens. La plupart de ces
groupes, si pas tous, se battent pour le contrôle des carrés
miniers.
L'aspect sanitaire dans ce territoire montre que Shabunda est
une zone où la gratuité des soins a été et est
encore pratiquée par Médecin Sans Frontière (MSF) Espagne.
Cette gratuité s'expliquerait par le degré de
vulnérabilité des populations toujours en mouvement à
cause des affrontements réguliers entre les groupes armés pour
contrôler les sites miniers et la paupérisation avancée de
la population.
Au plan infrastructurel, le territoire est enclavé avec
une habitation très rudimentaire. Les routes sont en très mauvais
état, quasi impraticables.
Economiquement, bien que ce territoire possède un
sous-sol riche en minerais, mais on observe une absence totale des
investisseurs pour exploiter ces minerais afin de permettre à la
population de se trouver un travail lui permettant d'améliorer sa
situation sociale et économique. Toutes les potentialités ne
servent pourtant ni au développement ni au bien-être de la
Province du Sud-Kivu et moins encore dudit territoire.
Cette étude a répondu à une question de
la problématique qui consistait à savoir : Quelles
seraient les implications de la présence des groupes armés sur
les conditions socioéconomiques de la population de Shabunda au
Sud-Kivu ?
De cette question, nous avons répondu, à titre
d'hypothèses que les groupes armés seraient
l'élément déclencheur, non seulement, de plusieurs effets
négatifs entravant l'amélioration du bien-être de cette
population longtemps marginalisée, mais aussi la présence de ces
groupes armés a présenté quelques effets positifs qui ont
contribué, d'une manière ou d'une autre à
l'amélioration des conditions socioéconomiques de la population
de Shabunda.
Parmi ces effets négatifs, nous avons
épinglé, l'exploitation illégale de ressources, le pillage
systématique des richesses naturelles et biens de la population,
l'augmentation excessive de prix des produits d'origine alimentaire, le
recrutement forcé des jeunes et enfants dans l'armée, la
déstabilisation des activités économiques dans le
territoire, le déplacement des populations.
En ce qui concerne les effets positifs, nous avons
évoqué l'autodéfense locale (sécurisation de la
population) contre les exactions qui proviendraient des FARDC ou des
autres groupes armés, l'existence ou la présence des humanitaires
ou ONG venus exercer leurs activités dans différents domaines
comme l'éducation, la santé, la création de centres de
formation professionnelle pour l'encadrement des jeunes, ....
Le fonctionnalisme, dans son aspect relativisé comme
théorie, nous a été utile pour saisir à fond notre
objet d'étude. Il a été complété par la
méthode fonctionnelle. Les techniques documentaire, l'entretien libre
non structuré, l'observation extérieure désengagée,
sans oublier la webographie nous ont servi à récolter les
données sur le terrain.
Pour arriver aux résultats de notre étude,
hormis l'introduction générale et la conclusion
générale, nous avons divisé ce travail en trois chapitres.
Le premier est axé sur les considérations
générales. Ce chapitre a, d'abord, défini les concepts
groupes armés, développement social, développement
économique, conditions socioéconomiques et ensuite ce chapitre a
donné le panorama du Territoire de Shabunda et de la Province du
Sud-Kivu.
Le deuxième chapitre a analysé des groupes
armés dans le Territoire de Shabunda. Nous avons épinglé,
dans ce chapitre, d'abord les contextes et les causes générales,
en les spécifiant selon qu'elles sont internes et externes, liées
à la prolifération des groupes armés en RD Congo, surtout
dans sa partie Est. Ensuite, nous avons dégagé les contextes et
les causes spécifiques liées à la prolifération des
groupes armés à Shabunda. Enfin, nous avons
présenté quelques groupes armés actifs à Shabunda
et stratégies de leur éradication par les pouvoirs
publics.
Le troisième chapitre, quant à lui, a
porté sur les implications des groupes armés et conditions
socioéconomiques de la population de Shabunda. Ce chapitre a
consisté à épingler successivement les implications
négatives des groupes armés et leurs implications positives.
Quant aux résultats obtenus, après
investigations, nos hypothèses sont confirmées. Il ressort de ces
analyses que les actions menées par les groupes armés pour leurs
intérêts produisent des effets grandement néfastes sur tous
les plans de la vie socioéconomique de la population civile du
Territoire de Shabunda, notamment, l'insécurité
généralisée dans plusieurs localités du territoire,
le pillage et la destruction des infrastructures sociales, le
déplacement de la population, le viol, le recrutement des enfants dans
les groupes armés, la destruction des infrastructures économiques
de base, baisse de niveau de revenu de la population, l'exploitation et le
commerce illicite des minerais.
Au-delà de ces multiples conséquences
négatives qu'ont présenté les groupes armés sur la
population de Shabunda, il y a lieu de signaler que la décennie de
guerre et conflits violents qu'a connue Shabunda n'a pas seulement
engendré morts d'hommes, réfugiés et destructions, mais
aussi d'importants changements sociaux et économiques.
