Année académique 2014-2015
Histoire du Comité de Lutte contre la
Répression au
Maroc
Analyse d'une association centrée en Belgique :
1972-1995
Mémoire présenté sous la direction de Mme
Anne Morelli en vue de l'obtention du titre de Master en histoire à
finalité Archives et documents
EL BAROUDI, Ziad
Table des Matières
Liste des sigles Avant-propos
Introduction 1
Chapitre I : Méthodologie 3
a. La bibliographie 3
b. Les centres de documentation 4
c. Les archives des particuliers 6
d. Les sources orales 7
Chapitre II : Chronologie de la politique marocaine
8
A. Le Camp du Palais 8
a.1 Le Roi 8
a.2 Le Makhzen 10
B. Les Partis politiques au Maroc 14
b.1 L'émergence d'une conscience partisane : 1927-1934
14
b.2 Emergence du Mouvement National : 1934-1943 15
b.3 Les Partis politiques, quelle gauche pour quelle droite ? :
1943-1959 16
b.4 Le face-à-face entre le Palais et les Partis
politiques : 1959-1965 19
b.5 Vers un nouveau consensus politique et la question du Sahara
occidental : 1965-1983 23
C. L'appareil sécuritaire au Maroc 27
c.1 Les Forces Armées Royales 27
c.2 Les polices politiques 28
c.3 Les lieux de détentions et tortures au Maroc 34
Chapitre III : L'exil politique 34
a. Du Maghreb vers l'Europe : fuir le despotisme d'Hassan II
34
b. Les Amicales des Travailleurs et Commerçants Marocains
36
c. Syndicalisme et opposition marocaine en Europe 39
Chapitre IV : Les Comités de Lutte contre la
Répression au Maroc 41
A. Le Comité de Paris : Comité pionnier
1972 41
a.1 Les objectifs du Comité 42
a.2 Les premiers rapports du Comité : 1972-1976 43
B. La Belgique : du Comité carolorégien au
Comité bruxellois : 1973-1995 43
B.1 La composition des comités 43
b.1.2 Le comité de Charleroi 44
b.1.3 Le comité de Bruxelles 45
b.1.3.1 Rencontres à la CGSP 45
b.1.3.2 De la CGSP aux mouvements associatifs belges 45
b.1.3.3 Des mouvements associatifs belges aux
représentants politiques belges 46
B.2 Le fonctionnement du comité bruxellois 48
b.2.1 Le modèle bruxellois : membres
délibératifs et membres consultatifs 49
b.2.2 Gestion financière et le réseau de
solidarité syndicale 54
B.3 Activités et publications 58
b.3.1 Du second rapport de Paris aux premières
coordinations européennes : 1977-1979 60
b.3.2 Les premières activités du Comités de
Lutte contre la Répression à Bruxelles : 1977-1983 66
b.3.3 La mission juridique André Tremblay et les
émeutes du 21 juin 1981 69
b.3.4 Les relations entre les CLCRM en Europe: coordinations et
bilans d'activités 1977-1983 78
b.3.5 La mission médicale Brutsaert-Moulaert et le Groupe
« 84 » de Marrakech : 1984 88
b.3.6 De la coordination des CLCRM de Strasbourg à
l'affaire Albert Raes : 1985-1989 98
C. Bilans et résultats obtenus 107
Conclusion 113
Sources et bibliographie 118
Glossaire des personnalités 139
Annexe 158
Liste des sigles
Partis, associations et institutions : Maroc (Maghreb)
ALM Armée de Libération
Marocaine
AMDH Association Marocaine des Droits de
l'Homme
ASDHOM Association de Défense des Droits
de l'Homme au Maroc
CALM Comité d'Action et de Lutte
Marocain
CDT Confédération
Démocratique du Travail
CNC Conseil National Consultatif
DGED Direction Générale de l'Etude
et de la Documentation
DGSN Direction Générale de la
Sécurité Nationale
DST Direction de la Sûreté
Nationale
FAR Forces Armées Royales
FDIC Front de Défense des Institutions
Constitutionnelles
FI Front de l'Istiqlal
FLN Front de Libération Nationale
(Algérie)
MP Mouvement Populaire
MPDC Mouvement Populaire Démocratique
Constitutionnel
OADP Organisation de l'Action
Démocratique et Populaire
OMDH Organisation Marocaine des Droits de
l'Homme
PA Parti de l'Action
PADS Parti de l'Avant-Garde Démocrate et
Socialiste
PCD Parti Démocratique Constitutionnel
PCM Parti Communiste Marocain
PF Poste Fixe
PI Parti de l'Istiqlal
PDI Parti de la Démocratie et de
l'Istiqlal
PJD Parti Justice et Développement
PLP Parti Libéral Progressiste
PLS Parti de la Libération et du
Socialisme
PN Parti National
PND Parti National Démocrate
PSU Parti Socialiste Unifié (Maroc)
POLISARIO Frente Popular de Liberación de
Saguía el Hamra y Río de Oro (Sahara occidental)
PPS Parti du Progrès et du Socialisme
RASD République Arabe Sahraouie
Démocratique (Sahara occidental)
RNI Rassemblement National des
Indépendants
SNE Syndicat National des Enseignants
SNL Syndicat National des Lycéens
UC Union Constitutionnelle
UGEM Union Générale des Etudiants
du Maroc
UGSM Union Générale des Syndicats
Confédérées du Maroc
UGTM Union Générale des
Travailleurs du Maroc
UMT Union Marocaine du Travail
UNED Union Nationale des Etudiants
Démocrate
UNEM Union Nationale des Etudiants du Maroc
UNFP Union Nationale des Forces Populaires
USFP Union Socialiste des Forces Populaires
Partis, associations et institutions.
EUROPE : France, Belgique, Pays-Bas et
Allemagne.
ACAT Action des chrétiens pour
l'abolition de la torture
AJBD Association des Juristes Belges
Démocrates
AMF Association des Marocains de France
APADM Association des Parents et Amis Disparus
au Maroc
ASCLCRM Association des Comités de Lutte
contre la Répression au Maroc
ATMF Association des Travailleurs Marocains de
France
CLCRM ou CCRM Comité de
Lutte contre la Répression au Maroc ou Comité Contre la
Répression au Maroc
CGSP Centrale Générale des
Services Publics (Belgique)
CGT Confédération
générale du travail (France)
CNAPD Coordination Nationale d'Action pour la
Paix et la Démocratie (Belgique)
CNV Christelijk Nationaal Vakverbond
(Pays-Bas)
CSC Confédération des syndicats
chrétiens (Belgique)
CVP Christelijke Volkspartij (Belgique)
DGB Deutscher Gewerkschaftsbund (Allemagne)
FDF Fédération Démocratique
des Francophones
FGTB Fédération
Général du Travail de Belgique
FNV Federatie Nederlandse Vakbeweging
(Pays-Bas)
JCB Jeunesses Communistes Belges
JOC Jeunesses Ouvrières
Chrétiennes (Belgique)
JSB Jeunesses Socialistes Belges
KMAN Komitee Marokkaanse Arbeiders Nederlands
KPB Kommunistische Partij van België
MAB Marokkanisher Arbeiterbund
MOC Mouvement Ouvrier Chrétien
(Belgique)
MCP Mouvement Chrétien pour la Paix
(Belgique)
MR Mouvement Réformateur (Belgique)
MRAX Mouvement contre le Racisme,
l'Antisémitisme et la Xénophobie
ONU Organisation des Nations Unies
OXFAM Oxford Committee for Famine Relief
(section Belgique)
PCB Parti Communiste Belge
PRL Parti des Réformes Libérales
(Belgique)
PSB Parti Socialiste Belge
PSF Parti Socialiste Français
PSU Parti Socialiste Unifié (France)
PSC Parti Social-Chrétien (Belgique)
RDM Regroupement Démocratique Marocain
RW Rassemblement Wallon
UBDP Union Belge pour la Défense et la
Paix
1 L'image de la page de garde est tirée de
la couverture de « Maroc Répression », bulletin d'information
du CCRM section Bruxelles. In Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM section Bruxelles, novembre-décembre, 1989.
Avant-propos1
Ce mémoire n'aurait pas pu être
rédigé sans l'existence du CCRM. Le CCRM et plus largement tous
les CLCRM d'Europe ont été le fruit d'un effort collectif. Cet
effort collectif a été porté par des hommes et femmes, par
des Européens et par des Marocains.
L'action des CLCRM était organisée par ces
hommes et femmes mus par un idéal commun de justice et de
solidarité. Ce travail était, en plus, effectué sans
aucune forme de rétribution. Fournir un tel travail militant sur une
vingtaine d'années relève au moins d'une
générosité désintéressée, sinon d'une
résistance ouverte face à l'oppression politique et à la
tyrannie d'Hassan II. Les militants connus et moins connus ont consacré
leur temps et leur énergie à soutenir le peuple marocain dans sa
lutte contre le régime d'Hassan II. Alors que ce dernier disposait les
moyens de sa répression politique, les militants des CLCRM disposaient
d'une organisation, des moyens d'action rapide et surtout du courage. Le
courage apparaissait comme la première arme de résistance face
à la dictature marocaine.
Depuis l'indépendance du Maroc, les enlèvements,
les tortures, les incarcérations, les meurtres et les disparitions
définitives ont été le lot quotidien du peuple marocain
dans le cadre de sa lutte pour la démocratie, la liberté
d'expression, la liberté de conscience et la liberté d'opinion.
De ce fait, les CLCRM ont relevé un grand défi celui de la lutte
contre la répression au Maroc.
Outre le courage, l'entraide permettait aux Marocains du Maroc
et d'Europe de combattre la répression politique. Néanmoins,
comme le dit l'adage suivant : « Derrière chaque grand homme se
cache une femme ». Ainsi, lors des rafles qui frappèrent de plein
fouet les militants marocains, qu'ils soient de gauche ou d'extrême
gauche, ce sont les femmes, les mères, les filles, les tantes, les
grand-mères, les cousines qui sortaient pour manifester et revendiquer
la libération immédiate des détenus dans les prisons. En
guise d'exemple, citons le combat des femmes proches des militants de l'UMT ,
de l'UNFP, de l'USFP, d'Ilal Amam et du 23 Mars qui ont aidé
ces derniers à échapper à la police, et les femmes de
l'extrême gauche, dont Saïda Menbehi*, sûrement la plus forte
figure féminine de la résistance au régime d'Hassan II,
qui est morte pour son combat en 1977. Ces femmes devaient,
parallèlement, pourvoir à l'éducation au sein du foyer
à l'heure où leur mari sortait militer pour un Maroc meilleur. La
machine répressive ne faisait pas de cadeaux, ainsi pensons aux
nombreuses familles marocaines détruites par les actions arbitraires
commises par la police marocaine.
Ensuite, citons les cas des femmes des détenus «
secrets » dans les centres de détention, les PF ou les bagnes.
Parmi ces femmes, évoquons les femmes du capitaine Salah Hachad et du
commandant M'barek Touil, Aïda Hachad et Nancy Touil qui ont plaidé
jusqu'au bout pour la libération de leur mari et de leur groupe entre
1973 et 1989. Evoquons la mobilisation de la famille Ben Barka qui ne cessa de
militer pour connaître le sort de Mehdi Ben Barka disparu depuis 1965. Il
y a aussi la famille El
Manouzi, qui, encore aujourd'hui, se mobilise pour
connaître le sort d'Houcine El Manouzi disparu depuis 1975. Parmi les
femmes des détenus, citons Christine Jouvin* et Jocelyne Laâbi qui
luttèrent pour la libération de leur mari : Abraham Serfaty et
Abdellatif Laâbi. Parmi les mères qui se sont illustrées
dans le combat pour la libération de leurs enfants, citons les
mères de Moustapha Belhouari et Moulay Ahmed Douraïdi qui sont
sorties avec les mères des détenus lors des manifestations qui
ont eu lieu à Marrakech le 1er mai 1984.
Ces mères, ces femmes, ces tantes et ces
grand-mères étaient celles qui allaient voir
régulièrement les détenus en prison en leur apportant des
vivres, de la tendresse et de l'amour comme l'indiquait
« Rahal » dans son témoignage. Sitôt
les prisonniers recevaient quelque chose sitôt ils étaient
fouillés par les gardes de la prison qui confisquaient tout, même
l'amour apporté...
Le présent travail vise à rendre hommage
à ces militants marocains, français, belges, néerlandais,
allemands, suisses et espagnols, tout en saluant l'action des hommes et femmes
de l'ombre qui ont constitué une véritable force organisatrice
militante.
1
Introduction
On ne peut s'empêcher de penser à deux choses
lorsqu'on évoque la répression politique au Maroc : les
années de plomb d'Hassan II* et « Notre Ami le Roi » de Gilles
Perrault*. Ces deux idées résument très bien la
séquence choisie pour l'étude du CLCRM de Belgique entre 1972 et
1995. Toutefois, ces deux idées recouvrent quelque chose de plus
profond, quelque chose de plus vaste qu'il convient observer de plus
près.
L'histoire du CLCRM de Belgique s'inscrivait dans une triple
histoire : l'histoire du Maroc, l'histoire de la Belgique et l'histoire des
Mouvements de Solidarité Internationaux. Du coup, l'équation doit
s'adapter dès lors que nous parlerons des CLCRM d'Europe. Pourquoi avoir
choisi ce sujet ? Je pense qu'étudier l'histoire du CLCRM de Belgique
est, d'une part, un facteur permettant la compréhension du contexte
politique mondial durant la période 1970-1990, et, d'autre part le moyen
de montrer que CLCRM fut un élément essentiel à la
connaissance des mouvements de solidarité en Belgique à cette
même époque. En d'autres termes, le CLCRM est un mouvement citoyen
né d'un mariage des mondes politiques, syndicaux et associatifs belges
et marocains. L'un ne va pas sans l'autre. L'union de ces deux mondes regardait
vers un même point : la répression politique au Maroc.
Ce mémoire tend, d'abord, à clarifier
l'évolution des partis politiques au Maroc. Pourquoi choisir ce point de
départ ? Les militants marocains ayant participé aux CLCRM
appartenaient à ces partis politiques marocains. Il est à mon
sens, pour la bonne compréhension, primordial de définir la
politique marocaine depuis l'indépendance. L'entreprise n'est pas
aisée, il faut fournir aux lecteurs les repères historiques de
l'histoire politique marocaine depuis 1956.
Comprendre la politique marocaine contemporaine revient
à cibler les origines du système politique marocain, qui remonte
à plusieurs siècles, pour ensuite t e n t e r d' étudier
minutieusement les événements politiques survenus au Maroc depuis
1956. Il s'agira ici d'étudier la nature du système politique
marocain. Cependant, une autre question pourrait surgir aussi : quel est le
lien entre l'Histoire du système politique marocain et le CLCRM ? Nous
verrons dans cette étude, les circonstances qui ont amené les
oppositions marocaines à entrer en contact avec le monde militant
européen, et plus particulièrement belge dans notre cas. On
conçoit dès lors, que l'histoire des CLCRM de Belgique s'inscrit
dans l'histoire des CLCRM européens. Les activités des CLCRM de
Belgique se distinguent des CLCRM d'Europe. Un autre objectif de ce
mémoire sera de distinguer les activités du CLCRM de Belgique de
celles des comités d'Europe. En d'autres termes, il s'agira, en plus, de
définir les buts communs aux CLCRM, de dégager la plus-value du
CLCRM de Belgique. L'analyse du CLCRM de Belgique, et surtout de celui de
Bruxelles, implique un rebondissement entre ses activités propres et ses
activités menées avec les autres CLCRM. Une nouvelle question
peut nous venir à l'esprit : comment agissait concrètement CLCRM
de Belgique ? Nous verrons, dans la présente étude, que le CLCRM
n'était pas une association
2
fermée sur elle- même mais bien une
communauté de militants belges et marocains orientés, voire
impliqués, dans d'autres associations. Le CLCRM de Belgique
s'était entouré de plusieurs mouvements et syndicats belges,
marocains et internationaux qui lui permettaient d'agir aussi rapidement
qu'efficacement.
La chronologie du CLCRM de Belgique est donc parallèle
à une certaine chronologie politique marocaine. Cependant, avoir choisi
comme point de départ l'année 1972 répond aussi au fait
que le CLCRM en Belgique a trouvé un terrain favorable à ses
activités. En effet, nous verrons que les membres belges actifs au
comité répondaient à un profil du moins
intéressé sinon hostile à la dictature politique d'Hassan
II*. La découverte de la répression politique au Maroc par les
membres belges va être un incitant supplémentaire favorable au
resserrement des liens avec les militants marocains. En plus, la
création des CLCRM, dont ceux de Belgique, faisait suite à
d'importants faits politiques et mouvements sociaux : les accords
bilatéraux entre la Belgique et le Maroc sur le transfert d'une main
d'oeuvre marocaine vers le territoire belge en 1964, la systématisation
des arrestations et des enlèvements des opposants marocains entre 1965
et 1974, la grève des ouvrières de la FN d'Herstal, en Belgique,
en 1966, les événements de mai 1968 qui ont été
largement à l'origine du premier CLCRM à Paris, et enfin, les
activités de certains mouvements associatifs marocains en France, en
Belgique, aux Pays-Bas et en RFA dès le début des années
1970.
