Christianisation et résilience des cultes du terroir à Vo-Koutimé en pays Ouatchi (XXè-XXIè siècle)par Edoh Emmanuel BODJRO Université de Lomé - Master 2020 |
République Togolaise Ministère de l'Enseignement Travail-Liberté-Patrie Supérieur et de la Recherche FACULTÉ DES SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA SOCIÉTÉ (FSHS) DÉPARTEMENT D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE 2018-2020 Mémoire N° ../ CHRISTIANISATION ET RÉSILIENCE DES CULTES DU TERROIR A VO-KOUTIMÉ EN PAYS OUATCHI (XXE-XXIE SIÈCLE) Pour l'obtention du Master en : Domaine : Science de l'Homme et de la Société Mention : Histoire Spécialité : Histoire et civilisation des peuples africains des origines à la conquête coloniale Présenté par : Édoh Emmanuel BODJRO Soutenu publiquement, Le 28/12/2020 Composition du Jury de soutenance Président du jury : Komla ÉTOU, Professeur Titulaire Examinateur/juge : Dola Angèle AGUIGAH, Maître de Conférences Directeur de mémoire : Azontowou SÉNOU, Maître de Conférences Co-directeur de mémoire : Banabia LONGA, Maître Assistant À i Mes parents Komlan BODJRO et Dawoedé KONDO. ii REMERCIEMENTS Au terme de ce travail, nous tenons à témoigner notre profonde gratitude à notre Directeur de mémoire M. Azontowou Sénou, Maître de Conférences et à notre codirecteur M. Banabia Longa, Maître Assistant, tous au département d'Histoire, pour leur contribution et apport dans la réalisation de ce travail en dépit de leurs emplois du temps surchargés. Nous leur disons un sincère merci. Nous remercions du fond du coeur le Professeur Komla Étou, ex-chef du département d'Histoire et d'Archéologie, pour ses conseils et encouragements. Notre gratitude va également à l'endroit de tous les enseignants du département d'Histoire et d'Archéologie pour leurs apports dans notre formation. Aux docteurs et doctorants du département d'Histoire et d'Archéologie qui nous ont, d'une manière ou d'une autre, aidés tout au long de notre cursus. Un sincère merci à tous nos camarades de promotion, pour la qualité des relations que nous avons entretenues. Nous témoignons notre gratitude à tous les informateurs, en l'occurrence le Chef Zouméké Akakpo II, M. André Tonou, au prêtre Ziowu Fovi Agbégnigan, au président de l'association de prêtres vodou Zikpui Ayondo, au curé et au vicaire de la paroisse Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé, à tous les adeptes du culte vodou ainsi qu'aux fidèles chrétiens de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé. Un bienfait n'est jamais perdu ! Nous remercions M. Sodéglan Réné Folly, Directeur Général de l'entreprise FAFAGNO, spécialisé dans la vente des produits surgelés et congelés, pour son soutien financier salutaire tout au long de notre formation. iii SOMMAIRE DÉDICACE i REMERCIEMENTS ii SOMMAIRE iii INTRODUCTION GÉNÉRALE 1 Première partie : MISE EN PLACE ET PANTHÉON DES OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ À L'ORÉE DE L'IMPLANTATION DES MISSIONS CHRETIÉNNES EN 1914 13 Chapitre 1 : LA MISE EN PLACE DES OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ 15 Chapitre 2 : ÉTAT DES LIEUX DE L'UNIVERS SOCIORELIGIEUX DES OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ AVANT 1914 25 Deuxième partie : IMPLANTATION ET EXPANSION DU CHRISTIANISME A VO- KOUTIMÉ DU XXE AU XXIE SIÈCLE 36 Chapitre 3 : IMPLANTATION DU CHRISTIANISME À VO-KOUTIMÉ AU XXE SIÈCLE 38 Chapitre 4 : EXPANSION DU CHRISTIANISME À VO-KOUTIMÉ DÈS 1971 45 Troisième partie : RÉSILIENCE DU CULTE VODOU DES OUATCHI DE VO- KOUTIMÉ DU XX AU XXIE SIÈCLE 53 Chapitre 5 : DYNAMISME DU CULTE VODOU À VO-KOUTIMÉ : LE CAS DU VODOUKONOUGAN 55 Chapitre 6 : LES CHRÉTIENS DE VO-KOUTIMÉ FACE AUX CULTES VODOU : LE SYNCRÉTISME 65 CONCLUSION GÉNÉRALE 73 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 78 ANNEXES 84 TABLE DES ILLUSTRATIONS 86 TABLE DES