UNIVERSITÉ DE DSCHANG
THE UNIVERSITY OF DSCHANG
--------------
FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
FACULTY OF LETTRES AND SOCIAL SCIENCES
DÉPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE,
AMÉNAGEMENT - ENVIRONNEMENT
DEPARTMENT OF GEOGRAPHY AND ENVIRONMENTAL
MANAGEMENT
LA PRODUCTION DU VIVRIER MARCHAND DANS UN
SYSTÈME AGRAIRE EN MUTATION: LE CAS DU HARICOT DANS LE
DÉPARTEMENT DE LA MIFI
(OUEST - CAMEROUN)
Mémoire de D.E.A
Présenté par :
Basile TENE
Maîtrise en
Géographie
Sous la Direction de :
LAURIEN UWIZEYIMANA Université de
Toulouse-le- Mirail France
(c) Décembre 2000
2
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Il y a un peu plus de 20 ans, personne n'aurait prédit
les bouleversements de notre région et pour ce, le système
agraire ne souffrait d'aucune entorse, chaque type de culture s'adaptait bien
à son espace et jouait bien le rôle qui était
dévolu. Ainsi, le café et les arbres fruitiers étaient une
culture d'homme et les autres cultures étaient réservées
aux femmes.
Or, depuis peu, avec la mévente persistante du
café, une crise économique a embrasé toute la
région, remettant en cause certains équilibres socio-politiques.
Mais comme après tout il faut se nourrir, l'agriculture vivrière
prend de nouvelles options. Elle ne se limite plus à nourrir seulement
les producteurs ruraux, mais également les citadins qui achètent
de plus en plus à des prix rémunérateurs.
En campagne aujourd'hui, tous les vivriers produits sont
susceptibles d'être commercialisé sur les marchés urbains.
Contrairement au café, les vivriers offrent un double avantage
domestique et marchand et les paysans avisés ont d'une part introduit de
nouvelles cultures avec le maraîcher et d'autre part
développé les productions vivrières existantes. Cette
situation a attiré de nouveaux acteurs de la production et le haricot
commun, genre Phaseolus Vulgaris L. en est une illustration.
Comment et pourquoi la production du haricot s'est-elle
développée sur les hautes terres de l'Ouest et en particulier
dans la Mifi ? Nous plaçons ces questions dans le contexte de la crise
et des mutations globales. En s'interrogeant sur les perspectives à long
terme de la production vivrière et du haricot en particulier, notre
travail débouchera sur la nécessité d'une innovation
technique.
Notre démarche comportera à ce niveau de la
recherche, une définition de notre problématique et de notre
angle d'approche. Car, le haricot est de plus en plus sollicité sur
plusieurs fronts : alimentaires ; social et économique.
Chronologiquement, nous voulons comprendre les concepts qui sous tendent notre
réflexion à travers des définitions et une analyse
théorique. Nous complèterons la recherche documentaire par un
travail d'enquête sur le terrain dont nous précisons les
modalités.
3
A ce propos, nous bénéficions du fait que nous
habitons dans notre région d'étude, ce qui nous permet de faire
des descentes sur le terrain pour des observations et des conversations de
groupe sur notre thème d'étude.
Tout au long de ce travail, nous essayerons d'appliquer nos
réflexions sur la Mifi. C'est une région stratégique dans
les hautes terres de l'Ouest sur le plan administratif, politique et
économique. C'est un atout pour une diffusion de l'innovation. Nous
avons, dans ce sens, pris contact avec les autorités de la Mifi qui nous
ont fourni les premières informations pour constituer par exemple notre
base de sondage.
4
I - LA QUESTION DE DEPART
Les hautes terres de l'Ouest Cameroun sont habitées par
les populations Bamiléké, plus particulièrement dans la
province de l'Ouest où les activités agropastorales ont
occupé et préoccupent toujours les paysans. Au fil du temps la
pression démographique et la compétition foncière (FOTSING
J.M. 1986) ont entraîné un morcellement très poussé
des terres et par conséquent l'élevage (du gros bétail) en
a pris un sérieux coup d'une part et d'autre part l'introduction d'une
nouvelle culture (le café) a bouleversé de façon
significative et a monopolisé le système agraire pendant plus de
60 ans (1913 - 1980).
Avec la caféiculture, la région entre peu
à peu dans l'économie de marché et pour s'imposer, le
café a dû livrer une concurrence régionale farouche
à l'agriculture vivrière (DONGMO J.L. 1981).
A partir de 1985, la caféiculture commence à
péricliter, c'est le début de la fin du règne CAFE dans la
vie des populations. La crise, dans un effet d'entraînement
mécanique, n'a pas été seulement caféière,
mais aussi et surtout économique et sociale. Et tous ses aspects (ses
origines, ses manifestations et ses impacts à court et moyen termes) ont
été analysés dans une série de mémoires de
Maîtrise de géographie pour le compte de l'année
académique 1997 - 1999.
La démarche logique dans ce contexte et au
département de géographie de l'Université de Dschang
implique dans une seconde étape la recherche des réponses
à cette crise au regard des mutations en cours dans la région. En
d'autres termes, l'interrogation qui nous interpelle est la suivante :
`'Quelles activités peuvent-elles
résorber, ne serait-ce que partiellement, la crise ambiante dans la
région P `'
5
A cette question de départ, les réponses
divergent. Après plusieurs mois de réflexion, de travail sur le
terrain, nous avons constaté à la suite de KAFFO (1998) et
TATSABONG (1998) une intensification des activités agricoles
centrées sur les cultures traditionnelles à savoir le maïs,
la banane plantain, le haricot, la pomme de terre notamment, l'introduction et
le développement des fruits et du maraîchage ; c'est-à-dire
un passage progressif vers le vivrier marchand.
L'analyse des mutations agraires dans la région offre
plusieurs angles d'approche toutes aussi pertinentes les unes que les autres.
Pour notre part, nous avons pensé que le point de chute pourrait
être bien la production et la commercialisation du haricot commun. C'est
dans ce sillage que nous avons ainsi formulé notre sujet de recherche
:
`'Les enjeux de la production des vivriers
marchands dans un système agraire en mutation : le cas du haricot dans
le département de la Mifi (Ouest Cameroun)».
Cette formulation, quoique non définitive, nous
paraît pertinente en ce sens qu'elle coïncide avec les
nécessités du moment, en Afrique et au Cameroun dans un contexte
de crise généralisée.
6
II - DELIMITATION DU SUJET
Pour mieux cerner notre sujet, nous avons jugé utile de
le délimiter dans l'espace et dans le temps.
1 - DANS L'ESPACE.
Géographiquement, notre sujet d'étude couvre une
aire bien précise : le département de la Mifi
(actuel). Il est situé entre 5°25' et 5°35' de
latitude Nord et entre 10° 20' et 10°35' de longitude Est sur le
plateau Bamiléké, lui-même incrusté dans le vaste
ensemble des Hautes Terres de l'Ouest-Cameroun (TSALEFAC, 1999). En effet,
ladite région est limitée au Nord par le fleuve Noun,
frontière naturelle entre les plateaux Bamiléké et Bamoun,
sinon qu'ailleurs les limites de ce département sont plus
administratives que physique (Voir carte de localisation).
Ainsi au Sud, le département de la Mifi est
limité par le département des Hauts Plateaux (chef-lieu : Baham),
au Sud-Ouest par le département de la Menoua (chef-lieu : Dschang),
à l'Est par le département du Koung-Khi (chef-lieu : Bandjoun) et
à l'Ouest par le département des Bamboutos (chef-lieu :
Mbouda).
La création du département de l'actuel Mifi date
du Décret présidentiel N° 92/206 du 05 septembre 1992
portant réorganisation administrative du Cameroun. A la faveur de ce
décret, le département de la Mifi d'alors (grand Mifi) est
éclaté en trois départements : Koung-Khi, Hauts plateaux
et Mifi actuel. Son chef-lieu demeure Bafoussam.
2 - DANS LE TEMPS.
Notre sujet a comme point de départ, la déprise
caféière (1985) et les premières mutations agraires
(1990). Cette situation ouvre une ère nouvelle pour les paysanneries de
la région et nos travaux d'études vont couvrir toute la
décennie 90 (1990 - 2000). Cette période est
marquée par un temps fort : La dévaluation du franc CFA (Janvier
1994).
En revanche, la rareté des données sur le
haricot entre 1990 - 1995 (période de tensions socio-politiques et de
désordre administratif) nous a emmené à couvrir
statistiquement toute la décennie 80 afin de mieux appréhender
les mutations actuelles.
.
Le secteur agricole au Cameroun occupe près de 68% de
la population active, assure la sécurité alimentaire,
génère environ 1/3 des recettes en devises, 15% des ressources
budgétaire et participe pour 30% au PIB depuis
III - CHOIX ET INTERÊT DU SUJET
7
1993. (Politique Agricole du Cameroun, mars 1998). A
partir de là ; la place de l'agriculture dans l'économie
camerounaise n'est plus à démontrer.
Cependant cette agriculture traverse une double crise
fonctionnelle que certains (S. ARLAUD et M. PERIGORD, 1997) expliquent ainsi :
crise de surproduction des cultures de rente et crise de sous-production
alimentaire. Cette crise pourrait également s'expliquer par la chute
drastique des cours des matières premières agricoles à
l'exportation et les habitudes alimentaires extraverties.
Cette crise (conjoncturelle et/ou structurelle) a
déclenché des mutations agraires tous azimuts au Cameroun et
ailleurs dans le tiers monde. Dans ce contexte de bouleversements, il est
intéressant d'étudier les ajustements et les adaptations que les
paysanneries s'efforcent de mettre en place suivant leur propre logique.
Avec le désengagement de l'Etat des secteurs clé
de l'économie et la libéralisation dite `'sauvage», du fait
de la privatisation mal préparée qui a débouché sur
un bradage économique selon certains, on assiste à une
désorganisation des structures économiques. Tout ceci rend
très disparate les flux commerciaux des vivriers marchands que nous
tenterons d'analyser ici avec le cas du haricot.
A priori, cet angle d'approche des mutations agraires à
partir du haricot n'est pas très évident. Car en observant de
près la situation agricole, on se rend compte que le maïs est parmi
les céréales les plus répandues au monde et au Cameroun de
par son écologie très élastique à toutes les
latitudes et est le deuxième produit agricole de consommation courante
au monde après le riz. Au Cameroun, les hautes terres de l'Ouest avec
une production de 300.000 tonnes par an sont l'une des principales zones
maïscicoles (500.000 tonnes par an pour tout le Cameroun, AGROCOM, 1999).
Ses formes de consommation sont diverses et variées en Afrique de
l'Ouest (Bénin, Sénégal surtout) et en Amérique
centrale (BRICAS et SAUVINET, 1989).
Le haricot possède des valeurs intrinsèques
nettement supérieures aux autres cultures comme le maïs, la pomme
de terre entre autres ; c'est une légumineuse qui au niveau des racines
possède des nodules contenant des bactéries (Rhizobium) ayant la
capacité de prélever les 78% d'azote atmosphérique sous
forme de NO2, de la fixer et de la transformer en NO-3 ou
NH+4. Seules ces formes d'azotes nitrique et ammoniacal sont
consommables par la plante. Son cycle végétatif est court et
varie de 60 à 90 jours suivants les variétés, ce qui
permet de pratiquer plusieurs campagnes dans l'année (2 voire 3
campagnes de 3 mois).
Il bénéficie en cela des conditions
écologiques très favorables, avec un climat de montagne frais et
humide (9 mois de pluie), des températures basses (20°c) et des
sols volcaniques fertiles.
Outre ces atouts, le choix du haricot ne relève donc
pas du hasard dans la mesure où, c'est également une plante que
les paysans intègrent de plus en plus dans leur calendrier agricole ; ce
qui expliquent son omniprésence à chaque campagne agricole. C'est
donc une culture en pleine extension et qui inonde davantage les circuits
commerciaux à longue distance.
A cet égard, le haricot s'avère être une
des réponses aux nombreuses difficultés auxquelles les
populations font face de façon récurrente. Ainsi, le haricot
fournit à l'homme une double alimentation qualitative et quantitative,
pour ses feuilles comme légumes et ses graines qui ont une haute valeur
nutritive en protéine végétale. Ne dit-on pas que c'est
`'la viande des pauvres». Et avec le haricot, l'allogamie est
très réduite, ce qui permet d'assurer aux paysans la production
prolongée de ses propres semences (CIAT 1996).
Tableau 1 : Teneur en protéine des
graines de quelques céréales
et légumineuses.
CÉRÉALES
|
PROTÉINES
%
|
- Blé
|
12,3
|
- Riz
|
8,3
|
- Orge
|
8,6
|
- Maïs
|
8,9
|
- Seigle
|
12,1
|
- Avoine
|
11,0
|
- Sorgho
|
11,0
|
- Millet
|
10,0
|
LÉGUMINEUSES
|
PROTÉINES
%
|
- Haricot sec
|
22,3
|
- Fèves
|
25,1
|
- Pois
|
24,1
|
- Pois chiche
|
24,0
|
- Niébé
|
24
|
- Pois cajan
|
25
|
- Lentille
|
28
|
- Soja
|
38
|
8
Source : Debouck (1989)
9
Il serait intéressant d'étudier cette plante
dans une région où les intrants agricoles (engrais chimiques
surtout) sont presque hors de prix pour les paysans et où la pression
sur les sols réduit de plus les possibilités d'élevage des
animaux de pâturage. Ce d'autant plus que la consommation de viande
n'entre pas dans les moeurs.
Un autre fait et non des moindres est qu'il y a moins d'une
décade, le haricot ne figurait pas parmi les cultures vivrières
de premier ordre à savoir, le maïs, l'arachide, les tubercules et
la banane plantain. Or depuis peu, il prend de l'ascendance dans cette
hiérarchie et possède des arguments économiques non
négligeables ; sa valeur marchande est élevée et
supérieure aux autres vivriers marchands pris individuellement. A la
lecture du journal `'La Voix du Paysan» n°
92 de septembre 1999, était porté en grand titre : « Le
haricot : une denrée qui se vend bien » et en page 9 du
même journal un tableau intitulé « Prix de denrées
sur nos marchés », met le haricot dans une position bien
enviable.
