UNIVERSITÉ D'ETA56 T D'HAITI
ECOLE NORMALE SUPERIEURE
Département des Sciences Sociales/Géographie
Promotion : 2014-2019
Vers une compréhensionde la mobilité
résidentielle au regard de l'étalement de l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010
à 2020
Mémoireréalisé par Wilguens
PHARIUS
En vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Normales en
Sciences Sociales/Géographie
Sous la direction du professeur Mibsam JEANNIS
Port-au-Prince, mai2021
Photo de couverture : PETTER, Anne-Marie
et al. 2018. « Une nouvelle ville en cinq ans : le cas de
Canaan, Haïti ». In UQAM. 2018. Perspectives de
développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, horizon
2030. Port-au-Prince. 2018, pp.193-226.
DEDICACE
Ce mémoireest dédié à mon
père Saveny PHARIUS et ma mère Josette Jean-Brune PHARIUS
pour les sacrifices consentis tout au long de mes formations scolaire et
universitaire.
Je dédie également ce travail à la
mémoire de nos deux (2) camarades de promotion :Oriol Pierre
DERIVAL et Ripert ALSAINT.
A la mémoire deGregory SAINT-HILAIRE,
assassiné le 2 octobre 2020 dans l'enceinte de l'Ecole Normale
Supérieure par les agents de l'USGPN.
A la mémoire de nos chers professeurs Pierre
Jorès MERAT, Roger PETIT-FRERE, Michel HECTOR et Achille DEJEAN.
REMERCIEMENTS
Ce modeste travail de fin d'étude n'aurait pas
été possible sans l'apport conscient ou inconscient d'un grand
nombre de personnes. Il est de mon devoir de les remercier.
Remerciement à notre Dieu, le tout puissant.
À mes parents, qui ont toujours pris très
ausérieux mon éducation et ma formation intellectuelle.
Mes remerciements s'adressent spécialement au
professeur Mibsam JEANNIS, mon directeur de recherche, qui a toujours
été disposé etdisponible à faire une lecture
scientifique des différentes versions préliminairesde ce travail
de recherche. Ses conseils, ses supports, sesencouragements
répétitifs, son sens d'abnégation et son soutien
inconditionnel, mais aussipour m'avoir procuré toutes les documentations
de sa bibliothèqueprivée jugées utiles au
mémoire.
Aux professeurs de l'ENS, spécialement ceux du
départementdes Sciences sociales de m'avoir donné une bonne
formation académiquependant mes quatre années d'étude.
Au professeur et chercheur suisse Patrick RERAT, qui,
dès que je l'avais contacté,a partagéavec moi ses
travaux.
J'adresse des vifs remerciements à Robenson MERESTIL et
Hefna LORAQUE que je considère comme faisant partie de ma famille. Avec
eux, j'ai réalisé la majorité des travaux en groupe depuis
la premièreannée jusqu'à la fin de l'étude. Ils ont
fait preuve d'un dynamisme et d'un esprit d'équipe remarquable.
À ma soeur Wedelène PHARIUS pour son
encouragement.
À mes tantes, mon oncle et mes cousines : Alicienne et
Velina, Fleuranord, Cherley et Maïkapour ne citer que ceux-là pour
leur support inconditionnel.
Aux familles PHARIUS et JEAN-BRUNE.
Remerciement à ma compagne Vierge Carmelle MARCELIN
pour son support inconditionnel tout au long de la rédaction du
travail.
Je tiens à remercier Nesly THEODOREqui
m'aaidéà identifier les personnes informatrices.
À mes camarades de promotion avec qui j'ai eu de
fructueuses discussions académiques qui m'ont aidéà
progresser intellectuellement. Je parle ici deRicardo JOSEPH, Asmadio DIORO,
Bernadel GEORGES,Grégory ALEXIS, Jaude OMEUS, Gregory JOSEPHpour ne
citer que ces derniers.
Un remerciement spécial à ses amis que je
considèrecomme ma deuxième famille,qui m'ont encouragé
dans la réalisation du travail. Il s'agit de Daniel LAMOUR, Albertini
SUPREME, Ralph Yventz ETIENNE, Lizardo SAINT-LUC, Hérode FAUSTIN et
Franceska MENTOR.
À mes anciens collègues de l'ENS et de la
FASCH.
À tous ceux et toutes celles qui m'ont toujours soutenu
et encouragétout au long de mon parcours.
Enfin, j'adresse mes sincères remerciements à
tous les participants à l'enquête qui ont mis leur temps à
ma disponibilité. Sans leur accord et leur disponibilité, le
travail n'aurait pas pu êtreréalisé.
Résumé
Au cours des dernièresdécennies, les
périphéries des villes sont devenues le réceptacle des
populations. Dans la littérature scientifique, on parle de
périurbanisation quand ce processus participe au brouillage des limites
entre l'urbain et le rural, ou plus largement d'étalement urbain. Il
s'agit d'une nouvelle modalité épousant l'urbanisation dans un
contexte de capitalisme mondialisé. La mobilité
résidentielle constitue lemécanisme central de ces mutations
urbaines. D'où étudier la problématique de la
mobilité résidentielle, c'est-à-dire tenternotamment de
répondreà la question générale « pourquoi
les gens changent-ils de domicile ? », à ce titre,
paraît capital.
Dans le cadre de ce mémoire de géographie, une
analyse des motivations résidentiellesdes habitantsde Canaan(2010-2020),
nouvelle périphérie de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince, ainsi que du cadre de vie de cette population urbaine est
proposée.Cetteétude part du postulat que« les individus
et les ménages disposent au cours de leur vie d'un minimum de
liberté d'action et de lucidité dans leurs pratiques
résidentielles ». Ainsi, ressort-il de notre propos que
s'installer à Canaan relève de la mobilité
résidentielle sous contrainte pour certains, conséquence du
séisme du 12 janvier2010. Le choix résidentiel à Canaan
est aussi motivépar la déclaration d'utilité publique de
la zone, et découlepar ailleurs
des« préférencesrévélées ou de
fait »liées au coût des parcelles de terrain, au type
d'habitat, à la question du statut d'occupation et à son contexte
résidentiel marqué par une relative tranquillité. Cette
investigation scientifique permet également de comprendre
quel'agglomération de Canaan s'est constituée en dehors de toute
règle d'urbanisme. Il s'agit d'un lieu
« sans » : sans eau, sans route, sans
électricité, sans Etat, etc.
Mots -clés:mobilité
résidentielle, habitat/logement,étalement urbain, Canaan, aire
métropolitaine de Port-au-Prince, choix résidentiel, motivation
résidentielle, cadre de vie, Haïti, périphérie.
Abstract
In recent decades, the outskirts cities have become the
receptacle for populations. In the scientific literature, we speak of
suburbanization when this process contributes to blurring the boundaries
between urban and rural, or more broadly of urban sprawl. . This is a new
modality embracing urbanization in a context of globalization of urbanization
in a context of globalization. Residential mobility, that is to say, in
particular to try to answer the general question ``why do people change
homes?'', as such, seems essentials.
As part of this geography thesis, an analysis of the
residential motivations of the inhabitantsof Canaan (2010-2020), new periphery
of the metropolitan area of Port-au-Prince, as well as the living environment
of this urban population is proposed. This thesis is based on the premise that
``individuals and households have a minimum of freedom of action and lucidity
in their residential practices over the course of their lives''. Thus, it
emerges from our remarks that settling in Canaan involves residential mobility
under constraint for some, consequence of the earthquake of January 12, 2010.
The choice of residential in Canaan is also motivated by the declaration of
public utility of he area, and also stems from the preferences revelead like to
the cost of the plots of land, to the question of occupancy status and to the
residential context of Canaan marked by relative tranquility. The scientific
investigation also makes it possible to understand that the agglomeration of
Canaan was constituted without any planning rules. It is a place ``without'':
without water, without road, without electricity, without electricity, without
state, etc.
Keywords :residential mobility, urban
sprawl, housing, Canaan, metropolitan area of Port-au-Prince, residential
choice, residential motivation, living environment, periphery, Haiti.
Rezime
Pandan dènye deseni sa yo, se periferi vil yo ki sitou
ap resevwa moun. Nan literati syantifik la, lè pwosesis sa patisipe nan
bwouye limit ant vil ak riral, yo rele sa periibanizasyon oubyen yo itilize
yon konsèp pi jeneral ki se etalman iben.Se yon nouvo fòm
ibanizasyon an pran nan yon moman kote mondyalizasyon an ap domine. Se pou
saetidye pwoblematik mobilite rezidansyèl la, sa vle di konprann poukisa
moun yo ap demenaje a, parèt enpòtan.
Nan kad memwa jewografi sa, n ap analize motivasyon
rezidansyèl moun ki rete Kanaran yo (2010-2020), epi tou n ap
chèche konprann kad de vi popilasyon sa tou. Etid sa chita sou postila
ki fè konnen endividi yo ak menaj yo pandan lavi yo gen yon
minimòm lisidite ak libète pou yo aji nan pratik
rezidansyèl yo. Nan kad travay la nou reyalize chwa lokalizasyon
rezidansyèl nan Kanaran an se rezilta yon sitiyasyon kontrent ki lye ak
tranbleman de tè 12 janvye 2010 a. Li se konsekans arete ki deklare
itilite piblik zòn nan, epitou se preferans moun yo pou pri moso
tè yo, tip abita a, kesyon estati okipasyon an ak kontèks
rezidansyèl trakilite nan Kanaran. Envestigasyon syantifik sa tou
pèmet nou konprann Kanaran konstui an deyò tout règ
ibanis. Se yon kote « san » : san dlo, san wout, san
Leta, elt.
Mo kle yo : mobilite rezidansyèl,
abita/lojman, etalman iben, Kanaran, zòn metwopolitèn
Pòtoprens, chwa rezidansyèl, motivasyon rezidansyèl, kad
de vi, Ayiti, periferi.
LISTE DES ACCRONYMES ET DES
ABREVIATIONS
CIAT : Comité Interministériel
d'Aménagement du Territoire
ENS : Ecole Normale Supérieure
FASCH : Faculté des Sciences Humaine
HDS : Haïti Data Services
IHSI : Institut Haïtien de
Statistique et d'informatique
LAQUE : Laboratoire de Qualité de l'Eau
et de l'Environnement (de l'UniQ)
OCB : Organisation communautaire de
Base
OIM : Organisation Internationale pour
les Migrations
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
ONU-Habitat: Organisation des Nations Unies pour l'Habitat
OPS : Organisation Panaméricaine de
la Santé
RGPH : Recensement General de la
Population et de l'Habitat
SIDA : Syndrome d'ImmunoDéficience
Acquise
UCLBP : Unité de Construction de Logements
et des Bâtiments Publics
UEH : Université d'Etat
d'Haïti
UQAM : Université de Québec à
Montréal
URAU : Unité de Recherche en
Architecture et Urbanisme
LISTES DES FIGURES
Figure 1. Les nouveaux quartiers au nord de Port-au-Prince
après le séisme du 12 janvier 2010
Figure 2. La superficie de la zone habitée de Canaan en
2020
Figure 3.Localisation de Canaan en périphérie de
l'airemétropolitaine de Port-au-Prince
Figure 4. Lotissement à Canaan
Figure 5. Banque de Borlette (lotterie)
Figure 6. Vue aérienne du port Lafiteau
Figure 7. Vente d'eau potable dans un habitat individuel
Figure 8. La route principale de Canaan 3
Figure 9. Décharge à ciel ouvert
Figure 10. Habitat précaire
Figure 11.L'église catholique de la paroisse Sainte
Famille domine le paysage à Canaan.
Tableau 1. Tableau présentant les
enquêtés et la date des entretiens
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
iii
REMERCIEMENTS
iv
Résumé
vi
Abstract
vii
Rezime
viii
LISTE DES ACCRONYMES ET DES ABREVIATIONS
ix
LISTES DES FIGURES
x
TABLE DES MATIERES
xi
Introduction
14
Chapitre I.
PROBLEMATIQUE
17
1.1. Définition du problème
18
1.2. Questions de recherche
23
1.2.1. Question principale de recherche
23
1.2.2. Question secondaire
23
1.3. Hypothèses du travail
24
1.4. Objectifs du travail
24
1.5. Etat de la question
24
1.6. Justification du travail
30
Chapitre II. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
32
2.1. La mobilité résidentielle
33
2.1.1. Le sens du concept
33
2.1.2. Les approches liées à la
mobilité résidentielle
34
2.1.2.1. Les perspectives déterministes et
humanistes
34
2.1.2.2. Les perspectives macro- et
micro-analytiques
34
2.1.2.2.1. L'approche néo-classique
34
2.1.2.2.2. L'approche behavioriste
35
2.1.2.2.3. L'approche institutionnelle
35
2.1.2.2.4. L'approche structuraliste
35
2.1.2.2.5. L'approche humaniste
36
2.1.3. Aspirations et comportements de
mobilité
36
2.2. Le concept de choix
résidentiel
37
2.2.1. Profil
38
2.2.2. Trajectoires
38
2.2.3. Motivations résidentielles
39
2.3. Le concept de migration
40
2.3.1. Le concept de migration et ses
variantes
40
2.3.2. Quelques éléments sur la
migration en Haïti
41
2.4. Qu'est-ce que l'étalement
urbain ?
43
2.5. Le logement et l'habitat
44
2.6. Vers une tentative de
délimitation de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince
46
2.7. Vers le choix d'un modèle
explicatif
47
Chapitre III. Cadre méthodologique
49
3.1. L'analyse documentaire
50
3.2. L'observation
50
3.3. L'entretien semi-directif
51
3.4. Mise en garde méthodologique
53
3.5. Délimitation temporelle de
l'étude et limite du travail
53
Chapitre IV. Brève présentation de
Canaan
54
4.1. Evolution spatio-temporelle de Canaan
55
4.2. Le territoire de Canaan :
accessibilité et description géophysique
57
4.3. Données démographiques
60
4.4. La question foncière et le mode
d'occupation du sol
60
4.5. Activités économiques
62
Chapitre V. RESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATIONS
DES DONNEES
66
5.1. Le choix résidentiel des habitants de
Canaan : motivations
68
5.1. 1. La publication de l'arrêté du
22 mars 2010
68
5.1.2. L'endommagement ou la destruction de son
logement
69
5.1.3. Le statut d'occupation
70
5.1.4. Le coût des parcelles de terrains
72
5.1.5. Le type d'habitat
73
5.1.6. La tranquillité
75
5.2. Le cadre de vie de l'agglomération de
Canaan
76
5.2.1. Réseau, Service et organisation
territoriale
77
5.2.2. La situation environnementale
80
5.2.3. Qualité de l'habitat
83
5.2.4. Sécurité
85
Conclusion
87
Références bibliographiques
90
Annexe I
95
Annexe II
96
Annexe III
98
Annexe IV
99
Annexe V
100
Introduction
Pourquoi les gens déménagent-ils ? Comment
choisissent-ils leur logement et le lieu de résidence ? Ces
questions sont capitales pour comprendre la dynamique des villes
contemporaines. Les mouvements résidentiels sont en effet un moteur
majeur qui façonne les tissus urbains. Ils sont au coeur des processus
tels la gentrification et l'étalement urbain. Des chercheurs comme
Florin et Semmoud (2010 :2)explicitent et précisent que la
mobilité résidentielle està l'origine des dynamiques quasi
synchrones, à savoir la métropolisation, le desserrement voire
l'étalement urbain.
La mobilité résidentielle, objet d'étude
entre autres de la géographie des mobilités constitue l'une des
quatre formes principales de mobilité spatiale aucôtéde la
mobilité quotidienne, de la migration et du voyage. La géographie
des mobilités visent àrépondre à la question
« pourquoi les gens se déplacent-ils ? ».
Depuis trois décennies, le desserrement des
grandes agglomérations urbaines et leur expansion spatiale sur les
espaces environnant se sont imposés comme un processus
planétaire : c'est l'étalement urbain. On parle de
périurbanisation1(*)
plus précisément quand cette croissance spatiale se fait aux
dépens des espaces ruraux environnants (Guibert et Jean, 2011).
L'explosion des mobilités, l'intensification des
circulations matérielles et immatérielles et le processus
d'urbanisation planétaireaccélérée depuis un
demi-siècle dans un contexte de capitalisme mondialisé,
constituent les principales causes de ce phénomène.Si l'on veut
paraphraser, on pourrait dire que l'accroissement des surfaces
urbaniséesrésulte de la mobilité résidentielle,
c'est-à-dire dudéplacement des individus ou des
ménagesimpliquantl'installation sous un toit, dans un domicile.
Au Nord, la périurbanisation tout en étant moins
forte dans les années 1970 en île de France en France, continue
d'alimenter la densification et l'expansion des aires métropolitaines. A
Mexico au Sud,où la périurbanisation est ancienne (1960), le taux
d'accroissement annuel des zones périurbaines est de 2,5% à la
fin des années 1990 contre 1,28% pour l'agglomération. Dans
d'autres pays du Sud, à la mêmepériode, la croissance des
espaces périurbains est bien plus rapide : de l'ordre de 10% autour
de Chennay et de New Delhi en Inde ; de 8% à Chia, au nord de
Bogota en Colombie (Guibert et Jean, 2011).
Les villes haïtiennes n'échappent pas au
phénomène de l'étalement urbain ou de
lapériurbanisation. La littérature scientifiqueévoque en
ce sens la zone ouest vers Gressier et Léogâne, la zone sud-est
dans les communes de Kenscoff, la zone nord dans la commune de Croix des
bouquets de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince avec Canaan, notre
terrain d'étude.
Depuis 2010, Canaan s'étend et participe à
l'agrandissement de la tâche urbaine de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince. C'est un cas particuliercontrairement aux autres
périphéries de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, en
raison de la rapidité de son urbanisation et le contexte dans lequel il
s'est émergé, un contexte post-catastrophe. Ce territoire
reçoit près de 250 000 habitants en cinq ans selon l'UCLBP.
Presque tous les nouveaux arrivants viennent de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince.
Ainsi, pour réaliser cette étude, en plus de la
partie introductive constituée par la présente, ce travail
comporte cinq chapitres répartis comme suit :
Le premier chapitre définit le problème,
présente nosquestions de recherche, les objectifs de l'étude et
les justifications du travail, Celui-ci présente également les
travaux antérieurs réalisés en rapport avec la
thématique de recherche.
Le deuxième traite du cadre théorico-conceptuel
dans lequel nous situons notre recherche, et fera la lumière autour des
concepts clés du travail.
Le troisième chapitre est consacré à la
présentation du cadre méthodologique, lequel vise à
définir la méthode de recherche, les techniques utilisées
pour la collecte des données.
Le quatrième chapitre procède à une
brèveprésentationdu terrain d'étude : Canaan.
Le cinquième chapitre est consacréau
cadre empirique c'est-à-dire la présentation, l'analyse et
l'interprétation des données recueillies.
Enfin, la conclusion.
CHAPITRE I
LES ELEMENTS DE LA
PROBLEMATIQUE
1.1. Définition du problème
À toi et à ta race après toi, je donnerai
le pays où tu séjournes, tout le pays de Canaan, en
possession à perpétuité, et je serai votre Dieu3(*).
(Genèse 17, 8)
Le constat de l'étalement de l'agglomération de
Port-au-Prince a été fait par les acteurs urbains et les
chercheurs. La mobilitérésidentielledéfinie comme le
déplacement par lequel un ménage change durablement de logement
en raison, notamment, de facteurs professionnels, familiaux, sociaux ou
environnementaux (Da Cunha et al.,2007), constitue le moteur principal de ce
phénomène qui transforme morphologiquement cette ville.
Au cours des dernièresdécennies, on est en phase
àdes mutations territorialesliéesà la mondialisation. Dans
les pays du Nord comme dans les pays du Sud4(*) de nombreuses agglomérations
urbainesévolue en mégalopoles ou « villes
tentaculaires ». Cette réalité traduit le processus de
métropolisation, qui renvoie à l'insertion de la ville dans la
mondialisation (Bourdeau-Lepage, 2011, cité par Darbouze et al.
2018 : 44).La métropolisation est la forme contemporaine d'un
processus d'urbanisation séculaire qui a d'abord vidé les
campagnes de leurspopulations et qui tend aujourd'hui à réduire
le poids relatif des villes petites et moyennes pour former de nouveaux
ensembles territoriaux (Da Cunha et al. 2007 :33). Mondialisation rime
avec mondialisation : il ne s'agit pas d'un slogan mais d'une
réalité.Le processus de métropolisation est animée
par une triple dynamique en relations les unes aux autres, selon Bahr (2010,
cité par Darbouze et al. 2018). Il s'agit de la concentration de
richesses et d'emplois comme dynamique économique, une dynamique de
ségrégation spatiale et de concentration des catégories
donnant à la ville son pouvoir symbolique et une dynamique spatiale
d'étalement urbain et d'enchevêtrement des populations et des
activités.
