République Togolaise Ministère de l'Enseignement
Travail-Liberté-Patrie Supérieur et de la
Recherche
FACULTÉ DES SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA
SOCIÉTÉ (FSHS)
DÉPARTEMENT D'HISTOIRE ET
D'ARCHÉOLOGIE
2018-2020
Mémoire N° ../
CHRISTIANISATION ET RÉSILIENCE DES CULTES DU
TERROIR A VO-KOUTIMÉ EN PAYS OUATCHI (XXE-XXIE
SIÈCLE)
Pour l'obtention du Master en :
Domaine : Science de l'Homme et de la Société
Mention : Histoire
Spécialité : Histoire et
civilisation des peuples africains des origines à la conquête
coloniale
Présenté par :
Édoh Emmanuel BODJRO
Soutenu publiquement, Le 28/12/2020
Composition du Jury de soutenance
Président du jury : Komla ÉTOU,
Professeur Titulaire
Examinateur/juge : Dola Angèle AGUIGAH,
Maître de Conférences
Directeur de mémoire : Azontowou
SÉNOU, Maître de Conférences
Co-directeur de mémoire : Banabia LONGA,
Maître Assistant
À
i
Mes parents Komlan BODJRO et Dawoedé KONDO.
ii
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, nous tenons à témoigner
notre profonde gratitude à notre Directeur de mémoire M.
Azontowou Sénou, Maître de Conférences
et à notre codirecteur M. Banabia Longa,
Maître Assistant, tous au département d'Histoire,
pour leur contribution et apport dans la réalisation de ce travail en
dépit de leurs emplois du temps surchargés. Nous leur disons un
sincère merci.
Nous remercions du fond du coeur le Professeur Komla
Étou, ex-chef du département d'Histoire et
d'Archéologie, pour ses conseils et encouragements.
Notre gratitude va également à l'endroit de tous
les enseignants du département d'Histoire et d'Archéologie pour
leurs apports dans notre formation.
Aux docteurs et doctorants du département d'Histoire et
d'Archéologie qui nous ont, d'une manière ou d'une autre,
aidés tout au long de notre cursus.
Un sincère merci à tous nos camarades de
promotion, pour la qualité des relations que nous avons entretenues.
Nous témoignons notre gratitude à tous les
informateurs, en l'occurrence le Chef Zouméké Akakpo II, M.
André Tonou, au prêtre Ziowu Fovi Agbégnigan, au
président de l'association de prêtres vodou Zikpui
Ayondo, au curé et au vicaire de la paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé, à tous les adeptes du culte vodou ainsi
qu'aux fidèles chrétiens de la communauté ouatchi de
Vo-Koutimé.
Un bienfait n'est jamais perdu ! Nous remercions M.
Sodéglan Réné Folly, Directeur Général de
l'entreprise FAFAGNO, spécialisé dans la vente des produits
surgelés et congelés, pour son soutien financier salutaire tout
au long de notre formation.
iii
SOMMAIRE
DÉDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE iii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
Première partie : MISE EN PLACE ET
PANTHÉON DES OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ
À L'ORÉE DE L'IMPLANTATION DES MISSIONS
CHRETIÉNNES EN 1914 13
Chapitre 1 : LA MISE EN PLACE DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ 15
Chapitre 2 : ÉTAT DES LIEUX DE
L'UNIVERS SOCIORELIGIEUX DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ AVANT 1914 25
Deuxième partie : IMPLANTATION ET
EXPANSION DU CHRISTIANISME A VO-
KOUTIMÉ DU XXE AU XXIE SIÈCLE 36
Chapitre 3 : IMPLANTATION DU CHRISTIANISME
À VO-KOUTIMÉ AU XXE SIÈCLE
38
Chapitre 4 : EXPANSION DU CHRISTIANISME
À VO-KOUTIMÉ DÈS 1971 45
Troisième partie : RÉSILIENCE
DU CULTE VODOU DES OUATCHI DE VO-
KOUTIMÉ DU XX AU XXIE SIÈCLE 53
Chapitre 5 : DYNAMISME DU CULTE VODOU
À VO-KOUTIMÉ : LE CAS DU
VODOUKONOUGAN 55
Chapitre 6 : LES CHRÉTIENS DE
VO-KOUTIMÉ FACE AUX CULTES VODOU : LE
SYNCRÉTISME 65
CONCLUSION GÉNÉRALE 73
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 78
ANNEXES 84
TABLE DES ILLUSTRATIONS 86
TABLE DES MATIÈRES 88
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
Les sociétés africaines vécurent, au
cours de leur histoire, des évènements de nature exogène
ayant bouleversé des ordres préétablis au rang desquels
figurent les religions importées, notamment l'islam et le christianisme.
Au Togo, la diffusion de cette dernière (la religion chrétienne)
remonte véritablement vers la fin du XIXe siècle,
période au cours de laquelle les missionnaires catholiques de la
Société du Verbe Divin (SVD) et de Brême
s'implantèrent sur le littoral aujourd'hui togolais (S. Edoh, 2017, p,
101). Ceux-ci, après avoir sillonné les localités de la
côte à l'instar de Porto-Séguro (Agbodrafo), Petit-Popo
(Aného) et soucieux de gagner les âmes à Christ, parvinrent
à pénétrer les localités du pays ouatchi, à
l'instar de Vo-Koutimé1, notre zone d'étude.
Au cours du XVIIIe siècle, les Ouatchi de
ladite zone constituèrent, au fur et à mesure que s'affirma leur
processus d'implantation, les bases d'une société religieuse en
se confiant à leurs divinités. Ainsi, détourner ce peuple
de ses pratiques ancestrales devint pour les missionnaires ambitieux une
tâche difficile, car les croyances et pratiques religieuses du terroir se
sont enracinées dans leur mode de vie. J-B. Sourou (2009, p. 1), fait ce
constat en ces termes :
La religion traditionnelle africaine exerce encore une forte
influence sur les Africains qui sont naturellement religieux [...] si l'on veut
répondre à la question : en quoi l'Évangile a-t-il quelque
chose de nouveau à dire aux Africains, il est indispensable de
connaître et d'apprécier les racines religieuses des peuples de ce
continent puisque, selon la sagesse africaine, " c'est en enfonçant ses
racines dans la terre nourricière que l'arbre s'élève".
C'est cet aspect d'ancrage des cultes du terroir au Togo que
nous voulons aborder en choisissant le thème : «
Christianisation et résilience des cultes du terroir à
Vo-Koutimé en pays ouatchi (XXe-XXIe
siècles) ».
Le choix de notre sujet répond à deux
préoccupations. D'abord, en dépit des études scientifiques
menées dans l'aire ajatado d'une part et d'autre part sur les Ouatchi de
Vogan, de Hahotoé, d'Akoumapé, de Gboto, etc., traitant des
questions de peuplement, de christianisation et des religions endogènes,
la problématique de la résilience des cultes du terroir en pays
ouatchi en général et à Vo-Koutimé en particulier
n'a pas encore fait objet de recherches approfondies. À cet effet, notre
travail pourra compléter les travaux antérieurs sur le pays
ouatchi, consacrés à la christianisation.
Ensuite, le village de Vo-Koutimé connut
l'avènement du christianisme dès 1914 avec les missionnaires
catholiques qui furent suivis par les missionnaires presbytériens (1967)
et les
1 Dans les documents de l'époque allemande,
il s'écrivait Wokoutimé. Le « w » en allemand signifie
« v » en français.
3
Assemblées de Dieu (1990). Mais la population n'a
guère abandonné le culte vodou témoigné
par la présence de différents couvents de divinités, de
déités érigées soit à l'entrée des
maisons, soit sur les places publiques (dulégba) ou à
l'intérieur des concessions familiales dont l'ensemble forme le
panthéon qui est dynamisé par la cérémonie du
Vodoukonougan. Cet univers religieux ainsi décrit suscite des
interrogations auxquelles nous ne pourrions répondre que par un travail
scientifique bien fourni. Pour la population ouatchi en général
et celle de Vo-Koutimé plus précisément, ce travail fera
valoir leurs richesses ancestrales.
Les bornes chronologiques de cette étude, le
XXe et XXIe siècles, ne sont pas fortuites. Cela
étant, la première (XXe), correspond à la
période d'avènement de la mission catholique au sein de la
communauté ouatchi de Vo-Koutimé en 1914 et la seconde, le
XXIe siècle est marqué par autant
d'évènements religieux du côté de l'Église
Chrétienne que de la religion vodou. Concernant
l'Église, elle correspond non seulement à la période
durant laquelle l'Église catholique obtient son érection
canonique en 2004 sous le nom de la Paroisse Marie Reine de l'Univers, mais
aussi l'année 2014 de ce siècle marqua les cent (100) ans de leur
présence au sein de la communauté de Vo-Koutimé. Du
côté de la mission presbytérienne, arrivée
dès 1967, elle célébra en 2017 ses cinquante (50) ans
d'existence.
Par ailleurs, les prêtres vodou de
Vo-Koutimé créèrent en 2010 une association
désignée sous le nom de la Spéciale association des
féticheurs coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux
des féticheurs de Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) et fut reconnue
par le Ministre de l'administration territoriale, de la décentralisation
et des collectivités locales en 2013 (Annexe n° 1).
De ce fait, le XXIe siècle constitue une
période phare dans l'histoire religieuse de la communauté ouatchi
de Vo-Koutimé.
Au terme de la présentation des bornes chronologiques,
il importe d'exposer la problématique de notre thème.
Les Ouatchi de Vo-Koutimé, migrèrent ensemble
avec l'ancêtre fondateur d'Akoumapé en la personne de Togbui
Akouma auprès duquel ils auraient résidé pour un temps
indéterminé avant de poursuivre leur périple pour
atteindre Vogan qui fut leur dernière halte, où ils
quittèrent pour élire domicile sur le site aujourd'hui
désigné « Vo-Koutimé ». Leur installation en ce
lieu, probablement dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle, s'accompagna de la mise en place d'un ordre religieux où
les déités du terroir régissaient le mode de vie
quotidienne de la population. Ainsi, avec l'avènement du christianisme
en 1914 et nonobstant
4
son avancée, la « Bonne Nouvelle » n'a
guère détourné, ni les adeptes vodou ni les
néophytes chrétiens du culte vodou. De ce constat, une
question se dégage : comment peut-on expliquer alors la
résilience des cultes du terroir chez les Ouatchi de Vo-Koutimé
en dépit de la christianisation de la zone du XXe au
XXIe siècle ?
Pour appréhender les contours de cette interrogation,
il revient à en déduire d'autres. Nous devons d'ores et
déjà signaler que les bornes chronologiques de notre étude
ne constituent guère de barrière. Les Ouatchi de
Vo-Koutimé feraient partie des migrants Éwé ayant
quitté Notsè au XVIIIe siècle en prenant la
direction du sud. Une fois sur leur nouveau site, ils auraient mis en place un
système religieux dominé par le culte vodou. Nous nous
posons donc la question de savoir : comment s'est faite la mise en
place des Ouatchi sur le site de Vo-Koutimé et qu'est ce qui
caractérise leur univers socioreligieux à l'orée de
l'avènement des missions chrétiennes en 1914 ?
Les missionnaires, à partir de la côte,
pénétrèrent l'hinterland immédiat en atteignant le
pays ouatchi dont Vo-Koutimé. Avec un début mitigé, la
christianisation connut une évolution considérable au fil des
temps. Comment se sont faites l'implantation des missionnaires et
l'expansion du christianisme à Vo-Koutimé du XXe au
XXIe siècle ?
Les missionnaires ayant pour objectif de détourner la
communauté ouatchi de Vo-Koutimé du culte vodou,
jugé « satanique » à tort ou à raison se
seraient heurtés à la ténacité des Ouatchi de
Vo-Koutimé à tourner dos à la religion vodou.
Qu'est-ce qui caractérise alors cet attachement
indéfectible de ladite communauté aux cultes vodou du
XXe au XXIe siècle?
Outre ce questionnement qui illustre les grands axes de notre
mémoire, nous ne pouvons pas mettre sous silence les objectifs de notre
thème d'étude. À travers cette étude, nous voulons
montrer la persistance du culte vodou traduisant l'affection que
témoignent les Ouatchi de Vo-Koutimé envers les croyances
ancestrales malgré la diffusion du christianisme
(XXe-XXIe siècles).
Pour cerner cet objectif d'ordre général, nous
voulons, tout d'abord, remonter à l'origine des Ouatchi de
Vo-Koutimé et présenter ensuite leur univers religieux avant
l'arrivée des missionnaires en 1914. De plus, faire le point sur
l'implantation et l'expansion du christianisme à Vo-Koutimé
(XXe-XXIe siècles) et enfin, Montrer les faits qui
témoignent le dynamisme du culte vodou auprès des
Ouatchi de Vo-Koutimé (XXe-XXIe
siècles).
Toutefois, pour mieux appréhender le sens de notre
sujet, les vocables clés qui le composent méritent d'être
élucidés.
5
Nous désignons par « christianisation2
» l'action de christianiser, de convertir à la religion
chrétienne. Par rapport à notre thématique, ce vocable
désigne la conversion des Ouatchi de Vo-Koutimé à la foi
chrétienne.
Le mot « résilience3 » est la
capacité d'un écosystème, d'un individu ou d'un groupe
à se rétablir après une perturbation extérieure.
À cet effet, dans le sens de notre thème, il souligne
l'attachement des Ouatchi de Vo-Koutimé à leur culte vodou
malgré les moyens de conversion au christianisme mis en place par
les missionnaires.
Par ailleurs, le vocable « culte4 »
désigne un hommage religieux rendu à une divinité. En
d'autre terme, il signifie l'ensemble des pratiques réglées par
une religion, pour rendre hommage à la divinité. Dès lors,
son emploi dans le cadre de notre travail fait référence aux
cérémonies dédiées à tous les vodou
du terroir de Vo-Koutimé notamment Ziofu, Yoho,
Gbe, Hébiésso, Agboe,
Sagbata, Dan, Tron, Légba,
Tohossou, Vénavi Togossou, Togbui zikpi5,
etc. et plus précisément
à la grande cérémonie du Vodoukonougan.
La désignation de notre zone d'étude, l'espace
« Vo-Koutimé6 », n'est pas anodine. Nous faisons
par-là, référence aux populations des quartiers
d'Atchandomé, Kpota, Glopé, Mamissi, Soko, Agadi et leurs
sous-quartiers dont leur ensemble forme le grand village Vo-Koutimé (cf.
carte n°1).
Dans le cadre de la rédaction de notre mémoire,
nous avons eu à consulter des sources d'ordre écrites à
l'instar des thèses, mémoires, quelques ouvrages et des textes
d'archives et des sources orales, notamment les traditions des informateurs.
Concernant les thèses, celle de N. L. Gayibor, (1985)
l'aire culturelle ajatado des origines à la fin du XVIIIe
siècle a retenu notre attention. L'auteur nous a
présenté le groupe de population éwé dont sont
issus les Ouatchi. Ainsi, les informations que contient ce document nous
permettent de remonter à l'origine des Ouatchi de Vo-Koutimé au
XVIIIe siècle. Cependant, concernant les questions
spécifiques au panthéon, à la christianisation, l'auteur a
donné une vue générale sur les communautés du sud
Togo pouvant nous servir de base pour cette étude de cas.
2 Selon le dictionnaire Petit Robert 2008.
3 Dictionnaire Petit Robert 2008.
4 Dictionnaire Petit Robert 2008.
5 Confère le chapitre II : État des
lieux de l'univers socioreligieux des Ouatchi de Vo-Koutimé au
début du XXe siècle.
6 Carte n°1.
6
D'autre part, la thèse de doctorat de K. Étou
(2006), dont le titre est l'aire culturelle Nyigblin (Togo-Ghana) du
XVIIe à la fin du XIXesiècle, a
traité l'univers religieux de cette zone. Ainsi, son apport pour notre
travail est indéniable. Cette thèse nous permet de savoir comment
les cultes du terroir sont ancrés dans le quotidien des populations de
cette aire. Ces dernières faisant partie du même groupe de
migrants que les Ouatchi de Vo-Koutimé ayant quitté Notsè,
nous ne pouvons que nous inspirer de l'approche adoptée dans ce
travail.
C. J. Alladayé (2003) dans sa thèse
intitulée : Christianisation, interférences religieuses et
implications politiques dans une société africaine : cas du
Dahomey/Bénin (1860-1990), a abordé plusieurs aspects de
notre thématique et en particulier la complexité de l'univers
religieux. Étant donné que toutes les communautés du bas
Togo, Bénin, Nigéria et Ghana ont cette spécificité
qu'est le culte vodou, ce travail est digne d'intérêts
dans l'étude de la religion endogène des Ouatchi de
Vo-Koutimé.
N. W. Mayéda (2009), dans sa thèse titrée
: Christianisation et mutation socioculturelle du Togo septentrional aux
temps coloniaux : 1896-1960, a mis l'accent sur les facteurs ayant
conduits à l'implantation et l'expansion du christianisme dans
l'hinterland du Togo en dépit des pratiques ancestrales. Cette
thèse nous a servi de référence dans nos
différentes approches.
La thèse de A. Sénou (2010), traitant la
question des migrations éwé et occupation du pays ouatchi du
XVIIIe siècle à la conquête coloniale, dans
laquelle l'auteur a pris soin de présenter les périples de divers
groupes ouatchi aboutissant à la création des premières
localités dans le pays ouatchi. L'étude de la fondation
d'Akoumapé et de Vogan, dans cette thèse nous, a servi de pierre
angulaire pour élaborer l'aperçu historique sur la mise en place
des ancêtres sur le site du futur pays des Ouatchi de
Vo-Koutimé.
S. Édoh (2017), dans sa thèse sur les
missions chrétiennes et pouvoirs coloniaux en pays bè-togo du
XIXe au XXe siècle, a exposé l'univers
religieux de sa zone d'étude et analyse l'implantation et les oeuvres
des missions chrétiennes au sein d'une communauté
réputée dans le culte Nyigblin, tout en montrant la
survivance de cette pratique en dépit de la ferveur des missionnaires.
Ce travail constitue un document de base sur les questions de résilience
du culte vodou chez les Ouatchi de Vo-Koutimé.
La thèse de K. Hato (2019) sur l'histoire,
société et reconstruction identitaire chez les Ouatchi du Togo et
du Bénin du XVIIIe au XXe siècle nous
renseigne sur la question de l'ancrage des cultes du terroir dans les
communautés ouatchi. Ainsi, elle occupe donc une place de choix dans
notre thématique.
7
Si ces thèses ont plus traité des questions de
peuplement et du panthéon, celle de E. D. Trimua (1979),
intitulée l'Église évangélique au Togo de 1914
à 1940, nous a fourni des informations crédibles relatives
à l'avènement de l'église presbytérienne dans les
communautés ouatchi y compris Vo-Koutimé.
A. Kuadjo-Ayédéwou (1986) dans son étude
sur la problématique de l'église chrétienne en
Afrique, a mis un accent particulier sur les difficultés des
missions d'évangélisation dues en grande partie aux pratiques
syncrétistes des fidèles. Comme le pays ouatchi de
Vo-Koutimé est fortement ancré dans les croyances ancestrales, il
nous a permis de cerner le problème du mimétisme religieux qui
reste d'actualité et qui endigue la ferveur des missionnaires.
En dehors de ces thèses consultées, quelques
mémoires ont également fait l'objet de notre étude. Ainsi,
le mémoire de A. Sénou (2002), traitant le thème :
Origine et identité des Ouatchi de Gboto, nous a livré
des informations sur l'origine, les péripéties du groupe de
population ouatchi.
En outre, celui de K. A. Anatho (2013) portant sur la
Christianisation et résilience de la religion endogène en
pays guin (Togo/Bénin) de la fin du XVIIe au début du
XXe siècle, l'auteur a, dans sa troisième partie,
traité de la question de la résilience des cultes du pays Guin
nonobstant le progrès du christianisme et nous sert également de
référence dans ce travail de même type.
Quant aux ouvrages, nous avons fait recours à
quelques-uns des auteurs comme K. Étou, B. Gilli, C. Rivière et
A. de Surgy.
L'acte de colloque de K. Étou (2019) ayant pour titre
: Christianisation et résilience des religions endogènes en
Afrique (XIXe-XXIe siècle), était pour
nous un document important dans la rédaction de notre travail. En effet,
ce document aborde la problématique de la résilience des cultes
du terroir dans les sociétés africaines. Alors, nous nous sommes
inspirés de la démarche adoptée dans les différents
articles qui le composent, tout en se servant de référence pour
illustrer nos arguments.
