1
FACULTE DE DROIT ET D'ECONOMIE DE LA
REUNION
L'INTERDEPENDANCE DES STATUTS DU JUGE D'INSTRUCTION
ET DU PARQUET DANS L'EQUILIBRE PROCEDURAL FRANÇAIS
MEMOIRE Pour le diplôme de master 1
de droit mention patrimoine rédigé par M. Joseph
Expédit de FLORE sous la direction de Mme Cathy
POMART maître de conférences à l'Université de La
Réunion
Année universitaire 2012-2013
2
Je tiens à dédier ce mémoire à la
famille.
Je remercie chaleureusement Mme POMART pour son
humanité et ses conseils.
3
« L'Université n'entend donner aucune approbation
ni improbation aux opinions émises dans les
mémoires :
ces opinions doivent être considérées comme
propres à leurs auteurs.»
4
Sommaire
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE DU STATUT
DES
MAGISTRATS DE LA PROCEDURE PENALE
SECTION1 : LE RESPECT DES PRINCIPES D'IMPARTIALITE ET
D'INDEPENDANCE DES MAGISTRATS IMMANENT A LEUR STATUT
SOUS-SECTION 1 : DU RECRUTEMENT ET DE LA GESTION DE CARRIERE
DU
JUGE D'INSTRUCTION ET DU PARQUET .
§1) L'existence d'une solidarité organique entre ces
deux acteurs
§2) Des magistrats impartiaux ?
SOUS-SECTION 2 : LA DISTINCTION ENTRE MAGISTRATS DU SIEGE ET
DU PARQUET
§1) Les fondements de la distinction
§2) Des magistrats indépendants ?
SECTION 2 : LE RESPECT DES INTERETS FONDAMENTAUX DE LA PHASE
PREPARATOIRE DU PROCES PENAL PAR CES MAGISTRATS
SOUS-SECTION1: L'EQUILIBRE ENTRE LA DEFENSE DE LA SOCIETE ET
LE RESPECT DE LA LIBERTE INDIVIDUELLE
§1: La défense de la société et les
libertés individuelles, des valeurs antinomiques ?
§2: La conciliation de ces deux paramètres
SOUS-SECTION2: LA REPARTITION DES POUVOIRS D'ENQUETE ET
D'INSTRUCTION
§1) Les pouvoirs d'enquête au procureur de la
République ?
§2) Les pouvoirs d'instruction au juge d'instruction ?
CHAPITRE 2 : A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE FONCTIONNEL
ENTRE
LES PARTIES DE LA PROCEDURE PENALE .
5
SECTION 1 : LE RESPECT DES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA
PROCEDURE PENALE PAR LE JUGE D'INSTRUCTION ET LE PARQUET
SOUS-SECTION 1: LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
§1) Le principe du contradictoire
§2) Sa mise en oeuvre
SOUS-SECTION2: LE RESPECT DU PRINCIPE DE LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE
§1) Le principe présomption d'innocence
§2) Son application
SECTION2 : LE RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE PAR CES DEUX
INTERVENANTS JUDICIAIRES GARANTIE PAR LEUR CONTROLE
SOUS-SECTION 1 : LES DROITS DE LA DEFENSE QUAND AUX ACTES
JUDICIAIRES PRECEDANT LE PROCES
§1) Caractéristiques des droits de la
défense
§2) L'observation des droits de la défense
SOUS-SECTION 2: LE CONTROLE DE CES DEUX PROTAGONISTES ET DE
LEURS ACTES
§1) Le contrôle disciplinaire
§2) Le contrôle des actes judiciaires
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
6
INTRODUCTION
« Je suis juge, oiseau voyez mes ailes car je fais partie
du même corps que les juges. Je suis souris, voyez mes pattes
d'accusateur puisque je représente l'action publique.»
1Cette métaphore est révélatrice de
l'interdépendance pouvant exister entre le juge d'instruction et le
parquet. Cet entremêlement entre le parquet et les juges est très
ancien. C'est Napoléon qui avait inventé ce système
hybride dans lequel le parquet soumis au gouvernement intervient parmi les
juges. Sous l'ancien régime les choses étaient encore plus
confuses. Une maxime de cette l'époque était « Tout juge est
procureur général ». Cela atteste de la confusion qui
régnait déjà à cette époque. Ce
mélange des genres fonctionnait non sans difficultés.
Souvenons-nous de la Fronde des magistrats contre le Roi Louis XV en 1753. Ce
dernier n'avait pas donné suite aux remontrances des magistrats hostiles
au refus des sacrements. Cela avait donné lieu à une grève
du service judiciaire du Parlement de Paris. C'est pourquoi Napoléon
était devenu hostile aux juges. Ne voulant plus de ces magistrats
sécessionnistes, il inventa un système dans lequel un parquet
était organisé selon une hiérarchie militaire
dépendant de lui. Le parquet était intégré dans un
corps unique avec les juges du siège. Ce système permettait au
gouvernement « détenir l'ensemble de la magistrature assise et
debout parce que leur carrière, étant unique, se fait en
échelle de perroquet.»2 Aujourd'hui notre système
ressemble à s'y méprendre à celui de Napoléon. Il a
fallu attendre les arrêts de la Cour de Strasbourg du 30 octobre 1991
puis du 20 février 1996 pour interdire aux avocats
généraux de siéger aux délibérés des
affaires jugées par la Cour de cassation.
Le système actuel prévoit un corps unique de
magistrature composé de magistrats du siège et du parquet. Ces
magistrats interviennent au moment de l'enquête, de l'instruction et lors
de la phase de jugement. Ces trois éléments font un
procès. Un procès peut-être de natures différentes.
Celui-ci peut-être administratif, civil ou pénal. Deux magistrats
jouent un rôle important dans la phase préparatoire du
procès pénal : le juge d'instruction et le procureur de la
République. Le juge d'instruction est un magistrat du siège. Il
appartient au tribunal de grande instance et est désigné par son
président. Il a pour mission de rechercher si les charges retenues
contre un accusé sont suffisantes et assez établies pour pouvoir
l'inculper devant un tribunal. Pour cela il examine les preuves de l'infraction
et instruit à charge et à décharge. Ces pouvoirs sont
très étendus. Il doit prendre toutes les mesures
nécessaires à la manifestation de
1 Napoléon
2 Soulez Larivière, A.J. Pénal,
n°3, mars 2011
7
la vérité. Le Procureur de La République
est un magistrat du Parquet3. Les magistrats du parquet forment le
ministère public. Ils sont chargés de réclamer
l'application de la loi au nom de la société. Les membres du
parquet ne sont pas des juges, ce sont plutôt des avocats de la
société.
Ces deux magistrats, contrairement à une idée
reçue, ne travaillent pas indépendamment dans leur juridiction.
Ils travaillent en étroite collaboration. On dit qu'il existe une
interdépendance du juge d'instruction et du parquet. Ces derniers
doivent se communiquer les éléments de procédures. Ils se
concertent et prennent parfois des décisions coordonnées dans
l'intérêt de la procédure. On évoque même
l'idée d'une mutualisation des moyens mis à leur disposition afin
de faire avancer la procédure. Parfois, l'un peut même enjoindre
l'autre de prendre des actes déterminés. Nul ne pourrait affirmer
connaître le degré d'interdépendance liant ces deux
magistrats. Celle-ci est-elle superficielle ? Ces magistrats pourraient-ils se
passer l'un de l'autre et travailler chacun de son coté au non de
l'intérêt de la justice ? Ou bien au contraire cette
interdépendance est fondamentale pour l'équilibre des pouvoirs
dans la procédure pénale française ? L'étude de
l'ensemble des textes juridiques4 permettra mesurer de cette
interdépendance. Il faut rajouter à cela la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen (CESDH) et
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Celle-ci contraint le législateur à modifier profondément
notre procédure.
Le juge d'instruction et le Parquet sont donc des organes
clefs de la procédure pénale. Participent-ils de concert à
l'équilibre de cette procédure ? On peut légitiment
s'interroger sur les effets l'interdépendance entre le juge
d'instruction et le Parquet sur une justice objective ? L'équilibre de
la procédure pénale peut se concevoir de différentes
façons. On peut l'envisager d'un point de vue subjectif grâce aux
principaux acteurs de la procédure pénale : les magistrats et les
parties. Il s'agit non seulement de mettre en évidence tous les rapports
de force concernant ces acteurs dans cette relation judiciaire mais aussi
d'étudier les droits et les obligations de ces personnes afin de voir si
elles sont traitées également ou équitablement dans le
cadre de la procédure pénale. Cet équilibre
s'apprécie aussi de façon objective à l'aune des principes
qui fondent et qui dirigent le procès pénal et la
procédure pénale. Ceux-ci
3 Les magistrats affectés dans un Parquet sont
:
* au niveau des juridictions de première instance :
procureur de la République, procureur adjoint de la
République (facultatif), vice-procureur de la
République, substitut du procureur de la République ;
* au niveau des cours d'appel : procureur général,
avocat général, substitut général ;
* au niveau de la cour de Cassation : procureur
général, premier avocat général, avocat
général.
4 L'ordonnance de 1958, la Constitution
française, le pacte civil et politique
8
garantissent l'équilibre de la procédure
pénale française et le respect des droits de la défense.
Il s'agit essentiellement d'une part des principes d'impartialité et
d'indépendance intrinsèques aux statuts des magistrats et d'autre
part des principes du contradictoire et de la présomption d'innocence.
En effet, le statut des magistrats ne concerne pas seulement les règles
relatives à leur recrutement, à leur formation et à leur
gestion de carrière. Dans une acception large, il concerne aussi
l'ensemble des règles et des principes qui fondent et encadrent leur
action lors de la procédure pénale.
En réalité, on s'aperçoit que le juge
d'instruction et le parquet sont confrontés à ces principes dans
leurs rapports mutuels. Indéniablement le rôle de chacun est
important car la manière dont ils vont exercer leur fonction influera
sur l'équilibre de la procédure. Le mis en cause doit avoir la
garantie que ses droits seront toujours respectés qu'il soit face
à un juge d'instruction ou face au procureur de La République et
à ses officiers de police judiciaire. Tous les actes pris par le juge
d'instruction et le Parquet doivent respecter ces principes. En théorie
ces magistrats doivent se coordonner pour être efficaces et s'assurer que
ces principes soient respectés. En pratique les choses ne sont pas si
simples. De nombreuses d'affaires comme celle d'Outreau ont mis à mal
notre système procédural durant ces dernières
années. A chaque fois les bouc-émissaires principalement
désignés étaient soit le juge d'instruction, soit le
procureur, soit les deux. De multiples rapports ont été
réalisés pour résoudre les dysfonctionnements
révélés par les affaires. Cependant aucunes de ces
études n'a permis l'élaboration d'un projet de loi satisfaisant
l'ensemble des parties prenantes. Une des solutions possibles ne
résiderait-elle pas justement dans cette interdépendance entre le
juge d'instruction et le Parquet ? Au lieu de remettre en question l'une ou
l'autre de ces institutions, ne faudrait-il pas améliorer le
système existant en réfléchissant sur les interactions
entre ces deux acteurs prépondérants de la procédure
pénale ?
L'interdépendance des statuts du juge d'instruction et
du parquet est-elle facteur d'équilibre ou de déséquilibre
de la procédure pénale française ?