Tableau 2 : Prix de denrées sur nos
marchés
SPÉCULATIONS
|
UNITÉ
|
YDÉ
|
B'TOA
|
D'LA
|
B'FSSM
|
N'SAMB
|
B'MNDA
|
MB'UDA
|
F'MBOT
|
N'DERE
|
Arachide
|
Seau 15 l
|
7000
|
9000
|
7800
|
8500
|
12000
|
8500
|
8300
|
8500
|
7000
|
Maïs
|
Seau 15 l
|
4000
|
5000
|
3500
|
1600
|
2700
|
1700
|
1600
|
1500
|
1800
|
Haricot rouge
|
Seau 15 l
|
7000
|
7800
|
7000
|
6000
|
6000
|
6000
|
6000
|
5500
|
8000
|
Concombre
|
Seau 15 l
|
5000
|
6500
|
4900
|
7500
|
6000
|
7500
|
7500
|
7500
|
6000
|
Gari
|
Seau 15 l
|
3200
|
3000
|
3900
|
2000
|
3000
|
1300
|
1600
|
1700
|
4000
|
Manioc
|
Cuve 30 l
|
3400
|
2000
|
3600
|
3000
|
3000
|
3000
|
3000
|
2800
|
3000
|
Pomme ter
|
Seau 15 l
|
3800
|
4000
|
4000
|
1500
|
1800
|
1400
|
1400
|
|
3500
|
Patate
|
Seau 15 l
|
3000
|
|
3000
|
1300
|
1500
|
900
|
1000
|
900
|
1000
|
Macabo
|
Seau 15 l
|
3000
|
1800
|
2700
|
|
2000
|
1200
|
1300
|
1100
|
1400
|
Plantain
|
Seau 15 l
|
2000
|
700
|
2800
|
800
|
|
900
|
800
|
700
|
1400
|
Huile palm
|
Litre
|
500
|
650
|
550
|
500
|
500
|
500
|
550
|
550
|
650
|
Boeufs
|
Kg
|
1200
|
1300
|
1400
|
1300
|
1200
|
1200
|
1300
|
1200
|
1000
|
Chèvres
|
Moyen
|
20000
|
10000
|
21000
|
16000
|
15000
|
15000
|
15000
|
14000
|
15000
|
Porcs
|
Moyen
|
23000
|
22000
|
20000
|
23000
|
16000
|
18000
|
|
|
20000
|
Poulets
|
Moyen
|
2000
|
2000
|
2000
|
2000
|
1800
|
2300
|
2200
|
2300
|
2000
|
OEufs
|
Alvéole
|
1800
|
1800
|
1700
|
1300
|
1500
|
1700
|
1300
|
1300
|
1500
|
Source : La Voix du Paysan n° 92 de septembre
1999
Tout ceci ne peut que susciter notre intérêt et
le journal sus cité de poursuivre : `'... De nos jours, il (le
haricot) est trop demandé sur les marchés intérieur et
extérieur. Actuellement sur le marché de Yaoundé, le prix
du sac avoisine 45.000 Fcfa et les pays voisins ne cessent d'en
demander».
10
L'urbanisation croissante (35%) à laquelle on assiste
au Cameroun constitue un facteur déterminant de l'évolution des
styles alimentaires. Ainsi, le haricot n'est pas seulement une denrée de
consommation courante et de soudure en milieu rural, mais aussi en milieu
urbain, où il entre dans la composition de plusieurs plats comme
complément alimentaire (sandwich).
Il est, de plus en plus présent dans les
différentes prises de repas (petit déjeuner, déjeuner et
souper). Ceci s'explique par le fait qu'au cours de la décennie 90, il y
a eu la double réduction des salaires (70%) des fonctionnaires de l'Etat
en 1993 et 1994, la dévaluation du Fcfa et surtout l'instauration de la
journée continue (7H 30 - 15H 30) en 1993. Aussi, les populations
urbaines ont été emmenées à prendre les repas
individuellement hors du cadre familial, grâce au développement de
l'alimentation de rue et des produits de grignotage dans les gargotes
omniprésentes autour des services publics, des cantines, des
établissements scolaires et dans les restaurants. La commercialisation
du haricot est devenue très flexible et les prix s'adaptent à
toutes les bourses (à partir de 25 Fcfa).
En plus de cette demande nationale croissante, le haricot
connaît également une demande extérieure sous
régionale en hausse. Car, aux destinations traditionnelles que sont le
Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo - Brazzaville, s'y sont
ajoutées la République Centrafricaine, la République
Démocratique du Congo (RDC) et l'Angola.
Et pour cause, la région des grands lacs, grande
productrice et consommatrice de haricot, est devenue depuis 1994 une
véritable poudrière, ce qui a largement affecté la
production. Désormais, les hautes terres de l'Ouest Cameroun sont la
région la plus courte pour leur approvisionnement en haricot sec. Son
potentiel d'exportation selon AGROCOM en 1999 se situe autour de 6 à
10.000 tonnes l'an, alors que le maïs n'est exporté que de 3
à 4000 tonnes l'an.
Contrairement aux idées largement admises, le maïs
est loin d'être un concurrent du haricot dans la course comme principale
source de devise en milieu rural Bamiléké.
11
En revanche, la pomme de terre est à prendre au
sérieux car, elle possède sinon autant d'atouts que le haricot.
D'ailleurs une structure d'encadrement des producteurs, financée par
l'Union Européenne, est installée à Dschang depuis Mai
1999.
Tableau 3 : Fréquences du haricot par
département dans
les exploitations paysannes de la province de l'Ouest.
DÉPARTEMENTS
|
PREMIER CYCLE
|
SECOND CYCLE
|
- Bamboutos
|
37,5%
|
75,7%
|
- Noun
|
2,5%
|
64,4%
|
- Menoua
|
49,8%
|
67,1%
|
- Mifi (grand)
|
26,8%
|
85,1%
|
- Ndé + Haut-Nkam
|
35,9%
|
75%
|
Source : Tatchago 1999
Le département de la Mifi, avec Bafoussam comme le
Chef-lieu de département et de la province de l'Ouest, est le principal
carrefour et point d'échange dans la région des hautes terres. Il
est ainsi difficile de l'éluder dans les travaux de recherche sur la
région.
C'est également, le département le plus
densément peuplé de la province de l'Ouest avec 503 habitants au
km2 (Cf. tableau).
Tableau 4 : Répartition des populations
par département dans
la province de l'Ouest.
DÉPARTEMENT
|
CHEF-LIEU
|
SUPERFICIE KM2
|
HABITANTS
|
DENSITÉ
|
- Bamboutos
|
Mbouda
|
1.170
|
215.523
|
184,2
|
- Haut-Nkam
|
Bafang
|
960
|
137.389
|
143,1
|
- Hauts-plateaux
|
Baham
|
415
|
79.369
|
191,25
|
- Koung-Khi
|
Bandjoun
|
353
|
76.391
|
216,4
|
- Menoua
|
Dschang
|
1.380
|
251.626
|
182,3
|
- Mifi
|
Bafoussam
|
402
|
202.193
|
503
|
- Ndé
|
Bangangté
|
1.520
|
83.588
|
54,9
|
- Noun
|
Foumban
|
7.690
|
293.725
|
38,1
|
Source : KENGNE F. (1997)
La croissance urbaine de Bafoussam est également forte
et ce depuis sa création en 1925.
Figure 1 : Evolution quantitative de la population de
Bafoussam
118646
91266
Années
1987 2000
12
140000
120000
100000
80000
60000
40000
20000
0
11000
22400
51000
62239
72500
1958
1963
1970
1976 1982
Source : PUD de Bafoussam, SCET Cameroun, Nov.
1982
13
IV - OBJECTIFS
Le terme de ce travail vise des objectifs globaux et
spécifiques précis.
D'une manière générale, nos recherches
s'inscrivent dans l'une des préoccupations de la géographie
rurale en ce sens qu'elles ont matière à réflexion avec
les crises aiguës de l'agriculture et les bouleversements notoires
consécutifs à celles-ci dans toutes les campagnes du Cameroun.
Nous comptons ainsi contribuer à une meilleure connaissance
géographique et à la spatialisation des effets de cette crise
rurale sur le plateau Bamiléké.
Nous comptons par le présent travail, contribuer
à trouver une solution envisageable aux problèmes
récurrents de mal nutrition et/ou de sous alimentation de la population
sur place et celle de sa diaspora qui garde les mêmes habitudes
alimentaires. Il s'agit d'analyser les processus de production traditionnelle
des vivriers marchands dont le haricot et de tirer de cet exemple les
leçons d'une possible innovation technique dans un contexte de
déficit alimentaire et nutritionnel importants, au moment où les
devises se font très rares.
Dans le souci de démonter les mécanismes de
production, nous tenterons d'identifier les limites et les contraintes de la
production et quelques entraves à la filière haricot sec. Car le
haricot est un produit traditionnel des hautes terres de l'Ouest Cameroun et sa
consommation dans les centres urbains tend à accroître la demande
et à s'intégrer dans les styles alimentaires des autres peuples.
Des filières s'organisent pour l'acheminer des zones de production vers
les centres urbains de consommation national et sous-régional. Comment
dans ce contexte appuyer l'action des producteurs pour qu'ils produisent plus,
`'impriment leur label» sur le haricot, le vendent mieux et
améliorent leur condition de vie ?
Par ailleurs, notre travail se situe en droite ligne de la
« NOUVELLE POLITIQUE AGRICOLE DU CAMEROUN » (Yaoundé, mars
1998). Le ministère de l'agriculture a mis sur pied le Programme de
Diversification et des Exportations Agricoles (PDEA) qui
bénéficie de l'appui financier de l'ACDI (Agence Canadienne pour
la Coopération et le Développement) et la collaboration d'AGROCOM
(Agriculture - Agro-industrie - Communication).
14
C'est une association interprofessionnelle à vocation
nationale créée en 1994 et reconnue d'utilité publique par
le gouvernement camerounais en 1995.
Les objectifs du PDEA/AGROCOM prévoit : l'organisation
des produits agricoles par secteur d'activité, l'appui des
filières prioritaires, la promotion, la diffusion des informations
techniques et commerciales, la recherche des marchés et la
défense des intérêts des membres. Tout ceci en tenant
compte de la distinction rigoureuse entre les filières prioritaires
(ananas, oignon, pomme de terre, banane-plantain, manioc et haricot secs et
verts, et les filières prometteuses (fleurs coupées, gommes
arabique, miel, légumes, épices fraîches ou
transformées.
Le haricot sec figure dans les filières prioritaires,
mais son programme d'appui et les cellules d'exécution n'ont pas encore
pris corps, car seuls les quatre premiers produits en ont
bénéficié. Par notre étude, nous comptons anticiper
sur ce projet et contribuer ainsi au développement de ce secteur.
Bref, il s'agira désormais pour nous, de cultiver le
haricot non seulement pour bien se nourrir, mais aussi pour obtenir de
l'argent.
15
V - ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA QUESTION
La première étape de la recherche
bibliographique s'est appuyée sur les méthodes couramment
utilisées :
- La méthode de la remontée des filières
bibliographiques
- La méthode de la recherche systématique
Nous n'allons pas ici énumérer de manière
exhaustive toute la documentation que nous avons consultée, mais nous
sélectionnerons ceux des ouvrages qui nous aurons marqué de par
la pertinence de leurs analyses et de leur utilité par rapport à
notre sujet de recherche.
A - LA MÉTHODE DE LA REMONTÉE DES
FILIÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Cette première méthode consiste à
repérer les travaux de recherches les plus récents sur la
question et d'étudier les sources bibliographiques et les auteurs
cités.
Pour corroborer cette approche, le travail le plus
récent jusqu'à présent que nous avons retrouvé est
un mémoire de DEA en géographie1. Ce travail met en
exergue les concepts d'innovation et de
changement social au regard de l'introduction du
niébé dans le Kwango, ce qui nous sera très utile d'une
part et d'autre part, il nous fournit une source bibliographique pointue et
récente.
Dans le même ordre d'idée, nous avons lu les
travaux de EVERETT ROGERS2 et de THÉRÈSE
SAINT-JULIEN3 ce qui nous a permis de mieux appréhender les
concepts sus cités et de définir notre angle d'approche. Un autre
travail récent est un Master's en science de gestion de
l'eau4 qui présente le haricot sous ses différents
aspects écologique et alimentaire. Le plus intéressant pour nous,
c'est l'étude de l'influence du climat, particulièrement les
précipitations sur la production du haricot commun sur les hauts
plateaux de l'Ouest Cameroun.
1 ISANGU Mwana-Mfumu, s.j., 2000, Innovations et
changement social : Cas de l'introduction du Niébé (Vigna
unguiculata) au Kwango (Rép. Démo. Congo), Mémoire de
DEA, Toulouse, p. 139.
2 EVERETT ROGERs, 1983, Diffusion of Innovation,
3ème Ed., New York, The free Press, p.
3 Saint Julien T., 1985, La diffusion spatiale de
l'innovation, Montpellier, Gip Reclus, 38 p.
4 TATCHAGO V., 1999, La gestion de l'eau de pluie et la
productivité du haricot commun dans les hauts plateaux de l'Ouest
Cameroun, Thèse de Msc en gestion de l'eau, FASA, Université
de Dschang, p
16
A partir de ces travaux, nous avons ratissé la
documentation existante (voir bibliographie) et il nous est par exemple
signalé les auteurs VIGEZZI MICHEL5 et KRIMI A6
que nous devons lire absolument pendant la préparation de la
thèse.
B - LA MÉTHODE DE LA RECHERCHE
SYSTÉMATIQUE
La seconde démarche portant sur la recherche
systématique des fichiers, consiste à consulter les fichiers des
bibliothèques et autres centres de documentation à partir des
mots clés contenus dans les thèmes de recherche dont les
principaux sont :
- Crise
- Mutation
- Culture vivrière / commerciale / de rente
- Culture maraîchère
- Vivrier marchand
- Innovation.
Ces mots, de connotations fort diverses, sont d'une
actualité géographique débordante, consécutives aux
bouleversements agricoles dans le tiers-monde depuis plus d'une décennie
environ. Cette situation a alimenté et alimente encore une
littérature abondante.
Ainsi existe-t-il :
1 - DES OUVRAGES GÉNÉRAUX
Ces livres présentent sous un éclairage nouveau,
l'agriculture dans le monde. A cet égard ARLAUD S.7, sous un
titre révélateur, retrace les multiples problématiques
posées par l'analyse des crises et des mutations (bien définies
du reste) des agricultures et des espaces ruraux dans le monde à travers
11 chapitres dans lesquelles les exemples de l'Afrique subsaharienne nous
serons utiles.
5 VIGEZZI M., 1993, `'Crises et innovations: la perte de
cohérence économique comme facteur de nouveauté» In
CNRS, Innovation et société, Colloque international,
Ermopres et CNRS, p. 1 - 6.
6 KRIMI A., 1993, Le processus de la prise de
décision des agriculteurs face à l'innovation : Cas de la culture
du haricot, Mémoire inédit DEA essor, Toulouse.
7 ARLAUD S. et PERIGORD M. (1997) : Dynamique des
agricultures et des campagnes dans le monde, Ophrys, Paris, p.
17
Au niveau du Cameroun, sous la direction de Georges
COURADE8, deux ouvrages analysent et ouvrent le débat sur la
crise et les ajustements socio-économiques.
2 - DES OUVRAGES SPÉCIFIQUES
? A NOTRE THÈME D'ÉTUDE
DONGMO J.L.9 a, dans le cadre du CEGET, fait la
typologie des denrées alimentaires et décrit les principaux
circuits de commercialisation des zones de production (provinces de l'Ouest)
vers les centres urbains de consommation que sont nos métropoles Douala
et Yaoundé. Les principaux acteurs y sont également
présentés.
Plus tard, ce même auteur10 publie un autre
document tout aussi important que le premier dans lequel il s'attache aux
différents aspects de la consommation et aux zones d'approvisionnement
de Yaoundé. Il étudie les circuits de commercialisation et la
formation des prix et élargit le champ des observations aux effets de la
croissance du marché de consommation urbain.
Ces travaux mettent en lumière la situation alimentaire
dans les zones de production et de consommation ; situation qui nous permet
d'analyser la période ayant précédé la crise
socio-politique et économique et les mutations qui en ont suivi. Et
à ce moment, l'on se rend compte que la commercialisation des produits
vivriers n'avait l'envergure qu'elle a aujourd'hui, ce d'autant plus que les
importations alimentaires à faible coût de revient menaçait
la production agricole nationale. L'Etat encourageait cette situation par sa
politique de subvention des denrées dites de première
nécessité comme la farine de blé.
8 COURADE G., (dir) 1994, Le village camerounais à
l'heure de l'ajustement, Ed. Karthala, Paris, 410 p.