MATIÈRES 88 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE2 Les sociétés africaines vécurent, au cours de leur histoire, des évènements de nature exogène ayant bouleversé des ordres préétablis au rang desquels figurent les religions importées, notamment l'islam et le christianisme. Au Togo, la diffusion de cette dernière (la religion chrétienne) remonte véritablement vers la fin du XIXe siècle, période au cours de laquelle les missionnaires catholiques de la Société du Verbe Divin (SVD) et de Brême s'implantèrent sur le littoral aujourd'hui togolais (S. Edoh, 2017, p, 101). Ceux-ci, après avoir sillonné les localités de la côte à l'instar de Porto-Séguro (Agbodrafo), Petit-Popo (Aného) et soucieux de gagner les âmes à Christ, parvinrent à pénétrer les localités du pays ouatchi, à l'instar de Vo-Koutimé1, notre zone d'étude. Au cours du XVIIIe siècle, les Ouatchi de ladite zone constituèrent, au fur et à mesure que s'affirma leur processus d'implantation, les bases d'une société religieuse en se confiant à leurs divinités. Ainsi, détourner ce peuple de ses pratiques ancestrales devint pour les missionnaires ambitieux une tâche difficile, car les croyances et pratiques religieuses du terroir se sont enracinées dans leur mode de vie. J-B. Sourou (2009, p. 1), fait ce constat en ces termes : La religion traditionnelle africaine exerce encore une forte influence sur les Africains qui sont naturellement religieux [...] si l'on veut répondre à la question : en quoi l'Évangile a-t-il quelque chose de nouveau à dire aux Africains, il est indispensable de connaître et d'apprécier les racines religieuses des peuples de ce continent puisque, selon la sagesse africaine, " c'est en enfonçant ses racines dans la terre nourricière que l'arbre s'élève". C'est cet aspect d'ancrage des cultes du terroir au Togo que nous voulons aborder en choisissant le thème : « Christianisation et résilience des cultes du terroir à Vo-Koutimé en pays ouatchi (XXe-XXIe siècles) ». Le choix de notre sujet répond à deux préoccupations. D'abord, en dépit des études scientifiques menées dans l'aire ajatado d'une part et d'autre part sur les Ouatchi de Vogan, de Hahotoé, d'Akoumapé, de Gboto, etc., traitant des questions de peuplement, de christianisation et des religions endogènes, la problématique de la résilience des cultes du terroir en pays ouatchi en général et à Vo-Koutimé en particulier n'a pas encore fait objet de recherches approfondies. À cet effet, notre travail pourra compléter les travaux antérieurs sur le pays ouatchi, consacrés à la christianisation. Ensuite, le village de Vo-Koutimé connut l'avènement du christianisme dès 1914 avec les missionnaires catholiques qui furent suivis par les missionnaires presbytériens (1967) et les 1 Dans les documents de l'époque allemande, il s'écrivait Wokoutimé. Le « w » en allemand signifie « v » en français. 3 Assemblées de Dieu (1990). Mais la population n'a guère abandonné le culte vodou témoigné par la présence de différents couvents de divinités, de déités érigées soit à l'entrée des maisons, soit sur les places publiques (dulégba) ou à l'intérieur des concessions familiales dont l'ensemble forme le panthéon qui est dynamisé par la cérémonie du Vodoukonougan. Cet univers religieux ainsi décrit suscite des interrogations auxquelles nous ne pourrions répondre que par un travail scientifique bien fourni. Pour la population ouatchi en général et celle de Vo-Koutimé plus précisément, ce travail fera valoir leurs richesses ancestrales. Les bornes chronologiques de cette étude, le XXe et XXIe siècles, ne sont pas fortuites. Cela étant, la première (XXe), correspond à la période d'avènement de la mission catholique au sein de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé en 1914 et la seconde, le XXIe siècle est marqué par autant d'évènements