B. Gilli (1976) dans son ouvrage intitulé :
Hébiésso et le bon ordre du monde. Approche d'une religion
africaine, a détaillé le vodou Hébiésso
qui occupe le summum du panthéon des Ouatchi. Ainsi, il nous a
fourni de détails, dans l'étude de l'univers religieux de la
communauté Ouatchi de Vo-Koutimé où le vodou
Hébiésso a une grande assise territoriale.
8
Par ailleurs, le même auteur (1982) a posé sa
plume sur la thématique des naissances humaines ou divines, un
ouvrage qui nous a livré des informations importantes afin de comprendre
les circonstances et le sens de certains noms théophores qui sont
courants dans le panthéon vodou des Ouatchi de
Vo-Koutimé.
C. Rivière (1979), dans son opuscule intitulé :
Anthropologie religieuse des Evé du Togo, l'auteur a
détaillé les composantes de l'univers cultuel de l'ensemble de
ladite communauté dont les Ouatchi de Vo-Koutimé en font partie.
Dans notre étude sur le panthéon, ce document nous a permis
d'adopter une classification, bien sûr personnelle, des différents
vodou qui s'y trouvent.
A. de Surgy (2011) avec son ouvrage titré : le
système religieux des Evhé nous a permis, dans
l'étude de notre deuxième chapitre sur le panthéon des
Ouatchi de Vo-Koutimé de trouver la fonction et le sens de quelques
vodou de notre zone d'étude.
En dehors de ces sources écrites, nous avons
accordé une priorité aux documents d'archives publiques et
privées. Nous avons effectué ces consultations à
Lomé, Vogan et Vo-Koutimé. Il faut rappeler que toutes ces
recherches menées à Lomé sont consacrées aux
missions chrétiennes.
À Lomé, nos recherches documentaires des
archives se sont effectuées, dans la maison des missionnaires Comboniens
à Cacavéli, à la maison régionale des
Sociétés du verbe divin (SVD) sise à
Hédzranawoé, et au Bloc synodal de l'Église
presbytérienne au Grand Marché (Lomé).
Chez les Comboniens, nous avons pu trouver des
documents7 qui nous ont permis de retracer l'histoire des
missionnaires Comboniens sur la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan et à
Vo-Koutimé et quelques informations fragmentaires sur l'arrivée
du Pape Jean Paul II à Togoville en août 1985.
D'autre part, à la maison régionale des SVD,
nous avons eu accès à quelques notes laissées par les
missionnaires, les pionniers dans la christianisation des localités de
l'hinterland immédiat de la côte du futur Togo à l'instar
de Bè, Togoville, Vogan, et ses périphériques.
Au Bloc synodal de l'Église presbytérienne, nous
avons eu accès aux registres des synodes et plus spécifiquement
ceux couvrant la période de 1967 à 1979, dans lesquels nous avons
trouvé les différents bilans de la commission chargée pour
la christianisation du pays ouatchi.
7 A titre d'illustration : Témoins de
l'évangile : la présence des Missionnaires Comboniens au
Togo-Ghana-Bénin, les gens vous attendent : Missionnaires Comboniens au
Togo et leur Cent-cinquantenaire (1867-2017).
9
Ils ont été pour nous des valeurs non
négligeables pour la reconstitution de l'historique de l'église
presbytérienne à Vo-Koutimé.
Les recherches documentaires que nous avions menées
à Vogan, précisément aux dépôts d'archives du
Diocèse d'Aného et sur la Paroisse Saint Ferdinand, nous ont
permis d'avoir accès à de bribes informations, pourtant
précieuses, pour la reconstitution de l'histoire de la christianisation
des missions catholiques à Vogan et Vo-Koutimé.
En pays ouatchi de Vo-Koutimé, notre zone de recherche,
les recherches documentaires ont été faites en deux volets.
Une partie est consacrée à la religion vodou
où nous avons consulté les archives privées du chef
Akoété Zouméke Akakpo, de André Tonou8
et du président de la Spéciale association des féticheurs
coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux des
féticheurs de Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) en la personne de
Hun? Zikpui Ayondo. Grâce à ces archives, nous avions
trouvé quelques images ou photos de la cérémonie du
Vodoukonougan pour l'illustration de notre cinquième
chapitre.
L'autre partie, sur les recherches traitant les questions des
missions chrétiennes, les registres de baptêmes, de communions, de
confirmations et de mariages de la mission catholique nous ont permis
d'analyser l'évolution du catholicisme et de nous rendre compte de la
sauvegarde des noms théophores (Vodou).
En outre, nous avions trouvé leur quarantenaire et
quelques notes retraçant, à leur manière, l'histoire de la
mission.
Convaincu de l'importance des traditions orales dans les
démarches scientifiques en histoire, nous avions, en dehors de ces
sources, fait un travail de recueil d'informations pendant une durée de
quatre mois auprès des personnes avisées notamment les
autorités politiques, les prêtres vodou, les chefs de
familles, responsables des différentes églises, les adeptes
vodou, les fidèles chrétiens, etc. dans les localités de
Atchandomé, Mamissi, Soko, Kpota, Glopé, Agadi, Vogan, et
Lomé, reposant sur l'origine des ancêtres fondateurs du pays
ouatchi de Vo-Koutimé ; les pratiques cultuelles, notamment la
cérémonie du Vodoukonougan et des informations relatives
aux missions de christianisation et la résilience du culte
vodou, etc.
À toutes ces sources écrites comme orales, nous
avions appliqué une méthodologie appropriée.
8 Président du comité cultuel de
Vo-Koutimé.
10
Aux documents écrits, nous avions
préféré la méthode quantitative qui nous a permis
de regrouper les divers documents ayant trait à un des
sous-thèmes de notre thématique afin de confronter les diverses
informations véhiculées et pour en donner enfin une
crédibilité. Toutefois, les informations recueillies sur le
terrain nous permettrons de confirmer ou d'infirmer par moment ces
écrits.
Concernant le traitement des traditions orales, nous avons
adopté une méthodologie particulière. Nous avons
effectué un pré enquête sur le terrain afin de
déterminer les informateurs potentiels sur la thématique de notre
travail.
Au cours du travail proprement dit, après les
entretiens de groupes nous avons par habileté ciblé des
informateurs avec qui nous avons eu des rencontres privées pour plus de
précision sur quelques aspects. Toutes les informations recueillies soit
en groupe ou en entretien privé ont fait objet de confrontation pour
vérifier leur degré de véracité.
Aucune recherche scientifique n'est épargnée de
difficultés, toutefois nous avions pu les surmonter.
La particularité de cette année (2020) avec la
pandémie de Corona virus disease (COVID-19) a été notre
difficulté majeure. En effet, les mesures prises par les
autorités afin d'endiguer la propagation particulière de cette
pandémie, spécifiquement le bouclage des villes, l'interdiction
des rassemblements, etc. ont affecté nos recherches. Les recherches
documentaires prévues dans quelques centres à Lomé se sont
heurtées au refus des responsables des institutions surtout
privées.
Par ailleurs, les informateurs, par crainte d'être
contaminés, ont soit annulé des rencontres ou reporté
à des dates ultérieures. Aussi, la grande cérémonie
du Vodoukonougan, qui fait objet d'un sous-thème de notre
travail, a été reportée pour les trois ans à venir
par les autorités cultuelles.
Ainsi, pour répondre aux questions sur cette
cérémonie, nous nous sommes contentés des photos et des
sources orales.
Par ailleurs, les Ouatchi de Vo-Koutimé, population
majoritairement d'agriculteurs, étaient pris dans leurs travaux au point
que certains rendez-vous ont été reportés.
En dehors de cette difficulté, nous avions
déploré la rareté des documents sur la paroisse de
l'église catholique de Vo-Koutimé et surtout sur la mission
presbytérienne. Mais nous les avions comblées par les traditions
orales.
11
Notre travail répond se présente à trois
parties dont chacune comporte deux chapitres. La première partie
intitulée : mise en place et le panthéon des ouatchi de
Vo-Koutime à l'orée de l'implantation des missions
chrétiennes en 1914, est structurée en deux chapitres que
voici : La mise en place des Ouatchi de Vo-Koutimé ; Etat des lieux de
l'univers socioreligieux des Ouatchi de Vo-Koutimé avant 1914. La
deuxième partie est l'implantation et expansion du christianisme
à Vo-Koutime du XXe au XXIe siècle,
composé des chapitres comme, Implantation du christianisme à
Vo-Koutimé au début du XXe siècle ; Expansion
du christianisme à Vo-Koutimé dès 1971. Enfin la
troisième partie qui s'articule autour de la résilience du
culte vodou à Vo-Koutime du XXe au XXIe
siècle, se subdivise en deux chapitres dont : Dynamisme du culte
Vodou à Vo-Koutimé : le cas du Vodoukonougan ;
Les chrétiens de Vo-Koutimé face aux cultes Vodou : le
syncrétisme.
Carte n°1 : L'espace ouatchi de
Vo-Koutimé
12
Source : E. E. Bodjro, 2020
13
Première partie :
MISE EN PLACE ET PANTHÉON DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ À L'ORÉE DE L'IMPLANTATION DES MISSIONS
CHRETIÉNNES EN
1914
14
Le peuple ouatchi de Vo-Koutimé, au cours de l'exode de
Notsè, ferait partie du groupe de migrants éwé ayant pris
la direction de sud vers la mer. Une fois sur leur site actuel, après
plusieurs pérégrinations, la communauté ouatchi de
Vo-Koutimé mettait en place une organisation religieuse marquée
par le culte vodou. Ainsi, remonter aux origines de ce groupe de
population, à l'entame de notre étude, et présenter son
univers religieux constituent les deux volets de cette partie. Pour y parvenir,
deux interrogations se dégagent : comment s'est constitué
l'espace ouatchi de Vo-Koutimé ? Qu'est-ce qui caractérise la
religion du terroir ? Ainsi, nous allons, dans le premier chapitre, parler de
la mise place des ouatchi de Vo-Koutimé et dans le second chapitre,
aborder leur univers socioreligieux.
15
Chapitre 1 :
LA MISE EN PLACE DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ
Les Ouatchi sont l'un des groupes de populations
éwé ayant quitté Notsè en prenant la direction du
sud vers la mer. Ils sont dominés par les Dogbo et les lignages
apparentés, sous la conduite de Wenya et de son neveu Sri. De ce groupe
d'ethnie ouatchi, sortira un sous-groupe du nom Vo, qui aurait quitté
Akoumapé pour fonder Vogan. De leur expansion à partir de ce
village, naîtraient les villages de Vo-Koutimé, Wogba, etc. (R.
Pazzi, 1979, p. 116). Ainsi, l'histoire des Ouatchi de Vo-Koutimé serait
intrinsèquement liée à celles d'Akoumapé et de
Vogan. Face à cette donne, quel aperçu historique peut-on faire
de ces deux localités ? Comment s'est effectuée l'occupation de
l'espace ouatchi de Vo-Koutimé ? Enfin, quelles étaient leurs
organisations sociopolitique et économique ? Le présent chapitre
s'articulera autour de ces trois axes.
1.1. Aperçu historique des Ouatchi d'Akoumapé
et de Vogan
Akoumapé et Vogan sont les uns des villages de
première génération fondée sur l'espace ouatchi par
les migrants venus de Notsè, d'où seraient partie la
majorité des ancêtres fondateurs de plusieurs localités du
pays ouatchi en occurrence le futur Vo-Koutimé (K. Hato, 2019, p. 68)
1.1.1. Brève histoire sur les Ouatchi
d'Akoumapé
Akoumapé, territoire limité au nord-ouest par la
préfecture de Yoto, au nord-est par le canton de Dagbati, au sud par le
canton de Sévagan et à l'ouest par le village de Hahotoé,
est situé sur le plateau de Vogan-Attitogon, une partie de la zone des
plateaux de la terre de barre (E. S. N'tsoukpo, 2011, p. 9).
Le peuplement d'Akoumapé remonte aux origines du peuple
éwé qui, au XVe siècle, a fondé la
cité État de Notsè après leur départ d'Oyo
à Tado en passant par Kétu (N. L. Gayibor, 1985, p. 301-317). En
effet, à Tado, au début du XVe siècle, se
déroulèrent d'importantes migrations, dont les causes sont soit
rattachées aux conflits politiques relatifs à la succession au
trône, soit à la recherche d'espace vital, aboutissant à la
fondation d'Allada (au sud-est) et de Notsè (à l'ouest) (N. L.
Gayibor, 2011, p. 485).
16
Cependant, près de deux siècles plus tard
passés dans la cité État de Notsè, au
XVIIe siècle, le peuple fuyant les exactions du roi Agokoli
se dispersa sur toute la partie sud du territoire aujourd'hui togolais et de la
Gold Coast (actuel Ghana). En effet, une fois sortis de la ville, les fugitifs
auraient pris la même direction jusqu'à Gamé et de
là, ils se séparèrent en trois groupes dont l'un prit la
direction du sud, vers la mer (N. L. Gayibor, 2011, p. 529).
Parmi ceux-ci se trouvait le futur fondateur
d'Akoumapé, l'ancêtre Akouma. Selon E. S. N'tsoukpo (2011, p. 11),
« une partie du peuple sous la conduite des ancêtres Akouma,
Gligoé, Assiobo, Akatsè, et Agboh se dirigea vers le sud-est du
Togo et s'installa en un endroit dénommé « Akoumapé
» (chez Akouma) du nom de l'aîné du groupe, Akouma ».
A contrario, sur la fondation du village
d'Akoumapé, N. L. Gayibor (2011, p. 534) soulève une version
faisant des ancêtres Agna et Gnado, les fondateurs du village suivant
l'itinéraire :
Notsè-Amakpapé-Tchékpo-Nyimabio-Akoumapé.
Toutefois, le nom de l'ancêtre Akouma qui s'est
imposé au village ne serait dû qu'à sa réputation de
grand chasseur, craint de tout le monde et qui soumettait tout le peuple
à son autorité. Il devint chef en faisant du village, sa maison
(E. S. N'tsoukpo, 2011, p. 15).
Craignant une nouvelle dictature à l'image de celle
vécue à Notsè sous Agokoli, une frange de population
d'Akoumapé, dont ferait partie le futur fondateur du village de
Vo-Koutimé, migra plus à l'est donnant naissance à Vogan,
localité située à environ quinze kilomètres
d'Akoumapé. Que peut-on dire alors de l'histoire de cette
localité ?
1.1.2. Historique des Ouatchi de
Vogan
Les Ouatchi de Vogan, comme nous l'avions effleuré plus
haut, sont du groupe ethnique des Vo ayant émigré de Fenyi, sous
la conduite de l'ancêtre Akouma (fondateur d'Akoumapé) (R. Pazzi,
1979, p. 116). Quelques années plus tard, les ancêtres Assiobo,
Akatsè et Agbo poursuivirent leur marche vers l'est, jusqu'à
s'établir sur le site appelé aujourd'hui Vogan en se proclamant
« enfin libre pour vivre » et faisant probablement allusion aux
évènements malheureux qui ont jalonné leur
pérégrination depuis Notsè (A. Senou, 2010, p. 106).
Par ailleurs, N. L. Gayibor (2011, p. 532) relate une autre
version sur l'origine des Vo en ces termes:
Des informations fournies par Kalipé II, il ressort que
les Vo auraient cheminé de concert avec les Anlo, sous la conduite de
leurs ancêtres Assionbo, Draké, Dengblé, Dado, et
Pédo. Après une halte à Agbélouvé, ils
bifurquèrent vers le sud-est et, après avoir franchi le Haho,
s'installèrent en un lieu dénommé Apédomé,
d'où ils vinrent s'installer à Adjrigo, le quartier du chef,
à partir duquel furent créés tous les villages Vo.
17
Néanmoins, avant l'arrivée des Vo, le site
était habité par une minorité de populations (un clan
éwé). En effet, au cours d'une activité de chasse,
l'ancêtre Assiobo et ses frères tombèrent sur un vieillard
aux cheveux longs. Ils décidèrent alors de le coiffer. Au cours
de leur besogne, il se pourrait que le vieil homme ait sa tête pleine de
poux, qui se désigne dans leur jargon « yo ». Ils
surnommèrent ainsi le vieux yoxo, « chambre ou demeure de
poux » (A. Senou, 2010, p. 107).
Les Vo s'imposèrent très vite à ce groupe
et conquirent la chefferie. Le village prit alors leur nom « Vogan ».
Ce toponyme, constitué de « Vo » (le nom de l'ethnie) veut
dire libre et « gan » signifie sain ou sauve (A. Magbo, 2012, p.
13).
D'autres vagues de migrants ouatchi vinrent s'ajouter à
eux plus tard et fondèrent les quartiers de Bame, Sagada, Sopé,
Amoindji,
etc. et des groupes Xweda qui
s'installèrent à Amoindji Xwedakome (A. Senou, 2010, p. 107).
De la fondation de Vogan, naîtra plusieurs autres
villages ouatchi dans son hinterland immédiat en occurrence le village
de Vo-Koutimé (notre zone d'étude). Comment ce sous-groupe
ouatchi a-t-il occupé l'espace vo-koutimé ?
1.2. De Vogan à l'occupation de Vo-Koutimé
Notre travail sur l'occupation de Vo-Koutimé s'est
reposé sur le recueil des traditions orales. En effet, selon le mot du
Chef Togbui Akouété Zouméké Akakpo II9
:
Le fondateur de notre village est l'ancêtre Togbui
Kotokou qui aurait migré ensemble avec le vieux Akouma jusqu'à
Akoumapé. Plus tard, le vieux Kotokou reprit le chemin et parvint chez
ses cousins à Vogan où il résida pour un temps
indéterminé dans le quartier Bamé avant de venir
élire domicile sur le site aujourd'hui Vo-Koutimé.
André Tonou10 de son côté relate
:
Les mauvais traitements du roi Agokoli à l'encontre de
son peuple les poussèrent à quitter la cité de
Notsè. Ainsi, au cours de leur migration, le vieux Kotokou, le futur
fondateur de Vo-Koutimé, aurait fait chemin ensemble avec Akouma. Ce
dernier devint fondateur et chef d'Akoumapé, un village de son nom.
Kotokou passa quelque temps là et continua le chemin avec ses cousins de
Vogan où il résida. Mais toujours habitué au
déplacement, le vieux parvint à fonder lui aussi un futur village
du nom de Vo-Koutimé.
9 Entretien du 15 mars 2020 au palais du Chef Canton
à Vo-Koutimé, 76 ans.
10 Conseiller du parti UNIR dans la commune Vo 1.
Entretien du 22 juillet 2020 dans son domicile à Vo-Koutimé, 70
ans.
18
Les traditions ci-dessus ont été
considérablement influencées par les récits populaires des
éwé qui font d'Agokoli un tyran. Or, la migration du groupe de
migrants ouatchi de Notsè remonterait à quelques années
plus tard du grand exode et serait due au manque de terres cultivable dans la
cité de Notsè.
En dehors de ces traditions et tant d'autres, toutes sont
unanimes autour de la fondation du village par Kotokou. Quelles sont les
raisons qui l'auraient poussé à choisir ce site parmi tant
d'autres ? Et pourquoi le site se fit appeler « Vo-Koutimé »
?
1.2.1. Les raisons du choix du site et le toponyme
« Vo-Koutimé »
L'occupation du site et le nom qui lui est attribué ne
sont pas anodins. Des caractéristiques géographiques de la zone
auraient motivé le vieux Kotokou à y rester.
En effet, le site du futur village de Vo-Koutimé est
situé au bord de la rivière Boko permettant la présence
d'une forêt longeant de part et d'autre ses abords. Une zone de cette
envergure permettrait l'abondance de gibiers.
Nous comprenons, alors que la zone serait propice à la
chasse. André Tonou11 affirme en ces propos : « Le vieux
Kotokou, quelques années plus tard, à la recherche de produits de
chasse, trouve un lieu très giboyeux. Il alla à Vogan ramener ses
parents ».
Les avantages de ce cours d'eau ne sauraient se limiter
qu'à la chasse. La rivière a été pendant longtemps
la source d'approvisionnement en eau pour les Ouatchi de Vo-Koutimé
avant la creusée d'un puits, le premier dans la zone, dans le quartier
Wuikpokopé par les Allemands pendant la colonisation.
Par ailleurs, le fondateur serait sans doute à la
recherche d'un endroit où il sera libre de tous soubresauts.
Étant donné qu'après le départ des
Éwé de Notsè, les conducteurs des groupes ont pour
objectif la recherche d'une idéale liberté.
L'agriculture aurait joué un rôle important dans
la venue des prédécesseurs de Togbui Kotokou. Ainsi, selon N. L.
Gayibor (1992, p. 230), « Vo-Kutimé, Vo-Ative, Vo-Asso, etc.