En effet, les groupes armés ont joué le
rôle d'autodéfense de l'entité sous leurs contrôles,
ils ont facilité, d'une manière ou d'une autre, la promotion des
fils et filles de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat. A cause de la
vulnérabilité de la population, les groupes armés à
Shabunda ont engendré la promotion des humanitaires et Organisations Non
Gouvernementales de Développement qui sont venus oeuvrer dans
différents secteurs de la vie éducative, sanitaire et la
formation professionnelle.
Notre souci en élaborant ce mémoire est de
permettre à la population de Shabunda d'accéder aux conditions de
vie améliorées et, à ce titre, promouvoir le
développement intégral et durable de cette entité.
L'amélioration des conditions de vie de la population dans le Territoire
de Shabunda passe impérativement par un certain nombre des
préalables dont l'important serait le retour à la paix qui ne
pourrait être possible que lorsque les groupes armés sont
éradiqués.
Pour éradiquer ainsi les groupes armés à
Shabunda en vue d'un retour à la paix durable, il parait important
qu'une stratégie de développement et de sécurité
soit mise en oeuvre. Voilà pourquoi nous avons proposé quelques
facteurs d'attractivité pouvant permettre aux groupes armés de se
désengager à leur activité que voici :
- La restauration de l'autorité de l'Etat ;
- La création de centre de démobilisation et
insertion sociale local ;
- La mise en place de mesure mettant fin à
l'exploitation artisanales des minerais ;
- La mise en place et l'application d'une loi d'amnistie en
faveur des éléments des groupes armés
démobilisés ;
- La mise en place de la stratégie de la politique de
l'arme contre argent ;
L'ancien diplomate et secrétaire générale
de l'ONU affirmait que « la paix, la tolérance, le respect
mutuel, les droits de l'homme, l'état de droit et l'économie
mondiale ont tous également souffert des actes terroristes ».
Il aurait ajouté, pensons-nous, que sa puissance mérite
d'être restaurée après toute période de crise.
Après toute période de crise, l'autorité de l'Etat est
mise à l'épreuve. Alors, la restauration de cette autorité
de l'Etat passe par l'installation des services publics, administratifs et
sécuritaires efficaces.
Certes, nous n'allons pas ignorer que la restauration de
l'autorité de l'Etat se veut une condition sine qua non pour arriver
à mettre fin aux activités des groupes armés dans le
Territoire de Shabunda. Cette restauration de l'autorité de l'Etat doit
influencer l'ouverture sur le renforcement de la gouvernance locale y compris
communautaire dans la prise en charge des questions de sécurité
et de développement intégral dans cette partie de la RD Congo.
Elle doit mettre un accent sur le renforcement des capacités
institutionnelles, techniques et organisationnelles incluant l'appui au
développement local.
Plus concrètement, il est important de noter
qu'après la guerre, les écoles et tant d'autres
établissements sont pillés, vandalisés et réduits
en miette. De ce fait, la réfection de locaux administratifs ; la
réhabilitation des écoles, des hôpitaux ;
l'installation des commissariats de police et autres bases de l'armée
régulière sont là des actes efficaces de la restauration
de l'autorité de l'Etat. Autrement dit, il est important de pouvoir
privilégier la construction d'un environnement paisible,
sécurisé et stable de développement et
d'épanouissement individuel et collectif des populations sur l'ensemble
du territoire national.
Au-delà des multiples politiques de lutte contre la
prolifération des groupes armés menée par l'Organisation
des Nations unies (ONU) et le gouvernement de la RDC que nous qualifions
d'impuissantes, il paraît important de mettre des nouvelles
stratégies pouvant aider les pouvoirs publics à éradiquer
les groupes armés à Shabunda, c'est notamment la création
de centre de démobilisation et insertion sociale locale.
L'existence de ce centre dans le Territoire de Shabunda
pourrait non seulement permettre à éradiquer les groupes
armés, mais aussi aider les éléments des mouvements
armés de retourner à la vie sociale normale (vie civile) ;
car, par exemple, le fait qu'un milicien soit sensibilisé pour
déposer son arme et être intégré soit dans
l'armée républicaine, soit dans la vie civile après avoir
subi une formation en dehors de son milieu habituel, cela crée, dans le
chef de ce milicien, un sentiment de peur d'être dénaturer de son
milieu habituel et de sa famille. Cette situation amène plusieurs
éléments membres des groupes armés à avoir de
résistances à venir déposer leurs armes et continuent
à se cacher dans la forêt pour ne pas quitter son environnement
opérationnel.
En tout cas la création d'un pareil centre permettra
également (au-delà de bon retour à la vie sociale), une
bonne réinsertion sociale des anciens éléments militaires.
C'est vrai qu'il faut tenir aussi compte de l'aspect stigmatisation sociale que
peut subir ces anciens militaires. Mais notons tout de même que nous
proposons des stratégies diamétralement élaborée
pour un bon fonctionnement de ces centres.
L'interdiction drastique de l'exploitation artisanale des
minerais pourrait s'avérer importante dans le processus
d'éradication des groupes armés à Shabunda en ce sens que
les sites d'exploitation de ces minerais constituent le centre
d'intérêt le plus prononcé pour ces groupes armés.