Dans le cas de l'agglomération de Port-au-Prince,
s'intégrant dans la mondialisation, elle accueille vers les
années 1960 et 1970 l'industrie de la sous-traitance, des parcs
industriels y sont construits ainsi que des nouveaux équipements (port,
aéroport...). L'implantation de ces équipementsattire de plus en
plus de ruraux (Lucien, 2018) :l'agglomération de Port-au-Prince
est renforcée, et est au coeur des mouvements résidentiels sur le
territoire national, c'est le lieu d'accueil privilégié des
migrants internes.James Darbouze et al. (2018) affirme que « la
métropolisation de la capitale haïtienne renforce un certain nombre
d'enjeu d'aménagement et d'urbanisme, notamment la gouvernance, les
inégalitéssociospatiales et l'équité en
matière d'habitat et d'accès aux infrastructures et
services ».
D'après Georges Eddy Lucien (2018), les jalons de cette
dynamique territoriale demétropolisation de l'agglomération de
Port-au-Princeont été poséspendant
l'occupationaméricaine de 1915. Il a de démontrer, non sans
argument, que Port-au-Prince a été le lieu de
prédilectionsous les auspices des occupants entre 1915-1934 d'un
ensemble de transformations (politique, économique et sociales qui tout
en lerenforçant, sèment les graines de ses dysfonctionnements
contemporains (Lucien, 2013).
Grace à un ensemble de transformations
réalisées, marquées par des logiques de centralisation par
les occupants à Port-au-Prince, celui-ci est renforcé au regard
du système urbain national. En effet, tout est misé sur la
capitale au détriment de la province, car c'est elle qui attire plus que
toute autre partie du pays l'attention des Américains. Les
investissements affectés au département de l'Ouest, dont la
majeure partie est réalisée dans la capitale, s'élevaient
entre 1921 et 1930 à près de 70% des budgets totaux (Lucien,
2018 : 64). Ces privilèges budgétaires et fiscaux
accordés à Port-au-Prince et à son port, par rapport au
réseau urbain haïtien et la suppression de l'autonomie
budgétaire des communes et des régions, favorisent à ce
que la capitale émerge progressivement en tant qu'une structure
macrocéphale. Georges Eddy Lucien (2018 : 64) ajoute en ce sens que
: « cette attraction accroît le déséquilibre avec
le reste du pays et nourrit un mouvement migratoire interne ». La
croissance de la capitale résultant de l'arrivée massive des
migrants et d'un accroissement naturel significatif de la population urbaine,
génère l'étalement de la ville et des dysfonctionnements
urbains majeurs. 50% des équipements hospitaliers, 2/3 des banques, 3/4
de l'enseignement supérieur se retrouvaient dans la trame urbaine de
Port-au-Prince en 2012 (Théodat, 2012 :6).
Entre 1950 et 2012, le taux de croissance annuel lié
à la croissance et l'expansion spatiale de Port-au-Prince était
de 4,8% (Tamru et Milian, 2018 : 5). Bezounesh Tamru et Johann Milian
(2018 :5) ajoutent qu'en 2015, le territoire urbain de Port-au-Prince
était d'une superficie de plus de 40 000 ha alors qu'en 1915, soit
exactement un siècle avant, celui-ci se mesurait à 700
ha: Port-au-Prince s'avance au Nord vers Cabaret et dans la plaine du Cul
de sac et vers le Sud jusqu'à Léogâne.L'aire
métropolitaine de Port-au-Prince concentre environ 4 millions
d'habitants en 2018 (Lizzarralde et al. :150, 2018), c'est-à-dire
55% de la population urbaine du pays (Théodat, 2018 :5). Cette
croissance de la population de l'agglomération port-au-princienne
s'explique d'aprèsJean Marie Théodat (2012), d'un
côté parl'exode rural :la capitale
haïtiennereçoit entre 75 000 et 100000 migrants par année.
Et de l'autre côté, le croît démographique des
faubourgs(Cité soleil, Cité de l'Eternel, Carrefour, etc.), qui
s'apparentent àcelui des populations rurales.
L'expansion récente de l'agglomération urbaine
de Port-au-Prince concerne principalementtrois zones :la zone ouest dans les
communes de Gressier et de Léogâne, lazone sud dans les communes
de Pétion-Ville et de Kenscoff et la zone nord dans les communes de
Croix-des-Bouquets, de Thomazeau, deGanthier et de Cabaret. Ce sont les
« nouvelles périphéries ».L'étalement
de l'agglomération ou l'étalementrésidentiel est surtout
marqué par l'habitat individuel, le lotissement et l'autoconstruction
dans un contexte de déni total des règles d'urbanisme.
Le séisme du 12 janvier 2010 fut un tournant dans la
croissance spatiale de la ville et en même temps participe à
fragiliser davantage le tissu urbain5(*). Celui-ci a causé la mort de 220 000 personnes
environ (Etienne, 2019). Le nombre de sans-abris était de 1.3 millions.
105 000 logements ont été détruit et 208 000
endommagés. Le manque en matière de logement est
exacerbé : d'ailleurs avant le séisme la demande de logement
s'estimait à 200 000/an (Tamru et Milian, 2018, citant PNUD). Fritz
Pierre Joseph (2014 : 120) parle d'un déficit d'un million de
logements en 2009. Après la date du 12 janvier 2010, les camps de
déplacés fusaient partout dans la capitale. Le séisme a
intensifié les mouvements résidentiels sur le territoire
national. Certains ménages sinistrés partaient s'installer dans
la périphérie de Port-au-Prince. Cela participait à une
redistribution de la population.
L'apparition de Canaanviseàrépondre au prime
abord le déficit de logement après le tremblement de terre du 12
janvier 2010.Canaan était un camp d'hébergement. Il
allaitêtredéclaré d'utilité publique vers la
mêmeannée, soit en mars 2010 par l'administration
Preval-Bellerive. En 2015, selon l'UCLBP, cette nouvelle zone urbaine
située à 18 kilomètres du site historique de
Port-au-Prince comptait 250 000 habitants, selon l'UCLBP. Ces citadins
occupent ce territoire sans aucune planification de l'Etat et en toute
illégalité.Ce territoire urbain est confrontéà ce
qu'appelle Bezounesh Tamru et Johann Milian (2018 :9),
une « urbanité vulnérable ». Le site
support du bâti de ces nouveaux arrivants se trouve
trèsexposé face aux phénomènes naturels.
En fait, la population de Canaan n'est pas exempte de ce que
soutient Gonzalo Lizzaralde et al. (2018 :150) pour l'ensemble de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince :
Certains citoyens trouventune solution résidentielle
faisant appel au secteur informel du foncier, de l'immobilier, du crédit
et de la construction. Instinct de survie et résilience conduisent la
population à relever elle-même les principaux défis
posés par l'habitat. Phénomène omniprésent,
l'informalité de ce fait s'enchevêtre aujourd'hui dans le tissu
urbain de la métropole, souvent dans les interstices laissés par
une géographie inhospitalière. Il en résulte une trame
urbaine disloquée et fragmentée, révélant un
déséquilibre de densités, et de grandes disparités
économiques et sociales.
Les mouvementsrésidentielsintéressent peu les
décideurs politiques. De fait, les politiques publiques liées au
logement et à l'urbanisme sont quasi inexistantes. Les actionsde l'UCLBP
comme organisme étatique se versant dans le domaine de la construction
de logement publiquene se font pas sentir. C'est l'anarchie urbanistique.
Pourtant, la croissancedémographique de Canaan ne cesse
d'accélérer. Les nouveaux cananéens arrivent au jour le
jour. Canaan n'est plus un lieu d'hébergement : celui-ci est
habité (Pierre, 2013). Il reçoit des nouveaux arrivants venant de
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince aussi bien que des migrants
externes, alors que ce dernierreste géo-administrativement non reconnu
et isolé des services et sourcesd'emploi de la capitale.
Alors,qu'est-ce qui favorise les mouvementsrésidentiels
vers le site de Canaan ? Quels sont les facteurs qui influencent
l'attractivité de Canaan pour ces nouveaux arrivants ?Quelles sont
les motivations qui sous-tendent le choix de résiderà Canaan?
Pour quel lieu, quel cadre de vie, quel type de logement, d'habitat
déménagent-ils ? Canaan répond-il à leur
aspiration ? Comment l'espace du quotidien des Cananéens s'est
évolué de 2010 à 2020 ?
1.2. Questions de recherche
Sans passer par quatre chemins, nous tenons à
préciser nos questions de recherche, lesquelles nous guideront tout au
long du travail.
1.2.1. Question principale de recherche
Nous formulons notre question principale de recherche comme
suit :Quelles sont les motivations résidentiellesdes
habitantsde Canaanentre 2010 à 2020 au regard de l'étalement
de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince?
1.2.2. Question secondaire
La présenteétude vise
égalementàrépondreà la question secondaire
suivante : Quel est le cadre de vie des habitants de Canaan entre
2010 à 2020?
1.3. Hypothèses du
travail
Par rapport à nos questions de recherche, nous avons
formulé des hypothèses. Par rapport àla première
question principale de recherche, notrehypothèse est :la
décision gouvernementale du 22 mars 2010 et la volonté de devenir
propriétaire d'une parcelle de terrain ont jouéun certain
rôle dans le choix résidentiel à Canaan entre 2010 à
2020.
Au regard de la seconde question, nous formulons notre
hypothèse ainsi : Le cadre de vie des habitants de Canaan
est un lieu « sans » : sans Etat, sans
électricité, sans routes, sans eau, etc.
1.4. Objectifs du
travail
Dans le cadre de notre étude, nous nous fixons comme
objectifs de déterminer les motivations résidentielles
des habitants de Canaan entre 2010 et 2020 et pour ensuite mettre en
évidence le cadre de vie de ces habitants.
1.5. Etat de la question
Afin de réaliser ce travail, on ne saurait
s'échapper à la consultation de quelques-uns des travaux
déjà réalisés se rapportant à notre
étude. La problématique de la mobilitérésidentielle
en Haïtise trouve être un champ d'étude peu exploré
voire inexploré à notre connaissance.Donc, nous n'avons pas
été en contactavec des études ayant mis en relationla
question de la mobilitérésidentielle et l'étalement
urbain. Néanmoins, maintes investigations scientifiques ont
étéréalisées dans l'objectif de mettre en
lumière la question de l'habitat/logement dans l'espace haïtien
dont l'étalement urbain demeure l'une des
caractéristiques6(*),
oules transformationsà l'oeuvre au sein du tissu urbain de
Port-au-Prince. L'accent sera mis sur ces thèmes dans cette revue de
littérature.
Cela étant, nous avons été en contact
avecdes mémoires, articles scientifiques, revue scientifique et des
rapports scientifiques se rapportant à ces thématiques.
En effet, Kensy Bien-aimé (2016) dans une étude
réalisée sur la question du logement et le cadre de vie des
personnes déplacées à Delmas 31 avance que bien avant le
tremblement de terre du 12 janvier 2010, la question du logement
restaitproblématique, elle s'est empirée après. Kensy
Bien-aimésoutientaussique cette catastrophe a engendré de profond
bouleversement lié à la répartition géographique de
la population dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince.
Analysant la situation post-catastrophe, l'auteur constate
six (6) ans après, l'existence de plusieurs camps dans la capitale
haïtienne. Cet état de fait témoigne de l'absence de
politique sociale et de logement de l'Etat haïtien ainsi que de l'aide des
institutions de bienfaisance privées. Ces gens-là vivent dans la
crasse la plus abjecte, dans une promiscuité répugnante. Face
à la pluie, ils ne sont pas protègés.
Bonny Don Pierre (2008) amené une investigation
scientifique sur les qualités de l'habitat et les conditions du logement
en Haïti. Ce dernier faisant un constat historique avance que
l'implantation des équipements industriels dans la capitale vers les
années 60 a provoqué l'exode massif des ruraux vers
Port-au-Prince en quête de revenus et de pouvoir de consommation.
C'était le pôle d'attraction de la population rurale. En 1970, la
situation commence à se détériorer en raison de
l'impréparation de l'Etat : la bidonvilisation commence à
prendre pieds dans l'espace urbain de Port-au-Prince. Pour le chercheur,
l'étalement de l'urbanisation dans les périphéries de la
capitale qui suit cette période est tributaire de l'inadéquation
des emplois disponibles dans la capitale face à la croissance de la
population urbaine active.
L'espace urbain de Port-au-Prince abrite à lui seul 350
bidonvilles, dans lesquels se logent plus que 1.5 millions de personnes. Pour
comprendre cette situation, Bonny aborde la question en considérant
l'aspect lié à la précarité des conditions
économiques des gens. Cela dit, il a porté un regard sur la
problématique de la pauvreté afin de mettre en lumière la
situation de l'habitat et les conditions de logement en Haïti. En outre,
l'institution étatique est tenue pour responsable de par son inertie
marqué par son incapacité à mettre en oeuvre une politique
de planification spatiale, laquelle serait en adéquation au besoin
de la population en matière d'habitat.
Le LAQUE et l'URAU (2000) ont produit une analyse sur la
situation de l'Habitat en Haïti. Le logement en effet demeure un besoin
fondamental. Un logement indécent peut entacher entre autres la
santé mentale et physique de son occupant. En effet le logement
idéal permet d'exprimer son identité. Celui-ci sert de lien
physique avec sa communauté et sa culture. Toutefois, dans certains cas,
certains logements à l'échelle mondiale ne constituent pas une
protection pour ses occupants contre les risques liés à
l'environnement.
Par ailleurs, le rapport considère la question du
logement en Haïti dans une perspective socio-économique et
culturelle des communautés. Citant l'OPS/OMS (1998), le document du
LAQUE et de l'URAU soutient qu'au cours de la décennie 1990-2000, la
croissance urbaine résultante de l'exode rural agit
conséquemment sur le logement. Cela dit, l'explosion
démographique s'est réalisée sur un territoire exigu
engendre la dégradation des conditions du logement dans la zone
métropolitaine de Port-au-Prince. La promiscuité dans les
bidonvilles favorise la transmission des maladies par voies respiratoires comme
la grippe, la tuberculose, la méningite, les infections cutanées
et dans une certaine mesure les maladies sexuellement transmissible (IST),
notamment le SIDA.
Les résidents des quartiers précaires du pays se
trouvent très exposés aux risques naturels à force de
construire sur les bassins versants, dans le lit des rivières, et dans
des zones protégées des sources : en plus de la
localisation du logement, cela est dû aux types des matériaux
utilisés. Le rapport considère que l'amélioration des
conditions générales de logement aurait une influence positive
sur l'espérance de vie de la population, sur le développement des
enfants et sur la productivité de la population active.
Fritz Pierre Joseph (2014) dans un article scientifique
publié dans les Cahiers du CEPODEa réaliséune
étude sur l'implication de la construction non-assistée sur la
qualité de l'habitat et le niveau de vie de la population en prenant
l'exemple de Canaan. L'auteur inscrit l'existence de la localité de
Canaan dans un processus d'étalementaccélérée de
Port-au-Prince. En outre,les ONGs et l'Etat par leur non-assistance sont mis en
cause afin d'expliquer la situation de vulnérabilité et de
précaritédu bâti sur ce territoire. D'après Joseph,
il s'agit depuis 2010 de la création d'une nouvelle zone de
pauvreté. Dans son travail, le chercheur a porté son
intérêt précisément sur la situation de l'habitat
àCanaan etla perception des habitants sur l'évolution de
leurniveau de vie depuis leur installation dans cette nouvelle
périphérie.
Le travail de Joseph a révélé que les
habitants de Canaan végétaient dans des conditions infrahumaines
peu importe qu'ils perçoivent ou non que leur condition de vie s'est
améliorée. Trois (3) ans après le tremblement de terre du
12 janvier 2010 rien à changer en ce qui concerne l'état des
conditions.
Johan Milian et Bezunesh Tamru (2018) ont
élaboré un article, s'appuyant sur les travaux de chercheurs
issus des sciences sociales et de l'environnement, lequel s'interroge sur la
croissance urbaine de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui
correspond à un territoirevulnérable.La capitale haïtienne
comme d'autres villes du pays se trouve très exposée face aux
aléas naturels. L'environnement de l'espace urbain souffre
d'insalubrité. Il s'agit, en effet d'une précarité
socio-spatiale, conséquence d'une urbanisation non
contrôlée. Malgré les conséquences du tremblement de
terre de 2010, les quartiers précaires se densifient pour la plus belle.
Par ailleurs, les géographes ont brièvement
passé en revue l'évolution de la dynamique spatiale de
Port-au-Prince en mettant en lumière l'évolution de son
aménagement et la question de la construction de logement.
L'évolution macrocéphale de Port-au-Prince prend chair avec
l'occupation américaine de 1915 et reste tributaire des mesures
centralisatrices des occupants. Ainsi à Port-au-Prince sont
concentré les équipements supérieurs tels les
universités, banques ou hôpitaux. Vers 1948 plus de la
moitié de la population urbaine résidant à Port-au-Prince
sont des allochtones. Un an plus tard, la ville est rénovée
à l'occasion de son bicentenaire. Sous l'administration de Paul
Eugène Magloire et pendant la dictature, l'appareil étatique
s'est montré intéresser à la question de la production de
logement publique pour les ouvriers. Néanmoins, ces réalisations
profitaient le plus souvent aux partisans de ces différents pouvoirs.
Elles n'étaient pas en adéquation avec la demande réelle
de logement dans la capitale, qui souffrait d'un exode rural accru. Avant le
tremblement de terre, la demande de logement était à environ 200
000 par an (citant Onu-Habitat). Entre 1950 et 2012 la croissance et
l'expansion qui se produit à Port-au-Prince s'est illustrée par
un taux de croissance annuel de 4.5%. Port-au-Prince s'étale dans tous
les sens. Elle dépasse 40 000 ha en 2015 alors qu'en 1915 Port-au-Prince
disposait d'une superficie de 700 ha. On construisait n' importe où et
n'importe comment sans aucun contrôle de l'Etat. De la sorte, selon les
auteurs la croissance urbaine de Port-au-Prince s'accompagne d'une certaine
« fabrique de vulnérabilité ». Après
le tremblement de terre du 12 janvier 2010 de « nouvelles
périphéries » se sont émergées. Et la
question de logement reste un problème chronique.
Pierre James (2013), dans son mémoire de master
intitulé Canaan au lendemain du séisme de 2010 de
hébergé à habitant : un espace perçu et un espace
vécu s'était interrogé suivant une approche de
géographie par le bas sur « les représentations
des habitants de Canaan de leur nouvel espace et les relations qu'ils tissent
entre eux dans la production du territoire de Canaan comme un espace
vécu en 2012 ».
L'auteur prend en compte dans son travail le rôle de
l'acteur local qui participe à la production du territoire. Ainsi,
part-il du constat que la catastrophe dont illustre le tremblement de terre du
12 janvier 2010 a fragilisé davantage le territoire national de par ses
problèmesà la fois d'origine naturelle et politico-sociale :
Canaan résultede cette catastrophe.
Deux ans après le séisme, Canaan est
trèsconvoité. L'auteur nous dit que leur installation sur ce site
a été favorisé particulièrement par la publication
de l'arrêté du 22 mars 2010 déclarant la zone
d'utilité publique. Il compte en 2012à peu près de 200 000
habitants et est devenu le théâtre de conflits d'usage
malgré l'absence des services sociaux de base sur ce territoire.
Alors, ressort-il du travail de recherche de Pierre que les
Cananéens dont la majorité sont issus des zones
défavorisées et ayant vécu dans des conditions
socioéconomiques très précaires, considèrent Canaan
comme étant un « espace incomplet ». Habitant le site,
disposant de peu d'outils, ils vivent au jour le jour, développent des
stratégies : construisent des maisons, fondent des familles, sont
artisans, commerçants, envoient leurs enfants à
l'école, assistent aux cérémonies religieuses, se
querellent et gèrent leurs conflits, souffrent de la chaleur, de la
maladie et souvent de la faim. Ils ne sont pas des victimes impuissantes. Ces
derniers mettent en oeuvre des solutions et posent quotidiennement des
actions de solidarité dans une mouvance de proximité voire de
promiscuité. Néanmoins, d'après James Pierre, ils
sollicitent de la part de l'État : l'installation des services
sociaux de base (électricité, eau potable, loisir,
éducation etc.), la mise en place des emplois, un cimetière entre
autres.
Vosh DATHUS (2013) dans son mémoire de master II
en géographie a voulu apporter sa contribution sur la
problématique du foncier et de l'habitat à Canaan. En effet, en
Haïti, la terre est source de conflit, c'est l'un des plus grands enjeux
économiques depuis la périoderévolutionnaire (1791-1804).
Dans tous les recoins du pays, on recense depuis plus de deux siècles
des actes de violence relatifs à la question foncière. La terre
est mêmegénératrice de litiges entre personnes issues de
même lignage.
Apres le tremblement de terre du 12 janvier 2010 surgit le
quartier de Canaan au nord de la capitale haïtienne. L'auteur avance que
ce site est approprié par les gens venant surtout de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince.N'importe qui enclot une portion de
terre et s'autoproclame propriétaire en se passant des conditions
indiquées par la loi pour devenir propriétaire de
terre (Dathus, 2013 : 23). L'arrêté du 22 mars
2010 àcôté des impacts duséisme sur le logementa
été l'autre déclic favorisant l'afflux massif de nouveaux
arrivants à Canaan.