étaient tous des fermes de cultures qui se sont par la suite
étendues ». Alors la volonté de rester plus proche des
champs aurait conduit les ancêtres à résider sur le site de
Vo-Koutimé.
Le toponyme « Vo-Koutimé » en dit
suffisamment sur cette dernière raison. « Vo-Koutimé »
est composé de deux vocables : « Vo » le préfixe qui
signifie « liberté » est le nom de l'ethnie Vo à
laquelle appartenait Kotokou. Le radical « Koutimé »
désigne « y mourir ». Alors, le
11 Entretien du 22 juillet 2020 à
Vo-Koutimé, 70 ans.
19
fondateur ajouta à ce radical « Vo » faisant
ainsi appeler le milieu « Vo-Koutimé » qui veut dire « y
mourir dans la liberté ». Il donna ce nom lorsqu'un jour ses
frères de Vogan, au cours d'une visite, lui ont demandé de venir
rester avec eux. Il leur répondit : « vous êtes à
Vogan (libre et sauve), moi je suis libre et je vais mourir ici12
».
Le site de Vo-Koutimé ne se résuma pas à
son lieu originel. Il connaîtra une véritable extension.
1.2.2. L'extension du village
Dès l'arrivée, le vieux Kotokou construit son
habitat auprès d'un anacardier « Atchanti » sous
lequel il se reposait lors des campagnes de chasse avant son installation. De
cet arbre, dérive le nom à ce premier quartier Atchandomé
« sous l'anacarde ». Le rejeton de l'historique arbre,
véritable lieu de mémoire, est encore de nos jours sur pied.
Comme le montre la photo ci-dessous.
Photo n°1.1 : Le rejeton de l'historique
anacardier des Ouatchi de Vo-Koutimé
Source : cliché E. E. Bodjro (24/07/2020).
Toutefois, aucune trace de présence ancienne d'un
quelconque groupe de population n'a été signalée. Plus
tard, Kotokou reçut d'autres migrants qui sont soit ses cousins ou soit
ses oncles auxquels il céda des parcelles. Ils créèrent de
nouveaux quartiers qui sont au nombre de cinq (5) en occurrence Mamissi
fondé par le vieux Agbodi (cousin à Kotokou), Glopé du
vieux Agahoun (oncle à Kotokou), Kpota de l'ancêtre Egun (aussi
cousin à Kotokou), Soko
12 Information recueillie auprès de Kokouvi
Amouzou, 65 ans, Géomancien à Vo-Koutimé, le 23 juillet
2020.
20
de Edoue (également cousin à Kotokou) et enfin
Agadi fondé par l'ancêtre du même nom Agadi13.
Tous ces quartiers, en plus de l'ancien, sont attenants dont
l'ensemble forme le village. Il est alors clair que le fondateur s'est
entouré de ses proches.
Par ailleurs, certains descendants de ces six (6)
ancêtres fondèrent de nouveaux quartiers du même nom que les
anciens à environ deux (2) à cinq (5) kilomètres les uns
des autres et du village mère, désignés sous le nom commun
« Agblédi » (ferme agricole). Ainsi, la recherche des
terres arables pour l'agriculture sera un facteur principal de leur
création. Au fil du temps, ces nouveaux quartiers connurent une
évolution démographique aussi remarquable que celle du village
matriciel.
En outre, l'avènement du chef Akakpo I (un yovo
fio14 ) aurait contraint d'autres populations du village
d'origine à aller rejoindre les siens dans les fermes. En effet, au
cours de la colonisation française, il fut un allié de taille
dans la circonscription d'Aného. Il obéissait à la lettre
aux ordres du chef de circonscription surtout quand il s'agit de veiller
à la collecte des impôts ou d'offrir des travailleurs
forcés. Il appliquerait une rigueur sans distinction. Ainsi, pour
riposter contre ce système, les siens quittèrent le village
mère pour s'installer définitivement dans leurs nouveaux
quartiers en créant des sous-quartiers15.
Ils devinrent ainsi de nouveaux villages au point que certains
d'entre eux comme Mamissi, Glopé, Atchandomé et Soko, eurent avec
la décentralisation, des Chefs de village. L'ensemble de tout ceci forme
le grand village des Ouatchi de Vo-Koutimé (Carte n°1).
À quand remonte alors l'occupation de cet espace ?
1.2.3. Essai de
périodisation
Les traditions des Ouatchi de Vo-Koutimé ne se
souvinrent guère de la date effective d'occupation du site, car les
détenteurs des sources orales ont rejoint leurs ancêtres. À
cet effet, nous tenterons de situer cette occupation en nous reposant, d'une
part, sur la liste généalogique des fondateurs de deux quartiers
notamment celle du vieux Kotokou d'Atchandomé et de l'ancêtre Egun
de Kpota et, d'autre part, sur les écrits reposant les Ouatchi
d'Akoumapé et de Vogan. Quand bien même que nous doutons de la
fiabilité des généalogies ci-dessous, par faute d'absence
d'un travail archéologique qui pouvait nous
13 Koulékpato Djokoto, 87 ans, doyen de la
famille Djokoto, entretien du 20/07/2020 à son domicile à
Atchandomé.
14 Nommé par les administrateurs
français en 1919.
15Abotsi Miwonunyi Hubert, 70 ans, ingénieur
retraité. Entretien du 24/07/2020 à son domicile à
Vo-Koutimé.
21
donner plus de précision, nous ne pouvons que s'en
contenter. Alors, parlant de la généalogie de Kotokou et de Egun,
elles se présentent comme suit16 :
Généalogie
|
(Atchandomé)
de Kotokou
|
|
Généalogie
de Egun (Kpota)
|
Egun
|
Kotokou
|
|
|
|
Assagba
|
Djokoto
|
|
|
|
Midonou
|
Agboglo
|
|
|
|
|
Nouwaga
|
Apetovi
|
|
|
|
|
Fovi
|
Adelan
|
|
Houindolo
|
Gatri
Amouzou
|
Sruikpè
|
Sakpo
|
|
|
Koudjodji
|
De ces deux généalogies, nous ressortons chacune
huit générations. En prenant alors la durée moyenne de 30
ans par génération à cause de la
patrilinéarité de la société et en posant le calcul
suivant : 2020- (30x8) qui donne 1780, nous pouvons dire à cet effet que
les ancêtres
16 Koulékpato Djokoto, 87 ans, doyen de la
famille Djokoto. Entretien du 07/03/2020, à Kpota, à son
domicile.
22
ouatchi de Vo-Koutimé occupaient le site actuel
probablement dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle.
Par ailleurs, Akoumapé aurait été
fondé vers la fin du XVIIe siècle ou au début
du XVIIIe siècle (E. S. N'tsoukpo, 2011, p. 14). Quant
à ce qui concerne Vogan, si leurs ancêtres fondateurs ont
quitté Akoumapé sous le chef Akouma, le premier sur la liste de
la dynastie royale, ils auraient sans doute fondé Vogan à la
même période qu'Akoumapé, c'est-à-dire au
début du XVIIIe siècle. Alors, le vieux Kotokou,
fondateur de Vo-Koutimé, aurait quitté de Vogan, dans la
première moitié du XVIIIe siècle, pour mettre
pied sur le site au cours de ses activités de chasse, puisque les
chasseurs d'autrefois faisaient des jours avant de retourner au bercail. Nous
pouvons, à cet effet, supposer que son installation définitive
à Vo-Koutimé remonterait à la seconde moitié du
XVIIIe siècle.
De son extension, le village connaîtra une organisation
sociopolitique et économique un peu particulière.
1.3. L'organisation sociopolitique et économique des
Ouatchi de Vo-Koutimé
À la différence de l'organisation sociopolitique
qu'ont connue les Éwé avant leur exode de Notsè, les
migrants, sur leurs sites, évitèrent la concentration du pouvoir
dans les mains d'une seule personne craignant ainsi une nouvelle dictature.
A cet effet, à Vo-Koutimé, la
société est hiérarchisée tant au niveau du village,
des quartiers, qu'à celui des lignages ou familles.
Le chef du village occupe le sommet des couches sociales. Il
est le détenteur des pouvoirs politiques et doit régner
conformément selon la volonté des ancêtres. Car de son
choix jusqu'à son intronisation, il se fiait à la volonté
des ancêtres. Il règle les litiges, juge et condamne selon la
gravité des fautes. Il se fait entourer des notables qui sont des
représentants directs du chef de village et exécutent les ordres
qui émanent de lui. La particularité de ces notables, à
Vo-Koutimé, est que compte tenu de l'extension du pays, dans le village
matriciel, tous les six (6) quartiers mères ont à leur tête
un notable « Tchami » auprès du chef de village, mais
qui sont encore considérés comme des chefs de quartier dans
certaines circonstances. À la tête des quartiers d' «
Agblédi », se trouvent encore des « Tchami
» travaillant à la fois avec le chef du village, mais aussi
avec le « Tchami » de leur quartier d'origine. Avec
l'évolution que connurent les « Agblédi »,
certains obtiennent une large indépendance vis-à-vis du chef
de
23
village mère en devenant un village entier avec
à leur tête un chef et seul le culte vodou les
réunissait à l'occasion.
À la tête de chaque lignage ou famille, se trouve
un chef appelé le « foméfia ». Celui-ci se
charge des libations et des sacrifices aux ancêtres. Souvent, il tient
à ce que les problèmes du lignage ou de la famille se
règlent à l'interne.
Pour ce qui concerne l'économie, la principale
activité repose sur l'agriculture. Même si l'ancêtre
fondateur, Kotokou, s'adonnait à la chasse, les siens, par contre, sont
de véritables laboureurs. À l'instar de tout le peuple ouatchi,
la production du maïs et du manioc sont les produits de
référence. Au sein de la société, on ne
mérite des réputations qu'en fonction de l'espace cultivé
et du rendement de ses moissons. Quant au commerce, les Ouatchi de
Vo-Koutimé n'atteignent pas la renommée des Guin. Toutefois,
à Vo-Koutimé, se trouvait, dans le passé, un important
marché situé au bord de la rivière Boko dans l'actuel
village d'Atchandomé. Ce marché, selon nos informations, aurait
autrefois servi d'un lieu de traite où les négriers venaient en
pirogue en passant par le lac Togo pour atteindre la rivière Boko. Des
études pourraient nous en apporter plus de
détails17.
En dépit de la présence de cette rivière,
la pêche est quasi inexistante due à l'absence de
véritables produits halieutiques.
En dehors de l'organisation sociopolitique et
économique, le panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé
renfermerait des dieux, « vodou » caractérisant leur
pratique cultuelle.
17 Miwonunyi Hubert Abotsi, 70 ans, ingénieur
retraité. Entretien du 24/07/2020 à son domicile à
Vo-Koutimé.
Carte n°2 : Itinéraire migratoire des Ouatchi
de Vo-Koutimé
24
Source : E. E. Bodjro, 2020
25
Chapitre 2 :
ÉTAT DES LIEUX DE L'UNIVERS SOCIORELIGIEUX DES
OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ AVANT 1914
Toutes les sociétés en Afrique sont
naturellement religieuses. Les Éwé, depuis leur origine
jusqu'à l'exode de Notsè, croyaient en des forces de la nature
dont ils en font des dieux, le socle de l'unité sociale, même si
le système religieux des Fon (Dahomey) emprunté en partie
à celui des Yoruba a gagné leur monde (C. Rivière, 1978,
p. 28). Ainsi, dans les habitats fondés dans le sud-est du pays
éwé, les Ouatchi mettaient en place le prototype de leur religion
d'origine avec quelques particularités par endroits.
Ainsi, les Ouacthi de Vo-Koutimé, dès leur mise
en place, accordaient une grande dévotion à une multitude de
dieux « vodou » caractérisant la richesse de leur
panthéon. Comment se présente cet univers de dieux ? Quel est le
degré d'enracinement du culte vodou dans la
société ?
2. 1. Le panthéon des Ouatchi de
Vo-Koutimé
Le panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé regorge
une diversité de vodou qui assurent le rôle des
porte-paroles entre leurs adeptes et Mawu, l'équivalent de
Dieu.
2.1.1. Mawu (Dieu suprême)
Les communautés éwé, tout comme les
Ouacthi, placent au summum de la hiérarchie des dieux, Mawu.
« Puissance initiale et créatrice, quintessence
énergétique de l'univers, Mawu est désigné par les
Éwé comme le Dieu suprême et insurpassable en ce qu'il
commande toutes les divinités, aux ancêtres et aux hommes »
(C. Rivière, 1978, p. 18).
Tout prêtre vodou, à Vo-Koutimé,
commence sa prière ou sacrifice en s'adressant en premier lieu à
Mawu la tête levée vers le ciel, la résidence
inatteignable des êtres vivants, souvent en ces mots «
Mawugan, Mawu Sogbolissa mi yo » (Dieu le tout puissant
nous t'implorons). Il termine selon les termes de C. Rivière (1978, p.
20) « Tout réussira pourvu que Mawu jette la main dedans
».
26
Les noms théophores faisant référence
à Mawu sont monnaies courantes à Vo-Koutimé,
comme ailleurs. On peut citer notamment Mawuli, Mawuko, Mawuena, etc.
du genre masculin et pour le genre féminin on trouve Mawussi,
Mawulawoe, etc. ou d'autres désignant à la fois l'homme et
la femme comme Mawuto, Mawugno, etc. En dépit de ces
allégeances, à Vo-Koutimé, l'on ne peut atteindre Mawu
qu'à travers les vodou qui sont leurs
intermédiaires. Ils font recours à plusieurs que nous classons en
mettant en tête les Togbui vodou. Toutefois, il n'existe pas une
classification figée, tout dépend du point de vue de
l'observateur.
2.1.2. Les Togbui vodou et leurs demeures à
Vo-Koutimé
Les vodou, classés dans la catégorie
des Togbui vodou, ont à Vo-Koutimé des
caractéristiques qui leur sont spécifiques. En effet, ces
vodou à la différence des autres, n'ont pas d'adeptes
propres. Initialement, le fondateur du village est le chef de tous les clans
dont il a autorisé l'occupation des terres à proximité.
Ainsi, ces nouveaux venus sont contraints de se placer sous la protection du
dieu propriétaire de terre (C. Rivière, 1978, p. 34).
Étant donné qu'ils constitueront un
héritage des ancêtres fondateurs, tous leurs descendants en sont
héréditairement adeptes. Ceci voudra dire que tous les Ouatchi de
Vo-Koutimé obéissent à la fois aux interdits relatifs
à Togbui Ziowu, à Togbui Yoho et à
Togbui Gbe qui sont les trois et uniques dieux au rang des Togbui
vodou.
Cependant, leur appartenance à la même
catégorie ne les confère guère les mêmes pouvoirs.
2.1.2.1. Togbui Ziowu et le Ziowuvé
Togbui Ziowu est le Togbui vodou le plus
réputé. Il joue un rôle important dans la bonne marche de
la communauté. Il est le garant de la sécurité, il amortit
les mauvais sorts, les malheurs de tous genres. Toute personne à la
recherche de travail, d'un enfant, d'une promotion, bref des biens, lui fait
des promesses par le biais du Tron nu, son prêtre-officiant, et
a l'obligation de les respecter après satisfaction. Faute de quoi, les
malheurs frapperont à sa porte. Appartenant à une
communauté essentiellement agricole, il est le faiseur de
pluie18.
Ainsi, lorsqu'il ne pleut pas au cours d'une saison des
champs, le Tron nu, se fait accompagner par des sages et quelques
vaillants cultivateurs, pour sarcler la terre sèche et puis semer. Trois
jours plus tard, il peut « Maglo mada ».
Le Tron nu, méconnu du grand public, est
exonéré de plusieurs activités. En effet, il lui est
interdit d'aller au champ, il ne sort qu'en des circonstances
particulières souvent lors de la
18 Zikpui Ayondo, 76 ans, président de
l'association des prêtres vodou à Vo-Koutimé.
Entretien du 15/03/2020 à Vo-Koutimé.
grande cérémonie des vodou en pagne
blanc « Aklala ». Il est le représentant direct des
ancêtres quand il s'agit des questions du culte vodou. Libre de
se marier, sa femme ne doit en aucun cas transporter quoi que ce soit sur la
tête ni aller au champ ni au puits.
Comme dans toute société religieuse, le Tron
nu a un droit de regard dans la gestion de la chefferie. En effet,
l'intronisation de tout chef doit d'abord passer par son aval où il
s'occupe de la consultation des oracles.
Au vu du rôle que joue le Ziowu et des
interdits du Tron nu et sa femme, la communauté a l'obligation
de donner à manger au prêtre et à sa famille en leur
offrant, après les prémices à Ziowu, une partie
des récoltes.
Togbui Ziowu a un sanctuaire où réside
le prêtre et une forêt19 qui lui est propre (Photo
N° ci-dessous). Cette forêt est sacrée. Agbegnigan
Fovi20 en parle : « La forêt de Ziowu est à
l'image des autres dans l'aire Ouatchi. Cette forêt est
réservée à l'enterrement des adeptes qui sont morts dans
les couvents « Avomeku » au cours de leur initiation.
Par ailleurs, on enterre également ses prêtres
(les Tron nu décédés). Donc, son accès est
formellement interdit à toute personne sauf les prêtres et
quelques vieux au cours des cérémonies.
Les ancêtres de Vo-Koutimé n'ont pas coupé
le lien avec les Ouatchi d'Akoumapé surtout sur le plan cultuel. En
effet, le Ziowu de Vo-Koutimé constitue le cordon reliant les
deux villages. Le Ziowu étant la divinité mâle a
sa femme, Ziowussi, avec une prêtresse du même nom
(Ziowussi), qui se trouve chez les Akouma.
Les deux prêtres ont un droit de regard mutuel quand il
s'agit d'introniser l'un ou l'autre. Ils assistent à toutes les
cérémonies qui concourent à l'intronisation du
prêtre ou de la prêtresse.
27
19 Qui fait environ trois (3) hectares de surface.
20 Actuel prêtre Ziowu, 65 ans.
Entretien du 25/07/2020 au sanctuaire de Ziowu.
28
Photo n°2.1 : Sanctuaire de Togbui Ziowu
Photo n°2.2 : Vue partielle de la forêt
et son prêtre sacrée de
Ziowu
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020).
La réputation de cette forêt ne fait pas perdre
de vue le rôle de Togbui Yoho et de Togbui Gbe. 2.1.2.2.
Togbui Yoho et le Yohové
À la différence de Ziowu, Yoho n'a pas
de sanctuaire. Il n'existe qu'à travers une forêt de son nom
Yohové21. Si dans la forêt de Ziowu
sont enterrés les adeptes et les prêtres, celle de Yoho
est réservée à ceux qui sont morts de façon
tragique, Djogbéku, soit par accident, incendie, noyade, etc.
Par ailleurs, les foudroyés de Hébiesso ou tous fauteurs
tués par un dieu du panthéon, quoi qu'il en soit, sont
inhumés dans cette forêt qui leur est réservée.
Malgré la sacralité de Yohové, elle ne constitue
plus aux yeux des populations la même valeur comme dans le passé.
Ce changement de regard serait dû à l'absence de
cérémonies appropriées, aggravée plus tard par
l'extension du village où les nouveaux quartiers ou villages lointains
acquéraient une large indépendance en inhumant leurs morts chez
eux, rompant avec l'ordre préexistant qui les obligeait à faire
venir dans le village matriciel, leurs défunts. Ainsi, Yohové
perdit sa place de « Djogbe » au profit des nouveaux
cimetières des fermes.
Néanmoins, conscientes de sa place dans le patrimoine
religieux, les autorités, gardiennes des coutumes, confient sa
protection au prêtre Ziowu.
21 D'une surface de un (1) hectare.
Photo n°2.3 : Yohové
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020).
En dehors de ce Togbui vodou, Togbui Gbé est le
troisième dieu des ancêtres.
2.1.2.3. Togbui Gbe et le Gbevé
Tout comme le Yoho, Togbui Gbé est un
des vodou des ancêtres qui n'atteint pas le même
degré de réputation que le Ziowu. Sa
particularité est qu'il n'a pas de couvent, à l'image de
Ziowu. Ainsi, sa forêt « Gbevé22
» est son couvent où se trouvent des vodou dont les
principaux, sont : Aguin, Azizan et Dan.
Par conséquent, cette forêt est
réservée à des cérémonies et non à
l'inhumation. L'accès à ce sanctuaire est formellement interdit
à toute personne autre que le prêtre du Ziowu et quelques
rares prêtres d'autres divinités. Au cours des
cérémonies dans cette forêt, lors de la grande
cérémonie de vodou « Vodoukonugan »
sauf en cas de calamité, les boissons utilisées ne doivent pas
être alcooliques23.
29
22 Située à l'ouest de
Ziowuvé, elle fait environ un (1) hectare de surface.