Le secteur minier à l'Est de la RD Congo a une réputation
sanglante. D'une part, l'exploitation des minerais serait, sinon la source, du
moins dans le prolongement des conflits, tandis que des groupes armés y
retireraient d'intérêts qui ne profitent ni au
développement national, ni à l'amélioration des conditions
de vie au niveau local. Depuis le début de la deuxième guerre du
Congo en 1998, cette analyse a amené différentes propositions de
solutions, comme un embargo, des sanctions, de la diligence raisonnable et de
la formalisation. Jusqu'à maintenant, toutes ces solutions se sont
heurtées à des problèmes d'implémentation.
Le philosophe Baruch Spinoza (1632-1677), affirme que la paix
n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un état d'esprit, une
volonté de bienveillance, de confiance, de justice. Un document de la
MONUSCO sur la justice note que la loi portant amnisties en République
Démocratique du Congo aurait pour objectif de réaliser la
réconciliationnationale dans le but d'achever une paix durable. Mais
parfois la question de l'amnistie pourrait revêtir pour les communs de
mortel, le sens d'une sorte d'impunité pour les gens qui ont
perpétré des crimes de droits humains pendant des périodes
de guerre. Nous par ailleurs ne pensons pas ainsi. En revanche nous pensons que
l'emprisonnement des éléments issus des groupes armés
après leur démobilisation ou réinsertion s'avère
d'avantage cultiver un sentiment de peur et de résistance dans le chef
de ces éléments armés.
Nous comprenons en effet que la loi sur l'amnistie ne vient
pas favoriser l'impunité. Elle vise en revanche le bien-être de
procédure de paix et de démobilisation et réinsertion des
éléments militaires. Mais cela, tout en tenant compte des
principes légaux du droit national et international comme
susmentionné.
Puisque la plupart de temps, l'enrôlement des
éléments dans les groupes armés est motivé par un
désir de s'enrichir, et aussi parce qu'il ne suffit pas seulement de
démobiliser ou de réinsérer la personne sans savoir les
conséquences sourdes qui résulteraient de la non
récupération de son arme, la politique dite ici
« d'arme contre argent » pourrait susciter de
l'intérêt et de l'attention aux éléments des groupes
armés, et par conséquent une garantie d'un succès pour le
centre chargé de démobilisation et de la réinsertion
sociale et économique. Car il n'est pas important de pouvoir
démobiliser un individu qui a vécu pendant plusieurs
d'années avec son arme mais qui la laisse cacher intentionnellement dans
la brousse.
Nous pensons, à ce sujet, que si dans le Territoire de
Shabunda on peut arriver à l'applicabilité de ces facteurs
précités, la population arrivera à connaître
l'amélioration de ses conditions de vie sociale et économique.
Ainsi, une nouvelle orientation s'impose pour continuer cette
étude considérant qu'il n'y a pas de paix sans
développement, par ricochet sans amélioration des conditions
socioéconomiques de la population et il n'y a pas non plus de
développement sans la paix : faut-il éradiquer les groupes
armés pour développer ce territoire ou le développer pour
éradiquer les groupes armés ?
Nos investigations restent ouvertes à toute critique,
car il est difficile de définir définitivement l'objet d'une
science, il change avec l'évolution d'une société ou selon
le contexte dans lequel on se retrouve.
BIBLIOGRAPHIE
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épistémologie de la recherche scientifique, Kinshasa, PUK,
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Congo, Paris, l'Harmattan, 2009.
23. TSHIMPANGA MATALA KABANGU, et GONZALEZ, F., La
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démocratie et le développement dans la Région des Grands
Lacs, Madrid, Los éditions, 2004.
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groupes armés dans l'Est du Congo. Trancher le noeud gordien de
l'insécurité, Londres, Institut de la Vallée du
Rift/Projet USALAMA, 2014.
25. VERWEIJEN, J., et IGUMA WAKENGE, C., Comprendre la
prolifération des groupes armés dans l'Est du Congo,
Nairobi, Institut de la vallée du rift, 2015.
26. VERWEIJEN, J., Une instabilité stable. Ententes
politiques et groupes armés au Congo, Valley Institute | projet
usalama, Londres, 2016
27. WHITFIED, T., Pratique de la médiation. Entrer
en contact avec les groupes armés. Défis et options pour les
médiateurs. Centre pour le Dialogue Humanitaire (hd centre),
2012.
28. WILLAME, J.C., Conflits et guerres au Kivu et dans la
région des Grands Lacs, Paris, Ed. l'Harmattan, 1999.
II. ARTICLES
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fondement d'un développement durable », In Echos de la
MONUSCO, Volume VIII, N°61, Septembre 2016
2. Comité de Solidarité/Trois-Rivières,
« Comprendre pour agir : Pour une culture de la paix » ,
In-Terre-Actif, Québec, 2015.