religieux du côté de l'Église Chrétienne que de la religion vodou. Concernant l'Église, elle correspond non seulement à la période durant laquelle l'Église catholique obtient son érection canonique en 2004 sous le nom de la Paroisse Marie Reine de l'Univers, mais aussi l'année 2014 de ce siècle marqua les cent (100) ans de leur présence au sein de la communauté de Vo-Koutimé. Du côté de la mission presbytérienne, arrivée dès 1967, elle célébra en 2017 ses cinquante (50) ans d'existence. Par ailleurs, les prêtres vodou de Vo-Koutimé créèrent en 2010 une association désignée sous le nom de la Spéciale association des féticheurs coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux des féticheurs de Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) et fut reconnue par le Ministre de l'administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales en 2013 (Annexe n° 1). De ce fait, le XXIe siècle constitue une période phare dans l'histoire religieuse de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé. Au terme de la présentation des bornes chronologiques, il importe d'exposer la problématique de notre thème. Les Ouatchi de Vo-Koutimé, migrèrent ensemble avec l'ancêtre fondateur d'Akoumapé en la personne de Togbui Akouma auprès duquel ils auraient résidé pour un temps indéterminé avant de poursuivre leur périple pour atteindre Vogan qui fut leur dernière halte, où ils quittèrent pour élire domicile sur le site aujourd'hui désigné « Vo-Koutimé ». Leur installation en ce lieu, probablement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, s'accompagna de la mise en place d'un ordre religieux où les déités du terroir régissaient le mode de vie quotidienne de la population. Ainsi, avec l'avènement du christianisme en 1914 et nonobstant 4 son avancée, la « Bonne Nouvelle » n'a guère détourné, ni les adeptes vodou ni les néophytes chrétiens du culte vodou. De ce constat, une question se dégage : comment peut-on expliquer alors la résilience des cultes du terroir chez les Ouatchi de Vo-Koutimé en dépit de la christianisation de la zone du XXe au XXIe siècle ? Pour appréhender les contours de cette interrogation, il revient à en déduire d'autres. Nous devons d'ores et déjà signaler que les bornes chronologiques de notre étude ne constituent guère de barrière. Les Ouatchi de Vo-Koutimé feraient partie des migrants Éwé ayant quitté Notsè au XVIIIe siècle en prenant la direction du sud. Une fois sur leur nouveau site, ils auraient mis en place un système religieux dominé par le culte vodou. Nous nous posons donc la question de savoir : comment s'est faite la mise en place des Ouatchi sur le site de Vo-Koutimé et qu'est ce qui caractérise leur univers socioreligieux à l'orée de l'avènement des missions chrétiennes en 1914 ? Les missionnaires, à partir de la côte, pénétrèrent l'hinterland immédiat en atteignant le pays ouatchi dont Vo-Koutimé. Avec un début mitigé, la christianisation connut une évolution considérable au fil des temps. Comment se sont faites l'implantation des missionnaires et l'expansion du christianisme à Vo-Koutimé du XXe au XXIe siècle ? Les missionnaires ayant pour objectif de détourner la communauté ouatchi de Vo-Koutimé du culte vodou, jugé « satanique » à tort ou à raison se seraient heurtés à la ténacité des Ouatchi de Vo-Koutimé à tourner dos à la religion vodou. Qu'est-ce qui caractérise alors cet attachement indéfectible de ladite communauté aux cultes vodou du XXe au XXIe siècle? Outre ce questionnement qui illustre les grands axes de notre mémoire, nous ne pouvons pas mettre sous silence les objectifs de notre thème d'étude. À travers cette étude, nous voulons montrer la persistance du culte vodou traduisant l'affection que témoignent les Ouatchi de Vo-Koutimé envers les croyances ancestrales malgré la diffusion du christianisme (XXe-XXIe siècles). Pour cerner cet objectif d'ordre général, nous voulons, tout d'abord, remonter à l'origine des Ouatchi de Vo-Koutimé et présenter ensuite leur univers religieux avant l'arrivée des missionnaires en 1914. De plus, faire le point sur l'implantation et l'expansion du christianisme à Vo-Koutimé (XXe-XXIe siècles) et enfin, Montrer les faits qui témoignent le dynamisme du culte vodou auprès des Ouatchi de Vo-Koutimé (XXe-XXIe siècles). Toutefois, pour mieux appréhender le sens de notre sujet, les vocables clés qui le composent méritent d'être élucidés. 