- COURADE G., (dir) 2000, Le désarroi camerounais,
l'épreuve de l'économie monde, Ed. Karthala, Paris, 283
p.
9 DONGMO J.L. (1976) : `'Production et commercialisation des
denrées alimentaires à destination des villes dans la province de
l'Ouest au Cameroun», IN Recherches sur l'approvisionnement des villes
tropicales, CNRS, Paris, pp 41-79.
10 DONGMO J.L. (1990) : L'approvisionnement alimentaire de
Yaoundé, Faculté des Lettres et Sciences Humanes,
Université de Yaoundé, Yaoundé, 228 p.
18
Dans le même sillage et plus récemment, HATCHEU
E.11 entreprend une étude similaire dans les relations ville
/ campagne orientée sur Douala et les hautes terres de l'Ouest.
Pour ces deux auteurs, l'explosion démographique et la
croissance urbaine sont plus que tout autre facteur les principaux catalyseurs
de l'engouement pour la production vivrière. La comparaison de ces deux
périodes (avant 1990 et fin décennie 90) permet d'évaluer
l'ampleur de la crise et de donner une idée sur les changements
opérés.
Les travaux de CHALEARD J.L.12 nous ont
également marqués. Car c'est de lui que nous emprunterons le
terme de `'vivrier marchand» et surtout cela
nous permet de comprendre comment cette activité se déroule
ailleurs en Afrique (Côte d'Ivoire).
Les auteurs BRICAS13, et JOSÉ
MUCHNIK14 ont fait chacun des recueils des travaux des chercheurs
qui traitent des thèmes qui nous sont chers : techniques et
innovations, mutation et avenir des paysans entre autres. Tous ces
thèmes ont été axés notamment sur la valorisation
par de formes nouvelles de consommation et de préparation dans le pays
de l`Afrique de l'Ouest et d'Amérique, des produits alimentaires
traditionnels dans un contexte d'économie urbaine mondialisé.
Nous avons pu, à partir du maïs
réfléchir comment le haricot pourrait également être
valorisé ; les innovations techniques et les nouvelles formes du
produit.
11 HATCHEU E. (2000) : Logique et pratiques des acteurs dans
les relations villes
campagnes: l'exemple des commerçants et des
transporteurs dans l'approvisionnement vivriers et la distribution alimentaire
à Douala au Cameroun, Communication. Saint-Louis
Sénégal
12 CHALEARD J.L. (1996) : Temps des villes, temps des
vivres : les vivriers marchands en Côte d'Ivoire, Paris, 661p.
13 BRICAS N. et SAUVINET R., 1989, `'La
diversification de la consommation: une tendance de l'évolution du
styles alimentaire au sahel», In Les espaces céréaliers
régionaux en Afrique de l'Ouest, Paris, CILS, 25 p.
- BRICAS N., 1992, La valorisation des produits vivriers
dans les pays d'Afrique humide et sub humide; situation et perspectives pour la
recherche, CIRAD-SPAAR, Montpellier, 39 p.
14 MUCHNIK JOSE, 1993, Alimentation, technique et
innovations dans les régions tropicales, Paris, Harmattan, 555
p.
19
A ceux-ci, il faut ajouter que nous avons déjà
travaillé sur les mutations15 paysannes à Nkondjock
où l'Etat, qui avait mis en place une opération de colonisation
agricole pour décongestionner l'Ouest Cameroun caractérisé
par de fortes densités humaines, a subitement abandonné les
pionniers sans lendemain après plus de 25 ans de tutelle. Le
problème de l'après libéralisation se posait
déjà.
? A NOTRE RÉGION D'ÉTUDE
Les hautes terres de l'Ouest Cameroun sont la région du
pays qui s'est la plus offerte et qui s'offre encore à la recherche
géographique. Berceau de la plupart de géographes
nationaux16, leurs travaux ont essentiellement porté sur la
région. Mais il est aussi à noter que la région
présente des particularités physiques qui ont fait l'objet de
plusieurs thèses d'Etat dont la plus récente17 qui
traite de l'agroclimatologie. C'est également un facteur d'attrait pour
des géographes étrangers18.
? A NOTRE CONTEXTE ACADÉMIQUE
Les premiers travaux de Maîtrise en géographie de
la Faculté des lettres et sciences humaines à l'Université
de Dschang, ont porté essentiellement sur le CAFE dans la région
de l'Ouest sous ses différents angles d'approche. Les recherches de
KENZO (1999) et de TATSABONG (1998) nous ont particulièrement
intéressés en ce sens que : pendant que le premier fait une
analyse pertinente des mutations agraires à Fongo-Tongo et les
orientations que les paysans se sont eux-mêmes donnée, le second a
fait une analyse chiffrée de la dynamique des vivriers et partant, du
haricot dans la chefferie Batcham.
15 TENE Basile (1991) : Mutations et devenir des paysanneries
de l'Opération Yabassi-Bafang, Mémoire de Maîtrise de
Géographie, FLSH, Université de Yaoundé, Yaoundé,
120 p.
16 FOTSING J.M. (1986) : La dynamique du foncier en pays
Bamiléké, Thèse de 3ème Cycle,
Université de Yaoundé, Yaoundé.
17 TSALEFAC M. (1999) : Variabilité climatique,
crise économique et dynamique des milieux agraires sur les hautes terres
de l'Ouest Cameroun, Thèse d'Etat, Université de
Yaoundé I, Yaoundé.
18 JANIN Pierre, (1996), `'Tout change pour que tout reste
pareil». Rupture et continuités en économie de plantation
Bamiléké et Béti (Cameroun) en période de
crise, Cahiers des sciences humaines, Vol. 32, n°3, p. 577 - 596.
MORIN S., (1994) : `'Le café dans l'Ouest-Cameroun, de la
culture de rente au révélateur de la crise sociale» In Tulet
J.Ch., Charlery, B. et als (dir), Paysanneries du café des hautes
terres tropicales, Paris, Karthala, p. 193 - 223.
20
VI- APPROCHE CRITIQUE DE LA BIBLIOGRAPHIE ET
CONTRIBUTION AU DEBAT ACTUEL.
Pour élaborer la revue de la littérature sur la
question, nous avons
consulté plusieurs sources bibliographiques et il en reste
encore. Nous avons
visité entre autres bibliothèques et centres de
documentation celles de :
- l'université de Dschang,
- la faculté des lettres et sciences humaines
- l'IRAD de Dschang
- le département de géographie à
l'université de Yaoundé I
- l'institut de recherche pour le développement (IRD)
ex-ORSTOM
- l'observatoire pour le changement et l'innovation sociale au
Cameroun (OCISCA) et
- des personnes ressources.
La documentation obtenue jusque-là nous a permis
après lecture de jeter un regard critique sur celle-ci et il en ressort
que:
- Les travaux de géographie qui effleurent la question
portent plus sur les cultures vivrières dans leur globalité dans
notre région. Or, dans la classification des cultures vivrières
traditionnelles, le haricot n'occupe pas une place de choix, le contexte ayant
beaucoup évolué aujourd'hui, d'une part et d'autre part ces
travaux de recherche sont relativement anciens (10 ans au moins pour les
données chiffrées).
- L'étude du haricot s'avère être la
chasse gardée des agronomes et c'est dans leur domaine que l'on trouve
une abondante littérature récente sur la plante au Cameroun
En entreprenant des travaux de recherche sur cette question et
dans ce domaine d'étude, nous aimerions préciser notre
contribution au champ des connaissances actuelles.
Cette contribution se situe à différents niveaux
correspondant à l'échelle critique. Ainsi, nous entendons par ce
travail engager des recherches spécifiques sur la production des
vivriers marchands en commençant par le haricot.
21
C'est un choix méthodologique pour nous que de partir
de la crise caféière pour montrer l'ampleur des
dégâts causés par le café, mais qui a servi de
déclencher de nombreuses mutations agraires que nous analyserons dont la
diversification des activités génératrices de revenu,
l'intensification des exploitations agricoles, l'ouverture à de
nouvelles techniques et de culture entre autres. Le développement des
vivriers marchands est une des conséquences directes, mais ils
dépendent davantage de la pression démographique qui a induit
l'explosion urbaine. C'est dans ce sillage que le haricot a
émergé.
Plus spécifiquement, il sera question d'analyser la
place et le développement des vivriers marchands et celle du haricot
notamment dans les mutations sociales et spatiales, tout ceci sous l'angle de
l'innovation dont on observe quelque peu une amorce.
Par ailleurs, nous contribuerons, par des enquêtes de
terrain à réactualiser les données statistiques
(déjà anciennes) Ainsi, le haricot ne sera plus
étudié sous le seul angle agronomique, mais également sous
ses aspects économiques et sociaux en abordant les aspects
post-productions, les aires réelles et/ou potentielles de consommation,
les circuits de commercialisation et les acteurs impliqués, ainsi que la
formation des prix entre autres.
22
VII - PROBLEMATIQUE
Le plateau Bamiléké est un vieux foyer
d'agriculture. Le foisonnement des cultures en a fait un des greniers du
Cameroun et de la sous-région d'Afrique centrale.
Introduite vers 1913, culture d'élite au départ
et pratiquée avec soins
dans les recoins les plus favorables pédologiquement,
la caféiculture et particulièrement la variété
arabica (tipica puis java), a marqué positivement hier et
négativement aujourd'hui la vie des populations de la région. La
libéralisation de sa culture autour des années
d'indépendance (décret de
1949 et promulgué en 1957) a permis une extension des
surfaces cultivées, à laquelle il faut également lier par
la suite, les cours élevés sur les marchés local et
mondial qui n'ont cessé de grimper.
Cette situation prépondérante, rythmée par
la caféiculture généralisée,
a eu des conséquences non seulement sur le plan
économique, mais également dans le domaine social. En ce sens que
considéré comme principale source de devise, le café
grâce à ses revenus, a largement contribué à relever
le niveau de vie des populations et à remodeler l'organisation sociale
des activités agricoles : les hommes s'occupant de la culture de rente
et reléguant les femmes au second rang avec les cultures
vivrières, nonobstant le nombre de bouches à nourrir en
croissance quasi exponentielle.
La situation économique mondiale se
détériorant davantage au
détriment des pays en voie de développement, on
assiste à une chute drastique des cours mondiaux des matières
premières agricoles à l'exportation. Dès 1985, c'est le
début de la fin du règne CAFE, qui a été jusque
là le pilier et le bouclier de l'économie rurale.
Consécutivement à cet effondrement des cours (de 475 Fcfa en 1989
à 250 Fcfa en 1990), la région est désormais
plongée dans une misère galopante qui par le même fait
ébranle les fondements même des structures socioculturelles
fortement monétaristes.
23
Il faut ajouter à ceci la dévaluation de la
monnaie locale19 en janvier 1994 ce qui compromet dangereusement la
productivité du fait de l'inflation généralisée (10
à 15%) et la surenchère des intrants agricoles et des aliments
importés. Tout ceci dans un contexte socio-politique tendu dans lequel
l'Etat non seulement n'assure plus le paiement régulier des salaires de
ses fonctionnaires, mais aussi réduit un nombre relativement important
de ses agents qui vont grossir le rang des chômeurs
(particulièrement ceux des diplômés de l'enseignement
supérieur), accélérant ainsi l'exode urbain ou la
migration de retour à la campagne (SOCPA J. 1994).
Au regard de ces conditions précaires, le devenir des
paysanneries se trouve de plus en plus hypothéqué au point
où il s'avère difficile de faire admettre à celles-ci des
solutions extérieures, surtout pas en provenance de l'administration
publique. Or, en l'absence de toute assistance extérieure, comment
sortir de l'impasse dans laquelle l'on est plongé depuis plus d'une
décennie ?
Faisant prévaloir leur propre logique, les paysans sont
condamnés à trouver des solutions de reéchange à
travers les cultures de substitution, comme palliatif au manque à gagner
du café. Dans ce sens, ils ont spontanément entrepris un
mouvement de restructuration du système agraire qui augure bien un
processus de mutations en cours dans la région : - La
sylviculture ou l'agro-foresterie focalisée sur la culture de
l'eucalyptus sur les marges et les zones incultes pour le bois de chauffe et/ou
de construction (KENZO 1999).
- La colonisation des terres marginales.
C'est la suite logique de l'accroissement démographique et de
la pression sur le sol qui se traduit par l'extension des aires de cultures au
détriment parfois des pâturages et des bois sacrés ou de
réserve.
Les exemples sont les réserves forestières de
Bamougoum près de l'aéroport de Bafoussam et du Lac Baleng qui
sont presque entièrement dévastées par les populations
riveraines.
19 La monnaie locale le Franc CFA (Fcfa) est passé de
50 Fcfa à 100 Fcfa pour de 1 Franc Français (1 FF)
24
- L'émergence et le développement du
maraîchage (19% des exploitations à Bafou). C'est une
culture prisée des bas-fonds dont l'extension ne peut se faire que par
la conquête des vallées raphiales aujourd'hui en net recul.
- L'engouement pour la production des vivriers
marchands, stimulé par une main d'oeuvre jeune et abondante en
milieu rural et par une consommation urbaine toujours en hausse et à des
prix de plus en plus intéressants.
Ces deux derniers cas nous intéressent au plus haut
point car, l'on constate que les cultures de rente sont en train d'être
supplantées progressivement mais sûrement par les cultures
vivrières et maraîchères. Avec la chute de la production
caféière de près de 80% à Fongo-Tongo, les
indicateurs susmentionnés prouvent encore s'il en était besoin,
que le café est en voie d'éradication du paysage agraire du
plateau Bamiléké. A Bafou, le café participe seulement
pour 17% des revenus agricoles et 8% des revenus totaux, contribution
insuffisante à structurer les ressources monétaires des paysans
(OCISCA, n° 3, 1993).
En revanche, l'importance des cultures vivrières n'a
cessé de croître même sous l'ombrage économique du
café, dans leur rivalité comme pourvoyeuses de devises et de
soutien à l'économie régionale (DONGMO J.L. 1973).
Plusieurs facteurs ont expliqué hier comme aujourd'hui
encore, cette tendance renforcée: la pression démographique
entraîne non seulement l'explosion des villes, mais développe une
consommation urbaine et une demande élastique toujours plus forte. Ainsi
au Cameroun, on note une augmentation rapide de la population urbaine avec les
capitales provinciales comme principales pôles de croissance urbaine y
compris Bafoussam qui compte avec 4 autres villes plus de 200.000 habitants
hormis Douala et Yaoundé qui sont dans l'ordre du million
d'habitants.
25
Dans la province de l'Ouest le schéma est identique;
des 6 villes administratives chefs-lieux de départements en 1990 on est
passé à 8 villes (en plus de Bandjoun et de Baham) auquel il faut
ajouter la création de l'Université de Dschang en 1993 avec les
instituts universitaires rattachés à Foumban et à
Bandjoun, facteur d'attrait des populations d'ailleurs de plus en plus
demanderesse des produits alimentaires. C'est dans ce sillage que les cultures
maraîchères ont fait leur entrée dans le système
d'exploitation agricole et que les cultures vivrières dont le haricot
connaissent une Ascension fulgurante.
Avec cette montée de l'urbanisation, il est
inévitable qu'un commerce s'organise pour ces produits qu'il faut
transporter des lieux de production jusqu'aux marchés de consommation.
Ce commerce gagne au fur et à mesure en importance, ce d'autant plus
qu'il entre en concurrence avec le grand négoce international,
fournisseur sur les marchés locaux des produits plus
élaborés des firmes agroalimentaires multinationales.