On comprend aisément que la période
étudiée soit juxtaposée à tout cet ensemble de
circonstances favorables à la naissance des CLCRM et à ses
activités. Tout au long de cette étude, certains noms propres
seront notés d'un astérisque. Ces noms seront repris dans un
glossaire qui proposera une notice biographique des membres du CLCRM de
Bruxelles et de certaines personnes des mondes politique et syndical marocains
et européens.
Enfin, l'étude du CLCRM de Belgique présente un
intérêt d'autant plus grand qu'il importe de ne pas tomber dans le
piège de l'isolement. Autrement dit, l'ultime objectif de ce
mémoire est de conjuguer tous les grands points énoncés
plus hauts pour ressortir tous les enjeux dans lesquels se situe le CLCRM de
Belgique. La présente étude va s'articuler en quatre chapitres.
Le premier chapitre expose la méthodologie élaborée au
cours de ce travail. Le second chapitre présente les
éléments qui doivent permettre aux lecteurs de saisir le
système politique marocain avec, en plus, les origines et les
méthodes de la répression politique au Maroc. Le troisième
chapitre est, en quelque sorte, le chapitre qui fait le trait d'union entre le
deuxième chapitre et le quatrième chapitre. Ce chapitre raconte
le phénomène de l'exil politique. Et enfin, le quatrième
chapitre analyse les origines, les activités, les publications et le
bilan du CLCRM de Belgique. Il est opportun de préciser que le principal
CLCRM étudié au cours de ce mémoire est celui de
Bruxelles
3
Chapitre I : Méthodologie
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de
présenter la méthodologie utilisée pour cette
étude. Dans ce travail, je mentionnerai plusieurs sources dont le
contenu mérite un examen préalable. En effet, l'étude
articule l'histoire politique du Maroc contemporain, le phénomène
de l'exil politique marocain et les Comités de Lutte contre la
Répression au Maroc. De ce dernier point, nous développerons
davantage le fonctionnement interne du Comité bruxellois qui est le
sujet proprement dit de la présente étude.
Ceci nous amène à développer
l'heuristique effectuée pour ce travail. La collecte des sources nous
indique une articulation entre une bibliographie (dont une esquisse
était déjà proposée pour le travail
préparatoire au mémoire) et des archives
dépouillées dans des centres de documentation et chez des
particuliers. Mentionnons, enfin, le recours à des sources orales.
a. La bibliographie.
L'éventail des lectures proposées depuis le
travail préparatoire au mémoire s'est considérablement
élargi. A partir des ouvrages généraux relatifs à
l'histoire politique du Maroc, nous avons été amenés
à consulter des revues et des ouvrages plus spécialisés
sur la politique marocaine. Ces travaux spécialisés sont utiles
dans la mesure où ils expliquent, directement ou indirectement,
l'émergence des CLCRM en Europe. Ensuite, l'historien se doit de
privilégier les sources de première main. Dans cette optique, une
consultation du Bulletin officiel du Royaume du Maroc était
indispensable. Ce bulletin est l'équivalent du Moniteur belge. Tous les
textes législatifs marocains sont publiés dans ce bulletin depuis
1912, aussi il apparait nécessaire, voire indispensable,
d'enquêter sur le contenu de certaines lois relatives à la vie
politique marocaine. Ces lois, citées dans la présente
étude, sont, pour l'essentiel, des textes législatifs sur la
gestion du pouvoir royal, les partis politiques et l'appareil
sécuritaire au Maroc.
Nous découvrirons à travers cette étude
que l'un des objectifs des CLCRM, dont celui du bureau bruxellois, était
d'interpeller l'opinion publique. Ces interpellations quant à la
répression politique au Maroc, se caractérisaient par des
questions parlementaires en Belgique. Il apparaît donc opportun de
consulter les Annales Parlementaires de Belgique et plus
particulièrement les questions parlementaires. Ces dernières
constituent une source d'informations importante pour la compréhension
des activités du CCRM de Bruxelles.
Outre les études sur l'histoire du Maroc contemporain,
la bibliographie est complétée par des contributions
spécialisées sur l'histoire de l'immigration marocaine en Europe
et des témoignages écrits.
Compte tenu des interpellations parlementaires en Belgique, le
CCRM de Bruxelles faisait prendre connaissance de ses activités à
travers la presse. Il est donc utile de consulter les journaux qui ont fait
écho
4
aux activités des CLCRM. Parmi les journaux, nous
citons : Le Monde, Libération, Le Nouvel
Observateur, L'Humanité, La Cité, Le Drapeau
Rouge, Le Soir, La Dernière Heure et Het Laatste
Nieuws2.
Nous posons ici une modeste base méthodologique pour
l'étude du comité bruxellois. L'enquête nous a conduit
progressivement à investiguer dans les centres de documentation ayant
des archives sur le CCRM de Bruxelles. En voici l'état des lieux.
b. Les centres de documentation.
Nous relevons, dans ce point, l'enquête et la
consultation des archives relatives au CCRM de Bruxelles dans les centres de
documentation. Parmi ceux-ci, figure le Centre d'Études et de
Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CEGES). Ce
centre de documentation inclut le Fonds Pierre Le Grève*. Ce Fonds
d'archives a été capital pour ce travail. En effet, la plupart
des archives relatives à la gestion interne du CCRM de Bruxelles est
contenue dans le Fonds Pierre Le Grève*. Le versement de l'ensemble des
archives de Pierre Le Grève* a été effectué par
Louise Lacharon* en 20043. Les archives ont été
inventoriées au CEGES l'année suivante par M. Mombeek.
Les archives relatives au CCRM de Bruxelles et au Maroc sont
réparties en dix boîtes, chacune comportant en moyenne 15 à
50 liasses. Ces liasses reprennent une documentation aussi riche que
variée dont :
- Une importante correspondance entre Pierre Le Grève*
et des ressortissants, étudiants et opposants marocains.
- Une importante correspondance entre Pierre Le Grève*
et les partis politiques, les mouvements citoyens et les mouvements associatifs
marocains.
- Une importante correspondance relative à des
échanges entre les CLCRM de Belgique et d'Europe. - La presque
totalité des numéros de « Maroc Répression »,
bulletin d'information du CCRM de Bruxelles, et quelques numéros de
« Maroc Répression » édités par le CLCRM de
Paris.
- Une documentation relative à la CGSP secteur
Enseignement portant sur l'exercice du culte islamique en Belgique.
Après le CEGES, mon investigation m'a conduit au Centre
des Archives communistes en Belgique (CARCOB). Dans ce centre de documentation
se trouve le Fonds Jacques Moins*. Jacques Moins* a fait partie du
comité que nous étudierons. Ces archives, partiellement
inventoriées, contiennent essentiellement de la documentation relative
à la Fondation Joseph Jacquemotte, de la correspondance avec l'Union des
Avocats Belges et des éléments du PCB. Le Centre Bruxellois
d'Action Interculturelle (CBAI) contient de la documentation
intéressante sur l'histoire de l'immigration marocaine. L'enquête
nous a permis de recouper certaines sources avec celles de particuliers comme
nous le verrons plus loin. Parmi ces sources, nous relevons des études
sur l'implantation des Marocains en Belgique et quelques contributions sur
les
2 La plupart de ces journaux sont classés par
collection à l'Université Libre de Bruxelles.
3 Interview de Louise Lacharon le 7 février
2013.
5
vétérans marocains de la Seconde Guerre
Mondiale. Cependant, une contribution publiée par les Amicales de
Belgique doit retenir notre attention. Le phénomène des Amicales
de Travailleurs et Commerçants Marocains a été un
élément déclencheur à la création du CCRM de
Bruxelles. Ce point sera davantage examiné dans le troisième
chapitre.
Revenons à notre heuristique ; une prise de contact
avec le Centre d'Animation et de Recherche en Histoire Ouvrière et
Populaire (CARHOP) a été réalisée. Ce centre
contient de la documentation relative au Mouvement Ouvrier Chrétien
(MOC). Nous avons pris connaissance du Fonds Robert D'Hondt et des archives du
MOC, section La Louvière. Ces Fonds sont situés au
dépôt du CARHOP à Braine-le-Comte. Cependant, si ces Fonds
contiennent des archives fondamentales sur la gestion interne du MOC et de la
CSC en général (PV de réunions, assemblées
générales, activités avec les jeunesses sportives,
etc...), ils présentent un faible intérêt quant à
l'étude du CCRM de Belgique.
La découverte des relations que le CCRM de Bruxelles
entretenait avec le MRAX et la FGTB m'a poussé à enquêter
sur la possibilité de consulter des archives à ce sujet. Les
archives du MRAX sont aussi au CEGES mais ne seront seulement accessibles que
cette année. Quant à la documentation de la FGTB, aucune archive
qui pourrait nous intéresser n'est à signaler. Notons aussi que
les activités passées entre le CCRM et les JSB offriraient une
perspective de compréhension supplémentaire quant aux
activités des CCRM de Bruxelles. Les archives des JSB sont
détenues par l'Institut liégeois d'Histoire sociale (ILHS).
Pourtant, bien qu'un contact ait été établi avec l'ILHS,
aucune suite ne nous a été donnée quant l'existence d'une
documentation commune entre les deux associations.
Enfin, nous découvrirons aussi, par cette étude,
que le CCRM de Belgique a participé à des missions juridiques et
médicales. Ces missions ont été accomplies avec l'aide
d'ONG parmi lesquelles : l'Association des Juristes Belges Démocrates,
la Ligue Belge des Droits de l'Homme et Amnesty International.
Au final, nous serions tentés d'envisager une
enquête plus large sur la documentation relative au CCRM de Bruxelles
à partir des archives des partis politiques belges et des ONG. Ce serait
une entreprise louable, mais un délai doit être respecté.
L'approfondissement de l'heuristique pourrait faire l'objet d'une prolongation
ultérieure à cette présente étude4.
Accessoirement, nous pouvons signaler les Fonds
inventoriés par Génériques.
Génériques est une association française qui a
pour objectif de préserver, sauvegarder et valoriser l'histoire de
l'immigration en France et en Europe. L'association possède des Fonds
d'archives consacrés à certains mouvements associatifs marocains,
dont l'AMF et l'ATMF. Qui plus est, Génériques conserve
de la documentation relative aux activités des CLCRM de France. La
consultation de ces documents permettrait de mieux cerner le vaste «
puzzle » des CLCRM d'Europe.
4 Des indications sur cette documentation sont
signalées dans : P.VAN DEN EECKHOUT et G. VANTHEMSCHE (dir.),
Bronnen voor de studie van het hedendaagse België 19e-21e Eeuw,
Bruxelles, Commission Royale d'Histoire, 2009.
6
Au regard des archives et de la documentation relatives au
CCRM de Bruxelles accessibles dans les centres de documentation, une
enquête auprès de certains particuliers nous a permis de mieux
dégager les enjeux du CCRM à travers ses activités.
c. Les archives des particuliers.
Ce point n'est pas dénué d'intérêt
car ces archives nous permettent de compléter la documentation
conservée par Pierre Le Grève* au CEGES. L'accès à
ces archives complète ainsi la documentation générale
produite par le CCRM de Bruxelles. Ma campagne de collecte relative aux
archives du CCRM m'a permis de recueillir des archives personnelles
auprès de trois personnes :
- Mohamed El Baroudi* : Mohamed El Baroudi* a
gardé une documentation non négligeable relative aux
activités associatives et militantes marocaines en Belgique. Dans cette
documentation, il y a des PV de réunions, des communiqués, des
journaux et des notes personnelles. Cette documentation provient des
activités du RDM, de l'UNEM et du CCRM de Bruxelles. Comme pour Pierre
Le Grève*, le dépouillement des archives de Mohamed El Baroudi*
nous permettra d'avoir des indications supplémentaires sur les origines
de la création du CCRM de Bruxelles. Les archives conservées par
Mohamed El Baroudi* sont essentiellement réparties dans des boîtes
et fardes non classées. Situées dans sa bibliothèque,
elles n'ont pas encore fait l'objet d'un classement rigoureux. La
rédaction de ce mémoire a permis le début du
dépouillement de ses archives. La constitution d'un Fonds d'archives
sera dès lors envisagée.
- Louise Lacharon* : Nous avons pu obtenir quelques
archives de Louise Lacharon*, membre incontournable du CCRM de Bruxelles. Ces
pièces d'archives concernent essentiellement l'organisation des
distributions des tracts et affiches du CCRM de Bruxelles.
- Colette Moulaert* : Le Docteur Colette Moulaert* a
participé aux activités des CCRM de Charleroi et de Bruxelles.
Elle fut notamment mandatée par la Ligue Belge des Droits de l'Homme
pour une mission médicale à Marrakech le 12 septembre 1984. Ma
rencontre avec Colette Moulaert*a permis l'accès à ses archives
réunies dans un dossier intitulé : Maroc 84'. Ce dossier
contient le rapport de la mission à laquelle elle a participé. En
plus, le dossier contient de la documentation sur l'état des
hôpitaux au Maroc dans les années 1980 et des témoignages
recueillis par les proches des détenus du groupe « 84 ». Ce
groupe sera observé plus amplement dans une partie consacrée
à cet effet.
- Le groupe de Charleroi : Ce groupe constituait, avec
Ernest Glinne*, la base du CCRM de
Charleroi qui sera brièvement observé dans cette
étude. J'ai eu l'occasion de rencontrer le
groupe dit de Charleroi, le 1er avril 2014. Ce
groupe est constitué, en partie, d'un ancien étudiant de l'UNEM
devenu sociologue : Mohamed Ouslikh et d'anciens membres de la JOC devenus
médecins, à savoir Jacques Van Damne et Jacques Charles. Ces deux
médecins ont
7
participé à la première mission
médicale partie de Belgique5. Le groupe de Charleroi m'a
confirmé l'existence des archives relatives à la gestion interne
du CCRM de Charleroi. Malheureusement, Jacqueline Gilbert, la détentrice
de ces archives, est de santé fragile et je n'ai pu obtenir une entrevue
avec l'intéressée6.
d. Les sources orales.
Contrairement aux sources écrites, les sources orales
doivent être l'objet d'une critique rigoureuse. J'ai été
amené au cours de cette enquête à collecter des
témoignages oraux. Au vu du nombre des membres adhérents au CCRM
de Bruxelles, la priorité des témoignages oraux a
été donnée aux éléments les plus actifs
quant au fonctionnement interne et externe du CCRM de Bruxelles.
Les récits impliquaient une préparation
préalable à partir d'un questionnaire qui se devait d'être
le plus rigoureux et le plus neutre possible.
Pour l'essentiel, les questions portaient sur :
- Une présentation biographique de
l'intéressé(e).
- Les circonstances qui ont amené
l'intéressé(é) à connaître, voire à
intégrer le CCRM.
- Le fonctionnement interne du CCRM.
- Les rapports entre les CLCRM en Europe.
- Les liens entre le CCRM et les mouvements de l'opposition
marocaine.
- Les résultats obtenus.
Ces témoignages m'ont permis d'obtenir quelques
informations supplémentaires sur des activités ponctuelles
organisées par le CCRM de Bruxelles. Néanmoins, j'ai
découvert que le récit proposé par certains intervenants
pouvait présenter plusieurs lacunes. Ces lacunes relèvent
principalement de :
- L'indisponibilité : Si nous avons pu
rencontrer plusieurs personnes ressources dans le cadre d'un témoigne
oral, il était plus difficile d'entrer contact avec d'autres personnes
sources parmi lesquelles des membres du CLCRM de Paris en relation avec les
CCRM de Belgique et des militants marocains dont certains, alors prisonniers,
étaient en contact avec les CLCRM.
- L'oubli : Il ne paraissait pas évident
à l'interlocuteur de fournir un récit suivi d'un point de vue
historique. Ainsi, par exemple, certaines personnes me présentaient le
CCRM de ses premières et de ses dernières années
(début 1977, césure, début 1990). Rares étaient les
intervenants capables de nous proposer un récit qui correspondait aux
sources écrites.
- L'anachronisme : Le CLCRM de Paris n'est pas celui
de Bruxelles. Bien que les deux comités se soient fixé des
objectifs communs, chacun des deux disposait de son propre mode de
fonctionnement. Souvent, des dates et faits énoncés par des
intervenants ne concordaient pas du tout
5 Cependant cette mission n'a pu aboutir.
L'équipe médicale a été refoulée de la
frontière marocaine.
6 Interview de Mohamed Ouslikh, de Jacques Van Damne
et Jacques Charles le 1er avril 2014.
8
avec les sources écrites. Certains intervenants me
confirmant leur adhésion au CLCRM mais ignoraient l'existence d'un CCRM
à Bruxelles. Qui plus est, le travail effectué par le CCRM de
Bruxelles a été une somme des travaux réalisés par
ses membres adhérents et plus particulièrement par ses membres
actifs. Dès lors, le CCRM bruxellois n'est pas une simple branche «
exécutive » du CLCRM de Paris, comme le pensaient certains
intervenants.