5 Nous désignons par « christianisation2 » l'action de christianiser, de convertir à la religion chrétienne. Par rapport à notre thématique, ce vocable désigne la conversion des Ouatchi de Vo-Koutimé à la foi chrétienne. Le mot « résilience3 » est la capacité d'un écosystème, d'un individu ou d'un groupe à se rétablir après une perturbation extérieure. À cet effet, dans le sens de notre thème, il souligne l'attachement des Ouatchi de Vo-Koutimé à leur culte vodou malgré les moyens de conversion au christianisme mis en place par les missionnaires. Par ailleurs, le vocable « culte4 » désigne un hommage religieux rendu à une divinité. En d'autre terme, il signifie l'ensemble des pratiques réglées par une religion, pour rendre hommage à la divinité. Dès lors, son emploi dans le cadre de notre travail fait référence aux cérémonies dédiées à tous les vodou du terroir de Vo-Koutimé notamment Ziofu, Yoho, Gbe, Hébiésso, Agboe, Sagbata, Dan, Tron, Légba, Tohossou, Vénavi Togossou, Togbui zikpi5, etc. et plus précisément à la grande cérémonie du Vodoukonougan. La désignation de notre zone d'étude, l'espace « Vo-Koutimé6 », n'est pas anodine. Nous faisons par-là, référence aux populations des quartiers d'Atchandomé, Kpota, Glopé, Mamissi, Soko, Agadi et leurs sous-quartiers dont leur ensemble forme le grand village Vo-Koutimé (cf. carte n°1). Dans le cadre de la rédaction de notre mémoire, nous avons eu à consulter des sources d'ordre écrites à l'instar des thèses, mémoires, quelques ouvrages et des textes d'archives et des sources orales, notamment les traditions des informateurs. Concernant les thèses, celle de N. L. Gayibor, (1985) l'aire culturelle ajatado des origines à la fin du XVIIIe siècle a retenu notre attention. L'auteur nous a présenté le groupe de population éwé dont sont issus les Ouatchi. Ainsi, les informations que contient ce document nous permettent de remonter à l'origine des Ouatchi de Vo-Koutimé au XVIIIe siècle. Cependant, concernant les questions spécifiques au panthéon, à la christianisation, l'auteur a donné une vue générale sur les communautés du sud Togo pouvant nous servir de base pour cette étude de cas. 2 Selon le dictionnaire Petit Robert 2008. 3 Dictionnaire Petit Robert 2008. 4 Dictionnaire Petit Robert 2008. 5 Confère le chapitre II : État des lieux de l'univers socioreligieux des Ouatchi de Vo-Koutimé au début du XXe siècle. 6 Carte n°1. 6 D'autre part, la thèse de doctorat de K. Étou (2006), dont le titre est l'aire culturelle Nyigblin (Togo-Ghana) du XVIIe à la fin du XIXesiècle, a traité l'univers religieux de cette zone. Ainsi, son apport pour notre travail est indéniable. Cette thèse nous permet de savoir comment les cultes du terroir sont ancrés dans le quotidien des populations de cette aire. Ces dernières faisant partie du même groupe de migrants que les Ouatchi de Vo-Koutimé ayant quitté Notsè, nous ne pouvons que nous inspirer de l'approche adoptée dans ce travail. C. J. Alladayé (2003) dans sa thèse intitulée : Christianisation, interférences religieuses et implications politiques dans une société africaine : cas du Dahomey/Bénin (1860-1990), a abordé plusieurs aspects de notre thématique et en particulier la complexité de l'univers religieux. Étant donné que toutes les