Désormais la constitution d'un marché intérieur sûr
se met progressivement en place avec un réseau urbain plus dense et
mieux étoffé. Le prix des denrées alimentaires
s'améliorant sans cesse et stimulant la production, les femmes voient
leur pouvoir d'achat s'accroître, leur garantissant en même temps
une certaine autonomie financière vis-à-vis des hommes. La place
des cultures vivrières dans la sphère monétaire a
fortement progressé. Ces dernières représentent 26% des
recettes agricoles contre 20% entre 1991 - 1993 (OCISCA, 1994). En plus de
procurer de l'argent aux paysans, les vivriers offrent également la
possibilité d'être consommé par les producteurs
eux-mêmes, ce qui leur confèrent une plus grande souplesse
d'utilisation.
Les hommes ne pouvant plus se contenter de leurs revenus en
café (< 10%) devenus insignifiants, vont-ils remettre en question la
répartition par sexe des activités agricoles ? Tel ne sera pas
notre propos ici, mais force est de constater que les paysans n'ont pas encore
trouvé le point d'ancrage, mieux encore, la plante (ou la culture) qui
leur servira dorénavant de locomotive de l'économie rurale comme
l'était jadis le café.
26
Sur le plan physique, les sécheresses successives
récentes des années 70 et 80 ont entraîné des
conséquences décisives sur la réorganisation spatiales des
structures agraires, avec le développement des superficies
cultivées en tubercules et autres cultures dans la région
(TSALEFAC, 1999).
L'interprétation des photographies aériennes
montre que de 1983 à 1990, 18% des caféières ont disparu
et parmi celles qui existent, 5% sont déjà
dégradées.
Dés lors avec ces nouveaux enjeux, des
difficultés majeures inhérentes
à cette percée commerciale des vivriers
marchands ressurgissent. Dans les atouts présentés plus haut, le
haricot, mieux que les autres cultures prises individuellement, se trouve en
pôle position en ce qu'il bénéficie des facteurs suivants
:
? Un calendrier agricole favorable.
La culture du haricot se fait depuis peu en deux campagnes
l'an. La grande campagne agricole en général de la mi-mars
à la mi-septembre et à partir du mois d'août,
période d'intense récolte, les fortes pluviométries
entraînent des pertes post-récoltes énormes comme le
maïs, parfois de l'ordre de 30% (NGWA CYPRIAN 1991). Au cours de cette
première campagne, le haricot est pratiqué en complantation avec
le maïs surtout. La deuxième campagne (mi-septembre -
mi-décembre) se fait en monoculture pure et se termine sur la saison
sèche. Ainsi récolté sec, les rendements sont importants,
de l'ordre de 1.625 Kg/ha contre 750 Kg/ha en première campagne et en
complantation. (Salez, 1985), les pertes post-récoltes sont
réduites (< 10%) et les graines sont d'une bonne qualité
marchande. Avec l'abandon progressif du café dont la récolte se
situait entre octobre et janvier, les femmes ne sont plus partagées dans
leur emploi de temps et peuvent désormais se consacrer à la
production maximale du haricot.
27
? Le conditionnement et le transport.
Les cultures vivrières et maraîchères sont
des denrées alimentaires fraîches essentiellement
périssables. La conservation est très délicate et les
moyens de conditionnement ne sont pas toujours adéquats. Vient s'y
ajouter l'évacuation (transport) très difficile des lieux de
production vers les centres de consommation (juillet - août - septembre)
sur des pistes saisonnières jonchées de bourbiers rendant aussi
les coûts de transport très élevés avec les pick-up
4 x 4.
Le haricot étant un produit agricole sec, pouvant
être conservé dans les sacs de jute pendant des semaines, voire
des mois, il ne se pose presque pas encore de problème de
conditionnement et surtout pas de transport en saison sèche par rapport
aux autres produits agricoles. C'est pourquoi le haricot produit dans la
région peut être vendu à plus de 1.000 Km comme au Tchad et
en Angola par exemple.
? Un marché de consommation local, national et
sous-régional en croissance.
Avec la multiplicité des interventions dans la
chaîne commerciale et faute de moyens sus cités (conditionnement
et transport), les producteurs en général vendent à vil
prix dès le champ, les denrées alimentaires qui vont transiter
par de nombreux intermédiaire (qui prélèvent d'importants
bénéfices) avant de faire parvenir aux consommateurs urbains qui
achètent au double voire au triple du prix d'achat ; c'est un cercle
vicieux.
Les consommateurs de haricot sont de plus en plus nombreux et
en tant qu'aliment de soudure, sa longue conservation lui assure une permanence
régulière sur le marché urbain et limite l'inflation
d'où des prix toujours en hausse et une hauteur valeur marchande non
contestée dans le pays et dans la sous-région.
28
Au regard de tous ces atouts et l'intérêt qu'on
lui porte, l'ascendance fulgurante du haricot dans la hiérarchie des
cultures vivrières et maraîchères ne pourrait plus
être une surprise. A ce titre, nous nous posons la question suivante :
`' Le haricot, culture essentiellement vivrière,
peut-il également être une source importante de revenu
pour les paysans, comme l'était jadis le café
P»
29
VIII - DEFINITION DES CONCEPTS ET DU
CADRE THEORIQUE D'ANALYSE
La production agricole dans nos pays et
particulièrement dans notre région d'étude connaît
une rivalité entre les cultures vivrières
destinées à la consommation paysanne et les
cultures de rente ou de rapport pratiquées pour l'exportation
comme source de devise.
Cependant cette confrontation bénéficie du parti
pris de l'Etat et pour cause, les décideurs politiques ont fait des
cultures d'exportation et de spéculation (café, cacao surtout)
une source importante de devise étrangère pour l'économie
nationale d'une part et d'autre part, ces mêmes pouvoirs publics ont
également choisi le camp des consommateurs urbains dans le bras de fer
qui les opposent aux producteurs ruraux à propos des prix des
denrées alimentaires. Tout ceci explique sans doute la quasi
suprématie des cultures de rente sur les cultures vivrières dont
les prix restent toujours bas pour éviter toute révolte urbaine
(HATCHEU, 2000).
Avant l'introduction de la caféiculture dans la
région Bamiléké, la production vivrière constituait
à côté de l'élevage et de l'artisanat, l'essentiel
des activités agricoles (DONGMO J.L. 1981). Avec l'expansion de la
caféiculture dans toute la région et à toutes les couches
sociales, les cultures vivrières pratiquées en complantation
connaissent un recul dans les activités paysannes. Cette
agriculture vivrière est ainsi réduite à
la consommation ou à l'autosubsistance pure et simple
c'est-à-dire pratiquée juste pour satisfaire les besoins
alimentaires de la famille. C'est à partir d'ici que la division par
sexe des tâches, apparaît clairement dans le calendrier des
activités agricoles ; les hommes s'occupant des cultures de rente
(café) et les femmes réduites à la production
vivrière pour nourrir tout le ménage.
Désormais, les vivriers sont pratiqués comme
culture d'appoint, c'est-à-dire que le surplus des
récoltes est régulièrement écoulé sur les
marchés locaux pour subvenir à d'autres besoins familiaux. Dans
les années 70 elle contribuait pour près de 17% dans les budgets
familiaux.
Or depuis peu, le café est entrain de péricliter
et la crise socio-économique qui en a suivi a plutôt permis une
recomposition du système agraire (ZAMBO MANGA, 1998). On note
également l'émergence de nouvelles cultures tel le
maraîchage, pour les besoins des consommateurs urbains et
30
le renforcement de la commercialisation des vivriers
d'où l'expression de vivriers marchands (CHALEARD J.C.
1995). Le maraîchage consiste en un jardinage minutieux des cultures des
vivres frais tels la tomate, le poivre, le poivron, le choux, la carotte, le
piment, les oignons et le persil qui sont les principaux. Avec le fort appel
urbain, non seulement le surplus, mais parfois toute la production
vivrière de la campagne fait également l'objet d'une
commercialisation sur les marchés ruraux et urbains. Mais à quel
prix ?
C'est dans ce sillage du développement de l'agriculture
vivrière marchande et de l'émergence des cultures
maraîchères que s'inscrit la production du haricot.
Nous ne pourrons davantage comprendre ceci que si on analyse
de près les conditions et mécanismes en amont de la
production.
Le système agraire fait appel aux
résultats de l'exploitation sur le paysage ; recherche davantage
l'influence du poids qu'exerce le passé sur le présent et ne perd
jamais de vu les ensembles agraires, c'est-à-dire les
aménagements spatiaux (formes des champs, clôtures) et temporels
(successions des cultures ou permanence des cultures sur un même champ)
dans leurs rapports avec les techniques et avec des liens sociaux (pratiques
communautaires, structures de la propriété) (MAX DERRUAU,
1985).
Dans l'un de nos objectifs, il était question de
trouver la solution idoine pour résorber la crise ambiante dans la
région. Crise est un mot polysémique qui selon
le DICTIONNAIRE ROBERT est un « changement subit et
généralement décisif ». Pour le Grand
Larousse, c'est un « moment très difficile dans le
déroulement d'une activité » et pour le LAROUSSE
2000 c'est la « phase difficile traversée par un groupe
social».
Le mot traduit l'idée de perturbation, de rupture et
fait également référence à une notion de changement
défavorable. Les crises (économique et sociale) qui ont
affecté le département de la Mifi entre 1975 et 1995 sont
multiformes :
- Crise de sous-production des cultures vivrières qui
s'est rapidement solutionné par la disponibilité des terres sur
la bordure et au-delà du fleuve Noun dont le département est
limitrophe au Sud
- Crise de mévente du café arabica qui est la
principale et pas l'unique facteur des mutations agraires ici.
31
- Crise des structures agraires révélée par
la taille trop petite des
exploitations familiales (plus de 50% ont moins de 0,5 ha).
Cette crise est aggravée par la croissance démographique (3,3%
par an). La Mifi étant le département le plus densément
peuplé de la région avec 503 habitants au Km2, ce qui
en milieu rural accentue la pression sur la terre qui parfois
dégénère en conflit ouvert entre autochtones et
allogène (à Kouekong route Foumbot, Mai 2000).
Cette crise agricole devient par ramification une crise rurale
qui accentue le degré de pauvreté. Mais elle n'a pas seulement
des effets négatifs, car avec la rareté de l'argent,
l'accès aux autres services et la satisfaction d'autres besoins restent
limités. Ainsi les paysans recherchent de plus en plus les cultures
rentables dans un délai assez court.
Ceci a permis la pénétration par la base des
circuits économiques des vivriers et des maraîchers d'une part et
d'autre part l'évolution des comportements sociaux par la mise en place
des projets (individuels ou collectifs) au niveau local tout au plus
régional.
Ce sont autant d'évolution et d'adaptation qui
concourent à des mutations sur le moyen et le long terme (S. ARLAUD,
1997).
Si on entend par `'Evolution» une
transformation lente des techniques de production et des structures agricoles,
on est loin de le constater et d'affirmer ceci pour notre région
d'étude. Par contre, si on parle d' »Adaptation»
synonyme d' `'Ajustement» qui illustre un type
de rupture des pratiques culturales, alors on constate qu'il y a bien eu
abandon des cultures de rente au profit des vivriers pour la consommation
d'abord et pour la vente par la suite. C'est la somme de cet exemple
d'adaptation et de bien d'autres qui, sur une décennie, peuvent aboutir
à une véritable mutation. Dans notre sens `'Adaptation»
est un agent catalyseur de la mutation.
La mutation est `'une transformation
profonde et durable» (Dictionnaire le Robert). Concernant les
structures agraires, il s'agit d'un changement radical et rapide sous l'effet
de forces variables, qu'il conviendra d'analyser à travers divers
exemples. En cela, la notion de mutation est apparue inséparable de
celle de dynamique (S. ARLAUD, 1997).
32
Pour nous, il sera question dans cette étude,
d'analyser la dynamique du haricot au regard des mutations en cours dans la
région. Autrement dit, évaluer la part du haricot dans les
adaptations agraires actuelles.
Historiquement le département de la Mifi a
été le principal passage des Bamiléké fuyant
l'islamisation et la poussée impérialiste de leur puissant voisin
Bamoun qui avait repoussé leur limite territoriale bien au-delà
du Noun actuel. C'est avec l'arrivée du Sultan NJOYA (mort en 1933) que
celui-ci décida que son royaume doit être délimité
par les fleuves. C'est ainsi que la limite Sud est marquée par le Noun.
C'est après sa mort que des Bamiléké allèrent
massivement s'y installer, mais la rive droite du fleuve
considéré comme une zone tampon n'a été
occupée par les Baleng et les Bafoussam qu'après
l'indépendance. De vastes couloirs fertiles de la Mifi Sud et du Noun
vont être une principale zone d'immigration agricole pour la plupart des
Bamiléké venant du Koung-Khi et des Hauts Plateaux actuels et
même d'ailleurs, fuyant les tensions foncières et la
médiocrité des sols. Ces vallées offrent de vastes espaces
fertiles pour la production vivrières exclusivement. On assiste
dès lors à deux aspects d'aménagement
diamétralement opposés.
Par mutation, l'on pourrait tantôt
entendre l'évolution DE la société (évolution macro
sociologique), tantôt de l'évolution DANS la société
(changement microsociologique) (H. MENDRAS, 1983).
Dans le premier cas, il s'agit d'une évolution
qualitative d'une société tel que les Bamiléké
considérés globalement dans toutes ses dimensions, et qui passe
d'une situation de départ -avant la crise- à une situation
d'arrivée après la crise. En général, on entend par
mutation sociale, tout phénomène durable qui affecte la structure
ou le fonctionnement d'une société en profondeur, et les
processus caractérisant ce changement et travaillent de façon
irréversible la société dans son ensemble.
Dans le second cas -les mutations dans la
société- il s'agit du changement de tel ou tel
élément de la société du fait d'une crise qui s'est
produite. Car on peut l'observer dans la dynamique des sociétés
humaines, la crise constitue un des éléments majeurs des
mutations politiques, culturelles et sociales.
33
On peut établir cependant un lien entre ces deux
acceptions micro et macrosociologiques des mutations sociales. En effet, la
société est un système dans lequel les divers
éléments s'interpénètrent, de manière qu'un
changement significatif d'un élément influe de manière
significative sur les autres éléments qui sont aussi
modifiés, conduisant d'une certaine manière au changement du
système tout entier.
Ainsi la crise caféière a influencé de
manière significative l'économie, la politique, les rapports
sociaux, l'alimentation et le paysage agraire du Bamiléké : les
mutations DANS la société conduisent donc aux mutations DE la
société.
Mais est-ce les différentes composantes de la
société ont la même capacité de répercuter
leurs mutations les unes sur les autres et sur la société
globale. Le colloque international qui s'est tenu à Dschang du 26 au 30
novembre 200 sur le thème : `'La caféiculture paysanne des
hautes du Cameroun : mutations spatiales et transformations
socio-politiques» est très révélateur à
ce sujet.
Parmi les principales mutations que nous avons
déjà évoquées, nous focaliserons notre attention
sur la production des vivriers marchands et nous analyserons les
répercussions du développement de la production du haricot sur
les différents aspects de la société.
Ainsi la production du haricot a un caractère fortement
commercial au regard de sa valeur marchande et de la demande actuelle. On peut
raisonnablement présumer que les répercussions ne vont pas se
limiter à l'économie, mais s'étendront au politique et au
sociale.