Ainsi tout le long de son travail, Dathus a voulu mettre en
lumière les stratégiesdéveloppées par ces
gens-là pour accéder aux terres de Canaan, mais aussi les formes
et les logiques d'occupation du sol sur ce territoire.
Les résultats de son étude font remarquer que la
volonté d'accéderà la
propriétéfoncière est le mobile principal attirant les
gens à Canaan. Les gens (75%) viennent à Canaan parce qu'elles
veulent accéder à une parcelle de terre. L'auteur nous dit
qu'aprèsavoir occupé une portion de terre,
généralement, on la clôturait dans le but de la
protéger jalousementmême si on ne dispose d'aucun titre de
propriété : il s'agit d'une fabrication de la
propriété par le bas.
Selon Dathus, Canaan est un quartier en trois (3) dimensions
en fonction des formes et des logiques d'occupation du sol :c'est un
quartier de refuge car celui-ci constitue une
« forteresse » dans l'éventualité des
répliques sismiques imminentes ; c'est un quartier pionnier dans la
mesure où les habitants de Canaan en 2013 sont les premiers
àexpérimenter la vie dans la zone ; c'est aussi un quartier
durable au sens oùdes fortes sommes sont investies dans
l'autocontruction. Laquelle offre la possibilité d'extension en
hauteur.
1.6. Justification du travail
A l'instar de tout travail scientifique, le présent
mémoire se fonde sur des motivations. Celles-ci relèvent de trois
(3) niveaux : académique, scientifique et personnelle.
· Académique : Notre travail trouve
son sens académique dans le fait que celui-ci s'inscrit dans le cadre de
l'élaboration de notre mémoire de sortie, en vue de l'obtention
du diplôme de fin d'Etudes Normales de Géographie à l'Ecole
Normale Supérieure de l'Université d'Etat d'Haïti.
· Scientifique : Au cours de ces
dernières décennies, la géographie a connu de grandes
avancées. Entre autres, la discipline se veut davantage au-devant de la
scène dans la résolution des problèmes auxquels sont
confrontées nos sociétés. Par la recherche de la
vérité, la géographie s'inscrit dans une perspective
générale de recherche du bien commun (Mercier, 1988).
Jacques Sheibling (1994) avance que : « la
géographie savante cherche à expliquer la structure et le
fonctionnement du territoire ». D'où celle-ci
élabore des connaissances en décrivant et en expliquant certains
phénomènes. Cela dit, cette discipline faisant partie
intégrante des sciences sociales, cherche à intelligibiliser les
phénomènes sociaux dans leur spatialité. Elle a toute son
importance dans une société comme la nôtre. En ce sens,
avec la croissance urbaine accélérée de la ville de
Port-au Prince, nous estimons primordial de réfléchir sur la
question de mobilité résidentielle. Des travaux se sont
penchés sur la problématique de l'habitatsur notre terrain
d'étude, le mode d'occupation, ou la situation socio-économique
ou précisément sur les modes d'accès au foncier et les
formes d'occupation du sol dans un contexte post-catastrophe à
Canaan dans le cas du mémoire de master II de Vosh Dathus (2013),
d'autres sur les représentations que font les habitants de Canaan de
leur nouvel espace et les relations qu'ils tissent entre eux dans la production
du territoire de Canaan comme un espace vécu en 2012, celuide
Pierre James (2013). Toutefois, une approche par la mobilité
résidentielle nous paraît cruciale dans une tentative de
compréhension de l'étalement de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince dans sa zone nord. Autrement dit, nous voulons tenter de mettre
en cause la mobilitérésidentielle par rapport au processus
d'étalement résidentiel dans la capitale haïtienne. A ce
titre, ce mémoire se propose modestement comme une étude
exploratoire.
· Personnelle : Le choix du sujet n'est pas
anodin. Des motivations personnelles sont à la base de notre recherche.
Le sujet commence par nous porter à coeur le dernier trimestre de
l'année 2019. En fait, cette période était marquée
par des turbulences politiques.Il s'agissait de ces mouvements de
révolte contre le pouvoir de Jovenel Moise, dénommé
« peyi lòk »7(*). Pendant plusieurs semaines, la violence
régnait dans nos plus grands centres urbains comme Port-au-Prince,
Cap-Haïtien, Gonaïves, Saint-Marc et les axes routiers reliant ces
grandes villes du pays étaientbloquées. Cela ne facilitait pas le
déplacement de la population et des marchandises. La route nationale
numéro un (1) au niveau de Canaan, précisément à
Canaan 70 illustrait cette situation. Des groupes armés occupaient la
route presque quotidiennement pendant la période. Des gens
témoignaient qu'elles sont victimes de viol et de vol. D'autre
évoquaient le pillage de leurs marchandises.Or il s'agit d'une voie dont
nous empruntonstrès souvent, car nous sommes originaires des
Gonaïves à une centaine dekilomètres de la capitale.
Curieux, dès ce moment le désir de circonscrire notre travail de
recherche de fin d'étude de premier cycle dans la zone de Canaan nous
habitait.
CHAPITRE
II
CADRE CONCEPTUEL ET
THEORIQUE
II. Cadre conceptuel et
théorique
Dans ce chapitre, nous allons définir et faire une
analyse des concepts clés du travail identifiés dans le
libellé de notre sujet d'étude et dans nos objectifs de
recherche, puis définir un référentiel
théorique.
2.1. La mobilité
résidentielle
2.1.1. Le sens du concept
La mobilité résidentielle est l'une des quatre
formes principales de mobilité spatiale à côté de la
mobilité quotidienne, de la migration et du voyage. Selon Patrick
Rérat (2016), elle s'inscrit dans la longue durée (en comparaison
aux formes réversibles que sont la mobilité quotidienne et le
voyage). Il s'agit d'un déplacement qui se fait sur une
« courte distance ». Ainsi, ne remet-elle le plus souvent
pas en question l'organisation de la vie quotidienne (en termes d'emploi, de
lieu fréquenté pour les achats et les loisirs, de lien social,
etc.)
Quant à la migration, elle nécessite une longue
distance - à travers des frontières nationales (migrations
internationales8(*)) mais
aussi entre les régions d'un pays (migrations internes ou
interrégionales) provoquant une redéfinition des espaces de la
vie quotidienne (Rérat, 2016). Aussi, exige-t-elle différentes
décisions qui relèvent de la mobilité résidentielle
(processus de décision du quartier de résidence, du type de
logement). En ce sens, nous devons admettre la dimension résidentielle
de la migration : c'est une composante de la mobilité
résidentielle. Voyons à présent les différentes
approches se rapportant à la problématique de mobilité
résidentielle.
2.1.2. Les approches
liées à la mobilité résidentielle
En effet, dans cette partie nous envisageons de mettre en
lumière les approches se portant sur la question de la mobilité
résidentielle.
2.1.2.1. Les perspectives
déterministes et humanistes
Pour les premières, les individus n'ont pas un
rôle déterminant. Elles soutiennent que leurs déplacements
constituent des réponses inévitables étant donné
l'environnement qui englobent et dépassent ces mêmes individus.
Quant aux secondes, elles postulent que les acteurs disposent d'une certaine
latitude dans leur choix et prennent consciemment une décision, laquelle
n'est pas forcément rationnelle d'un point de vue économique.
Paul Boyle (1998) s'inscrit dans ces deux perspectives(Rérat, 2016).
2.1.2.2. Les perspectives macro-
et micro-analytiques
Si les approches macro-analytiques considèrent les
phénomènes résidentiels agrégés et
étudient le contexte dans lequel ils s'insèrent
(caractéristiques physiques et socio-économiques des
entités spatiales considérées par exemple), celles dites
micro-analytiques mettent l'accent sur les individus et étudient les
processus de décision, les motivations et aspirations
résidentielles, etc. Cinq grandes approches structurent ce champ de
recherche :
2.1.2.2.1. L'approche
néo-classique
Elle considère l'individu comme économiquement
rationnel. Pour Cébula Richard (1979, cité par Rérat,
2016), celui-ci maximise son utilité en fonction des
différentiels de salaire, d'aménités, et de coûts et
bénéfices des politiques des collectivités locales.
2.1.2.2.2. L'approche
behavioriste
Developpée notamment par Martin Cadwaller (1992),
celle-ci met l'accent sur l'importance des mécanismes
socio-psychologiques dans la décision de déménager. Dans
cette optique, les individus sont prêts à tolérer un
degré d'inconfort mais, une fois un certain niveau de stress franchi,
ils cherchent à déménager dans un endroit leur procurant
une meilleure qualité de vie. Ils choisissent entre un nombre
limité d'alternatives en fonction d'un seuil minimum de satisfaction.
Selon Rérat (2016), l'approche behavioriste s'intéresse à
l'environnement subjectif, c'est-à-dire tel qu'il est perçu, et
entend identifier des régularités dans les comportements
notamment par des enquêtes par questionnaires.
2.1.2.2.3. L'approche
institutionnelle
Elle n'a pas le statut de théorie établie. En
effet,avec Knox Paul et Pinch Steven (2000) elle porte son intérêt
aux rôles des managers et des institutions sans pour autant proposer une
grille d'interprétation. Rérat (2016) argue que cette approche
« examine les logiques d'actions et les valeurs des
intermédiaires présents sur le marché immobilier
(constructeurs, agents immobilier, collectivités locales, institutions
financières, etc.). Ces acteurs ont en commun l'exercice d'une fonction
faisant le lien entre les ressources disponibles (biens immobiliers, terrains,
capitaux) et liens potentiels. Ils structurent ainsi l'offre de logements et
son accès et peuvent jouer un rôle clé dans les processus
de concentration de groupes de population dans certains
quartiers ».
2.1.2.2.4. L'approche
structuraliste
Ce point de vuede Smith Neil (1996) par exemple, insiste sur
les contraintes sociales pesant sur les comportements des individus et limitent
leur marge de manoeuvre. En fait, il appréhende les
phénomènes résidentiels suivant un angle structurel
(caractéristiques économiques et matérielles d'une
société, cadre politique, relations conflictuelles entre
classes, etc.). (Néo-) marxiste,ces théories ont constitué
un recours pour certains auteurs afin de de scruter les
phénomènes résidentiels au regard de l'organisation du
mode de production capitalistes.
2.1.2.2.5. L'approche
humaniste
Il s'agit d'un courant au sein de la géographie humaine
au cours des années 1970 mettant l'accent sur l'action. La
méthode qualitative occupe une place importante au sein de cette
approche. Ainsi la description et l'analyse d'expérience individuelles
et de caractéristiques telles que les croyances, les sentiments, les
valeurs, les émotions des individus ou leur attachement à un
contexte territorial (Christie et al. 2008, cité par Rérat,
2016).
2.1.3. Aspirations et
comportements de mobilité
Antonio Da Cunha et al. (2007 : 19) a
réalisé une importante étude en terrain du Nord dans
laquelle ils s'étaient interrogés sur les aspirations et
comportement de mobilité. Il importe pour nous de relater ses
propos :
La notion d'aspiration désigne
généralement un désir activé et orienté vers
un but, une finalité, un objet. Les aspirations sont socialement
construites. Elles constituent des images ou des représentations d'un
objet qui ont pour support des valeurs individuelles ou collectives. La notion
d'aspiration résidentielle va bien au-delà de la demande de
logement qui reste un concept économique exprimant un besoin solvable et
englobe un ensemble d'attributs physiques et sociaux de l'habitat. Les
aspirations à l'origine des comportements de mobilité
résidentielle concernent autant les caractéristiques du logement
que celles de l'environnement du logement. À des fins analytiques, nous
pouvons classer les aspirations résidentielles en quatre groupes
principaux. Celles relatives :
· au logement : elles concernent les
désirs de confort, d'intimité de la vie familiale, de
possibilité d'appropriation de l'espace et d'expression d'une
personnalité ou d'un statut social ; au-delà du placement
financier, la volonté d'accession à la propriété
peut être envisagée comme un moyen de réaliser ces
aspirations en ce sens que le statut de propriétaire procure
actuellement l'usage totale d'un espace et permet une plus grande autonomie et
une plus forte sécurité résidentielle ;
· à la qualité de l'environnement
social, c'est-à-dire à la conservation ou au
développement d'échanges, de relations sociales positives, de
contacts gratifiants avec le voisinage ;
· à la qualité du cadre de vie :
les aspirations à la communication apparaissentsouvent à travers
la demande d'équipements communs et d'espaces publicsde qualité ;
l'accessibilité aux équipements de proximité et aux
transports estun élément important de la satisfaction
résidentielle ; la situation dulogement par rapport aux
équipements et services de toutes sortes définit lepotentiel
socio-économique d'une résidence ;
· à la qualité de l'environnement
naturel : elle peut être évaluée par la somme
desinfluences positives ou négatives procurées par la
résidence (bruits, pollutionatmosphérique, proximité de la
nature, etc.) ; elle semble jouer un rôleimportant dans le
phénomène de dispersion de l'habitat.
Dans notre étude, l'une des questions de recherche
se focalise sur le cadre de vie des habitants de Canaan. Nous nous ne limitons
pas aux considérations d'Antonio Da Cunha et al. (2007) en rapport au
cadre de vie. Cela dit, nous avons pris en compte dans le cadre de vie :
les caractéristiques de l'environnement, de l'espace bâti, des
aménagements et des équipements urbains (univ-lyon2.fr, 2021). En
fait, le cadre de vie se réfère à l'espace du quotidien
des habitants.
2.2. Le concept de choix résidentiel
Nous adoptons la définition de Frankauser et
Ansel (2016, cité par Houssemand et al., 2018 : 2 ) selon
laquelle le choix résidentiel c'est la décision d'un
individu9(*) d'habiter ici
ou ailleurs. Il n'est pas sans importance si nous reprenons les propos de
Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000 :1) qui soutiennent
que « les individus disposent au cours de leur vie d'un minimum de
liberté d'action et de lucidité dans leur pratiques
résidentielles. Les stratégies résidentielles
déployées par les habitantstémoignent de leurs choix en
matière de logement (Bonvalet et Dureau, 2000),selon leur
capacité à mobiliser des ressources économiques et
sociales mais aussiselon leurs trajectoires individuelles et leurs aspirations
en termes de moded'installation. Jean-Yves Authier et al. (Cité par
Rérat, 2016) est encore plus explicite en apportant cette
précision selon laquelle « le choix résidentiel
apparait [...] comme étant socialement constitué, l'individu
décidant en fonction des habitudes, normes et valeurs qu'il a
intériorisées.
Pierre Rérat (2016) a approfondi la question en ce
sens.Il importe de le citer :
Le choix résidentiel dépend des besoins et
préférence des ménages dans le cadre d'une gamme
limitée d'options définies par les opportunités et
contraintes du marché immobilier (disponibilité des logements
dans un contexte résidentiel donné, niveau des prix, etc.) et par
les ressources et restrictions liées aux ménages eux-mêmes.
Ces dernières peuvent être de nature objective (revenu ou fortune
disponible, localisation des lieux de travail, etc.) mais également
subjective (les schèmes de la perception et de l'action induits par
l'appartenance à une classe sociale, un genre, etc.
L'une des dimensions de la notion de choixrésidentiel
nous intéresse en particulier, elle constitue l'un des aspects dont nous
comptons étudier sur notre terrain de recherche. N'empêche qu'on
passera en revue les deux autres dimensions du choix résidentiel.
2.2.1. Profil
La propension à déménager de
chaque individu est différente selon ses caractéristiques.
Rérat (2016) soutient qu'elle est généralement
supérieure à la moyenne chez les jeunes adultes, les
célibataires et les divorcés (par rapport aux personnes
mariées ou veuves), les personnes vivant seules et des couples non
mariés (par rapport aux couples mariés en particulier avec
enfants), les locataires (par rapport au propriétaire) et les personnes
hautement qualifiées.
L'attractivité d'un contexte résidentiel
est variable. En d'autres termes, chaque contexte territorial se
caractérise par un potentiel d'accueil spécifique plus ou moins
attractif pour certaines catégories de la population. L'âge peut
avoir des implications dans la migration des individuspar exemple. Maureen
Gurtner (2013 : 18, citant Rérat,2010 :50-51) avance que
d'autres caractéristiques liées au profil comme la taille du
ménage, les évènements,le cycle de vie, les changements de
composition et de taille des familles influent sur la mobilité
résidentielle.Le statut socio-économique et l'origine nationale,
le type de ménage permettent également d'expliquer la
mobilité résidentielle.
2.2.2. Trajectoires
Etudier les trajectoires permet de replacer le choix
résidentiel dans le parcours ou l'histoire de vie, car une suite de
positions résidentielles n'est pas le fait du hasard mais s'enchaine
selon un ordre intelligible (Heinz et al., 2009 cité par Maureen,
2013 :19).
La question de trajectoires prend en compte le type de
domicile, la trajectoire géographique, la trajectoire
résidentielle, l'aire de prospection ainsi que les projets
résidentiels. Pour le type de domicile, s'agit-il d'un domicile
principal, secondaire ou autre. La trajectoire géographique signifie la
localisation des différents domiciles que l'individu a connus au cours
de sa vie. Quant à la trajectoire résidentielle, elle fait
référence à toutes les autres caractéristiques des
logements occupés par un individu ainsi que leur succession. L'aire de
prospection est l'ensemble des localisations résidentielles qui, par
rapport au domicile actuel,paraissent acceptables ou désirables et les
projets résidentiels envisagés pour l'avenir.
2.2.3. Motivations résidentielles
En effet, les motivations résidentielles constituent
des préférences révélées ou de fait. Le
géographe Pierre Rérat (2012) évoque deux logiques
relatives aux motivations : la logique de valorisation ou de distinction
et la logique pragmatique. Par rapport à la première logique la
vie urbaine est mise en valeur, alors que la seconde insiste sur les aspects
utilitaires et pratiques de la vie en ville.
Etudier les motivations résidentielles des individus ou
des ménages permet de comprendre les décisions, les
préférences spatiales des individus en ce qui a trait au choix
résidentiel. Comme motifs de déménagement, les
ménages peuvent se trouver dans une réalité de perte de
logement (fin de bail, etc.). Le déménagement peut être
lié à un changement dans la structure du ménage
(création ou dissolution) ou dans la taille du ménage
(réduction ou croissance) ou encore dans la vie professionnelle.
L'individu ou le ménage cherche surtout à améliorer sa
situation résidentielle et sa qualité de vie.
Voilà ce que dit Gurtner Maureen
(2001 :20) :
Dans leurs décisions de déménager, les
ménages tiennent compte d'une multiplicité de facteurs. Il y a
trois types de mouvements : premièrement, les mouvements forcés,
provoqués par la perte du logement (fin de bail, etc.).
Deuxièmement, les mouvements induits par un changement dans la structure
du ménage (création ou dissolution) ou dans la taille du
ménage (réduction ou croissance) ou encore dans la vie
professionnelle : nouvel emploi, début d'une formation, etc.). Mais, de
plus en plus, des nouvelles formes de mobilités réversibles comme
la birésidentialité ou la pendularité à longue
distance permettent de réduire l'importance de ces changements et de
contourner un mouvement résidentiel. Finalement, il y a les mouvements
d'ajustement, lorsque le ménage cherche à améliorer sa
situation résidentielle et sa qualité de vie. Trois
catégories de raisons peuvent mener à un tel ajustement : les
caractéristiques du logement (taille, agencement, coût, statut
d'occupation), les caractéristiques du quartier (services, cadre de vie,
tranquillité, composition sociale) et l'accessibilité par rapport
au lieu de travail, aux commerces, aux établissements scolaires,
à la famille et aux amis. La qualité, subjective et objective,
d'un quartier affecte la décision de mobilité des couples, par
exemple le fait de vivre dans un quartier qu'un des deux conjoints
apprécie réduit la probabilité d'un
déménagement et cela d'autant plus si c'est la femme qui
l'apprécie.
2.3. Le concept de migration
Lamigration est l'une des dimensions de la mobilité des
populations ou de la mobilité spatiale. Elle se définit par un
déplacement de lieu de résidence assorti d'un déplacement
de portée variable dans l'espacepour une durée de six mois au
moins (Dorvilier, 2012). La migration est couramment caractérisée
comme temporaire ou définitive, elle peut être contrainte,
lorsque le migrant ne dispose d'aucuneliberté dans l'acte de migrer, ou
à l'inverse non contrainte (Saint-Julien, 2020). La migration implique
parfois une « longue distance ».
2.3.1. Le concept de migration et ses
variantes
On différenciecommunément les migrations
internes, qui se déploient sur un même territoire national des
migrations internationales.
Les migrations internes sont pour une grande part faite de
déplacements de population qui, d'un bout à l'autre d'un
territoire national obéissent largement à des
règlescommunes de redistribution géographique du peuplement.
Elles peuvent aussi relever, mais plus exceptionnellement, de
déplacementcontraints. Ces migrations internes sont largement
articulées sur les grandes étapes du cycle de vie :
études, recherche du premier emploi, nouvel emploi, migration
professionnelle, mise en couple et rupture de couple, adaptation du logement
à l'évolution des revenus, et à la taille des familles,
retraite, etc.