3. De SAINT MOULIN, L., « La perception des conflits
et leur solution à Lemba Sud dans la ville de Kinshasa »,
In Congo-Africa, n°421, Kinshasa - Gombe, Janvier 2008
4. MEHDI BELAID, « La paix au service de la
guerre » à l'Est de la République Démocratique
du Congo : réflexions sur les mécanismes de reproduction de
la conflictualité », in Institut de recherche
stratégique de l'école militaire (IRSEM), n°21,
Décembre 2012.
5. MEHDI BELAID, « Les mobilisations armées
à l'Est de la République Démocratique du Congo :
Dynamiques sociales d'une pratique ordinaire », in Cairn.
Info, Presses de sciences Po/Critique internationale, n°82, 2019.
6. MEHDI BELAID, « Prendre les armes en
République Démocratique du Congo, de la réalité
d'un engagement à sa légitimation », in Institut de
recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM),
n°22, Décembre 2012.
7. SANCHEZ J-L., « Pouvoirs locaux :
vers une nouvelle réponse sociale », in Les Cahiers de
l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale, s.n, Paris - Octobre
1997.
8. STEWART F., Les inégalités
horizontales : Des obstacles au pluralisme, In Centre mondial du
Pluralisme, Université d'Oxford, s.n., Mars 2017.
III. MEMOIRES DE DEA et THESE
1. KAGANDA MULUME-ODERHWA, Mouvement Maï-Maï et
participation politique au Sud-Kivu. Contribution à la critique de la
sociologie de la paix en société post-conflit, Thèse
de doctorat, UOB, FSSPA, Inédit, 2012-2013.
2. MUMBALA ABELUNGU J., Le droit international humanitaire
et la protection des enfants en situation de conflits armés. (Etude de
cas de la République Démocratique du Congo), Thèse de
doctorat, Université de Gand, 2016 - 2017.
3. MPANGE KIHASULA., la prise de décision
administrative et l'éradication des marchés flottants à
Lubumbashi, mémoire de D.E.A en S.P.A, UNILU, 2007-2008
4. NDABEREYE NZITA, P., Les conditions d'une Paix durable
dans les pays des Grands Lacs Africains face aux impératifs du
développement de la région, Mémoire de D.E.A., UNILU,
Lubumbashi, 2005-2006
IV. WEBOGRAPHIE
1. SARY NGOY, B., « La relecture géopolitique
de la crise à l'Est du Congo en marge de la Conférence
régionale sur la paix », Institut congolais des relations
internationales, in
www.congodiplomatica.com.
2. Haspeslagh, S., et Zahbia Yousuf, « Dialogue
local avec les groupes armés, Au milieu de la
violence », dans Conciliation Ressources,
Londres, 2015,
www.c-r.org.
3. Consortium en développement social de la Maurice, in
www.consortium-mauricie.or.
4. Le développement économique, in
htt//e-classeroom.over-blog.com/le-developpement-economique.html.
5. MERCIER, L., « La pauvreté :
Phénomène complexe et multidimensionnel », Service
social, 44(3), 7-27. Htpps : doi.org/10.7202/70.
6. MARTIN, B., "Quelles « mesures » pour quantifier
la pauvreté ? Les indicateurs produits par les organisations
internationales", CERISCOPE Pauvreté, 2012, [en ligne],
http://ceriscope.sciencespo.fr/pauvrete/content/part1/quelles-mesures-pour
quantifier-la-pauvreté.
7. Consortium en développement social de la Maurice, in
www.consortium-mauricie.or.
8. Le développement économique, in
http://e-classeroom.overblog.com/le-developpement-economique
consulté mercredi.
9. DE VILIERS, G., « La guerre dans les
évolutions du Congo - Kinshasa »,
htps://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2005-3page-47.htm.
10.
http://www.grip.org/fr/siteweb/images/NOTESANALYSE/2011/NA/2012
01-21FRM-LUNTUMBWE.pdf
11. BERTHELEMY, J-C., et THUILLIEZ, J., santé et
développement : une causalité circulaire, In
cairn.info, Revue d'économie du développement, Vol 21, 2013.
www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2013-2-page-119.htm.
12. « Les groupes armés et la position
géopolitique de la République Démocratique du Congo dans
la Région des Grands Lacs »,
www.mémoireonline.com.
13. POURTIER, R., « Le Kivu dans la guerre :
acteur et enjeux »,in EchoGéo
URL :
http://journals.openedition.org/echogeo/10793
www.lecarnetdecoletteBraeckman.blog.lesoir.be.
14.
www.banquemondiale.org/fr/results/2013/04/14/soocial-development-results-profile.
15.
www.banquemondiale.org/fr/results/2013/04/14/soocial-development-results-profile.
16.
www.un.org/fr/millenniumgoals/juin 2013.
17.
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=21031&Cr=RDC&Cr1=Doss.
18.
https://www.un.org/fr/sc/repertoire/2000-2003/00-03_5_French.pdf
V. AUTRES DOCUMENTS
1. Annexe « A ». Modalités de mise en oeuvre
de l'Accord cessez-le-feu en République Démocratique du Congo,
article 8.8.2, alinéas a & e, Lusaka, 10 juillet 1999.