- Le « mensonge » : Il nous est
arrivé de rencontrer des intervenants qui adaptaient leur récit
durant l'entretien. Par conséquent, j'ai pu observer que ces personnes
ressources « exagéraient » démesurément leur
rôle réel ou supposé au sein du CCRM. Ce dernier point a
accru ma vigilance quant à la collecte des témoignages oraux.
Chapitre II : Chronologie de la politique marocaine
A. Le Camp du Palais
Etudier l'histoire des Comités de Lutte contre la
Répression au Maroc, dont la section bruxelloise nécessite, de
prime abord, d'analyser la nature du système politique marocain. En
effet, ce dernier est qualifié de bicéphale, étant
représenté par le roi, d'une part, et par le Makhzen, d'autre
part. Il est, dès lors, opportun, dans ce chapitre, de survoler
l'histoire du système politique marocain précolonial
jusqu'à la veille de l'indépendance. Ensuite, tenter de
comprendre les acteurs du pouvoir politique au Maroc en mettant en relief les
fonctions du Palais, du Makhzen et des partis politiques. Et enfin, il importe
de saisir la naissance et le développement de l'appareil
sécuritaire au Maroc.
a.1 Le Roi
Anciennement sultan, le roi est le souverain de tout le
territoire qui répond à la beia7. Source de
toutes légitimités, il est le farouche symbole unificateur de
toutes les régions, qu'elles soient arabophones ou berbérophones
; il est le commandant de toutes les forces armées terrestres et
navales. Il dispose des personnes de confiance (Wasif), qui
bénéficient de sa confiance (tiqa). Il dispose d'un
pouvoir d'exception qui ne peut être remis en question, mais bien
être accordé à un nombre restreint d'agents
d'autorité.
7 La beia répond dans la politique
marocaine, à une logique de soumission politique au souverain. En
opposition de la siba, qui répond à une logique de
non-participation voire de révolte envers le souverain.
9
Ces derniers sont élevés à un statut
d'exception (Ahl Al Khassa), à l'inverse de la plèbe relevant
d'un statut de droit commun (Ahl Al Amma)8.
Le roi est un maître (Moulay) qui n'interpelle ses
sujets qu'en termes de serviteurs (Khuddam). Ilsymbolise depuis plusieurs
siècles l'idée du souverain-capitale, et par conséquent,
plus que dans la ville, la réalité du chef-lieu réside
dans la cour royale. Il représente la communauté des croyants par
son titre d'Amir Al Mouminine et, en ce sens, puise son pouvoir d'un droit
divin9. Il dispose d'un droit de coercition (qama') en cas de
révolte. Il octroie la Grâce (Aman), émet des
décrets (dahirs) qui font office de lois aussitôt
prononcés10. Le roi personnifie, dans une
société où le sentiment religieux reste très vif,
le saint- patron de tout le pays. La littérature hagiographique lui
prête des pouvoirs de thaumaturgie et de fertilité
(baraka)11. Il constitue le point de convergence de toutes les
requêtes et intérêts formulés par le Makhzen et par
extension de toute la population. Après 1956, le roi demeure le
Président du Parlement et du Gouvernement, ce qui lui permet de faire et
défaire les majorités parlementaires et de décider ainsi
des référendums. Enfin, il assumera après
l'indépendance la fonction de Président de la Cour
Constitutionnelle et des Chambres Professionnelles12.
a.2 Le Makhzen
Le Makhzen est segmenté en 3 parties, l'armée,
la notabilité et le clergé. Chacune des fonctions n'est pas
juridiquement établie, dès lors, à défaut d'un
système politique basé sur un mécanisme de contrôle
des pouvoirs, les agents d'autorité adoptent un pouvoir de
supplémentation sur fond de droit de coercition royale (droit de ban :
qama'). Les agents d'autorité constituent le Makhzen.
Par « agent d'autorité », entendons les
personnes investies d'un pouvoir par le roi, suivant la logique de la
proclamation par l'élite (beia). Avec la beia,
l'investiture est effectuée suivant l'influence d'une famille
makhzénienne auprès de la cour royale.
Le pouvoir se façonne selon l'influence des grandes
familles, ainsi par exemple, les familles Iraqi, Amrâni et Idrissi
jouèrent un rôle majeur dans l'apport et la gestion du haut
fonctionnariat d'Etat. Cette influence permet l'exercice d'un droit de monopole
dans différents secteurs de la vie politique, économique et
sociale au Maroc.
Apparu sous la dynastie Almoravide (1056-1147) vers la fin du
11e siècle de notre ère, le Makhzen a connu plusieurs
phases d'évolution. Il a surtout servi de grenier central directement
tenu par le souverain, par opposition à « l'Agadir », terme
berbère désignant un grenier local. Etymologiquement, le terme
arabe
8 A. LAROUI, Les origines sociales et
culturelles du nationalisme marocain (1830-1912), Paris, François
Maspero, Coll. Textes à l'Appui, 1977, pp. 108-111.
9 H. RACHIK et M. SGHIR JANJAR,
Légitimation politique et sacralité royale, in Les
Cahiers Bleus, N°18, 2012. J. WATERBURY, Le Commandeur des Croyants.
La monarchie marocaine et son élite, Paris, Presses Universitaires
de France, 1975.
10 P. DECROUX, Le souverain du Maroc,
législateur, in Revue de l'Occident musulmans et de la
Méditerranée, N°3, 1967, pp. 3137.
11 Sur ce sujet voir E. LEVI-PROVENCAL, Historiens
des Chorfas - la fondation de Fès, Paris, Maisonneuve & Larose,
2001.
12 Voir les Constitutions du Maroc de 1962, 1970,
1972 et les réformes constitutionnelles de 1980, 1992 et 1996. A.
ENHAILI, Une transition politique verrouillé, in Confluences
Méditerranée, N°31, 1999, pp. 59-75.
10
« Makhzen » désigne le lieu de concentration
des impôts en nature et des biens matériels13. Plus
généralement, il désigne le lieu de thésaurisation
de tous les revenus financiers de l'Etat, qu'ils soient issus des impôts
légaux, des dons et offrandes (hadiya) mais aussi des butins de
guerre (ghazzu).
Sous les Almohades (1130-1269), le Makhzen prend une
connotation plus politique. En effet, il devient le lieu d'apprentissage du
pouvoir et de la servilité14. Ces lieux d'apprentissage sont
pour la plupart situés dans les ailes des palais. On désigne par
le terme Dar Al Makhzen, les parties du Palais consacrées
à l'instruction d'une institution d'Etat. Les souverains almohades
déléguaient au prince issu de la famille royale la gestion du
pouvoir au sein du Makhzen. Ce dernier était assisté dans son
apprentissage par un cheikh issu d'une tribu alliée du souverain. Ce
creuset institutionnel fut gardé et développé dans les
anciennes possessions almohades à Tlemcen (Algérie) et à
Tunis (Tunisie). On définit dès lors le Makhzen comme un concept
institutionnel spécifique à l'Afrique du Nord : au Maroc,
à l'Algérie et à la Tunisie15.
A l'avènement des Mérinides (1269-1465) et des
Wattassides (1465-1556), le Makhzen subit plusieurs transformations, notamment
par l'apport culturel des institutions de l'Espagne musulmane16. Des
nouvelles fonctions sont créées en même temps qu'elles
deviennent permanentes ; elles sont souvent représentées par des
« bureaux » tenus par des « ministres » (Wazirs)
qui sont eux-mêmes assistés par des secrétaires
(Kuttabs). La répartition se fait en différents bureaux,
par exemple, un bureau de décision royale (Wazira Al Tafwidd),
un bureau d'exécution des décisions royales (Wazira Al
Tanfid), un bureau chargé des dépenses publiques (Wazira
Al Qahraman) etc.17... C'est à cette période que
le Makhzen devient véritablement le socle des institutions. Longtemps
basée sur un système de recrutement tribal, l'armée
commence aussi à être une institution permanente, tantôt par
le mercenariat, tantôt par l'esclavagisme.
Sous les Sâadiens (1525-1659), d'importantes
réformes dans la judicature18 ont lieu, cependant qu'une
certaine « turquisation » s'effectue dans le gouvernorat, comme
l'introduction des pachas dans les villes et l'idée d'organiser la cour
royale à l'image du Diwan ottoman. On comprend donc que le
système politique central hérité par les Alaouites
(régnant au Maroc depuis 1666) s'est consolidé pendant plusieurs
siècles en assurant aux nouveaux dynastes une superstructure permettant
de se régénérer en cas de crise politique. L'histoire du
Maroc a connu plusieurs crises politiques cependant que le Makhzen n'a jamais
été sérieusement inquiété dans ses
bases19.
13 M. KABLY, A propos du Makhzen des origines :
cheminement fondateur et contour cérémonial, Londres, The
Maghreb Review, N°30, 2005, pp. 2-23.
14 CH-A. JULIEN, Histoire de l'Afrique du Nord :
Des origines à 1830, Paris, Grande Bibliothèque de Payot,
1994, pp. 437-481.
15 G. MARCAIS, Le Makhzen des Beni Abdel-Wad,
rois de Tlemcen, Alger, Mélanges d'histoire et d'archéologie
de l'Occident musulman, Vol.1, pp. 51-57. B BRUNSCHWIG, La Berbérie
orientale sous les Hafsides : des origines à la fin du 15e
siècle, Paris, Adrien Maisonneuve, 1940.
16 Voir E. LEVI-PROVENCAL, Histoire de l'Espagne
Musulmane, 3 vol., Paris, Maisonneuve & Larose, 1950.
17 A. KHANEBOUBI, Les Institutions
gouvernementales sous les Mérinides (1258-1465), Paris,
L'Harmattan, 2009, pp. 70-93.
18 B. HARAKAT, Le Makhzen Sa'adien, in Revue
de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°15, 1973,
pp. 43-60.
19 P. PASCON et M. ENNAJI, Le Makhzen et le
Sous Al Aqsa, la correspondance politique de la maison d'Illigh
(1821-1894), Paris-Rabat, Editions du CNRS-Toubkal, 1988.
11
De 1880 jusqu'en 1912 - sans oublier l'Acte d'Algésiras de
1907 conférant à la ville de Tanger un
statut diplomatique international - le Protectorat espagnol,
exercé par le Haut-Commissaire basé à Tétouan et le
Protectorat français, exercé par le Résident
Général à Fès, apportent de sensibles modifications
au Makhzen traditionnel. Ainsi la Résidence Générale :
« sauvegardera la situation religieuse, le respect et le prestige
traditionnel du Sultan, l'exercice de la religion musulmane et des institutions
religieuses (...). Il comportera l'organisation d'un Makhzen chérifien
réformé20. » Ces aménagements sont
surtout territoriaux avec la création des régions, des provinces,
des préfectures, des circonscriptions, des arrondissements et des
communes. Mais les changements sont aussi institutionnels avec la
création des ministères permanents tels le Ministère de la
Justice, de l'Intérieur, des Services de la Sécurité
Publique et des Habous, par exemple21.
Suivant les nouveaux découpages territoriaux de cette
époque et des nouvelles charges, les administrations
donnent un caractère plus permanent au Makhzen sans
pour autant revoir en profondeur les mécanismes de
supplémentation. Le système politique marocain est
organisé depuis l'indépendance par la superposition d'un
système traditionnel et d'un système hérité du
Protectorat. Quelles sont les compétences du Makhzen ?
Comme il a été vu précédemment, le
Makhzen désigne à la fois la bureaucratie, l'armée et les
finances d'Etat au sens strict du terme. Le personnel du Makhzen est
recruté parmi les princes issus de la famille royale, la bureaucratie
urbaine et la seigneurie rurale. Ce personnel désigné constitue
les agents d'autorités du Makhzen qui doivent remettre la beia
au roi.
Cette beia incarne le fondement «
constitutionnel » du Maroc. En effet, elle évoque à la fois
: la
cérémonie d'investiture du roi, qui correspond
à la « Joyeuse entrée » que le roi accorde à ses
obligés, et la relation féodo-vassalique entre le souverain et le
Makhzen, ainsi que, par extension, le contrat social entre le souverain et le
peuple. Pour traduire la beia marocaine dans le langage juridique
belge, on peut dire qu'elle constitue une fusion des sources non écrites
par les Principes généraux du droit et de la coutume, ainsi que
les sources auxiliaires par la jurisprudence et la doctrine22. Cette
fusion se situe au sommet des normes constitutionnelles, car, à
défaut de disposer d'une logique des mécanismes de
contrôle, le pouvoir constitue un état de fait au Maroc.
Les agents d'autorités relevant de l'Assemblée
des notables (Majlis Al `Ayan) sont directement nommés par le
roi ; ils peuvent se subdiviser en trois catégories, dont les
représentations se font au niveau (inter)national,
régional-provincial et local.
Au niveau (inter)national, le na'ib23
désigne le substitut du roi. Ponctuellement désigné par le
monarque, le na'ib est envoyé auprès des
délégations étrangères ; il était
assisté - pendant la période
20 Article 1 du Traité du Protectorat,
Fès le 30 mars 1912, in E. ROUARD DE CARD, Traités et
accords concernant le Protectorat de la France au Maroc, Paris, Pedone
& Gamber, 1914, p. 86.
21 J. BRIGNON et al., Histoire du Maroc,
Casablanca, Hatier, 1974, pp. 341-350. D. RIVET, Lyautey et l'institution
du protectorat français au Maroc, 1912-1925, Paris, L'Harmattan, 3
vol., 2000.
22 O. CORTEN et A. SCHAUS, Le droit comme
idéologie : Introduction critique au droit belge, Bruxelles,
Presses de l'Université Libre de Bruxelles (2e
édition), 2000, pp. 112-116
23 M. EL MANSOUR, Dans le secret des premiers
diplomates, in Zamane, N°37, pp. 68-71
12
protectorale - dans sa tâche par un mendoub,
sorte de missi dominici interne au territoire. En guise d'exemple,
l'ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris, Si Kaddour Ben
Ghabrit24 incarnait le na'ib de Mohamed V. A l'instar de
Abdelkhalaq Torrès*, fils du pacha de Tanger, et qui était le
mendoub du même monarque et fondateur de l'un des premiers
partis politiques du Maroc : le Parti des Réformes Nationales. A partir
de 1960, Hassan II aura coutume d'envoyer un na'ib quand il s'agira
d'ouvrir des pourparlers avec l'opposition comme c'était le cas d'Ahmed
Réda Guédira* avec les partis de gauche ou bien le rôle de
Moulay Ali Alaoui envoyé par Hassan II auprès de Mehdi Ben Barka*
lors de son exil en Suisse.
Les walis, les amils, khalifas et
les pachas se situent au niveau de la notabilité régionale et
provinciale.
Dans l'Ancien Maroc, jusqu'en 195625, les walis
assuraient la gouvernance des provinces éloignées.
Actuellement, ils cumulent, avec les amils, les pouvoirs du
gouvernorat urbain, de la préfecture au niveau régional,
provincial et du commissariat d'arrondissement. Ces agents d'autorité
contrôlent et coordonnent les corps de police détachés dans
les arrondissements. Les amils, établis dans les villes,
étaient chargés de collecter les impôts. Le khalifa
désigne le concept de « lieutenant-successeur ». Le
khalifa au Maroc représentait donc le prince héritier du
roi26. Dès 1956, cette tâche est reconvertie en
gouverneur supplétif par rapport au wali.
Au niveau de la notabilité locale urbaine, il reste les
moqqadems. Ces derniers jouaient dans l'Ancien Maroc, un rôle
dans les confréries religieuses (zaouias) et
représentaient un préposé à la
sécurité publique27. Suivant le type de
confrérie, ils appartenaient à une classe d'initiés ou de
maîtres spirituels et géraient les biens de mainmortes
(habous) des confréries. Après l'indépendance, en
plus de son rôle religieux, le moqqadem incarne un rôle
d'agent de quartier qui exerce l'autorité avec le maire de la ville.
Aussi, le nombre de moqqadems varie en fonction des quartiers dans les
villes.
Au regard de la gestion politique urbaine, il existe, bien
entendu, une gestion politique régionale rurale, dont la subdivision des
agents d'autorité reste semblable mais dont les fonctions et les
dénominations diffèrent. Les agents d'autorité ruraux sont
: les caïds, les caïds moumtazz et les
cheikhs. Dans une société segmentée sur la
famille - le clan - la tribu, les caïds assuraient à la
fois le commandement d'une unité militaire et la représentation
d'une tribu auprès du Makhzen28. Son pouvoir est
considéré comme une pièce maîtresse dans
l'échiquier politique marocain. Avec les réformes territoriales,
le caïd dirige un « caïdat », qui regroupe les
circonscriptions et les communes urbaines et rurales.
24 Si Kaddour Ben Ghabrit (1868-1954) fut le
premier Recteur de la Mosquée de Paris. Formé à
l'école arabe-française puis à la médersa de
Tlemcen, Ben Ghabrit devient successivement conseiller en législature
musulmane en Algérie (1892), drogman et sera surtout sollicité
par le sultan Mohamed V pour négocier la paix avec les tribus rebelles
au Maroc.
25 A. KHANEBOUBI, op. cit., pp. 135-142. A.
LAROUI, op. cit., pp. 160-167.