Au préalable on s'interrogera sur l'équilibre
statutaire des magistrats de la procédure pénale et puis on
analysera l'équilibre fonctionnel entre les parties.
9
CHAPITRE 1 : A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE DU
STATUT DES MAGISTRATS DE LA PROCEDURE PENALE
10
Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature.
SECTION 1 : LE RESPECT DES PRINCIPES D'IMPARTIALITE ET
D'INDEPENDANCE DES MAGISTRATS IMMANENT A LEUR STATUT
Les deux piliers de l'équilibre du statut des
magistrats sont les principes d'impartialité et d'indépendance
des magistrats. Après avoir expliqué et confronté
l'interdépendance des magistrats au principe d'impartialité, Il
conviendra de confronter cette interdépendance au principe
d'indépendance des magistrats.
SOUS SECTION 1 : L'INTERDEPENDANCE DU JUGE DINSTRUCTION ET DU
PARQUET LORS DE LEUR RECRUTEMENT ET DE LEUR GESTION DE CARRIERE
L'interdépendance entre ces deux magistrats sera
envisagée ici sous l'angle d'une solidarité organique.
Après avoir mis celle-ci en évidence il sera opportun de la
confronter au principe d'indépendance des magistrats.
§1) L'existence d'une solidarité organique entre
ces deux acteurs judiciaires
Les textes ne prévoient pas deux systèmes
différents pour recrutement et la formation du juge d'instruction et du
parquet. Ces derniers sont traités comme faisant partie d'un même
corps de magistrat. Leur statut est interdépendant. On peut même
traduire cette interdépendance comme une solidarité organique qui
existerait tant au moment de leur recrutement que durant leur
carrière.
A) Une solidarité organique au niveau du recrutement du
juge d'instruction et du Parquet
11
Le recrutement des ces deux magistrats est régis par
les mêmes textes.5. Ainsi deux concours sont ouverts pour le
recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie
judiciaire. Le texte ne distingue pas encore à ce niveau si les
candidats vont devenir juge d'instruction ou parquetier. Il est prévu
que les candidats aux fonctions du second grade de la hiérarchie
judiciaire soient âgés de trente-cinq ans au moins au
1er janvier de l'année d'ouverture du concours et qu'ils
justifient d'au moins dix ans d'activité professionnelle dans le domaine
juridique, administratif, économique ou social: une activité les
qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. De
la même manière les candidats aux fonctions du premier grade de la
hiérarchie judiciaire doivent être âgés de cinquante
ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours et
justifier d'au moins quinze ans d'activité professionnelle dans le
domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant
particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. Ensuite, les
candidats admis suivent une formation probatoire organisée par
l'École nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction.
Là encore, ils suivent la même formation dans des conditions
identiques. On s'aperçoit ici que le juge d'instruction et le Parquetier
sont recrutés dans des conditions identiques et objectives. Rien au
moment de leur recrutement ne les prédestine à devenir
plutôt magistrat du siège ou du Parquet. Le juge d'instruction et
le Parquet ont une origine commune. Ils naissent magistrats. Il y a donc une
solidarité organique entre eux dès leur naissance.
D'ailleurs préalablement à toute
activité, ils prêtent serment devant la cour d'appel en ces termes
: "Je jure de conserver le secret des actes du parquet, des juridictions
d'instruction et de jugement dont j'aurai eu connaissance au cours de mon
stage." Là encore ils prêtent le même serment. Ils sont donc
liés par ce même serment. Même lorsqu'ils s'individualisent
plus tard en juge d'instruction ou en Parquetier ils sont toujours liés
par ce serment qui fait d'eux des magistrats solidaires de par leur statut
même si leurs fonctions sont différentes par la suite.
Le directeur de l'École nationale de la magistrature
établit, sous la forme d'un rapport, le bilan de la formation probatoire
de chaque candidat et adresse celui-ci au jury prévu à l'article
21. Les candidats sont donc soumis à un jury identique quelle que soit
leur vocation à devenir juge d'instruction ou Parquet. On retrouve ici
l'idée d'une égalité dans leur recrutement et dans leur
formation. Enfin, après un entretien avec le candidat, le jury se
prononce sur son
5 Article 21-1 de l'ordonnance de 1958
précitée
12
aptitude à exercer les fonctions judiciaires. Le fait
qu'ils soient tous deux soumis à un jury participe de leur
impartialité à priori. On remarque que cette solidarité
organique se retrouve aussi tout au long de la carrière du juge
d'instruction et du Parquet.
B) Une solidarité organique durant la carrière du
juge d'instruction et du Parquet
Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier
poste, et avant d'entrer en fonctions, prête serment en ces termes :
« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder
religieusement le secret des délibérations et de me conduire en
tout comme un digne et loyal magistrat. » 6 Ici un deuxième serment
est prêté. Là encore le juge d'instruction et le Parquet
renouvelle leur solidarité organique. Ils sont liés de par leur
qualité de magistrat.
Cette solidarité organique rend les magistrats
interchangeables entre eux. Ainsi tout magistrat a vocation à être
nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du
siège et du parquet7. Au cours de sa carrière le
procureur par exemple peut, à l'occasion d'une mutation, quitter le
Parquet pour rejoindre le siège et inversement. Même après
avoir exercer le métier de parquetier ou de juge d'instruction, la
permutation est possible. Il est même arrivé qu'un magistrat du
parquet ayant fait toute sa carrière au ministère public finisse
premier juge du siège, c'est-à-dire premier président de
la Cour de cassation. Cette interchangeabilité est encore un signe de
l'interdépendance statutaire, de cette solidarité organique du
juge d'instruction et du Parquet. C'est la marque d'une certaine
neutralité et d'une flexibilité intellectuelle que doit faire
preuve ces magistrats tout au long de leur carrière: en effet, il ne
faut plus réfléchir comme un procureur si l'on devient juge
d'instruction et inversement. Après avoir exercé le métier
de procureur pendant dix ans par exemple peut-on exercer le métier de
juge d'instruction et oublier les reflexes d'accusateur de son ancienne
fonction? Cela ne doit pas être une mince à faire. On voit aussi
que le législateur a prévu des hypothèses
particulières qui vont dans le même sens: Par exemple, lorsqu'il
est procédé à la suppression d'une juridiction, les
magistrats du siège et les magistrats du parquet reçoivent une
nouvelle affectation. Neuf mois au plus tard avant la suppression de la
juridiction, les magistrats du siège font connaître au ministre de
la justice s'ils demandent leur affectation dans les mêmes fonctions dans
la ou l'une des juridictions qui seront compétentes dans tout ou partie
du ressort de la juridiction supprimée. Ici encore le juge d'instruction
peut devenir et
6 Article 6 de l'ordonnance de 1958
précitée
7 Art 1 § II de l'ordonnance de 1958
précitée
13
inversement. Si cette présentation montre bien la
solidarité organique du juge d'instruction et du Parquet, il faut savoir
que quelques problèmes subsistent en réalité.
§2) Des magistrats impartiaux ?
Cette solidarité organique et partant cette
interchangeabilité des magistrats respecte-t-elle le principe
d'impartialité des magistrats? La règle de base est qu'un juge
d'instruction ne peut, à peine de nullité, participer au jugement
des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge
d'instruction. 8 Cette règle se comprend aisément: le
moins qu'un justiciable peut s'attendre de la justice c'est que ses magistrats
soient impartiaux. C'est-à-dire qu'un magistrat qui a déjà
connu d'une affaire au niveau de l'enquête ou de l'instruction ne peut
siéger ensuite en tant que magistrat dans la formation de jugement ce
cette même affaire. Mais ne pourrait-on pas par analogie appliquer cette
même règle au juge d'instruction et aux membres du Parquet? Que se
passe-t-il lorsqu'un Procureur ayant entendu un prévenu se retrouve en
face de ce même prévenu cette fois-ci en tant que juge
d'instruction? Sera-t-il totalement impartial? Comment pourra-t-il instruire
à charge et à décharge en toute objectivité sachant
qu'il connait le passé criminel de ce prévenu le cas
échéant? Cette question n'est pas sans intérêt.
Certes il y a toujours la possibilité de récuser ce magistrat
mais on s'aperçoit ici que l'impartialité objective des
magistrats n'est pas assurée en amont par les textes. L'hypothèse
qui se produit en pratique n'est pas celle ou le juge d'instruction se retrouve
à entendre un prévenu dans la même affaire. C'est
plutôt la situation ou quelles années après un juge
d'instruction est saisi d'un affaire dans laquelle est concernée une ou
plusieurs personnes qu'il avait déjà entendu quelques
années au par avant alors qu'il était procureur de la
République. On peut s'interroger sur le préjugé qu'il a
nécessairement sur ces personnes. Le juge d'instruction pourra-t-il
faire preuve d'une impartialité subjective? Aura-t-il des
difficultés à se défaire du passé de
délinquant de cette personne? Prenons le cas d'un récidiviste par
exemple. Ainsi, on peut s'interroger ici sur la question de savoir si cette
solidarité organique ne porte pas atteinte à
l'impartialité objective des magistrats.
Cependant on pourrait opposer donner estimer que dans cette
hypothèse les magistrats fassent preuve d'impartialité. On peut
alors penser que les magistrats sont dotés d'une flexibilité
intellectuelle leur permettant de passer d'une fonction à l'autre tout
en restant neutre. En effet, le statut des magistrats fait apparaître une
identité dans la formation du juge
8 49 cpp
14
d'instruction et du Parquet. Les magistrats ont les
mêmes enseignements, la même compétence. Ils n'ont pas
été endoctrinés pour être plutôt procureur ou
plutôt juge d'instruction. C'est à dire il n'y a pas de magistrat
qui aurait suivi une formation plus orientée vers l'autorité que
d'autre. Il n'y a pas de magistrat plus orienté vers la liberté
que d'autre. La formation initiale est la même pour les deux. A la sortie
de l'enm, ils sont censés être à même d'exercer aussi
bien la fonction de juge d'instruction que celle de Parquetier. En effet ils
auront eu la même formation à l'enm . D'autres dispositions
renforcent l'idée que cette solidarité organique des magistrats
n'est pas favorable à leur impartialité objective. Il est
prévu qu'en cas de manque d'effectif dans une juridiction, des
magistrats peuvent être temporairement affectés dans ces
juridictions pour exercer les fonctions afférentes à un emploi
vacant de leur grade. Ils peuvent aussi être temporairement
affectés dans un tribunal de première instance, ainsi qu'à
la cour d'appel pour les magistrats du premier grade, pour renforcer l'effectif
d'une juridiction afin d'assurer le traitement du contentieux dans un
délai raisonnable. L'affectation de ces magistrats, selon qu'ils
appartiennent au siège ou au parquet, est prononcée par
ordonnance du premier président de la cour d'appel ou par
décision du procureur général, qui précise le motif
et la durée du remplacement à effectuer ou de l'affectation
temporaire.9 Là encore des magistrats peuvent se retrouver
confrontés à des situations ou leur impartialité objective
peut être remise en cause. Cette solidarité organique comporte
donc des limites. Ainsi cette interdépendance des magistrats peut porter
atteinte à l'impartialité objective des magistrats. En cela on
peut affirmer que l'équilibre de notre procédure s'en trouve
affecté.