2. Dialogue local avec les groupes armés. Au milieu de
la violence, publié par CONCILIATION RESSOURCES
3. DSRP-Territoire de Shabunda, 2004
4. Promouvoir la paix dans le monde, vocation de l'Europe
contribution des évêques de la Commission des Episcopats de la
Communauté Européenne (COMECE) en vue de la future
stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de
sécurité, Bruxelles, Avril 2016
5. Promouvoir la paix dans le monde, vocation de l'Europe,
contribution des évêques de la Commission des Episcopats de la
Communauté Européenne (COMECE) en vue de la future
stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de
sécurité, Bruxelles, Avril 2016
6. Rapport de Global Witnes, LA RIVIERE D'OR. Comment l'Etat
s'est retrouvé perdant lors de la ruée vers l'or dans l'Est du
Congo tandis que des groupes armés, un société
minière étrangère et les autorités provinciales ont
empoché des millions., publié en Juillet 2016
7. Rapport du Bureau de la Coordination des Affaires
Humanitaires de l'ONU, 2010.
8. Rapport du Secrétaire général sur la
Mission de l'Organisation des Nations unies en République
démocratique duCongo, 17 janvier 2000, S/2000/30.
9. Rapport mondial sur l'éducation pour tous,
l'éducation dans les conflits armés : La spirale
meurtrière., 2011
10. Rapport n°213 des experts des Nations Unies du 12
avril 2001
11. Résolution 1332 du Conseil de
sécurité de l'Organisation des Nations unies du 14
décembre 2000, s/REs/1332 (2000).
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
I
REMERCIEMENTS
II
LISTE DES ABREVIATIONS
VII
INTRODUCTION GENERALE
1
1. Présentation de l'objet
d'étude
1
2. INTERET DU SUJET
5
3. ETAT DE LA QUESTION
7
4. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE TRAVAIL
24
4.1. Problématique
24
4.2. Hypothèses du travail
26
5. PRESENTATION DE LA THEORIE EXPLICATIVE DE
REFERENCE
27
6. METHODE
32
7. TECHNIQUES
33
8. DELIMITATION DU SUJET
35
9. PLAN DESCRIPTIF DU TRAVAIL
35
Chapitre I. CONSIDERATIONS GENERALES
37
Section 1. Définition des concepts
37
1.1. Groupe armé
38
1.2. CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES
45
3.1.1. Facteurs du
sous-développement
53
3.1.2. Les critères du
sous-développement
54
3.2. Notion de la
« paix »
55
3.3. Pauvreté
57
Section 2. PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE
58
2.1. Présentation de la Province du
Sud Kivu
58
2.2. PRESENTATION GEO-HISTORIQUE DU TERRITOIRE DE
SHABUNDA
63
Chapitre II. CONTEXTES ET LES CAUSES DE L'EMERGENCE
DES GROUPES ARMES A L'EST DE LA RD CONGO
79
Section 1. Les contextes et les causes de
l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD Congo.
79
1.1. Les contextes de
l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD
Congo
79
a. Promoteur direct des groupes armés
actifs à l'Est de la RDC
80
b. Les guerres du Congo, matrice de la
mobilisation armée à l'Est de la RDC
82
1.2. Les causes de
l'émergence des groupes armés à l'Est de la RD
Congo.
86
1.2.1. Les causes externes
89
1.2.2. Les causes internes
91
Section 2. Le contexte et les causes
d'émergence des groupes armés à Shabunda
92
2.1. Le contexte d'émergence des
groupes armés à Shabunda
93
2.1.1 Le contexte
d'émergence des groupes armés congolais à
Shabunda
93
2.1.2. Le contexte
d'émergence des groupes armés étrangers
94
2.2. Les causes de l'émergence des
groupes armés à Shabunda
95
3.2. Stratégies d'éradication
des groupes armés à Shabunda par les Pouvoirs publics
118
3.2.1. Désarmement, démobilisation et
réinsertion sociale des enfants-soldats
119
3.2.2. Désarmement,
démobilisation, rapatriement, réinstallation et
réintégration des combattants étrangers (Ddrrr)
119
3.2.3. Désarmement,
démobilisation et réintégration des ex-combattants
congolais (Ddr)
122
3.2.4. Les opérations militaires
lancées par les FARDC contre les groupes armés
124
Chapitre III. LES IMPLICATIONS DES GROUPES ARMES SUR
LES CONDITIONS SOCIOECONOMIQUES DE LA POPULATION DE SHABUNDA
127
Section 1. Les implications négatives des
groupes armés
130
1.1. Groupes armés et exploitation
illégale et pillage des ressources
131
1.2. Groupes armés et déplacement et
pillage des biens de la population
135
1.3. Groupes armés et déstabilisation
des activités économiques et flambée des prix des produits
alimentaires
137
1.4. Groupes armés et recrutement
forcé des enfants et jeunes dans l'armée
140
Section 2. Les conséquences positives des
groupes armés à Shabunda
144
2.1. Groupes armés et autodéfense
locale
145
2.2. Groupes armés et promotion des
originaires de Shabunda dans les hautes fonctions de l'Etat
146
2.1. Groupes armés et promotion des
humanitaires et ONGD
149
2.3.1. ONG et éducation à
Shabunda
150
2.1.2. ONG et santé
à Shabunda
153
2.1.3. ONG et formation
professionnelle à Shabunda
155
CONCLUSION GENERALE
157
BIBLIOGRAPHIE
166
TABLE DES MATIERES
173
* 1 MUMBALA ABELUNGU J., Le
droit international humanitaire et la protection des enfants ensituation de
conflits armés. (Etude de cas de la République
Démocratique du Congo), Université de Gand, 2016 - 2017,
p.II
* 2 Entretien avec
l'ex-président de la société civile du Sud-Kivu, Monsieur
Descartes MPONGE MALASI, aujourd'hui expert des Nations Unies aux Droits de
l'homme, le 03/04/2019 à 18h20'
* 3 REGEHR, E., cité par
LUNTUMBUE, M., Comprendre la dynamique des conflits. Une lecture
synthétique des facteurs de conflits en Afrique de l'Ouest, note
d'analyse du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la
sécurité (GRIP), Bruxelles, 14 Janvier 2014, p.4
* 4 SHOMBA KINYAMBA., S.,
Méthodologie et épistémologie de la recherche
scientifique, Kinshasa, Ed. Presse Universitaire de Kinshasa, 2012, p.