26 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 21
janvier 1976, N°3299, Arrêté du ministre des affaires
administrative, secrétaire général du gouvernement
n°454-75 du 27 hija 1395(30 décembre 1975) relatif à la
classification des fonctionnaires pour l'attribution des indemnités de
déplacements.
27 M. ABITBOL, Histoire du Maroc, Paris,
Perrin, 2009, pp. 241-244&293-306. Sur le rôle de la zaouia
voir G. DRAGUE, Esquisse d'Histoire religieuse du Maroc, Paris,
Peyronnet, 1951. I. BEN-AMI, Culte des saints et pèlerinages
judéo-musulmans au Maroc, Maisonneuve & Larose, 1990.
28 A. KHANEBOUBI, op. cit., pp. 371-375.
A. LAROUI, op. cit., 160-163. B. SIMOU, Les réformes
militaires au Maroc de 1844 à 1912, Rabat, Publication de la
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1995.
13
Le caïd représentait jusqu'à
l'établissement des institutions civiles françaises et
espagnoles, l'agent d'autorité chargé du recrutement militaire
dans sa tribu pour le souverain durant ses expéditions. A chaque tribu,
son caïd. En plus du commandement militaire, les caïds
étaient chargés avec le cadi de faire respecter
tantôt le droit coutumier de la tribu, tantôt la coutume
sacrée d'Etat (chari'a).
Bien que l'armée fût réorganisée
sur le modèle français depuis 1956, les caïds n'en
gardent pas moins une prérogative dans la gestion des
détachements armés et des corps de polices. Jusqu'au début
des années 1980, la société marocaine reste largement
rurale, si bien que contrôler la campagne revient à
contrôler tout le Maroc. Les caïds représentent une
pièce maîtresse entre le Makhzen et la tribu locale car ce sont
par ces agents d'autorité que le Ministère de l'Intérieur
communique directement.
Pour alléger son travail, le caïd agit en
tandem avec le caïd mumtazz dont les fonctions sont fort
apparentées aux fonctions du khalifa. Le caïd
mumtazz, sorte de caïd supplétif, contrôle avec
le caïd les circonscriptions urbaines et rurales29.
Le titre de cheikh (amghar en région
berbérophone) représente dans la société marocaine
l'idée du patriarcat. Il personnifie le doyen d'une famille ou le chef,
d'un clan, d'une corporation de métier (amins) ou encore d'une
confrérie religieuse. Sa fonction comme agent d'autorité donne
lieu au contrôle des agglomérations villageoises
sédentaires (dshars), semi-nomades (douars) et des
collectivités agricoles (jma'a)30.
Avec la notabilité d'ordre administratif, le Makhzen
s'accorde un pouvoir clérical. Ces agents d'autorité et gardiens
de la tradition religieuse et du droit d'interprétation des Textes
Sacrés se répartissent en plusieurs catégories parmi
lesquelles : les cadis, les oulémas, les khatibs
et les faquihs. Il est important de préciser que la fusion
du système traditionnel avec le système protectoral va
sensiblement confondre les rôles des différents acteurs
cléricaux. C'est ainsi, par exemple, que les cadis conservent
encore de nos jours d'importantes prérogatives dans la juridiction
civile et religieuse par exemple.
Les cadis, au Maroc précolonial, avaient des
pouvoirs dans la judicature civile mais contrôlait aussi le
muhtasib. Ce dernier était un préposé de la
police des marchés et contrôlait la qualité des
marchandises. Actuellement, les cadis tranchent notamment dans les
affaires relatives au mariage, au décès, aux litiges et à
l'héritage et sont capables de délivrer le sceau royal pour
l'octroi d'une terre de concession (Iqta') par l'intermédiaire
d'un notaire (`adl).
Les oulémas disposent d'un rôle central
dans la vie religieuse. Longtemps répartis entre légalistes et
contestataires, les oulémas avaient jusqu'en 1961, une
capacité de critique envers le roi. O rganisés en Conseil sous
forme de colloque à la Qaraouiyyine de Fès, les
oulémas pouvaient adresser des remontrances
29 B. CUBERTAFOND, Pour comprendre la vie
politique au Maroc, Paris, L'Harmattan, 2001, pp. 52-73. R. LEVEAU, Le
Fellah marocain Défenseur du Trône, Paris, Presses de la
FNSP, 1985.
30 Guide Juridique des Collectivités
Locales, Publication du Ministère de l'Intérieur du Royaume
du Maroc, Tome 1-2, Rabat, 2010, pp. 49-96. Par ailleurs, cet ouvrage contient
des indications sur les compétences des agents d'autorité.
14
(nasiha)31 au roi qui incarne, à
leurs yeux, moins un monarque temporel qu'un imam tenu de respecter la coutume
sacrée (chari'a). Au-delà de cette prérogative,
ils pouvaient émettre des avis et des doctrines juridiques
(fatwas). Les faquih avaient un rôle important dans
l'enseignement élémentaire (msid) jusqu'à
l'introduction de l'instruction municipale. Les khatibs
représentaient l'une des sources principales de communication dans
l'Ancien Maroc. En effet, c'étaient les khatibs qui
prononçaient le sermon du vendredi (khutba) et qui informaient
les fidèles sur la vie politique du pays, en lisant du haut de leur
chaire les circulaires (manshurs) rédigées par le
monarque32. Actuellement, les rôles des faquihs et
khatibs se limitent davantage à un enseignement rudimentaire du
culte islamique dans les écoles coraniques.
B. Les Partis Politiques au Maroc : 1927-1983
En marge du pouvoir palatial et makhzénien, le
système politique a intégré le phénomène
partisan en son sein. Les partis politiques apparaissent au sein de la
société marocaine dès la fin des années 1920. Dans
un premier temps, les partis ne composaient pas avec les corps sociaux
très influents, notamment les confréries religieuses. Ces
dernières se consacrent d'une part à la vie religieuse et sociale
à travers le culte des saints et l'exercice de la charité, mais
d'autre part elles exercent, dans un cadre primaire, d'une forme
d'organisation, dont les principes et les valeurs véhiculées sont
forts proches de ceux des futurs syndicats. Il s'agit d'organiser des
offrandes, d'établir une solidarité entre les membres
affiliés et de nourrir l'idée (toute primitive encore) de
constituer un certain contrepoids envers la seigneurie rurale et, plus tard,
contre les colons européens.
Evoluant en marge des corps de métier et des
confréries, les partis politiques marocains ont traversé
plusieurs générations et il serait intéressant de
décrypter - du moins pour les partis qui l'ont faite - la formulation
d'une doctrine politique.
L'évolution des partis politiques peut se subdiviser en
cinq séquences : la formation des premiers mouvements régionaux
(1927-1934), l'émergence du Mouvement National (1934-1943),
l'émergence des partis « traditionnels » (1943-1959), la
confrontation entre le Palais et les partis politiques (1959-1965) et les
partis politiques face à la question du Sahara occidental
(1965-1983).
b.1 L'émergence d'une conscience partisane :
1927-1934
Au lendemain de la Guerre du Rif 33(1919-1926), des
groupes sociaux appartenant pour la plupart à la bureaucratie urbaine
s'employèrent à la constitution des premiers partis politiques.
Plusieurs partis locaux virent le jour mais nous en retiendrons deux. Le Parti
des Réformes Nationales (PRN), dans la zone espagnole, et le Parti de
l'Unité Marocaine dans la zone française (PUM). Ces deux partis
sont nés entre
31 Sur ce point voir J. BERQUE, Ulémas,
fondateurs insurgés du Maghreb, XVIIe siècle, Paris,
Sindbad-Actes Sud (2e édition), 1998. E. TEREM, Redefening Islamic
Tradition : Legal Interpretation as a Medium for Innovation in the Making of
Modern Morocco, Leiden, Brill, Islamic Law and Society, N°20, 2013,
pp.425-475.
32 A. LAROUI., op. cit., pp. 98-104.
33 V. COURCELLES-LABROUSSE et N. MARMIE, La guerre
du Rif : (1921-1926), Paris, Point, Coll. Histoire, 2009.
15
1927 et 192834. Les fondateurs respectifs de ces
deux partis, à savoir Abdelkhalaq Torrès* et Mohamed Mekki
Naciri*, ont tenté de concevoir une doctrine politique fortement
inspirée des idées réunissant le panarabisme et le
panislamisme. Ces doctrines politiques sont alors largement diffusées
par les courants réformistes en pays musulmans dont le Mouvement des
Frères Musulmans en Egypte et plus particulièrement en la
personne du penseur réformiste libanais réfugié en Suisse,
Chakib Al Arslane35. Notons aussi que ces premiers partis se
dotèrent d'un journal.
Cependant, si la société marocaine se compose
d'un nombre important de corps sociaux et d'une importante classe paysanne, les
premiers partis politiques n'arriveront jamais à articuler toutes les
classes sociales. Ainsi, les groupes du PRN et du PUM ont été
condamnés à se limiter dans leur zone d'influence. En outre, le
fonctionnement interne des premières générations des
partis ne connaît pas non plus de système électoral, et ce
phénomène persistera jusqu'au premier gouvernement
intérimaire. Autrement dit, on intègre le parti selon une logique
de cooptation.
b.2 Emergence du Mouvement National : 1934-1943
Avec la pacification totale de la résistance
armée par les troupes d'occupation françaises, les mouvements
politiques régionaux prennent une nouvelle direction. En effet, le
fameux dahir berbère du 16 mai 193036 fournit le
prétexte inespéré aux groupes politiques d'alors pour
manifester leur mécontentement vis-à-vis de la Résidence.
Cette grogne abouti en 1934 à une première organisation
nationaliste marocaine : le Comité d'Action et de Lutte
Marocain37(CALM). Parallèlement au CALM, les premières
écoles nationalistes émergent au sein de l'espace social
marocain. Ces écoles devaient organiser un contrepoids politique
à l'instruction dispensée dans les écoles coloniales.
Mais très vite des mesures répressives prises
par la Résidence à l'encontre du CALM poussent de nouveaux
groupes d'individus, toujours issus d'une bourgeoisie citadine arabophone
à constituer un nouveau parti mieux structuré que le PRN et le
PUM. Il s'agit du Parti National38(PN) mis sur pied par Mohamed
Lyazidi, Ahmed Mekouar*, Mohamed Laghzaoui*, Ahmed Balafrej*, ainsi que
l'alim (singulier d'oulémas) Allal El Fassi*. Ce parti
ne présente pas une différence notable par rapport aux PRN et
PUM, si ce n'est une volonté de structurer un bureau central
appuyé par une jeunesse du parti répartie dans tout le
34 R. REZETTE, Les Partis Politiques
Marocains, Paris, Armand Colin, Cahiers de la Fondation Nationale des
Sciences Politiques Coll : Partis et Elections, N°70, pp. 104-129. J.
WOLF, Les secrets du Maroc espagnol : l'épopée
d'Abd-El-Khaleq Torrès 19101907, Bruxelles-Rabat, Balland-Eddif,
1994.
35 Chakib Arsalane (1869-1946) est né d'une
famille druze du Liban méridional. Figure du nationalisme arabe et du
réformisme islamique, il fut successivement député au
Parlement turc au Hauran (Syrie 1913-1918). Installé à
Genève depuis 1921, il a créé neuf ans plus tard la revue
« La Nation arabe » et a milité pour l'unité arabe. Il
décéda au Brésil.
36 J. LUCCIONI, L'élaboration du dahir
berbère du 16 mai 1930, in Revue de l'Occident musulman de la
Méditerranée, N°38, pp. 75-81.
37 J. BRIGNON et al., Histoire du Maroc,
op. cit., pp. 393. M. LAHBABI, Le Gouvernement marocain à
l'Aube du XXème siècle, Casablanca, Imprimeries
Maghrébines, 1975. G. OVED, La gauche française et le
nationalisme marocain, Paris, L'Harmattan, Vol.1, 1984.
38 R. REZETTE, op. cit., pp. 269-284.
16
pays (mossyirs)39. Le mossyir
influencera considérablement le fonctionnement des futurs partis
politiques. L'activité essentielle de cet agent est d'offrir aux membres
d'une cellule du parti, des cours d'alphabétisation en langue arabe et
de commenter les journaux du parti. Le mossyir est donc un
lettré, instrument de l'éducation politique et de
l'alphabétisation. En plus de l'interdiction du CALM et du PN, la
Métropole ordonne à la Résidence d'interdire toutes les
organisations politiques nationalistes marocaines, d'une part, et les cellules
des sections internationales ouvrières et communistes 40(SFIO
et SFIC), d'autre part.
Comme conséquence de cette première
effervescence politique, un mouvement syndical commence à se constituer.
En effet, le phénomène syndical est issu de la volonté des
nouvelles classes sociales marocaines de s'organiser. Cette nouvelle classe
sociale, largement représentée par un prolétariat issu
d'un exode rural entamé depuis le début des années 1930, a
commencé à s'élaborer avec la classe moyenne
européenne transplantée au Maroc. Ces premiers regroupements
syndicaux de la CGT sont essentiellement composés par des associations
professionnelles d'enseignants, de cheminots, de travailleurs postaux et
routiers. Si le phénomène syndical à ses débuts
était largement un fait européen, des anciens corps de
métier marocains intègrent progressivement la logique syndicale
dans leur fonctionnement. Néanmoins, comme pour faire avorter
l'émergence d'un mouvement syndical puissant, un dahir du 24
juin 193841ordonné par le Résident
Général Charles Noguès interdit à tous les
Marocains d'adhérer aux mouvements syndicaux.
b.3 Les Partis politiques, quelle gauche pour quelle droite
? : 1943-1959
Après les expériences du Front populaire en
France et l'instauration du régime franquiste en Espagne (1936-1939),
les premiers groupes syndicaux installés au Maroc constituaient des
unions syndicales départementales. Elles étaient composées
d'une classe moyenne et d'un prolétariat européen
(français, italien et espagnol). De ces unions syndicales
départementales va naître l'Union Générale des
Syndicats Confédérés du Maroc (UGSCM). Mais, comme
l'explique une enquête collective sur la vie dans les bidonvilles au
Maroc, la réalité de la classe prolétaire marocaine vivant
dans des conditions déplorables, dépasse le cadre syndical
proposé par l'UGSCM42.
L'UGSCM a dès lors fait place à une centrale
syndicale ouvrière dont la majorité des cadres est marocaine.
C'est l'Union Marocaine du Travail (UMT). L'UMT jouera un rôle central
dans les mobilisations des masses ouvrières depuis son Congrès
constitutif semi-clandestin tenu le 20 mars 195543. Répartie
en plusieurs sections ouvrières, cette centrale syndicale va, en plus
des cheminots et routiers,
39 R. REZETTE, cit., pp. 293-294.
40 A. AYACHE, Le Mouvement Syndical au Maroc,
Paris, L'Harmattan, Tome 1, 1982, pp. 31-58.
41 A. AYACHE, cit., pp. 250-253.
42 R. MONTAGNE (dir.), Naissance du
prolétariat marocain : Enquête collective (1948-150), Paris,
Cahiers de l'Afrique et de l'Asie, 1954, pp. 154-155.
43 M. MONJIB, La monarchie marocaine et la lutte
pour le pouvoir : 1955-1965, Paris, L'Harmattan, 1992, pp. 82.
17
puiser sa force au sein des dockers et mineurs répartis
principalement à Casablanca, Rabat, Oujda, Khouribga et Marrakech. Parmi
les personnalités marquantes de ce syndicat, nous citons Mahjoub Ben
Seddik* et Abdallah Ibrahim*. Alors que les troupes américaines
débarquent à Casablanca, le Parti Communiste Marocain (PCM) voit
le jour en juillet 194344. Ce parti va représenter le
principal rival politique du futur parti de l'Istiqlal. Le PCM est mis en place
par un groupe de personnes lié aux sections internationales communistes
dont Léon-René Sultan et Ali Yata*. Parmi les figures de proue du
PCM citons Abraham Serfaty*. Le PCM est issu du Parti Communiste
Français (PCF). Le PCM s'organise en bureau central, en cellules avec
une jeunesse du parti ; un système de cotisation permanent est mis en
place45.
Le 11 janvier 1944, le groupe d'Allal El Fassi* constitue le
parti de l'Istiqlal (PI) à vocation nationale, dont la doctrine est
reprise en 14 points et exprime une pensée réformiste sans pour
autant rompre avec l'Ordre traditionnel établi46. Les
principales revendications sont l'indépendance du pays et le
rétablissement de la monarchie au Maroc. Le PI va essentiellement
être un parti constitué des cadres, de la bourgeoisie citadine et
de la classe moyenne naissante. Jusqu'à la veille de
l'indépendance, le PI va essayer d'avoir le monopole politique et
ambitionner d'être un « Parti-Nation » à l'image du FLN
en Algérie, du Néo-Destour en Tunisie, du Wafd en Egypte
ou encore du Parti Congrès en Inde.
Entre 1946 et 1948, c'est la naissance du Parti
Démocratique de l'Indépendance47(PDI). Ses partisans
sont issus, comme le PI, d'une bourgeoise citadine, intellectuelle et
volontiers francophile. Le parti est marqué par une doctrine politique
libérale et davantage laïcisante que le PI. Membre fondateur du
PDI, Hassan Ouazzani* est un intellectuel formé à la Sorbonne,
qui devient un rival de taille au za'im (leader charismatique en
arabe) qu'est Allal El Fassi. Le PDI peut égaler le PI en termes de
légitimité politique car les militants fondateurs du PDI ont
participé dès les années 1930 à la création
du Mouvement National ; il peut ainsi saper toute tentative
d'hégémonie de la part du PI.