SOUS SECTION 2 : LINTERDEPENDANCE DU JUGE DINSTRUCTION ET DU
PARQUET QUANT AU PRINCIPE D'INDEPENDANCE DES MAGISTRATS
§1) Le principe de l'indépendance des magistrats
Le corps judiciaire se compose des magistrats du siège
et du Parquet, des magistrats de la Cour de cassation, des cours d'appel et des
tribunaux de première instance ainsi que les
9 art 3-1 ord 58
15
magistrats du cadre de l'administration centrale du
ministère de la justice.10 Ainsi il existe un seul corps de
la magistrature. Ces magistrats sont en principe indépendants face au
pouvoir exécutif. C'est une conséquence directe du principe de la
séparation des pouvoirs11
Le principe d'indépendance des magistrats est un
principe garanti par la Constitution selon lequel les magistrats doivent
pouvoir exercer leur fonction sans aucune pression du pouvoir
exécutif.12 Ils doivent pouvoir agir librement et en leur
âme et conscience et trancher selon leur propre et intime conviction.
Tous les magistrats sont soumis à ce principe. Ainsi le juge
d'instruction et le Parquet sont, en tant que magistrats, soumis au principe
d'indépendance.
Certains textes concernant le juge d'instruction et le Parquet
sont fait pour garantir l'indépendance des magistrats. Ainsi on sait que
l'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l'exercice d'un
mandat au Parlement, au Parlement européen ou au Conseil
économique, social et environnemental, ainsi que de membre du
congrès ou d'une assemblée de province de la
Nouvelle-Calédonie, de représentant à l'assemblée
de la Polynésie française, de membre de l'assemblée
territoriale des îles Wallis et Futuna, de conseiller territorial de
Saint-Barthélemy, de conseiller territorial de Saint-Martin, de
conseiller général de Mayotte ou de conseiller territorial de
Saint-Pierre-et-Miquelon ou avec la fonction de membre du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie ou du gouvernement de la Polynésie
française.13 Ce texte permet d'éviter des conflits
d'intérêts entre le législatif, l'exécutif et le
judiciaire. D'autre part nul ne peut être nommé magistrat ni le
demeurer dans une juridiction dans le ressort de laquelle se trouve tout ou
partie du département dont son conjoint est député ou
sénateur.14 Il est aussi prévu que l'exercice des
fonctions de magistrat est également incompatible avec l'exercice d'un
mandat de conseiller régional, de conseiller général, de
conseiller municipal ou de conseiller d'arrondissement, de conseiller de Paris
ou de membre de l'Assemblée de Corse dans le ressort de la juridiction
à laquelle appartient ou est rattaché le magistrat.15
Entre autres nul ne peut être nommé magistrat ni le demeurer dans
une juridiction dans le ressort de
10 Art 1 ord 58
11 Montesquieu, L'esprit des lois 1769
12 Article 64 de La Constitution
13 . (Art9 ord 58)
14 Art9 ord 58)
15 (Art9 ord 58)
laquelle il aura exercé depuis moins de cinq
ans.16 Il serait des lors excessif d'affirmer que le principe
d'indépendance n'est pas respecté par le système
procédural français. Les textes sont faits de manière
à instituer une imperméabilité entre le monde politique et
le monde judiciaire. De la même manière, nul ne peut être
nommé magistrat ni le demeurer dans une juridiction dans le ressort de
laquelle se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est
député ou sénateur. Les textes permettent aussi une
indépendance vis-à-vis du pouvoir législatif.
Les textes prévoient aussi une certaine
neutralité du magistrat quant à ses opinions politiques. Ainsi
toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du
gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de
même que toute démonstration de nature politique incompatible avec
la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ont également l'interdiction d'agir de
nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des
juridictions.17 C'est ici le droit de grève qui peut
être remis en cause. Indirectement c'est l'indépendance des
magistrats face aux mouvements syndicaux.
D'ailleurs il est prévu que toute
délibération politique est interdite au corps judiciaire.
Les textes permettent donc en théorie de garantir
l'indépendance des magistrats. L'intrusion du politique dans le
système judiciaire semble difficile. D'ailleurs, les juges d'instruction
n'hésitent pas à mettre en examen les hommes politiques.
18 Cependant des difficultés persistent.
§2) La distinction entre magistrat du siège et du
Parquet
« Napoléon a inventé une construction dans
laquelle le cheval de Troie du gouvernement sera le parquet, organisé
selon une hiérarchie toute militaire et dépendante de lui. Le
ministère public est intégré dans un corps unique avec les
juges du siège. » Il existe donc un seul corps de magistrature en
France. A l'intérieur de corps de magistrature il existe une distinction
entre magistrat du siège et ceux du Parquet. Cette distinction pose des
difficultés. En effet, le fait que le Parquet ait la qualité de
magistrat au même titre que les magistrats du siège est
délicat. On constate par exemple que le l'avancement de grade des deux
types de magistrat est le même. Les textes instituent une commission
chargée de dresser et d'arrêter le tableau
16 (Art9 ord 58).
17 (Art 10 ord 58).
16
18 Voir les instructions du juge Van Ruym bec et
recemment un le precednet chef de l'etat
17
d'avancement ainsi que les listes d'aptitude aux fonctions.
Cette commission est commune aux magistrats du siège et du
parquet.19
La procédure prévoit que le tableau d'avancement
est communiqué à chacune des formations du Conseil
supérieur de la magistrature avant d'être signé par le
Président de la République. Ce dernier peut alors refuser de
signer. C'est un moyen pour l'exécutif de faire pression sur les
magistrats. Si les magistrats pourraient être contraints de ne pas
poursuivre une enquête ou une instruction sous la menace d'une entrave
à leur carrière. Indirectement le principe d'indépendance
des magistrats se trouvent affaibli. Des lors qu'il s'agit d'un magistrat du
siège tel qu'un juge d'instruction par exemple c'est d'autant plus
grave.20
Dailleurs à l'occasion de quelques arrets
remarqués21, la cedh a critique la qualité de
magistrat du parquet. La cour considère que le parquet n'est pas une
autorité judiciaire au sens de la Convention parce qu'il n'est pas
indépendant à l'égard de l'exécutif. En effet,
l'article 6§1 de la CESDH dispose que les personnes dés lors
qu'elles sont arrêtées doivent rencontrer au plus vite un
magistrat de l'autorité judiciaire. Or les textes français
prévoient par exemple qu'une personne placée en détention
provisoire doit comparaître devant le procureur de la République
territorialement compétent au plus tard le troisième jour
ouvrable suivant.22 Ainsi cette dernière disposition n'est
pas conforme au regard de l'article 6§1 de la CESDH.
Ces arrêts entraineront nécessairement une
réforme du de notre système procédural. La France n'a pas
encore entrepris une véritable réforme du Parquet pour mettre la
législation française en conformité avec la jurisprudence
de la CEDH.
Cette question de l'indépendance des magistrats n'est
pas nouvelle. Déjà en 1997 un rapport affirmait que "
l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir
politique et partant, les liens du parquet avec le ministre de la justice
faisaient l'objet d'une suspicion de l'opinion publique préjudiciable
à la démocratie "23 Sur le plan des solutions certains
auteurs ont préconisé une dissociation du statut des magistrats
du parquet. L'idée consisterait à admettre une part de
responsabilité du garde des sceaux devant le parlement
spécifiquement lors qu'il exerce sa fonction de supérieur
hiérarchique du ministère public.24
19 Art34 ord 58
20 rapport de la commission Truche de 1997
21 arret moulin ou meyedvef?)
22 80 §2 Cpp
23 (Rapport de la commission de réflexion sur
la justice française, 1997)
24 (Thierry Renoux, Le conseil constitutionnel et
l'instruction pénale, Justices RGDP, DALLOZ 1998)
18
SECTION 2 : LE RESPECT DES INTERETS FONDAMENTAUX DE LA
PHASE
PREPARATOIRE DU PROCES PENAL
Tout d'abord le respect des interets fondamentaux de la
société exige un équilibre entre les interets de la
societe et les libertés individuelles (Sous-section1). Ainsi peut-on
penser que le respect de ces interets passe par une repartition de l'enquete et
de l'instruction entre le juge d'instruction et le Parquet (Sous-sestion2).
SOUS-SECTION 1: L'EQUILIBRE ENTRE LA DEFENSE DE LA SOCIETE ET LE
RESPECT DE LA LIBERTE INDIVIDUELLE
§1:La défense de la société et les
libertés individuelles des valeurs antinomiques ?
Depuis la naissance même de la justice pénale une
dualité entre les intérêts privés et ceux de la
société existe. La procédure pénale poursuit donc
des intérêts à priori contradictoires. L'exemple même
de protection de la société c'est l'interdiction de tuer une
personne. Les personnes n'ont pas un droit à tuer, une personne n'est
pas libre de tuer. Pourtant l'article 5 de la ddhc ne précise pas que la
liberté individuelle doit être la règle et l'interdiction
l'exception. En réalité, la vie en société exige de
poser l'interdiction comme principe et la liberté devient l'exception.
Ceci est vrai concernant les actes les plus graves. Ces actes sont
considérés comme grave à un moment donné de
l'histoire d'une société et de son évolution. C'est le
processus de civilisation qui fait que de nos jours la vie humaine est une
valeur fondamentale dans les sociétés occidentales notamment.
Ainsi la France comme la plupart des pays a eu depuis une période
relativement récente considéré certains objectifs comme
ayant une valeur supérieure. Certaines valeurs sont plus
protégées que d'autres. Il y a une hiérarchie. Ces
19
valeurs sont donc inscrites dans la constitution sur le plan
interne et sont protégées par les conventions internationales
aussi.25
Sur le plan interne c'est à travers la loi
pénale et la procedure penale que la protection de ces valeurs
fondamentales se materialisent. Ainsi la loi penale prevoit la sanction de
l'atteinte portée à ces valeurs sous la forme de délits
qui sont classés selon leur gravité en contravention, delit et
crime. La procédure pénale permet de ne pas laisser impunie la
commission de ces infractions. Cela consiste en un cadre juridique et en un
ensemble de moyens légaux qui doivent permettre de constater ce qui
s'est effectivement passé et d'établir la verité. Certains
affirment parfois que la procedure penale est faite pour les honnetes gens et
le droit pénal pour les malandrins. 26 Ce qui n'est pas exact
car le respect des interets fondamentaux de la procedure penale comprend aussi
la garantie des libertes individuelles. Qui sont elles-aussi régies des
droits fondamentaux27. Ainsi la procedure penale doit prevoir des
regles qui protegent aussi bien les interets de la societe que ceux des
personnes impliquées dans une affaire penale. On peut des lors affirmer
que ces objectifs fondamentaux doivent profiter tant à la
société qu'aux individus. On a l'exigence de la defense sociale
et en face il y a la garantie de la liberté individuelle. Ainsi certains
auteurs ont pu dire « qu'un innocent peut être injustement poursuivi
mais la pp doit lui donner les moyens de faire éclater aux yeux de tous
son innocence »28 . En pratique, les magistrats rencontrent
parfois des difficultés pour concilier ces objectifs.