37
* 5 QUIVY, R., et VAN
CAMPENHOUDT, L., Méthodes de recherche en Sciences Sociales,
Paris, Ed. Dunod, 2006, p.122
* 6 De SAINT MOULIN, L.,
« La perception des conflits et leur solution à Lemba Sud dans
la ville de Kinshasa », In Congo-Africa, n°421,
Kinshasa - Gombe, Janvier 2008, pp. 106 - 117
* 7 SOLVIT, S., RDC :
REVE OU ILLUSION. Conflits et ressources naturelles en République
démocratique du Congo, Paris, L'Harmattan, 2012, p.2
* 8 WILLAME, J.C., Conflits
et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs, Paris, Ed.
l'Harmattan, 1999
* 9 NDABEREYE NZITA, P., Les
conditions d'une Paix durable dans les pays des Grands Lacs Africains face aux
impératifs du développement de la région,
Mémoire de D.E.A., UNILU, Lubumbashi, 2005-2006
* 10 VERWEIJEN, J. et IGUMA
WAKENGE, C., Comprendre la prolifération des groupes armés
dans l'Est du Congo, Nairobi, Institut de la vallée du rift,
2015.
* 11 SARY NGOY, B.,
« La relecture géopolitique de la crise à l'Est du
Congo en marge de la Conférence régionale sur la
paix », Institut congolais des relations internationales, in
www.congodiplomatica.com,
consulté le 22/05/2007
* 12 TSHIMPANGA MATALA
KABANGU., et GONZALEZ F., La conférence Internationale sur la paix,
la sécurité, la démocratie et le développement dans
la Région des Grands Lacs, Madrid, Los éditions, 2004.
* 13REZSOHAZY cité
par MPANGE KIHASULA, la prise de décision administrative et
l'éradication des marchés flottants à Lubumbashi,
mémoire de D.E.A en S.P.A, UNILU, 2007-2008, p. 43.
* 14ROCHER, G.,
Introduction à la sociologie générale., T2,
l'organisation sociale, Paris, Ed. HMH, 1968, p.169
* 15Idem
* 16ROCHER, G., Op. cit,
p.169
* 17 VOYE, L., Sociologie.
Construction d'un monde, construction d'une discipline, Bruxelles, Ed. De
Boeck Université, 1998, p.171.
* 18MERTON, R.,
K.,Eléments de méthode sociologique, Paris,Ed. Plon,
1953, p. 89
* 19 MERTON K., R., Op.
cit, p. 87
* 20 ROCHER, G.,
Introduction à la sociologie générale, tome III,
Paris, Ed. P.U.F, 1968, p.201.
* 21Idem
* 22 HUGO, P.,
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* 23 ROMME, H.,
Opportunité et contrainte relatives au désarmement et au
rapatriement des groupes armés étrangers en RDC. Cas de FDLR, FNL
et ADF/NALU, Washington, MDRA, 2007, p.4
* 24WHITFIED, T.,
« Pratique de la médiation. Entrer en contact avec les groupes
armés. Défis & options pour les
médiateurs », Centre pour le Dialogue Humanitaire (hd
centre), 2012, p. 17
* 25 STEARNS, J., et
alii, Armée nationale et groupes armés dans l'Est du
Congo : Trancher le noeud gordien de l'insécurité, RVI
Projet Usalama, 2014, p.14
* 26 International Council on
Human Rights, « les fins et les moyens, agir pour les droits de
l'homme auprès des groupes armés », in ICHR,
juin 2014, p.14.