Ces mouvements se déploientà des
échelonstrès variés en fonction des
différentielsgéographiques valorisés : de
déplacements sur une courte distance liée par exemple à la
saisie d'une opportunité sur le marché local du logement,
à des déplacements plus longs en relations le plus souvent avec
des oppositions inter ou infra régionales : il s'agit par exemple
de départs de campagnes plus ou moins surpeuplés en direction de
régions industrielles et/ou urbaines attractives, (mouvements dits
d'exode rural) ou à l'inverse, d'abandons de zones de peuplement dense
pour la recherche de cadres de vie plus proches de la nature ( mouvement dits
de périurbanisation) ou encore de mouvements de jeunes
générations qui, misant sur les potentiels culturels et
économiques des métropoles, sont enclines
àprivilégier un mode de vie métropolitain
(Saint-Julien,2020). Ce type de migration peut s'apparenter à la
mobilité résidentielle.
Les migrations internationales correspondent en
général, aux portées migratoires les plus longues et
recèlent en outre un contingent de déplacement contraint. Les
migrations internationales peuvent aussi concerner une distance relativement
courte dans le cas où les deux Etats partagent une
mêmefrontière.
Au demeurant, nous concédons que certaine situation de
mobilité résidentielle peuvent s'apparenter à des
migrations internes, voire des migrations internationales. Les questions de
« longue distance » ou de « courte
distance » ne sont pas définies. Sur combien de
kilomètrespeut-on parler de « courte
distance » ou encore sur combien de kilomètre doit-on
migrer pour par parler de longue distance ?
2.3.2. Quelques éléments sur la migration
en Haïti
Loin de nous l'idée, dans cette section de retracer
l'histoire migratoire en Haïti. Nous voulons plutôt mettre l'accent
sur les migrations internes, lesquelles peuvent nous amener à mieux
comprendre l'implication de ces mouvements résidentielles dans le
processus d'étalement de l'agglomération port-au-princienne.
En effet, la question migratoire a été
véritablement posée en Haïti peu après l'occupation
étasunienne de 1915 (Noël, 2012), même s'il faut noter que la
guerre d'indépendance (1791-1803) a occasionné la migration d'un
nombre important de colons-planteurs accompagnés de leurs esclaves
à talents (Dorvilier, 2012). Le processus de remembrement des grands
domaines situés dans les grandes plaines du pays a conduit à la
fermeture de nombreuses petites entreprises agricoles et familiales desquelles
vivaient bon nombre de paysans sans terre. Cette situation a fabriquéun
prolétariat rural d'un genre nouveau. En conséquence, un nombre
croissant de paysans, dépossédés ou éjectés
de leurs anciennes activités et de leur terre, ont été
contraints de se rendre massivement en terres étrangères - vers
la République Dominicaine et Cubaàl'époque (Casimir: 2006,
cité par Noel, 2012 :5)10(*).
À partir de la deuxième moitié du XXe
siècle, timidement, mais selon un rythme croissant, l'exode vers les
villes haïtiennes est enclenché, ce qui fait que cette
période marque le début d'un long processus d'urbanisation dans
le pays. Toutes les villes principales haïtiennes sont concernées
par l'ampleur de cette réalité. Certaines servent de relais ; les
ruraux s'y établissent pour atteindre d'autres villes. D'autres sont de
véritables pôles d'attraction, comme les grands centres
régionaux et Port-au-Prince (Noel, 2012 :10)
Richener Noël (2012, citant Samuel, 1978) a mis l'accent
sur le contexte où l'espace rural devient repoussant, lequel ayant
favorisé la migration des ruraux vers les villeshaïtiennes,
particulièrement vers Port-au-Prince. Il avance que :
L'exode rural se situe donc dans ce contexte des changements
internes caractérisés par une nouvelle dynamique des paysans, qui
ne veulent plus supporter la même exclusion historique et les effets
négatifs de la société à deux vitesses, la
dichotomie ville-campagne. D'ailleurs, pour beaucoup de familles rurales le
fait de s'adonner uniquement à la culture de la terre constitue une
raison pour rester dans la pauvreté. La migration rurale s'inscrit dans
ce mouvement de quête de mieux-être et de début d'un
citoyen-paysan plus actif et même « militant », car pendant
longtemps ils n'ont pas été considérés comme des
ayants-droit par l'État et les élites urbaines. Les gens sont
intelligents et savent comment et à quel moment réagir à
une situation donnée. La migration constitue ainsi une stratégie
individuelle et familiale.
Il s'ensuit (Noël, 2012 : 7) :
Sur le plan économique sévit dans les milieux
ruraux une très nette décroissance. Ce constat a
été fait dès le XIXe siècle, mais la situation
allait s'aggraver à partir des années 50. La dépravation
environnementale dont l'érosion des sols, l'augmentation de la
population qui engendre la diminution de l'espace moyen cultivable par paysan
(moins d'un hectare en moyenne par habitant vers la fin du XXe siècle),
l'archaïsme des techniques et des moyens de productions agricoles, les
problèmes fonciers, les mauvais choix ou le déficit en
matière de politiques agricoles sont parmi les causes de cette
paupérisation. L'agriculture de type extensif caractérisée
par la jachère ne peut aucunement assurer un niveau de vie décent
au cultivateur et à sa famille.
Au demeurant, le choix de sediriger vers Port-au-Prince
massivement s'explique par la métropolisation. Ce que nous avons
tenté d'expliciter dans le cadre de notre problématique.
En outre, dans le cadre d'une
enquêteréalisée par la Croix-Rouge américaine sur la
migration dans l'airemétropolitaine de Port-au-Prince11(*)auprès de 2500
ménages en septembre 2010,on peut remarquer qu'un peu plus d'un tiers de
la population a déclaréêtre né dans l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince. En enlevant les natifs de l'Aire
Métropolitaine, les départements les plus
représentés parmi les immigrants dans la population de
l'AireMétropolitaine sont dans l'ordre : le Sud (22.9%), le reste de
l'Ouest(15.9%), le Sud-Est (12.7%), la Grand-Anse (12.6%), etc.
2.4. Qu'est-ce que l'étalement
urbain ?
Sans conteste les villes grandissent, s'étendent et
s'étalent à l'échelle planétaire (Veron, 2008, cite
par Bakour et Bahouni, 2015 : 4). Toutefois il existe une
multiplicité de termes pour qualifier la croissance spatiale des tissus
urbains, rendant la tâche encore plus compliquée. On parle de
suburbanisation, d'étalement urbain etc. D'après Pumain et al.,
(2006, cité par Bakour et Bahouni, 2015 : 4), l'étalement
urbain est « le processus d'accroissement important des zones
urbanisées en périphéries des villes, qui s'accompagne
généralement d'un desserrement de la population et des
activités urbaines». Cette définition semble être
résumée par celle de Zaninetti (2007, cité par Bakour et
Bahouni, 2015 : 4), qui appréhende l'étalement urbain comme
l'extension de l'emprise territoriale des villes. En d'autres termes, c'est
l'urbanisation qui déborde sur les périphéries. Par
ailleurs l'envergure de l'étalement est liée aux forces
endogènes et exogènes qui agissent directement ou indirectement
sur le développement de la ville en changeant son affectation et sa
taille. Ces forces sont nombreuses et agissent selon des mécanismes
variables et des échelles spatiotemporelles différentes (Bakour
et Bahoumi, 2015 :4). Quant aux traits de l'étalement urbain,
Bakour et Bahouni soutient que :
D'autres caractéristiques-clés apparaissent dans
la littérature sur l'étalement urbain, telles que la baisse de
densité, l'émergence de nouvelles polarités, le
développement de nouvelles formes résidentielles, les
problèmes liés à l'automobile, etc. (Galster et
al., 2001 ; Torrens, 2008). L'étude de l'ensemble de ces
caractéristiques reste indispensable pour diagnostiquer et comprendre le
phénomène de l'étalement urbain. Toutefois, la
complexité des approches et les spécificités du contexte
géographique, politique et démo-économique de chaque ville
rendent complexe la maîtrise de l'ensemble des contours de ce concept.
L'étalement urbain se manifeste à
l'échelle mondiale et son envergure est sans précédent
dans l'histoire urbaine (Antoni et Youssoufi, 2007 :3).
2.5. Le logement et l'habitat
Les termes de logement, résidence, habitat, habitation,
maison, foyer, logis, décrivent presque la même
réalité avec certaines nuances. Certains
traduisent l'objectivité et d'autres la subjectivité,
certains la matérialité et d'autres
l'immatérialité. De ces termes se distinguent de façon
claire les notions de logement et d'habitat.
D'après Trouillard (2011 :1), l'habitat est au
logement ce que le territoire est à l'espace. Le logement est un concept
plus concret. Il peut être un bâtiment, une partie d'un
bâtiment, une « construction provisoire », des
« habitations de fortune » présentant telles ou
telles caractéristiques précises, bien situées et
délimitées dans l'espace - ce qui donne toute sa
particularité à la marchandise-logement, par définition
« immobile » - et susceptible d'accueillir un ménage
en son sein. Ce qui le distingue d'ores et déjà du bureau ou de
tout autre espace de travail : le logement a pour finalité
première de loger, même si, bien entendu, un logement peut
à la fois faire office de lieu d'habitation et de lieu de travail ;
en outre, il existe des logements qui, pour diverses raisons peuvent rester
vacants.
Il faut dire qu'un logement peut être
appréhendé en absence de toute présence humaine, alors il
n'en est pas de même du concept d'habitat qui, de son coté,
suppose impérativement des habitants. En ce sens, il n'est pas sans
importance si nous transcrivons cette affirmation de Paul Vassart (2006 :
4) dans sa tentative d'établir la différence entre les verbes se
loger et habiter dérivant respectivement de logement et d'habitat :
Il faut distinguer se loger, avoir un toit et habiter. Le
verbe habiter est riche de sens et il ne peut se limiter à l'action
d'être logé. D'un côté, c'est la question du
logement, de l'abri, « avoir un toit », et de l'autre celle de la
relation, de l'action qui définit l'habitant. C'est cette
particularité que nous voulons interroger : l'homme habite lorsqu'il
réussit à s'orienter et à s'identifier à sa
demeure, ou plus simplement lorsqu'il expérimente la signification d'un
milieu. Habiter, c'est ce qui caractérise l'humain, alors que l'animal
s'abrite.
Il s'ensuit en citant Fisher (2007) :
« habiter implique que les espaces où la vie se déroule
soient des lieux au vrai sens du mot, des lieux de mémoire, d'ancrage
symbolique et dotés d'uncaractère qui les distingue. Vu de la
sorte, l'habiter devient alors un « art du lieu ».
Au demeurant, il importe de considérer
l'éclaircissement de Jean-Baptiste (2014 : 82) :
Le logement n'est pas l'habitat comme le rappelle N. Haumont.
Mais le lien où le rapport entre se loger et le mode d'appropriation de
l'espace reste indissociable. Ainsi il convient de s'interroger sur
« l'espace habité » et l' « espace de
l'habitat » et leur nécessaire articulation. En reprenant la
problématique du « cadre de vie »
précédemment évoquée, la notion d'habitat est
comprise par ces auteurs comme traduisant l'insertion « du logement
dans un environnement géographique, social, culturel ». Elle
serait au confluent d'une approche individuelle, qui part de l'habitation, du
logement, et d'une approche collective ou communautaire, qui part de
l'unité de voisinage ou du quartier ». Le logement serait en
quelque sorte en suivant cette ligne de pensée « une
composante essentielle » de l'habitat avec deux fonctions
majeures :
· D'insertion en procurantun toit et une
adresse ;
· De promotion économique, en permettant la
constitution d'un patrimoine à entretenir, à valoriser.
2.6. Vers une tentative de délimitation de
l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince
Région métropolitaine, aire
métropolitaine et zone métropolitaine désignant le
territoire de la ville métropole et sa périphérie sont des
termes difficiles à saisir de manière claire notamment dans leur
délimitation. Dans le cas de l'agglomération urbaine de
Port-au-Prince, n'importe qui peut accuser des difficultés à la
délimiter. Jean Goulet et al. (2018: 294) a abondé en ce
sens :
Le visiteur qui débarque à Port-au-Prince ne
fait pas de différence entre la commune elle-même, définie
par ses frontières institutionnelles, et l'espace urbanisé qui
s'exprime par une occupation continue et ininterrompue de bâtiments et
aménagements urbains (trame urbaine sans discontinuité).
Même parmi les résidents de longue date du grand Port-au-Prince,
bien peu savent à quel moment ou à quel endroit précis
dans leur parcours quotidien ou occasionnel, ils franchissent les
frontières de Delmas pour entrer dans Pétion-Ville, par exemple.
Les frontières ne sont que politico-administratives et
n'intéressent, finalement, que les institutions qui sont
confinées à l'intérieur de celles-ci par leurs mandats. Il
existe toutefois des frontières identitaires propres aux centaines de
quartiers dans les communes de l'aire métropolitaine, frontières
qui sont bien connues de la part des populations qui y résident.
Dans cette partie, nous espérons clarifier le sens de
la notion d'aire métropolitaine de Port-au-Prince - le terme dont nous
avons retenu - et l'étendue qu'elle couvre dans le cadre de ce travail.
En effet, en raison de l'expansion
accélérée de la tâche urbaine de Port-au-Prince
marquée par un bâti non discontinu dont les racines historiques
remontent à 1915, la définition de l'aire métropolitaine
de Port-au-Prince correspondant au huit communes12(*) de l'arrondissement de
Port-au-Prince perdent son sens. De Léogâne à l'ouest
jusqu'à Croix des Bouquets, Thomazeau, Cabaret vers le nord-est se
développeactuellement à un rythme accéléré
un territoire urbain dense de plus en plus étendu, àdominante
d'habitat résidentiel informel sans étage dans un contexte de
grandevulnérabilité environnementale : naturelle et anthropique
(Paul. 2016). Son expansion récente concerne trois (3) zones qui font
face à de graves problèmes d'étalement urbain rapide et
non planifiés par les pouvoirs publics :
- La zone nord-est : dans l'arrondissement de
Croix-des-Bouquets: les communes de Croix-des Bouquets, de Thomazeau et de
Ganthier et dans l'arrondissement d'Arcahaie, la commune de Cabaret.
- La zone ouest : dans l'arrondissement de Port-au-Prince, la
commune de Gressier etdans l'arrondissement de Léogâne, la commune
de Léogâne.
- La zone sud : dans l'arrondissement de Port-au-Prince, les
communes de Pétion-Ville etKenscoff.
Ainsi, notre définition de l'aire métropolitaine
de Port-au-Prince s'inspire des travaux de Jean Goulet et al. Elle prend en
compte la force des liens économiques et l'extension de la zone
d'influence du grand Port-au-Prince. Alors l'aire métropolitaine
de Port-au-Prince déborde très largement les limites des huit
communes traditionnelles de l'arrondissement de Port-au Prince que sont
Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Cité-Soleil, Tabarre,
Carrefour, Gressier, Kenscoff. Plus encore, elle s'étend depuis
Léogâne à l'ouest jusqu'aux limites de la commune de
Cabaret à l'est. Elle comprend à ce titre des communes telles
Croix-des-Bouquets, Ganthier et Léogâne (Goulet et al.
2018 : 294-319). A ce titre, le territoire de Canaan fait partie de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince et de ses nouvelles
périphéries.
2.7. Vers le choix d'un modèle
explicatif
A l'évidence, le modèle choisi doit être
conforme à notre intention de recherche, c'est-à-dire celui-ci
doit être à même d'objectiver la mobilité
résidentielle des habitants de Canaan entre 2010 et 2020. Un tel
modèle doit nous permettre de rendre compte des motivations
résidentielles des Cananéens, et le cadre de vie
subséquent à leur installation sur ce territoire.
Les différentes considérations des deux grandes
approches de la mobilité résidentielle ne suffisent pas pour
expliquer le phénomène étudié. Les perspectives
déterministes et humanistes : la première d'une part
banalisent le rôle des individus et avance que leurs
déménagements constituent des réponses inévitables
étant donné l'environnement ou les structures qui englobent et
dépassent ces mêmes individus ; quant aux approches
humanistes, elles considèrent que les acteurs prennent consciemment leur
décision - mais n'est pas forcément rationnelle d'un point de vue
économique - et disposent d'une certaine latitude dans leur choix. Elles
ne nous semblent pas adapter à notre objet d'étude. Quant aux
perspectives macro- et micro-analytiques, loin de nous l'idée
d'étudier les mouvements résidentiels de par le contexte dans
lequel ils s'insèrent (caractéristiques physiques et
socio-économiques de l'entité spatiale) ou de prendre en
compte le processus de décision dans ces différents aspects.
Cela dit, nous partons du postulat selon lequel
« les individus et les ménages disposent au cours de leur vie
d'un minimumde liberté d'action et de lucidité dans leurs
pratiques résidentielles ».C'est-à-dire le choix
résidentiel peut en même temps liéà des contraintes
et des aspirations du ménage. Nous réfutons l'idée que
les choix résidentiels se font uniquement selon une rationalité
purement économique. D'autres logiques sont à l'oeuvre lors des
mouvements résidentiels. Il s'agit de la thèse
développée par Catherine Bonvalet et Françoise Dureau
(2000 :1) et repris par Patrick Rérat (2016).
Chapitre
III
Cadre
méthodologique
III. Cadre
méthodologique
N'importe quel travail portant le chapeau scientifique doit
se réaliser suivant une procédure méthodologique.
Hervé Gumuchian et Claude Marois (2000) soutient d'ailleurs que toute
recherche scientifique classique obéit à un effort rigoureux,
progressif et systématique d'éclaircissement d'une situation,
d'un fait ou d'un ensemble de faits à l'aide d'outils et de technique
spécifiques. Ainsi, un ensemble d'opération intellectuelle
permettant de démontrer et de vérifier ce que l'on cherche a
été mise en oeuvre : l'analyse documentaire, l'observation,
l'interview.
3.1. L'analyse documentaire
Nous avons procédé
à l'analyse documentaire dans le cadre de notre investigation
empirique. Appelédépouillement d'archives par certains auteurs,
l'analyse documentaire se réfère, pour reprendre De Ketele et
Rogiers (1991 :31), à « tout document
sélectionné selon une stratégie bien précise et
traité comme une donnée de la recherche, au même titre que
les discours recueillis par l'interview ou les comportements recueillis par
l'observation[...] ». En guise de précision, nous avons
réalisé l'analyse documentaire à partir d'une
étude de plus de 300 pages de l'UQAM dont un bon nombre de chercheurs
ont participéà son élaboration. :Perspectives de
développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, horizon
2030.
3.2. L'observation
L'observation est une étape essentielle dans toute
recherche en géographie. En plus de l'interview, nous l'avons
utilisé également comme instrument de collecte des
données. Il s'agit d'une considération attentive des faits, afin
de mieux les connaitre (Del Bayle : 1989, cité par Gumuchian et
Marois). Quivy et Campenhoudt (2011 :160) distingue deux (2) types
d'observation. Elle peut être directe ou indirecte. Alors que lors de
l'observation indirecte, l'observateur collecte les informations par le
truchement du sujet observé, l'observation directe est celle où
le chercheur procède directement lui-même au recueil des
informations, sans s'adresser aux sujets concernés.
Nous avons précisément effectué
l'observation directe dans le cadre de ce travail. Celle-ci est définie
de la façon suivante par Henri Peretz (2004 : 14) :
« l'observation directe consiste àêtre le témoin
des comportements sociaux d'individus ou de groupes dans les lieux mêmes
de leurs activités ou de leursrésidences sans en modifier le
déroulement ordinaire ». Cette définition n'est pas
différente de celle de Gordon Mace (1998). Ce dernier affirme que
« l'observation directe consiste, pour un chercheur, à
observer directement son objet d'étudeoù le milieu dans lequel le
phénomène se produit afin d'en extraire les renseignements
pertinents à sa recherche » (Mace,1988 : 82).
Plus spécifiquement, nous avons observé
à la fois les axes routiers, l'environnement urbain, les
équipements urbains, la qualité du bâti sur le territoire
de Canaan et la réaction des Cananéens par rapport à notre
sujet de recherche.
3.3. L'entretien
semi-directif
Quivy et Campenhoudt (2001 :138) soutient que l'entretien
semi-directif est le plus utilisé en recherche en sciences sociales. On
parle de semi-directif parce qu'il est entièrement ouvert et
canalisé par un grand nombre de questions précises. En effet, le
chercheur dispose d'une série de question-guide relativement ouverte
permettant d'obtenir des informations auprès de l'interviewé. En
laissant parler ce dernier, l'enquêteur s'efforcera de simplement
recadrer l'entretien sur les objectifs à chaque fois qu'il s'en
écarte et de reformuler les questions visées afin qu'on puisse
obtenir des informations riches et nuancées.Cette méthode est
pertinente lors des recherches concernant des préférences
spatiales. D'où notre choix ! Dans le cadre de notre enquête,
notre grille d'entretien s'adressera à des informateurs-clés,
susceptibles de nous fournir des informations pertinentes. Paraphrasant Sylvain
Giroux et Ginette Tremblay (2002 :95), il nous importe de faire remarquer
que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d'interviewer tous les
éléments de la population cible. Nous sommes dans l'obligation
de sélectionner une fraction de la population, c'est-à-dire un
échantillon.