§2: La conciliation de ces deux paramètres
A) L'efficacité de l'enquête: une finalité
commune au juge d'instruction et au Parquet
Il faut respecter un équilibre entre
l'efficacité de la phase préparatoire au procès
pénal et le respect des droits de la défense.
Un procès doit être bien préparé
afin que le procès pénal se déroule dans les meilleures
conditions. Cela permet de répondre aux exigences d'une bonne
administration de la justice.
25 Par exemple dans la CESDH
26 Thierry Renoux, Le conseil constitutionnel et
l'instruction pénale, Justices RGDP, DALLOZ 1998
27 Les droits fondamentaux sont garantis
essentiellement par la CSEDH et la DDHC
28 Thierry Renoux, Le conseil constitutionnel et
l'instruction pénale, Justices RGDP, DALLOZ 1998
20
La finalité d'une enquête est de rechercher la
vérité et de connaître ce qui s'est passé. Cette
finalité concerne aussi bien le juge d'instruction que le Parquet. Une
enquête efficace est une enquête qui tend vers la manifestation de
la vérité. Une enquête efficace est aussi une enquête
certaine, elle doit aboutir. Ainsi le juge d'instruction et le procureur des
lors qu'ils ont connaissance d'une infraction doivent tout faire pour que ces
infractions ne restent pas impunis. Mais en même temps ils ne peuvent pas
poursuivre des infractions vouées à l'échec faute
d'éléments suffisants. Il en va de la cohesion sociale. Les
citoyens doivent avoir le sentiment qu'une infraction ne reste pas impunie.
Ainsi le rôle du juge d'instruction et du Parquet est important à
ce niveau. Leur diligence va permettre qu'un acte de délinquance soit ou
non sanctionné.
Une enquête efficace est aussi une enquête qui est
exempt de tout vice, qui n'est pas contestable: c'est la sécurité
de la procédure. Là encore le juge d'instruction et le Parquet
doivent veiller à l'application des règles de procédure.
Pour cela, ils doivent mettre en commun les moyens légaux qui sot mis
à leur disposition afin que l'enquête se déroule au
mieux.
B) La célérité de la procédure: une
exigence commune au juge d'instruction et au Parquet
Comme dans toute procédure les actes ne peuvent pas
être pris immédiatement. Il y a toujours un délai pour le
faire. Un délai a pour particularité qu'il ne doit pas être
trop long. Il faut qu'il soit raisonnable. Ainsi, le juge d'instruction et le
Parquet doivent aussi agir dans un délai raisonnable conformément
aux exigences de la cedh29. L'inverse serait dommageable pour les
justiciables. Un délai trop long pénaliserait le prévenu.
Ces chances de se défendre s'affaiblissent à mesure que le temps
passe. Les preuves s'effacent dans le temps. De la même manière
les chances de voire une enquête ou une instruction aboutir se
après de longues années sont faibles. Certaines instructions ont
duré prés de quinze années.30
Un procès est fait aussi pour les victimes ainsi que
leurs proches. Elles ont besoin de ce procès pour reconstruire leur vie.
Une attente trop longue rendrait le procès sans intérêt.
Plus tôt un lieu procès a lieu mieux la répression
pénale a du sens. C'est ici précisément qu'intervient le
juge d'instruction et le parquet qui doivent mettre tout en oeuvre pour
29
30 Affaire du sang contaminé
21
accélérer au plus vite la procédure. Pour
cela il faut une parfaite coordination dans l'action de ces deux organes. Si le
parquet décide de poursuivre et qu'il considère qu'une
instruction est nécessaire en matière de délit ou des lors
qu'un crime est porté à sa connaissance, il ne doit pas tarder
à saisir un juge d'instruction. Cette saisine est importante pour
plusieurs raisons. D'une part, le juge d'instruction ne peut instruire que sur
des faits objet d'une saisine du parquet. Il ne peut pas s'autosaisir: il ne
peut pas se saisir d'office. On voit ici l'importance de cette
interdépendance entre le juge d'instruction et le parquet qui a une
incidence sur la célérité de la procédure. Si pour
des raisons diverses et variées le parquet ne saisit pas le juge
d'instruction, celui-ci ne peut pas agir. Ainsi, l'instruction ne peut pas
débuter tant que le juge d'instruction n'est pas saisi. Les actes qui
seraient pris avant saisine sont en principe susceptibles d'encourir la
nullité.
Un autre aspect concerne l'hypothèse ou le juge
d'instruction ne prend pas les mesures adéquates pour faire avancer la
procédure. Dans ce cas, le procureur peut enjoindre le juge
d'instruction à prendre les mesures qu'il juge nécessaire. Ici
encore on s'aperçoit que l'interdépendance entre le juge
d'instruction et le parquet est important pour accélérer la
procédure. En réalité des problèmes persistent.
Combien de temps peut durer une procédure? Aucun texte
ne fixe la durée d'une instruction. En effet certaines instructions
durent très longtemps. L'affirmation d'un délai raisonnable de la
phase préparatoire n'est récente.31 La cedh n'a eu de
cesse de rappeler les critères d'appréciation du caractère
raisonnable d'une instruction préparatoire que sont la complexité
de l'affaire, le comportement des requérants et celui des
autorités judiciaires32. Ainsi la cour avait retenu une
conception large du délai raisonnable. Une instruction qui avait
durée plus de 4 années a été jugé
raisonnable pour une procédure préparatoire.
La répartition des pouvoirs d'enquête entre le
juge d'instruction et le Parquet est-ce un facteur d'équilibre de la
procédure pénale.
SOUS SECTION 2: LA REPARTITION DES POUVOIRS D'ENQUETE ET
D'INSTRUCTION
Le fait de répartir les rôles permet-il
d'atteindre un certain équilibre? Encore faut-il une répartion
elle-même équilibrée.
31 ( tomasi 1992
32 CEDH 21 nov.
1995)
22
Des lors, Le parquet joue un role important dans l'enquete
(§1) et le role du juge d'intruction est plus important au niveau de
l'intruction (§2)
§1) Les pouvoirs d'enquête au procureur de la
République ?
Nul ne peut contester que les pouvoirs du Parquet dans
l'enquête sont plus importants que ceux du juge d'instruction. De plus,
le parquet dispose de l'iniative des poursuites. Certains auteurs
évoquent l'idée d'un "procureur roi."33 C'est cette
concentration des pouvoirs d'enquete dans les mains du parquet qui fait l'objet
de débats reccurents. Ce debat est relançé a chaque fois
qu'un proces emeut le public. A chaque erreur judiciare on remet en question
l'ensemble du système judiciaire. Le procureur aurait trop de pouvoirs.
D'autres pensent à l'inverse que c'est le juge d'instruction qui pose
problème. Des esprits moins radicaux soulève la possibilite d'un
contreblancement de ces deux organes qui contribuent à un certain
equilibre34.
Il est vrai que notre système procedural actuel
concentre beaucoup de pouvoirs dans les mains du procureur. Celui-ci a
l'initiative de l'enquete. Ainsi, dans son réquisitoire introductif, et
à tout moment de l'information par réquisitoire supplétif,
le procureur de la République peut requérir du magistrat
instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la
vérité et toutes mesures de sûreté
nécessaires. Il peut également demander à assister
à l'accomplissement des actes qu'il requiert. Il peut, à cette
fin, se faire communiquer la procédure35. On voit bien ici
l'influence du procureur dans l'enquete. On peut même y voir un
empiétement du procureur sur le juge d'instruction.
On remarque aussi que le procureur supplée parfois le
juge d'instruction. Ainsi en matière criminelle, lorsqu'il requiert une
cosaisine, le procureur de la République près le tribunal de
grande instance au sein duquel il n'y a pas de pôle de l'instruction est
compétent pour requérir l'ouverture d'une information devant les
magistrats du pôle territorialement compétents pour les
infractions relevant de sa compétence, y compris en faisant
déférer devant eux les personnes
concernées.36
Le procureur de la République près ce tribunal
de grande instance est seul compétent pour suivre le déroulement
des informations visées aux alinéas précédents
jusqu'à leur règlement. Le Procureur a des prérogatives
qui dépassent le simple cadre d'enquête.
Néanmoins s'il requiert le placement ou le maintien en
détention provisoire de la personne mise en examen, ses
réquisitions doivent être écrites et motivées. Si le
juge d'instruction ne
33 Jérôme Bachou, Thèse, De la
mort programmée du Juge d'instruction à celle du
"procureur-roi"
34 Elodie Armbuster, Des alternatives à la
suppression radicale du juge d'instruction
35 Article 82 code de procédure
pénale).
36 Art 80 §2 du code de procedure penale
23
suit pas les réquisitions du procureur de la
République, il doit notamment rendre une ordonnance motivée dans
les cinq jours de ces réquisitions.37
L'interdépendance entre le juge d'instruction est ici flagrante.
A défaut d'ordonnance du juge d'instruction, le
procureur de la République peut, dans les dix jours, saisir directement
la chambre de l'instruction. Il en est de même si le juge des
libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction, ne
rend pas d'ordonnance dans le délai de dix jours à compter de sa
saisine. On s'aperçoit ici encore du poids du procureur dans
l'enquête, ce qui laisse une marge de manoeuvre faible au juge
d'instruction en réalité.
Le juge d'instruction est très dépendant du
procureur en matière d'initiative relative à l'enquête.
Ainsi, lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont
portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit
immédiatement communiquer au procureur de la République les
plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent. Le procureur de la
République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par
réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux faits,
soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la
juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider
d'un classement sans suite, soit transmettre les plaintes ou les
procès-verbaux au procureur de la République territorialement
compétent. Si le procureur de la République requiert l'ouverture
d'une information distincte, celle-ci peut être confiée au
même juge d'instruction. Les textes laissent donc une place au juge
d'instruction dans l'enquête. Est-ce donc souhaitable de dire que le
procureur est roi? Cette affirmation est peut-être un peu excessive.
Donner l'initiative d'enquête au juge d'instruction pourrait entrainer
des dérives telles que la poursuite arbitraire d'une multitude
d'affaires. Les plus radicaux craignent un "gouvernement des juges".
L'instruction serait-elle réservée au juge
d'instruction?
§2) Les pouvoirs d'instruction au juge d'instruction ?
En principe, le juge d'instruction ne peut informer qu'en
vertu d'un réquisitoire du procureur de la
République.38 C'est-à-dire que le juge d'instruction
doit attendre d'être saisi par le procureur des faits délictueux.
On peut affirmer que c'est le procureur qui a le premier mot. Le parquet saisit
le juge d'instruction in rem c'est-à-dire des faits précis.