communautés du bas Togo, Bénin, Nigéria et Ghana ont cette spécificité qu'est le culte vodou, ce travail est digne d'intérêts dans l'étude de la religion endogène des Ouatchi de Vo-Koutimé. N. W. Mayéda (2009), dans sa thèse titrée : Christianisation et mutation socioculturelle du Togo septentrional aux temps coloniaux : 1896-1960, a mis l'accent sur les facteurs ayant conduits à l'implantation et l'expansion du christianisme dans l'hinterland du Togo en dépit des pratiques ancestrales. Cette thèse nous a servi de référence dans nos différentes approches. La thèse de A. Sénou (2010), traitant la question des migrations éwé et occupation du pays ouatchi du XVIIIe siècle à la conquête coloniale, dans laquelle l'auteur a pris soin de présenter les périples de divers groupes ouatchi aboutissant à la création des premières localités dans le pays ouatchi. L'étude de la fondation d'Akoumapé et de Vogan, dans cette thèse nous, a servi de pierre angulaire pour élaborer l'aperçu historique sur la mise en place des ancêtres sur le site du futur pays des Ouatchi de Vo-Koutimé. S. Édoh (2017), dans sa thèse sur les missions chrétiennes et pouvoirs coloniaux en pays bè-togo du XIXe au XXe siècle, a exposé l'univers religieux de sa zone d'étude et analyse l'implantation et les oeuvres des missions chrétiennes au sein d'une communauté réputée dans le culte Nyigblin, tout en montrant la survivance de cette pratique en dépit de la ferveur des missionnaires. Ce travail constitue un document de base sur les questions de résilience du culte vodou chez les Ouatchi de Vo-Koutimé. La thèse de K. Hato (2019) sur l'histoire, société et reconstruction identitaire chez les Ouatchi du Togo et du Bénin du XVIIIe au XXe siècle nous renseigne sur la question de l'ancrage des cultes du terroir dans les communautés ouatchi. Ainsi, elle occupe donc une place de choix dans notre thématique. 7 Si ces thèses ont plus traité des questions de peuplement et du panthéon, celle de E. D. Trimua (1979), intitulée l'Église évangélique au Togo de 1914 à 1940, nous a fourni des informations crédibles relatives à l'avènement de l'église presbytérienne dans les communautés ouatchi y compris Vo-Koutimé.
8 Par ailleurs, le même auteur (1982) a posé sa plume sur la thématique des naissances humaines ou divines, un ouvrage qui nous a livré des informations importantes afin de comprendre les circonstances et le sens de certains noms théophores qui sont courants dans le panthéon vodou des Ouatchi de Vo-Koutimé. C. Rivière (1979), dans son opuscule intitulé : Anthropologie religieuse des Evé du Togo, l'auteur a détaillé les composantes de l'univers cultuel de l'ensemble de ladite communauté dont les Ouatchi de Vo-Koutimé en font partie. Dans notre étude sur le panthéon, ce document nous a permis d'adopter une classification, bien sûr personnelle, des différents vodou qui s'y trouvent. A. de Surgy (2011) avec son ouvrage titré : le système religieux des Evhé nous a permis, dans l'étude de notre deuxième chapitre sur le panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé de trouver la fonction et le sens de quelques vodou de notre zone d'étude. En dehors de ces sources écrites, nous avons accordé une priorité aux documents d'archives publiques et privées. Nous avons effectué ces consultations à Lomé, Vogan et Vo-Koutimé. Il faut rappeler que toutes ces recherches menées à Lomé sont consacrées aux missions chrétiennes. À Lomé, nos recherches documentaires des archives se sont effectuées, dans la maison des missionnaires Comboniens à Cacavéli, à la maison régionale des Sociétés du verbe divin (SVD) sise à Hédzranawoé, et au Bloc synodal de l'Église presbytérienne au Grand Marché (Lomé). Chez les Comboniens, nous avons pu trouver des documents7 qui nous ont permis de retracer l'histoire des missionnaires Comboniens sur