Il existe deux (2) grands types
d'échantillonnage : échantillonnage probabiliste et
échantillonnage non probabiliste. Selon Jean-Pierre Beau
(2009 ::270), « par techniques d'échantillonnage
probabilistes, on entend toutes celles qui impliquent un véritable
tirage au hasard, c'est-à-dire qui donne à chaque
élément de la population une chance connue et non nulle
d'être choisi ». En d'autres termes, il s'agit d'une technique
d'échantillonnageoù les éléments sont
sélectionnés au hasard par un procédé
appliquéà l'ensemble de la population cible (Giroux et Tremblay,
2002 :96). Dans cette catégorie, on peut citer
l'échantillonnagealéatoire simple,
l'échantillonnagesystématique, l'échantillonnage
stratifié, etc. Par contre, parler d'échantillonnage non
probabiliste c'est se référer à une technique
d'échantillonnage ou tous les éléments de la population
cible n'ont pas une chance connue, égale et non nulle de faire partie de
l'échantillon constitué (Giroux et Tremblay, 2002 : 97).
Parmi les techniques d'échantillonnage non probabiliste on peut retenir
l'échantillonnage volontaire, l'échantillonnageà
l'aveuglette, l'échantillonnage au jugé, etc.
En ce qui nous concerne, nous avons utilisé la
technique d'échantillonnage au jugé pour sélectionner nos
enquêtés dans le cadre de la collecte des données parce
qu'elle est mieux adaptéeà notre objectif de recherche dans la
mesure où il nous a permis de ne choisir que des personnes
concernées effectivement par l'enquête. Selon Giroux et Tremblay
(2002 : 97), l'échantillonnageau jugé est une technique
d'échantillonnagenon probabiliste où les éléments
sont sélectionnés par le chercheur lui-même, car ils lui
semblent typiques du groupe auxquels ils appartiennent.
Nous avons interviewé dix (10) acteurs locaux,
habitants de Canaan:
· Deux Cananéens, membres d'une association du nom
de CODE 15oeuvrant dans l'assainissement notamment à Canaan.
· Cinq chefs de ménagespropriétaires, dont
leur dernier logement se localisait dans l'Aire métropolitaine de
Port-au-Prince.
· Un chef de ménage locataire, dont le dernier
logement se localisait dans l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince.
· Deux chefs de ménagen'ayant
pashabitél'Aire métropolitaine de Port-au-Prince avant
d'emménager à Canaan.
Nous avons fait ce dernierchoix en raison du manque de
clarté dans la distinction entre mobilité résidentielle et
migration.Si la mobilité résidentielledésigne le plus
souvent le changement de lieu de résidence d'un ménage à
l'intérieur d'un bassin de vie ou d'une région, la migration
également implique différentesdécisions qui
relèvent de lamobilité résidentielle (processus de
sélection de la commune ou du quartier de résidence, du type
d'habitat, etc.).
Dans le cadre de cette investigation scientifique, nous
avons utilisé la méthode qualitative. Celle-ci entend contribuer
à la compréhension de la mobilité résidentielle. La
méthode qualitative porte son attention au sens des actions
posées par les individus.
Pour conclure cette partie, il importe de mentionner Montigeau
(2008 : 93) : « l'échantillon d'une recherche
poursuivant des objectifs de nature qualitative peut être relativement
petit, car l'objectif n'est pas de rendre compte d'une population mais de
recueillir de l'information pertinente pour mieux comprendre le
phénomène ».
Les entretiens ont été enregistrés afin
de mener une discussion sans interruption par la prise de note.
3.4. Mise en garde
méthodologique
En fait, les entrevues ont été menées en
créole haïtien. Tenant compte des subtilités linguistiques
et sémantiques inhérentes à toutes opérations de
traduction, certaines expressions peuvent perdre leur sens lors de nos
entrevues.
3.5.
Délimitationtemporelle de l'étude et limite du travail
Notre travail se propose de comprendre la mobilité
résidentielle participant à la constitution de
l'agglomération de Canaan, périphérie de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince. 2010 marque le début de
l'occupation du territoire de Canaan, c'est-à-dire l'existence de cette
zone urbaine s'étant sur Onze (11) ans.Et 2020 c'est l'année de
l'entame de notre travail de recherche. Nous espéronsétudier
l'évolution tout au long de ces années les motivations
résidentielles des habitants et leur cadre de vie.
CHAPITRE
IV
Brève
présentation de Canaan
IV. Brève
présentation de Canaan
Dans ce chapitre, nous nous proposons de présenter le
lieu de circonscription de notre étudesuivant certains aspects.
4.1. Evolution spatio-temporelle
de Canaan
Canaan est situé à l'extrême nord et
à 18 kilomètres du site historique de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince. Dans le temps, cette localité
était un lieu de pèlerinage et de prièrepour des
chrétiens (Joseph, 2014 :130). Dans les années 40, le sol de
cette zone permettait de cultiver le sisal et la canne à sucre. Par le
décret du 17 mars 1971, elle fut déclarée d'utilité
publique et réservéeà l'aménagement d'une aire
touristique, sans pour autant être matérialisé. D'amples
firmes ont eu la velléité d'y lancer des projets
d'aménagement habitationnel et industriel vers la fin des années
90. Immédiatement après le séisme du 12 janvier 2010,
cette zone permettait de répondreau problème des sans-abris car
105 000 logements ont été totalement détruits et 208 000
engommagés (Etienne, 2018 :21). Au soir du séisme du 12
janvier 2010, la population de la Plaine du Cul de sac s'est
déplacée vers les hauteurs de cette zone par crainte d'un
tsunami. Elle a été déclarée d'utilité
publique par l'arrêté du 22 mars 2010.
Délimiter le territoire de Canaan est une tâche
ardue. Ses limites sont relativement floues. Entre 2010 à 2015, avant
l'arrivée d'une coalition de bailleurs et d'ONG et le découpage
plus fin en quartiers, le territoire de Canaan comptait cinq (5) zones
officieuses qui s'étirent d'est en ouest. Il s'agit d'Onaville, Corail,
Cesselesse, Jérusalem, Canaan et Saint-Christophe.
L'arrêtéprésidentiel de décembre 2012 contribuait
àréduirel'empreinte de la zone d'utilité publique. Elle
concerne àprésent que 3 des 5 zones, et une partie d'Onaville et
de Saint-Christophe. Son territoire couvre à présent une
superficie de 33 kilomètres carré environ (Lizzaralde, 2018).
Celui-ci s'étend d'est en ouest sur 12 km le long et au nord des axes
routiers RN3 et RN1. Une limite naturelle borne le site de Canaan au
nord : il s'agit de la chaine des Matheux (Pierre, 2013). Au sud-est, la
route nationale numéro constitue la limite, à l'ouest c'est la
baie de Port-au-Prince
Figure 1. Les nouveaux quartiers au nord de Port-au-Prince
après le Séisme du 12 janvier 2010
Source : Michelet Clerveau, 2016
Cette carte de 2016 donne une idée de
l'évolution de la tâche urbaine de 2004 à 2016 au nord de
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. On peut tout a fait remarquer
dans la zone nord du site de Canaan la chaine des Matheux. La période
allant de 2010 à 2013 est celle, où la tache urbaine s'est
étendue considérablement. Cette situation est liée
principalement au séisme 12 janvier 2010, à cette décision
gouvernementale déclarant la zone d'utilité publique.
.
4.2. Le territoire de
Canaan :accessibilité et description géophysique
Nous rappelons que le site de Canaan se retrouve au nord de
Port-au-Prince au-delà de la Plaine du Cul de Sac entre 18°
latitude nord et 72° longitude ouest. Une part essentielle du territoire
de Canaan est partagée par la commune de Croix des Bouquets. Il est
aussi à cheval également sur la commune de Thomazeau et celle de
Cabaret. En ce qui a trait à la constitution géologique, il
convient de relater les propos de Pierre James (2013 : 25) :
Les sols de la zone de Canaan proviennent de sédiments
calcaires et d'alluvions. Ce substratum est le résultat des
différents versants qui terminent leurs courses dans les parties basses
des montagnes. Les carbonates de calcium(CaCO3) sont en quantité
considérable, ce qui nous permet d'avancer sans exagération
aucune que, c'est cette karstification intense qui augmente le niveau de la
sécheresse et de l'aridité très marquées de la zone
; sans négliger la guerre menées par les habitants contre la
pauvre couverture végétale de la zone pour pallier le
problème foncier qui est un délicat cas sur le site de Canaan
depuis sa gestation. Les pratiques culturales dans la zone ne sont pas, en
effet, de nature à maintenir la fertilité des sols,
qualité essentielle pour la production. L'usage abusif de la terre sans
apport de matières organiques et chimiques, contribue à une
réduction considérable de sa capacité à produire
des récoltes abondantes et à rentabiliser les investissements.
Des exploitations des carrières situées en montagne provoquent
également dans la zone l'érosion accélérée
des bassins versants et modifient la morphologie des sols. Cela entraine une
déstabilisation des pentes, la création de porte faux et le
déplacement des terres sous les gisements d'arbres de la zone.
L'exploitation de grandes surfaces nues provoque des régimes torrentiels
qui réduisent l'infiltration d'eau vers les nappes. La plupart des
versants, sont entièrement déboisés et mis en construction
et en culture ; ils deviennent donc sujets à une érosion
vigoureuse qui s'intensifie en quotidienneté et de manière
générale et généralisée. Ce qui entraine
incontestablement une perte considérable en terre et une production
exponentielle de sédiments. Sans faire de conclusion
précipitée, le « pays » de Canaan c'est une zone
très vulnérable aux différents risques naturels et
anthropiques.
Cette zone semi désertique en raison du climat sec et
sa couverture végétaletrèsdispersée est
confrontéeà trois risques environnementaux naturels majeurs. Ce
sont les risques liésà l'irrégularité des
débits d'eau de surface et un manque de disponibilité d'eau de
qualité, les risques sismiques et les risques d'éboulement et de
déferlement des résidus friables.
Figure 2.- Localisation de Canaan en
périphérie de l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince
Source : Carte de Open street Map adaptée par
Petter et al., 2018
Cette carte montre la localisation du site d'étude au
regard de l'aire métropolitaine. Elle se rapproche davantage du site
historique de la commune de Cabaret.
4.3. Données
démographiques
Selon l'UCLBP, le territoire presqu'inhabité de Canaan
avant 2010 compte une population de 250 00 personnes en 2015.La zone de
peuplement de Canaan s'étend actuellement d'Onaville jusqu'aux confins
du village pécheurs au nord et même au-delà. Une
enquêtede 2016 de la Croix-Rouge réaliséeauprès de 1
847 ménagesestime que 94% des Cananéens proviennent des huit
communes de l'arrondissement de Port-au-Prince et de des zones urbanise de la
Croix des Bouquets qui compose l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince.Parmi les 6% de migrants externes, certains viennent d'aussi
loin que le Cap-Haitien, les iles de la Gonâve et de la Tortue et de
Saint-Domingue en République Dominicaine (Peter et al., 2018 :
200).
Cette enquête(2016) de la Croix-Rouge fait mention de la
plus ancienne population (3 à 6 ans) qui est de l'ordre de 36% ;
les pionniers (plus de 6 ans) sont estimés àprès de
13% ; les derniers venus sont de 28% (moins de 6 mois).
La croissance annuelle de la population de Canaan est de 6%.
Selon Onu-habitat elle peut avoisiner446 6000 vers 2035 (2016, cité par
Petter et al. 2018 : 2010).
Figure 3. La superficie de la zone habitée de Canaan en
2018
Source: open street map ; Univ munich, 2018
4.4. La question foncière
et le mode d'occupation du sol
A Canaan, le foncier n'est pas régularisé. La
pression foncière y est omniprésente et grandissante.La
disponibilité d'une concession publique et la présence de l'aide
humanitaire ont agi comme un aimant pour des milliers de personnes fuyant
à l'origine camps surpeuplés et bidonvilles de la capitale en
quête de meilleuresconditions de vie et de propriété
terrienne. Elles ont été suivies d'une vague de
spéculateursfonciers flairant la valorisation du sol.Deux (2) formes de
conquête du territoire se sont succédé dans le temps. Anne
Marie Petter (2018 : 205) a pris bien soin de les présenter et
nous les rapportons :
D'abord l'invasion ou le squat par des individus venus seuls
ou en groupes de voisinage s'appropriant des parcelles d'une taille
conséquente aux besoins de chacun de leur ménage. Pour
éviter le vol du terrain, les familles sécurisaient la parcelle
à l'aide d'une enceinte de pierre ou avec des clôtures
rudimentaires, mais le plus important était d'ériger rapidement
un abri et d'occuper physiquement la propriété. Ont ensuite suivi
les invasions dites « pirates ». Avant même
l'arrêté officiel déclarant la zone d'utilité
publique, ceux qui eurent la chance d'avoir des « entrées » au
Palais National et vent de cet arrêté se sont approprié de
vastes territoires seuls ou regroupés en organisations
communautaires.
Ils ont tracé routes et parcellaire, celui-ci vendu
entre 2 500 et 5 000 gourdes (35,80 € à 71,60 actuels)
dépendamment de la zone, et ce parfois plusieurs fois si les parcelles
n'étaient pas sécurisées et occupées rapidement.
Vosh Dathus (2013) a évoqué par rapport au mode
d'accès au foncier à Canaan une fabrication de la
propriété par le bas.
Par ailleurs, l'auto-construction et le
lotissementprédominent comme mode d'occupation du territoire. Les
habitations sont localisées dans des parcelles
généralement plus grandes que celles des quartiers
précaires de l'airemétropolitaine de Port-au-Prince. Les
parcelles ne sont pas systématiquementcontiguës. Il en
résulte un espace résidentiel dispersé en contraste avec
lamajorité des espaces urbanisés de l'aire métropolitaine
(Paul, 2018).A distance, Canaan est semblable à une vaste étendue
de terre non définie, chargé de constructions manifestement
anarchiques. En vertu de nos séances d'observations
réalisées dans la zone nous avons vu que quelque soit le
numéro de Canaan considéré (1, 2, 3, 4, 5, 6) on observe
des maisons construites, en bois (chèltè), en bloc, de toitures
en tôle, et en béton armé, l'ensemble sont des maisons
individuelles. On observe également des logements constitués
uniquement de tôle dans les hauteurs,particulièrement dans la zone
de Bellevue qui ne porte pas bien son nom.
En poursuivant les observations, à mesure qu'on se
rapproche, Canaan se présente comme une agglomération en pleine
expansion.
Figure 4.- Lotissement à Canaan
Source : Wilguens PHARIUS/18-03-2021
A Canaan, les terrains sont morcelés en plusieurs
parcelles. Le lotissement est une opération foncière, impliquant
le plus souvent l'habitat individuel. Celui-ci prédomine à
l'échelle mondiale dans les contextes marqués par
l'étalement urbain.
4.5.
Activitéséconomiques
A Canaan, il est à remarquer depuis son urbanisation
accélérée le développement d'une économie
locale de produits et services de subsistance. Se côtoient
marchés, petits commerces de produits variés commedes boissons
gazeuses et alcoolisées, (boutiques de pèpè
(fripe), des points de vente de clairins artisanales, deskiosques d'eau et
de loto, des banques de borlettes (lotterie), des bric à brac (maisons
d'affaires), des quincaillerie,salons de beauté, restaurants et
même des hôtels, aux vives couleurs haïtiennes
traditionnelles.
Figure 5. Banque de borlette (lotterie)
Source : Wilguens Pharius/8-3-2021
Pour répondre à ses besoins, on est aussi
chauffeur de moto taxi. Mais le plus important moteur économique de la
zone est la vigoureuse industrie de la construction qui s'y active sans
relâche encore aujourd'hui.Mais aussi, il y a le port Lafiteauà
quelquesmètres de Canaan qui peut disposer d'un fort pouvoir
d'attraction.
Figure 6.- Vue aérienne du port Lafiteau Global
Source : Haïti Press Network
Inauguré en 2015 il s'agit du seul port susceptible
d'accueillir les grands navires Panamax du Canal de Panama. Les Panamax - pour
Panama maximum - désignent les cargos de très grandes dimensions
qui puissent franchir le canal du Panama en pleine charge. Ce sont des navires
de 294 mètres de longueur et de 32 mètres de largeur. Les Panamax
peuvent transporter 12 à 13 containers de front. Le port Lafiteau
s'étend sur 12,5 mètres de tirant d'eau et devra atteindre
jusqu'à 900 mètres de poste d'amarrage à la fin du projet.
Il s'agit du port le plus profond d'Haïti. Le projet a
prévuégalement un quai de 260 000 mètres carrés.
Les promoteurs ont projeté d'y investir un montant d'environ 65 millions
de dollars américains. A nos jours, les retombées positives de ce
port sur la zone tardent à se montrer.
CHAPITRE
V
PRESENTATION, ANALYSE ET
INTERPRETATIONS DES DONNEES
V. Présentation, analyse et
interprétations des données
Ce chapitre constitue la dernièreétape de la
présenteétude. Il est consacréà la
présentation, l'analyse et l'interprétation des matériaux
empiriques recueillis à partir de l'analyse documentaire, des entrevues
semi dirigées et de l'observation directe.
Rappelons qu'en guise de fil conducteur théorique nous
avons considéré l'approche de Catherine Bonvalet et
Françoise Dureau (2000), reprisepar Patrick Rérat (2016) selon
laquelle« les individus et les ménages disposent au cours de
leur vie d'un minimum de liberté d'action et de lucidité dans
leurs pratiques résidentielles ». A ce titre, nous nous sommes
amenéesà s'interroger sur les motivations résidentielles
ayant conduit au choix de localisation résidentiel à Canaan pour
ensuite s'intéresser au cadre de vie des Cananéens.
Tableau 1. Tableau présentant les enquêtés
etla date des entretiens
No
|
sexe
|
Condition matrimoniale
|
Niveau d'étude
|
Profession
|
Année d'emménagement à Canaan
|
Appartenance organisationnelle
|
Date de réalisation de l'entretien
|
1
|
F
|
Mariée
|
Primaire
|
Commerçante
|
2010
|
Aucune
|
06/03/2021
|
2
|
M
|
Célibataire
|
Secondaire
|
Photographe
|
2016
|
Code 15
|
06/03/2021
|
3
|
M
|
Célibataire
|
Universitaire
|
Plombier, chauffeur
|
2016
|
Code 15
|
06/03/2021
|
4
|
F
|
Célibataire
|
Aucun
|
Commerçante
|
2010
|
Aucune
|
06/03/2021
|
5
|
F
|
concubinage
|
Secondaire
|
Commerçante
|
2020
|
Aucune
|
06/03/2021
|
6
|
F
|
concubinage
|
Secondaire
|
Commerçante
|
2011
|
Aucune
|
06/03/2021
|
7
|
M
|
Marié
|
Secondaire
|
Chauffeur, électricien
|
2019
|
Aucune
|
06/03/2021
|
8
|
M
|
concubinage
|
Secondaire
|
Chauffeur
|
2018
|
Aucune
|
06/03/2021
|
9
|
F
|
concubinage
|
Secondaire
|
commerçante
|
2013
|
Aucune
|
06/03/2021
|
10
|
M
|
Marié
|
Secondaire
|
Policier
|
2011
|
Aucune
|
06/03/2021
|
Source : entretiens réalisés par Wilguens
PHARIUS
5.1. Le choix résidentiel
des habitants de Canaan : motivations
Les motivations relativesà l'emménagement
à Canaan des habitants seront considérées dans cette
section. Il importe de rappeler que les motivations résidentielles,
contrairement aux aspirations qui sont des
préférencesdéclarées n'étant pas toujours
réalisées, celles-ci sont des
préférencesrévélées ou de faits. Elles
permettent de prendre en compte les décisions, les pratiques et les
actes des individus (Rérat, 2016).
5.1. 1. La publication de
l'arrêté du 22 mars 2010
Il ne fait aucun doute et nous l'avons précisé
tout au long du travail que le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a
détruit et endommagé des milliers de logements dans l'Aire
métropolitaine de Port-au-Prince.Dès les premières minutes
après le séisme, des gens venantde l'Aire
métropolitaine,particulièrement dans les zones environnantes
pouroccuperles hauteurs du site de Canaan dans le but de se mettre à
l'abri des répliques sismiques ou d'un éventuel tsunami à
Canaan. Cependant l'arrêtédu 22 mars 2010déclarant
d'utilité publique les propriétés s'étendant de
l'angle de rivière Bretelle à la route nationale numéro 1
en passant par Bon-Repos et Corail-Cesselesse formant un polygone avec la zone
communément appelée Cocombre a été le declic
ayant favorisé l'arrivéemassive de nouveaux
hébergés/habitants à Canaan. Pierre James (2013) avance
quela publication de l'arrêté déclarant d'utilité
publique la zone joue un certain rôle dans la perception des habitants de
cet espace, mais également dans l'arrivée en masse des habitants
sur le site de Canaan.
