Introduction
On ne peut s'empêcher de penser à deux choses
lorsqu'on évoque la répression politique au Maroc : les
années de plomb d'Hassan II* et « Notre Ami le Roi » de Gilles
Perrault*. Ces deux idées résument très bien la
séquence choisie pour l'étude du CLCRM de Belgique entre 1972 et
1995. Toutefois, ces deux idées recouvrent quelque chose de plus
profond, quelque chose de plus vaste qu'il convient observer de plus
près.
L'histoire du CLCRM de Belgique s'inscrivait dans une triple
histoire : l'histoire du Maroc, l'histoire de la Belgique et l'histoire des
Mouvements de Solidarité Internationaux. Du coup, l'équation doit
s'adapter dès lors que nous parlerons des CLCRM d'Europe. Pourquoi avoir
choisi ce sujet ? Je pense qu'étudier l'histoire du CLCRM de Belgique
est, d'une part, un facteur permettant la compréhension du contexte
politique mondial durant la période 1970-1990, et, d'autre part le moyen
de montrer que CLCRM fut un élément essentiel à la
connaissance des mouvements de solidarité en Belgique à cette
même époque. En d'autres termes, le CLCRM est un mouvement citoyen
né d'un mariage des mondes politiques, syndicaux et associatifs belges
et marocains. L'un ne va pas sans l'autre. L'union de ces deux mondes regardait
vers un même point : la répression politique au Maroc.
Ce mémoire tend, d'abord, à clarifier
l'évolution des partis politiques au Maroc. Pourquoi choisir ce point de
départ ? Les militants marocains ayant participé aux CLCRM
appartenaient à ces partis politiques marocains. Il est à mon
sens, pour la bonne compréhension, primordial de définir la
politique marocaine depuis l'indépendance. L'entreprise n'est pas
aisée, il faut fournir aux lecteurs les repères historiques de
l'histoire politique marocaine depuis 1956.
Comprendre la politique marocaine contemporaine revient
à cibler les origines du système politique marocain, qui remonte
à plusieurs siècles, pour ensuite t e n t e r d' étudier
minutieusement les événements politiques survenus au Maroc depuis
1956. Il s'agira ici d'étudier la nature du système politique
marocain. Cependant, une autre question pourrait surgir aussi : quel est le
lien entre l'Histoire du système politique marocain et le CLCRM ? Nous
verrons dans cette étude, les circonstances qui ont amené les
oppositions marocaines à entrer en contact avec le monde militant
européen, et plus particulièrement belge dans notre cas. On
conçoit dès lors, que l'histoire des CLCRM de Belgique s'inscrit
dans l'histoire des CLCRM européens. Les activités des CLCRM de
Belgique se distinguent des CLCRM d'Europe. Un autre objectif de ce
mémoire sera de distinguer les activités du CLCRM de Belgique de
celles des comités d'Europe. En d'autres termes, il s'agira, en plus, de
définir les buts communs aux CLCRM, de dégager la plus-value du
CLCRM de Belgique. L'analyse du CLCRM de Belgique, et surtout de celui de
Bruxelles, implique un rebondissement entre ses activités propres et ses
activités menées avec les autres CLCRM. Une nouvelle question
peut nous venir à l'esprit : comment agissait concrètement CLCRM
de Belgique ? Nous verrons, dans la présente étude, que le CLCRM
n'était pas une association
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fermée sur elle- même mais bien une
communauté de militants belges et marocains orientés, voire
impliqués, dans d'autres associations. Le CLCRM de Belgique
s'était entouré de plusieurs mouvements et syndicats belges,
marocains et internationaux qui lui permettaient d'agir aussi rapidement
qu'efficacement.
La chronologie du CLCRM de Belgique est donc parallèle
à une certaine chronologie politique marocaine. Cependant, avoir choisi
comme point de départ l'année 1972 répond aussi au fait
que le CLCRM en Belgique a trouvé un terrain favorable à ses
activités. En effet, nous verrons que les membres belges actifs au
comité répondaient à un profil du moins
intéressé sinon hostile à la dictature politique d'Hassan
II*. La découverte de la répression politique au Maroc par les
membres belges va être un incitant supplémentaire favorable au
resserrement des liens avec les militants marocains. En plus, la
création des CLCRM, dont ceux de Belgique, faisait suite à
d'importants faits politiques et mouvements sociaux : les accords
bilatéraux entre la Belgique et le Maroc sur le transfert d'une main
d'oeuvre marocaine vers le territoire belge en 1964, la systématisation
des arrestations et des enlèvements des opposants marocains entre 1965
et 1974, la grève des ouvrières de la FN d'Herstal, en Belgique,
en 1966, les événements de mai 1968 qui ont été
largement à l'origine du premier CLCRM à Paris, et enfin, les
activités de certains mouvements associatifs marocains en France, en
Belgique, aux Pays-Bas et en RFA dès le début des années
1970.
On comprend aisément que la période
étudiée soit juxtaposée à tout cet ensemble de
circonstances favorables à la naissance des CLCRM et à ses
activités. Tout au long de cette étude, certains noms propres
seront notés d'un astérisque. Ces noms seront repris dans un
glossaire qui proposera une notice biographique des membres du CLCRM de
Bruxelles et de certaines personnes des mondes politique et syndical marocains
et européens.
Enfin, l'étude du CLCRM de Belgique présente un
intérêt d'autant plus grand qu'il importe de ne pas tomber dans le
piège de l'isolement. Autrement dit, l'ultime objectif de ce
mémoire est de conjuguer tous les grands points énoncés
plus hauts pour ressortir tous les enjeux dans lesquels se situe le CLCRM de
Belgique. La présente étude va s'articuler en quatre chapitres.
Le premier chapitre expose la méthodologie élaborée au
cours de ce travail. Le second chapitre présente les
éléments qui doivent permettre aux lecteurs de saisir le
système politique marocain avec, en plus, les origines et les
méthodes de la répression politique au Maroc. Le troisième
chapitre est, en quelque sorte, le chapitre qui fait le trait d'union entre le
deuxième chapitre et le quatrième chapitre. Ce chapitre raconte
le phénomène de l'exil politique. Et enfin, le quatrième
chapitre analyse les origines, les activités, les publications et le
bilan du CLCRM de Belgique. Il est opportun de préciser que le principal
CLCRM étudié au cours de ce mémoire est celui de
Bruxelles
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