la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan et à Vo-Koutimé et quelques informations fragmentaires sur l'arrivée du Pape Jean Paul II à Togoville en août 1985. D'autre part, à la maison régionale des SVD, nous avons eu accès à quelques notes laissées par les missionnaires, les pionniers dans la christianisation des localités de l'hinterland immédiat de la côte du futur Togo à l'instar de Bè, Togoville, Vogan, et ses périphériques. Au Bloc synodal de l'Église presbytérienne, nous avons eu accès aux registres des synodes et plus spécifiquement ceux couvrant la période de 1967 à 1979, dans lesquels nous avons trouvé les différents bilans de la commission chargée pour la christianisation du pays ouatchi. 7 A titre d'illustration : Témoins de l'évangile : la présence des Missionnaires Comboniens au Togo-Ghana-Bénin, les gens vous attendent : Missionnaires Comboniens au Togo et leur Cent-cinquantenaire (1867-2017). 9 Ils ont été pour nous des valeurs non négligeables pour la reconstitution de l'historique de l'église presbytérienne à Vo-Koutimé. Les recherches documentaires que nous avions menées à Vogan, précisément aux dépôts d'archives du Diocèse d'Aného et sur la Paroisse Saint Ferdinand, nous ont permis d'avoir accès à de bribes informations, pourtant précieuses, pour la reconstitution de l'histoire de la christianisation des missions catholiques à Vogan et Vo-Koutimé. En pays ouatchi de Vo-Koutimé, notre zone de recherche, les recherches documentaires ont été faites en deux volets. Une partie est consacrée à la religion vodou où nous avons consulté les archives privées du chef Akoété Zouméke Akakpo, de André Tonou8 et du président de la Spéciale association des féticheurs coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux des féticheurs de Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) en la personne de Hun? Zikpui Ayondo. Grâce à ces archives, nous avions trouvé quelques images ou photos de la cérémonie du Vodoukonougan pour l'illustration de notre cinquième chapitre. L'autre partie, sur les recherches traitant les questions des missions chrétiennes, les registres de baptêmes, de communions, de confirmations et de mariages de la mission catholique nous ont permis d'analyser l'évolution du catholicisme et de nous rendre compte de la sauvegarde des noms théophores (Vodou). En outre, nous avions trouvé leur quarantenaire et quelques notes retraçant, à leur manière, l'histoire de la mission. Convaincu de l'importance des traditions orales dans les démarches scientifiques en histoire, nous avions, en dehors de ces sources, fait un travail de recueil d'informations pendant une durée de quatre mois auprès des personnes avisées notamment les autorités politiques, les prêtres vodou, les chefs de familles, responsables des différentes églises, les adeptes vodou, les fidèles chrétiens, etc. dans les localités de Atchandomé, Mamissi, Soko, Kpota, Glopé, Agadi, Vogan, et Lomé, reposant sur l'origine des ancêtres fondateurs du pays ouatchi de Vo-Koutimé ; les pratiques cultuelles, notamment la cérémonie du Vodoukonougan et des informations relatives aux missions de christianisation et la résilience du culte vodou, etc. À toutes ces sources écrites comme orales, nous avions appliqué une méthodologie appropriée. 8 Président du comité cultuel de Vo-Koutimé. 