100% de nos enquêtés ont mis l'accent sur le fait
que leur établissementdéfinitif à Canaan est
fondamentalementliéeà cette décision gouvernementale. Ceux
dont leur installation succède à l'arrêté,mobilise
cedernier comme une motivation à part entière.
L'enquêténuméro6 affirme ce qui
suit :
M te vini egakteman nan lane 2011. M te fè
plizyè mwa anba tant nan Santo.Se pa mwen ki te mèt kay kote m te
rete avan an ki te nan Santo 15. Se te yon bòfrè m ki te pale m
de bò isit la (Kanaran) epi ki mennen m apre sa. Se achte mwen achte
tè a apre m fin fè tout demach mwen yo. Li te di m
gouvènman an te bay tè nan zòn nan epi konsa ak yon ti
grapday nou te gen tè a13(*).se pouvwa Preval la ki bay tè sa yo, epi nou
te achte
Le répondantnuméro 7 abonde dans le même
sens :
. Se te mari m ki te mete m okouran de moso tè prezidan
Prevalt ap bay nan Kanaran epi mwen menm ak li te antann nou pou nou vin rete
isit la apre nou te fin reyalize yon bann demach. Apre tranbleman an
prèske nou te oblije jwenn yon kote pou nou rete, se te yo gwo desizyon
li te ye pou nou. Sinon alèkile nou pa konn kote nou t ap ye14(*).
Nul besoin de relater les propos des répondants 4 et 10
s'établissantrespectivement à Canaan en 2010 et 2011. Ils
affirment tous l'implication de la publication gouvernementale de mars 2010.
Toutefois en décembre 2012, un arrêté a
réduit la zone concernée par la déclaration
d'utilité publique, bon nombre de Cananéens se retrouvent en
situation d'insécuritéfoncière.
5.1.2. L'endommagement ou la
destruction de son logement
Par rapport aux milliers de logements détruits et
endommagés dans l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince,
l'emménagement à Canaan pour plus d'un paraît un mouvement
résidentiel forcé, liée à la perte de celui-ci.
Cette réalité est particulièrement celle des
Cananéens s'étantétabliimmédiatementaprès le
cataclysme. D'autres habitants ayant perdu leur logement ont passé
plusieurs années avant de venir habiter à Canaan.Apres avoir
disposé de leur propriété, ils l'ont clôturé,
occuper de matériaux de construction, ou jeter les
premièrespierres de la construction du logement,faisant valoir ainsi que
cette parcelle en question s'est déjà appropriée.
L'enquêté numéro 1 affirme que :
Apre 12 janvye 2010 m vin rete Kanaran apre kay kote m te ye a
te kraze. M te vini egakteman nan lane 2010. Se achte mwen achte tè a
apre m fin fè tout demach mwen yo15(*).
Le répondant numéro 7 abonde dans le même
sens :
Lè tranbleman de tè a m te rete Fontamara 27, m
te pèdi kay mwen. M te lokatè nan kay mwen te ye a. Kay kote nou
te ye a kraze plat atè. Apre plizyè mwa nou te fè anba
tant, nou pa t gen mwayen pou nou te al lwe lòt kay16(*).
Par ailleurs la mise en évidence des facteurs ayant
motivé l'installation des habitants à Canaan exige principalement
la prise en compte de l'étude urbaine sur la zone de Canaan dans le
cadre du rapport sur les perspectives de développement de l'Aire
métropolitaine de Port-au-Prince de l'UQAM.
Darbouze et al. (2018 :53) ayant participé
dans la production du rapport a titre de chercheur avance à la suite de
Jean Pierre :
Aujourd'hui à la suite du séisme de 2010, le
problème du logement est le problème majeur auquel la
société doit se confronter..... [...] « le logement est
sansaucun doute le secteur le plus touché par le séisme compte
tenu du fait que les dommages totaux pour la Région
Métropolitaine de Port-au-Prince s'élèvent à 2,3
milliards dedollars. Ce chiffre comprend la valeur de la destruction
d'unités de logements de différentstypes et qualités, la
valeur des maisons partiellement endommagées et les biens
desménages » (Grand-Pierre, 2010).
Nul besoin de relater les propos des répondants 4 et 10
s'établissant respectivement à Canaan en 2010 et 2011. Ils
affirment tous l'implication de la publication gouvernementale de mars 2010,
mais aussi la perte de leur logement lors du séisme dans leur
emménagement à Canaan.
5.1.3. La
propriété foncière
Le choix qui semble souvent gouverner
lesdécisionsrésidentielles des Cananéens est celui de la
propriété foncière. Vouloirdevenir propriétaire
est un mobile expliquant l'étalement résidentiel de Canaan.9 sur
10 de nos répondants l'ont mentionné. L'enquêté
numéro 4 affirme dans cet ordre d'idée que :
Kote m ye la se mwen ki pwopriyetè l. M pa nan
afème kay, ni mwen pa nan kwen kay moun.
Tèt mwen frèt paske mwen pa nan peye ni
chèche kay chak lane. Kote m te ye avan se nan lweyay mwen te ye.
Lè w nan lwe kay se yon bagay ki difisil pou ou. Si gen lòt
lokatè nan kay, ka gen gen bouch louvri chak jou. M se yon moun Bondye
fè gras paske gen moun ki bezwen sòti nan lweyay ki pa gen
lajan. Lè m te tande gen tè nan ba pri isit la, m te kontan. Se
te yon bèl bagay pou mwen. Se sa kif è m vini la. Se gras ak
Metelus ki se lidè nan zòn nan depi lè Kanaran t ap fenk
koumanse ki fè mwen ka pwopriyetè jounen jodi a. Mesye Metelus se
yon bon moun. 17(*)
Devenir propriétaire de son logement, c'est l'horizon
des aspirations du chef deménage, l'aboutissement d'une
carrièrerésidentielle. C'est un signe d'ascension : la
trajectoire résidentielle qui aboutit à une accession à la
propriété est considérée comme ascendante.
L'enquêté numéro 8 affirme ce qui
suit :
Kote m te rete avan 12 janvye a se te bitasyon lafanmi, se pa
mwen ki te mèt li. Sa vle di m pa t ka fè sa m vle ladan.
Akòz mi yo te fann lè goudougoudou a mwen ak fanmi m te blije
kite l pou n al lwe lè nou te kite tant lan imedyatman apre 12 janvye.
An 2015 nou achte ti moso tè sa.Li rele nou chè mèt
chè mètrès. M pa nan plede mache rete nan afème
kay moun ankò. Lè m te fin konn sa, m pa t wè kilè
pou l jou pou m vin Kanaran pou m vin regle koze a18(*).
Par ailleurs, la propriétépermet aussi de ne
plus payer de loyers, de ne pas être obligé deconstamment
déménager « à la cloche de bois » ou suite
à uneexpulsion.
Etre propriétaire permet de dissiper la crainte
d'être renvoyédans le monde rural, c'est l'ancrage urbain, la
garantie derester citadin qui sejoue à travers la
propriété. Cette dernière pour eux demeure la condition
sine qua none pour rester en ville, car c'est en ville qu'il gagne leur vie.
L'enquêténuméro 1 qui vient de Basen
Mayan, un territoire rural non loin de la ville des Gonaïvesaffirme
ceci :
Avan 2010 m te ret isit Pòtoprens pou kò m
paske m t ap debwouye m, pitit mwen yo te ret andeyò, lè
tranbleman tè a te pase a nan zòn kote m te lwe kay la anpil te
kraze. M pa t anvi tounen al ret la ankò. Anplis m te swete rete nan
Pòtoprens paske fòk pitit mwen yo te vin jwenn mwen pou yo vin
nan inivèsite. Epi vin jwenn mwen te gen chans jwenn ti tè sa
mwen gen la kounya. Yon òganizasyon yo rele Techo te retire nou anba
tant pou l te ban nou ti chèltè sa. Lè nou te fenk vini,
prèske tout moun nan zòn se te nan ti abri pwovizwa nou te ye.
Apre sa sa k ka demele yo demele yo pou yo konstwi an blòk. Mwen menm m
pa p lontan koumanse konstwi. M vin la se paske se sèl la yo t ap bay
tè apre tranbleman an. Se yon bagay m t ap chèche nan
syèl19(*). M te
priye pou sa.
On peut dire de la sorte que la propriété
apporte la sécurité présente et à venir pour son
ménage et pour les membres de la famille étendue. Devenir
propriétaire de son logement par extension, signifie pouvoir partager
la parcelle, construire un étage, réserver un logement pour les
enfants plus tard.
On doit noter que rares sont les personnes en situation de
location dans la zone urbaine de Canaan. Nous concédons que certaines
personnes peuvent renoncer volontairement à la propriété.
La location peut être un choix. Elle peut être vécue comme
une étape transitoire.Dans le cadre du travail, on n'a interviewé
qu'une seule personne locataire. Elle affirme que son statut est passager. En
fait, elle habitait avec ses parents jusqu'à ce qu'on lui mit à
la porte après avoir eu des différends avec eux. Sans domicile,
elle s'est obligée de louer une chambre. Emménager à
Canaan n'a pas été son choix.
5.1.4. Le coût des
parcelles de terrains
La question du faible coût des parcelles de terrain est
évoquée pour justifier le choix résidentiel à
Canaan. Lors de l'amorce de l'urbanisation de Canaan, c'est-à-dire vers
2010,certains habitants se sont approprié le territoire sans verser
aucune somme aux autorités compétentes. Mais c'est quasi
impossible à présent. De 2010 à 2020, le prix d'une
parcelle de terrain a augmenté. Mais cette zone urbaine par rapport aux
nouvelles périphéries disposent des terrains relativement
« à bon marché » de l'Aire
métropolitaine de Port-au-Prince.
Voilà ce qu'affirme
l'enquêténuméro 5 : « Tè yo pa
chè nan Kanaran. Se 4 000 goud m te achte pa m nan. Sèl la ou ka
jwenn tè nan pri sa nan Pòtoprens. Jodi a tè yo vin pi
chè isit la. A lepòk si m pa t jwenn tè sa m t ap toujou
nan lweyay oubyen m t ap devan pòt kay moun »20(*).
L'enquêténuméro 2 dans le même sens
soutient que : « se paske tè yo pa chè Kanaran ki
fè nan 10 an ka gen tout moun sa yo nan zòn nan. Mwen se yon vye
malerèz, kote m t ap jwenn kòb si se pa Kanaran
mezanmi »21(*).
5.1.5. Le type d'habitat
Il n'est pas sans importanceégalement si nous rappelons
que le lotissement et la maison individuelleprédominentà Canaan
comme mode d'occupation de l'espace.Le contexte résidentiel a aussi
motivé les habitants de Canaan de s'établir dans la zone.
L'enquêténuméro 6 affirme que :
Avan ou te rete nan yon kay, ou pataje twalèt, douch,
kizin ak lakou si genyen ak plizyè moun. Sa konn lakòz derapaj
pou nenpòt ti bagay. Isit la pa gen bagay konsa pyès. Gen kote ou
rete menm vire ou pa ka vire tèlman kay la piti. Sa te fè m te
vin ret isit la malgre tout pwoblèm yo22(*).
Par rapport au type d'habitat dominé par la
maison individuelle, celle-ci permet de développer son petit commerce.
Egalement disposer de son logement où l'on soit propriétaire
à Canaan oùl'habitat est relativement dispersé permet
également de réaliser l'élevage - on n'a pas besoin de
grandes enclosures. Il s'agit d'une grande opportunité. Celui-là
participe aux choix résidentiels.
L'enquêténuméro 9 affirme ceci :
M te trè kontan vin rete la paske lè nou te rete
Dèlma 32 nou pa t menm ka gade yon ti poul, paske depi l ta
twalèt nan kay vwazin nan w ap gen pwoblèm ak li. M pa kache w
pitit mwen, m se moun andeyò, m te toujou gade tibèt mwen men
moun Pòtoprens se moun eklere, yo toujou sou rans. Lè m vin la,
premye bagay m di tèt, m ap ka gade janm vle ti bèt mwen. Isit
la, nou gen poul nou, nou menm gen kabrit san gwo pwoblèm, menm si
kèk yo konn rantre nan lakou moun yo.23(*).
L'enquêténuméro 7 abonde dans le
même sens, mais en d'autres termes :
Se gras Bondye si jodi a nou gen kay nou menm si l pan yon gwo
bilding, menm si nou pa kòfò se yon gras. Isit la nou ka
fè eskandal nou vle nan ti bout kay nou an, nou p ap deranje ankenn
moun paske nou ret kole kole menm si sa ka chanje nan 5 an ankò. Menm si
desizyon an te difisil paske bò isit la se te yon dezè m te di
tèt m ap vin ret bò isit la. Rezon : pa t gen anpil bizis, m
te vin ak kòmès mwen kòm entelijan24(*).
Figure 7. Vente d'eau potable dans un habitat individuel
Source : Wilguens Pharius/ 9-03-2021
Cette photo montre qu'en plus de se loger, l'habitat peut
disposer d'autres fonctions à Canaan, comme celle de la vente d'eau,
permettant du coup de générer des revenus.
5.1.6. La
tranquillité
Au cours de nos séances d'observations nous n'avons
pas, en effet, parcouru toute la zone urbaine de Canaan. Mais certains de nos
répondants ont affirmé que les quartiers de Canaan 37, 70 et
Canaan 50 sont les principaux quartiers insécures de la nouvelle
périphérie. Certains ontvanté le relatif
« climat de paix » dont jouit Canaan, lequel
« climat de paix » les ayant motivés à
s'installer dans la zone.
Le répondantnuméro 10 avance de la sorte
que ce qui suit:
Yonn nan rezon ki fè m vin rete nan zòn nan se
paske isit lalatè frèt. Se pa kote w ap tande bal menm janm ak
anba lavi l Pòtoprens. Lè peyi a cho menm kawoutchou ou p ap
tande k ap boule isit la. Lè te gen mouvman peyi lòk la yon peta
pa t tire, se jouk nan pi ba nan Kanaran 50 ak 70 ou tande te gen bagay sa yo.
Li difisil pou jwenn yon moun nan zòn nan di yo fouye l oubyen rale zam
sou li25(*).
L'enquêténuméro 6 a été
quant à lui enthousiaste dans sa réponse à cette
question :
Jan mwen di w deja kay sa kote mwen ye la se mwen ki
mèt li, menm pa toujou ladan. Mwen gen yon lòt mwen lwe Kafou
fèy paske biznis mwen se laba a li ye. M pase plis tan m Kafou
fèy pase la. Se yon ti bò frè m ki nan kay lè m pa
la.Lè peyi a cho,fanmi an oblijye vin refijye isit la. Paske lè w
la ou kè pòpòz. Si se pa nan radyo ou p ap konn nan nivo
peyi a cho. Se pou rezon sa m vin rete la26(*).
Cette assertion de notre répondantnous amène
àévoquer la question de multiresidentialité,à
Canaan pour certains ménages. Leur domicile à Canaan est en fait
une résidence secondaire. Canaan est comme un territoire permettant
d'échapper aux turbulences politiques de la capitale haïtienne.
Toutefois, les tensions foncières y sont récurrentes.
L'analyse des donnéesprécédentes
nous a permis de déterminer les motivations ayant guidé le choix
résidentiel de nos répondants à Canaan.Elles laissent
entrevoir qu'il s'agit d'un mouvement résidentiel forcé en raison
du cataclysme, motivé par la publication de l'arrêté du 22
mars 2010 et la question d'accès à la
propriété foncièremais également aux
préférences révélées de ces citadins, qui
sont en fait des logiques de valorisation du contexte résidentiel de
cette zone urbaine, et en même temps des logiques pragmatiques.
5.2. Le cadre de vie de
l'agglomération de Canaan
Il convient de rappeler que cette section devra nous permettre
d'atteindre notre second objectif. Il est opportun de rappeler également
que le cadre de vie permet l'étude de l'espace du quotidien des
Cananéens. Il est question de dévoiler les
caractéristiques de l'environnement, de l'espace bâti, des
aménagements et des équipements urbains. Ce cadre de vie n'est
pas évidemment le même dans l'ensemble du tissu urbain de
Port-au-Prince. Nous n'allons pas prendre en compte ces différents
aspects dans l'ordre précité ou suivant les mêmes
formulations.
5.2.1. Réseau
etService
D'après le site
spécialiséHypergeo (2004), un réseau est un
ensemble d'élémentsmatériels, (infrastructures) et
immatériels(électromagnétiqueou informationnels), assurant
la mise en relation de différents lieux d'un territoire et des
entités qui les occupent.En plus de cet aspect nous ferons le point ici
sur les équipements urbains implantés dans la zone et
l'accessibilité des services.
Dans le cadre de nos séances d'observation nous avons
pu remarquer que les routes à Canaan sont poussiéreuses.
Conjointement, à l'augmentation des habitations, on constate le
développement sous le contrôle de « solidarités
locales », notamment le Konbit27(*) d'un réseau
relativement dense de rue et de routes en terre battue. Un seul axe routier est
asphalté, il s'agit de la route principale de Canaan 3, reliant entre
autres la route nationale numéro 1 et l'axe principale conduisant entre
autres au département du centre. Des canalisations sont à
remarquer mais ne suffisent pas au quartier.
Figure 8. La route principale de Canaan 3
Source : Wilguens Pharius
Comme on peut le remarquer sur cette photo, cette route
construite récemment ne dispose pas de canalisations. Elle n'a pas
été finalisée et commence par être
dégradée.
D'après nos répondants,
l'électricité constitue l'un des problèmes auxquels fait
face Canaan. Si dans certains secteurs, on trouve un réseau
électrique par branchement illégal. Certains interviewés
expliquent qu'ils ont dépensées une
« fortune » pour avoir l'électricité, sans
pour autant en bénéficier. Le répondantnuméro 6
nous a relaté un projet mis sur pied par une OCB dont il veut taire le
nom, celui-ci devant permettre à une partie de Canaan 3 de se procurer
de sonpropre groupe électrogène que les habitants financeront
eux-mêmes. Le projet était tombéà l'eau alors qu'ils
donné leur argent pour le projet. Une telle initiative constitue une
réponseà l'irresponsabilité de l'Etat. L'un de nos
interviewés a mentionné l'existence d'un annexe de la mairie de
la Croix de Bouquets, qui n'interviennent que dans le domaine foncier.
Des enquêtés notent aussi les
problèmesliés à la communication par
téléphone ou de l'utilisation de l'internet. A l'intérieur
du logement, la communication est très difficile, l'internet monte
à 2G. Nous avons observé dans certains ménages, qu'on
s'était obligé de sortir de l'intérieur du logement afin
de mieux communiquer.
Nos interviewés nous ont signalés par ailleurs
de l'existence de deux équipements sanitaires, qui sont les plus proches
de la zone et qui desservent les Cananéens.L'un se trouvant sur la route
nationale numéro 1, à l'entrée de Canaan 3 et l'autre
à l'intérieur de la trame urbaine. Des équipements de
loisirs sont aussi à relever, comme les places publiques, mais aussi un
centre sportif, le plus grand de l'airemétropolitaine de Port-au-Prince.
Il s'agit du centre Olympique de l'espoir se localisant à l'angle de
l'axe route 9 et la route nationale numéro 1.
Aussi, l'accélération de la croissance
démographique, les autorités étatiques n'ont pas su
faciliter l'accès à d'autres services élémentaires.
Il importe pour nous de souligner avec Paul et al., (2018 : 236)
que Canaan incarne « un tissu urbain relativement
étenduet complexe mais privé, en dépit des nombreuses
réalisations partielles en cours,d'importants services de base à
la population, en particulier en ce qui a trait à la
disponibilitéd'eau pour les besoins quotidiens de la population et le
traitement des eaux usées et
desdéchets ». D'après le rapport sur les
perspectives de développement de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince, Horizon 2030, la population identifie la question de
l'accès à l'eau comme un problème majeur. Aucun des
ménages ont l'eau courante privée ou accès à une
source publique à Canaan.
Des initiatives ont été prises mais sans pour
autant se matérialiser. Le répondantnuméro 8 a
confié que :
Sa fè bon tan depi te gen yon pwojè pou mete yon
sitèn sou pye nan zòn nan. Se te inisyativ DINEPA men jiskaprezan
anyen pa fèt. Pèsonn pa konn sa ki pase. Se rete nou rete nou pa
tande anyen28(*).
A la question comment sont abordés les problèmes
de disponibilité et d'utilisation d'eau dans ce milieu marqué
à la fois par des conditions climatiques semi-désertiques, par
une croissancedémographique très rapide, la pauvreté
généralisée, l'aménagement rudimentaire deshabitats
résidentiels et la dégradation de l'environnement qui lui est
associée? Voilà ce que dit le rapport (Bodson et al.,
2018 :239)sur le champ de l'urbain dans l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince:
À Canaan, les ressources hydriques de qualité
facilement accessibles font systématiquement défaut. Les pluies y
sont relativement peu fréquentes et s'écoulent rapidement en
surface de façon torrentielle. Les premières couches d'eau
souterraine sont, par leur composition, impropres à la consommation
alimentaire. L'eau de qualité semble cependant disponible à plus
grande profondeur dans la bordure de Canaan plus proche de la plaine du Cul de
Sac, mais une prospection systématique est nécessaire
conjointement à une évaluation des coûts d'exploitation,
des démarches considérées actuellement comme hors de
portée en termes de coûts. En l'absence d'implication des pouvoirs
publics, la mise à la disposition d'eau pour la population de Canaan
relève de l'initiative privée.