Il nous reviendra d'analyser sur le plan économique,
les débouchés réels et potentiels du haricot, les
modalités de mise sur le marché, l'évolution de la demande
et de la consommation, le rôle des centres urbains, la formation des
prix. Nous verrons également la part du haricot dans les revenus du
paysan. Et avec le monopole de la production, la région peut-elle
contrôler le marché ? Qui sont les principaux
bénéficiaires de ce commerce ?
34
Sur le plan socio-politique, il nous faudra examiner dans
quelle mesure le développement de la production du haricot a
influencé les clivages travail d'hommes / travail de femmes par exemple,
et si l'argent qu'il procure confère aux femmes et aux jeunes surtout
confère un nouveau pouvoir financier qui modifie profondément les
relations dans la société. Parlant encore des acteurs, l'Etat
n'est pas épargné car dans ce contexte, il faut redéfinir
son rôle. Les nouveaux acteurs de la production du haricot ne veulent-ils
pas par-là échapper au contrôle fiscal de l'Etat ? Va-t-on
assister à l'émergence d'une nouvelle élite avec un
pouvoir décisionnel et politique à terme ? Ce qui pourrait
remettre en question l'équilibre de la société ?
Tandis que dans le domaine culturel, il s'agira de voir, si la
production du haricot associée à une large commercialisation en
villes ne deviendront pas une nouveauté alimentaire, une
modernité qui portera le label des paysans Bamiléké.
Dans le domaine géographique et de la production,
l'attention sera portée sur les espaces cultivées et les
répercussions d'une telle culture sur les paysages et l'environnement.
Le calendrier agricole comment se réorganise-t-il ? La part de travail
que requiert le haricot par rapport aux autres cultures et les influences de
celles-ci sur le haricot. Nous analyserons également la rupture et la
continuité entre les productions de café, de haricot et autres,
ainsi que les facteurs de production et le problème foncier qui se pose
déjà avec acuité.
Sur le plateau Bamiléké, on a un paysage de
bocage avec des champs délimités par des haies vives ou non, des
cultures pérennes omniprésentes avec surtout les caféiers
et les arbres fruitiers (kolatiers). Les cultures se font en complantation avec
l'étagement suivant ; de l'étage supérieur vers le sol, on
a les arbres fruitiers suivis des bananiers plantains, des caféiers et
enfin des cultures vivrières diverses (maïs, arachide, haricot) se
pratiquant successivement sur les mêmes sols en fonction des saisons. Le
petit élevage ainsi que les déchets ménagers permettent de
fertiliser les jardins de case, soigneusement entretenus.
35
La terre ici appartient aux ancêtres et les exploitants
ne sont que des usufruitiers. Le morcellement foncier dû à
plusieurs successions a dépecé la concession au profit des fils
et petits-fils qui finalement ont moins de 0,5 Ha à exploiter, ce qui
sert juste de case de passage et de caveau familial.
Par contre sur la bordure marginale Nord du plateau
Bamiléké, les longues distances à parcourir (parfois
jusqu'à 30 Km) ne permettent pas un déplacement journalier dans
ses nouveaux champs obtenus pour la plupart par achat. C'est pourquoi, on se
déplace quelques jours dans le mois pour séjourner pendant une
à deux semaines au champ en fonction des saisons. L'objectif
étant de ramener sur le plateau des vivres en quantité pour la
famille et en qualité pour ce qu'on ne peut produire, faute d'espace et
de la nature du sol. Dans ces vallées, les cultures vivrières ne
sont pas permanentes et elles se pratiquent dans des openfields. Ces champs
ouverts sont propices à la production des céréales
(maïs) et des légumineuses (haricot, arachide) qu'on cultive en
monoculture pure de maïs ou de haricot. Ainsi des camionnettes sillonnent
régulièrement la région pour ramener vivres surtout et
hommes vers la ville de Bafoussam et les résidences permanentes de
Batié et de Baham entre autres.
Les femmes, principales actrices de la production dans la
région, sont également les principales résidentes
accompagnées des jeunes, les hommes ne venant que rarement pour quelques
gros travaux d'abattage ou de transport des vivres vers le passage des
voitures. Avec les prix élevés du haricot sur les marchés,
d'autres acteurs s'intéressent davantage à sa production ;
à ce moment, seule une enquête de terrain peut nous permettre de
savoir s'il y a continuité ou rupture dans la chaîne de
production.
Dans un cas comme dans l'autre, la technique de culture la
plus pratiquée est le billonnage contrairement à la culture
à plat ou à butte. C'est une technique qui convient bien à
la production du haricot dans un contexte de production traditionnelle, car il
permet un bon entretien des plantes ( facilite le sarclage) et évite le
tassement du sol par le déplacement régulier entre autres.
36
A l'allure où la consommation interne et
extérieure en haricot croît, on se rend compte que ce
système, malgré ses avantages, a des limites et des contraintes
tant physiques qu'humaines. Car les surfaces à mettre en valeur se font
rares et celles existantes s'amenuisent progressivement. A cette
exiguïté vient s'ajouter un relief très accidenté qui
limite les possibilités d'irrigation au-delà des vallées
(Mifi sud et Noun). Les caprices du climat (abondance ou rareté des
pluies à contre temps) et les exigences du marché contribuent
remarquablement à multiplier les demandes. Dans ces conditions la
sécurité alimentaire pourrait être menacée et c'est
pour concilier ces intérêts économiques et sociaux
divergents, qu'une innovation technique s'impose.
Jean MARZIN définit l' `'Innovation»
comme un changement technique et organisationnel pour signifier les
recombinaisons produites d'une manière générique,
intégrées aux conditions sociales (rapports de force internes)
démographiques (accroissement naturel, migration), économiques,
écologiques et leur émergence. On peut distinguer 3 principaux
problèmes dans son application :
- Le marché des facteurs de production en agriculture
est souvent imparfait. Car la relative fixité des facteurs de production
en agriculture n'est pas une caractéristique favorable au changement
technique et organisationnel. Elle conduit à relativiser un
marché de l'innovation qui se baserait sur une allocation optimale des
ressources
- Le caractère familial de la majorité des
unités de production agricole. Il modifie les conditions de prise de
décision de changement technique et organisationnel en ajoutant aux
critères strictement liés à la production, des
caractères relevant de la consommation ou de l'épargne.
- L'accès à l'information est en
général difficile, aussi bien en ce qui concerne les
marchés des intrants, y compris les techniques que celui des produits
(à cause du caractère oligopolistique des marchés). Le
coût de l'information et d'une manière générale,
l'accès qu'ont les paysans à celle-ci, est une donnée
fondamentale dans l'approche du changement technique et qui renforce le
37
caractère imparfait d'un marché théorique de
l'innovation (MARZIN 1993).
A ceci, on peut ajouter les faits que la main d'oeuvre
agricole en milieu rural est toujours très fluctuante et le
marché de la terre est caractérisé par la diversité
selon les modes de propriétés et d'usages. Egalement, la
pauvreté est un obstacle majeur à l'innovation, car elle limite
les transformations de l'agriculture dans l'espace et dans le temps en ce sens
que faute de moyens financiers, aucun investissement n'est possible moins
encore une restructuration, ce qui perpétue des systèmes agraires
traditionnels désuets pour le monde d'aujourd'hui.
Pour qu'une innovation soit véritablement
adoptée, elle doit aussi être économiquement rentable,
socialement désirable et enfin compatible avec les filières de
production, de transport et de distribution dans lesquelles elle
s'insère. (MOUPOU M. 1987). Tels sont les aspects qu'il ne faut perdre
de vue dès la conception.
- N'y a-t-il pas inadéquation entre les techniques
proposées et les besoins réels des producteurs ?
- Quels sont les moyens et les acteurs mis en place pour
assurer la diffusion d'une innovation ?
Le problème n'est pas finalement de produire des
innovations à tout prix, mais bien de s'attacher à réunir
les conditions de leur durabilité.
Le département de la Mifi (actuel) est
caractérisé par une polyculture intensive dominée par la
production vivrière. En général les voies de la
technologie sont celles de la mécanisation, de la recherche agronomique,
des énergies douces, de la biotechnologie où la sélection
des espèces n'exclut pas la production de celles qui seraient
menacées de disparition et scrupuleusement des
écosystèmes. L'augmentation des rendements nécessite,
outre l'apport en fumures organiques, l'utilisation des pesticides et
fongicides, tout en offrant la possibilité d'effectuer plusieurs
récoltes sur une même parcelle au cours de l'année. Enfin,
il arrive que le développement de l'irrigation améliore les
productions vivrières sans induire une modernisation des moyens de
production, en particulier lorsque les parcelles sont inférieures
à un hectare. C'est le cas ici.
38
Dans l'optique de s'appuyer de plus en plus sur le vivrier
marchand pour équilibrer les comptes du ménage, l'augmentation
des volumes demeure l'option majeure. Par contre, les agriculteurs n'ont pas
encore épuisé l'éventail des variétés
produites et dans les projets d'innovation un minimum de montant fixe (dans
l'ordre de 200.000 Fcfa) est nécessaire au départ, pourtant
faisant beaucoup défaut ici, pour l'extension des surfaces et l'achat
des intrants, même s'il ne s'agit que des semences nouvelles. Autant
d'éléments qui expliquent que les innovations restent très
modestes et que rarement (2%) de nouvelles cultures soient adoptées.
L'accès aux innovations demeure un privilège des
« grands exploitants » car ne pouvant s'opérer qu'à
partir d'une assise financière qu'ils peuvent seuls facilement se
l'offrir.
ISANGU MWANA-MFUMU s.j. (2000) dans son mémoire de DEA
part d'une définition simple de l'innovation comme `'l'introduction
de quelque chose de nouveau''. Il formule plusieurs questionnements et
écrit qu'en examinant la situation avant l'innovation, on répond
à la question de savoir comment elle est née et s'est
diffusée, tandis que la situation après l'innovation permet de
dire quels changements l'innovation dans le milieu.
Dans le cas qu'il analyse, il constate que jusque dans les
années 80 les populations du Kwango en R.D.C. ne cultivaient ni ne
consommaient le niébé. Tandis qu'aujourd'hui, outre le fait que
cette légumineuse est très appréciée dans
l'alimentation, sa culture connaît une expansion étonnante et elle
est l'objet d'un commerce florissant avec Kinshasa, la capitale. L'innovation
se situe donc ici d'abord dans ce passage entre les deux époques et dans
les changements intervenus dans les domaines alimentaires et agricoles.
Si pour cet auteur, l'introduction du niébé au
Kwango est une innovation, dans notre région d'étude, la
situation n'est pas pareille, car sur les hautes terres de l'Ouest Cameroun la
production et la commercialisation du haricot commun a toujours
été un fait de civilisation. Mais depuis le début des
années 90 avec la crise économique et les tensions
socio-politiques, les populations urbaines du Cameroun consomme de plus en plus
le haricot produit sur les hautes terres de l'Ouest. Les Bamiléké
ont par ce fait réussi à exporter dans d'autres ethnies leur
habitude alimentaire et
39
désormais le haricot pourrait porter un label tant
à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
Or avec la forte demande extérieure en haricot, il est
à craindre que la région ne puisse pas satisfaire ce besoin
à long terme, c'est pourquoi nous proposons une innovation technique
réelle dans la production de cette légumineuse dont on observe
déjà une amorce. Notre travail ne porte pas sur l'innovation,
mais il entend débouché sur elle. Et dans ce sens l'analyse des
formes de l'innovation et son origine est importante.
Généralement on distingue l'innovation
spontanée de l'innovation organisée, mais cette dernière
n'a pas encore été porteuse de succès dans la plupart des
pays subsaharien. Nous en prenons pour preuve l'échec de la
vulgarisation de la culture du soja et de la variété de manioc
F100 par le gouvernement du Congo (Zaïre à cette époque)
avec de grands moyens logistiques. Au Cameroun, la situation est identique, car
la tentative de vulgarisation de la production de soja dans le cadre du projet
Soja/UCCAO a échoué, malgré le tapage médiatique
orchestré par le gouvernement camerounais. Les paysans ont refusé
d'adopter cette culture. Cette innovation organisée est conçue
comme une action volontaire et une stratégie des concepteurs et
destinée à réaliser un certain objectif.
L'innovation spontanée, par contre, fait bouger les
choses dans la société sans que les ingénieurs y soient
pour quelque chose. L'adoption et la diffusion peuvent être lente, mais
le succès réel.
M. ROBERTET (1989) propose une typologie de l'innovation en
agroalimentaire parmi lesquelles l'innovation par l'élaboration
technique, c'est-à-dire que l'aspect du produit reste identique, seule
la chaîne de production est modifiée. L'analyse de cette forme
d'innovation permet de voir comment le haricot tout en conservant ses
propriétés peut être produit à grande échelle
par les paysans en élaborant eux-mêmes de nouvelle technique de
production.
Plusieurs auteurs ont affirmé que dans une
collectivité paysanne, l'innovation - invention ne peut venir que de
l'extérieur et que les paysans n'inventent que de petits
perfectionnements, mais ne peuvent pas concevoir une véritable
innovation technique (H. MENDRAS et M. FORSE 1983 cités par ISANGU). Il
en est ainsi de M. AUGE LARIBE qui en 1955 avait accumulé les
40
exemples pour montrer qu'aucune invention n'avait jamais
été faite, aux époques récentes par des paysans
dans une société paysanne.
Cette vision des choses a cependant été
récusée par ESTER BOSERUP qui fait observer que sous la pression
de la poussée démographique, les agriculteurs dans les
sociétés du monde ont adopté de nouvelles méthodes
de cultiver. Elle rapporte ainsi `'le glissement, depuis quelques
décennies, de systèmes extensifs à des systèmes
plus intensifs, à peu près dans tous les pays
sous-développés». Bien plus, au-delà des adaptations
qu'ils peuvent apporter, les paysans sont capables d'inventions authentiques.
Elle l'illustre par l'introduction de la houe qui n'est pas le simple fait d'un
perfectionnement technique du bâton pointu, mais une réelle
innovation qui s'est produite lorsqu'une opération nouvelle est devenue
nécessaire (E. BOSERUP, 1970).
Dans le cadre de notre étude, nous pensons que
l'innovation doit être endogène et exogène à la fois
:
- Endogène ; comme l'atteste la
thèse de BOSERUP, car dans une
perspective de logique économique, les paysans peuvent
améliorer leurs outils de travail en quantité, mais surtout en
qualité et procéder à une sélection
économique des cultures dans l'exploitation agricole tout en trouvant de
nouvelles formes et technique de production.
- Exogène ; dans la mesure où les
opérateurs économiques privés et
particulièrement l'Etat peuvent mettre en place des
politiques pour inciter la production du haricot. Entre autre on peut citer, la
subvention aux intrants, la politique de soutien au prix, la garantie d'achat
à la récolte, le crédit à des taux
d'intérêt négatif, la prise en charge des coûts des
infrastructures (routes) et de stockage (silos).
Quoi qu'il en soit, le problème de l'innovation se pose
certes, mais celui de sa diffusion est tout aussi important. Elle correspond
à sa transmission et à son adoption graduelle dans le temps et
dans l'espace. C'est le fait pour une innovation qui a vu le jour en un endroit
donné d'être `'transportée» en des endroits
différents et à d'autres moments.
41
Cette diffusion peut se faire de plusieurs façons selon
THÉRÈSE SAINT-JULIEN (1985). Nous en retiendrons par contact
direct entre les individus qui transportent de proche en proche et par le
rapprochement des exploitations. La diffusion par saut se fait par des
individus migrants. Dans ce sens la position de Bafoussam et du
département de la Mifi est stratégique.
