CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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INTRODUCTION
« Je suis juge, oiseau voyez mes ailes car je fais partie
du même corps que les juges. Je suis souris, voyez mes pattes
d'accusateur puisque je représente l'action publique.»
1Cette métaphore est révélatrice de
l'interdépendance pouvant exister entre le juge d'instruction et le
parquet. Cet entremêlement entre le parquet et les juges est très
ancien. C'est Napoléon qui avait inventé ce système
hybride dans lequel le parquet soumis au gouvernement intervient parmi les
juges. Sous l'ancien régime les choses étaient encore plus
confuses. Une maxime de cette l'époque était « Tout juge est
procureur général ». Cela atteste de la confusion qui
régnait déjà à cette époque. Ce
mélange des genres fonctionnait non sans difficultés.
Souvenons-nous de la Fronde des magistrats contre le Roi Louis XV en 1753. Ce
dernier n'avait pas donné suite aux remontrances des magistrats hostiles
au refus des sacrements. Cela avait donné lieu à une grève
du service judiciaire du Parlement de Paris. C'est pourquoi Napoléon
était devenu hostile aux juges. Ne voulant plus de ces magistrats
sécessionnistes, il inventa un système dans lequel un parquet
était organisé selon une hiérarchie militaire
dépendant de lui. Le parquet était intégré dans un
corps unique avec les juges du siège. Ce système permettait au
gouvernement « détenir l'ensemble de la magistrature assise et
debout parce que leur carrière, étant unique, se fait en
échelle de perroquet.»2 Aujourd'hui notre système
ressemble à s'y méprendre à celui de Napoléon. Il a
fallu attendre les arrêts de la Cour de Strasbourg du 30 octobre 1991
puis du 20 février 1996 pour interdire aux avocats
généraux de siéger aux délibérés des
affaires jugées par la Cour de cassation.
Le système actuel prévoit un corps unique de
magistrature composé de magistrats du siège et du parquet. Ces
magistrats interviennent au moment de l'enquête, de l'instruction et lors
de la phase de jugement. Ces trois éléments font un
procès. Un procès peut-être de natures différentes.
Celui-ci peut-être administratif, civil ou pénal. Deux magistrats
jouent un rôle important dans la phase préparatoire du
procès pénal : le juge d'instruction et le procureur de la
République. Le juge d'instruction est un magistrat du siège. Il
appartient au tribunal de grande instance et est désigné par son
président. Il a pour mission de rechercher si les charges retenues
contre un accusé sont suffisantes et assez établies pour pouvoir
l'inculper devant un tribunal. Pour cela il examine les preuves de l'infraction
et instruit à charge et à décharge. Ces pouvoirs sont
très étendus. Il doit prendre toutes les mesures
nécessaires à la manifestation de
1 Napoléon
2 Soulez Larivière, A.J. Pénal,
n°3, mars 2011
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la vérité. Le Procureur de La République
est un magistrat du Parquet3. Les magistrats du parquet forment le
ministère public. Ils sont chargés de réclamer
l'application de la loi au nom de la société. Les membres du
parquet ne sont pas des juges, ce sont plutôt des avocats de la
société.
Ces deux magistrats, contrairement à une idée
reçue, ne travaillent pas indépendamment dans leur juridiction.
Ils travaillent en étroite collaboration. On dit qu'il existe une
interdépendance du juge d'instruction et du parquet. Ces derniers
doivent se communiquer les éléments de procédures. Ils se
concertent et prennent parfois des décisions coordonnées dans
l'intérêt de la procédure. On évoque même
l'idée d'une mutualisation des moyens mis à leur disposition afin
de faire avancer la procédure. Parfois, l'un peut même enjoindre
l'autre de prendre des actes déterminés. Nul ne pourrait affirmer
connaître le degré d'interdépendance liant ces deux
magistrats. Celle-ci est-elle superficielle ? Ces magistrats pourraient-ils se
passer l'un de l'autre et travailler chacun de son coté au non de
l'intérêt de la justice ? Ou bien au contraire cette
interdépendance est fondamentale pour l'équilibre des pouvoirs
dans la procédure pénale française ? L'étude de
l'ensemble des textes juridiques4 permettra mesurer de cette
interdépendance. Il faut rajouter à cela la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen (CESDH) et
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Celle-ci contraint le législateur à modifier profondément
notre procédure.