Ensuite c'est au juge d'instruction de décider quelle personne il
souhaite mettre en examen. Mais il y a une
37 Article 82 du code de procédure
pénale
38 L'art 80 §1 cpp).
24
limite: le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les
personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou
concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou
comme complice, à la commission des infractions dont il est
saisi.39 Toutefois, les textes prévoient que le juge
d'instruction peut être saisi par une plainte avec constitution de partie
civile. Dans ce cas, le juge d'instruction ordonne communication de la plainte
au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses
réquisitions. 40 De la même manière si des faits
non visés au réquisitoire introductif sont portés à
la connaissance du juge d'instruction, il doit aussi les communiquer au
procureur afin de les faire constater. Dans ces deux cas le procureur reste
libre de poursuivre ou non. Dès lors qu'il est saisi, le juge
d'instruction peut soit refuser d'informer en rendant une ordonnance de refus
d'informer, soit poursuivre l'information. Ensuite, à la cloture de
l'information, il devra communiquer les éléments de l'instruction
au parquet qui pourra prendre un réquisitoire. Dans tous les cas le juge
d'instruction ne sera pas tenu de suivre ce réquisitoire. Le juge
d'instruction pourra prononcer soit une ordonnance de non-lieu, soit une
ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement. Dans
l'hypothèse ou le juge d'instruction prononce une ordonnance de non lieu
le procureur sera obligé de s'incliner. Ainsi à partir du moment
où il a été régulièrement saisi, le juge
d'instruction a le dernier mot. On s'aperçoit ici du jeu
procédural qui se met en place entre le juge d'instruction et le
procureur. Cela fait partie prenante de l'interdépendance qui existe
entre eux. Le rapport de force est relativement équilibré avec
une tendance plus favorable pour le Procureur.
Une limite doit cependant être apportée à
tout ce qui précède: Il faut savoir que l'instruction
préparatoire est obligatoire en matière de crime41.
Cela veut dire que le procureur à qui on dénonce un crime est
obligé de requérir une instruction. Il ne peut pas directement
classer sans suite par exemple. Le crime est un exemple incontestable de
l'interdépendance du juge d'instruction et du Parquet. De la même
manière, si le procureur requiert l'ouverture d'une information
judiciaire a propos d'un crime, le juge d'instruction ne peut refuser
d'informer. Cela s'explique par la gravité de cette infraction. La
société ne peut pas laisser un crime impuni.
Un premier probleme concerne l'initiative de l'enquete. En
matiere de crime ce système ne soulève pas de grandes
difficultés car il y a obligation d'instruire. Mais en matiere de
délit, le fait de confier l'initiative des poursuites dans les seules
mains du procureur peut poser des
39 Art 80-1 cpp;).
40 art 51 du code de procédure penale
41 Art 79 cpp
25
difficultes. Il est vrai que le legislateur a confié
l'initative des poursuites au parquet afin de permettre au gouvernement
d'orienter sa politique pénale dans un sens plus ou moins securitaire en
fonction du type d'infraction qu'elle veut réprimer en priorité.
Mais la crainte est que le pouvoir exécutif exerce des pressions sur le
parquet. En effet, Ce dernier est hiérarchiquement soumis au ministre de
la justice. Certaines affaires politico-financières sont parfois
classées sans suites sans raison objectives apparentes. La qualification
délictuelle qui incrimine ces affaires-là entraine que leur
poursuite est facultative et est laissée au bon vouloir du procureur. Ce
dernier peut recevoir une injonction écrite de ne pas poursuivre
à laquelle il est tenu. D'ailleurs un projet de loi est actuellement
déposé afin d'interdire à un membre du gouvernement de "
donner des instructions individuelles dans un procès
déterminé".42 Cette loi de circonstance sera-t-elle
vraiment efficace? Il est permis d'en douter. N'est-ce pas une réforme
en profondeur qu'il faudrait encvisager?
Un second problème réside dans la repartition
même des pouvoirs du juge d'instruction et du Parquet entre enquête
et instruction. Les auteurs sont partagés sur cette répartition.
Certains auteurs vont critiquer le statut du procureur en mettant en evidence
qu'il a trop de pouvoirs en matiere d'enquête. Repousser à
l'extrême ce raisonnement reviendrait à cantonner le procureur
dans un role restreint de veiller à la bonne application de la loi dans
l'interet de la societe. Ce serait un système un peu réducteur.
Il faut observer que notre systme actuel prevoit une interaction entre le juge
d'instruction et le Parquet qui semble être plutôt favorable
à l'equilibre de notre procedure penale dans l'ensemble.
D'autres auteurs s'opposent farouchement au juge d'intruction.
Certains veulent même la suppression du juge d'instruction. Ces derniers
considèrent que le juge d'instruction a trop de pouvoirs notamment
lorsqu'il est saisi d'office par les faits à l'origine d'un crime. En
réalité c'est surtout l'émotion suscitée des
affaires graves ayant conduite à des erreurs judiciaires qui inspire
l'idée de reformer à tout va. Souvenons-nous du séisme
judiciaire qu'a suscité l'affaire d'outreau. Depuis cet evenement, le
juge d'instruction est devenu l'organe responsable de tout le
déséquilibre supposé de la procédure pénale.
D'ailleurs pense-on que le legislateur légifére trop souvent
à vif. A-t-on réellement mesuré ce
déséquilibre? Est-il aussi significatif qu'on veut bien le
prétendre? Les erreurs judiciaires ne résultent-elle pas
plutôt d'une défaillance humaine? Il est vrai qu'avant
l'instauration de la collégialité du juge d'instruction, celui-ci
se retrouvait souvent dépourvu face à des affaires trop
complexes. Cette collégialité du juge d'instruction semble
fonctionner mais on oublie parfois que les pouvoirs du juge d'instruction
42 Projet de loi relatif aux attributions du garde des
sceaux et des magistrats du ministère public en matière de
politique pénale et d'action publique
26
ont toujours été contrebalancés par ceux
du parquet.43 Un certain équilibre existait
déjà entre juge d'instruction et le parquet bien avant cette
réforme. Le fait de supprimer le juge d'instruction n'apporterait rien
de positif à l'equilibre procedure penale française.44
En réalité, c'est justement dans cette articulation des pouvoirs
entre juge d'instruction et le Parquet que l'on peut trouver un certain
équilibre. Finalement, ce sont aux personnes physiques qui exercent ces
pouvoirs à qui revient la charge d'optimiser le potentiel des moyens qui
sont mis à leur disposition. Ils doivent aussi faire preuve de prudence
quant à l'exercice de leur fonction. Avant de remettre en cause tout un
système, ne faudrait-il pas d'abord exploiter au mieux celui qui existe
déjà? Parfois lorsque que l'on touche à un point de la
procédure pour regler un probleme on aboutit sans le vouloir par
bouleverser un autre coté et on crée finalement d'autres
problèmes. Il serait donc peut-être préferable de garder ce
système avec un juge d'instruction et un parquet
interdépendant.
Certains auteurs ont preconisé de remplacer le juge
d'instruction par le parquet45 A-t-on envisagé les
conséquences qu'une telle réforme pourrait avoir sur
l'équilibre de la procédure pénale? L'idée
consisterait à transferer les prerogatives du juge d'intruction au
parquet. Cette idée qui a l'air seduisante ne peut pas se faire sans une
refonte globale du statut du parquet afin de le rendre plus independant
vis-à-vis de l'excutif.46
CHAPITRE 2 : A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE FONCTIONNEL
ENTRE LES PARTIES DE LA PROCEDURE PENALE
|
43 Elodie Armbuster,
44 Elodie Armbuster
45 Jerome bachou
46 arrets moulins et medvedyef
27
28
SECTION 1 : LE RESPECT DES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA
PROCEDURE PENALE PAR LE JUGE D'INSTRUCTION ET LE PARQUET
Ici l'équilibre est envisagé sous l'angle des
deux principes importants qui guident les magistrats dans la façon de
traiter les parties tout au long de la procédure pénale.
l'interdépendance se traduit ici par la mutualisation des moyens mis en
oeuvre par le juge d'instruction et le parquet afin de respecter et de faire
respecter ces principes. Nous envisagerons l'interdépendance et
l'equilibre sous l'angle du principe du contradictoire (§1) avant la
présomption d'innocence (§2)
SOUS-SECTION 1 : LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
L'article préliminaire du code de procédure
pénale rappelle que la procédure pénale doit être
contradictoire. Sa mise en oeuvre par le juge d'instruction et le Parquet
contribue-t-elle à l'équilibre de la procédure
pénale.
§1) Le principe du contradictoire
Le principe du contradictoire vient du latin audiatur et
altera pars qui signifie le droit d'être entendu.
Ce principe est rappelé dans l'article prelimiaire du
code de procédre pénale. Dans la cedh le principe du
contradicotire découle de l'interpretation de l'article 6§1 relatif
au droit à un proces equitable. Il est aussi évoqué dans
les articles 10 et 11 de la declaration universelle des droits de l'Homme et du
citoyen. Aussi dans la convention américaine relative aux droits de
l'homme de 1969. On peut dire que ce principe a une valeur universelle. penal
Le principe du contradcitoire a un champ d'application tres etendu, on constate
par exemple que la ddhc prévoyait déjà que toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et
publiquement par un tribunal indépendant et impartial47. Le
mot "entendu" est important dans cet article. Le droit le plus primaire qu'il
puisse exister c'est que le prévenu puisse connaître et
47 Article 10 de la declaration des droits de l'homme
et du citoyen
29
s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. De la
même manière, le Pacte international relatif aux droits civils et
politique prévoit dans ce droit d'être entendu par
l'autorité judiciaire48. La CESDH prévoit aussi que
toute personne arretée doit etre conduit devant une autorité
judicaire compétente afin de s'expliquer.49 Mais en
réalité on peut s'interroger de savoir si le principe du
contradictoire s'applique uniquement à la phase de jugement ou si elle
s'applique aussi à la phase préparatoire du procès? La
procedure penale n'est-elle pas censée être secrete dans notre
système inquisitoire actuel? Ainsi pourquoi devrait-on alors informer le
prevenu des element des l'enquete? C'est pourquoi certains auteurs ont pu
affirmer :
"Ce n'est lorsque le juge d'instruction agit à la
requête du ministère public et que l'instruction assume donc un
caractère accusatoire, qu'on peut parler d'un vrai
contradictoire".50 Cette affirmation laisse cependant perplexe. En
quoi le contradictoire ne s'appliquerait pas à la phase preparatoire de
la procedure penale?
L'analyse de la jurisprudence de la cedh permet de bien
comprendre cette question51
Les principaux arguments visent 'article 6 §3 de la CESDH
qui utilise le terme de "personne accusée". Le gardé à vue
'est pas accusé il est prévenu. Le mis en examen n'est pas lui
non-plus accusé puisqu'il est présumé innocent.
Certains auteurs estiment que dans la phase
préparatoire ce qui est fait c'est une confrontation des preuves et
qu'il ne s'agit pas vraiment d'un contradictoire proprement dit 52.
Il a donc pu être affirmé par ces mêmes autres que "ce n'est
que dans la phase de jugement que le contradictoire se présente dans
toute son ampleur"
D'autres arguments consistent à dire qu'il faut un
adversaire pour qu'il y ait contradictoire. Ainsi le juge d'instruction et le
Parquet ne seraient-ils pas des veritables adversaires du prévenu. ce
qui est vrai en partie compte tenu de l'objectivité inhérente
à tout magisrat.