23 Agbénigan Fovi, 65 ans. Entretien du
25/07/2020 au sanctuaire de Ziowu.
30
Photo n°2.4 : Togbui
Gbevé
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020)
Par ailleurs, Togbui Ziowu, Togbui Yoho et Togbui
Gbé ne sont pas les seuls vodou du panthéon ouatchi
de Vo-Koutimé. D'autres, que nous appelons secondaires à la
différence de ces Togbui vodou, caractérisent eux aussi
l'univers religieux.
2.1.3. Les dieux secondaires
Les vodou classés dans cette catégorie
sont pluriels. De Hébiésso à la divination, en
passant par Sagbata, « vodou anyigbanto » qui
signifie « dieu de la terre », Légba, vodou Dan, vodou
Tron ou Goro vodou, Gbana, et des vodou liés aux
naissances comme Aloumon, Vénani « les jumeaux »,
Ago, Tohossou, la liste est loin d'être exhaustive.
Cependant, de tous les vodou du panthéon, nous
ne parlerons que de Hébiésso, Légba, en fonction
de leurs popularités.
En milieu ouacthi en général et à
Vo-Koutimé en particulier, le vodou Hébiésso est
le plus connu. On attend souvent dire que Hébiésso est
d'origine dahoméenne précisément à Hevie,
même si cette affirmation fut démentie dans la communauté
ouatchi où le culte de So existerait depuis longtemps au sud du
Togo (B. Gilli, 2016, p. 39) l'influence culturelle du Dahomey
n'épargnerait pas le pays ouatchi.
Dans chaque famille ou lignage, on en trouve (cf. Tableau
n°2.1). Gestionnaire du monde à la fois matériel et
immatériel, principe de connaissance et d'ordre, ou fauteur de trouble
et de chaos (B. Gilli, 1982, p. ix), son nom regroupe tous les vodou
de la foudre, qui sont au nombre de sept. Nous pouvons trouver :
Agbade, Aklobe, Adayro, Sogbo, Sakadja, Ayali et
31
Atisu dont chacun des initiés est
appelé : Agbadesi, Aklobesi, Adayrosi,
Sogbosi, Sakadjasi, Ayalisi et Atisusi (B.
Gilli, 2016, p. 44).
De toute cette famille, à Vo-Koutimé, le plus
populaire est Adayro. Par ailleurs, la liste se fait compléter
par vodou Agboe qui, selon nos informateurs, est la femelle des sept
Hébiésso. Elle est plus calme et chargée
d'apaiser les mâles quand ils sont en colère24.
En dehors de Hébiésso, vodou
Légba est très présent à Vo-Koutimé. On
en distingue deux types : Dulégba et Afanlégba.
Dulégba est celui qui se trouve sur la place publique dans
chaque quartier de Vo-Koutimé. Le village matriciel dispose d'un
Dulégba appartenant aux ancêtres fondateurs, qui est
à la tête de tous les autres. À celui-ci, à chaque
début ou fin des cérémonies de Vodou konougan, on
fait des sacrifices après consultation d'Afan. Le choix du lieu
où il se trouve n'est pas aléatoire. En effet, se trouvant
souvent à l'entrée ou sur la place publique des villages ou
quartiers, ils sont les gardiens de tous les habitants et veillent sur eux.
Photo n°2.5 : Dulégba du village
mère
Source : cliché E. E. Bodjro (27/07/2020).
Toutes les cérémonies du culte vodou
chez les Ouatchi de Vo-Koutimé débutent toujours par la
consultation des oracles « Afan ». Nul n'a le pouvoir de
connaître la cause d'une maladie, d'une calamité, d'une situation
métaphysique si ce n'est qu'après la consultation des oracles.
Au lever du soleil, le prêtre vodou ou le chef
de famille fait la consultation pour savoir ce que lui réserve la
journée en bien ou en mal et les conduites à tenir pour que les
malheurs enjambent le village ou la famille.
24 Entretien du 15/03/2020 à Vo-Koutimé,
76 ans.
En bref, quelle que soit la spécialisation des
vodou, ils assurent tous la sécurité, la
prospérité, la bonne marche de la vie quotidienne ; ils exaucent
les voeux des habitants et les protègent de tout malheur.
2.1.4. Les couvents
Les vodou précités ont leur propre
demeure qu'est le couvent « Kpanou ». En dehors des habitats
de la population, les couvents de vodou sont visibles partout. Le
village matriciel en concentre la majeure partie. À chacun des couvents,
est attribué le nom d'un ancêtre et un responsable. Ce dernier est
entouré d'autres prêtres qui ont leur vodou dans son
couvent. À sa mort, il est remplacé par le plus ancien des autres
prêtres vodou. En dehors de son vodou, les autres
peuvent être de différentes natures. Dans un couvent, on peut
alors trouver à côté du vodou
Hébiésso, le vodou Dan, Mami,
Agbana, etc. Cette convivialité entre les différents
vodou se matérialise entre leurs prêtres. Ainsi, dans
chaque quartier il est nommé un prêtre vodou à la
tête de tous les autres et leurs convents qui est à l'image du
chef de quartier vis-à-vis des autres prêtres (Zikpui Ayondo
25).
32
25 Entretien du 20/07/2020 à son domicile,
76ans.
33
Tableau n°2.1 : Récapitulatif des
couvents
Quartier
|
Nom du couvent
|
Nombre de
prêtres
|
Responsable des
couvents
|
ATCHANDOME
|
Magnawui kpanou ; Melewome
Kpanou; Agbodi Kpanou ; Soviadè Kpanou ; Kotchi
Kpanou,; Adayrope
|
53
|
Hung Amakoe Sessou
|
GLOPE
|
Kpoka Kpanou ; Dedjani Kpanou ;
Nouwodou Kpanou ; Ketoglo Kpanou ; Awaka Kpanou
|
10
|
Hung Sika Kokouvi
|
SOKO
|
Amouzouhlan Kpanou ; Kouléhomé
Kpanou
Bébé Kpanou ; Agoudavi Kpanou ;
Vekini Kpanou
|
26
|
Hung Agboglan
|
KPOTA
|
Daklou Klové Kpanou ; Dansou Hanta Kpanou ; Somabé
Kpanou ; Azianké Kpanou ; Bessanvi Kpanou
|
19
|
Hung Apeti Daklo
|
MAMISSI
|
Wonékou Agbadessi Kpanou ;
Kouléhomé Kpanou ; Messanvi
Kpanou ; Agbémadokponou Kpanou
|
11
|
Hung Wonékou Agbadessi
|
AGADI
|
Yovodévi Kpanou
|
5
|
Hung Yovodévi
|
Source : Archives du secrétariat du chef
Zouméké Akakpo II.
La population ouatchi de Vo-Koutimé, face à cette
pluralité de couvents, s'imprègne du culte vodou.
2.2. L'ancrage de la religion vodou à
Vo-Koutimé
Dans la communauté ouatchi de Vo-Koutimé, de la
naissance jusqu'à la mort, tout le quotidien des populations est
régie par les vodou.
34
2.2.1. La vie sociale imprégnée du
culte vodou
La communauté ouatchi de Vo-Koutimé a un
degré d'enracinement particulier du culte vodou. Nul ne se
réveille le matin de son plein gré, mais cela dépend
plutôt de la volonté des vodou. Pour se coucher la nuit,
le chef de concession ou de famille dira aux siens « Togbuiwo ne fomi
», « que les ancêtres, qui sont encore des dieux nous
réveillent ». On souhaite un bon voyage en disant «
Togbuiwo ne kplomi dediede ».
Le simple fait d'éternuer regorge de significations. En
éternuant du côté gauche, cela signifie le mal et le
côté opposé est signe du bonheur26.
En outre, la vie quotidienne est rythmée de totems du
culte vodou. Nul n'a le droit de porter une chaussure ni de balayer la
nuit, car cela attirerait la variole qui est, selon la tradition, une punition
émanant du vodou Sakpata, souvent représenté chez
les Ouatchi avec de petits boutons sur son corps, une balaie à la main,
et une chaussure au pied.
La naissance d'un enfant n'est pas fortuite, surtout quand il
s'agit des naissances hors normes, en l'occurrence la naissance des jumeaux
« Vénavi », une malformation morphologique «
Tohossou », etc. Ces derniers portent dès leur naissance,
le nom vodou qui ne s'agit pas des noms appartenant au vodou
comme dans le cas des initiés (B. Gilli, 1982, p. x). En effet, les
Vénavi portent des noms, après des
cérémonies, comme Adjé-Adjété,
Koété-Koélé,
Wévi-Wétcha, Etsin-Atsou qu'on trouve couramment dans la
communauté.
Par ailleurs, les animaux sont présagés. En
effet, un coq de la base cour ne chante pas la nuit. Cela signifie que soit la
mort ou un malheur arrivera dans la famille. Et souvent le chef de la famille
reste éveillé sur ces signes. Très tôt le matin, il
ira consulter les ancêtres pour comprendre exactement de quoi il sera
question.
Tous ces signes sont loin d'être exhaustifs, car rien
n'arrive au hasard ; toute chose a une signification divine pour des Ouatchi de
Vo-Koutimé.
2.2.2. L'économie sous la marque des
vodou
La bonne marche des activités économiques ne
dépend pas de la capacité de l'homme. De l'agriculture jusqu'au
commerce, le Ouatchi confie tout au vodou. Ainsi, le cultivateur avant
le début de ses activités, implore les vodou. Souvent,
c'est au grand prêtre du Ziowu à qui revient la charge
d'organiser les cérémonies préalables pour le début
des activités. La pluie devient une offre des vodou ; quand
elle devient rare on se tourne vers eux.
26 Zouméké Akouété Akakpo
II, 76 ans. Entretien du 15 mars 2020 au palais du Chef Canton à
Vo-Koutimé.
35
Le cultivateur n'hésite même pas à placer,
sous la protection des vodou, son champ (cf. Photo ci-dessous). Ils
deviennent des gardiens et tous ceux qui toucheront les produits de ce champ
à l'insu du propriétaire s'exposent à des effets divers
selon la nature du vodou protecteur. Mais, habituellement,
l'agriculteur fait recours au vodou Hébiésso en fonction
de son intolérance envers les voleurs.
Photo n°2.6 : Type de champs placés sous
protection de vodou
Source : cliché E. E. Bodjro (27/07/2020).
Après la réussite des champs, le paysan, en
guise de récompense, offre les prémices de ses récoltes au
vodou. Ceci donna en pays éwé, le nom des fêtes
traditionnelles comme Adinukuzan, Djawuwuzan,
Ayizan, dont les noms diffèrent selon les produits qui
prédominent. En ce qui concerne l'activité commerciale, la
mévente serait due à un sacrifice non fait, une promesse non
tenue, bref quelque chose qui a trait aux vodou. Ainsi, le
commerçant offre, aux vodou soit à l'autel des jumeaux,
au Légba de village, ou tant d'autres, sa marchandise et
demande leur grâce. Souvent, les jumeaux sont considérés
comme des porte-bonheurs. Le commerçant ouatchi souhaite, qu'avant son
arrivée au marché, qu'il en rencontre en cours de route.
En somme, de cette première partie, nous retenons que
les Ouatchi de Vo-Koutimé ont immigrée de Notsè et
après plusieurs périples marqués par des haltes, ils
élisent domicile, à la première moitié du
XVIIIe siècle, là où ils sont aujourd'hui. Mais
étant des croyants en des forces de la nature depuis leur origine, sur
leur nouveau site, ils développèrent un culte vodou de
même nature. Cependant, avec l'ouverture au monde extérieur, ils
connurent l'avènement de la religion chrétienne portée par
les missionnaires blancs.
36
Deuxième partie :
IMPLANTATION ET EXPANSION DU CHRISTIANISME A
VO-KOUTIMÉ DU XXE AU XXIE SIÈCLE
37
Dans le courant du XIXe siècle, la
côte des Esclaves, allant de l'embouchure de la Volta jusqu'au fleuve
Niger qui regroupe aujourd'hui l'actuel Nigéria, Bénin, Togo et
une partie du Ghana, a connu l'avènement des missionnaires
chrétiens. Au Togo, ils débarquèrent sur la côte et
de là atteignirent l'hinterland immédiat dont le pays ouatchi de
Vo-Koutimé. Au fil des temps, l'évangélisation s'enracina
dans ce monde religieux. Fort de ce constat, nous nous posons la question de
savoir : comment les missions chrétiennes, depuis la côte, ont pu
fouler le sol des Ouatchi à Vo-Koutimé ? En outre, qu'est-ce qui
témoigne de l'expansion du christianisme à Vo-Koutimé ?
Les réponses à ces interrogations constitueront la trame des deux
chapitres de cette partie. Alors, après avoir parlé de
l'implantation des missions chrétiennes à Vo-Koutimé, nous
aborderions leur expansion.
38
Chapitre 3 :
IMPLANTATION DU CHRISTIANISME À
VO-KOUTIMÉ AU XXE
SIÈCLE
L'implantation du christianisme à Vo-Koutimé
n'est pas l'apanage d'une seule confession. Mais à la différence
de l'histoire générale du christianisme au Togo où les
premiers porteurs de la Bonne nouvelle furent les missions protestantes, celle
de Brême, l'évangélisation commença à
Vo-Koutimé en 1914 par les missionnaires catholiques. Ils se font
accompagner par les missionnaires de l'Église presbytérienne en
1967 et d'autres congrégations. A cet effet, que pouvons-nous noter de
l'implantation de la mission catholique ? Et du côté de la mission
presbytérienne, quand n'est-il réellement ? Quelles sont,
à part ces confessions, celles qui s'implantèrent plus tard ? Les
réponses à ces questions constitueront la trame de ce
chapitre.
3.1. La mission catholique
L'arrivée des missionnaires catholiques à
Vo-Koutimé n'a pas été spontanée ; elle serait due
à leur présence antérieure à Togoville, puis
à Vogan.
3.1.1. Le prélude à l'avènement
des missionnaires catholiques à Vo-Koutimé
Togoville et Vogan sont les deux foyers du rayonnement du
catholicisme en pays ouatchi, si bien que l'histoire des missionnaires
catholiques à Vo-Koutimé est inséparable à celle
des deux localités.
3.1.1.1. Brève histoire de la mission catholique
à Togoville
L'avènement du christianisme sur le territoire
aujourd'hui togolais date du XVIIIe siècle. Cette
première tentative fut l'oeuvre de la communauté des
Frères Moraves de Saxe en Allemagne, qui se solda par un échec
dont les causes restent inconnues (M. V. Honyiglo, 2011, p. 13). Par ailleurs,
depuis le Dahomey, précisément à Ouidah, des prêtres
noirs, qui seraient sans doute des Afro-brésiliens issus de la traite,
en venant à Agoué, allaient aussi à Adjido et Petit-Popo
où se trouvait la famille de Souza et à Porto-Ségouro (K.
Napala, 2007, p. 138). Mais, ces voyages qui se limitaient à la
côte du futur Togo, n'eurent pas de retombées, du fait de
l'intérêt que représentait le Dahomey aux missionnaires (S.
Édoh, 2017, p. 102). En 1886, le Père Ernest Ménager,
Préfet de la préfecture apostolique du Dahomey,
après avoir parcouru le sud-est du futur Togo,
d'Agoué à Atakpamé en passant par Adangbé (N. L.
Gayibor, 1975 II, p. 498), tenta un premier essai d'installation en envoyant
les Pères Aimés Beauquis et Jeremiah Moran. Ce dernier se fit
empoisonné le 7 août 1887 (K. Müller, 1968, p. 29 ; S.
Édoh, 2017, p. 103). Dès lors, les missionnaires du Dahomey
abandonnèrent le champ de la mission du Togo jusqu'à
l'érection du Togo allemand en préfecture apostolique autonome en
avril 1892 (S. Édoh, 2017, p. 104).
Cette préfecture apostolique du Togo fut
créée par décret le 12 avril 1892 et a été
confiée à la Société du Verbe Divin (SVD). Le 6 mai
de la même année, par un décret du Pape Léon XIII,
le Père Arnold Janssen 27 eut la permission d'envoi d'un
grand nombre de missionnaires dans la nouvelle préfecture apostolique
(M. V. Honyiglo, 2011, p. 14). Ainsi, il envoie une équipe de cinq
missionnaires, en la personne des Pères Schäfer et Mathias Dier,
vêtus de soutanes blanches et des frères Johannes, Norbertus et
Venantius en soutanes grises (Photo n°3.2), qui foulèrent du pied
le territoire aujourd'hui togolais le 26 août 1892.
Photo n°3.1 : Le Père Arnold Janssen Photo
n°3.2 : Les cinq missionnaires SVD
39
Source : Archives de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé.
De la côte en milieu Bè où le 3 septembre
1892 les missionnaires effectuèrent la pose de la première pierre
de la Mission qui fut dédiée à la Vierge des Douleurs (K.
Müller, 1968, p. 40), ils explorèrent, en décembre 1892 puis
en février de l'année suivante, les localités telles que
Porto-Seguro (Agbodrafo), Petit-Popo (Anécho), Adjido et Togoville.
Dans cette dernière localité, les missionnaires
se sont heurtés au refus du Chef le 6 décembre 1892. Toujours
déterminés à continuer l'oeuvre de Dieu, les pères
Schäfer et Dier s'y
27 Fondateur de la Société du Verbe
Divin, est né le 5 novembre 1837.
40
rendirent de nouveau le lundi 6 février 1893 au matin
pour essayer d'acquérir un terrain pour leur future mission (K.
Müller, 1968, p. 41). Cette fois-ci, ils eurent gain de cause en se voyant
offrir un vaste espace à bon compte qui, selon les populations,
appartenait à l'Empereur d'Allemagne. L'accueil particulier de la part
des populations serait dû au fait que, quelques jours auparavant, les
prêtres avaient sauvé une femme, en danger de mort aux environs de
Lomé qui avait été mordue par un serpent. Après
avoir recouvert la vie, elle retourna à Togoville pour annoncer la
nouvelle aux siens (A. de Surgy, 1994, p. 91).
Sur le terrain acheté, les missionnaires
posèrent solennellement la première pierre de la station le 24
mai 1893 et le 28 août 1893 elle fut consacrée. Un an plus tard,
les missionnaires SVD célébrèrent leur première
messe sur le territoire du futur Togo à Togoville et la mission se fit
désigner paroisse Saint Esprit. C'est ainsi que commença le
catholicisme à Togoville.
De Togoville, les missionnaires atteignirent les
localités immédiates. En effet, dans une lettre du 21 mai 1902,
les Pères donnaient des nouvelles assez réjouissantes de leurs
postes en précisant que les stations secondaires se
développèrent d'une façon intéressante à
l'instar de Anjorokopé (Anyronkopé), Wobga (Wogba), Vogan, etc.
(K. Müller, 1968, p. 60).
L'histoire du catholicisme à Togoville a
été marquée par un grand évènement en 1985.
En effet, du 8 au 10 août de cette année, le Pape Jean Paul II
visita le Togo, un moment important pour l'Église qui a vu une
mobilisation des consciences. Pendant toute cette visite, un moment solennel
fut vécue par la communauté chrétienne de Togoville qui,
au soir du 9 août, reçoit le Pape, via le Lac, au sanctuaire de
Notre Dame du Lac Togo (Mère de la Miséricorde) à qui
l'Évêque de Rome a eu la joie de confier le Togo tout
entier28.
28 Source : Témoins de l'évangile. La
présence des Missionnaires Comboniens au Togo-Ghana-Bénin
(19642014).
41
Photo n°3.3 : Le Pape Jean Paul II sur le lac Togo
en août 1985
Source : Archives de la Maison des Missionnaires Comboniens
à Cacavéli (Lomé).
3.1.1.2. Panorama sur le catholicisme à Vogan
La genèse du catholicisme à Vogan remonte
à la période coloniale allemande. En effet, les missionnaires des
SVD qui oeuvrèrent depuis 1893 à Togoville, se lancèrent
à l'exploration des villages situés au nord de Togoville. Ils
parvinrent à atteindre premièrement Wogba, localité
située à environ cinq kilomètres de Togoville et de
là ils arrivèrent à Vogan.
Tout d'abord, ils faisaient de la promotion de
l'éducation leur pilier pour gagner l'affection des populations. Ainsi,
en 1903, le Préfet apostolique en la personne du Père
Bücking inaugura une école primaire sur un terrain que le chef
Assigble leur a offert29.
D'une salle de classe, elle servait en même temps de
chapelle pour la mission. Le plus frappant des faits dans la création de
cette école est le fait que le sous-chef Kalipé
fréquentait régulièrement l'école en tant
qu'élève au milieu des enfants en dépit de son âge
avancé.