* 27 STANILAND, P., cité
parHASPESLAGH, S. et ZAHBIA, Y., « Dialogue local avec les groupes
armés. Au milieu de la violence », in Accord Insight
2, Londres, 2015, p. 13
* 28REGEHR, E., cité par
LUNTUMBWE, M., Op. cit, p. 4
* 29 SANCHEZ, J-L.,
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national de l'action sociale), Paris, Octobre 1997, p.7
* 30 Consortium en
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vu le 26/12/2018
* 31 Le développement
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Consulté le Mercredi, 26/12/2018
* 32 DWIGHT, H., et alii,
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* 33 Idem
* 34
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juin 2013, consulté le 11/01/2019
* 35 BERTHELEMY, J-C., et
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causalité circulaire », In cairn.info, Revue
d'économie du développement, Vol 21, 2013, pp. 119-147.
www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2013-2-page-119.htm,
Consulté le 23/11/2019
* 36 GUAN ZHONG, cité
par DWIGHT, H., et alii, Op. cit, p.322
* 37Idem
* 38 GUAN ZHONG, cité
par DWIGHT, H., et alii, Op. cit, p.322
* 39 LERBESTEIN, H.,
cité par AUSTRUY, J., Le scandale du développement,
Paris, Ed. Rivières, 1968, p.p. 92-96
* 40 LACOSTE, Y., Les pays
sous-développés, 7e édition refondue,
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* 41SHOMBA KINYAMBA, S.,
Méthodologie et épistémologie de la recherche
scientifique, Kinshasa, PUK, 2013, p. 212
* 42 COLARD, D., Les
relations internationales, Paris, Ed. Masson, 1987, p.246
* 43Dans L'album
thématique « Comprendre pour agir : Pour une culture de la paix
» produit en 2015 par le Réseau In-Terre-Actif du Comité de
Solidarité/ Trois-Rivières à Québec.
* 44 Promouvoir la paix dans
le monde, vocation de l'Europe contribution des évêques de la
Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE) en
vue de la future stratégie globale de l'UE sur la politique
étrangère et de sécurité, Bruxelles, Avril 2016,
p.43
* 45 AÏSSATOU LABO, T.,
La paix : fondement d'un développement durable, Journée
Internationale de la Paix, In Echos de la MONUSCO, Volume VIII,
N°61, Septembre 2016, p.3.
* 46 MERCIER, L.,
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multidimensionnel », Service social, 44(3), 7-27. Htpps :
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* 47BENOIS M.,"Quelles «
mesures » pour quantifier la pauvreté ? Les indicateurs produits
par les organisations internationales", CERISCOPE
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* 48 Ordonnance 43/Aimo du 15
Mars 1935
* 49 Ordonnance 43/Aimo du 15
Mars 1935
* 50 DSRP-Territoire de
Shabunda, 2004, p. 26
* 51Bureau de
l'État-civil du territoire de Shabunda, rapport annuel 2016.
* 52 Idem
* 53WILLAME,J-C.,
Banyarwanda et Banyamulenge. Violences ethniques et Gestion de l'identitaire au
Kivu, Paris, L'Harmattan, 1997, p. 64.
* 54VLASSENROOT, K.,
Violence et constitution de milices dans l'Est du Congo : le Cas des
Maï-Maï, Paris, L'Harmattan, 2002, p. 115
* 55Padiri devint le leader
du plus grand groupe Maï-Maï de Bunyakiri et se retrouva à la
tête d'un organisme de coordination des Maï-Maï au Sud-Kivu.
Bigembe fut le leader d'un groupe armé Hutu au Sud-Masisi où il
était chef du secteur de Katoyi. Akilimali était un Nyanga
Maï-Maï, il a rejoint Padiri et est aujourd'hui colonel dans
l'armée. Robert Seninga était en 1993 l'un des plus importants
commandants Hutus. Député provincial, il participe à la
politique des milices.
* 56PRUNIER, G., Guerre
mondiale africaine : Congo, Génocide rwandais et la catastrophe
continentale, Oxford, Presse universitaire d'Oxford, 2009, pp. 24-29
* 57Le CNDD-FDD était
un mouvement politico-militaire dominé par les Hutu et dirigé par
Léonard Nyangoma. Peu après sa création en 1994, son aile
armée passa dans les territoires d'Uvira et de Fizi au Sud-Kivu, un
mouvement actuellement au pouvoir au Burundi.
* 58VLASSENROOT, K., Op.
cit, p. 33
* 59VLASSENROOT, K., Op.
cit, p. 33
* 60VERWEIJEN, J., Une
instabilité stable Ententes politiques et groupes armés au
Congo, Londres, Valley Institute | projet usalama, 2016, pp. 8-9
* 61Idem
* 62
https://www.un.org/fr/sc/repertoire/2000-2003/00-03_5_French.pdf,
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* 63 Résolution 1457du
Conseil de sécurité des Nations Unies
* 64 MUTOMBO MUKENDI, F.,
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* 65 HUGO,J-F., La
RDC : Une guerre inconnue, Paris, Ed. MICHALON, 2006, pp. 36-37
* 66KAGANDA MULUME-ODERHWA,
Mouvement Maï-Maï et participation politique au Sud-Kivu.
Contribution à la critique de la sociologie de la paix en
société post-conflit, Thèse de doctorat, UOB, FSSPA,
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* 67 MBEMBE, A., Sortir de
la grande nuit. Essai sur l'Afrique décolonisée, Paris, La
Découverte, 2010, p.194
* 68 FOREST, D., Op.