Les femmes chef de ménage sont aussi mal placées
que les petits planteurs dans cette quête aux innovations. A Bafou en
1993, 90% d'entre-elles ont mis l'accent sur les vivriers. Elles ne sont donc
pas moins combatives que les hommes. Mais comme leur point fort réside
dans leur force de travail, l'essentiel pour elles a consisté à
démultiplier une main d'oeuvre qu'on croyait pourtant déjà
utilisée à son maximum.
Leur attraction pour l'innovation, on ne peut pas le nier
tient aussi à leur aspiration croissante et légitime à
davantage de reconnaissance sociale. Economiquement, elles sont à la
base de la production vivrière et à la commercialisation en
détail sur les marchés urbains et ruraux. Cette place des femmes,
très prépondérante, a été
démontrée par DJEUTA N. et KAKANOU Y. (2000).
Les mutations agraires dans la province de
l'Ouest - Cameroun et ailleurs dans les autres campagnes du tiers-monde sont
à la une de l'actualité. Le département de la Mifi, notre
région d'étude, n'échappe pas à ce mouvement.
Mais la crise du café ne saurait expliquer à
elle seule les mutations agraires dans la région ; car au niveau interne
l'accroissement démographique s'est traduit par une pression sur le sol,
accentué sur le plan physique par les sécheresses récentes
des années 70 et 80, ce qui a exacerbé les tensions
foncières (plus récurrentes) d'une part et d'autre part elle a
contribué à l'explosion urbaine et la ville de Bafoussam est
passée de 100 ha en 1948 à plus de 1.000 ha en l'an 2.000, ce qui
augmente non seulement les consommateurs urbains mais réduit encore les
espaces cultivables.
Figure 2 : Evolution de l'espace urbain de
Bafoussam.
300 300
565
700
840
1000
400
900
800
700
600
500
300
200
0
1000
100
Superficie en Ha
42
1925 1948 1964 1976 1982 2000
Années
Source : PUD Bafoussam
Sur le plan extérieur à la région, la
situation est plus que dédoublée, car l'accroissement de la
population nationale et le taux d'urbanisation sont élevés avec
Douala et Yaoundé (1,5 et 1,2 millions d'habitants respectivement) qui
concentrent 38,8% de la population urbaine nationale.
Les conséquences de cette explosion urbaine sont
également entre autre, l'étalement spatial du
périmètre urbain qui s'opère au détriment des
espaces périphériques jusque là destinées à
l'agriculture, la saturation de la plupart des infrastructures,
l'intensification de la circulation et l'aggravation des difficultés de
transport. Le problème majeur est qu'il faut en plus, résorber le
chômage en croissance exponentielle sur un marché de l'emploi
déjà saturé, construire de nouveaux logements surtout et
enfin nourrir désormais cette population des villes. Ce qui relance les
inquiétudes sur la sécurité alimentaire durable de nos
populations.
A contrario, le taux d'urbanisation élevé n'a
pas que des effets négatifs, dans la mesure où il donne une
nouvelle impulsion à la commercialisation de la production
vivrière, corollaire d'une augmentation de la demande alimentaire
urbaine. Les circuits d'approvisionnement en denrée alimentaire de
Douala et de Yaoundé à partir des hautes terres de l'Ouest
Cameroun ont fait l'objet des études antérieures par HATCHEU E.
(2000) et DONGMO J (1990).
43
Dans le cadre de notre étude, il sera question
d'analyser les répercussions sur les zones de production, de la demande
alimentaire nationale à partir de Douala et de Yaoundé, voire
au-delà des frontières avec la demande sous-régionale.
Nous nous appesantirons sur l'exemple du haricot sec dans la Mifi.
Nous étudierons la dynamique du haricot à
travers le système et les techniques de production actuelle. La
diffusion de la consommation du haricot dans l'espace ainsi que le label
régional qu'il peut porter comme identificateur d'une région et
d'un peuple. Peut-il permettre de réduire, voire de substituer les
produits alimentaires importés (riz, farine de blé ).
Nous poserons le problème de l'innovation
(endogène ou exogène) à apporter tant au niveau de la
production pour satisfaire les besoins nationaux et sous-régionaux,
qu'au niveau de la communication pour stimuler et rendre ainsi le produit plus
compétitif à long terme sur les marchés national,
sous-régional et international.
44
IX - AUTEURS ET THEORIES D'ANALYSE
? David RICARDO (1772 - 1823)
Dans son ouvrage `'The works and correspondance of David
Ricardo, Ed. Piero Sraffa, Cambridge, 1955» expose les
théories des rendements décroissants, des rentes foncières
et de l'avantage comparatif.
La théorie des rendements décroissants est le
principe selon lequel la croissance de la population conduit à recourir
à des sols de moins en moins fertiles. Et dans le processus
d'amélioration des cultures, l'accroissement du produit brut devient de
plus en plus coûteux. Autrement dit toute unité additionnelle de
travail et de capital affecté à l'agriculture rapporte un
résultat effectif plus faible, et cela malgré le progrès
technique.
La théorie de la rente foncière découle
de la précédente et est identique à la théorie de
la productivité marginale. Ricardo définit la rente comme `'
portion du produit de la terre qui est payée au propriétaire pour
l'usage des facultés originales et indestructibles du sol».
Dans le cadre de notre étude, il s'avère que la
production régulière du haricot sur une surface donnée
augmente la fertilité du sol en azote, mais épuise les autres
éléments minéraux du sol. La théorie de la rente
foncière peut s'appliquer sur les pentes et les sommets des collines,
jadis consacrés à la jachère et aux petits élevages
caprins et ovins.
La théorie de l'avantage comparatif s'insère
convenablement dans le contexte agricole du Cameroun et de la
sous-région, en ce sens que les hautes terres de l'Ouest-Cameroun
déjà principales productrices du haricot sec dans le pays et au
voisinage, gagnerait à se spécialiser dans cette production.
Dans la région, les populations tirent
déjà le meilleur parti de leur revenu, pouvant leur assurer
à long terme le monopole quasi exclusif, les conditions physiques
aidant. Alors qu'avec les autres productions vivrières (maïs,
banane-plantain) l'Ouest-Cameroun entre en concurrence directe avec les autres
régions du pays qui possèdent des atouts non négligeables
: la disponibilité et l'étendue des terres cultivables.
45
Sachant qu'il existe au Portugal d'un côté ou en
Angleterre de l'autre, une certaine quantité de facteurs de production
susceptible de produire soit du drap, soit du vin ou les deux à la fois,
sachant que les coefficients techniques sont différents dans les deux
localisations et les Portugais bénéficiant d'un avantage
comparatif dans la production de vin, Ricardo montre sur un exemple
que le bien-être total est augmenté si les Anglais se
spécialisent dans la fabrication du drap et les Portugais dans la
production viticole car, le ratio quantité de produit sur
quantité de facteur, quoique toujours plus petit au Portugal qu'en
Angleterre, y est cependant relativement plus grand pour le vin que pour le
drap.
Il en est de même pour le haricot sec des hautes terres
de l'Ouest-Cameroun et les autres produits agricoles vivriers qui ont un large
spectre écologique.
? ROSTOW.
L'analyse de Rostow qui nous intéresse ici porte sur
les étapes de la croissance agricole. Il distingue 3 phases à
savoir :
- Celle des pré-conditions du développement
agricole. Pendant cette étape, se mettent en place des changements
institutionnels et des comportements indispensables à la croissance de
l'output : amélioration de la structure foncière, de
l'accès au marché de biens de consommation, de l'information
concernant les techniques disponibles, du changement des comportements et de la
réceptivité des agriculteurs au progrès technique.
- La deuxième phase est celle de l'augmentation de
l'efficience des processus de production agricole par la diffusion des
innovations. Elle est la forme adaptée du développement agricole
lorsque le secteur agricole est l'activité productrice dominante,
lorsque la demande de produits agricoles augmente avec le revenu par tête
et lorsque le capital nécessaire à l'expansion du secteur
industriel est rare.
- La troisième et dernière phase est celle de
l'industrialisation de l'agriculture. Pendant cette phase, le poids de la
production et de l'emploi agricole dans l'économie se réduit
à un rythme rapide.
46
La deuxième correspond bien, à quelque chose
d'exception près, au moment où nous vivons en ce moment dans
notre région d'étude. La valeur marchande du haricot est
élevée certes, mais les paysans ont besoin de l'augmentation de
l'efficience des processus de production agricole par la diffusion des
innovations techniques. Nous avions déjà évoqué
cette situation en la suggérant dans une de nos hypothèses
principales que nous vérifierons ultérieurement.
En revanche des pré conditions du développement
agricole ne sont pas entièrement acquis car, la structure
foncière est en butte à bien de difficulté telles que les
superficies très réduites du fait de la pression
démographique et surtout à cause du mode de succession dans la
société.
? ENGEL (1821 - 1896)
Ernst Engel est un économiste allemand, chef du bureau
prussien de statistique qui en étudiant les budgets des ménages a
établi la loi qui porte son nom depuis 1882 : la loi de
Engel.
Cette loi démontre qu' `'au fur et à mesure que
le revenu augmente, la dépense absolue pour la nourriture augmente mais
dans une proportion inférieure à celle de l'ensemble de la
dépense». Mais le comportement du consommateur, pour la demande en
produits alimentaires suite à une variation de son revenu est surtout
conditionnée par le milieu (urbain ou rural) où il se trouve.
L'influence du niveau du revenu se détermine par
l'élasticité de la demande par rapport au revenu qui est
définit par la valeur « e ». Selon les
différentes valeurs de « e » on peut avoir le
tableau suivant :
e > 1 : La demande augmente plus que
proportionnellement à
l'augmentation du revenu.
e = 1 : Accroissement de la demande
proportionnel à
l'accroissement du revenu
0 < e < 1 : Accroissement de la demande
moins que proportionnel à l'accroissement du revenu.
e = 0 : Pas d'influence du revenu sur la
demande
e < 0 : Diminution de la demande
consécutive à l'augmentation
du revenu.
47
L'élasticité demande - revenu varie en fonction
de la gamme de produit et du temps. La gamme de produits: On distingue les
produits agricoles à forte élasticité demande - revenu des
autres ayant une élasticité. Dans le cas du Cameroun, les
recherches effectuées par deux experts ; « Pierre Baris et Jean
Zaslavsky, 1983, Demande et marché de vivriers dans le Centre sud,
Yaoundé. », donnent les résultats suivants pour les
ménages de Yaoundé. Tableau 5 :
L'élasticité de quelques produits agricoles
PRODUITS
|
VALEUR DE L'ÉLASTICITÉ
|
- Plantain
|
0,39
|
- Riz
|
0,2
|
- Maïs
|
0,37
|
- Manioc
|
0,3
|
- Macabo
|
0,8
|
- Igname
|
1,2
|
- Haricot
|
1,4
|
L'élasticité est le rapport de la variation de
la demande sur la variation du revenu. Cela signifie que lorsque le revenu
croît d'une unité, la demande en haricot par exemple croît
d'une fois et demi et ainsi de suite ; le haricot est donc un produit de
consommation refuge pour les différentes couches de populations.
On note également que les préférences des
consommateurs se rapprochent des normes nutritives ; ce qui en principe devrait
inciter à produire les denrées à haute valeur nutritive et
pour lesquelles la demande est fortement élastique par rapport au revenu
(voir tableau de la valeur des nutriments selon les produits).
Tableau 6 : Apports énergétiques des
produits vivriers (pour 100 grammes)
PRODUITS
|
PROTIDES
|
CALORIES
|
- Maïs
|
10
|
384
|
- Riz
|
6,2
|
353
|
- Arachide
|
23,2
|
549
|
- Vouandzou
|
18,8
|
367
|
- Haricot
|
22,5
|
338
|
- Macabo & taro
|
4,0
|
119
|
- Manioc
|
1,2
|
253
|
- Patates
|
1,6
|
121
|
- Ignames
|
1,5
|
112
|
- Pomme de terre
|
1,7
|
82
|
- Banane plantain
|
1,2
|
135
|
- Oignons
|
1,2
|
41
|
Source :Ngbanza J., (1999), Cours d'économie
rurale, Yaoundé, ISSEA, P. 39
48
En milieu urbain, les augmentations successives de revenu
provoquent une demande soutenue des aliments riches en matières
nutritives (viande, légumes, produits laitiers, fruits entre autre) au
détriment des tubercules qui à la longue voient leur
élasticité - demande - revenu baisser. Et au fur et à
mesure, il y a apparition de nouveaux goûts, de nouveaux modes de
consommation.
4 S.H. VON THÜNEN (1783 - 1850)
Publié en 1826, son livre intitulé « l'Etat
isole » décrit la répartition géographique des
producteurs agricoles dans un Etat qui n'entretient aucun lien commercial avec
l'étranger, d'où le titre. Ici chaque culture est
caractérisée par un coût de production in situ et un
coût de transport fixé par tonne au kilomètre. De ce fait,
la localisation des cultures se fait autour de la ville (zone de consommation)
en auréoles concentriques.
4 WALTER CHRISTALLER (1893 - 1969)
Cet auteur a élaboré dans les années 30
la théorie des places centrales. Il a imaginé
une multitude de centres urbains, hiérarchisés entre eux, et dont
l'importance dépend de la population desservie.
Ces deux dernières théories quoique largement
dépassées de nos jours au regard de l'évolution technique
et technologique des moyens de transport dont les coûts baissent
régulièrement, nous intéressent en ce sens qu'elles nous
permettront d'apprécier l'aire de consommation réelle et/ou
potentielle couvert par le haricot. Car consommé de plus en plus dans
les centres urbains du Cameroun (Douala et Yaoundé notamment) et dans
les autres villes de la sous région d'Afrique centrale (Libreville,
Bangui et N'djamena). Nous étudierons l'influence des centres urbains de
consommation sur la zone de production et sur les producteurs.
49
X - METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Notre travail porte sur la production du haricot sec sur les
hautes terres de l'Ouest Cameroun en prenant l'exemple de la Mifi.
1. Il s'agit d'analyser l'évolution des cultures
vivrières par rapport aux cultures de rente comme le café
arabica. Or, à l'heure actuelle tous s'accordent à penser que le
café a fait son temps et que pour insuffler une nouvelle dynamique
à nos campagnes, il serait important de repenser les bases de notre
agriculture. Autrement dit, quel type d'agriculture voulons-nous pour notre
région ? Une agriculture patrimoniale et/ou une agriculture
spéculative ?
2. Vu la place que la caféiculture a longtemps
occupé dans notre système de production et dans la vie des
populations de la région, pendant près de 70 ans (1913 - 1985),
remplacer une plante de cette envergure ne saurait se faire sans grincements de
dents. C'est ce explique la crise généralisée que nous
vivons depuis plus d'une décennie et pour la résorber, il
faudrait rechercher les causes tant au niveau structurel que conjoncturel.
3. C'est une option méthodologique pour nous que de
partir de la crise sus évoquée pour analyser la production du
haricot sec. Pour ce faire, il serait intéressant de voir et de
redéfinir le rôle des acteurs principaux de notre agriculture
à savoir l'Etat d'une part et les paysans d'autre part. A y regarder de
près, on se rend compte qu'avec la libéralisation
économique, c'est la fin de l'Etat providence pour les paysans notamment
qui n'ont pas été préparés à ce nouveau jeu
ou l'on parle de plus en plus de l'ouverture des marchés
(mondialisation). Ceci induit la fin des accords et des monopoles commerciaux.