10 Aux documents écrits, nous avions préféré la méthode quantitative qui nous a permis de regrouper les divers documents ayant trait à un des sous-thèmes de notre thématique afin de confronter les diverses informations véhiculées et pour en donner enfin une crédibilité. Toutefois, les informations recueillies sur le terrain nous permettrons de confirmer ou d'infirmer par moment ces écrits. Concernant le traitement des traditions orales, nous avons adopté une méthodologie particulière. Nous avons effectué un pré enquête sur le terrain afin de déterminer les informateurs potentiels sur la thématique de notre travail. Au cours du travail proprement dit, après les entretiens de groupes nous avons par habileté ciblé des informateurs avec qui nous avons eu des rencontres privées pour plus de précision sur quelques aspects. Toutes les informations recueillies soit en groupe ou en entretien privé ont fait objet de confrontation pour vérifier leur degré de véracité. Aucune recherche scientifique n'est épargnée de difficultés, toutefois nous avions pu les surmonter. La particularité de cette année (2020) avec la pandémie de Corona virus disease (COVID-19) a été notre difficulté majeure. En effet, les mesures prises par les autorités afin d'endiguer la propagation particulière de cette pandémie, spécifiquement le bouclage des villes, l'interdiction des rassemblements, etc. ont affecté nos recherches. Les recherches documentaires prévues dans quelques centres à Lomé se sont heurtées au refus des responsables des institutions surtout privées. Par ailleurs, les informateurs, par crainte d'être contaminés, ont soit annulé des rencontres ou reporté à des dates ultérieures. Aussi, la grande cérémonie du Vodoukonougan, qui fait objet d'un sous-thème de notre travail, a été reportée pour les trois ans à venir par les autorités cultuelles. Ainsi, pour répondre aux questions sur cette cérémonie, nous nous sommes contentés des photos et des sources orales. Par ailleurs, les Ouatchi de Vo-Koutimé, population majoritairement d'agriculteurs, étaient pris dans leurs travaux au point que certains rendez-vous ont été reportés. En dehors de cette difficulté, nous avions déploré la rareté des documents sur la paroisse de l'église catholique de Vo-Koutimé et surtout sur la mission presbytérienne. Mais nous les avions comblées par les traditions orales. 11 Notre travail répond se présente à trois parties dont chacune comporte deux chapitres. La première partie intitulée : mise en place et le panthéon des ouatchi de Vo-Koutime à l'orée de l'implantation des missions chrétiennes en 1914, est structurée en deux chapitres que voici : La mise en place des Ouatchi de Vo-Koutimé ; Etat des lieux de l'univers socioreligieux des Ouatchi de Vo-Koutimé avant 1914. La deuxième partie est l'implantation et expansion du christianisme à Vo-Koutime du XXe au XXIe siècle, composé des chapitres comme, Implantation du christianisme à Vo-Koutimé au début du XXe siècle ; Expansion du christianisme à Vo-Koutimé dès 1971. Enfin la troisième partie qui s'articule autour de la résilience du culte vodou à Vo-Koutime du XXe au XXIe siècle, se subdivise en deux chapitres dont : Dynamisme du culte Vodou à Vo-Koutimé : le cas du Vodoukonougan ; Les chrétiens de Vo-Koutimé face aux cultes Vodou : le syncrétisme. Carte n°1 : L'espace ouatchi de Vo-Koutimé 12 Source : E. E. Bodjro, 2020 13 Première partie : MISE EN PLACE ET PANTHÉON DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ 1914 14 Le peuple ouatchi de Vo-Koutimé, au cours de l'exode de Notsè, ferait partie du groupe de migrants éwé ayant pris la direction de sud vers la mer. Une fois sur leur site actuel, après plusieurs pérégrinations, la communauté ouatchi de Vo-Koutimé mettait en place une organisation religieuse marquée par le culte vodou. Ainsi, remonter aux origines de ce groupe de population, à l'entame de notre étude, et présenter son univers religieux constituent les deux volets de cette partie. Pour y parvenir, deux interrogations se dégagent : comment s'est constitué l'espace ouatchi de Vo-Koutimé ? Qu'est-ce qui caractérise la religion du terroir ? Ainsi, nous allons, dans le premier chapitre, parler de la mise place des ouatchi de Vo-Koutimé et dans le second chapitre, aborder leur univers socioreligieux. 15 |
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