Dans ce contexte politique national majoré par certains
événements internationaux tels l'assassinat du syndicaliste
tunisien Farhad Hachad et l'accession du nouveau régime des officiers
libres en Egypte depuis 1952, des manifestations commencent à
s'intensifier contre la présence militaire et civile française.
Des émeutes éclatent contre le Résident
Général les 7 et 8 décembre 1952 et conjointement, des
actions armées sont dirigées par une Armée de
Libération Nationale marocaine naissante (ALM). L'ALM est
constituée essentiellement par des membres de la résistance
armée rurale et urbaine née depuis le début du
Protectorat. Comme la branche armée du PCM, le Croissant Noir, l'ALM
organise des attaques contre des civils européens et des soldats
français, mais aussi contre les membres de l'extrême droite
française
44 R. REZETTE, op. cit., pp. 162.
45 Par exemple, pour le PCM, les membres
affiliés payaient entre 5 et 60 francs. Cette cotisation
dépendait des revenus (chômeurs, femmes non salariées,
salariés de moins de 2000 frs à plus de 6000 frs) in R. REZETTE,
cit., pp. 337.
46 Manifeste du Parti de l'Istiqlal le 11 janvier
1944.
47 R. REZETTE, op. cit., pp. 356-361.
18
notamment ceux de « Présence Française
»48. Ces attaques s'ordonnaient en réponse aux
manifestations qu'organisaient « Présence Française »
où les quartiers des commerçants marocains étaient pris
à partie.
A partir de 1953, un nouveau tournant politique est pris.
Cette séquence marque une phase de ce que l'historiographie
française appelle le conflit Résidence-Palais. Que s'est-il
passé ? Le roi Mohamed V devait compter avec le Mouvement National de
plus en plus important, et supportait de moins en moins le poids politique du
Résident Général qui cherchait à disséminer
le pouvoir royal entre les mains de certains agents d'autorité du
Makhzen. Le comportement frondeur du pacha Thami El Glaoui, originaire d'une
famille de Grand Caïd, vis-à-vis de Mohamed V
répondait parfaitement à ce rapport de forces instauré par
le Résident Général. Dès lors, suite au refus de
contresigner les décisions du Résident, la famille royale est
exilée à Antsirabé, à Madagascar. Entre-temps, un
cousin de Mohamed V, Mohamed Ben Arafa (19531955) est installé comme
nouveau roi aux ordres de la Résidence.
Dès 1954, les événements pour
l'indépendance en Algérie obligent le Résident
Général à calmer la situation au Maroc ; les partis
politiques marocains avec le Résident Général Gilbert
Granval et le ministre des Affaires Etrangères français Edgar
Faure, établissent des compromis à l'amiable qui sont
formalisés par les accords d'Aix-Les-Bains en août 1955, de
Celle-Saint-Cloud et le retour de la famille royale de Madagascar les 6 et 16
novembre de la même année, conférant au Maroc un statut
« d'indépendance dans l'interdépendance ». Le terme
« d'interdépendance » a suscité des confusions entre
les deux parties, cependant qu'Edgar Faure y voyait «
l'enchevêtrement » d'intérêts économiques de la
France au Maroc49. Le retour du roi sur son trône est aussi
négocié par les partis politiques marocains avec la condition
sine qua non de doter le Maroc d'une Constitution.
De mars à octobre 1956, le Gouvernement de Transition
récupère progressivement les anciennes zones territoriales
françaises, espagnoles et Tanger. Une souveraineté territoriale
retrouvée, des chantiers politiques, économiques et sociaux
s'imposent. Les Gouvernements intérimaires assurés par le Colonel
M'barek Bekkaï50(du 7 décembre 1955 au 3 décembre
1956) sont marqués par le maintien des effectifs militaires
français sur le territoire pour autant que les ouvriers et les paysans
continuent à vivre dans les mêmes conditions que sous le
Protectorat, voire même celles qui prévalaient avant 1912.
A la suite des événements de Suez et l'Union
Nationale des Etudiants du Maroc (UNEM) a tenu son Congrès constitutif
à Rabat, en 195651. Héritière de l'Association
des Etudiants Musulmans Nord-Africains52, L'UNEM devient la centrale
syndicale étudiante la plus importante au Maroc. Elle doit son
importance à sa jeune élite, instruite et cultivée,
permettant la formation des nouveaux cadres
48 M. MONJIB, op. cit., pp. 85. J. BRIGNON
et al., Histoire du Maroc, op. cit., pp. 403-404. L. CERYCH,
Européens et Marocains, 1930-1956 : Sociologie d'une
décolonisation, Brugge, Collège d'Europe, 1964.
49 A. DE LAUBADERE, Le statut international du
Maroc depuis 1955, in Annuaire français de droit international,
Vol.2, 1956, pp. 144-145.
50 J-C. SANTUCCI, Chroniques politiques
marocaines : les Gouvernements Marocains depuis l'indépendance jusqu'au
31 décembre 1970, Paris, Editions du CNRS, 1982, p. 246.
51 M. MONJIB, op. cit., p. 88.
52 P. LE PAUTREMAT, La politique musulmane de
la France au XXe siècle : de l'Hexagone aux terres d'Islam. Espoirs,
réussites, échecs. Paris, Maisonneuve & Larose, 2003,
pp. 288-326. L'AEMNA a vu le jour en novembre 1927.
19
nationaux. L'UNEM, plus que l'UMT, est composée d'une
jeunesse désireuse du changement. C'est par ailleurs au sein de l'UNEM,
que Mehdi Ben Barka* dispose d'une certaine attention et d'une première
base pour élaborer une nouvelle perspective politique, économique
et sociale. Le Mouvement Etudiant représenté par l'UNEM va jouer
un rôle central dans la politisation des universitaires et lycéens
marocains au Maroc et à l'étranger. Qui plus est, l'UNEM jouait
le rôle capital d'une tribune pour l'opposition, dès lors qu'elle
était interdite par le Palais. Face aux demandes des partis politiques
souhaitant un plan quadriennal (1954-1957) 53 destiné
à doter le Maroc d'une économie industrielle et d'un Plan
d'Enseignement, le Palais élude la situation et consolide ses positions
en cherchant à gagner du temps.
b.4 Le face-à-face entre le Palais et les Partis
politiques : 1959-1965
Depuis les gouvernements de M'barek Bekkaï, deux
gouvernements se succèdent entre 1956 et 1960 : le premier de tendance
droite istiqlalienne (PI du 3 décembre 1956 au 12 mai 1958) et le second
de tendance gauche syndicale (UMT du 24 décembre 1958 au 27 mai 1960).
Durant ces années, un premier « bras de fer » s'engage entre
le Palais et les partis politiques.
Alors que les plus importants partis et syndicats (PI, PDI,
PCM, UMT et UNEM) se réunissent en un premier Front de Partis
coalisés (Koutlah Al Watanyya), depuis 1956, le Palais
s'efforce de consolider ses positions sur le champ politique. Dès 1958,
par l'intermédiaire des plus importants caïds du pays (tel
Mahjoub Ahardane* et Lahcen Lyoussi*), le palais crée un « club
» politique réunissant une large frange de la seigneurie
féodale, traditionnelle mais peu patriote, en opposition au Front des
Partis coalisés.
Ce « club » de féodaux inaugure son propre
parti en 1957 : le Mouvement Populaire (MP). Le MP
se donne une doctrine politique « plus sociale, plus
proche de la paysannerie et plus impliquée dans la cause
berbérophile ». Ce mouvement a pour réelle tâche
d'enfreindre toute tentative des partis politiques visant à pouvoir
traiter d'égal à égal avec le Palais. Pour ce faire, le MP
va tenter de s'appuyer sur les plus importants éléments du PI et
du PDI pour consolider la position du Makhzen et, in fine, du Palais. Mais
très vite, les deux ténors du Front des Partis coalisés,
devenu entre-temps le Front de l'Istiqlal (FI), à savoir Allal El Fassi*
et Mehdi Ben Barka*, s'emploient à renforcer les pouvoirs du Parlement
en instaurant le Conseil National Consultatif (CNC) le 3 août
195654.
C'est la première et réelle expérience
parlementaire dans l'histoire contemporaine du Maroc où les
partis politiques demandent des comptes au roi sur la
situation générale du pays jusqu'à l'avènement
d'Hassan II. En février 1958, le Maroc est secoué par une
opération militaire organisée par une coalition militaire
franco-espagnole contre l'ALM et le FLN dans une zone située entre le
futur Sahara occidental et la Mauritanie. L'ALM et le FLN porteurs d'un projet
de Maghreb Uni des Peuples déchantèrent après
l'opération « Ouragan-Ecouvillon », face aux forces
armées franco-espagnoles.
53 M. BENHLAL, Politique des barrages et
problèmes de la modernisation rurale dans le Maghreb, in Annuaire
de l'Afrique du Nord, Centre national de la recherche scientifique; Centre de
recherches et d'études sur les sociétés
méditerrannéenes (CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS,
Vol. 14, 1976, pp. 261-273.
54 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 17
août 1956, N°2286, Dahir n°1-56-179 du 25 hija 1375 (3
août 1956) portant institution d'un Conseil national consultatif
auprès de sa Majesté. M. MONJIB, op. cit., pp.
91-95.
20
Durant le mois de janvier 1959, de graves révoltes
paysannes se déroulent dans la région du Rif et dans tout le nord
du Maroc. Ces révoltes sont, d'une part, en rapport avec la
décolonisation brutale de l'Espagne, mais aussi causées par une
conjoncture de sous-développement dans cette partie du pays. En effet,
l'absence d'infrastructure, l'appauvrissement de la population, il semble que
le pouvoir marocain pense déjà à faire sortir cette
main-d'oeuvre désoeuvrée vers l'Europe...
Toujours sur fond d'une latente crise économique, le FI
programme deux plans économiques : un plan biennal pour 1958-1959 et un
plan quinquennal pour 1960-1964, qui doivent résorber les échecs
du premier plan (1954-1957), tout en engrangeant des réformes agraires
afin d'endiguer les exodes ruraux qui sont de plus en plus massifs. A cette
même période, l'aile gauche du FI en la personne de Mehdi Ben
Barka* travaille sur le projet de la « Route de l'Unité
»55. Les promesses vis-à-vis de ces réformes sont
toujours reportées par le Palais.
Le 7 septembre 1959 émane du FI, l'Union Nationale des
Forces Populaires56(UNFP). Ce parti formé autour de Mehdi Ben
Barka*, Abderrahmane El Youssoufi* et Abderrahim Bouabid*, s'est doté
d'abord d'une ligne politique proche du socialisme des pays du bloc
soviétique, puis du socialisme apparenté au modèle «
baâthiste » égyptien, mais in fine, le socialisme de l'UNFP
s'apparentera aux pays des non-alignés comme la Yougoslavie, l'Inde,
l'Indonésie, l'Algérie et Cuba. L'UNFP cherche un encrage au sein
de l'artisanat et de la petite bourgeoisie commerçante citadine et
rurale. L'UNFP travaille donc sur la constitution d'une bourgeoisie nationale
capable de doter le pays d'une économie industrielle. Cette
démarche complète l'implantation de l'UMT dans la classe
ouvrière et de l'UNEM au sein des étudiants.
A la suite des pressions policières exercées sur
les partis politiques et des fortes oppositions au Parlement, le Palais renvoie
le Gouvernement à la majorité syndicale UMT. Le 27 mai 1960 est
inauguré le premier Gouvernement Royal dans lequel le roi est
Président et le prince héritier
Vice-président57. Cette inauguration permet au monarque de
remanier à sa guise les majorités gouvernementales jusqu'en 1972.
A partir de cette date, le monarque organisera ses propres «
majorités », ses propres « oppositions », ses propres
« référendums », etc...
C'est le second « bras de fer » entre le Palais et
les partis. Le 3 mars 1961, Hassan II* devient roi, il coupe l'herbe sous le
pied de l'UNFP entrée dans l'opposition et dont la politique s'axait
principalement sur les conditions de vie des paysans, des ouvriers et des
étudiants. Mehdi Ben Barka* résumait en 1962 dans son discours de
l'Option Révolutionnaire la situation sociale et politique du Maroc :
« Une grande bourgeoisie qui a abdiqué ses prétentions
politiques et associe son sort à celui de la
semi-féodalité. Une classe ouvrière qui est la force
révolutionnaire par excellence et qui doit poser en termes clairs les
relations de ses tâches syndicales et de ses buts politiques. Une moyenne
et petite bourgeoisie mécontente
55 M. BEN BARKA, Vers la construction d'une
société nouvelle, Discours devant les cadres du parti de
l'Istiqlal de Tétouan, 31 juillet 1958.
56 P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis
l'indépendance, Paris, La Découverte (3e édition),
Coll. Repères, 2010, pp. 26-31. M. MONJIB, op. cit., p. 169.
57 M. MONJIB, cit., pp. 221.
21
et potentiellement révolutionnaire mais
hésitant à reprendre la lutte pour achever la libération
nationale. Une masse paysanne de petits fellahs et khamès sans terre qui
a besoin d'une claire vision de ces tâches et d'un cadre pour organiser
son action propre auprès de la classe
ouvrière58».
Depuis 1956, les promesses faites par le monarque de doter le
pays d'une Constitution élaborée par une Assemblée
constituante n'avaient toujours pas été honorées. Ainsi le
2 juin 1961, Hassan II* promulgue sa Loi Fondamentale59. Cette Loi
Fondamentale représentait une sorte de charte fondamentale palliant la
carence constitutionnelle du pays. Ainsi, tous les aspects de la vie politique,
économique, sociale et culturelle du pays, étaient
déjà anticipés.
Le monarque cherchait par la Loi à garder le pouvoir
législatif et judiciaire en renforçant l'efficacité du
dahir et en reléguant au second plan toutes promulgations et
propositions ultérieures des partis politiques. Le monarque jette les
bases de son pouvoir absolu et sacré. Ces fondements sacrés sont
les suivants : le statut inviolable de la monarchie, l'Islam comme religion
d'Etat et l'intégrité territoriale. Ensuite, par cette loi, le
roi cherche à isoler les partis politiques dans les différents
secteurs publics. Pour ce faire, il réorganise les sharifs en
congrégations (naqibs)60. Les sharifs
représentent au Maroc, ce que le sociologue Henri Mendras appelle
une société intermédiaire61. Il s'agit d'un
corps social reliant l'autorité royale et le Makhzen d'une part et le
reste de la société d'autre part. Dans l'ancien Maroc, les
sharifs, comme les confréries religieuses ou les corps de
métier, représentaient tantôt un contrepoids, tantôt
un gage de légitimité pour le pouvoir central. Au Maroc, les
sharifs sont répartis en différents ordres parmi
lesquels : les sharifs relevant d'une ascendance royale, souvent
rentiers. Les sharifs ne relevant pas d'une ascendance royale mais
d'un saint personnage et enfin les sharifs ayant acquis un savoir ou
un capital matériel suffisant pour pouvoir concourir au titre. Dans tous
les cas, l'ascendance prophétique est invoquée. L'existence de ce
corps social est étroitement liée au système des
privilèges dans la politique marocaine. Depuis le 16e
siècle, l'authenticité des sharifs était
confirmée par un acte (Ijâza) statuant quant à
leur prestige.
Depuis la Loi Fondamentale, leur réorganisation a pour
but de distiller la culture « makhzénienne » au sein de la
population. Par culture « makhzénienne », entendons une
culture qui doit constamment faire l'apologie du monarque. De ce fait, ces
naquibs doivent supplanter les partis politiques et investir tous les
lieux publics importants au pays comme : les foires annuelles
(moussems), les établissements scolaires et les administrations
civiles. Le monarque reste, ainsi, l'éternel pilier absolu du
système politique. Après la Loi Fondamentale, Hassan II met en
place le 7 décembre 1962 la première Constitution dans laquelle
il s'octroie des pouvoirs exorbitants, tout en limitant ceux du
CNC62. Ainsi, la figure du roi reste
58 M. BEN BARKA, Option révolutionnaire
au Maroc, Rapport au secrétariat de l'UNFP avant le 2e
Congrès, Rabat, le 1er mai 1962, pp. 13.
59 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9
juin 1961, N°2745, Dahir n° 1-61-167 du 17 hija 1380 (2 juin 1961)
portant Loi fondamentale pour le Royaume du Maroc.
60 M. MONJIB, op. cit., pp. 339-340.
61 H. MENDRAS, Les sociétés
paysannes, Paris, Folio, Coll. Histoire, 1995.
62 L. FOUGERE, La constitution marocaine du 7
décembre 1962 , in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre national
de la recherche scientifique(éds.), Paris, Editions du CNRS, Vol.1,
1964, pp. 155-165.
22
inviolable et sacrée. Il préside le Conseil des
Ministres et peut adresser des messages au Parlement, à la Nation sans
qu'il ne puisse y avoir un quelconque débat sur le contenu de ces
messages.