Comment dans ce contexte, avec cette nouvelle donne où l'Etat est
absent, les paysans peuvent-ils se définir seuls par rapport aux
marchés ?
4. Désormais dans les campagnes, c'est le
désarroi et les paysans pour ne pas se laisser faire, entreprennent
spontanément des actions individuelles et collectives pour tenter de
survivre et de vivre ensuite. Là encore, l'incertitude est totale car,
tout le monde s'interroge : Quelle
50
activité peut-elle permettre de résorber la
crise ambiante ? De plus, ces derniers moments, on assiste au
développement des petits métiers (commerce) et à la
conquête de nouvelles surfaces cultivables.
5. Au niveau des exploitations agricoles, on note une
intensification des activités agricoles avec le développement
de la production vivrière et l'adoption de nouvelles cultures
maraîchères, qui bénéficient en cela de la situation
démographique en pleine expansion et surtout de l'explosion urbaine. Par
exemple, Douala et Yaoundé avec 1,5 et 1,2 millions d'habitants ont
besoin de 2.500 tonnes de nourriture par jour. Les paysans recherchent une
culture multifonctionnelle qui peut non seulement assurer une alimentation
riche mais qui peut également générer des revenus
réguliers et importants dans des délais restreints.
6. Le haricot est une plante très importante dans le
système de production actuelle et il serait intéressant de
faire une présentation agronomique afin de mieux comprendre les atouts
dont il dispose. Bénéficiant aussi des conditions physiques de
production favorables, l'intérêt des hommes pour cette plante ne
peut que croître, ce d'autant plus que le haricot joue et pourrait jouer
davantage plusieurs fonctions. A ce titre, le haricot peut-il être
à la fois une culture de consommation courante, un vivrier
essentiellement marchand et une culture d'exportation ou de spéculation
?
7. Nous ne pouvons pas analyser cette situation du haricot
sans chercher à comprendre les facteurs d'une telle stimulation. Dans
un monde où les mobiles économiques déterminent presque
à eux seuls les actions et la hiérarchie des valeurs, nous nous
intéresserons d'abord aux prix et à la consommation pour
constater que le rayon de commercialisation du haricot ne cesse de s'allonger
au-delà des frontières nationales; l'influence sur la production
est directe et grande. D'après cette tendance d'évolution, le
haricot pourra-t-il à long terme satisfaire la demande extérieure
? Seule une analyse des conditions de productions actuelles pourrait nous
permettre de répondre à cette question si importante pour
l'avenir de cette culture.
51
8. La production du haricot n'est pas un fait nouveau ou
récent pour
les populations des hautes terres de l'Ouest - Cameroun. Le
système et la technique de production sont traditionnels, ce qui induit
des rendements bas. En revanche, avec la crise et les mutations en cours, on
note des aménagements dans la production du haricot. N'est-ce pas la une
amorce d'innovation technique endogène ?
1. LA QUESTION CENTRALE
`' Le haricot, culture essentiellement vivrière,
peut-il également être une source importante de revenu pour les
paysans, comme l'était jadis le café ?»
2. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
a) HYPOTHÈSES PRINCIPALES
- La production du haricot peut jouer un rôle important
dans les mutations spatiales et sociales de la région
- Le système de production actuelle du haricot n'est
pas en mesure de satisfaire une demande externe croissante, d'où la
nécessité d'un processus d'innovation technique.
b) HYPOTHÈSES SECONDAIRES
? En complantation ou en monoculture, le haricot
s'insère facilement dans le calendrier agricole et s'adapte mieux
(convient) au nouveau paysage agraire.
? Les revenus tirés de la vente du haricot attirent de
nouveaux acteurs et permettent d'améliorer le niveau de vie des
producteurs / productrices.
? Une innovation endogène est possible grâce
à la remise en question du système de production actuel par les
paysans eux-mêmes.
? Le succès de l'innovation technique passe
également par l'appui extérieur de l'Etat et/ou des partenaires
économiques privés.
52
3. ELABORATION DU GUIDE D'INTERVIEW
4 OBJECTIF DE L'ENQUÊTE.
- Faire une typologie des producteurs du haricot sur les
critères démographiques (âge, sexe, situation matrimoniale
...)
- Analyser l'influence de la structure foncière sur la
production du haricot et sa place dans le système agraire.
- Identifier les techniques traditionnelles de production et
les innovations apportées jusque-là.
- Tenter de comprendre la logique paysanne de production
- Recueillir leurs attentes pour améliorer la
production.
- Identifier les circuits et la place du haricot dans la
commercialisation des produits agricoles.
4 BASE DE SONDAGE
C'est l'ensemble des informations qui permettent le tirage de
l'échantillon ; c'est la liste des unités de l'ensemble à
étudier.
Dans le cas qui nous concerne à présent, la base
de sondage serait constituée par le nombre, la liste de tous les paysans
du département de la Mifi. On y compte 3 arrondissements (Bafoussam,
Baleng et Bamougoum). Nous prendrons 2 arrondissements sur les trois à
savoir Baleng et Bafoussam rural. Or une bonne partie de l'espace de ces deux
arrondissements dans leurs parties sud est occupée par le centre urbain
de Bafoussam qui ne cesse de grandir à leurs dépends ou
reçoivent une forte influence urbaine.
Ainsi, les principales zones agricoles demeurent la
vallée du Noun(rive droite) au Nord de ce département et la
vallée de la Mifi - Sud au Nord-Ouest. Ces zones sont effectivement
situées à Baleng et à Bafoussam rural.
4 TYPE DE SONDAGE
Contrairement au sondage probabiliste ou aléatoire,
nous construirons notre échantillon à partir du sondage
par choix raisonné ou sondage non probabiliste.
53
? LE SONDAGE PAR CHOIX RAISONNÉ OU SONDAGE NON
PROBABILISTE.
Ce type de sondage désigne les différentes
techniques qui permettent de construire un échantillon à partir
d'informations à priori sur la population étudiée. Il est
préférable parce que nous disposons sur le milieu
étudié (Mifi) de connaissances qualitatives et quantitatives qui
permettent d'opérer un choix tel la population de la région et
les principales zones agricoles.
Néanmoins, nous savons que la désignation de cet
échantillon résulte d'un choix orienté, comportant une
part d'arbitraire dans le choix de tel élément ou pas. Pour
apporter un minimum de garantis scientifiques, nous allons construire notre
échantillon non probabiliste à partir de la méthode dite
`'par quotas».
? PRINCIPE DE LA MÉTHODE DES QUOTAS
La méthode des quotas est l'une des plus
utilisées dans les enquêtes agricoles et socio-économiques
tel le cas qui nous concerne actuellement.
Le sondage par quotas vise à améliorer le choix
raisonné en constituant un échantillon choisi de manière
à présenter une distribution statistique d'un ou de quelques
caractères connus, distribution identique à celle de la
population de référence. Un tel échantillon sera
très proche de la population en ce qui concerne les autres
caractères. Ce qui améliorera la validité de la
généralisation des conclusions à toute la population.
Les caractères à retenir doivent être
choisis de manière à garantir la conformité de
l'échantillon à l'ensemble de la population à
étudier. Ces caractères sont appelés «variables
de contrôle». La structure de l'échantillon entendue
comme la composition en pourcentage au regard des différentes variables
de contrôle, doit être conforme à la population.
? MISE EN OEUVRE DE LA MÉTHODE ET CHOIX DES VARIABLES
DE CONTRÔLE
Notre sujet de recherche est intitulé `'Les enjeux
de la production des vivriers marchands dans un système agraire en
mutation : le cas du haricot dans le département de la Mifi
(Ouest-Cameroun)''
54
Nous avons précisé dans les paragraphes
précédents les objectifs de notre enquête et cette
méthode par quotas repose sur l'hypothèse qu'il existe une
corrélation entre les différents caractères d'une
population. Ainsi nous formulons les hypothèses selon lesquelles :
`'il existe une corrélation entre :
1- la structure démographique et la production du
haricot `' d'une part et entre
2- `'les conditions économiques et la production
du haricot`'
d'autre part.
A ce niveau, nous ne retiendrons comme variables de
contrôle que les caractères facilement observables et/ou
mesurables sur le terrain. A cet égard, on peut remarquer que parmi les
3 caractères énumérés ci-dessus la quantité
produite n'est pas aisée à obtenir surtout dans le contexte
africain en général et camerounais en particulier lorsque l'on
sait qu'à la suite des troubles socio-politiques du début de la
décennie 90, le départ de l'organisme américain USAID
principal financier des enquêtes agricoles au Cameroun a
sérieusement perturbé les recherches nationales et les
statistiques agricoles en ont pris un coup.
Nous ne retiendrons donc comme variable de contrôle que
la structure démographique et les conditions
économiques.
La structure démographique comprend :
- le sexe, - l'âge
- le statut matrimonial - la qualification scolaire
Dans les conditions économiques sont pris en compte :
- le mode d'accès à la terre (héritage,
achat, métayage)
- l'accès aux intrants (engrais, semences, outillage)
- le coût et le moyen de transport (entre la
résidence et le
champ et entre le champ et le marché )
- les objectifs de la production (pour vendre ou pour
consommer ou les deux à la fois)
- le confort matériel (état de la maison,
qualité du mobilier,
niveau de scolarisation des enfants etc... )
- la catégorie socioprofessionnelle
55
? ORGANISATION PRATIQUE DU SONDAGE PAR QUOTAS
Compte tenu de notre situation d'étudiant et en
l'absence de bourse et de toute subvention, il s'avère difficile
(financièrement parlant) d'engager
d'autres enquêteurs autres que nous-même, pour
couvrir tout le département de la Mifi qui comporte 3 arrondissements
et 5 chefferies (Bafoussam, Baleng, Bamougoum, Bapi et Badeng).
Afin de contourner cette difficulté, nous allons
procéder à un sondage à 2 degrés.
- Au premier degré du sondage, nous allons choisir un
échantillon de village qu'on appelle «Unité
primaire» : ce sont les villages de Baleng et de Bafoussam.
- Au second degré de sondage, nous choisirons à
l'intérieur de chaque unité primaire un échantillon d'
« unités secondaires » (quartiers à
l'intérieur des villages par exemple). Les quartiers ciblés sont
ceux jouxtant la Mifi et le Noun.
Nos enquêtes se dérouleront dans les zones de
production particulièrement dans les champs avec les acteurs de la
production. Pour compléter notre enquête, nous interrogerons
quelques commerçants et intermédiaires sur les marchés
ruraux.
La méthode de sondage par quotas, malgré le
manque de fondements mathématiques suffisants qui la
caractérisent, présente des avantages certains, car en plus des
coûts bien réduits par rapport au sondage probabiliste, nous avons
retenu cette méthode parce que nous disposons déjà d'une
base de sondage obtenu auprès des services statistiques agricoles de la
Mifi.
De plus, notre enquête porte sur un échantillon
réduit du fait que nous serons le seul enquêteur sur le terrain et
les résultats de cette méthode sont très souvent meilleurs
que ceux obtenus par l'utilisation des autres méthodes de sondage
(probabiliste).
56
A propos de sondage par quotas, la Commission Statistique des
Nations Unies écrit dans l'un de ses rapports :
`'La méthode de quotas employée avec
habileté peut donner des indications sur les préférences
du public et les changements d'opinions dans les enquêtes simples et
lorsqu'une haute précision nécessaire. Mais il n'est pas possible
d'évaluer la précision obtenue et les résultats du sondage
par quotas doivent donc être regardés comme subjectifs ; il ne
faut jamais s'y fier lorsqu'on a besoin de renseignements objectifs et exempts
de facteurs d'erreurs constantes».
4 - L'ADMINISTRATION DU QUESTIONNAIRE
L'administration du questionnaire comporte 3 opérations
essentielles
qui sont :
- la distribution
- le remplissage et
- la collecte.
Nous nous focaliserons sur le remplissage du questionnaire et
à ce propos, il sera rempli directement par nous-mêmes. Car, faute
de moyen matériel, nous serons le seul enquêteur sur le terrain et
nous poserons directement des questions à un répondant et nous
remplirons nous-mêmes nos fiches de guide d'interview prévu
à cet effet.
57
XI - ETAT D'AVANCEMENT DES TRAVAUX
PRESENTATION DU HARICOT
Le haricot est une légumineuse à graine riche en
protéine. Selon WESTPHAL (1985), les légumineuse tropicales se
divisent en deux groupes:
- Les légumineuses dont les graines sont
oléifères (arachides, soja)
- Les légumineuses à graines (haricot,
niébé, pois) qui sont les espèces cultivées dont
les graines à l'état frais ou sec sont comestibles et entrent
dans l'alimentation plus encore que mes gousses et les feuilles de la
plante.
Les principales légumineuses cultivées au
Cameroun appartiennent à la famille des papilionacées. Ce sont
:
- Arachis hypogeae (l'arachide)
- Phaseolus vulgaris L. (le haricot commun)
- Vigna unguiculata L. (le niébé)
- Voandzeta subterranea L. (le vouandzou)
- Glycine max L. (le soja).
Dans le cadre de notre étude, la variété qui
nous intéresse est le haricot
commun, genre Phaseolus Vulgaris L.. Sur les hautes terres de
l'Ouest Cameroun, ce haricot occupe 95% de la production totale (TATCHAGO,
1999). Les différences de variétés à
l'intérieur de ce genre se font à partir des couleurs. Ainsi on
distingue le haricot rouge (petit ou long grain), le noir, le blanc et le
bigarré avec beaucoup de nuance dans chaque catégorie de
couleur.
La taille de la plante ici dépasse rarement les 30 cm
de hauteur; c'est la variété naine. Cependant, par endroit on
rencontre la variété grimpante, malgré sa capacité
de production plus élevée.
ORIGINE
Le haricot commun a été baptisé par
LIMNÉ en 1753 sur un matériel végétal en provenance
d'Amérique. La domestication du haricot aurait commencé vers
5.000 ans avant Jésus Christ, à l'époque
précolombienne. Sa dissémination dans les autres parties du monde
a eu lieu après la découverte de l'Amérique au
15ème siècle de notre ère. (TATCHAGO V. 1999).
58
Le haricot commun a été introduit en Europe par
les Espagnols et les Portugais au XVIè et XVIIè siècle. Ce
sont ces derniers qui l'ont introduit en Afrique pendant la colonisation.
(TEKAM 1990).
C'est une culture principale de la zone tropicale. Au
Cameroun, il est produit essentiellement sur les hautes terres de l'Ouest
Cameroun où il bénéficie des conditions écologiques
favorables. C'est une plante d'altitude moyenne (1.000 m d'altitude minimum)
qui ne supporte qu'une pluviométrie comprise entre 500 et 1.500 mm par
an et des températures de 21?c en moyenne.
IMPORTANCE SOCIO-ECONOMIQUE.
L'Afrique produit environ 2 millions de tonnes de haricots
secs par an en moyenne. Sa production a beaucoup augmenté au cours de
ces 10 dernières années. Ceci a été accompli suite
à l'accroissement des surfaces cultivées et ce continent se
trouve maintenant au second rang des régions tropicales productrices de
haricots derrière l'Amérique latine (CIAT, 1996).
Au Cameroun, cette production est estimée à
71.000 tonnes en 1994 en provenance essentiellement des hautes terres de
l'Ouest Cameroun (FAO, 1996).
La production du haricot sec est le fait des petits
agriculteurs. Cultivée en complantation ou en monoculture, c'est une
plante dans laquelle les fertilisants ou les pesticides ne sont que rarement
employés.