D'autres auteurs considerent que le principe du contradictoire
est limité dans la phase de préparation d'un procès
pénal. Ils expliquent « qu'on ne peut pas parler d'un
contradictoire proprement dit, mais plutôt d'une anticipation celui-ci
»53
48 paragraphe premier de article 14 du Pacte
49 5 §3 de la cedh
50 Olivier Bachelet, Revue des droits de l'Homme,
51 .( voir opinion dissidente Pettiti, Arret
Imbrioscia/CH 24.11.93 A/275, § 36)
52 Olivier Bachelet, Revue des droits de l'Homme
53 »( Franz Matscher (né le 19 Janvier
1928 juriste autrichien bien connu, surtout de 1970 à 1996, il
était professeur de droit de la procédure de droit civil à
l'Université de Salzbourg et ancien juge a la cedh)
30
En depit de ce que peuvent penser certains auteurs, permis de
penser qu'il existe bien un veritable contradictoire dans la phase
préparatoire du proces. Ainsi d'autres arguments plaident en la faveur
de l'application du contradictoire dans la phase preparatoire.
Par exemple, la CSEDH enonce « le droit de tout
accusé d'être informé dans le plus court délai, dans
une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de
la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui »54
Un prevenu doit avoir le droit de disposer du temps et des
facilités nécessaires à la préparation de sa
défense
En réalité on s'aperçoit qu'un
prévenu ne pas être laissé dans l'obscurité des
charges que l'on porte contre lui. En effet, à partir du moment ou
l'enquêteur ou le juge d'instruction prend contact avec lui, il est
necessaire qu'il puisse s'expliquer sur ce qui lui est reproché..
Certains auteurs expliquent dans ce sens que "c'est lors de la phase de
l'instruction qu'on jette la base de l'accusation et il est plus difficile de
démolir celle-ci durant l'audience"55
La situation est plus claire en cas de détention
provisoire. Le contradictoire ne fait pas de doute ici. La CESDH prévoit
que le détenu a droit à être informé dans le plus
court délai et dans une langue qu'il comprend des raisons de son
arrestation et de toute accusation portée contre lui et, d'après
l'al. 3, il a droit d'être aussitôt traduit devant un magistrat
afin de combattre les motifs qui ont conduit à son arrestation...
§2) Sa mise en oeuvre
La mise en oeuvre du contradictoire par le juge d'instruction
et le Parquet se concretise par L'obligation d'informer le prevenu des elements
de l'enquete Ce droit se materialise par la possilbilite de faire des demandes
d'investigations, confere au prévenu l'accès au dossier de la
procédure, donne au prevenu le droit de connaitre l'état
d'avancement de la procédure. Il y a aussi le droit à la discuter
les elements de la procéure a travers l'avocat notamment. D'ailleurs en
renforçant le contradictoire c'est role de l'avocat qui s'accroit de
plus en plus.. le juge d'instruction et le Parquet sont tenus de faire
appliquer ce principe. Ils commencent par
54 l'art. 6, al. 3 de la CESDH
55 Olivier Bachelet, Revue des droits de l'Homme
31
convoquer des personnes s'il apparait des indices laissant
penser qu'elles aient pu participer à la commission d'une infraction.
Concretement, le contradictoire consiste à entendre la ou les
personne(s) soupçonnée(s) de faits delictueux ainsi que les
personnes qui sont plus ou moins concernées par l'affaire en cause. Le
but etant de leur permettre de s'expliquer voir de contester ce qu'on leur
repproche, de contredire les faits.
. On s'aperçoit alors de similitudes entre la
convocation des personnes par le juge d'instruction et par le parquet. En
effet, dans le cadre des enquetes de polices judiciaires des personnes sont
aussi convoquées pour s'expliquer. Leur qualité est evolutive en
fonction des ce qu'ils rapportent et du leur degré d'implication dans
l'affaire en cause. Ces personnes pevent être entendues au commisariat
comme prévenu et plus tard être mis en examen par le juge
d'instruction par exemple. En outre, ces personnes doivent être en mesure
de s'expliquer qu'elles soient convoquées par le juge d'instruction ou
par le Parquet: le contradictoire s'applique donc tant au juge d'instruction
qu'au Parquet. Dans une affaire donnée les personnes convoquées
vont être mis au courant des mêmes éléments de
l'enquête par le juge d'instruction et par le Parquet: Par exemple un
juge d'instruction ne peut pas omettre d'informer un mis en examen ou un
témoin assisté sur certains éléments de
l'enquête sans consulter le procureur de la République. Cette
personne pourrait avoir déjà pris connaissance de ces
éléments lors des ses convocations avec les opj ou le procureur.
Ces deux magistrats sont donc obligés de se tenir informés des
proces verbaux dressés suite à l'audition d'une
personne dans l'enquete ou l'instruction. Il faut une
cohérence de l'action de ces deux magistrats. Ainsi il se crée
une sorte d'obligation pour le juge d'instruction et le Parquet de coordonner
leur stratégie. Ils doivent communiquer en permanence entre
eux.56 Ce qui sera evoque devant le juge d'instruction devra
correspondre à ce qui sera evoqué devant le Parquet. Ce que le
juge d'instruction apprendra de nouveau devra etre communiqué au Parquet
et inversement. Cette stratégie commune dans la revelation et la
recherche d'information est necessaire pour l'avancement de la procedure et
participe donc de son equilibre. En realité cette stratégie
commune n'est pas facile à mettre en oeuvre. Il faudrait ameliorer les
textes afin de rendre cette collaboration plus effective et plus efficace. Il
se pose alors la question du manque de contraditoire dans la phase preparatoire
du proces notamment lors de la garde à vue.
56 D'ailleurs on observe que les procureurs sont
parfois équipés d'un casque avec micro plus pratique pour
répondre aux nombreux appels téléphoniques qu'il
reçoit
32
SOUS-SECTION2: LE RESPECT DU PRINCIPE DE LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE
§1) Le principe présomption d'innocence
Ce principe a des origines tres anciennes. La paternité
de ce principe peut être attribuée à Beccaria57.
A son époque, la procedure était particulièrement barbare
vis-à-vis des personnes suspectées. On garde en mémoire
les ordalies qui étaient des procédés barbares pour
etablir la verité: pour prouver son innocence il fallait en survivre.
Beccaria est l'un des premiers a avoir dénoncés ces injustice de
la procédure pénale. De nos jours le principe de la presomption
d'innocence est consacré notamment par la declaration des droits de
l'homme et du citoyen qui fait partie du bloc de constitutionnalité et
qui confere ainsi une valeur constitutionnelle a la presomption d'innocence. Ce
principe a toute sa quintessence en matiere de preuve.58
Ce texte prevoit que tout homme est présumé
innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable ; s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur
qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit
être sévèrement réprimée par la loi.
Ce principe signifie qu'une personne doit être
considéré comme innocent des lors qu'il fait face à la
justice. C'est un principe qui a une grande utilité en matiere de
preuve. Ainsi la personne suspectée n'aura pas faire la preuve de son
innocence. C'est la partie poursuivante c'est a dire le Parquet a qui revient
la charge de prouver la culpabilité du prévenu. Ce principe vaut
aussi pour la phsae de jugement que pour la phase preparatoire du proces. Ainsi
la loi est tenue de garantir l'effectivité de ce principe. C'est
pourquoi dans la procedure qui precede le jugement il est prévu une
phase d'enquette et d'instruction. Ce sont les moyens dont disposent la societe
pour tenter d'etablir ce qui s'est vraiment passé, la
vérité. Ensuite il s'agira d'etablir si la personne
suspectée est vraiment celle à qui on doit imputée
l'infraction commise. Tous les organes qui interviennent lors de la
procédure doivent respecter ce principe. Ce principe a une valeur
constitutionnelle. On retrouve ce principe dans l'article preliminaire du code
de procedure ainsi que dans la convention européenne.59 Il
est donc possible d'affirmer que le principe de la presomption d'innocence est
un principe fondamental. Ce principe a une portée assez large.
57 Beccaria, Traité des Délits et des
Peines
58 Artcle 9 de la DDHC
59 Article 6 §2 cedh
33
§2) Son application
Le prévenu doit être considéré
comme un innocent quel que soit le lieu et dans tous les cas.
Le prévenu doit être considéré
comme un innocent tout au long de la procédure. On peut dire aussi que
le prévenu doit être considéré comme un innocent
aussi bien par le parquet que par le juge d'instruction. Cela entraine une
obligation d'enquêter et d'instruire à charge et à
décharge dans le chef du Juge d'instruction et du Parquet.
Par exemple, le prévenu doit pouvoir refuser ou
contester ou donner son avis sur les actes du juge d'instruction et du
Parquet.
Ce principe fait naitre des obligations a la charge des uns et
autres.
On sait que Le juge d'instruction procède,
conformément à la loi, à tous les actes d'information
qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il
instruit à charge et à décharge.60
Le juge d'instruction peut procéder ou faire
procéder, soit par des officiers de police judiciaire,
conformément à l'alinéa 4, soit par toute personne
habilitée dans des conditions déterminées par
décret en Conseil d'État, à une enquête sur la
personnalité des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation
matérielle, familiale ou sociale61. on constate ici que les
textes prevoient la possiblilité pour les juge d'instruction et le
parquet de travailler ensemble à la recherche de la verité .
L'enquete et l'instruction auraient eu tendance à être
défavorable au prévenu s'il n'y avait pas le principe de la
presomption d'innocence. Ce principe de la presomption d'innocence guide
l'enquete et l'instruction et partant toute l'action du juge d'instruction et
du parquet. Ces deux magistrats doivent prouver l'implication du prévenu
. Mais certains probleme subsistent.
On repproche parfois aux juge d'instruction d'etre dans
l'impossiblité d'instruire a charge et a decharge en même temps.
Certains auteurs parlent d'une schizophrenie du juge
d'instruction.62 En effet, cette opération intellectuelle qui
consiste à intruire tantôt à charge et tantôt
à décharge est difficile. On repproche à ces magistrats
une tendance à n'instruire qu'à charge. Cette hypothese, si elle
etait verifée, serait une entorse au principe de la presomption
d'innocence: en effet, le presumé innocent ne doit pas etre
accablé par une procedure qui, ayant été effectué
uniquement à charge, réduirait à néant ses chances
de faire admettre son innocence et partant viderait de tout sens le principe de
presomption d'innocence.. Ces auteurs
60 (Art 81 al 1 cpp
61 . (Art 81 al 6 )
62 Elodie Armbuster,
34
vont même jusqu'à soutenir qu'il faudrait
cantonner le juge d'instruction à un simple organe de contrôle de
l'enquete qui serait confiée exclusivement au parquet.63le
probleme est bien réel la solution proposée n'est-elle pas un peu
excessive? En effet, C'est peut-être justement cette
interdépendance existante entre le juge d'instruction et le Parquet qui
permet ce genre de dérives : Ces deux magistrats doivent se
contrôler mutuellement et veiller à ce que la procédure ne
soit pas seulement à charge.
SECTION2 : LE RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE PAR CES DEUX
INTERVENANTS JUDICIAIRES GARANTIE PAR LEUR CONTROLE
Plus que les droits de la défense dans la phase
préparatoire (ss1), les prévenus n'ont-ils pas avoir un droit de
se défendre contre le juge d'instruction et le parquet, ces derniers
peuvent être considérés comme de véritables
adversaires judiciaire ?