L'appel au boycott des élections législatives du
17 mai 1963 par l'UNFP63, pousse Hassan II* a d'abord canaliser
l'opposition. Cette tâche est assurée par son plus important
conseiller (Wasif) Ahmed Réda Guédira*. Ce dernier a mis
à jour le MP en créant un « Front de Défense des
Institutions Constitutionnelles » (FDIC) et un « Parti
Social-Démocrate »(PSD) pour rallier le FI, entre 1963 et
196464. En plus du FDIC et du PSD, Ahmed Réda Guédira*
divise le bloc de la gauche et favorise un nouveau Mouvement syndical : l'Union
Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM) et un Mouvement
d'étudiants: l'Union Générale des Etudiants du Maroc
(UGEM). Ces deux syndicats de droite sont rattachés au
PI65.
Les arrestations et procès arbitraires déferlent
contre l'UNFP, l'UMT, l'UNEM et l'ALM, alors que ce quatuor
réfléchit à la construction d'un Gouvernement d'Union
Nationale capable de tenir la dragée haute au Palais. En octobre 1963,
éclate la Guerre des Sables entre le Maroc et l'Algérie. Cette
guerre trouve son origine sur un désaccord frontalier entre les deux
pays, et va permettre à Hassan II* de tenter de revivifier un certain
nationalisme mais sans succès.
L'UNFP, devenu principal parti de l'opposition, tient
tête à Hassan II*. Ce dernier mène un coup de filet
cinglant à son encontre avec plusieurs milliers d'enlèvements le
16 juillet 1963. Toute la commission de travail du parti est
arrêtée. Depuis ce coup dur porté contre « la
bête noire » du Palais, l'engrenage répressif monte d'un
cran. Les principaux dirigeants de l'UNFP et de l'ALM sont condamnés
lors du premier grand procès politique de Rabat tenu le 14 mars 1964. Le
7 août, le Général Mohamed Oufkir* a mis en branle le pays
contre un dissident armé Mohamed Agouliz* alias « Cheikh Al
Arab » (le Chef des Arabes) appartenant à l'ALM66.
Après cette victorieuse opération, Mohamed Oufkir* devient
ministre de l'Intérieur le 20 août 1964.
Le 23 mars 1965, le Ministère de l'Enseignement publie
une circulaire limitant l'âge d'intégration scolaire.
Indignée par cette mesure, l'opposition appelle à la
manifestation. Toute la population de Casablanca manifeste son
mécontentement contre cette décision mais aussi contre le
régime dans son entièreté. En réponse Hassan II*
fait appel à l'armée pour soumettre les manifestants. Le bilan
s'élèverait à plusieurs centaines de morts et milliers de
blessés. Lors de son discours du 29 mars 1965, Hassan II* cherche
à casser l'influence de la gauche politique naissante dans le corps de
l'Enseignement : « Il n'y a pas de danger aussi grave pour
l'État que celui d'un prétendu intellectuel. Il aurait mieux valu
que vous soyez tous des illettrés (...). Je vous mets à nouveau
en garde contre une éducation désorientée de cette
génération future que devront épargner l'indiscipline et
l'anarchie. (Il faut) décourager les trublions et préserver
l'intangibilité de nos traditions, de nos tempéraments et de
notre équilibre67. »
63 AT TAHRIR, Hebdomadaire de l'UNFP section
des étudiants de Paris, N°6, du 7 mai 1963, pp. 2-4.
64 M. MONJIB, op. cit., pp. 305-319.
65 M. MONJIB, cit., p. 192. J-C. SANTUCCI,
op. cit., p. 260.
66 M. BENNOUNA, Héros dans gloire : Echec
d'une révolution 1963-1973, Casablanca, Tarik Editions, 2002, pp.
68-71.
67 Y. BELAL, Le cheikh et le calife : sociologie
religieuse de l'islam politique au Maroc, Lyon, ENS Editions, 2011, p.
86.
23
Le 7 juin 1965 à 20h30, Hassan II* proclame l'Etat
d'Exception68. Le 29 octobre de la même année, Mehdi
Ben Barka*, leader de l'opposition marocaine et figure de la Tricontinentale,
est enlevé à Paris. Sa disparition monte à nouveau d'un
degré l'engrenage répressif au Maroc.
b.5 Vers un nouveau consensus politique, la question du
Sahara occidental : 1965-1983
Privé de son leader, l'UNFP fonctionne au ralenti,
cependant qu'une nouvelle génération d'opposition se constitue.
Les procès pour « complot contre la personne royale » ou pour
« atteinte à la Sûreté de l'Etat » n'en cessent
pas pour autant. Avec les procès de Rabat et de Marrakech, en 1964, 1969
et 1971, des nouvelles vagues d'arrestations et d'enlèvements se
produisent contre l'UNFP, le PCM (interdit en 1968) mais aussi contre la
nouvelle gauche marocaine naissante69. Comme pour davantage
accentuer la pression sur les mouvements d'oppositions par son pouvoir
personnel, Hassan II* promulgue successivement deux nouvelles Constitutions
péremptoires, le 24 juillet 1970 et le 15 mars 197270.
A l'instar du nouveau Parti Communiste Marocain, le Parti de
la Libération et du Socialisme - PLS qui sera interdit en 1974 pour
faire place au Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) - l'UNFP
connaît une scission interne entre 1972 et 1975. L'UNFP est divisé
en deux bureaux, l'un à Rabat repris par l'UMT et l'autre à
Casablanca repris par l'Union Socialiste des Forces Populaires(USFP) naissante.
L'USFP a tenu son Congrès constitutif entre le 10 et le 12 janvier
197571. Le parti a comme membres fondateurs Abderrahmane El
Youssoufi*, Abderrahim Bouabid* et Omar Benjelloun*, avec une doctrine qui se
veut la plus fidèle au socialisme « Ben Barkiste ».
Parallèlement à l'USFP, une nouvelle centrale
syndicale voit le jour, c'est la Confédération
Démocratique du Travail (CDT). La CDT prendra le relais de l'UMT en
termes de mobilisation syndicale. La mise sur pied de l'USFP justifie qu'une
nouvelle opposition officieuse se profile depuis la fin des années 1960.
Il s'agit d'une part des Mouvements des Frontistes (Ilal Amam), du 23
Mars72, et des mouvements religieux tels le Mouvement Justice et Bel
Agir73 (Al Adl Wal Ihsan). Conjointement à cette
conjonction de la nouvelle opposition naissante, la première association
culturelle berbère voit le jour en novembre 1967.
Initialement répartis dans un « Groupe A » et
un « Groupe B », la nouvelle jeunesse des Frontistes et du 23 Mars se
revendique d'une doctrine léniniste-marxiste et n'a jamais
été reconnue par le Palais. Alors qu'Ilal Amam est
né du PLS, le Mouvement 23 Mars est surtout issu de l'UNFP. Ces deux
mouvements sont nés des échecs de la politique de l'Enseignement.
En effet, entre le 3 et le 11 mars 1970, alors qu'Hassan II* procédait
à un remaniement gouvernemental et levait l'Etat d'exception, il
68 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9
juin 1965, Décret royal n°136-65 du 7 safar (7 juin 1965)
proclamant l'état d'exception.
69 Maroc Répression : Le Maroc des
Procès, bulletin mensuel du CLCRM de Paris, Paris, N°39, 1977,
pp. 11-14.
70 L'article 23 du deuxième titre relatif
à la royauté des Constitutions de 1970 et 1972, confère au
roi un statut d'inviolabilité et de sacralité.
71 P. VERMEREN, op. cit., p. 69.
72 P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis
l'indépendance, cit., pp. 54-57. D. LE SAOUT et M.
ROLLINDE (dir.), Emeutes et mouvements sociaux au Maghreb : Perspective
comparée, Paris, Karthala, Coll. Hommes et Sociétés,
1999, pp. 201-231.
73 M. ABITBOL, op. cit., pp. 590-591.
24
organisait en même temps un colloque dans la ville
d'Ifrane (ville située au Moyen-Atlas)74. Ce colloque a
réuni les représentants des plus importants partis politiques et
a traité la question de l'Enseignement National. Une
réorientation générale dans le contenu du programme y a
été décidée.
Désormais toutes les disciplines vont être
enseignées en arabe. Cette brutale décision a
généré une importante fracture dans les différentes
étapes du cursus scolaire. Cette rupture au niveau de l'enseignement est
à rapprocher d'une rupture politique dans la gauche marocaine.
D'Ilal Amam et du Mouvement du 23 Mars émergent deux nouveaux
syndicats durant le mois de mars 197275 : il s'agit du Syndicat
National des Lycéens (SNL) et celui des Enseignants (SNE). La nouvelle
gauche marocaine naît dans un contexte culturel bouillonnant. Des revues
très critiques à l'égard du pouvoir telles Souffles
ou Lâmalif vont être les porte-paroles d'une
volonté de changement radical76.
Une nouvelle donne majeure s'insère dans
l'échiquier politique marocain. C'est la question du Sahara occidental.
Les origines du conflit trouvent plusieurs explications, cependant les
principaux motifs de cette affaire peuvent se résumer aux points
suivants : son apparition soudaine dans la vie politique 20 ans après
l'indépendance et les deux tentatives de coups d'Etat. Cette question
permet de revigorer un sentiment nationaliste quelque peu émoussé
par les déceptions socio-économiques de ces 20 dernières
années. Les politiques économiques établies de 1965
à 1977 ne pouvaient aboutir à des résultats concrets, car
les terres spoliées par les anciens colons et industries
étrangères n'ont jamais été restituées aux
fellahs et aux khamès (paysans et métayers) ni
dans leur intégralité ni dans leur qualité. En plus, le
Palais et le Makhzen s'accaparent des meilleures terres dès 1973 dans le
cadre de la « maroquinisation des terres ». L'affaire du Sahara
occidental intervient sans conteste après deux tentatives de Coup d'Etat
par l'armée contre le roi Hassan II* : le premier le 10 juillet 1971 et
le second le 7 août 1972.
L'ALM était définitivement liquidée par
les FAR, durant l'été 1973, alors qu'elle projetait une vaste
offensive dans l'Anti-Atlas77. Politiquement, Hassan II* doit
composer avec un deuxième FI. Ce deuxième FI réunissait le
PI, l'UMT, le PCM, l'UNFP très affaibli par les multiples coups de filet
et procès à son encontre, et l'USFP naissante. Cependant, en
1974, il prépare l'opinion nationale - et internationale - à la
construction d'un « Grand Maroc ». En utilisant à sa guise les
partis politiques (USFP, PCM, PI et UMT) comme outil de lobbying78,
le roi est en quête d'une nouvelle formule de « consensus national
» autour de la récupération des « territoires perdus
» et cherche à redorer sa légitimité ternie
auprès du FI. Seule, l'UNEM refuse d'adhérer au FI et vote une
motion lors de son XVe Congrès tenu entre le 11 et le 18
74L'UNEM : Dossier Syndical, UNEM section
Bruxelles-Charleroi, Bruxelles, N°8, 1985, p. 4.
75 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi,
Documents relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Manifeste du Syndicat National des Lycéens du 23 mars 1972.P.
VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l'indépendance, op. cit., pp. 62-70 .
A. ADAM, Chronique sociale et culturelle Maroc, in Annuaire de
l'Afrique du Nord, Centre national de la recherche scientifique; Centre de
recherches et d'études sur les sociétés
méditerrannéenes (CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS,
1977, Vol.15, pp. 516526.
76 K. SEFRIOUI, La revue Souffles 1966-1973 :
Espoirs de révolution culturelle au Maroc, Casablanca, Editions du
Sirocco, 2013. Voir aussi Z. DAOUD, Les Années Lamalif, 1958-1988 :
Trente ans de journalisme au Maroc, Casablanca, Tarik Edition-Senso Unico,
2007.
77 M. BENNOUNA, op. cit., pp. 233-294.
78 J-C. SANTUCCI, op. cit., pp.88-106.
25
août 1972. Cette motion expose des positions ouvertement
radicales vis-à-vis du régime79. En guise de
réponse, Hassan II* interdira l'UNEM le 17 janvier 1973 et ordonna sa
dissolution 7 jours plus tard. L'UNFP section Rabat sera aussi interdite le 2
avril 197380.
Le projet du « Grand Maroc » fait suite aux retraits
des forces armées espagnoles dans la zone Sud (actuelle province de la
Rio de Oro et de la Saquia El Hamra). Entre-temps, un
mouvement de résistance s'est déjà constitué
dès le 10 mai 1973 contre l'Espagne81. Il s'agit du Front
POLISARIO (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y
Río de Oro). Cette résistance va représenter une
opposition supplémentaire au régime d'Hassan II*. Mais ce dernier
précipite son projet par sa célèbre « Marche Verte
» survenue le 6 novembre 1975. Le commandement militaire est assuré
par le Général Ahmed Dlimi*, nouvel homme fort d'Hassan II*
après le Général Oufkir*. Désormais la question du
Sahara occidental, comme celle du statut de la monarchie et de la religion
d'Etat, est imposée par le Palais comme une nouvelle ligne rouge que la
classe politique ne doit pas transgresser.
Cette marche réunit près de 350.000 civils
encadrés par 20.000 soldats des Forces Armées Royales (FAR) au
départ de Marrakech82, capitale pour la circonstance, vers la
zone Sud. Face à l'euphorie populaire, le Maroc participe au
traité tripartite de Madrid le 14 novembre 1975 avec l'Espagne et la
Mauritanie. Après la mort du caudillo Franco 6 jours plus tard, le Maroc
examine un accord à l'amiable avec la Mauritanie pour diviser les
territoires occupés jusqu'en 197983. A cette date, le Maroc
se retrouve face-à-face avec l'Algérie qui soutient le POLISARIO.
Depuis février 1976, le POLISARIO, au Sahara occidental, proclame la
République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) et suivant les
principes d'autodétermination garantis par l'Organisation des Nations
Unies (ONU), la RASD exprime, encore de nos jours, sa volonté de
souveraineté sur le Sahara occidental. Entre-temps, l'économie
nationale marocaine doit s'aligner sur les directives du Fonds Monétaire
International (FMI) et répondre aux impératifs d'un
réajustement structurel.
Face à une classe politique affaiblie ou propice
à la compromission, le Palais resserre ses positionsen composant de
toutes pièces de nouveaux partis politiques. Depuis 1972, le conseiller
et
beau-frère d'Hassan II*, Ahmed Osman*, ainsi que le
nouvel homme fort du régime Driss Basri*, mettent en place plusieurs
Gouvernements. Ces Gouvernements verront la naissance de plusieurs partis et
syndicats de tendance « droites populaires », à savoir : le
Mouvement Populaire Démocratique et Constitutionnel (MPDC né
d'une scission du MP déjà en 1967), le Parti de l'Action (PA
fondé en 1974),
79 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi,
Documents relatifs à la gestion interne de l'UNEM Section Bruxelles
: Motions adoptées par l'UNEM lors de son XVe Congrès.
P. VERMEREN, op. cit., p. 61.
80 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 4
avril 1973, N°3153, Décret n°2-73-172 du 27 safar 1393 (2
avril 1973) portant suspension du groupement politique dit « l'Union
nationale des forces populaires - branche de Rabat ».
81 Les Fondements Juridiques et Institutionnels
de la République Arabe Sahraouie Démocratique, Actes du
Colloque international de juristes tenu à l'Assemblée Nationale,
Paris, L'Harmattan, les 20 et 21 octobre 1984, p. 47. P. VERMEREN, op.
cit., pp. 67.
82 W. RUF, Sahara Occidental : un conflit sans
solution ? , in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre national de la
recherche scientifique; Institut de recherches et d'études sur le monde
arabe et musulman (IREMAM)(éds.), Paris, CNRS Editions, 2004, Vol.40,
pp. 123-140. J-C SANTUCCI, op. cit., pp. 92.
83 R. WEEWSTEEN, La question du Sahara
occidental 1978-1979 , in Annuaire de l'Afrique du Nord, Centre de
recherches et d'études sur les sociétés
méditerrannéenes (CRESM)(éds.), Paris, Editions du CNRS,
1980, Vol.18, pp. 415-442.
26
le Parti Libéral Progressiste (PLP fondé en
novembre 1974), le Rassemblement des Indépendants (RNI fondé
entre 1977-1978), le Parti Démocratique Constitutionnel (PDC né
d'une scission du PDI et d'une coalition avec le FDIC en 1970), le Parti
National Démocrate (PND né d'une scission du RNI en juin 1982),
l'Union Nationale des Etudiants Démocrates (UNED fondé en juillet
1982) et l'Union Constitutionnelle (UC fondée en mars
1983)84. Ces partis politiques doivent pouvoir assurer une «
majorité parlementaire légitime » au Palais85.
Les fraudes électorales sont régulières. La population
marocaine comprend un taux d'analphabétisme élevé et, pour
pouvoir voter, le régime assigne à chaque parti une couleur. Par
exemple, lors des élections législatives du 3 juin 1977, l'USFP
avait des bulletins jaunes. Or, dans maintes circonscriptions, dont Rabat, les
candidats du RNI avaient fait imprimer leur bulletin sur papier jaune
aussi86...