Le 30 mai 1905, soit deux ans plus tard, les missionnaires ont
pu gagner 45 catéchumènes qu'ils baptisèrent. Le 30 mai
1908, le Père Ferdinand Lauer, curé de la paroisse de
Porto-Seguro, consacra la petite église, construite par les donations de
Mgr Bücking (1 000 marks), le Père Porten (55 marks), le
Père Glanemann (400 marks), le Père Möhlis (220 marks), le
Père Verstraelen (1200 marks) et le Père Ferdinand Lauer ( ?),
sous le Saint Ferdinand (J-B, Améganvi-Attissou, 1981, p. 72).
Toujours assoiffés de gagner les âmes à
Christ, les missionnaires, depuis la paroisse de Vogan, sillonnèrent les
villages environnants et atteignent Vo-Koutimé en 1914.
29 Centenaire de la Paroisse Saint Ferdinand de
Vogan.
Cependant, après le départ des SVD, les
missionnaires de la Société des Missions Africaines et les
missionnaires Comboniens ont tous fait leur passage sur la paroisse de Vogan.
Surtout, les missionnaires Comboniens, en la personne du Père Augusto
Zancarano, ont laissé de grands souvenirs sur la paroisse de Vogan et
sur la future paroisse Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé. Ce
prêtre combonien fut nommé supérieur et curé de
Vogan en juillet 1966 dans une grande ambiance et enthousiasme des
autorités religieuses avec la présence du nouveau
Archevêque Mgr Dosseh Casmir Anyron et le chef Kalipé de
l'époque au côté de Augusto Zancarano.
Vu son attachement à la population de Vogan pendant dix
ans (1966 à 1976), à sa mort le 29 mai 1991 à
l'hôpital d'Afagnan où il avait été admis le 14
avril, il fut enterré sur la paroisse de Vogan au cimetière des
prêtres selon ses voeux (Photo n°3.5).
Photo n°3.4 : Ordination d'Augusto Photo n°3.5
: La tombe de A. Zancarano
Zancarano à Vogan
42
Sources : Archives de la maison des Source : cliché E. E.
Bodjro (27/07/2020).
Comboniens à Lomé.
3.1.2. Les missionnaires catholiques à
Vo-Koutimé de 1914 à 1971
Les missionnaires catholiques foulèrent le terroir des
Ouatchi de Vo-Koutimé le 11 janvier 1914 en la personne du Père
Demont, quelques mois avant le début de la première Guerre
Mondiale. En effet, ces missionnaires d'origine allemande se trouvaient bloquer
dans leur mission à Vo-Koutimé par la Première Guerre
mondiale. Après leur départ, la paroisse mère de Vogan
était devenue orpheline, car malgré la présence des
missionnaires, la christianisation était toujours à ses
débuts. La paroisse Saint Ferdinand de Vogan, quant à elle, a
bénéficié de temps à autre entre 1918 et 1919, de
la sollicitude des prêtres de la Société des
43
Missions africaines (SMA) installée au Dahomey. Seules
quelques visites des catéchistes de la paroisse s'effectuèrent
à Vo-Koutimé. Ainsi, la jeune mission de Vo-Koutimé
connaîtra une pénurie de personnel pour la
relève30.
Cette donne changea avec la nomination du Père
François Bozin à la tête de la mission d'Aného et de
son district d'où il effectua quelques visites de 1921 à 1924.
Lors de ses visites, il se rendait à Vo-Koutimé souvent
accompagné de Casimir Dosseh31, pour rassembler les quelques
fidèles que comptait la mission.
Par ailleurs, le travail des missionnaires se compliquait par
l'absence d'un espace approprié pour construire une chapelle. Les
fidèles catholiques de la mission ne manifestaient aucune ambition pour
offrir un site à l'église. Les rares messes que desservaient les
Prêtres de la paroisse de Vogan à Vo-Koutimé se faisaient
selon les circonstances du moment, soit dans la maison d'un fidèle
volontaire, soit sur la place publique. Une situation qui serait due
également par manque de moyens.
Par conséquent, l'église catholique restera
à l'étape embryonnaire jusqu'à l'arrivée de la
mission presbytérienne en 1967 à Vo-Koutimé.
En bref, de 1914 à 1971, la christianisation de la
mission catholique à Vo-Koutimé reste toujours à
l'étape embryonnaire.
3.2. L'arrivée de la mission
presbytérienne dès 1967 à Vo-Koutimé
Présents depuis 1964 à Hahotoé, les
missionnaires presbytériens ne parvinrent à atteindre
Vo-Koutimé qu'en 1967. En effet, l'évangélisation du
milieu ouatchi fut confiée à une équipe sous la direction
d'un missionnaire allemand du nom de Knall. Pour ce dernier, la mission
d'évangélisation s'est heurtée à une crise
sanitaire dans le pays ouatchi, précisément dans les environs de
Vogan. Ainsi, cet espace géographique restera hors de la mission
presbytérienne jusqu'en 1967 avec leur arrivée à
Vo-Koutimé au grand dam de Vogan32, dont la population
atteignait environ 12 000 personnes.
La présence de la mission presbytérienne
à Vo-Koutimé ne se résuma qu'à quelques
fidèles. Prenant conscience de la réticence des populations, le
missionnaire allemand adopta une
30 Archives de la paroisse Saint Ferdinand de
Vogan.
31 Père du premier Archevêque du Togo,
Robert Dosseh Anyron.
32 Archives du bloc synodal de l'église
presbytérienne.
stratégie suivant laquelle il fait du tremplin à
son oeuvre de christianisation, les conseils sur les pratiques agricoles,
l'organisation des jeux en se basant sur les passages bibliques, etc.
Le missionnaire s'inspira en partie des difficultés de
la mission catholique déjà sur le terrain avant leur
arrivée. Il eut gain de cause avec une flambée de fidèles
dans les cinq années suivantes. Car, de 1967 à 1972,
l'église presbytérienne compta environ 140 fidèles
baptisés dont la majorité est de Vo-Koutimé et le plus
marquant est que le chef de Vo-Koutimé de l'époque, Akakpo
Domafli et sa famille furent partie des baptisés. Dès lors,
l'église presbytérienne s'installa officiellement en pays ouatchi
de Vo-Koutimé33.
3.3. Les autres confessions religieuses
En dehors de la mission presbytérienne, d'autres
confessions virent le jour à Vo-Koutimé, au rang desquelles nous
pouvons citer les Témoins de Jéhovah, les Assemblées de
Dieu (1990) qui fut fondé par un diacre du Temple de Vogan Ville 1 du
nom de Gbedjego Amétépé, lui-même natif de
Vo-Koutimé. Par ailleurs, l'Église pentecôtiste,
Agbagbé, l'Église de famille du Christ, etc., ont
également une place indéniable dans la christianisation à
Vo-Koutimé.
L'histoire du christianisme à Vo-Koutimé ne sera
guère limitée à l'implantation des missions
chrétiennes. À travers ces missions, le christianisme
connaîtra, une évolution particulière.
44
33 Rapport du synode de 1973.
45
Chapitre 4 :
EXPANSION DU CHRISTIANISME À VO-KOUTIMÉ
DÈS 1971
Les missions d'évangélisation, commencées
dans un premier temps dans le village matriciel (l'ensemble des quartiers de
première génération), gagnèrent au fil du temps
d'autres quartiers de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé. Cette
expansion du christianisme diffère selon les missions ou confessions.
À cet effet, nous nous interrogeons : comment se
présente l'évolution de la mission catholique à
Vo-Koutimé ? Qu'est-ce qui caractérise l'expansion des missions
protestantes ? Alors dans ce chapitre, il sera question, dans un premier temps,
de parler de l'expansion du catholicisme et puis, celle des missions
protestantes.
4.1. La mission catholique
Dès l'avènement de la mission catholique en
1914, le catholicisme ne connaîtra une évolution spectaculaire
qu'à partir de 1971.
4.1.1. Les grandes phases du progrès
catholique
L'évolution de la mission catholique se subdivise en
deux phases : la première va de 1971 à 2004 et la deuxième
de 2004 à 2014 avec des faits particuliers.
4.1.1.1. La première phase : de 1971 à
2004
Après une présence de plus de cinquante ans sans
grand effet au sein de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé,
l'année 1971, dans l'histoire de l'église catholique à
Vo-Koutimé, constitue une période phare. En effet, depuis
l'implantation de la mission en 1914, l'église était toujours
à la traine à cause d'un manque d'espace approprié pour
construire une chapelle.
Cependant, en 1971, le chef du village en la personne de
Akakpo Domafli offrirait, sans aucune condition, une parcelle d'environ quatre
hectares de surface aux missionnaires Comboniens (le Père Augusto
Zancarano).
Selon Miwonunyi Abotsi34 en parle en ces termes :
34 Ingénieur retraité à
Vo-Koutimé et fidèle catholique, 70 ans. Information recueillie
le 24/07/2020 à son domicile.
46
Cet acte de la part du chef n'était pas fortuit. En
effet, l'espace offert aux missionnaires pour y construire l'église est
un terrain litigieux. Deux quartiers du village matriciel à l'instar de
Mamissi et de Glopé revendiquaient le droit de propriété
du terrain. Or, comme nous l'avions dit plus haut, l'ancêtre fondateur de
Mamissi est cousin au chef et celui de Glopé lui est son oncle. Confus
dans cette situation et pour éviter d'être accusé par l'un
ou l'autre, il décida d'en faire un don aux missionnaires.
Alors, les missionnaires, ne voulant plus perdre le temps
compte tenu du litige à propos de l'espace, construisirent une chapelle
qui fut inaugurée le 08 août 1971 sous le nom de Notre Dame de
l'Eglise, pour abriter les messes (Photo n°4.1).
Photo n°4.1 : La chapelle Notre Dame de
l'Église de Vo-Koutimé
Source : cliché E. E. Bodjro (11/03/2020).
Mais conscient de la résistance des parents à
s'ouvrir à la Bonne Nouvelle, les missionnaires se tournaient vers les
jeunes. Puisque, en 1978, soit sept ans plus tard, la mission ouvrait une
école primaire qui était une école d'un bâtiment de
quatre classes de CP1 au CM2 avec une combinaison de la classe de CP1 et CP2 et
de la classe de CE1 et CE2 (Photo ci-dessous) et devrait servir de tremplin
à l'évangélisation.
47
Photo n°4.2 : Le bâtiment de l'école
primaire catholique de Vo-Koutimé
Source : cliché E. E. Bodjro (15/03/2020).
Ainsi, pour une formation soutenue des néophytes, le
clergé catholique accorda du prix à la catéchèse
ajoutée au cours proprement dit. Les catéchumènes
devraient d'abord obtenir le sacrement de baptême, l'eucharistie et plus
tard la confirmation. Tous les élèves sont contraints à
aller aux cours de catéchèse. Les missionnaires de leur
côté veillaient à l'assiduité et à la
régularité de tous, même aux messes dominicales (S. Edoh,
2016, p. 172). Ce système permettait une évolution de l'effectif
des fidèles. Par ailleurs, en 2001, la mission catholique s'ouvrait au
reste du pays ouatchi avec la création d'une seconde école
primaire dans le quartier Djoguimé dont l'une de ses salles de classe
servait de chapelle tous les dimanches pour les messes. En outre dans le
village d'Adjodogou, qui est auparavant un quartier créé suite
à l'extension du village mère, la mission fit créer une
station secondaire qui est à l'étape expérimentale par
manque de terrain pour construire une chapelle en torchis. Toutefois, compte
tenu du nombre de fidèles toujours minoritaire sur ces nouvelles
chapelles, les responsables de la mission n'envoyèrent que des
catéchistes pour célébrer les messes dominicales. La
mission de Vo-Koutimé demeure, au cours de cette phase, une station
secondaire qui dépendait de la paroisse Saint Ferdinand de Vogan. Cette
donne ne changea qu'à partir de 2004, année marquant le
début d'une nouvelle phase35.
4.1.1.2. La deuxième phase : de 2004 à
2014
La station de Vo-Koutimé tourna une page de son
histoire dès 2004. Avec l'évolution considérable du nombre
des fidèles sur la station et ayant rempli des conditions
nécessaires pour obtenir le statut de Paroisse, le 15 juin 2004, soit
trente-trois ans après la construction de la mission, la station
secondaire de Vo-Koutimé obtint son érection canonique sous le
nom de
35 André Tonou, 70 ans, entretien du 22 juillet
2020 dans son domicile à Vo-Koutimé.
Marie-Reine de l'Univers. La même année, dix-neuf
fidèles ont reçu leur baptême dont le tout premier est Abla
Bernice Aklobessi.
La nouvelle paroisse n'a connu sa première communion et
confirmation et son premier mariage qu'en 2005. Dès lors,
l'évolution était significative tant au niveau des
baptêmes, des communions, des confirmations que du mariage jusqu'en 2014
(cf. Tableau ci-dessous).
Tableau n°4.1 : Récapitulatif de
baptêmes, de communions, de confirmation et de mariages sur la Paroisse
Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé de 2004 à 2014
Baptêmes
|
490 fidèles baptisés
|
Communions
|
350 fidèles communiés
|
Confirmations
|
260 fidèles confirmés
|
Mariages
|
15 couples mariés
|
Source : Archives de la paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé
Par ailleurs, la paroisse connut le passage de plusieurs
prêtres et vicaires de 2004 à 2014, comme le présente le
tableau ci-dessous.
Tableau n°4.2 : Les Prêtres et Vicaires ayant
servi sur la paroisse de Vo-Koutimé.
Prêtres
|
Vicaires
|
Durée
|
RP Isles Paul KOUMAKO
|
-
|
- 2004 à 2010 (soit 6 ans)
|
RP Henri Joël EKUE-TOTOU
|
- Abel Seho ALATE
- Yves ALLIN
- Joseph ADANDOHOUN - Jean Faustin ALEBOUDO
|
- 2010 (soit un an) - 2011 (soit un an) - 2012 (soit un an) -
2013 et 2014 (deux ans)
|
RP Abraham AGBOSSOU
|
- Jean Faustin ALEBOUDO
|
- À partir de 2014
|
48
Source : Archives de la paroisse de Vo-Koutimé.
49
Au vu de ce tableau 2, nous disons que pendant la
période allant de 2004 à 2014, 3 Prêtres et 5 vicaires se
sont succédé sur la paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé. Parmi tous les prêtres, le Père Isles Paul
Koumako fut non seulement le premier prêtre qu'a connu la paroisse comme
curé fondateur, mais aussi il fut celui qui a le plus duré (6
ans). Par contre, à la différence de ces successeurs, le
curé fondateur n'a eu aucun vicaire qui pourrait l'aider dans ses
tâches ce qui serait dû par l'absence d'un Presbytère
pouvant héberger les prêtres. Le Père Koumako
résidait sur la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan pour desservir les
messes dominicales sur la jeune Paroisse de Vo-Koutimé36.
Vers la fin de l'année 2010, avant l'arrivée du
Père Henri Joël Ekue-Totou, l'église construisit la maison
presbytérale. Ainsi, celui-ci y résidait et durant ses quatre ans
(2010 à 2014), il travailla avec quatre vicaires successifs
jusqu'à son départ en 2014. L'année qui marqua
l'arrivée du Père Abraham Agbossou qui continua la mission de
Dieu avec le dernier vicaire de son prédécesseur Jean Faustin
Aleboudo.
Cependant, du côté des missions protestantes,
l'évolution n'est pas de la même nature.
4.2. Les missions protestantes
Les missions protestantes, en l'occurrence celles de
l'église presbytérienne, dès sa création en 1967,
n'a pas fait de grands progrès dans leur mission de christianisation de
la communauté ouatchi de Vo-Koutimé. Elle se voit surclasser par
l'Église des Assemblées de Dieu.
4.2.1. L'épiphénomène de la
mission presbytérienne à Vo-Koutimé
L'ardeur qu'a prise la mission presbytérienne
dès son arrivée à Vo-Koutimé n'a pas
traversé les temps. Dès l'arrivée de la mission
presbytérienne en 1967 et son évolution considérable dans
les années 1970 avec une foule de conversion dont faisait partie le chef
Domafli Akakpo, les années 1980 et jusqu'en 2017, elle ne traversa qu'un
chemin de croix. La raison de ce piétinement de la foi
presbytérienne à Vo-Koutimé est de divers ordres.
Amèvi Agbassagbé37 affirme à ce propos :
Tout d'abord, les missionnaires presbytériens en la
personne de l'Allemand Knall, dans sa mission d'évangélisation de
Vo-Koutimé, n'a pas trouvé une place concrète à
l'église avant la fin de sa mission en milieu ouacthi. Ainsi,
après son départ, les fidèles presbytériens de
Vo-Koutimé erraient de maisons à maisons au gré de
quelques volontaires pour les messes
36 Jean Alfred Kloutsè, 51 ans,
Vice-président de la Paroisse Saint Ferdinand de Vogan, entretien du
13/03/2020 à Vogan, à son domicile.
37 Enseignent retraité et fidèle de
l'église presbytérienne, 70 ans. Entretien du 22/07/2020 à
son domicile.
50
dominicales. Par ailleurs, cette absence de temple
décourageait certains de nos fidèles et avec l'évolution
de l'église et la création d'autres églises, la
concurrence devint rude. Ainsi, nous avons perdu des fidèles au profit
de ces églises.
Cependant, malgré la construction, plus tard, d'un
temple suite à un don38 d'un terrain d'environ six lots, la
donne resta la même.
Photo n°4.3 : Temple de l'église
presbytérienne de Vo-Koutimé
Source : Archives de M. Amèvi Agbassagbé.
Après cinquante ans d'existence (1967 à 2017) de
l'église presbytérienne à Vo-Koutimé, l'état
du temple (en photo) en dit long sur la situation de la mission. En effet, vu
les difficultés de la mission, notamment l'absence de conversions
massives, les premiers responsables hésitèrent à financer
quoi que ce soit à Vo-Koutimé. Ce bâtiment ci-après,
une oeuvre d'une dizaine d'années, n'est que le fruit du don des rares
fidèles que compte encore l'église au sein de la
communauté aoutchi de Vo-Koutimé39.
Néanmoins, l'église des Assemblées de
Dieu, de son côté, marqua la mission de la christianisation
à Vo-Koutimé.
4.2.2. Le progrès considérable des
autres confessions : le cas de l'Église des Assemblées de
Dieu
L'église des Assemblées de Dieu, en dépit
de son arrivée récente (en 1990) à Vo-Koutimé a
fait des pas considérables dans l'histoire du christianisme. À la
différence de la mission
38 Le don est fait par M. Amèvi
Agbassagbé, le seul tenant de la mission presbytérienne à
Vo-Koutimé.
39 Amèvi Agbassagbé, 70 ans,
enseignent retraité et fidèle de l'église
presbytérienne. Entretien du 22/07/2020 à son domicile.
presbytérienne, dix ans après son
arrivée, elle s'ouvrit à l'ensemble du pays ouatchi de
Vo-Koutimé par la création de deux temples annexes à
Mamissi et à Djoguimé.
Par ailleurs, elle gagna de la cote vis-à-vis des
populations de par son partenariat signé le 5 novembre 2011 avec le
Centre de développement des enfants (CDE la GRÂCE) dont les
objectifs sont l'enseignement du curriculum dans les domaines spirituel,
cognitif, physique et socio émotionnel des enfants. De par ce
partenariat, le nombre des fidèles s'accroit, car tous les 260 enfants
bénéficiaires du programme venaient tous aux messes
dominicales.
Photo n°4.5 : Temple mère de
l'église des Assemblées de Dieu
Source : cliché E. E. Bodjro (24/07/2020).
Tout compte fait, le chantier de la christianisation à
Vo-Koutimé est loin d'être terminé (cf. carte n°3).
Sur une population d'environ 20 000 habitants et en dépit d'une
présence de cent (100) ans, plus de 75% sont toujours attachées
aux pratiques ancestrales » selon les mots du Père Michel
Têko Amah-Tchoutchoui40. Ainsi, le bilan de la
christianisation reste négatif.
51
40 Curé de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers
de Vo-Koutimé. Entretien du 11/03/2020 sur sa paroisse.
52
Carte n°3 : Les différentes
congrégations religieuses à Vo-Koutimé
Source : E. E. Bodjro, 2020.
De cette deuxième partie, retenons que
l'avènement des missionnaires chrétiens à
Vo-Koutimé s'est inscrit dans une suite logique de la mission
d'évangélisation du Togo depuis la côte Atlantique.
Toutefois, son expansion dans cette communauté ouatchi de
Vo-Koutimé se heurta à tant de problèmes dont
l'attachement sans condition de la population aux cultes du terroir.