On comprend que dans ces circonstances, les Cananéens
ont dû s'adapter et développer leurs propres stratégies
d'appropriation de l'espace et de survie dans un territoireplutôt
hostile.
Les habitants de Canaan ont fait preuve d'une grande
inventivité en termes d'aménagement de leur territoire. Ils ont
aménagé des infrastructures et des équipements collectifs,
notamment un réseau de 600 kilomètres de voirie (CRA, 2017,
cité par Peter et al. 2018 : 206). Le territoire de Canaan
siège également des places publiques arborées et
impluviums collectifs (Petersen, 2016, cité par Petter et al.
2018 : 206). On dénombre plus de 200 écoles et autant de
lieux de cultes prives (ONU-habitat, 2016, cité par Peter et al.,
2018 : 2016). Dans certains secteurs on peut remarquer un réseau
électrique par branchement illégal. Quant aux routes, elles ont
été construites au moyen de Konbit, c'est-à-dire
en conjuguant leurs forces comme c'est le cas dans l'espace rural
haïtien.
Des groupes associatifs se constituent en
« autorité politique » officieuse. Il s'agit des
Organisations Communautaires de base (OCB). Elle gèrent lucrativement
l'aménagement et l'appropriation du territoire (Noel, 2012, Peter et
al., 2018 : 209) : ceci sont au nombre de 200 en 2016 selon
ONU-habitat. Ces dernières assurent aussi la gestion des enjeux d'ordre
collectif plus louables comme les problèmes sociaux,
l'aménagement des routes, l'assainissement, la santé et le
reboisement.
5.2.2. La situation
environnementale
La fragilité du territoire prédomine à
Canaan. 600 kilomètres de voirie sont en terres battues et se trouve
dans un état de dégradation grave. Cette situation est
liée à l'impact des eaux de ruissèlement. Ceci n'est pas
sans conséquence sur la circulation des biens et des personnes. Le
territoire de Canaan en bonne partie désertique, à très
faible couvert végétal, sec et chaud, le sol peu fertile comme
nous l'avons évoqué précédemment est menacé
d'érosion, d'inondation et de glissement de terrain. En fait, Canaan se
trouve très exposé aux risques naturels et anthropiques.
Comme acteurs participant à la production de leur
territoire, ils ont trouvé des solutions. Ils ont
développé des stratégies afin de transformer positivement
leur environnement. Anne Marie Peter et al. (2018 :207) relate
ainsi :
Une autre particularité fort positive pour
l'environnement est le reboisement et reverdissement des parcelles tant
privées que publiques qui s'opèrent à Canaan, (Noël,
2012; Corbet, 2012; nos observations et entretiens), transformant ce paysage
autrefois inhospitalier en un plus accueillant et durable. Au vu de la
quasi-totale déforestation dont souffre le pays, une telle initiative,
aujourd'hui toujours soutenue en partie grâce à l'appui de la
Croix-Rouge Américaine, est remarquable.
Canaan constitue aujourd'hui un milieu
épidémiologiquement très vulnérable où
l'absence de collecte collective des déchetssolides, de drainage des
eaux usées domestiques et la consommation d'eau de qualité
nongarantie favorisent la circulation de germes pathogènes et
constituent des facteurs derisques pour la santé de la population et la
qualité de l'environnement (Paul et al., 2018 : 236).
Les contraintes liées à l'environnement ne sont
pas les seuls facteurs pouvant expliquer cette réalité mais il y
a également la précarité économique, leur condition
d'installation (mode d'occupation des parcelles, qualité du logement,
manque d'infrastructures).
Figure 9. Décharge à ciel ouvert à
Canaan
Source : Wilguens Pharius/ 09-03-2021
A Canaan, les artères écologiques susceptibles
de drainer les eaux de pluie notamment servent de dépotoirs. Cette
décharge à ciel ouvert longe la route nationale numéro
1.
5.2.3. Qualité de
l'habitat
D'après Anne Marie Petter et al. (2018 :197),
Canaan représente une ville non planifiée quasiment
auto-construite par sa population, en dehors de toute intervention de l'Etat.
En effet, l'investissement collectif privé en termes de logement
à Canaan est immense. Pourtant,Canaan fait face à la
précarité du bâti. Ceci traduit les limites de l'Etat
n'étant pas à même de palier le problème de
l'exclusion sociale et du marché dans l'offre immobilière pour
les plus pauvres.
Canaan entant que zone périphérique,
présente une hétérogénéité
très marquée en ce qui concerne la typologie d'habitat existant
dans la zone. A Canaan, il y a une mixité entre l'agriculture et la
construction qui retient l'attention de l'espace occupé. Il y a une
répartition désordonnée des maisons, des surfaces perdues
par des cultures deviennent de plus en plus considérables. Au pays de
Canaan, l'habitat est caractérisé par son aspect à la fois
disparate et dense dans certains tronçons et un mélange de
culture et de construction sur d'autres. (Pierre, 2013 : 29)
Les habitats résidentiels de cette population
sont constitués de toitures sont en tôle, en bloc ou en
béton. Les parois sont en béton, bloc de ciment, pierre ou
toiles; certains sont en bois ou en planche; d'autres sont en tôle,
linoléum ou contreplaqué. Les parquets sont
aménagés en dur (béton, ciment avec ou sans glacis,
macadam, de rares fois avec céramique); certains sont en planche ou en
contreplaqué, mais d'autres sont en terre battue et en recouvrement non
défini.Par ailleurs, l'espace intérieur des maisons est
généralement découpé en un nombre très
restreint de pièces.
`
Figure 10. Type d'habitat à Canaan
Source : Wilguens Pharius/9-03-2021
Dans la première photo, on peut remarquer la question
de durabilité dans la construction du bâti à Canaan.
Certaines maisons sont construites à la verticale afin de
réaliser l'économie de leur parcelle de terrain mais
également afin de signifier leur installation définitive sur le
site. Quant à la deuxième, elle illustre ces abris provisoires
qui existent encore partout sur le territoire de Canaan.
5.2.4.
Sécurité
Précédemment, nous avons évoqué la
tranquillité comme motivation ayant guidé le choix
résidentiel de certains Cananéens.
En fait, enmatière de sécurité, Canaan se
distingue de certains quartiers de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince. Dans le cadre de nos observations, on constateque la plupart
des logements ne sont pas clôturés. Clôturer son habitat en
Haïti est une décision visant entre autres à se
déroberà l'insécurité. Cela peut résulter
pour certains à la pauvretééconomique ou qu'ils ne l'ont
pas défini comme priorité, pour d'autres. C'est le cas d'un de
nos répondants ayant affirmé que dresser un mur afin
délimiter sa propriété n'est pas sa priorité. Le
plus important pour lui a été réalisé :
c'était de disposer d'un espace où se loger sur leur parcelle de
terre. Certains habitants ont toutefois utilisé des arbres afin
délimiter leur propriété, d'autres ont dressée des
murs en blocs. Par ailleurs, Canaan est doté d'un seul et unique poste
de police situé en périphérie du site sur la route
nationale numéro 1. Les policiers sont logés dans l'inconfort
d'un containeur.
Le répondantnuméro 3 vantant Canaan corrobore en
ce sens :« Yonn nan pwoblèm nou pa gen la, se
pwoblèm ensekirite, bò isit la ou mèt kite zafè
atè li p ap gen anyen ». « M pa konn pou yon
lòt kot men se pa la »29(*).
Toutefois,si les individus se sentent à l'abri
d'acte de banditisme, l'insécuritéfoncière y est
présente comme nous l'avons précédemment signalé.
Certaines personnes ayant acheté leurs parcelles de terrain voient
celle-ci occuper par une autre personne. Les lopins de terres peuvent
être vendus à plusieurs reprises. L'Etat ne participe pas à
régulariser la question.Les Cananéens sont aussi exposés
physiquement auxrisques sanitaire et environnemental de la zone.
Ce tableau de l'espace du quotidien des Cananéens
est la partie émergée de l'iceberg. Celui-ci
sous-entend« des interactions, des rapports de pouvoir et de
domination qui cache des aspects d'inégalité, des rapports
sociaux, qui cachent des dynamiques territoriales complexes »
(Pierre, 2013 : 57).
Conclusion
Nous nous sommes proposé dans le cadre de ce modeste
travail de fin d'étude du premier cycle universitaire d'étudier
la mobilité résidentielle et l'étalement urbain. Plus
spécifiquement, nous avons choisi de mettre l'accent sur la
mobilitérésidentielle comme élément moteur de
l'étalement urbain. Il s'agit de considérer le choix
de localisation résidentielledes habitants de Canaan, ce
derniers'illustrant comme l'une des nouvelles périphéries de
l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. Cette nouvelle
périphérierésultant d'une urbanisation non
planifiée, se constituedans un contexte post-catastrophe, celle du 12
janvier 2010. Cela dit, nous avons formulé notre sujet comme suit :
Vers une compréhension de la mobilité résidentielleau
regard de l'étalement de l'Aire métropolitaine de
Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010 à 2020.
A ce titre, nous avons soulevé deux (2) questions de
recherche : une principale et l'autre secondaire. La question principale a
été formulée de la façon suivante :
Quelles sont les motivations résidentielles des habitants de Canaan
entre 2010 à 2020 au regard de l'étalement de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince?En guise de question secondaire,
nous avons retenu : quel est le cadre de vie des habitants de Canaan
entre 2010 à 2020?
Nous avons par ailleurs formulé des
réponsesanticipées à ces questions de recherche.Pour la
question principale de recherche, notre hypothèseétait :
la décision publique du 22 mars 2010 et la volonté de devenir
propriétaire d'une parcelle de terrain ont joué un certain
rôle dans le choix résidentiel à Canaan entre 2010 à
2020.
Au regard de la seconde question, nous avons retenu comme
hypothèse : Le cadre de vie des habitants de Canaan est un lieu
« sans » : sans Etat, sans électricité,
sans routes, sans eau, etc.Nous nous sommes fixés aussi des
objectifs de recherche. Ils ont été exprimés en ces
termes :déterminer les motivations résidentielles des
habitants de Canaan entre 2010 et 2020 et ensuite mettre en évidence le
cadre de vie de ces habitants au cours de la même
période.
La poursuite de ces objectifs n'a pas été une
entreprise naïve. Elle a, en effet, été guidée par
une trame théorique. Cet énoncé théorique fait
valoir que « les individus et les ménages disposent au cours
de leur vie d'un minimum de liberté d'action et de lucidité dans
leurs pratiques résidentielles ».Cet
énoncéthéorique est soutenu par Catherine Bonvalet et
Françoise Dureau (2000) et repris par Patrick Rérat (2016).
En vue d'atteindre les objectifs poursuivis dans cette
recherche, il nous a été impérieux d'avoir recours
à l'investigation empirique. A ce titre, nous avons mobilisé
trois (3) techniques complémentaires : l'analyse documentaire,
l'observation directe ainsi que l'entrevue semi-dirigée.
D'abord, pour l'analyse documentaire, nous avons
utilisé comme matériaux empiriques, un rapport dont l'UQAM est
l'auteur. Il s'intitule Perspective de développement de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince, Horizon 2030. Une vingtaine de
chercheurs ont participé dans la production de cet immense document
scientifique réalisé dans le champ de l'urbain. Des
thématiques ont été étudiées ayant pour
terrain Canaan. Ensuite, l'observation directe s'est portée notamment
sur le cadre de vie des habitants. Enfin, nous avons interviewé (10) dix
Cananéens. Celles-ci comprennentdes membres de la population et des
« leaders communautaires » se regroupant autour d'une
structure dénomméeCode 15, se chargeant entre autres de
la nomination des rues et d'autres initiatives porteuses de changements
positifs à Canaan.
L'analyse et l'interprétation des données de
l'enquête ont confirmé nos hypothèses, c'est-à-dire
nos objectifs ont été atteints. Toutefois, en plus des
motivations résidentiellesliéesàla
propriétéfoncière et la publication de
l'arrêté du 22 mars 2010 déclarant d'utilité
publique la zone, d'autres ont été révélées.
Ellesrévèlent que la mobilité
résidentielleaboutissant à l'emménagement à Canaan
demeure un choix sous contrainteslié à la perte ou
l'endommagement de son logement lors du séisme de 2010. S'installer
à Canaan est aussi motivé par des logiques de valorisation
considérant son contexte résidentiel marqué par le
lotissement,le faible coût des parcelles de terrain et une relative
tranquillité. Ainsi, continue de s'étaler le plus grand centre
urbain du pays.
L'étude a également mis en évidencele
cadre de vie lié à l'étalementrésidentiel dont
illustre Canaan.Elle a mis l'accent sur les dysfonctionnements auxquels est
confrontée cette nouvelle périphérie de l'aire
métropolitaine. Canaan s'étend et se développe sans aucun
plan urbanistique de l'Etat. Le décor est planté pour que Canaan
sombre dans la bidonvilisation et tout ce que cette dernière charrie.
Il s'agit d'un lieu « sans » pour répéter
Jean-Marie Théodat (2018) : sans eau, sans route, sans
électricité, sans Etat.
Pour finir, une importante précision s'impose afin
d'éviter des malentendus sur la portée de ce présent
travail. Celui-ci est une étude de cas. Celle-ci ne prétend pas
à la représentativité statistique. A ce titre, les
résultats obtenus à partir de cette
étuderéalisée sur Canaan ne sont pas extrapolables
à d'autres périphéries. Plus encore, l'analyse des
données recueillies à partir de cette enquête relative
notamment aux motivations résidentielles ne sont pas
généralisables à l'ensemble de la population de Canaan,
parce que « le cas n'est pas un
échantillonreprésentatif qui permettrait de tirer des conclusions
globales » (Roy, 2009 : 208). Mais peut-être utile pour
d'autres recherches sur le sujet : lequel projet nous tient à
coeur.
Références
bibliographiques
AUTHIER, Jean-Yves et al. 2010. Elire domicile. La
construction sociale des choix résidentiels. Lyon : Presse
universitaire de Lyon.
AUTHIER, Jean-Yves. 2001. Du domicile à la
ville : vivre en quartier ancien. Paris : Anthropos.
BAILLY, Antoine et BEGUIN, Hubert. 1995. Introduction
à la géographie humaine. Paris : Masson.
BAKOUR, M. & Baouni, T. 2015. « Étalement
urbain et dynamique des agglomérations à Alger : quel rôle
pour la promotion administrative ? ». Cahiers de
géographie du Québec. 59 (168), 377-406.
https://doi.org/10.7202/1037255ar
BAROU, Jacques. 1992. La place du pauvre.
Paris : Harmattan.
BARTHELEMY, Gérard. 1989. Le pays en dehors.
Port-au-Prince : éd. Henri Deschamps.
BEAUJEU-GARNIER, Jacqueline. 1980.Géographie
urbaine.Paris : Armand Colin.
BIEN-AIME, Kensy. 2016. Vers une compréhension du
cadre de vie des personnes vivant dans le camp d'hébergement de Delmas,
après le séisme du 12 janvier 2010, au regard de leur droits
sociaux et de leur nouveau mode de vie : de 2010 à
2016 ». Mémoire de licence en travail social.
Université d'Etat d'Haïti. Non publié.
BLARY, Réjane. 1988. L'habitat : du discours
aux pratiques. Québec : Méridien.
BONVALET, Catherine. et DUREAU, Françoise. 2000. «
Les modes d'habiter : des choix sous contraintes ».in Dureau F.,
Dupont V., Lelièvre E., Lévy J.-P., Lulle T. (dir.),
Métropoles en mouvement. Une comparaisoninternationale.
Paris : Anthropos, pp. 131-153.
BONY, Don Pierre. 2008. Qualité de l'habitat
et conditions de logement en Haïti. Mémoire de maitrise
d'économie. Université du Québec à Rimouski. Non
publié
BOYER, Florence. 2010. « Croissance urbaine, statut
migratoire et choix résidentiels des Ouagalais, vers une insertion
urbaine ségréguée ? ».Revue
Tiers-monde. no 201. p. 47-64.
CALMONT, André et MERAT, Pierre Jorès. 2015.
Haïti entre permanences et ruptures : une géographie du
territoire. Matoury : éd. Ibis rouge.
CHOKO, Marc et GUANTING, Chen. 1994.Le défi du
logement urbain en Chine. Paris : éd. du Méridien.
CIATONI, Annette et Yvette, VEYRET (dir.). 2013. Les
fondamentaux de la géographie. 2e éd.
Paris : Armand Colin.
DA CUNHA et al.. 2007. Mobilité
résidentielle, Etalement urbain et aspirations des ménages :
agglomération Lausannoise. Rapport de recherche. Institut de
géographie de géographie de l'Université de Lausanne. Non
publié.
DARBOUZE, James et al. 2018. « Métropole,
Métropolisation ». In UQAM. 2018. Perspectives
sur le développement de l'Aire métropolitaine de
Port-au-Prince. Port-au-Prince. pp. 41-62.
DATHUS, Vosh. 2013. Modes d'accès au foncier et
formes d'occupation du sol dans la Région Métropolitaine de
Port-au-Prince dans un contexte post-catastrophe : le cas de Canaan.
Mémoire de master II en géographie. Université Paris 8.
Ecole Normale Supérieure. Non publié.
DAVID, Olivier. 2015. La population mondiale :
répartition, dynamique et mobilité. 3e éd.
Paris : Armand Colin
DE BRUYNE, Paul et al. 1974. Dynamique de la Recherche en
sciences sociales. Paris : PUF.
DE KETELE, Jean et ROEGIERS, Xavier. 1991.
Méthodologie du recueil d'informations : fondements des
méthodes d'observation de questionnaires, d'Interviews et d'étude
de documents. Bruxelles : De Boeck.
DESJARDIN, Jardin. 2011. L'aménagement du
territoire. Paris : Armand Colin.
DEVAUX, Camille. 2015. L'habitat participatif : de
l'initiative habitante à l'action publique. Rennes : Presse
Universitaire de Rennes.
DORVILIER, Fritz. 2012. La crise Haïtienne du
développement. Port-au-Prince : Presse de l'UEH.
ETIENNE, Jean Odile.2018. Stratégies d'acteurs et
logique d'action dans la reconstruction post-catastrophe de
Port-au-Prince : approche par les vulnérabilités
post-catastrophes. Thèse de doctorat. Université Paris 8.
Non publié.
FREMONT, Armand. 2018.Aimez-vous la
géographie ?.Paris : Flammarion.
GABRIEL, Wackerman. 2000.Géographie urbaine.
Paris : Ellipses.
GEORGES, Eddy Lucien. 2014. Port-au-Prince : une
modernisation manquée (1915-1956). Vol 1. Port-au-Prince :
Presse de l'Université d'Etat d'Haïti.
GIROUX, Sylvain et TREMBLAY, Ginette. 2002.
Méthodologie des sciences humaines : la recherche en
action. 2e éd. Québec : Editions du
Renouveau pédagogique.
GOULET, Jean et al. 2018. « Réflexion sur la
gouvernance métropolitaine à Port-au-Prince ».
In UQAM. 2018. Perspectives de développement de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince, horizon 2030. 2018.
Port-au-Prince. pp. 293-306.
GUIBERT, Martine et Yves, JEAN. 2011. Dynamiques des
espaces ruraux dans le monde. Paris : Armand Colin.
HDS. 2010. Mouvement de population dans l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince avant et après le séisme
du 12 janvier. Port-au-Prince.
HENRY, Peretz. 2004. Les méthodes en
sociologie : L'observation. Paris : Edition La Découverte
« Repères ».
J., Pelletier et CH., Delfaite. 1969.Villes et urbanisme
dans le monde. Paris : Armand Colin.
JEAN, Houssemand, et al. 2018. « Caractériser
l'offre d'habitat par la demande résidentielle. Éléments
pour un renouvellement conceptuel du couple logement/environnement »,
Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne]. Espace,
Société, Territoire, document 879. consulté le 12
décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/29909 ;
DOI : 10.4000/cybergeo.29909.
JEAN-BAPTISTE, Chenet. 2014. « La misère du
logement : sens et contresens ». In CAHIERS DU CEPODE.
2014. Population et habitat. No 4. Port-au-Prince : Edition du
CEPODE. pp. 73-106.
JEANNIS, Mibsam. 2013. Défis et dynamiques de
changement dans l'organisation de l'habitat rural du département Sud-Est
d'Haïti. Mémoire de master II en géographie.
Université Paris 8. Ecole Normale Supérieure. Non
publié.
JOSEPH, Fritz-Pierre. 2014. « La
problématique de l'auto-construction non assistée et ses
conséquences sur l'habitat et le niveau de vie de la population :
le cas de Canaan ». In CAHIERS DU CEPODE. 2014.
Population et habitat. No 4. Port-au-Prince : Edition du CEPODE.
pp. 119-152.
LESSARD-HERBERT, Michelle et al. s.d. La recherche
qualitative : Fondements et pratiques. Montréal :
Editions Nouvelles.