Le haricot fournit a l'homme une double alimentation:
- Ses feuilles servent de légumes verts, avant
maturité, cuit, en salade ou en conserves.
- Ses graines sont consommées sous plusieurs formes et
à différentes étapes de sa croissance. Ainsi on a:
- La consommation en gousse entièrement verte
- la consommation en grains verts ou demi-secs:
récoltés avant le séchage complet des gousses. Ce mode de
consommation est limitée aux pays industrialisés. Exemple: le
flageolet français. - La consommation en grain sec après cuisson.
C'est la forme la plus répandue.
59
Du point de vue énergétique, le haricot commun
contient de nombreux éléments nutritifs: 110 mg de calcium, 57 g
de glucides, 24 g de protéines pour 100 g de partie comestible et dans
une part non négligeable, 1,7 g de lipides, 4 g de fer, des vitamines B1
et B2 (0,5 mg et 0,2 mg respectivement) et de l'acide nicotinique (TEKAM,
1990).
Les hindous qui ne mangent ni de la viande, ni du poisson
auraient de sérieux ennuis de santé s'ils ne compensaient pas
cette carence en protides par la grande consommation de légumineux.
RENDEMENT
Le rendement moyen dans le monde se situe entre 500 et 1100 Kg
à l'hectare (WESTPHAL 1985). Au Cameroun, et plus
particulièrement dans la zone de prédilection de cette culture,
ces rendements sont de l'ordre de 300 à 500 Kg à l'hectare. Cette
baisse de rendement s'explique par les conditions physiques et surtout par les
facteurs humains.
ANALYSE DES PREMIÈRES DONNÉES RECUEILLIES
FIGURE 3: Superficie des cultures vivrières
pour chaque arrondissement de la Mifi.
Bamougoum
31%
Baleng
47%
Bafoussam
22%
Source : DDA Mifi, 2000.
En nous proposant d'enquêter deux arrondissements sur
les trois à savoir Baleng et Bafoussam, nous couvrirons 69% des surfaces
vivrières de la Mifi.
Figure 4 : Evolution des prix moyens annuels au cours
des cinq dernières années
700 600 500 400
300 200 100
0
|
|
|
|
|
Maïs
Haricot sec
Pomme
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1995/96 1996/97 1997/98 1998/99 1999/2000
A partir de ce graphique, on note la haute valeur marchande du
haricot malgré une légère baisse en 1997/98.
Figure 5 : EVOLUTION DES PRIX MENSUELS POUR LES PRINCIPAUX
PRODUITS VIVRIERS DANS LA MIFI
60
800 700 600 500
400 300 200 100
0
|
|
Juil A S O N D J F M A M Juin
|
Haricot
Maïs
Pomme
Ce graphique nous montre la fluctuation des prix des vivriers
en fonction des saisons. Et l'on constate que pendant les semailles les prix
des vivriers grimpent car les paysans sont à la recherche des semences,
alors pendant la production, les prix baissent parce que beaucoup de paysans
mettent leurs produits sur le marché surtout à l'approche de la
rentrée scolaire (Septembre).
Tableau 7 : Recensement des familles agricoles
1998/99
Arrondissement
|
Nombre d'habitations totales
|
Nombre d'exploitations ou familles agricoles
|
- BALENG
|
4.169
|
4.932
|
- BAFOUSSAM
|
2.560
|
2.860
|
- BAMOUGOUM
|
2.832
|
2.916
|
TOTAL MIFI
|
9.561
|
10.702
|
Source : Délégation
départementale de l'agriculture pour la Mifi.
Ces chiffres nous ont permis d'établir la base de
sondage.
Figure 6 : Evolution de la production du haricot 1985
- 1992 à l'Ouest par tonne.
160000
140000
120000
100000
80000
60000
40000
20000
0
61
85/86 86/87 87/88 88/89 89/90 90/91 91/92
Source : Résultats de l'enquête agricole
Projet CAPP - USAID
62
ESQUISSE DE PLAN DE REDACTION DE LA THESE
INTRODUCTION GENERALE
Première Partie : LES MUTATIONS AGRAIRES
ET LA DYNAMIQUE DES VIVRIERS MARCHANDS.
Chapitre 1 : LA CAFÉICULTURE ET SON IMPACT
- Une culture d'élite à son introduction
- Une rapide expansion dans l'espace et dans le temps - De la
déprise à la réogarnisation socio-spatiale
Chapitre 2 : LES MUTATIONS ACTUELLES DU SYSTÈME
AGRAIRE
- Terminologie des concepts
- Signes prémonitoires et facteurs des mutations
- Les aspects et les acteurs des mutations
- La réorganisation de l'espace et des hommes
Chapitre 3 : LE DYNAMISME DES VIVRIERS MARCHANDS
- Les principales productions vivrières marchandes - Les
conditions physiques de production favorables
- L'appel de l'urbain et des prix stimulateurs
- L'arrivée de nouveaux acteurs de production -
L'émergence du haricot
Deuxième Partie : LE HARICOT : AU
CARREFOUR DES CULTURES
VIVRIÈRES, MARAÎCHÈRES ET DE RENTE.
Chapitre 1 : PRÉSENTATION AGRONOMIQUE DU
HARICOT
- La plante : morphologie et physique
- Une légumineuse à cycle végétatif
court
- Le haricot : une source alimentaire riche et variée
- Une plante protectrice de l'environnement
CHAPITRE 2 : UN SYSTÈME DE PRODUCTION
TRADITIONNEL
- Système et technique de culture
- La productivité et l'organisation sociale du travail
- Les rendements, conditionnement et stockage
- L'accès à la terre et le mode de faire-valoir
Chapitre 3 : LES FACTEURS DE LA PRODUCTION DU HARICOT
- La structure démographique et le rôle des femmes -
L'intensification de la production
- Un calendrier agricole complémentaire et favorable - Une
source importante de revenu.
Chapitre 4 : UN RÉSEAU DENSE ET ÉTENDU DE
COMMERCIALISATION
- Le réseau du marché du haricot
- Les acteurs et les circuits de la commercialisation
- Bafoussam et sa région : plaque tournante de la
commercialisation du haricot
- Les principales destinations et les foyers de
consommation
Troisième Partie : PERSPECTIVES ET
INNOVATIONS TECHNIQUES
Chapitre 1 : LIMITES ET CONTRAINTES DE LA PRODUCTION
- Un espace accidenté et exigu
- Les prédateurs et les maladies du haricot
- Manque de structures d'encadrement des producteurs
- Pauvreté généralisée et main
d'oeuvre essentiellement
féminine
Chapitre 2 : L'AVENIR DE LA PRODUCTION DU HARICOT
- Evolution croissante des quantités, de la demande et
des
prix
- Développement des variétés hybrides
- Une source immédiate de garantie alimentaire et de
revenu
- Un potentiel d'exportation élevé
- Haricot et identité régionale
- Vers une organisation de la filière
Chapitre 3 : LA NÉCESSITÉ D'UNE INNOVATION
TECHNIQUE
- Pourquoi innover ?
- Les acteurs et les aspects de l'innovation
- Pour une innovation des formes de consommation
- La diffusion de l'innovation et la position stratégique
de
la Mifi
- Les obstacles à la diffusion de l'innovation.
CONCLUSION GÉNÉRALE
63
-
64
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ce travail de recherche, il serait important de
rappeler la démarche entreprise. La démarche étant
`'une manière de progresser vers un but. Exposer la démarche
scientifique consiste donc à décrire les principes fondamentaux
à mettre en oeuvre dans tout travail de recherche. Les méthodes
ne sont que des mises en formes particulières de la démarche, des
cheminements différents conçus pour être mieux
adaptés aux phénomènes ou domaines
étudiés» (R. Quivy, 1995, p. 14).
La démarche se décompose en trois actes
comprenant sept étapes et au niveau conceptuel qui caractérise le
DEA et lequel s'inscrit ce travail, nous avons formulé une question de
départ : `'Quelle activité peut résorber, ne serait-ce
que partielle, la crise ambiante dans la région». A partir de
cette question, nous avons fait des lectures et des entretiens exploratoires.
Ceci nous a permis de faire la revue de la littérature et
d'établir plusieurs problématiques sectorielles. Notre propre
problématique a été construite autour de la question
centrale suivante : `'Le haricot, culture essentiellement vivrière,
peut-il également être une source importante de revenu pour le
paysan, comme l'était jadis le café P»
C'est à ce moment que nous avons commencé par
baliser le chemin en définissant les concepts clés contenus dans
notre sujet à savoir : crise, mutations et innovation. Même si le
mot crise ne paraît pas dans la formulation du sujet, quant
à Mutation elle découle logiquement d'une situation de
crise, car toute société en crise qui ne veut pas
disparaître est appelée à s'ajuster et à se
réajuster. Sur un plan plus concret ou techniquement, les mutations
suscitent toujours ou du moins dans la plupart des cas des innovations
techniques. Tout ceci entre dans la dynamique des sociétés
humaines.
65
C'est donc un choix méthodologique que d'attaquer notre
sujet par la crise pour déboucher sur l'innovation.
Les auteurs et leurs théories d'analyse ont contribué
à élargir notre vision sur ces concepts et nous avons
cessé de considérer la production du haricot dans la Mifi
seulement sous l'angle des techniques agronomiques.
Pour répondre à notre question centrale contenu
dans la problématique, nous avons formulé deux hypothèses
principales en mettant en corrélation les concepts définis plus
hauts. En optant pour un schème causal dans notre approche, nous aurons
néanmoins besoins du schème de causalité structurelle pour
les analyses de nos concepts multidimensionnels.
Notre travail serait très théorique, si nous
nous étions limités à des analyses et définitions
des concepts. Nous étendons également faire des analyses
quantitatives à partir des données à recueillir sur le
terrain et pour ce faire nous avons élaboré une
méthodologie dans laquelle nous avons défini les bases et les
types de sondage. Mais au préalable nous avons précisé les
dimensions, les indicateurs et les variables de contrôle sur le terrain.
Un guide d'interview a été élaboré et testé
lors d'une pré-enquête (mai et octobre 2000).
66
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Malthus, EDI, ORSTOM et CEPED, coll. international, Paris, pp. 181 -
216.
ANNEXES
70
l'Université de Dschang sur la valorisation des
cultures vivrières et leur dynamique récente. L'accent ici est
mis sur le HARICOT, mais les autres productions seront également
considérées. Les informations recueillies au cours de cette
enquête sont strictement confidentielles et ne peuvent à cet
égard servir à aucune autres fin qu'à celle des objectifs
de l'étude.
GUIDE D'INTERVIEW
Ce questionnaire rentre dans le cadre d'une étude
menée par le département de géographie de
INTERVIEW:
Lieu :
Heures :
Nbre de personnes :
71
QUESTIONNAIRE
I - ETAT CIVIL
1. Nom et prénom (facultatif)
2. Age : Résidence permanente
3. Professions (avant et actuelle):
4. Avez-vous été à l'école ? Si
oui préciser le niveau atteint et/ou les diplômes obtenus:
5. Situation matrimoniale :
- Célibataire - Veuf
- Marié Nombre de femmes
- Profession actuelle de chacune :
6. Combien d'enfants avez-vous ?
- Vont-ils tous à l'école ?
- Si non Pourquoi ?
- Combien sont ici actuellement avec vous ?
- Combien travaillent déjà ? Où ?
II - LE FONCIER.
1. Nombre de parcelles exploitées et lieux :
2. Date et mode d'accès respectif:
- Héritage - Achat - Métayage
3. Superficies respectives et/ou totales :
4. Distance par rapport à la résidence permanente
:
5. Moyen de locomotion :
III - SYSTEME DE PRODUCTION
a- Main d'oeuvre :
Qui s'occupent des tâches suivantes dans votre champ ?
|
Préparation du champ
|
Billonage
|
Semis
|
Désherbage
|
Récolte
|
Transport
|
Autres
|
Planteur
|
|
|
|
|
|
|
|
Epouses
|
|
|
|
|
|
|
|
Enfants
|
|
|
|
|
|
|
|
Salarié
|
|
|
|
|
|
|
|
Groupe travail
|
|
|
|
|
|
|
|
Autres
|
|
|
|
|
|
|
|
b) Production
1. Quelles sont les principales cultures pratiquées ?
- Café - Pomme de terre - Fruitier - Choux
- Maïs - Carotte
- Banane plantain - Autres
2. 72
Par ordre, quelles sont les cultures les plus rentables ?
- -
3. Pourquoi cultivez-vous le haricot ?
4. Quelles variétés cultivez-vous ?
- Noir
- Rouge
- Blanche
- Autres
5. Pourquoi préférez-vous cette ou ces
variétés ?
- Plus productive - Résistantes aux maladies
- Bonne couleur - Goût
- Prix - Conservation
- Autres
INTRANTS
1. D'où proviennent les sémences ?
- Du chef de poste agricole - Du marché local
- Des voisins - De ma propre récolte.
2. Utilisez-vous les engrais ? Chimique ou naturel
- Pour quelles cultures particulièrement ?
- Pourquoi ?
3. Comment fertilisez-vous le champ ?
- Jachère
- Fiente et déchets élevage
- Compost
- Déchets ménagers
- Autres
TECHNIQUE DE PRODUCTION
1. Quelle est votre technique de culture du haricot ?
- Billons - A plat - Autres
Pourquoi ?
2. Le cultivez-vous - en monoculture - en complantation - les
deux ?
3. A quelles autres cultures associez-vous le haricot ?
- Café - Arbre fruitier - Maïs - Banane plantain
- Pomme de terre - Autres
Pourquoi ?
4. Combien de fois par an cultivez-vous le haricot ?
- Périodes de culture
5. Quelles les quantités produites à chaque
campagne ?
6. Entre 1995 et 2000
|
Superficie du haricot
|
Quantité totale
|
Quantité consommées
|
Quantités vendues ou montant en Fcfa
|
Semences
|
1995
|
|
|
|
|
|
1996
|
|
|
|
|
|
1997
|
|
|
|
|
|
1998
|
|
|
|
|
|
1999
|
|
|
|
|
|
2000
|
|
|
|
|
|
|
7. Quels problèmes rencontrez-vous dans la production du
haricot?
- Manque de terre - Manque de semences - Manque de conseils -
Prix bas
- Climat capricieux - Autres
8. Pourqu
Raisons
|
Quantité stockée
|
Durée de stockage
|
Pertes
|
Consommation
|
|
|
|
Attente de prix élevés
|
|
|
|
Semences
|
|
|
|
Bonne technique de stockage
|
|
|
|
Autres
|
|
|
|
73
COMMERCIALISATION
1. Comment vendez-vous votre haricot ?
Lieu de vente
|
Quantité vendue
|
Prix
|
Raisons
|
Au champ
|
|
|
|
Marché du village
|
|
|
|
En ville
|
|
|
|
Période de vente
|
Quantité vendue
|
Prix
|
Raisons
|
Pendant la récolte
|
|
|
|
Juste après la récolte
|
|
|
|
Plus tard
|
|
|
|
NIVEAU DE VIE
1. Concession
- Nombre de maison (Principale Dépendance)
- Case abandonnée en construction
- Principale : Date de construction Nombre de pièces
Nombre de résident
Etat : Plafond ouverture Sol Mur Sécurité
2. Matériel
Lequel des articles suivants possédez-vous ?
- Radio - TV
- Pousse-pousse - Brouette
- Bicyclette - Motocyclette
- Voiture - Autres
3. Principales sources de revenu.
- Salaire
- Commerce
- Pension retraite
- Vente des produits agricoles
- Autres.
|