53
Troisième partie :
RÉSILIENCE DU CULTE VODOU DES OUATCHI
DE VO-KOUTIMÉ DU XX AU XXIE SIÈCLE
54
Les Africains ont un profond sens religieux. Les Ouatchi de
Vo-Koutimé en sont un exemple particulier. En effet, étant
voués aux cultes vodou dès leur mise en place,
l'arrivée du christianisme dans ce vieux monde religieux ne bouleverse
guère l'ordre cultuel préétabli. Ladite communauté
s'attache indéfectiblement aux cultes vodou. A cet effet,
détourner quasiment le chrétien ouatchi de Vo-Koutimé du
culte vodou devient pour les missionnaires et plus tard pour les
prêtres et pasteurs une tache d'huile. De ce qui précède,
se dégagent deux interrogations : qu'est-ce qui témoigne du
dynamisme des cultes vodou à Vo-Koutimé ? En quoi
peut-on dire que les chrétiens de Vo-Koutimé pratiquent le
mimétisme religieux ? Alors les réponses à ces
interrogations constitueront les deux chapitres de cette partie.
55
Chapitre 5 :
DYNAMISME DU CULTE VODOU À
VO-KOUTIMÉ : LE CAS DU
VODOUKONOUGAN
L'attachement des Ouatchi de Vo-Koutimé au culte
vodou est très marquant. Dans cette communauté, la
célébration de Vodoukonougan, une
cérémonie dédiée à tous les vodou
et plus particulièrement ceux à grande assise comme
vodou Hébiésso, en est la preuve d'attachement. Dans le
sillage de cette cérémonie, la Spéciale association des
féticheurs coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux
des féticheurs de Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) a vu le jour en
prenant à corps les questions du culte vodou. Cette
cérémonie du Vodoukonougan, à la
différence de toutes cérémonies cultuelles, se fait
suivant une organisation particulière et ses impacts à
Vo-Koutimé sont très significatifs. À cet effet, nous nous
posons les questions de savoir : quel aperçu historique peut-on faire de
cette cérémonie ? Comment les prêtres vodou de
Vo-Koutimé sont-ils parvenus à la création de la
SAFCANIVKC ? Par ailleurs, de quoi regorge la cérémonie de
Vodoukonougan ? Enfin, quels en sont ces impacts ? Les réponses
à ses questions feront l'objet de ce chapitre.
5.1. Aperçu historique du
Vodoukonougan
Le Vodoukonougan, comme son nom l'indique, est la
grande cérémonie des vodou à Vo-Koutimé.
Elle est célébrée tous les trois ans, selon le calendrier
lunaire, à la différence d'autres sacrifices particuliers que
chaque prêtre faits à ses vodou, etc. Cette
cérémonie dédiée aux vodou ne date pas de nos
jours. Selon Zikpui Ayondo 41 :
La cérémonie se faisait depuis le temps de nos
ancêtres. Après leur installation sur le site, ils
décidèrent un jour de remercier leur vodou, car depuis
leurs trajets, en quittant Notsè et de leur passage à
Akoumapé et à Vogan, aucun malheur ne leur est arrivé. De
plus, sur ce site, leurs activités agricoles vont bon train. Or, ils
sont conscients qu'ils auraient enfreint à des totems de leurs vodou
et qu'ils ne seraient pardonnés une fois (un an), deux fois (deux
ans) et une troisième (trois ans). Ainsi, ils conviennent à
l'unanimité qu'à chaque trois an qu'ils se purifient de tout et
qu'ils offrent les prémices de leurs produits agricoles au vodou
en guise de remerciement. C'est ainsi qu'ils instituèrent le
Vodoukonougan à Vo-Koutimé.
41 Président de l'association des prêtres
vodou à Vo-Koutimé. Entretien du 20/07/2020 à son
domicile.
56
Cependant, aucune date n'est donnée par nos
informateurs concernant la première édition de cette
cérémonie. Elle est tout simplement pour eux, un héritage.
Au début du XXIe siècle, cette cérémonie
a pris une nouvelle tournure avec la création de la SAFCANIVKC
5.2. La naissance de la Spéciale association
des féticheurs coutumiers africains nationaux et indispensables
cantonaux des féticheurs de Vo-Koutimé centre
(SAFCANIVKC)
En Afrique, l'emprise de plus en plus forte des messagers de
la « Bonne Nouvelle » sur le quotidien des sociétés
fait réagir les garants de l'ordre moral et social de diverses
manières, pour faire échec à la propagation du
christianisme, tout en s'employant à la sauvegarde de l'héritage
cultuel des ancêtres (K. Étou, 2019, p. 13).
Ainsi, à Vo-Koutimé, l'heure est à la
création d'une association des prêtres sous le nom de la
Spéciale association des féticheurs coutumiers africains
nationaux et indispensables cantonaux des féticheurs de
Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) ouvrant ainsi une nouvelle phase dans la
célébration du Vodoukonougan. Elle fut une initiative du
Hun? Zikpui Ayondo remontant en 2010.
Avant la célébration de chaque
Vodoukonougan, tous les prêtres vodou de
Vo-Koutimé se réunissent pour choisir un Konoutato,
« maître de la cérémonie » parmi tous les
prêtres à qui on confie l'organisation des
cérémonies.
Toutefois, celui-ci peut être reconduit à la
tête de ses pairs pour la cérémonie s'il a bien
exercé son rôle. En 2010, Hun? Zikpui Ayondo (Photo
n°5.1) a été porté à la tête de
l'association. À la différence de tous ses
prédécesseurs, il est un lettré et de plus un
géomètre agréé par l'État. Par ailleurs,
dans le domaine cultuel, il est le vice-président de tous les
prêtres vodou de la préfecture de Vo.
57
Photo n°5.1: Hun? Zikpui
Ayondo
Source : Archives du prêtre Hun? Zikpui
Ayondo.
De par son charisme, il mettra en place, dès 2010,
l'idée de la création d'une Association pour unifier tous les
prêtres. Très vite, l'idée fut épousée par
tous les autres prêtres vodou de Vo-Koutimé.
Le 26 juillet de la même année, il envoya une
lettre au Ministre de l'Administration territoriale pour la reconnaissance de
leur Association sous le nom de la SAFCANIVKC, Spéciale association des
féticheurs coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux
des féticheurs de Vo-Koutimé centre, dont le but est d'assurer la
continuité de l'oeuvre de Dieu par l'intermédiaire des esprits et
des oracles des prêtres féticheurs. Ils désignent par
« Centre » le village matriciel regroupant tous les six quartiers.
L'accusé de réception ne parviendra que le 16
octobre 2013, où le ministre Gilbert Bawara, par une lettre
répond favorablement à la création de cette Association.
Un mois plus tard le 02 novembre 2013, il fit publier ladite Association dans
le Journal Officiel de la République (cf. Annexe N° 1).
Dès lors, la SAFCANIVKC acquit une existence
légale et s'engage pour la pérennité de la
cérémonie de Vodoukonougan.
5.3. Le Vodoukonougan à
Vo-Koutimé
Le Vodoukonougan des Ouatchi de Vo-Koutimé se
résume en de grandes phases et avec le pluralisme des vodou qui
caractérise le panthéon, seuls ceux ayant de grandes assises sont
plus impliqués. La participation la plus impressionnante à cette
cérémonie est celle des jeunes de tout genre.
58
5.3.1. Les grandes phases du
Vodoukonougan
La cérémonie du Vodoukonougan se
résume en trois grandes phases. Il s'agit de Doufankaka
à Agbassakaka ou l'apothéose en passant par la
phase des cérémonies proprement dites.
5.3.1.1. Le Doufankaka
Toute cérémonie cultuelle en pays ouatchi en
général et plus particulièrement à
Vo-Koutimé débute toujours par la consultation des oracles.
Ainsi, dans le cas d'espèce du Vodoukonougan, cette
consultation se désigne sous le nom de Doufankaka. Cette
première phase de la cérémonie est symbolique. En effet,
pour la circonstance, tous les prêtres vodou « Hun?
» et quelques Husro « adeptes hommes » et
Hussi « adeptes femmes » assistés par le grand
prêtre de Ziowu et le chef du village matriciel
accompagné de tous ses « Tchami » se
réunissent devant le Dulégba du village mère tout
en faisant appel à 7 différents oracles « Bokono
». Ces oracles consultent à tour de rôle les
ancêtres pour connaître sous quel Kpolidu «
destiné » sera placée la cérémonie de
l'année pour qu'elle soit digne. Souvent, le message de tous les sept
oracles est unanime sur un même Kpolidu et diffère d'une
cérémonie à une autre42.
Voici l'exemple du Kpolidu « Gbe Woli » de la
cérémonie de 2010 :
+
'' ''
' '
' '
'' ''
A en croire les devins, ce Kpolidu dit que le chef
Zouméké doit tuer un bélier et une poule au
Dulégba et en outre, les prêtres vodou doivent
une bouteille de Schnaps et de Sodabi au chef. Car selon les
ancêtres, il y a une absence d'entente et de convivialité entre le
chef et les prêtres vodou.
Toute l'organisation du konou dépend de ce que
diront les ancêtres à travers la consultation. Parfois, on reporte
carrément la cérémonie, car les ancêtres exigent au
préalable soit l'immolation de deux chèvres à
Doulégba, soit deux poules à Togbui Ziowu, car
ils ont enfreint tel ou tel totems de vodou. Après ces
cérémonies en amont, on fixe la date du début
42 Zikpui Ayondo, 76 ans, président de la
SAFCANIVKC, entretien du 15/03/2020, à Mamissi.
59
de la cérémonie proprement dite. Dès
lors, les prêtres vodou envoient aux adeptes de leur couvent une
graine de maïs en guise d'invitation et si le concerné habite
très loin, sa famille se chargera de l'informer. D'autre part, les
prêtres vodou, responsables des couvents, travaillent pour la
mise au propre de tous les couvents avant la date butoir43.
5.3.1.2. Les cérémonies proprement
dites
La cérémonie s'étale sur 16 jours et
commence un mardi « Brada ». Dès ce premier jour,
tous les couvents du village matriciel se remplissent d'adeptes et de
prêtres vodou avec des caravanes. L'assistance aux
cérémonies à l'interne des couvents est formellement
interdite aux non-initiés. Ceux-ci ne sont autorisés à
prendre part qu'aux joues de tam-tam tous les soirs sur les places publiques
dans chaque quartier mère. Tous les désireux spectateurs sont
contraints au respect strict de quelques interdits à savoir qu'ils ne
doivent porter ni habits ni chaussures ni casquettes, bref ils doivent rester
à moitié nu. Faute de quoi, ils se verront déchirer tout
ceci par les Husro et les Hussi souvent lorsqu'ils entrent en
transe. Par ailleurs, les contrevenants sont ramenés de force dans les
couvents où ils paieront des amendes en argent et en boissons avant de
sortir.
Photo n°5.2 : Un groupe d'adeptes vodou
en caravane
Source : Archives privées de Zikpui Ayondo.
Au cours de la cérémonie, tous les vendredis
« Fida », les vodoussi se rendent dans le grand
marché de Vogan pour collecter soit des produits agricoles, soit de
l'argent. Aucune d'elles ne s'en approprie. Au retour à
Vo-Koutimé, elles offrent les prémices au
Doulégba.
43 Zikpui Ayondo, 76 ans, président de la
SAFCANIVKC, entretien du 15/03/2020, à Mamissi.
60
Au septième jour de la cérémonie, les
prêtres vodou, quelques Husro et Hussi, en
présence du chef de village et ses «Tchami », se
retrouvent pour une deuxième consultation des ancêtres au
même lieu et dans les circonstances que le cas du Dufan.
Seulement qu'à cette occasion, ils feront un mini bilan de la
cérémonie aux ancêtres et demanderont si effectivement le
Vodoukonougan prendra fin le seizième jour. À cette
occasion, les participants connaissent les cérémonies à
faire et les conduites à suivre pour l'apothéose.
5.3.1.3 Agbassakaka ou l'apothéose
Le seizième jour de la cérémonie
constitue le jour de l'apothéose où se fait Agbassakaka.
Agbassakaka, en dehors de son sens d'apothéose, est une grande
consultation de Doufan qui, à la différence de la
première consultation des ancêtres, se fait devant toute une foule
composite dans le marché Dégo. Tous les prêtres
vodou, les Husro et Hussi, le chef et ses Tchami
et sept autres oracles à la différence de ceux de la
première consultation, se retrouvent pour Agbassakaka. Au cours
de cette cérémonie, les ancêtres choisissent les
Avlokété « adeptes femmes de
Hébiésso » souvent au nombre de sept qui se
chargeront de transporter les Avossa ou Agba «
sacrifices » pour les déposer au grand carrefour situé au
nord du village matriciel.
Photo n°5.3 : La participation des prêtres,
adeptes et non-initiés à l'apothéose de la
cérémonie de 2014
Source : Archives privées de Zikpui Ayondo.
La plus importante des cérémonies qui implique
tous les Ouatchi de Vo-Koutimé au jour du Agbassakaka est que
chacun balaie sa chambre et la cour de sa maison en ajoutant une pièce
d'argent, selon son gré, et on dépose le tout dans de petits
paniers que les Agboessi distribuent
61
dans chaque concession à la veille. Vers 14h, les
mêmes vodoussi passent ramasser les paniers pour les amener au
lieu dédié à l'apothéose. Les habitants des
quartiers éloignés du village mère se chargent d'apporter
leurs ordures à la place de la cérémonie.
Dès 16h, on commence les cérémonies de
l'apothéose proprement dites. Le prêtre Hun?
chargé des cérémonies du Vodoukonougan avec
l'aide de ses pairs distribuent dans sept grands paniers toutes les ordures
collectées.
Ces paniers sont enroulés dans des
clobas44 blancs, noirs et rouges et on immole sur chacun
d'eux, soit des poules ou des chèvres, de tout pelage,
accompagnés de diverses boissons et de farine délayée
« Djati ». La nature des animaux et des boissons pour cette
cérémonie dépend de la volonté des ancêtres.
Tout au long de cette cérémonie, les adeptes et les prêtres
chantent des chansons spécifiques à des circonstances.
Avant l'heure du départ (18h) des Avossa, les
Avlokété choisies pour le transport des paniers se
rendent dans le sanctuaire de Togbui Ziowu pour se faire asperger de
l'eau lustrale se trouvant dans deux Adawa45 dont le sens
est de se protéger de mauvais yeux.
Photo n°5.4 : Les deux Adawa au sanctuaire
de Ziowu
Source : cliché E. E. Bodjro (25/07/2020).
Après cela, elles se rendent au lieu de la
cérémonie. Le chef gongonne dans tout le village pour faire
savoir aux populations que les Avossa vont partir et que nul n'a le
droit de rencontrer les Avlokété avec les paniers sur la
tête. On passe ce message à maintes reprises pour les avertir.
44 Pagne de couleur unique qu'on utilise pour les
rituels.
45 Jarre en terre cuite
62
À 18 h alors, les sept Avlokété
transportent les paniers. Personne ne les accompagne ni les prêtres
vodou. En cours de route, elles crient en disant «
agbagbono, agbagbono, agbagbono, ekouneto,
doneto » « sacrifices arrivent, sacrifices arrivent, que la
mort parte, que la maladie parte ». Tous ces mots sont
répétés à plusieurs reprises jusqu'à leur
arrivée au carrefour réservé pour les paniers dont le but
est d'avertir tous les usagers de cette route de rebrousser chemin. Faute de
quoi, ils ramasseront tous les malheurs du village.
Photo n°5.5 : Les Avlokété
transportant les Avossa
Source : Archives privées de Ayondo Zikpui
Cette dernière étape met fin à la
cérémonie Vodoukonougan réservée plus aux
déités de grande assise.
5.3.2. Les différentes déités
du panthéon impliquées
Comme nous l'avions souligné plus haut, le
panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé se caractérise d'une
pluralité de vodou. Pourtant, tous n'ont pas la même
assise territoriale. Ainsi, la cérémonie du
Vodoukonougan, en dehors des trois Togbui vodou, toute la
famille de vodou Hébiésso et plus
précisément Adayro et Agboe sont les vodou les
plus impliqués dans cette cérémonie au point que certains
ont l'habitude de désigner la cérémonie de
Hébiésso Konou.
Toutefois, tous les vodou du terroir ouatchi de
Vo-Koutimé sont honorés à l'occasion par la participation
de leurs prêtres ou de leurs adeptes et celle d'une classe jeune.
63
5.3.3. L'engagement des jeunes dans le culte
vodou
De tous les participants à la cérémonie
de Vodoukonougan, celui d'une classe jeune de la communauté
ouatchi de Vo-Koutimé est la plus marquante. En effet, cette
cérémonie démontre le degré d'attachement de la
jeunesse au culte vodou, chose rarissime dans une mondialisation où les
valeurs cultuelles des sociétés africaines sont en passe de
disparaître. Ainsi, la prise de relève des pratiques cultuelles
à Vo-Koutimé ne laisse personne dans la perplexité.
En dehors des noms théophores,
Yébéssivi, Husrovi, qui font mention
quotidiennement aux jeunes adeptes de vodou à
Vo-Koutimé, leurs attachements sont plus vestimentaires (Photos
ci-dessous). Lors des cérémonies du culte vodou et
surtout du Vodoukonougan, les néophytes adeptes de vodou
(Yébéssivi et Husrovi) se distinguent avec
grand plaisir de par leurs accoutrements.
Photo n°5.6 : Une Yébéssivi
et deux Husrovi en habits cultuels
Source : Archives de M. André Tonou46.
La cérémonie de Vodoukonougan impact
considérablement la communauté de Vo-Koutimé.
5.4. Les impacts de la fête de Vodoukonougan
à Vo-Koutimé
Aux yeux des populations de Vo-Koutimé, le
Vodoukonougan a beaucoup de retombées d'ordres divers. Selon
André Tonou47 :
46 Président du comité culturel de
Vo-Koutimé.
64
Nous ne regrettons jamais la cérémonie du
Vodoukonougan à Vo-Koutimé. Elle nous procure sur le
plan économique, la réussite des activités agricoles avec
une pluviométrie régulière au cours des saisons permettant
à son tour un bon rendement. En outre, tous les commerçants
ouatchi de Vo-Koutimé attachés aux cultes vodou,
trouvent toujours gain de cause. Par ailleurs, le Vodoukonougan nous
épargne des accidents répétés, des morts
prématurées, en bref des malheurs de tout genre. Un vodou
qui ne satisfait pas ses adeptes se voit sa devanture poussée des
herbes.
En conclusion, dans la communauté ouatchi de
Vo-Koutimé, le culte vodou reste en vogue avec un attachement
de la part d'une classe jeune, rassurant indubitablement la relève
cultuelle. Au vu de cet enracinement dans la religion traversant les
siècles, les chrétiens du pays ouatchi de Vo-Koutimé
voient leur foi tachée de remords avec toujours un penchant à la
religion de leur terroir.
47 Entretien du 22/07/2020 à son domicile
à Vo-Koutimé.
65
Chapitre 6 :
LES CHRÉTIENS DE VO-KOUTIMÉ FACE AUX
CULTES VODOU : LE SYNCRÉTISME
Dans les communautés africaines, les missionnaires ont
du mal à soustraire les néophytes chrétiens de leurs
cultes du terroir. Ainsi, au Togo et précisément en pays ouatchi
de Vo-Koutimé, le chrétien, en plus de sa foi biblique,
n'hésite guère à recourir à la religion
vodou. De ce constat, deux interrogations se dégagent à
savoir : quels sont les facteurs qui contraignent les chrétiens à
adopter le mimétisme religieux ? Quels sont les caractères que
prenne le syncrétisme des chrétiens ? Ainsi, dans ce chapitre,
nous aborderons les facteurs occasionnant le syncrétisme, en premier
lieu, et puis, nous parlerons en second lieu des caractères que prenne
ce phénomène du syncrétisme.
6.1. Les circonstances occasionnant le mimétisme
religieux
La volteface du chrétien de Vo-Koutimé envers
les cultes du terroir n'a toujours pas été un effet de hasard.
Bien des circonstances obligent le néophyte chrétien ouatchi
à accrocher par moment sa foi biblique. Miwonunyi Abotsi48
s'indigne en ces termes :
Si dans la Bible en Romains 8 v 9, il est dit : « Pour
vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'esprit, si du moins
l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, il ne
lui appartient pas » et dans la même perspective en Jean 6 v 63 en
soulignant que « c'est l'esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien.
Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie » témoignant
ainsi de l'importance particulière accordée à l'esprit au
détriment de la chair humaine, le chrétien ouatchi a du mal
à faire cette volonté biblique.
Alors, aux yeux du néophyte, à quoi est-il bon de
ne vivre que pour l'esprit ?