Avec une classe paysanne stagnant dans une pauvreté
matérielle et dont l'état d'illettrisme est étendu, un
prolétariat frustré de ne pouvoir se développer en une
solide classe moyenne et un mouvement d'étudiants interdit
d'accès à une instruction de qualité, le Maroc
présente plusieurs fractures sociales qui ne cesseront de s'accentuer.
Le monarque chérifien garde, cependant, la mainmise sur toutes les
institutions civiles et militaires. Nonobstant cette situation, avec la brutale
hausse des prix des matières de première nécessité,
le souverain n'a pu anticiper une nouvelle révolte d'envergure à
Casablanca le 21 juin 1981 qui s'étendra dans tout le nord du Maroc
jusqu'en 198487. Ce sont les fameuses émeutes « de la
faim ». Simultanément à l'application du Plan d'ajustement
structurel, le Général Dlimi* meurt dans un accident sur la route
de Marrakech le 25 janvier 198388. La disparition du
Général annonce la montée du troisième homme fort
du régime d'Hassan II* : Driss Basri*.
La gauche marocaine accueille aussi deux nouveaux partis :
l'Organisation de l'Action Démocratique et Populaire (OADP fondé
en 1983) née du Mouvement 23 Mars, et le Parti de l'Avant-Garde
Socialiste et Démocratique (PADS fondé en mai 1983) né de
l'USFP. Après 1983, l'espace politique marocain ne verra plus la
naissance d'importants partis politiques. Les partis politiques qui
émergeront ultérieurement seront essentiellement des partis issus
de plusieurs composantes politiques des mouvements politiques que nous avons
jusqu'ici examinés.
D'une main le monarque canalise, de l'autre il active la
machine répressive contre les partis, les syndicats et les mouvements
d'étudiants, cherchant ainsi à faire taire toute opposition. En
outre, si les crises internes des partis politiques étaient
favorisées par le Palais, elles étaient aussi le fruit d'un
désaccord structurel entre les cadres et la base des
partis89. Alors qu'Amnesty International et la presse internationale
francophone commencent à s'inquiéter de la recrudescence des
violations des Droits de
84 J-C. SANTUCI, op. cit., pp. 255-260.
85J-C. SANTUCCI, Le multipartisme marocain
entre contraintes d'un « pluralisme contrôlé » et les
dilemmes d'un « pluripartisme autoritaire, in Revue des Mondes
Musulmans et de la Méditerranée, N°111-112, 2006, pp.
63-118.
86 G. PERRAULT, Notre Ami le Roi, Paris,
Gallimard, Coll. Au Vif du Sujet, 1990, p. 248.
87 Ces événements seront
étudiés à travers les activités des CLCRM et plus
particulièrement du CLCRM de Bruxelles.
88 P. VERMEREN, op. cit., p. 83.
89 Sur ce sujet voir CH. DAURE-SERFATY, Rencontre
avec le Maroc, Paris, La Découverte, Coll. Essais, 1993.
27
l'Homme au Maroc, les Comités de Lutte contre la
Répression en France ont déjà fait état des
premières victimes des procès arbitraires90.
C. L'appareil sécuritaire au Maroc
L'appareil sécuritaire au Maroc s'est organisé
dès l'indépendance. Mieux structuré que les partis
politiques, les syndicats et les mouvements d'étudiants, le
système sécuritaire se présente en hiérarchie -
comme la notabilité et le clergé du Makhzen - dans laquelle
chaque organe agit en étroite collaboration avec le bureau de
l'Etat-Major, lui-même en relation avec les Ministères de
l'Intérieur, de la Défense et le Cabinet Royal. C'est à
partir de ce puissant appareil sécuritaire que le souverain peut
appliquer son autorité sur l'ensemble du territoire.
c.1 Les Forces Armées Royales.
Les FAR sont instituées officiellement le 25 juin
195691. Le prince héritier Hassan en est le chef d'Etat-Major
et Mohamed V le Commandant Suprême. Elles comptent 15.000 hommes en armes
dont un tiers provenant de l'ALM, mais dont les cadres sont exclus de
l'Etat-Major et doivent se contenter de grades subalternes, quand leur silence
n'était pas acheté.
La classe politique est mise à l'écart lors de
la constitution des FAR. En revanche, les officiers français jouent le
rôle essentiel dans la mise sur pied de l'armée royale. Satisfait
de cet encadrement, Mohamed V a même tenu ces propos à
l'égard des officiers français : « Le
défilé auquel nous venons d'assister est votre oeuvre, vous avez
pris une part active à sa préparation. Je vous en remercie, vous
avez servi le Maroc votre pays et la France, notre alliée
92». Les FAR servent surtout comme garde
prétorienne au Palais. Cette garde prétorienne assure au roi le
pouvoir exécutif et permettra, à terme, d'assurer au monarque les
moyens de sa répression politique.
Les FAR désignent le corps national organisé
dans le lequel le monarque avait entièrement confiance jusqu'aux
tentatives des coups d'Etat. Exclusivement encadrées par des officiers
des armées coloniales françaises et espagnoles, elles sont
chargées de la sécurité personnelle du roi dès
1959. En guise d'exemple, citons le Général Mohamed Oufkir*,
vétéran de la Seconde Guerre Mondiale (campagne d'Italie en 1944)
et du Viêt-Nam (1947), ensuite, les Généraux Benhammou
Kettani et Mohamed Medbouh issus de l'armée française, et enfin,
le Maréchal Mohamed Ameziane, ancien Gouverneur-général
des Îles Canaries de l'Espagne franquiste.
En 1958, les effectifs des FAR s'élèvent
déjà à 27.000 hommes. Des régiments entiers ayant
servi dans les armées coloniales passent avec armes et bagages aux FAR.
« Dieu, Patrie, Roi » est la devise
90 Rapports d'Amnesty International de 1972
à 1977. Le Nouvel Observateur du 6 juin 1977 et 16 janvier
1978. Le Monde des 21 août 1963, 13 juillet-9 août 1971 et
3 mars 1972. En outre, Le Monde a été interdit plusieurs
fois au Maroc pour une durée indéterminée. Le journal a
été censuré, notamment, à cause d'une
publicité faite par les CLCRM, Le Monde du 27 janvier 1977.
91 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 20
juillet 1956, N°2282, Dahir n°1-56-138 du 16 kaada 1375 (25 juin
1956) portant création des Forces armées royales.
92 M. MONJIB, op. cit., p. 65.
28
officielle. Jouissant d'importants avantages matériels,
l'armée royale n'est pas en contact avec le monde politique. Par
ailleurs, la répartition budgétaire octroyée aux FAR a
été sujet de discorde entre l'aile gauche du FI (PCM, UMT, UNEM
et future UNFP) et le Palais. Les FAR constituent un gage de confiance dans les
cénacles militaires français qui voient dans le jeune prince
héritier du Trône, maîtrisant par ailleurs parfaitement la
langue de Molière, l'espoir incarné de l'avenir de la France au
Maroc.
La Gendarmerie Royale est mise sur place le 29 avril
195793. Elle bénéficie d'une situation analogue
à celle des FAR. Les FAR et la Gendarmerie sont annexées
directement au Cabinet Royal et se trouve ainsi sous la direction du tandem
Oufkir-Prince Hassan*.
Les FAR ont établi une première base
militaro-policière solide dans laquelle se développent : la
Sûreté Nationale, la Gendarmerie Royale, les Forces Auxiliaires,
les Services Secrets et les Brigades Spéciales. Cette Force Publique
permet au souverain les moyens de sa répression contre les forces vives
de la Nation communément et contre les espoirs intellectuels en
particulier.
c.2 Les polices politiques
Issue des Services de Renseignements Généraux
français au Maroc et des FAR, la première Sûreté
Nationale voit le jour le 16 mai 1956 sous l'égide de l'istiqlalien
Mohamed Laghzaoui*94. La Sûreté Nationale,
appelée aussi la Direction Générale de la
Sûreté Nationale (DGSN), avait pour principale mission
d'éliminer les cadres de l'ALM les plus opposés aux FAR, parmi
lesquels Abbas Messaâdi*. Composée d'anciens membres
ralliés de l'ALM, la police politique de Laghzaoui* ne dispose cependant
toujours pas d'un solide réseau d'informateurs.
Vers septembre 1960 et avec la montée en puissance du
Général Mohamed Oufkir*, l'administration policière
secrète est réorganisée en un bureau centralisé :
il s'agit du CAB1 qui dispose de deux grands services distincts, le premier
central situé dans la capitale, Rabat et le second régional
disséminé dans tout le pays. Le service central est
composé de 6 départements indépendants mais
complémentaires dont le département de la contre-subversion et le
département du contre-espionnage. Le département de la
contre-subversion a pour mission de neutraliser les partis politiques, les
syndicats et les mouvements d'étudiants, de plus, il participe
clandestinement aux enlèvements, aux séquestrations, aux tortures
et aux disparitions.
Suivant le contexte de Guerre Froide
généralement et de Maccarthysme plus particulièrement, les
Etats-Unis procurent une aide précieuse au Maroc dans la construction de
son appareil sécuritaire. Par conséquent, le CAB1 devient plus
efficace dans sa lutte contre la subversion politique interne au territoire
mais aussi plus performant dans sa lutte contre le « péril rouge
». Les collaborateurs américains dépêchés
93 Bulletin officiel Royaume du Maroc du 17 mai
1957, N°2325, Dahir n°1-57-059 du 28 ramadan 1376 (29 avril 1957) sur
la gendarmerie.
94 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 25
mai 1956, N°2274, Dahir n°1-56-115 du 5 chaoual 1375 (16 mai 1956)
relatif à la direction générale de la sûreté
nationale.
29
par l'Etat-Major des Etats-Unis sont assignés à
la tête du département contre-subversion95. Le
département de la contre-subversion a développé dès
1965, un grand réseau d'information couvrant tout le territoire, tandis
que le département contre-espionnage collectait les renseignements et la
documentation auprès des ambassades, des consulats, dans les
médias, auprès des personnalités étrangères
et dans les lieux publics96.
Du début des années 1960 jusqu'à
l'enlèvement de Mehdi Ben Barka*à Paris, le CAB1 dispose des
services de plusieurs réseaux d'information composés de 2000
sources. L'information est fournie par l'indicateur à son agent-traitant
qui recoupe l'information. Une fois les informations recoupées, un
rapport est remis au Ministère de l'Intérieur. Le rapport se doit
d'être bref et concis, comme en témoigne l'exemple de ce rapport
émis par le caïd du 3e arrondissement urbain pour le
Ministère de l'Intérieur97:
Ministère
del'Intérieur
Préfecture de
Casablanca
N°402/AB/FR
Casablanca, le 28 septembre 1962 Le Caïd chef du
3e arrdt urbain Casa blanca A Monsieur le Directeur des Affaires
Générales Rabat S/C de la voie hiérarchique
Objet : réunion secrète du bureau U.N.F.P.-Casa.
D'après les informations recueillies auprès des
milieux proches des militants de la gauche, il paraît que les membres du
bureau U.N.F.P. de Casablanca auraient tenu une réunion secrète
il y a quelques jours pour discuter des choses urgentes du parti. La
réunion a été longue car elle a duré quelques
heures sous la présidence d'Abdallah Ibrahim ou Mâati Bouabid
Vu et transmis sous le N°1200/S.A.R. Le gouverneur de
Casablanca
|
95 A. BOUKHARI, Le Secret : Ben Barka et le
Maroc. Un ancien agent des services spéciaux parle, Paris, Michel
Laffont, 2002, pp. 19-49. Attention les deux ouvrages d'Ahmed Boukhari doivent
cependant être pris avec beaucoup de précaution car si l'auteur
procure des informations intéressantes sur le fonctionnement de la
police politique marocaine, il ne propose pas toujours une méthodologie
rigoureuse quant à la qualité de ces informations
données.
96 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur
l'affaire Ben Barka et d'autres crimes politiques au Maroc, Casablanca,
Maghrébines, 2005, pp. 57-61 & 296-300. P. VERMEREN, op.
cit., p 63.
97 A. BOUKHARI, Le Secret : Ben Barka et le Maroc.
Un ancien agent des services spéciaux parle, op. cit., pp.
71-72.
30
Sur les 2000 sources d'informations du CAB1, 200 sont
utilisées dans le contre-espionnage et 1800 pour la contre-subversion.
Parmi ces 1800 sources d'information de la contre-subversion, un grand
nombre de responsables des partis, des syndicats et des bureaux
d'étudiants y collabore, notamment
d'importants cadres de l'UNFP et de l'UNEM... Soucieux de
mieux contrôler la classe politique et après le « suicide
» du Général Oufkir* survenu après le coup d'Etat du
Boeing Royal du 7 août 1972, le
régime va démanteler le CAB1 et diviser
l'appareil des Services Secrets en créant, le 12 janvier
197398, la Direction Générale de l'Etude et de la
Documentation (DGED), et vers fin mars99, la Direction de la
Sûreté Nationale (DST). Entre-temps, un nouveau corps
d'armée voit le jour le 22 février 1973 : les Forces
Auxiliaires100.
La DST et la DGED sont à leurs origines tenus par le
tout puissant ministre de l'Intérieur et professeur de Droit Driss
Basri*. La DST et la DGED comprendront un effectif respectif de 9000 policiers
et de 3000 policiers101. Cette augmentation des effectifs policiers
justifie la volonté du souverain de diminuer le pouvoir de
l'armée au détriment des corps de police.
Hassan II* met en place un Etat policier. Tout le Makhzen et
l'appareil sécuritaire se mobilisent quand il s'agit de traquer les
groupes d'opposition politique ou armée. Très présente
dans les lieux publics et les universités, la police cherche le plus
possible à réprimer toute tentative de manifestation. Un
témoignage recueilli par l'UNEM, adressé au CLCRM de Paris,
faisait état des incidents suscités par les forces de l'ordre
à l'encontre des étudiants grévistes au Lycée
Mohamed V à Marrakech, le lundi 12 mars 1973 : « Au matin, ils
étaient dans le lycée. Les forces de l'ordre très
menaçantes étaient à l'extérieur. Des jets de
pierre sont partis, les CMI (Compagnies Mobiles d'Intervention) ont
balancé de gros parpaings dans la cour. Les élèves se sont
barricadés à l'intérieur ; à un moment un moghrezin
(policier) venu de l'extérieur pour chercher sa fille est
entré. La porte a été entrebaillée : A ce moment
une pierre - semble-t-il - est partie de la cour vers les flics. Ceux-ci se
sont rués sur les portes, ils ont défoncé la petite porte
à côté de la grande et ont commencé la chasse.
Certains élèves se sont réfugiés dans la salle des
profs où les moghrizins sont arrivés, faisant jouer la culasse de
leur mitraillette. Les profs ont cru qu'ils allaient tirer, des femmes se sont
mises à crier. Un prof s'est avancé vers les CMI pour leur
demander de se calmer. Il a été copieusement rossé.
Après quoi, un inspecteur, ou un commissaire en civil est venu leur
demander de quitter la salle des profs. Ils ont pourchassé les
élèves
partout. Notamment les petits et les filles qui courent
moins vite. Certains s'étaient sauvés au 1er
étage et accrochés aux corniches. Ils leur ont tapé sur
les doigts, pour leur faire lâcher prise. Une fille est
tombée du 1er étage, elle a la
colonne vertébrale atteinte, a perdu l'usage des 2 bras. Il y a eu,
d'après
98 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 31
janvier 1973, N°3144, Dahir portant loi n°1-73-8 du 7 hija 1392 (12
janvier1973) relatif à la création d'une Direction
générale d'études et de documentation.
99 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur
l'affaire Ben Barka et d'autres crimes politiques au Maroc, op.
cit., p. 300.
100 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 11 avril
1973, N°3154, Dahir portant loi n°1-72-524 du 18 moharram 1393 (22
février 1973) relatif à l'organisation générale des
forces auxiliaires.
101 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur l'affaire Ben
Barka et d'autres crimes politiques au Maroc, op. cit., p.
324.
31
tous les recoupements 2 morts : un garçon de 1er
année et une fille de 2e année. Il semble qu'ils soient morts sur
place ; ils ont été enterrés tout de suite. Il y a eu 40
traumatismes crâniens et des blessures de toutes sortes. Il y avait du
sang en beaucoup d'endroits (...)102».
Type d'affiche de recherche: un appel d'arrestation
de 1975 à l'encontre de Houcine El Manouzi membre103.
Avec un puissant appareil sécuritaire, le régime
s'est activé à multiplier les prisons et les centres de
détention. Ces lieux de «non droits» dans lesquels sont
entassés plusieurs centaines (voire milliers) de prisonniers politiques,
sont des endroits où le régime cherche à briser chez les
détenus toute tentative de contester, de s'opposer aux abus de ce
même régime, mais aussi à briser tout espoir de lutte.
c.3 Les lieux de détentions et tortures au Maroc.
Depuis 1956, le système carcéral au Maroc se
divise en plusieurs catégories. Nous avons des prisons, des centres de
détentions, des postes fixes (PF) et des bagnes (ou centre secrets). Les
prisons contenaient des prisonniers de droit commun et d'opinion.