SOUS-SECTION 1 : LES DROITS DE LA DEFENSE LORS DES ACTES
JUDICIAIRES PRECEDANT LE PROCES
L'article préliminaire du code de procédure
pénale dispose que la procédure pénale doit
préserver l'équilibre des droits des parties. Effectivement, les
prévenus ne doivent pas voir leurs droits complètement
anéantis par l'ouverture d'une procédure. Les droits de la
défense doivent être respectés tout au long de la
procédure pénale.
§1: Les caractéristiques des droits de la
défense
L'analyse des textes montre que les droits de la
défense peuvent être regroupés en deux catégories:
les droits relatifs à l'intimité de la vie privée et les
droits relatifs à la liberté d'aller et venir .La défense
est une partie au même titre que le ministère public et la partie
civile.
Les textes montrent aussi que les droits de la défense
doivent être respectés dès le début de l'ouverture
d'une procédure, depuis l'arrestation d'un individu et même aussi
lors d'un simple contrôle d'identité. Ainsi dès le stade
l'enquête une personne doit pouvoir faire valoir ses droits. Par exemple
une personne gardée à vue doit être informée
immédiatement des des ses droits 64
L'analyse des textes ainsi que l'étude de la loi
pénale française permet de dégager un premier ensemble de
règles relatives à l'intimité de la vie. Ainsi, par
exemple, la mise sous
63 Jérôme Bachou
64 63-1cpp).
35
écoute téléphonique est strictement
très encadrée par la loi. Cette mise sous écoute est
possible uniquement dans des cas graves. On peut remarquer aussi la protection
du domicile des personnes. Ainsi ni un juge d'instruction, ni un procureur ne
peut ordonner une perquisition ou une visite domiciliaire avant 6 heures le
matin et après 21h le soir. Ce principe subit quant même des
exceptions lorsque des infractions graves sont concernées notamment en
matière de terrorisme.
Il y a très longtemps que le principe des droits de a
défense est exprimé. Ainsi le conseil constitutionnel avait
déjà considéré en 1977 comme contraire à
l'article 16 de la Constitution une loi qui permettait aux enquêteurs de
décider d'office de fouiller des véhicules en cas de risque de
troubles à l'ordre public. Le Conseil constitutionnel avait alors
précisé qu'il fallait avoir recours à un magistrat pour
cela. Ensuite, Il avait souligné que de telles perquisitions ne
pouvaient être décidées par un enquêteur en raison de
l'atteinte à la vie 65et qu'elles devaient être
décidées par le juge des libertés et des
détentions(JLD).
Par la suite une loi du 18 mars 2003 est venue officialiser
cette jurisprudence.
Il se pose aussi la question des moyens qui permettent la
protection de ses droits. Ainsi l'avocat est très important dans ce
rôle en raison du manque de connaissances juridiques des prévenus.
On parle de l'omniprésence de l'avocat tout au long de la
procédure. C'est ainsi que la loi permis désormais que le
prévenu peut être assisté d'un avocat dès la
première heure de sa garde à vue. Pour mieux faire valoir les
droits de son client l'avocat doit être en relation avec le juge
d'instruction et Parquet. Par exemple, le juge d'instruction et le Parquet sont
tenus d'informer l'avocat des actes qui sont pris à l'encontre de son
client. L'avocat dispose même de la possibilité de demander tant
au juge d'instruction qu'au parquet la prise de mesures pour assurer la
protection des droits de son client.
Il doit y avoir une certaine communication, une certaine
information et une véritable réflexion commune entre le juge
d'instruction, le parquet et d'entamer une négociation lorsqu'il est
question de prendre des mesures attentatoires à la liberté du
prévenu. Un problème a récemment fait intervenir le
conseil constitutionnel en matière de droits de la défense. Il
s'agit de la question de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires.
66 les septièmes alinéas des articles 64-1 et 116-1 du
Code de procédure pénale sont censurés. Ces articles
excluaient, en principe, tout enregistrement audiovisuel des interrogatoires du
suspect lorsque celui-ci avait été placé en garde à
vue ou mis en examen du chef de l'un des crimes
65 privée (CC
16/07/1996),
66 Décision constitutionnelle
du 6 avril 2012
36
prévus par l'article 706-73 du code pénal que
sont la criminalité organisée, les atteintes aux
intérêts fondamentaux de la Nation ou le terrorisme.
L'enregistrement audiovisuel est un droit de la défense
relativement
récent. il a été
institué par la loi de 2007 sur le renforcement de l'équilibre de
la procédure pénale et permettait d'enregistrer les
interrogatoires des mineurs placés en garde à vue. Cette loi
avait été étendu aux majeurs mis en garde a vue ou mis en
examen dans des affaires criminels. L'objectif du législateur
était à la fois de limiter les contestations relatives à
l'authenticité des procès-verbaux d'interrogatoires et de
prévenir les éventuelles dérives policières. Ceci
au bénéfice des droits de la défense.
§2) L'observation des droits de la défense
L'une des premières mesures qui peuvent être
prononcées à l'encontre d'une personne soupçonnée
d'avoir commis une infraction est la garde à vue. on constate que ni le
juge d'instruction ni même aucun autre magistrat du siège
n'intervient à ce stade67. Les acteurs sont les officiers de
police judicaire et le procureur68Deux cadres d'enquête sont
possibles en principe: l'enquête préliminaire et l'enquête
de flagrance. Ainsi, une personne doit être informée de la nature
des infractions qui lui sont reprochées dés le début d'une
garde à vue à son encontre ainsi que de ses droits69.
Sous peine d'une nullité de la procédure, le gardé
à vue doit être mis au courant qu'il peut prévenir ou faire
prévenir « une personne avec laquelle elle vit habituellement ou
l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou
son employeur» de la mesure dont elle est l'objet.70Ce n'est
pas un droit absolu: le procureur peut s'y opposer. On peut se demander si
cette opposition ne porte pas atteinte aux droits de la défense en
raison du manque d'indépendance du parquet ? Un magistrat du
siège, par exemple le juge d'instruction ne devrait-il pas être
informé d'une telle décision?
Un autre droit important est celui de demander à
être examiné par un médecin 71 Là encore
ces décisions sont prises sans l'intervention d'un magistrat du
siège. On encore se demander si le juge d'instruction n'a pas un
rôle a joué à ce stade. Il y a ici un manque
d'interdépendance ente le juge d'intruction et le Parquet. Sans remettre
en question l'intégrité des personnes qui
67 Le juge des libertés et de la
détention ne devrait-t-il pas avoir un rôle à jouer au
stade de la garde à vue ?
68 .( art 63 cpp)
69 (art 63-1)
70 (art 63-2).
71 (art 63-3).
37
occupent la fonction de parquetier, ne serait-il pas plus
soucieux des droits des prévenus qu'un magistrat plus neutre intervienne
dans ce genre de décisions? Si on prend par exemple le droit à
l'assisatance d'un avocat72, on constate que le prevenu n'a droit
qu'à un entretien de 30 munutes. Cet entretien a une durée est
trop courte pour qu'un prevenu puisse enmagasiné la strategie que
l'avocat veut mettre en place sauf à le conseiller de se taire, ce qui
n'est pas forcemment la meilleure strategie en dans certaines affaires. Outre
un entretien tres court, on comprend que le gardé a vue n'a pas acces
continuellement à l'avocat. C'est pourquoi la presence d'un magistrat du
le chahutage de certains prevenus. Souvenons-nous de la phrase d'un film
célèbre sur la garde à vue73 : « Ne le
bousculez pas trop quand même », cette phrase avait
été prononçée par le commissaire divisionnaire
Jean-Claude Penchenat s'adressant à l'inspecteur Gallien (Lino Ventura)
pour évoquer le passage à tabac dont venait d'être victime
Jérôme Martinaud (Michel Serrault), notaire, gardé à
vue dans le cadre d'investigations portant sur le viol et l'assassinat de deux
fillettes. Cette fiction est-elle vraiment éloignée de la
réalité ? Peut-être faudrait-il garantir que cela ne puisse
pas se produire en rélité? Une solution serait alors de faire
intervenir un magistrat du siege lors de la garde à vue. Un magistrat
qui travaillerait en étroite collaboration avec le procureur et les
officiers de police judiciaire à l'image de ce qui se fait devant le
juge d'instruction. C'est dans ce sens que certains auteur ont posé la
question d'un cadre unique dans lequel l'enquête et l'intruction serait
confondus.74 Sans aller jusque là, on peut envisager la
presence du juge d'instruction uniquement en matiere de garde a vue pour
garantir les droits individuels. Ce débat est à rapprocher de la
question portée devant le cedh75. En effet, la Cour impose le
droit pour un prevenu d'être présenté à un magistrat
de l'autorité judiciaire et elle considere que le procureur
français ne repond à ces criteres.
Ces questions ne sont pas anodines. Les droits de la defense
doivent aussi être respectés lorsque le prévenu fait
l'objet d'une mise en examen. Ainsi le juge d'instruction peut informer une
personne par lettre recommandée qu'elle est convoquée, dans un
délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni
supérieur à deux mois, pour qu'il soit procédé
à sa première comparution. Cette lettre indique la date et
l'heure de la convocation. Elle donne connaissance à la personne de
chacun des faits dont ce magistrat est saisi et pour lesquels la mise en examen
est envisagée, tout en précisant leur qualification juridique.
Elle fait connaître à la
72 .( 63-3-1),
73 « gardé à vue » (1981)
74 Jérôme Bachou
75 dans les affaires moulin et medveyf
personne qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de
demander qu'il lui en soit désigné un d'office, ce choix ou cette
demande devant être adressé au greffe du juge d'instruction. Elle
précise que la mise en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue
de la première comparution de la personne devant le juge d'instruction.
76
Les droits des prevenus ne seraient-ils pas mieux garantis si
la presence d'un magistrat du siege était obligatoire des le debut d'une
enquete? A supposer que l'on attribue ce role au juge d'instruction, ne peut on
pas imaginer un juge d'instruction qui pourrait se saisir lui-même
d'office en cas de refus du rpocureur de poursuivre une affaire?
De son coté le mis en examen peut, sans
préjudice de son droit de demander l'annulation de la mise en examen
dans les six mois de sa première comparution, demander au juge
d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de
témoin assisté si elle estime que les conditions prévues
par les premier et troisième alinéas de l'article 80-1 ne sont
plus remplies. Ainsi le juge d'instruction statue sur cette demande
après avoir sollicité les réquisitions du ministère
public.77). Là encore on voit apparaitre
l'interdépendance du juge d'instruction et du Parquet
38
SOUS SECTION 2: LE CONTROLE DES DEUX PROTAGONISTES ET DE LEURS
ACTES
§1) Un contrôle disciplinaire
Les textes sont clairs en la matière: « Tout
manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur,
à la délicatesse ou à la dignité, constitue une
faute disciplinaire. 78 Ainsi
76 (80-2 cpp)
77 (Article 80-1-1
78 Article 43 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 modifiée par loi organique n° 2010-830 du 22
juillet 2010
39
la violation grave et délibérée par un
magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie
essentielle des droits des parties constitue un manquement aux devoirs de son
État à condition que cette violation soit constatée par
une décision de justice devenue définitive. Cette disposition
vaut aussi bien pour les magistrats du siège que du parquet. On voit
bien ici encore que même au niveau de leur sanction ces deux magistrats
sont liés statutairement.