Aussi, la recherche d'une promotion dans sa carrière,
de la réussite des affaires, d'un enfant, ou bien vouloir recouvrer sa
santé sont des désirs de la chair humaine qui poussent le croyant
vers les cultes de son terroir, après avoir tant espéré
une solution dans l'église. Il revient honorer ses engagements ou
promesses lorsque les voeux sont exaucés (K. A. Honou-Amedome, 2015, p.
24).
48 Ingénieur retraité ç
Vo-Koutimé et fidèle catholique, 70 ans, Information recueillie
le 24/07/2020 à son domicile.
66
Des lors, le néophyte a une conception magique de Dieu.
Il prie Dieu, non pour l'aimer davantage et pour que sa volonté soit
faite, mais pour que Dieu lui fasse sa volonté. Il demande le pain
terrestre en négligeant celui du ciel ; il demande la
tranquillité et non la paix. Il aimerait que Dieu
révélé soit efficace comme les puissances
tutélaires, hic et nunc (ici et maintenant) (M. K. Kuakuvi,
2011, p. 33).
Dans les sociétés africaines, la vie est un bien
précieux, une richesse. Elle a plus de valeur que l'argent et l'or.
Alors, on ne peut et ne doit la négliger ni la banaliser (A.
Kuadjovi-Ayedewou, 1986, p. 8). Cela étant, en cas de maladie dont on
n'a pu trouver solution dans les églises, on a recours aux
géomancies, aux Bokono ou aux prêtres vodou afin
d'en connaître en premier lieu les causes et d'y
rémédier.
En effet, dans les sociétés africaines en
général, la maladie est souvent vécue comme la
conséquence d'une rupture avec les forces invisibles que sont les
ancêtres et les esprits. Par conséquent, elle ne se limite
guère à une atteinte du corps, mais nécessite une
explication spirituelle. Or la médecine traditionnelle est
inséparable des cultes du terroir, pas de soins sans sacrifices ou du
moins sans une mise en scène rituelle (K. Napala, 2007, p. 692). Pour le
néophyte, quelle que soit la médecine à laquelle il
recourt, l'essentiel est qu'il recouvre sa santé, sans forcément
tenir compte de sa foi chrétienne (K. Napala, 2007, p. 693).
Il faut noter que souvent, le patient chrétien, ne
voulant pas s'afficher, se fait représenter par ses parents ou des
membres de la famille pour les circonstances. Fréquemment, on fait
toujours des promesses au vodou qu'on rembourse après avoir
trouvé satisfaction de sa santé.
En outre, le missionnaire allemand Knall, lors de ses missions
à Vo-Koutimé, a fait un constat amer qu'il exprime en ces termes
:
[...] les Ouatchi de Vo-koutimé sont très
enracinés dans la religion vodou au point que la mission catholique,
présente depuis des dizaines d'années, n'arrive guère
à les détourner.
Leurs fidèles, en dépit des baptêmes et
confirmations, retournent dans la religion traditionnelle49.
J. C. Alladaye (2003, p. 307), qualifie ces types de
fidèles de « Chrétiens caméléons
» en donnant quelques caractéristiques en ces termes :
Le caméléon change de couleur. Son instinct le
pousse à devenir vert avec le vert [...], il est un petit chef-d'oeuvre
du Bon Dieu.
Le chrétien caméléon n'est pas un
chef-d'oeuvre. Il change partout de couleur lui aussi. Le matin à
l'église, il est bien blanc, il prie, il se confesse, il communie, il
récite des prières très efficaces ; il n'oublie pas ses
neuvaines.
49 Source : Archives du Bloc synodal de
l'Église Évangélique Presbytérienne du Togo.
67
Quand tombe la nuit, il redevient gris, puis noir. Il retourne
à la boue de ses passions ou aux errements de son ancien
fétichisme [...], et le lendemain, la série des
métamorphoses recommence.
Alors, bien des chrétiens ouatchi de Vo-Koutimé
ne participent aux offices religieux et ne se retrouvent véritablement
dans la liturgie chrétienne que dans la mesure où les cantiques
sont chantés en langue locale, sur fond rythmique autochtone, ce qui
n'est pas la moindre des choses dans leur vie spirituelle (A. Sénou,
2019, p. 88). Dans la même perspective, M. K. Kuakuvi (2011, p. 32)
affirme :
Beaucoup de catholiques vont à l'église le
dimanche, mais pour certains problèmes de santé et
d'envoûtement, ils recourent aux pratiques traditionnelles. On a
l'impression que la victoire des missionnaires est une victoire à la
Pyrrhus ; les chrétiens conservent une croyance très forte en
l'efficacité des pratiques des religions traditionnelles.
Par ailleurs, l'attachement du converti à la religion
chrétienne et aux cultes du terroir est dû à la valeur du
lien familial dans les communautés africaines. Il vit pour le groupe et
par le groupe. Ses joies et ses peines sont celles de l'ensemble du lignage ou
de la famille. Ainsi, ce qui l'affecte touche également les autres ; ce
qui le rend heureux est aussi partagé avec son entourage. Son existence
est donc communautaire et ne peut en être autrement (A.
Kuadjovi-Ayedewou, 1986, p. 10).
En effet, les cultes constituent un cordon reliant les membres
d'un lignage ou d'une famille. Ainsi, en devenant d'un jour à l'autre
fidèle de la religion chrétienne qui, de par ses dogmes, rompt
avec les cultes lignagers, le chrétien se place dans une impasse entre
le choix de tourner le dos aux cultes de la famille et celui de faire la
volonté du Christ. Or, en choisissant ce dernier, un éclatement
nait au sein des familles bouleversant ainsi l'ordre préétabli.
K. A. Anatho (2014, p. 135) s'inscrit dans la même logique en affirmant
:
La vie chrétienne des nouveaux convertis ne pouvait pas
se concevoir en dehors des habitudes et des exigences du milieu social et de
l'éducation reçue de ce milieu. Les néophytes ne pouvaient
pas suivre facilement les missionnaires dans leur prohibition [...], s'ils le
faisaient, ils se retireraient aux conceptions et aux relations de leur enfance
et de leur monde et formeraient un corps étranger dans l'organisation
socioculturelle traditionnelle. Ils risqueraient alors de perdre le
bénéfice de la confraternité et du soutien de l'ensemble
de la collectivité.
Craignant alors les retombées qui pourraient subvenir,
le chrétien ouatchi de Vo-Koutimé conserve à la fois ce
lien tout en continuant de suivre les enseignements bibliques.
Par ailleurs, le noeud du phénomène de
syncrétisme serait dû aux interprétations que feraient des
néophytes chrétiens de certains discours et actes des
responsables de l'Église. La méconnaissance de la liberté
que l'Eglise proclame a produit chez certains la méfiance et même
le recul (A. Kuadjovi-Ayedewou, 1986, p. 35).
68
En effet, lors de sa visite au Togo (1985), le Pape Jean Paul
II, dans son discours, invite les Togolais à « être
authentiquement africains et authentiquement chrétiens, sans
séparer l'un de l'autre et sans craindre de témoigner en public
nos convictions50 ». Ce discours ne sera qu'un
stimulus pour le mimétisme religieux et la photo (ci-dessous) servira
d'argument.
Photo n°6.1 : Le Pape Jean Paul II rencontre le
nyigblinnu Asenu de Togoville en août
1985
Source : Archives de la Maison des Missionnaires Comboniens
à Cacavéli (Lomé).
Alors, les conversions des néophytes n'étaient
pas synonymes de ferveur, ils n'abandonnèrent pas totalement du jour au
lendemain leurs habitudes, leurs cultes ancestraux. Ils ont une foi
superficielle liée à l'enracinement dans la religion du terroir,
car ils se bornent le plus souvent à adopter des marques
extérieures de ces religions pour faire preuve d'émancipation et
montrer qu'ils évoluent vers les idées européennes, mais
le fond de l'individu arrive bien difficilement à se dégager de
l'emprise des croyances et de la philosophie cultuelle de son milieu. Tel est
le constat amer de K. Napala (2007, p. 724). Nombreux sont les
caractères témoignant le syncrétisme du chrétien au
sein de la communauté à Vo-Koutimé.
6.2. Les caractères syncrétistes des
chrétiens à Vo-Koutimé
Le syncrétisme des fidèles chrétiens de
Vo-Koutimé prend plusieurs formes, de l'observance des interdits
cultuels jusqu'à la sauvegarde des noms vodou dans les
registres de baptême en passant par le recours aux bo «
gris-gris » (bienfaisant).
50 Témoins de l'évangile : la
présence des Missionnaires Comboniens au Togo-Ghana-Bénin
(1964-2014), p. 71.
69
6.2.1. L'observance des interdits
cultuels
Les néophytes chrétiens de cette
communauté ne se démarquent quasiment pas de cette emprise des
cultes vodou. En effet, tous les interdits se doivent une observance
particulière vis-à-vis des populations au risque de tomber sous
le coup de la colère de leurs protecteurs. Le choix de tourner le dos
aux cultes vodou ne donne à qui que ce soit la capacité
de désobéir aux règles préétablies qui ne
sont qu'une émanation des dieux du terroir. Nombreux sont les signes qui
témoignent du respect des chrétiens à ces interdits. La
forêt de Togbui Gbe est entourée de plusieurs interdits
au rang desquels on trouve la défense d'y entrer, d'y chercher le bois
de chauffage, de regarder de face les vodou qui s'y trouvent, tant de
prohibitions bien connues par toute la communauté et autant
respectées par les adeptes vodou que par les
chrétiens.
Par ailleurs, le chrétien ouatchi de Vo-Koutimé
obéit, dans son quotidien, à la défense de frapper qui que
ce soit avec les ustensiles de cuisine en occurrence le pilon, la louche, la
spatule, les assiettes, en bref à des règles placées
souvent sous la protection de vodou Sagbata à qui appartient la
terre.
6.2.2. Le chrétien et le bo
En dépit des condamnations des missionnaires et des
clergés, les chrétiens font recours à une catégorie
de bo ayant pour objet d'attirer sur soi des avantages, des profits,
des bénéfices, du bien-être et du bonheur (J. C. Alladaye,
2003, p. 311).
La cherté de la vie et le fait de se protéger
contre les mauvais sorts obligent certains chrétiens du pays ouatchi de
Vo-Koutimé à se vouer aux ports des talismans, des amulettes, des
bagues ou bracelets auxquels on attribue des pouvoirs de protection. Ainsi,
dans la communauté ouatchi de Vo-Koutimé, les chrétiens
font usage de ce type de bo dans les affaires, pour avoir plus de
clientèle afin d'augmenter leur rendement. Les néophytes
chrétiens, perdant souvent patience du laxisme de Dieu, s'adonnent
à l'usage des bo ayant des effets immédiats, pour se
protéger de toute tentation de la part d'un ennemi. Il est clair que le
chrétien de Vo-Koutimé, en continuant d'aller à
l'église, croit toujours en la force de ses pratiques cultuelles dans la
perspective d'être fort et doté de tout.
6.2.3. La sauvegarde des noms
théophores
Dans les communautés africaines, les noms sont des
éléments d'identification d'une personne dont leur sens
diffère d'une communauté à une autre. En bref, les noms
constituent des cartes
70
d'identité. Ainsi, dans la communauté ouatchi de
Vo-Koutimé, en fonction du pluralisme des vodou du panthéon,
seuls les noms théophores distinguent un adepte de tel vodou
à tel autre.
De par le sens cultuel des noms, les néophytes
chrétiens de la communauté ouatchi de Vo-Koutimé en
particulier, au cours de leur baptême, ajoutent aux noms
théophores, un nom chrétien (cf. tableau ci-dessous). Or au cours
des six premiers mois de l'instruction des
aspirants-catéchumènes, on leur fait connaître les
obligations du baptême qui sont l'abandon complet de la religion
traditionnelle avec toutes ses composantes. Toutefois, le renoncement dont il
s'agit était donc fait uniquement d'actes, de questions-réponses
obligatoires qui n'impliquent pas forcément un rejet automatique du
culte des ancêtres (K. Napala, 2007, p. 720) qui commence à
Vo-Koutimé par la sauvegarde des noms théophores.
Même si pour le missionnaire, tout baptisé est
considéré comme chrétien et compte comme tel sans rompre
entièrement avec son paganisme, ou s'il a reçu le baptême
en conservant de lui une conception toute païenne (K. Napala, 2007, p.
721), aux yeux des pratiquants de la religion du terroir, sans
prosélytisme, cela témoigne la persistance de leur culte.
71
Tableau n°6.1 : Récapitulatif des noms
théophores dans le registre de baptême
NOM DE FAMILLE
|
NOM THEOPHORE (VODOU)
|
NOM CHRETIEN
|
HELLE
|
Etsè
|
Godson
|
HELLE
|
Atsou
|
Godwin
|
AKAKPOVI
|
Azonsi
|
Martha
|
ANANI
|
Agossou
|
Irénée
|
ANANI
|
Akoété
|
Réné
|
ANANI
|
Edoh
|
Emmanuel
|
BADO
|
Edoh
|
David
|
SEVON
|
Akoètè
|
Roméo
|
AMETEPE
|
Agossivi
|
Jeannette
|
WUIKPO
|
Edoh
|
Gérad
|
N'SOUGAN
|
Dosseh
|
Norbert
|
BOLOUVI
|
Agossa
|
Honoré
|
AYAYI
|
Sonouga
|
Marthias
|
SOUNOU
|
Edoh
|
Paulin
|
ASSIGBE
|
Sémadégbé
|
Rémi
|
AMOUSSOU
|
Akoélé
|
Claudine
|
Source : Archives des registres de baptême de la Paroisse
Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé.
Les noms théophores figurant dans ce tableau font
référence à plusieurs vodou de l'univers
religieux des Ouatchi de Vo-Koutimé, entre autres,
Vénavi, Ago, Sogbo, et Afan et
témoignent de l'importance qu'accordaient les baptisés à
leur culte. Car, selon les mots du Père Amah-
Tchoutchoui Michel51 : « ce sont les
fidèles qui désirent maintenir leurs noms de la religion
traditionnelle en ajoutant un nom chrétien ».
Nous pouvons conclure que le converti ouatchi de
Vo-Koutimé, bien qu'étant chrétien, ne rompt pas
totalement avec la consultation des devins, le recours aux déités
lignagères et avec les ancêtres défunts. En clair, les
abandonner ou les renier constitue pour lui une crise d'identité.
De cette troisième partie, retenons que le culte
vodou de la communauté de Vo-Koutimé n'a guère
fléchi face à la ferveur et la détermination des
missionnaires chrétiens. Alors du dynamisme de ce culte du terroir
à travers la cérémonie de Vodoukonougan, aux
actes syncrétistes des néophytes chrétiens de
Vo-Koutimé, nombreux sont des éléments qui
témoignent, en partie, l'échec du christianisme dans la
communauté ouatchi de Vo-Koutimé.
72
51 Entretien du 11/03/2020 sur la paroisse
Marie-Reine de l'Univers.
73
CONCLUSION GÉNÉRALE
74
Au terme de notre travail, il est impérieux de
présenter le bilan des principaux volets de notre
problématique.
Nous retenons que la fondation de Vo-Koutimé fut
l'oeuvre de l'ancêtre Kotokou qui avait conduit la migration depuis
Akoumapé. Au cours de l'accession au trône du vieux Akouma,
Kotokou partit et fit escale avec ses alliés de Vogan en la personne de
l'ancêtre Assiobo. Il quitta dans la seconde moitié du
XVIIIe siècle à Vogan pour élire domicile sur
le site de Vo-Koutimé précisément dans le premier quartier
Atchandomé. Il se fit rejoindre plus tard par ses cousins qui
résidaient à Vogan, en l'occurrence l'ancêtre Agbodi, Egun,
Edoue et son oncle Agahoun sans oublier l'ancêtre Agadi. Ceux-ci
fondèrent successivement les quartiers de Mamissi, Kpota, Soko,
Glopé et Agadi.
Avec le développement de leurs activités
agricoles souvent sur des champs éloignés d'environ deux à
trois kilomètres de leur village et leur volonté de rester plus
proche de leurs fermes, les ancêtres construisirent à l'origine
des hameaux de culture (agbékopé) pour servir de lieu de
repos qui devinrent un quartier du même nom que leurs quartiers
d'origine.
Au cours de la colonisation française, la population,
dû aux demandes accrues d'impôts ou taxes et surtout de la
recherche des mains-d'oeuvre gratuites dans la réalisation des
infrastructures, par le biais du chef Domafli Akakpo, quitta en masse pour
rejoindre leurs parents, cousins, frères, oncles, etc. Ces nouveaux
quartiers des fermes devinrent démographiquement plus importants que le
village matriciel.
L'ensemble des nouveaux quartiers et le village matriciel
forment alors la communauté ouatchi de Vo-Koutimé.
Il convient de rappeler que les Ewé, depuis leurs lieux
d'origine, croyaient en la religion de leur terroir. Ainsi, les Ouatchi de
Vo-Koutimé, sur ce nouveau site, n'ont guère hésité
à mettre en place le même système religieux, sauf quelques
particularités par endroits, avec une pluralité de vodou
caractérisant leur panthéon. Ils évoluèrent
dans ce monde cultuel jusqu'en janvier 1914 où les missionnaires
chrétiens entrèrent en contact avec eux.
Ce premier contact marqua le début de la
christianisation porté les missionnaires catholiques. Nous devons
rappeler que l'avènement de la mission catholique n'est pas
spontané.
Ainsi, les missionnaires catholiques ont, dans un premier
temps, fondé la mission à Togoville le 28 août 1893. La
localité mère dans l'histoire de l'expansion du catholicisme en
pays ouacthi, d'où quittèrent les missionnaires pour atteindre
Vogan en 1903.
75
La ferveur et la détermination conduisirent les
missionnaires à se lancer dans la conquête des localités
environnantes de Vogan en atteignant alors Vo-Koutimé en janvier 1914.
Cette arrivée n'eut pas d'effet, car elle coïncida malheureusement
avec la Première Guerre mondiale qui obligea les missionnaires à
renoncer à leur mission d'évangélisation au Togo en
général et à Vo-Koutimé en particulier de sorte que
la mission restera toujours à l'étape embryonnaire jusqu'à
l'arrivée des missionnaires de l'Église presbytérienne
conduite par l'Allemand Knall en 1967.
L'avènement de la mission presbytérienne fut
précédé de la fondation d'une des premières
stations dans l'espace ouatchi à Hahotoé. Le missionnaire
allemand partit de là pour l'exploration des localités
situées à l'est dont fait partie Vo-Koutimé, qui, à
la différence de Vogan, connut la première action de la mission
presbytérienne.
Toutefois, l'évolution de ces deux missions avait une
caractéristique spécifique. Le catholicisme connut une expansion
en deux phases dont la première s'étend de 1971 à 2004.
Elle est marquée par la construction de la chapelle Notre Dame de
l'Église le 8 août 1971 par le Père Augusto Zancarano. La
seconde qui s'étend de 2004 à 2014 qui est
caractérisée par l'érection canonique de la station en
paroisse sous le nom de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé en 2004. Dès lors, le catholicisme tourna une nouvelle
page de son histoire jusqu'en 2014, l'année marquant ses centenaires.
Si la mission catholique, de son côté, a connu
des temps de gloire dès 1971, la mission presbytérienne, par
contre, avait une existence épi phénoménale. En effet, en
dehors d'une quarantaine de fidèles baptisés en 1973, soit cinq
ans après, dès les années 1980, elle traversa « un
chemin de croix ».
Du manque d'espace jusqu'à la désertion des
fidèles soit au profit d'autres églises ou soit en faveur des
cultes vodou en passant par la réticence de la population
vis-à-vis de la religion chrétienne, après cinquante ans
d'existence, la mission presbytérienne n'a quasiment pas gagné du
terrain dans la christianisation de Vo-Koutimé.
A contrario, l'église des Assemblées de
Dieu, malgré son implantation récente en 1990, en 2015 soit
vingt-cinq ans après, devint la plus influente des confessions
protestantes dans l'oeuvre d'évangélisation de
Vo-Koutimé.
En dépit de cette ferveur des missionnaires, leur
objectif premier, qu'est d'emmener les Ouatchi de Vo-Koutimé à
faire table rase du culte vodou, reste toujours un défi
après cent ans. Ainsi, M. K. Kuakuvi (2011, p. 32) avoue : « Dieu,
en Afrique, au Togo, est unique et à ce
76
monothéisme sans dogme, pour échapper à
l'évanescence temporaire chez un peuple profondément religieux
par les sentiments, extrêmement porté à la suppression et
outrageusement crédule, il aurait fallu un miracle. »
En effet, la population de Vo-Koutimé accorde une
valeur aux cultes du terroir, à travers la cérémonie de
Vodoukonougan. Célébrée tous les trois ans, elle
constitue une identité culturelle pour toute la communauté. Son
origine remonte à l'époque des ancêtres fondateurs du futur
village de Vo-Koutimé en guise de gratitude envers les vodou de
leur part dans l'évolution, la survie et la satisfaction du peuple.