Le juge d'instruction et le Parquet sont donc des organes
clefs de la procédure pénale. Participent-ils de concert à
l'équilibre de cette procédure ? On peut légitiment
s'interroger sur les effets l'interdépendance entre le juge
d'instruction et le Parquet sur une justice objective ? L'équilibre de
la procédure pénale peut se concevoir de différentes
façons. On peut l'envisager d'un point de vue subjectif grâce aux
principaux acteurs de la procédure pénale : les magistrats et les
parties. Il s'agit non seulement de mettre en évidence tous les rapports
de force concernant ces acteurs dans cette relation judiciaire mais aussi
d'étudier les droits et les obligations de ces personnes afin de voir si
elles sont traitées également ou équitablement dans le
cadre de la procédure pénale. Cet équilibre
s'apprécie aussi de façon objective à l'aune des principes
qui fondent et qui dirigent le procès pénal et la
procédure pénale. Ceux-ci
3 Les magistrats affectés dans un Parquet sont
:
* au niveau des juridictions de première instance :
procureur de la République, procureur adjoint de la
République (facultatif), vice-procureur de la
République, substitut du procureur de la République ;
* au niveau des cours d'appel : procureur général,
avocat général, substitut général ;
* au niveau de la cour de Cassation : procureur
général, premier avocat général, avocat
général.
4 L'ordonnance de 1958, la Constitution
française, le pacte civil et politique
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garantissent l'équilibre de la procédure
pénale française et le respect des droits de la défense.
Il s'agit essentiellement d'une part des principes d'impartialité et
d'indépendance intrinsèques aux statuts des magistrats et d'autre
part des principes du contradictoire et de la présomption d'innocence.
En effet, le statut des magistrats ne concerne pas seulement les règles
relatives à leur recrutement, à leur formation et à leur
gestion de carrière. Dans une acception large, il concerne aussi
l'ensemble des règles et des principes qui fondent et encadrent leur
action lors de la procédure pénale.
En réalité, on s'aperçoit que le juge
d'instruction et le parquet sont confrontés à ces principes dans
leurs rapports mutuels. Indéniablement le rôle de chacun est
important car la manière dont ils vont exercer leur fonction influera
sur l'équilibre de la procédure. Le mis en cause doit avoir la
garantie que ses droits seront toujours respectés qu'il soit face
à un juge d'instruction ou face au procureur de La République et
à ses officiers de police judiciaire. Tous les actes pris par le juge
d'instruction et le Parquet doivent respecter ces principes. En théorie
ces magistrats doivent se coordonner pour être efficaces et s'assurer que
ces principes soient respectés. En pratique les choses ne sont pas si
simples. De nombreuses d'affaires comme celle d'Outreau ont mis à mal
notre système procédural durant ces dernières
années. A chaque fois les bouc-émissaires principalement
désignés étaient soit le juge d'instruction, soit le
procureur, soit les deux. De multiples rapports ont été
réalisés pour résoudre les dysfonctionnements
révélés par les affaires. Cependant aucunes de ces
études n'a permis l'élaboration d'un projet de loi satisfaisant
l'ensemble des parties prenantes. Une des solutions possibles ne
résiderait-elle pas justement dans cette interdépendance entre le
juge d'instruction et le Parquet ? Au lieu de remettre en question l'une ou
l'autre de ces institutions, ne faudrait-il pas améliorer le
système existant en réfléchissant sur les interactions
entre ces deux acteurs prépondérants de la procédure
pénale ?
L'interdépendance des statuts du juge d'instruction et
du parquet est-elle facteur d'équilibre ou de déséquilibre
de la procédure pénale française ?
Au préalable on s'interrogera sur l'équilibre
statutaire des magistrats de la procédure pénale et puis on
analysera l'équilibre fonctionnel entre les parties.
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