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* 69POURTIER, R., « Le
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le Vif, mis en ligne le 21 janvier 2009, consulté le 30 avril 2019.
URL : http://journals.openedition.org/
* 70ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/348/Add.1, Additif au rapport
d'étape du Groupe d'experts sur la République démocratique
du Congo, 27 juin 2012, pp. 11-12.
* 71ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 19-27.
* 72ONU, Conseil de
sécurité des Nations Unies, S/2013/433, Rapport de mi-mandat du
Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 19
juillet 2013, pp. 13-15.
* 73
http://blog.lesoir.be/colette-braeckman?s=fdlr,
consulté le 4/07/2017
* 74BERGHEZAN, G.,
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Kivu », in GRIP, n°11, 2013, p.18
* 75Rapport du GRIP Georges
BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand
Kivu au 2ème semestre 2013, p. 20.
* 76Rapport du GRIP Georges
BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand
Kivu au 2ème semestre 2013, p. 20.
* 77Résolution 1291
(2000) du Conseil de sécurité, 24 février 2000,
S/RES/1291 (2000).
* 78Rapport du
Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des
Nations unies en République démocratique
du Congo, 17 janvier 2000, S/2000/30.
* 79Résolution 1332
(2000) du Conseil de sécurité, 14 décembre 2000,
S/RES/1332 (2000).
* 80CARAMÉS, A. et SANZ,
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Reintegration (DDR) programmes in the World during 2007,
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* 81Résolution 1592
(2005) du Conseil de sécurité, 30 mars 2001, S/RES/1592
(2005).
* 82« RDC : Le chef de la
MONUC rencontre des ex-combattants rwandais », Centre de documentation des
Nations unies, 19 janvier 2010,
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=21031&Cr=RDC&Cr1=Doss,
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* 83Annexe « A ».
Modalités de mise en oeuvre de l'Accord cessez-le-feu en
République démocratique du Congo, article 8.8.2,
alinéas a & e, Lusaka, 10 juillet 1999.
* 84VERWEIJEN, J., et IGUMA
WAKENGE, C., Op. cit, p. 3
* 85VERWEIJEN, J., et IGUMA
WAKENGE, C., Op. cit, p. 3
* 86VLASSENROOT, K. et
RAEYMAEKERS, T. cité par STEARNS, J., VERWEIJEN, J., et BAAZ, M.,E.,
Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo.
Trancher le noeud gordien de l'insécurité, Londres, Institut
de la Vallée du Rift/Projet USALAMA, 2013, p. 24
* 87VLASSENROOT, K.,et
RAEYMAEKERS, T., cité par STEARNS, J., VERWEIJEN, J., et BAAZ, M.E.,
Op. cit, p. 27
* 88VERWEIJEN, J.,
op.cit, p.23
* 89 LUTUMBWE Michel,
Comprendre la dynamique des conflits. Une lecture synthétique des
facteurs de conflits en Afrique de l'Ouest. Note d'Analyse du GRIP, 14
Janvier 2014, Bruxelles, http//www.grip.org/fr/node/1176, consulté le
27/05/2020
* 90 NDABEREYE NZITA, P.,
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* 91 Rapport de Global witnes,
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ruée vers l'or dans l'Est du Congo tandis que des groupes armés,
un société minière étrangère et les
autorités provinciales ont empoché des millions, publié en
Juillet 2016, p.8
* 92 Rapport de Global witnes,
op.cit, p.15
* 93 Rapport du Bureau de la
Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU, 2010, p.8
* 94 Entretien
téléphonique avec Kabongi Ramazani depuis la cité de
Kigulube, en date du 22/04/2018
* 95SOLVIT, S.,RDC :
REVE OU ILLUSION ? Conflits et ressources naturelles en République
Démocratique du Congo, Paris, l'Harmattan, 2009, p.15
* 96 FOREST, D. Causes et
motivations de la guerre civile au Libéria (1989 - 1997), Institut
québécois des hautes études internationales,
Université Laval, le 13/Avril/2004, p.9
* 97HASPESLAGH, S., et
ZAHBIA,Y., « Dialogue local avec les groupes armés, Au milieu
de la violence », dans Conciliation
Ressources, Londres, 2015,
www.c-r.org.
Consulté le 25/05/2018
* 98 STEWART, F.,
« Les inégalités horizontales : Des obstacles au
pluralisme », In Centre mondial du Pluralisme,
Université d'Oxford, Mars 2017, p.1
* 99Idem
* 100 STEWART Frances, Op.
cit, p. 2
* 101 DWIGTH, H., et alii,
op. cit, p. 363
* 102 Rapport mondial sur
l'éducation pour tous, L'éducation dans les conflits
armés : La spirale meurtrière, 2011, p.34
* 103 Dans le monde
humanitaire, le concept cluster signifie répartition des ONG selon leur
domaine d'intervention.
* 104Rapport mondial sur
l'éducation pour tous, L'éducation dans les conflits
armés : La spirale meurtrière, 2011, p.34
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