Elle connaîtra une nouvelle phase dès 2010 avec
la création de la Spéciale association des féticheurs
coutumiers africains nationaux et indispensables cantonaux des
féticheurs de Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) dont Hun?
Zikpui Ayondo fut l'initiateur.
Elle acquit une existence légale avec sa publication
dans le Journal Officiel en 2013, après l'approbation du Ministre de
l'Administration territoriale en la personne de Gilbert Bawara.
De tous les vodou qui caractérisent le
panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé, vodou Adayro et
Agboe (de la famille de Hébiésso) sont les plus
impliquées.
Véritable ciment de la société, les
néophytes chrétiens de Vo-Koutimé ne se démarquent
guère du dynamisme du culte vodou qui reste à leurs
yeux, une valeur cultuelle à qui ils continuent d'accorder une
importance, en dépit de leur nouvelle foi. De l'observance des interdits
cultuels, à la sauvegarde des noms théophores, sans oublier leur
recours aux vodou en cas de besoin, nombreux sont les actes qui
témoignent le caractère syncrétiste des chrétiens
ouatchi. Le culte du terroir devint une porte de secours en cas
d'insatisfaction.
Ainsi, la christianisation de Vo-Koutimé depuis 1914
s'est heurtée à la résistance de la communauté de
Vo-Koutimé pour laquelle le culte vodou devient une question de
prestige et d'honneur.
En dépit de quelques exploits, la conviction qu'avaient
les missionnaires chrétiens à leur arrivée qu'il fallait
déloger, délivrer la population du paquet de « sauvagerie
» dans lequel elle étaient plongée et leur volonté
affirmée de détruire le vieil édifice religieux africain
en faisant germer sur ses cendres, la foi dans « le Christ
ressuscité » est loin d'être atteinte (J. C. Alladayé,
2019, p. 117).
77
Les maints efforts des prêtres pour relever le
défi n'ont toujours pas décanté le phénomène
du syncrétisme qui taraude depuis des dizaines d'années
l'évolution des missions d'évangélisations.
Toutefois, la pérennité du christianisme
à Vo-Koutimé n'est pas menacée. Mais le
phénomène du syncrétisme donne l'impression d'une nouvelle
forme de christianisme, comme partout ailleurs en Afrique.
78
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
79
1. Les sources
1.1. Les sources orales : liste des
informateurs
N°
|
Nom et prénoms
|
Statut
social/fonction
|
Âge (ans)
|
Lieu de
l'entretien
|
Date de
l'entretien
|
1
|
ABOTSI Miwonunyi
Hubert
|
Ingénieur retraité
|
70
|
Agadi
|
24-07-2020
|
2
|
AGBASSAGBE Amèvi
|
Enseignant retraité
|
70
|
Kpota
|
22-07-2020
|
3
|
FOVI Agbénigan
|
Prêtre Ziowu
|
65
|
Mamissi
|
25-07-2020
|
4
|
AKAKPO Miwonunyi S.
|
Maître maçon
|
53
|
Soko
|
15-03-2020
|
5
|
AKAKPO Akouété Z.
|
Chef canton de Vo- Koutimé
|
76
|
Glopé
|
15-03-2020
|
6
|
AMAH-
TCHOUTCHOUI Têko Michel
|
Curé de la Paroisse
Marie-Reine de l'Univers
|
45
|
Kpota
|
11-03-2020
|
7
|
AMEDONOU Yaovi
|
Diacre de l'église
des Assemblées de Dieu
|
51
|
Glopé
|
16-03-2020
|
8
|
AMOUZOU Kokouvi
|
Géomancien
|
65
|
Atchandomé
|
23-07-2020
|
9
|
AYONDO Zikpui
|
Prêtre vodou
|
76
|
Mamissi
|
15-03-2020
|
10
|
DESSABA Kodjo
|
Responsable des
Témoins de Jéhovah
|
75
|
Gahonou
|
17-03-2020
|
11
|
DJOKOTO Koulékpato
|
Doyen de famille
Djokoto
|
87
|
Kpota
|
07/03/2020
|
12
|
KLOUTSE Alfred Jean
|
Vice-Président de la
Paroisse catholique de Vogan
|
51
|
Atchandomé
|
13-03-2020
|
13
|
KODJI Simon
|
Catéchiste (catholique)
|
52
|
Soko
|
12-03-2020
|
80
14
|
KOMBEDE Jean-Claude
|
Curé retraité
|
74
|
Vogan
|
23-07-2020
|
15
|
TONOU André
|
Conseillé UNIR
|
70
|
Agadi
|
22-07-2020
|
16
|
YENDABRE Renaud
|
Vicaire Vo-Koutimé
|
40
|
Kpota
|
23-07-2020
|
1.2. Documents d'archives
. Centenaire de la Paroisse Saint Ferdinand de
Vogan
. Registre de baptême, de communion, de
confirmation et de mariage de la Paroisse Marie-Reine de l'Univers de
Vo-Koutimé
. Livret des quarantenaires de la Paroisse
Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé
. Archives de la Maison des Missionnaires
Comboniens à Lomé (Cacavéli)
. Archives des Missionnaires de
Société du Verbe Divin à Lomé
(Hédzranawé)
. Archives du Chef Akakpo
Zouméké
. Archives de Tonou André
. Archives de Ayondo Zikpui
2. Bibliographie
ALLADAYÉ Jérôme Comlan, 2003, Le
catholicisme au pays vodou, Cotonou, Les Éditions du Flamboyant.
ALLADAYÉ Jérôme Comlan, 2019, « Le
vodou en résilience contre la christianisation au sud-centre du
Bénin du XIXe au XXIe siècle : Affrontement
et adaptation », in ÉTOU Komla (dir), Christianisation et
résilience des religions endogènes en Afrique (XIXe-XXIe
siècle), Lomé, Notes scientifiques, homme et
société, pp. 117-134.
AMAH-TCHOUTCHOUI Michel Têko, 2010, Les
chrétiens « brebis perdues » de la
communauté chrétienne au sud-Togo à la
lumière de Mathieu 10, 6 : Le cas du diocèse d'Aného,
Mémoire de théologie, Lomé.
81
AMÉGANVI-ATTISSOU Jean-Baptiste, 1981, Les
missionnaires catholiques allemands de la Société du Verbe Divin
au Togo de 1892 à 1918, Mémoire de maîtrise
d'allemand, Berlin, Université de Metz.
AMÉVOR Modeste Kloussè, 2011,
Paternité de Dieu paradigme et la paternité humaine : Essai
de réflexion théologico-morale pour une famille humaine comme
icône de la trinité, cas de la paroisse de Togoville,
Mémoire de théologie, Lomé.
ANATOH Kwami Akpénamawu, 2014, Christianisation et
résilience de la religion endogène en pays Guin
(Togo/Bénin) de la fin du XVIIe au début du
XXIe siècle, Mémoire de maîtrise en
histoire, Lomé, Université de Lomé.
ANONYME, 1910, La sainte Bible : Ancien et Nouveau
Testament, Version Louis Second, PRINTCORP, Bélarus.
ANONYME, 1993, Les gens vous attendent : Missionnaires
Comboniens au Togo, Rome. ANONYME, 2006, Notre histoire
s'enrichit, Vogan (Togo).
ANONYME, 2011, Jubilé d'émeraude de la
Paroisse Marie-Reine de l-Univers de Vo-Koutimé, Vogan (Togo).
ANONYME, 2014, Témoins de l'évangile : La
présence des missionnaires Comboniens au Togo-Ghana-Bénin
(1964-2014), Lomé.
ANONYME, 2016, L'histoire de la paroisse Saint Ferdinand de
Vogan à l'occasion du centenaire, Vogan.
ANONYME, 2017, Missionnaires Comboniens de 1867 à
2017, Lomé.
ASSOGBA Déwanou, 2011, L'église des
Assemblées de Dieu du Togo de 1936 à 2006, Mémoire de
maîtrise en histoire, Lomé, Université de Lomé.
ÉDOH Setodzi, 2017, Missions chrétiennes et
pouvoirs coloniaux en pays bè-togo (XIXe-XXe
siècle), Thèse de doctorat unique en Histoire, Lomé,
Université de Lomé.
ÉTOU Komla, 2006, L'aire cultuelle nyigblin
(Togo-Ghana) du XVIIe à la fin du XIXe
siècle, Thèse de doctorat unique en Histoire, Lomé,
Université de Lomé.
ÉTOU Komla (dir), 2019, Christianisation et
résilience des religions endogènes en Afrique (XIXe-
XXIe siècle), Lomé, Notes scientifiques, homme et
société.
82
GAYIBOR Nicoué Lodjou, 1992, Traditions historiques du
bas-Togo, Niamey, CELTHO, Collection Etudes n°1.
GAYIBOR Nicoué Lodjou, 2011 (dir), Histoire des
togolais des origines aux années 1960, Vol I, II, III, IV, Paris,
Karthala et Presses de l'UB.
GILLI Bruno, 1976, Héviésso et le bon ordre
du monde. Approche d'une religion africaine, Mémoire en sciences
sociales, Paris.
GILLI Bruno, 1997, Naissances humaines ou divines ?
Analyse de certains types de naissances attribuées au Vodu, Paris,
Editions Haho.
GILLI Bruno, 2016, Un culte du vodu
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sud-Togo, Lomé, Éditions Haho.
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reconstitution identitaire chez les ouatchi du Togo et du Bénin : du
XVIIIe au XXe siècle, Thèse de
Doctorat unique en Histoire, Lomé, Université de Lomé.
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syncrétisme en milieu Hanyigba, Mémoire de théologie,
Lomé.
HONYIGLO Mawunuséta Valéry, 2011, Les
oeuvres des missions catholiques au Togo : La Société du verbe
divin (SVD) et la Société des missions africaines (SMA),
Mémoire de maîtrise en Histoire, Lomé, Université de
Lomé.
KUADJOVI-AYÉDÉWOU Anani, 1986, La
problématique de l'église chrétienne en Afrique,
Thèse de doctorat en théologie, Porto-Novo (R.P.
Bénin).
KUAKUVI Mawulé K., 2011, « Les religions
traditionnelles », in GAYIBOR Nicoué (éd), Histoire des
Togolais des origines aux années 1960, Tome IV, Le refus de
l'ordre colonial, Karthala/Presses de l'UL, Paris/Lomé, p.
13-36.
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et ses conséquences (19062008), Mémoire de maîtrise en
Histoire, Lomé, Université de Lomé.
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Bénin, Paris, Éditions Karthala.
MÜLLER Karl, 1968, Histoire de l'église
catholique au Togo (1892-1967), Tradition et adaptation de Georges
Athanasiade, Lomé, Librairie Bon Pasteur.
83
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éwé d'Akoumapé : de la fin du XVIIe
siècle à nos jours, Mémoire de maîtrise en
Histoire, Lomé, Université de Lomé.
NAPALA Kuwedaten, 2007, Les forces religieuses et les
rapports interreligieux au Togo sous la colonisation française :
1914-1960, Thèse de doctorat d'Histoire moderne et contemporaine,
Bordeaux, Université de Montaigne-Bordeaux 3, 3 volumes.
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ajatado, Lomé, INSE. RIVIÈRE Claude, 1981, Anthropologie
religieuse des Evé du Togo, Lomé, NEA.
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des Ouatchi de Gboto, Mémoire de maîtrise en Histoire,
Lomé.
SÉNOU Azontowou, 2010, Les migrations
éwé et occupation du pays ouatchi du XVIIIe
siècle à la conquête coloniale, Thèse de
Doctorat unique en Histoire, Lomé, Université de Lomé.
SÉNOU Azontowou, 2019, « Religions dites
traditionnelles et christianisme en pays ouatchi au sud-est du Togo
(XIXe-XXIe siècle) » in ETOU Komla (dir),
Christianisation et résilience des religions endogènes en
Afrique (XIXe-XXIe siècle), Lomé,
Notes scientifiques, homme et société, pp. 75-92
SÉWONU Seth, 1967, Le sacrifice dans la croyance
traditionnelle des éwé, Thèse de doctorat en
Théologie, Paris.
SURGY Albert (de), 1988, Le système religieux des
Evhé, Paris, Harmattan.
TOULASSI Amè Mawuéna Julien, 2011, De la
maladie au syncrétisme et du syncrétisme à la maladie :
Esquisse d'une étude pastorale, Mémoire de Théologie,
Lomé.
TRIMUA Daké, 1979, L'église
évangélique au Togo : 1914 à 1940, Thèse de
doctorat du 3e cycle en Théologie, Strasbourg.
84
ANNEXES
85
Annexe n° 1 : Publication de la S.A.F.C.A.N.I.V.K.C dans
le Journal Officiel de la République Togolaise N°
1387/MATDCL-SG-DLPAP-DOCA DU 16/10/201352
52 Source : Archives de M. Tonou André,
président du comité culturel de Vo-Koutimé.
86
TABLE DES ILLUSTRATIONS
87
Liste des photos
Photo n°1.1 : Le rejeton de l'historique Anacardier des
Ouatchi de Vo-Koutimé 19 Photo n°2.1 : Sanctuaire de Togbui
Ziowu et son prêtre Photo n°2.2 : Vue partielle de la
forêt sacrée de
Ziowu ....28
Photo n°2.3 : Yohové 29
Photo n°2.4 : Togbui Gbevé 30
Photo n°2.5 : Dulégba du village mère
31
Photo n°2.6 : Type de champs placé sous protection de
vodou 35
Photo n°3.1 : Le Père Arnold Janssen Photo n°3.2
: Les cinq missionnaires SVD .39
Photo n°3.3 : Le Pape Jean Paul II sur le lac Togo 41
Photo n°3.4 : Ordination d'Augusto Zancarano Photo
n°3.5 : La tombe de Zancarano à
Vogan 42
Photo n°4.1: La chapelle Notre Dame de l'Église de
Vo-Koutimé .45
Photo n°4.2 : Le bâtiment de l'école primaire
catholique de Vo-Koutimé 47
Photo n°4.3 : Temple de l'église
presbytérienne de Vo-Koutimé 50
Photo n°4.4 : Temple mère de l'église des
Assemblées de Dieu 51
Photo n°5.1 : Hun? Ayondo Zikpui 57
Photo n°5.2 : Un groupe d'adeptes vodou en caravane
59
Photo n°5.3 : La participation des prêtres, adeptes et
non-initiés à l'apothéose de la cérémonie
de 2014 60
Photo n°5.4 : Les deux Adawa au sanctuaire de
Ziowu 61
Photo n°5.5 : Les Avlokété
transportant les Avossa 62
Photo n°5.6 : Une Yébéssivi et deux
Husrovi en accoutrement de vodou 63
Photo n°6.1 : Le Pape rencontre le nyigblinnu Asenu de
Togoville 68
Liste des tableaux
Tableau n°2.1 : Récapitulatif des couvents 33
Tableau n°4.1 : Récapitulatif de baptêmes, de
communions, de confirmation et de mariages
sur la Paroisse Marie-Reine de l'Univers de Vo-Koutimé de
2004 à 2014 48
Tableau n°4.2 : Les Prêtres et Vicaires ayant servi
sur la paroisse de Vo-Koutimé. 48
Tableau n°6.1 : Récapitulatif des noms
théophores dans le registre de baptême 70
Liste des cartes
Carte n°1 : L'espace ouatchi de Vo-Koutimé 12
Carte n°2 : Itinéraire migratoire des Ouatchi de
Vo-Koutimé 24
Carte n°3 : Les différentes églises et leur
sise à Vo-Koutimé 52
88
TABLE DES MATIÈRES
DÉDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE iii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
Première partie : MISE EN PLACE ET
PANTHÉON DES OUATCHI DE VO-KOUTIMÉ
À L'ORÉE DE L'IMPLANTATION DES MISSIONS
CHRETIÉNNES EN 1914 13
Chapitre 1 : LA MISE EN PLACE DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ 15
1.1. Aperçu historique des Ouatchi d'Akoumapé et
de Vogan 15
1.1.1. Brève histoire sur les Ouatchi d'Akoumapé
15
1.1.2. Historique des Ouatchi de Vogan 16
1.2. De Vogan à l'occupation de Vo-Koutimé 17
1.2.1. Les raisons du choix du site et le toponyme «
Vo-Koutimé » 18
1.2.2. L'extension du village 19
1.2.3. Essai de périodisation 20
1.3. L'organisation sociopolitique et économique des
Ouatchi de Vo-Koutimé 22
Chapitre 2 : ÉTAT DES LIEUX DE
L'UNIVERS SOCIORELIGIEUX DES OUATCHI DE
VO-KOUTIMÉ AVANT 1914 25
2. 1. Le panthéon des Ouatchi de Vo-Koutimé
25
2.1.1. Mawu (Dieu suprême) 25
2.1.2. Les Togbui vodou et leurs demeures à
Vo-Koutimé 26
2.1.2.1. Togbui Ziowu et le Ziowuvé 26
2.1.2.2. Togbui Yoho et le Yohové 28
2.1.2.3. Togbui Gbe et le Gbevé 29
2.1.3. Les dieux secondaires 30
2.1.4. Les couvents 32
2.2. L'ancrage de la religion vodou à Vo-Koutimé
33
2.2.1. La vie sociale imprégnée du culte vodou
34
2.2.2. L'économie sous la marque des vodou 34
Deuxième partie : IMPLANTATION ET
EXPANSION DU CHRISTIANISME A VO-
KOUTIMÉ DU XXE AU XXIE SIÈCLE 36
Chapitre 3 : IMPLANTATION DU CHRISTIANISME
À VO-KOUTIMÉ AU XXE SIÈCLE
38
3.1. La mission catholique 38
3.1.1. Le prélude à l'avènement des
missionnaires catholiques à Vo-Koutimé 38
3.1.1.1. Brève histoire de la mission catholique
à Togoville 38
3.1.1.2. Panorama sur le catholicisme à Vogan 41
3.1.2. Les missionnaires catholiques à
Vo-Koutimé de 1914 à 1971 42
3.2. L'arrivée de la mission presbytérienne
dès 1967 à Vo-Koutimé 43
3.3. Les autres confessions religieuses 44
Chapitre 4 : EXPANSION DU CHRISTIANISME
À VO-KOUTIMÉ DÈS 1971 45
4.1. La mission catholique 45
89
4.1.1. Les grandes phases du progrès catholique 45
4.1.1.1. La première phase : de 1971 à 2004
45
4.1.1.2. La deuxième phase : de 2004 à 2014
47
4.2. Les missions protestantes 49
4.2.1. L'épiphénomène de la mission
presbytérienne à Vo-Koutimé 49
4.2.2. Le progrès considérable des autres
confessions : le cas de l'Église des Assemblées de
Dieu 50
Troisième partie : RÉSILIENCE
DU CULTE VODOU DES OUATCHI DE VO-
KOUTIMÉ DU XX AU XXIE SIÈCLE 53
Chapitre 5 : DYNAMISME DU CULTE VODOU
À VO-KOUTIMÉ : LE CAS DU
VODOUKONOUGAN 55
5.1. Aperçu historique du Vodoukonougan 55
5.2. La naissance de la Spéciale association des
féticheurs coutumiers africains nationaux et
indispensables cantonaux des féticheurs de
Vo-Koutimé centre (SAFCANIVKC) 56
5.3. Le Vodoukonougan à Vo-Koutimé 57
5.3.1. Les grandes phases du Vodoukonougan 58
5.3.1.1. Le Doufankaka 58
5.3.1.2. Les cérémonies proprement dites 59
5.3.1.3 Agbassakaka ou l'apothéose 60
5.3.2. Les différentes déités du
panthéon impliquées 62
5.3.3. L'engagement des jeunes dans le culte vodou 63
5.4. Les impacts de la fête de Vodoukonougan à
Vo-Koutimé 63
Chapitre 6 : LES CHRÉTIENS DE
VO-KOUTIMÉ FACE AUX CULTES VODOU : LE
SYNCRÉTISME 65
6.1. Les circonstances occasionnant le mimétisme
religieux 65
6.2. Les caractères syncrétistes des
chrétiens à Vo-Koutimé 68
6.2.1. L'observance des interdits cultuels 69
6.2.2. Le chrétien et le bo 69
6.2.3. La sauvegarde des noms théophores 69
CONCLUSION GÉNÉRALE 73
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 78
ANNEXES 84
TABLE DES ILLUSTRATIONS 86
TABLE DES MATIÈRES 88
|