Leur régime de sanction qui est identique. En effet,
pour le juge d'instruction comme pour le parquet les sanctions disciplinaires
peuvent aller du simple blâme avec inscription au dossier jusqu' la
révocation.79 En revanche, l'exercice du pouvoir
disciplinaire est différent. Il est exercé, à
l'égard des magistrats du siège par le Conseil supérieur
de la magistrature tandis qu'à l'égard des magistrats du parquet
ou du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice
c'est le garde des sceaux qui le met en oeuvre80.
Concrètement, le ministre de la justice peut proposer au csm de
sanctionner le magistrat du siège ensuite c'est le csm qui
décide. En sens inverse seul un avis du csm est demandé lorsque
le garde des sceaux enclenche la procédure de sanction disciplinaire
d'un magistrat du parquet. Généralement c'est avis est suivi par
le ministre de la justice.
Les choses ne sont pas si simples. Il y a une procédure
précise à suivre si l'on veut mettre en oeuvre une sanction
disciplinaire d'un magistrat du siège. Au début, le ministre de
la justice est soit saisi d'une plainte soit informé de faits paraissant
de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. Le texte ne
le précise pas mais la plainte peut provenir de tout justiciable. Cela
fait référence à une personne qui aurait eu à faire
à la justice et qui aurait subie des faits pouvant faire l'objet d'une
qualification disciplinaire.81 Ainsi le ministre de la justice peut,
s'il y a urgence et après consultation des chefs hiérarchiques,
proposer au Conseil supérieur de la magistrature d'interdire au
magistrat du siège faisant l'objet d'une enquête administrative ou
pénale l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision
définitive sur les poursuites disciplinaires82. On dit
à ce moment là que le Conseil supérieur de la magistrature
est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites
disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux83. Ensuite ce
sera le csm qui prononcera la sanction le cas échéant. S'agissant
de la mise en oeuvre de la sanction disciplinaire des magistrats du Parquet
c'est un peu différent. Ce n'est pas le csm qui prononce la sanction, il
ne donne qu'un avis simple c'est-à-dire un avis qui ne lie pas le garde
des sceaux. Généralement, le ministre de la justice suit cet
avis. Les deux procédures
79 Article 45 de la même ordonnance
80 Article 48 de la même ordonnance
81 Cette possibilité est offerte aux
justiciables depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008
82 Article 50 de la même ordonnance
83 Article 50-3 de la même ordonnance
40
présentent néanmoins des similitudes. Par
exemple le garde des sceaux peut lui aussi interdire au magistrat du parquet
faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale l'exercice
de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les
poursuites disciplinaires. Cette possibilité est prévue aussi
pour les magistrats du siège. C'est là encore une marque de
l'identité de régime de sanction disciplinaire du juge
d'instruction et du Parquet. En revanche ce sont les procureurs
généraux près les cours d'appel et les procureurs de la
République près les tribunaux supérieurs d'appel qui
peuvent, dès lors qu'ils sont informés de faits paraissant de
nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un
magistrat du parquet et s'il y a urgence, saisir la formation compétente
du csm pour obtenir leur avis sur le prononcé de cette interdiction par
le garde des sceaux. Ici aussi la dénonciation du comportement
indisciplinés des parquetiers peut provenir des justiciables par plainte
adressée au Ministre de la Justice. Le fait que les justiciables
eux-mêmes peuvent être à l'initiative d'une
éventuelle sanction disciplinaire tant du juge d'instruction que Parquet
est important pour l'équilibre de notre procédure pénale.
En effet, cette initiative est respectueuse des droits de la défense du
justiciable. Il a un droit supplémentaire contre les principaux acteurs
de la procédure pénale. Mais ce n'est pas suffisant.
Globalement on s'aperçoit que le csm joue un rôle
important dans la sanction disciplinaire des magistrats du siège et du
Parquet. Il faut savoir aussi que si le csm se réunit comme conseil de
discipline des magistrats du siège ces décisions sont alors
susceptibles d'un recours en cassation devant le Conseil d'État tandis
que si c'est le ministre de la justice qui prend des décisions
disciplinaires relatives aux magistrats du parquet, après avis de la
formation compétente du csm, ses décisions peuvent alors faire
l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Là encore on
s'aperçoit de l'importance du rôle du csm. Le csm est un
dénominateur commun au juge d'instruction et au Parquet quant à
leur sanction disciplinaire. Ce qui n'est pas rien car l'on sait qu'en pratique
l'avis du csm est généralement suivi par le ministre de la
Justice concernant la sanction disciplinaire du Parquet. Dès lors on
peut se demander pourquoi ne pas faire un régime unique de sanction des
magistrats du siège et du Parquet? Un régime unique serait plus
respectueux des droits de la défense. Les droits de la défense ne
sont pas seulement des droits processuels restreints à être
utilisés par le justiciable lors d'une procédure. Il s'agit aussi
pour le législateur de créer des institutions qui soient
démocratiques. C'est pourquoi certains ont pu proposer une
démocratisation du csm en intégrant des personnalités
qualifiées au sein de la composition des membres du csm notamment
lorsque ce
41
dernier siege en formation disciplinaire84. Cela
aurait le mérite de renforcer la confiance des citoyens dans
l'institution judiciaire. En effet, le csm actuel laisse persister des doutes
quant à une politisation de ces membres, ce qui n'est pas compatible
avec l'indépendance des magistrats.
§2) Un contrôle juridictionnel
A) un contrôle des actes judiciaires
Les droits de la défense c'est aussi la
possibilité de contester les actes pris par le juge d'instruction et le
Parquet. Les actes du juge d'instruction peuvent faire l'objet d'une
contestation devant la chambre de l'instruction. Tandis que la contestation des
actes du procureur se fait en principe en intentant un recours auprès
son supérieur hiérarchique c'est-à-dire le Procureur
général. La chambre de l'instruction est une formation de
jugement de la Cour d'appel. Elle se prononce essentiellement sur les appels
contre les décisions des juges d'instruction et des juges des
libertés et de la détention. Il est possible par exemple
d'annuler un acte pris par le juge d'instruction. Une telle annulation est plus
difficile concernant les actes du procureur. Par exemple si le procureur classe
une affaire sans suite. Il est possible de contester cet acte en saisissant le
procureur général qui est le supérieur hiérarchique
du Procureur de la République. Mais si celui-ci refuse la seule
possibilité sera de se constituer partie civile. C'est un moyen de
contourner la décision du Parquet mais ce n'est pas un véritable
recours contre l'acte. Ici c'est le manque d'interdépendance qui fait
débat. Il faudrait rendre le statut du juge d'instruction et du Parquet
plus interdépendant sur ce point. Ainsi certains auteurs ont
envisagé de soumettre les actes du Procureur de la République au
contrôle de la chambre de l'instruction. Ce qui serait là aussi un
coup d'arrêt de l'ingérence du Parquet dans la procédure
pénale. Mais dans un même temps cela contribuerait à
affaiblir les pouvoirs du Parquet. Et puis cela entrainerait
nécessairement la modification de la composition de la chambre de
l'instruction. En effet, un membre du Parquet siège à la chambre
de l'instruction. Sinon il y aurait une impartialité de ce dernier. Cela
étant, peut-on envisager une responsabilité civile du juge
d'instruction et du Parquet?
B) Le renforcement de la responsabilité des magistrats en
perspective
84 Rapport n° 387 (2007-2008) de M. Jean-Jacques
HYEST, fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 juin
2008
42
« La réflexion centrale que vous n'avez pas
menée assez loin est celle de la responsabilité du juge,
contrepartie du pouvoir exceptionnel que vous
détenez.»85 En effet, un magistrat a le pouvoir porter
atteinte à la liberté des individus, à leurs biens,
à leurs sentiments, à leur vie familiale, et même à
l'exercice de leur activité professionnelle. Ainsi les magistrats sont
susceptibles, par leur faute, de causer des préjudices matériels
et moraux aux justiciables. C'est pourquoi la question de leur
responsabilité civile pour faute personnelle se pose. Les textes
prévoient cette responsabilité.86 Mais les magistrats
ne répondent pas de leurs fautes personnelles face aux justiciables.
C'est par l'intermédiaire de l'État que cela se fait. Ainsi la
responsabilité civile des magistrats qui ont commis une faute
personnelle se rattachant au service public de la justice ne peut être
engagée que sur l'action récursoire de l'État. Finalement
c'est l'État qui supportera les fautes personnelles des magistrats.
C'est la responsabilité de l'Etat du fait des ses agents. C'est une
responsabilité objective de l'Etat pour disfonctionnement du service
public de la justice qui sera mis en jeu dans un premier temps. l'etat pourra
ensuite engager une action recursoire à l'encontre de l'agent. En effet,
le magistrat un fonctionnaire. Cette action récursoire doit être
exercée devant une chambre civile de la Cour de cassation. 87
Les magistrats du siege et du Parquet peuvent donc voir leur
responsabilité engagée dans les mêmes conditions. Là
encore une manifestation de l'interdépendance de leur statut (lato
sensu). Cette responsabilite des magistrats presente donc des limites, elle est
plutôt source d'un déséquilibre de notre système
procedural. En effet,
la responsabilité des magistrats participe d'une bonne
administration de la justice. Il faut savoir que la bonne adminstration de la
justice a été érigé en objectif à valeur
constitutionnelle. 88 Il en va de l'équilibre de notre
prcédure que d'avoir des magistrats vétitablement responsables de
leurs actes. Surtout que le juge d'instruction et le Procureur de la
République ne sont pas les magistrats les moins exposés.
Certaines affaires ont parfois entrainées de vives réactions de
la population et des médias89. Dans ces affaires le juge
d'intruction fût désigné comme le seul
bouc-émissaire. N'était-ce pas plutôt une
responsabilité commune du juge d'instruction et du Parquet qu'il aurait
fallu recherché. Peut-on imaginer n système dans lequel ces deux
magistrats seraient des coresponsables dans le cadre d'une procédure? En
dépit de nombreuses tentatives, les magistrats demeurent l'acteur social
dont la
85 Robert Badinter, Ministre de La Justice,
Congrès d'un syndicat de magistrats, 1981
86 Article 11-1 de l'ordonnance de 1958, op.cit.
87 Cf note 12
88 Décision du Conseil constitutionnel n°
2009-595 DC du 03 décembre 2009
89 Affaire d'Outreau et affaire Patrick Dils
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responsabilité personnelle ne peut pas être
engagée dans les conditions classiques. Cela protège les
personnes physiques qui exercent la fonction de magistrat et c'est
peut-être là tout l'équilibre de cette
spécificité.
Conclusion:
En définitive, il est permis d'affirmer qu'il existe
bien une interdépendance des statuts du juge d'instruction et du
Parquet. Cette interdépendance entre ces deux magistrats est observable
dans les statuts mêmes de ces magistrats mais innervent toute la
procédure pénale depuis son organisation jusqu'à la fin de
son déroulement. Tantôt cette interdépendance est
nécessaire, tantôt on pourrait dire que c'est un manque
d'interdépendance qui existe. Cela étant, C'est tout
l'équilibre de notre système procédural qui repose entre
les mains des ces deux organes. En définitive on pourrait même
affirmer que le juge d'instruction et le Parquet sont complémentaires
dans l'équilibre de la procédure pénale
française.
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