LIZZARLDE, Gonzalo et al. 2018. « L'habitat
dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince : principales
représentations, opportunités, défis et
prospectives ». In UQAM. 2018. Perspectives de
développement de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince,
horizon 2030. Port-au-Prince. pp. 149-192.
LUCIEN, Georges Eddy. 2018. « Les racines
historiques du désastre du 12 janvier 2010 à
Port-au-Prince ». In UQAM. 2018. Perspectives urbaines
sur le développement de l'Aire métropolitaine de
Port-au-Prince. Port-au-Prince. pp. 43-88.
MACE, Gordon. 1988. Guide de l'élaboration d'un
projet de recherche. Québec : Les Presses de
l'Université Laval.
MERCIER, G. 1988. « L'utilité sociale de la
géographie ». Cahiers de géographie du
Québec, 32 (87), 357-360.
https://doi.org/10.7202/021989ar
MILIAN, Johanne et Tamru, BEZUNESH. 2018. «
Port-au-Prince, ville du risque ? Un mythe au prisme d'une urbanisation
vulnérable ».Études caribéennes [En ligne],
39-40. Consulté le 22 août 2020. URL :
http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/11464; DOI :
https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.11464.
MINCKE, Christophe. 2014. « L'espace est-il une
dimension physique ? Sociologie de l'espace ou spatialisation de la
sociologie ? ». Bruxelles : Dépôt
institutionnel de l'Académie Louvain.
MORANGE, Marianne et Camille, SHMOLL. 2016.Les outils
qualitatifs en géographie. Paris : Armand Colin.
PAUL, Bodson et al. 2018. « Santé et
Conditions de vie à Canaan aux confins de Port-au-Prince ».
In UQAM. 2018. Perspectives sur le développement de l'Aire
Métropolitaine de Port-au-Prince, horizon 2030. Port-au-Prince.
pp.235-250.
PETTER, Anne-Marie et al. 2018. « Une nouvelle ville
en cinq ans : le cas de Canaan ».In UQAM. 2018.
Perspectives sur le développement de l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince, horizon 2030. Port-au-Prince. pp. 193-226.
PIERRE, James. 2013. Canaan au lendemain du séisme
de 2010 : de l'hébergé à l'habitant : un espace
perçu et un espace vécu. Mémoire de master II en
géographie. Université Paris 8. Ecole Normale Supérieure.
Non publié.
REPUBLIQUE D'HAITI. 2010. Arrêté
déclarant d'utilité publique les propriétés
s'étendant de l'angle de rivière Bretelle a la route nationale
numéro 1 en passant par Bon-Repos et Corail-Cesselesse formant un
polygone avec la zone communément appelée Cocombre. Le
Moniteur : 1-4.
RERAT, Patrick, Gurtner, MAUREEN et Daniel BAEHLER. 2014.
« Les choix résidentiels des couples : motivations,
arbitrages et logiques de genre parmi les classes moyennes supérieures
urbaines ». Bulletin de la Société géographique
de Liège 63, 51-66.
RERAT, Patrick. 2016.« Mobilité
résidentielle ». Forum Vies Mobiles, Consulté
le 9 janvier 2021. URL :
https //fr.forumviesmobiles.org//reperes/mobilite-residentielle-3203.
RERAT, Patrick. 2018. « Choix résidentiel et
gentrification dans une ville moyenne : Profils, Trajectoires et
motivations des habitants des nouveaux logements à Neuchâtel
(Suisse) ». URL : Cybergeo 579, http://cybergeo.revues
.org/24931.
RUQUOY, Daniell. 1995. « Situation d'entretien et
stratégie de l'interviewer ». In ALBARELLO, Luc et
al. 1995. Pratiques et méthodes de recherches en sciences
sociales. Paris : Armand Colin « Cursus ». pp.
55-82.
RUQUOY, Danielle. 1995. « Situation d'entretien et
stratégie de l'interviewer » In ALBARELLO, Luc et al.
1995. Pratiques et méthodes de recherche en sciences sociales.
Paris : Armand Colin « cursus ». pp. 59-82.
SHEIBLING, Jacques.1994. Qu'est-ce que la
Géographie. Paris : Hachette.
SIERRA, Philippe (dir.). 2017. La géographie :
concepts, savoirs et enseignements. 2e éd. Paris. Armand
Colin.
STEBE, Jean-Marc et Hervé, MARCHAL. 2007. La
sociologie urbaine. Paris : PUF.
YAPI-DIAPHOU, Alphonse. 2000. Baraques et pouvoirs dans
l'agglomération abidjanaise. Paris : Harmattan.
Annexe I
Université d'Etat d'Haïti
Ecole Normale Supérieure
Département des Sciences Sociales/géographie
Mémoire de recherche
Sujet :Vers une compréhension de la
mobilité résidentielle au regard de l'étalement de l'Aire
métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010 à
2020.
Guide d'entretienpour les deux (2) membres de la structure
CODE 15
1. Ki sa ki te motive w vin rete Kanaran ?
2. Kijan eta wout yo ye nan Kanaran?
3. Kijan moun Kanaran fè pou jwenn kèk
sèvis Leta bay?
4. Ki biwo Leta ki pi pre a? kote l ye?
5. Eske gen plas piblik? Si wi, èske nou ka frekante
nenpòt lè ?
6. Konbyen legliz ki gen Kanaran ?
7. Eske gen inivesite Kanaran? Si pa genyen, sa ki pi pre a
kote l ye ?
8. Kijan koze sekirite a ye ?
9. Ki lopital ki pi pre a ? kote l ye? Lè moun Kanaran
malad. Nan ki lopital yo souvan ale?
10. Kijan nou wè anviwonnman an nan Kanaran ?
11. Kijan nou wè lavi nou nan zòn nan?
Annexe II
Université d'Etat d'Haïti
Ecole Normale Supérieure
Département des Sciences Sociales/Géographie
Guide d'entretien pour les chefs de
ménages.
Sujet de recherche : Vers une compréhension de la
mobilité résidentielleau regard de l'étalement de l'Aire
métropolitaine de Port-au-Prince : le cas de Canaan de 2010
à 2020
Enfòmasyon sosyodemografik
Sèks:
Maskilen : Feminen :
Tranch laj : a) 14-25 an
b) 25 ou plis
Kondisyon matrimonyal:
a) Selibatè b) marye c) plase
d)divòse e) separe f)vèf
Eske w gen pitit? Si wi, konbyen ..........
Ki nivo etid ou ? a) primè b)segondè
c)inivèsitè
Eske w g on fòmasyon pwofesyonèl?
a) Wi b) non
Si wi, ki fòmasyon? ......................
Apatenans òganizasyonèl : ............
Depi kilè w ap viv Kanaran ? .............
1. Ki rezon ki motive w vin abite isit la?
2. Ki kote w te abite avan ?
3. Eske w te lokatè oubyen pwopriyetè avan w te
vin rete la ?
4. Eske l te difisil pou pran desizyon pou vin ret isit
la ?
5. Eske w se pwopriyetè oubyen lokatè ?
6. Kisa manm koup la ap regle kòm aktivite pou rantre
lajan ?
7. Ki mwayen nou (manm menaj la) itilize pou nou deplase chak
jou?
8. Kijan nou wè zòn Kanaran an?
9. Kijan nou wè anviwonnman nou rete a?
10. Ki avantaj nou jwenn nan vin ret nan zòn
nan ?
11. Kijan chwa pou vin ret bò isit la te
fèt ?
12. Eske nou satisfè de jan n ap viv nan Kanaran?
13. Kijan nou òganize lavi nou ?
14. Eske nou toujou gen rapò ak rès vil
Pòtoprens lan ?
Annexe III
Université d'Etat d'Haïti
Ecole Normale Supérieure
Département des Sciences Sociales/Géographie
Guide d'observation sur l'organisation territoriale de de
Canaan
Sujet de recherche : Vers une compréhension de la
mobilité résidentielle au regard de
l'étalementde l'Aire métropolitaine de Port-au-Prince: le
cas de Canaan (2010-2020)
Paramètres à observer :
v Les axes routiers
v L'environnement urbain
v Les équipements urbains
v L'environnementdu bâti
v La réaction des habitants de Canaan par
rapportà notre sujet de recherche
v Le mode d'occupation du territoire
Annexe IV
Fòmilè konsantman
Bonjou,
Mwen rele Wilguens PHARIUS. Mwen se etidyan Lekòl
Nòmal Siperyè nan Inivèsite Leta a. Mwen rete pou m bay
memwa nan lekòl la pou m fini ak nivo lisans lan. M ap fè memwa
mwen an sou chwa moun Kanaran fè pou yo vin rete isit la. Pwofesè
ki direktè memwa an rele Mibsam JEANNIS.
Entevyou sa a mwen pral fè ak ou a ap
konfidansyèl. Se vre m ap anrejestre sa ou pral di m yo men mwen p ap
mete non ou nan tèks mwen pral ekri a, epi se nan memwa a sèlman
m ap sèvi ak enfòmasyon ou ban mwen yo.
Mwen disponib pou m reponn nenpòt kesyon ou genyen ki
konsenè patisipasyon ou nan rechèch mwen an.
Si ou aksepte bay entèvyou pou rechèch la, ekri
non ou pi ba epi siyen :
Non :..................................................................................
Siyati :.................................................................................
Dat :....................................................................................
Siyati ou pwouve ou konprann epi aksepte konsiy yo
konsènan rechèch la. Ou ka deside pa aksepte ankò
nenpòt moman ou vle pandan rechèch la ap dewoule.
Si ou ta renmen gen yon egzanplè nan memwa sa lè
li fini, ekri imel ou anba a :
Imel :....................................................................................
Annexe V
------------------------------FIN-------------------------------
* 12 Initié dans les
années 1920 aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe, ce
phénomène prend de l'ampleur dans les années 1970 dans les
pays du Nord avant de gagner, selon les temporalités variables, les pays
du Sud. Voir Guibert et Jean, 2011 : 46.
* 3. Le site tire son nom
directementd'une église baptisée Canaan, se trouvant sur la cime
de l'une de ses mornes, où réunissait bon nombre de fidèle
bien avant qu'il soit urbanisé. Ce nom vient de la bible, le livre
sacré des Chrétiens. Dans le livre de Genèse, premier
texte de la Bible, il est fait mention de ce lieu comme terre promise aux
peuples d'Israël. Le site dont fait référence la bible se
localise le long de la rive orientale de la mer de Méditerranée.
Il s'agit d'un territoire ou le lait et le miel coule en abondance selon la
Bible. Canaan en ce sens représente un nouvel espace de vie, cette
« terre promise » et conquise pour les sinistrés qui
s'y installait immédiatement après le tremblement de terre du 12
janvier 2010.
* 4Selon le site
spécialisé Géoconfluence (2018) la
métropolisation désigne le mouvement de concentration de
populations, d'activités, de valeur dans des ensembles urbains de grande
taille. Comme processus, il doit son ampleur et son originalité
à la concentration spatiale des fonctions stratégiques du nouveau
système productif. Le mode d'inscription du processus de
métropolisation peut varier suivant que l'on soit au Nord ou au Sud. En
l'inscrivant dans les réseaux de l'économie mondiale, la
métropolisation modifie l'ancrage local, régional ou national
d'une ville. Il est question d'un processus multiscalaire : à
l'échelle mondiale, il tend à renforcer les hiérarchies
urbaines en faveur des grandes villes ; à l'échelle
métropolitaine, on assiste à des dynamiques sociales et spatiales
différenciées de fragmentation et de ségrégation.
L'on doit noter que l'emploi du terme a été imparti au prime
abord au pays du Nord. En d'autres termes, le concept a été
élaboré a propos des terrains du Nord. N'a-t-il pas son
applicabilité aux terrains du Sud, voire de Port-au-Prince. Selon Guy
di Méo (2010, cité par Darbouze et al. 2018) les grandes
agglomérations du Sud présentent cependant des
caractéristiques spécifiques d'une
« métropolisation paradoxale » qui se manifestent
par l'accroissement des inégalités, la ségrégation
socio-spatiale, mais aussi l'innovation. En Asie, en Afrique ou en
Amérique latine ou dans les Caraïbes, certains pays voient leur
territoire se disloquer et se fragmenter en micro-espaces apparemment
déconnectés les uns aux autres. Devant leur poids grandissant
à la mondialisation, ces métropoles du Sud sont
insérées dans des réseaux de villes, parfois
régionaux mais souvent dominés sur le plan économique par
le Nord.
On parle du couple métropolisation-bidonvilisation
pour expliquer la non-linéarité du développement au Sud.
Ces disparités sociales et spatiales sont liées au fait que la
ville ne peut pas fournir du travail et un logement a tout le monde.
Les « sans » des métropoles n'ont pas le choix
que la débrouille pour leur survie. Elle prend chair entre autres
dans l'auto-construction de logement et l'économie populaire.
* 5Cet état
dégradation de la trame urbaine de la capitale est la conséquence
d'un manque de souci spatial d'ensemble car bien des initiatives urbanistiques
ont été mise en branle mais sans aucune viabilité (Tamru
et Milian, 2018 :12). La loi du 19 mai 1963 obligeant toutes les communes
de plus de 2 000 habitants à l'élaboration d'un projet
d'aménagement, d'embellissent et d'extension ou la création de la
direction de l'aménagement du territoire et de la protection de
l'environnement dans les années 70, la loi de 1982 mettant l'emphase sur
les régions sont entre autres mesures visant à mettre en oeuvre
une certaine planification urbaine mais sans véritable
matérialisation. Il existe aussi une structure devant s'occuper de la
question du logement en l'occurrence l'Unité de Construction de
Logements et de Bâtiments Publics depuis 2012, toutefois les
résultats tardent à venir.
* 6GonazaloLizzarlde et al
(2018 :150) avance que « cinq phénomènes connexes
caractérisent aujourd'hui l'habitat dans la zone métropolitaine
de Port-au-Prince (ZMPAP) : un étalement urbain accentué, un
processus accélérée de bidonvilisation de la
périphérie, une densification et dégradation rapides des
quartiers centraux, une vulnérabilité significative face aux
risques environnementaux, et un important déficit quantitatif et
qualitatif de logements causé - entre autres - par une pression
démographique sans précédent ».
* 7Les rues sont coupées.
La circulation des personnes et des marchandises se révèle
difficile.
* 8 Les migrations
internationales - c'est-à-dire entre Etats - ne se font pas
forcément sur des distances longues. C'est le cas notamment des pays
partageant la même frontière comme Haïti et la
République Dominicaine. Dans ce cas, on peut parler de mobilité
résidentielle transfrontalière (Rérat, 2016).
* 9Le processus de
décision dans le cadre du choix résidentiel peut résulter
aussi de l'arbitrage de plusieurs individus membres du ménage
concernés par le déménagement.
* 10Ces deux pays
possédaient déjà des mises en place agro-industrielles
capitalistes qui nécessitaient de la main-d'oeuvre haïtienne
à bon marché pour répondre à leurs besoins en
denrées). Cette migration porte le nom de la « traite
verte », parce qu'elle a rapport à la saison de la
récolte de la canne. Les jeunes sont les plus concernées par
cette migration saisonnière massive ayant bouleversé
énormément la vie rurale en Haïti.
* 11 L'aire
métropolitaine de Port-au-Prince dans le cadre de cette enquête
fait référence aux communes de l'arrondissement de Port-au-Prince
que sont Port-au-Prince, Pétion Ville, Carrefour, Delmas, Cité
Soleil et de Tabarre. Elle ne correspond pas à la délimitation
dont nous avons adopté.
* 12 Il s'agit de la
définition traditionnelle et institutionnelle de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince (Goulet et al.,2018 :319). Les
huit communes sont Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas,
Cité-Soleil, Tabarre, Carrefour, Gressier, Kenscoff. Elle est
institutionnelle dans la mesure où la constitution de 1987 a
prévu l'arrondissement comme une division administrative.
* 13On s'est installé
à Canaan une année après le séisme,
c'est-à-dire en 2011. Apres le séisme mon beau-frère m'a
mis au courant des terrains disponible à Canaan suivant la
décision du gouvernement en place et j'ai acheté cette
parcelle.
* 14Mon mari m'a mis au
courant de la décision de l'administration de Préval de permettre
aux gens ayant perdu leur logement, de donner les terres de Canaan. Ainsi, nous
avons entrepris les démarches qu'il fallait après plusieurs mois
sous les tentes. C'est la plus grande décision de l'administration de
Préval.
* 15On s'est installé
à Canaan immédiatement après le séisme,
c'est-à-dire en 2010. Le lieu où je me logeais à Santo 15
n'était pas ma propriété et s'était
effondré. Apres avoir réalisé toutes les démarches
j'ai acheté cette parcelle de terrain.
* 16Lors du tremblement de
terre du 12 janvier 2010, nous avons disposé d'un logement loué
à Fontamara 27 qui s'est totalement effondré. Ainsi, nous avons
entrepris les démarches qu'il fallait après plusieurs mois sous
les tentes.
* 17 Là où ma
famille et moi habitent est notre propriété privée.
Aujourd'hui, c'est une chance de disposer de notre propre maison. Peu de gens
ont cette chance. C'est Metellus, un leader de la communauté qui nous a
donné cette parcelle afin que nous puissions nous abriter après
le séisme. Metellus est un homme généreux.
* 18 La maison que
j'occupais avant le 12 janvier 2010 n'était pas la mienne. Elle
appartenait à mes parents. Les secousses du séisme du 12 janvier
ont contribué à la fissurer. J'étais obliger de la laisser
pour affermer par ci par là un logement jusqu'à 2015. A partir de
cette année, je ne suis plus un errant qui part en quête de
maisons a louer.
* 19 Avant le tremblement de
terre j'habitais déjà à Port-au-Prince. Les maisons les
plus proches de mon domicile se sont pour l'essentiel effondrées. Je ne
voulais pas y retourner. Cependant, je ne devrais pas retourner à Basen
mayan mais plutôt recevoir mes enfants qui étaient sur le point de
boucler leur parcours scolaire. Canaan m'a donné cette
opportunité, ainsi que l'ONG dominicaine TECHO qui a construit cette
petite pour nous.
* 20 Les parcelles de
terrains ne sont pas si chères à Canaan. La mienne je l'ai
obtenue à 4 000 gourdes. Dans l'aire métropolitaine de
Port-au-Prince, seulement à Canaan quelqu'un pouvait voir cette chance.
Si je n'avais pas acheté ce terrain aujourd'hui j'aurais pu être
en situation de location ou chez un proche.
* 21 Si aujourd'hui Canaan est
très populeux, c'est en raison du prix des terrains. Moi, je suis
quelqu'un de très modeste, où deviendrai-je propriétaire
si ce n'est à Canaan.
* 22Avant, on pouvait
habiter une maison dans laquelle on partageait la cuisine et la toilette avec
d'autres gens. Cela est source d'ennui parfois. A présent, ce n'est
plus le cas, quoiqu'on n'habite pas une maison assez confortable, on dispose de
notre propre cuisine, et également notre propre toilette. Notre actuel
domicile est beaucoup plus aéré.
* 23J'étais heureux
de venir habiter ici. Quand nous étions à Delmas 32, nous
n'avions pas pu pratiquer l'élevage, pour ne pas être une pierre
d'achoppement pour les gens de notre entourage, mais ici on élève
des chèvres,
* 24Grace à Dieu,
aujourd'hui, on dispose de notre propre domicile, quoiqu'elle ne soit pas
assez confortable. On peut crier autant qu'on peut sans pour autant
déranger nos voisins immédiats.
* 25 Nous habitons un
quartier très sécure. Des cas isolés de banditisme sont
à recense seulement à Canaan 50 et Canaan 70. Lors des
événements de peyi lòk, on n'a même pas eu
des pneus enflammées à Cannan . Les Cananéens sont des
gens très pacifiques.
* 26 Comme je viens de vous
le dire, je suis le propriétaire de cette maison. Mais je suis rarement
présent ici, j'habite à Carrefour-feuilles où je
gère mon entreprise, c'est mon beau-frère qui vit ici et qui la
garde pour nous. Quand le centre-ville s'échauffe, on vient se
réfugier ici, car à Canaan on peut avoir la
sérénité d'esprit.
* 27 Selon Gérard
Barthelemy (1989 : 24) le Konbit fait partie des
mécanismes internes de l'autorégulation au sein du milieu paysan.
Il incarne une forme de gestion non salariale du travail et constitue avec
l'escouade, l'avanjou une structure collective de travail.
C'est une stratégie d'entraide, de solidarité et se
réalise sous forme d'échange à base de
réciprocité le plus souvent.
Cette stratégie permet d'exploiter les parcelles de
terres en milieu rural ou. Il sert aussi à l'assainissement. En
milieu urbain, les populations songent à l'utiliser en absence de
l'Etat.
* 28 Il y avait une initiative
visant construire une citerne d'eau dans la zone grâce à la
DINEPA. Mais jusqu'à présent rien n'a été fait.
* 29 A Canaan, le
problème de l'insécurité ne se pose pas. Je ne sais pas
pour un autre endroit, mais pour ici non.
|