Réparties dans plusieurs villes telles Kénitra, Fès,
Casablanca, Marrakech, Rabat et Ouarzazate, ces prisons accueillaient les
détenus parfois préalablement torturés dans les centres de
détentions ou les commissariats. Comme tortures
102 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°344, Documents relatifs au mouvement étudiant, UNEM : Lettre
de l'UNEM section Marrakech envoyée aux CLCRM daté du 19 mars
1973.
103 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°274, Correspondance et interventions au profit de ressortissants
Marocains - confidentiel : Affiche de recherche d'Houcine El Manouzi
datée du 13 juillet 1975.
32
fréquentes dans les centres de
détention104, il y avait : l'isolement, la violence
psychologique, le passage à tabac, le viol « direct » des
gardiens et « indirect » par l'introduction d'une bouteille dans
l'anus, la falaqua qui consiste à battre le détenu sur
la plante des pieds, l'étouffement qui consiste à introduire un
chiffon souillé d'urine ou d'excréments dans la bouche du
détenu, la méthode de « l'avion » qui consiste à
suspendre le détenu et le battre sur les poignets, le corps ou la plante
des pieds, la chaise du « Perroquet » qui consiste à suspendre
le détenu, les mains et les pieds attachés devant le corps et la
tête tombant en arrière.
Parmi les premiers témoignages des tortures, le
Comité de Paris a pris connaissance du cas d'Evelyne Serfaty*, soeur
d'Abraham Serfaty*. Dans la lettre qu'elle adressa au Comité, elle
raconte son calvaire passé au Commissariat de Casablanca entre le 26
septembre et le 4 octobre 1972 : « (...) Je suis introduite dans un
autre bureau où se trouvent plusieurs policiers. Mon sac est
entièrement vidé devant moi. Les questions et les gifles
pleuvent. Puis on m'oblige à enlever ma jupe et mes chaussures. On
m'attache les chevilles et les poignées ensemble avec les chiffons et
des cordes. On fait passer entre eux une barre de fer que l'on pose entre deux
tables. C'est là la torture du « perchoir au perroquet »
déjà décrite par mon frère. On me pose un bandeau
sur les yeux, un chiffon sur la bouche. On verse de l'eau sur le chiffon en me
disant que si je ne parle pas on ajoutera de la javel à l'eau. C'est
l'étouffement, une sensation horrible. Je suis toujours sur « le
perchoir », mais c'est le supplice de l'électricité, dans
les oreilles, dans le sexe, puis on m'enroule des fils autour des orteils et ce
sont de terribles décharges dans tout le corps. « C'est rien me
dit-on, tu verras quand on te fera ça aux seins ». (...) Entre deux
tortures, les policiers me saisissent par les cheveux, me secouent, me giflent,
me disent en arabe « Parle, parle ! ». Je ne parlerai pas de leurs
injures, ce serait trop long. Cette fois-ci, on m'attache les chevilles et les
poignées à une corde. Je n'étais plus en mesure de
distinguer où était suspendue cette corde. Je sais que je tourne
et qu'à chaque tour, on m'appuie fortement sur la colonne
vertébrale aux creux des reins. J'ai l'impression que mes
vertèbres vont se briser d'un moment à l'autre. C'est atroce. Je
suis par terre, grelottante, claquants des dents. Un de mes tortionnaires me
fait mettre ma jupe « pour que j'aie moins froid » ! (...) On me
laisse tranquille un moment. Puis les policiers reviennent et me disent
.
· « Puisque tu ne veux pas parler, on va aller chercher tes
parents et les amener ici. Ils subiront le même sort que toi. (...) La
nuit tombe. Les deux policiers qui prennent la relève me font marcher
dans le couloir de plus en plus vite en levant et en abaissant les bras. Les
deux suivants me font rester debout jusque 6 heures du matin. On me permet
alors de m'asseoir, sur le sol, le dos contre le mur. (...) Un policier passe
la tête par la porte et dit en ricanant .
· « Ce soir,
Tribunal nocturne ! ». Vers 20 heures, les deux policiers
préposés à ma garde se partagent le travail, l'un
téléphone en disant .
· « Tu la veux, oui d'accord,
on ne bouge pas ». L'autre traine des chaises, des bancs à grand
tapage dans le bureau d'en face que je ne peux voir. A minuit, la mise en
scène est terminée, mais la lumière reste encore
allumée jusqu'à 6 heures du matin. (...) Je suis
104 I. LAYER, Amnesty International : La liberté
d'expression et les Droits de l'Homme, l'exemple du Maroc, Mémoire
en Journalisme, sous la direction de Jean-Jacques Jespers, Bruxelles, PUB,
1995, pp. 53-55.
33
relâchée vers 16 heures. Les policiers me
donnent l'ordre de rentrer à Casablanca sans voir personne à
Rabat. Je ne sais comment j'ai pu conduite ma voiture jusqu'à Casablanca
(100 Km de Rabat) (...)105. » Evelyne Serfaty est
morte deux ans plus tard des suites d'une violente
hépatite106.
L'expérience au centre de détention Derb Moulay
Chérif à Casablanca nous est aussi racontée par Jaouad
Mdidech, ancien membre frontiste entre 1973 et 1977: « Trois heures
s'étaient écoulées. On cria mon numéro : « 122
! » Je bondis de ma place comme un fou et mon coeur aussi, qui se mit
à battre la chamade, à se rompre. On me conduisit directement
dans la salle de torture. D'entrée de jeu, on passa à la position
du Perroquet, dont j'avais beaucoup entendu parler. On me fit asseoir sur le
sol toujours bandeau aux yeux, on me plia les genoux jusqu'à ce qu'ils
touchent ma poitrine, comme on fait dans une posture yoga. A l'aide d'une
ficelle, on me lia les mains aux pieds. Et hop ! On me souleva et déposa
sur une table à l'aide d'une tringle métallique qu'on avait
glissée sous les genoux. On commença à me fouetter la
plante des pieds. Des coups secs qui me firent crier. (...). Car le plus atroce
ne vint que quelques minutes plus tard, lorsque je sentis une main ouvrir ma
bouche, s'employant à garder mes mâchoires ouvertes, et une autre
me verser des jets d'eau à l'intérieur de la bouche. Je sentis
deux doigts me boucher les deux fosses nasales, pour couper toute respiration.
De l'eau versée dans la bouche que je ne pouvais avaler (...). Combien
dura l'épreuve ? Aucune idée. En tout cas, jusqu'à que je
sentisse mes os craquer à l'intérieur de ma chair
(...)107».
Les centres de détention étaient donc surtout
utilisés pour les tortures. Les points fixes (PF) aussi, mais à
la différence des centres de tortures, les détenus ne devaient
jamais réapparaître dans la vie publique. Le Maroc de Hassan II* a
connu au total 5 PF108.
En complément des centres de détentions et des
PF, il y a les bagnes secrets. Les bagnes secrets, toujours dans une logique de
séquestration, étaient l'expression de la vengeance royale la
plus aboutie. Répartis dans différentes places au Maroc, les
bagnes secrets, plus que les points fixes ne devaient jamais être connus
de l'opinion publique nationale et internationale. Entre 1973 et 1990, les
CLCRM ont recensé cinq bagnes secrets : Tazmamart. Kelaât M'gouna,
Bir Jdid, Tamattaght et Agadez109.
Tazmamart se situe entre Midelt et la région du
Tafilalet. Ancienne forteresse de l'armée française, elle a
été récupérée pour y séquestrer le
plus secrètement possible des détenus non pas condamnés
pour motifs politiques mais plus directement pour atteinte à la personne
du roi. Parmi ces détenus, ils y avaient les mutins des deux coups
d'Etat, mais aussi des personnes qui ont fait partie du cénacle royal
comme les Frères Bourequat ou bien la famille Oufkir110.
105 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°328, Appels à la libération des détenus,
Abraham Serfaty : Lettre d'Evelyne Serfaty adressée au CLCRM de Paris
datée du 16 octobre 1972.
106 CH. DAURE-SERFATY, Lettre du Maroc, Paris, Stock,
2000, p. 31.
107 J. MDIDECH, La chambre noire ou Derb Moulay
Chérif, Casablanca, Eddif, 2001, pp. 60-61.
108 A. BOUKHARI, Raisons d'Etats : Tout sur l'affaire Ben
Barka et d'autres crimes politiques, op. cit., pp. 268-270.
109 Une carte du Maroc est reprise en annexe.
110 A ces sujets voir A. ALI BOUREQUAT, Tazmamart :
Dix-huit ans de solitudes, Paris, Michel Lafon, 1993. R. MIDHAT BOUREQUAT,
Mort vivant, Paris, Pygmalion, 2000. Le bagne de Tazmamart sera plus
détaillé à travers les activités des CLCRM à
travers cette étude.
34
Nous avons tenté, à travers le deuxième
chapitre, de décortiquer le système politique marocain. Fusion
d'un système traditionnel multiséculaire avec le système
des institutions permanentes héritées du Protectorat, le
système politique contemporain marocain a été très
vite concentré entre les mains d'un groupe de personnes au lendemain de
l'indépendance.
En bref, le pouvoir au Maroc est représenté par
le roi, les agents d'autorités du Makhzen, les fidèles acquis au
roi de la classe politique et l'Etat-Major. Ces acteurs politiques tiennent
fermement tous les secteurs clés de l'Etat en plus d'avoir
marginalisé le Mouvement National. La politique du Palais
vis-à-vis de toutes les oppositions peut se résumer aux points
suivants : liquider physiquement les éléments les plus
irréductibles. Arrêter, censurer, séquestrer et torturer
les « têtes dures ». Effrayer par la délation et la
menace les hésitants. Octroyer des privilèges aux
éléments mous et opportunistes.
Qu'elles soient d'ordre politique, armées ou
intégrées au cercle royal, les oppositions, dès lors
qu'elles cherchent à remettre en cause le pouvoir absolu du monarque ou
à entamer son prestige, subissent les foudres de ce dernier. Si, par
exemple, en Belgique le roi agit sous le « contreseing » des
ministres, au Maroc ce sont les ministres qui agissent sous le «
contreseing » royal111.
Chapitre III : L'exil politique
Outre les procès expéditifs du régime
marocain à l'encontre des oppositions à l'intérieur du
pays, l'appareil répressif fonctionnait aussi à
l'extérieur du pays. Plusieurs arrestations, enlèvements et
démantèlements eurent lieu contre les cellules des oppositions
marocaines. Plusieurs militants de l'UNFP, de l'ALM, des mutins des FAR, voire
des militants marocains ne relevant pas des partis politiques marocains furent
arrêtés en Algérie, à Gibraltar, en Tunisie, en
Lybie, mais aussi en Belgique, en France et aux Pays-Bas entre 1970 et 1974.
Dans ce chapitre, nous examinerons par quelques exemples les motifs des
opposants à quitter le Maroc. Puis, nous étudierons le
phénomène des Amicales de Travailleurs et Commerçants
Marocains. Et enfin, nous survolerons les plus importants mouvements syndicaux
marocains en Europe passés dans l'opposition politique. Avec l'histoire
politique du Maroc contemporain, ce chapitre est capital dans la mesure
où ces trois points permettront la compréhension des origines et
activités des CLCRM généralement, et du CCRM de Bruxelles
particulièrement.
a. Du Maghreb vers l'Europe : fuir le despotisme
d'Hassan II.
Parmi les militants relevant essentiellement de l'UNFP, il y
avait Mohamed Ajar. Militant de l'UNFP, il fut condamné à mort
par contumace au procès de Rabat en mars 1964. Il fut
arrêté à Madrid en janvier 1970 et livré
après 15 jours à Rabat. Ahmed Benjelloun* alors lui aussi membre
de l'UNFP et arrêté à Madrid au même moment subit un
interrogatoire musclé de la part de la police politique de Franco.
111 Article 106 du Titre III de la Constitution belge. Article
29 du Titre II des Constitutions du Royaume du Maroc du 7 décembre 1962,
du 24 juillet 1970 et du 15 mars 1972.
35
Présenté comme « dangereux communiste
proche des frontistes catalans » par des espions marocains auprès
de la police espagnole, il fut immédiatement pris à partie par le
commissaire lui montrant des photos compromettantes à son égard
et face au silence de l'accusé, il lui tenait ces quelques mots: «
On va t'envoyer chez Oufkir, il saura te faire parler, lui
!112 ». Le premier dossier constitué par Me Alain
Martinet pour le CLRM de Paris dresse un premier bilan des arrestations
effectuées dans les rangs de l'UNFP113.
Ce dossier cite les cas de Merzak El Yazid et de Brahim
Lachgar. Merzak El Yazid fut ouvrier ancien membre du FLN algérien, il
rentra dans l'UNFP et sera enlevé en plein territoire algérien.
Brahim Lachgar était ouvrier militant de l'UNFP. Il fut enlevé en
Lybie en août 1974 et acheminé par le Sahara jusqu'au Maroc. Comme
plusieurs victimes d'enlèvement, son sort reste inconnu... Jaaouani El
Mokhtar était paysan et militant de l'UNFP. Il fut condamné
à mort par contumace en janvier 1974. Enlevé sur le territoire
algérien aussi, il sera détenu au centre de détention de
Derb Moulay Chérif à Casablanca.
Parmi les mutins de l'armée, il y avait le
Lieutenant-Colonel Amokrane et le Sous-lieutenant Midaoui, impliqués
dans la tentative du coup d'Etat d'août 1972. Ils se sont
réfugiés à Gibraltar et ont demandé l'asile
politique à la Belgique. Ils seront livrés le jour suivant
à Rabat. Puis, nous avons Houcine El Manouzi*, mécanicien
à la SABENA en Belgique et membre de la Confédération des
Syndicats Chrétiens (CSC). Il fut militant de l'UNFP et membre de l'ALM.
Condamné à mort par contumace au procès de Marrakech du 14
juin 1971, il fut enlevé à Tunis et livré à Rabat
en 1972. Evadé du PF2 le 13 juillet 1975, il sera repris une semaine
plus tard. Le sort d'Houcine El Manouzi reste inconnu. Il y avait le cas de
Mohamed Ramsis. Commissaire de police et militant de l'UNFP, il a
demandé l'asile politique en Algérie et sera placé en
garde à vue pendant une semaine par la police algérienne. Il est
livré à Rabat suite à son inculpation au procès de
Marrakech en 1971. Condamné à 20 ans de réclusion, il sera
finalement libéré en novembre 1977.
A Paris, le président de l'Association des Marocains de
France (AMF) Arsala Idir Ben Miloud a reçu une convocation du
Ministère de l'Intérieur datée du 26 mars 1974. Le motif
invoqué était le suivant114: « Activités
politiques sur le territoire français ». La participation du
président à une manifestation organisée par l'AMF, le 9
février précédent, a fourni le prétexte de son
arrestation par la police. Déjà depuis 1971, le président
de l'AMF a été sommé par la police française, lors
de plusieurs interrogatoires, de signer des déclarations
préfabriquées soulignant qu'il portait atteinte à «
la neutralité politique en France ». Le refus d'Arsala Idir Ben
Miloud de céder à ces intimidations est suivi d'un refus de la
part de la préfecture de police du 6e arrondissement de
Paris, et ce pendant trois ans, de procurer au président une carte de
séjour, l'exposant ainsi à un risque momentané
d'expulsion.
112 M. BENNOUNA, op. cit., p. 122. Par ailleurs,
« Franco a fourni au pouvoir royal (marocain) les
éléments d'un complot contre l'opposition marocaine »,
écrit L'Humanité du 3 juin 1971.
113 A. MARTINET, Dossier adressé au CLCRM de Paris
relatif les procès et arrestations au Maroc, Paris, 1974, pp.
8-23.
114 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique :
Communiqué de l'AMF daté du 10 avril 1974.
36
En ce qui concerne les Pays-Bas, Ikhiche Houcine ouvrier et
militant de l'UNFP, a été arrêté au Maroc en juillet
1972 et a été condamné à 30 ans de réclusion
au procès de Kénitra du 25 juin au 30 août 1973. Le motif
invoqué était son appartenance au parti115.
Enfin à Bruxelles, entre le 25 et le 26 décembre
1974, deux policiers marocains assistés d'un collaborateur du Consul
marocain à Bruxelles sont sortis d'une Renault 16 de couleur blanche et
ont tenté d'enlever un militant marocain de l'opposition au Boulevard
Maurice Lemonnier. La victime, par ses cris, a pu alerter un chauffeur de taxi
et ainsi mettre ses assaillants en fuite. Cependant, le militant,
sévèrement battu, a dû être transporté
à l'hôpital de Schaerbeek116.
b. Les Amicales des Travailleurs et Commerçants
Marocains.
A partir de 1973, le régime marocain va chercher
à « encadrer » ses ressortissants. Pour ce faire, il mettra en
place les Amicales des Travailleurs et Commerçants (Al
Widadiyyat). L'organisation des Amicales relevait du Ministère de
l'Emploi et du Travail au Maroc117. Ce dernier maintenait les
contacts avec les Amicales par l'intermédiaire des ambassades et
consulats. Les Amicales avaient pour tâche d'interdire toute tentative de
syndicalisation au sein des communautés marocaines et plus largement
d'interdire aux Marocains de participer à la vie publique du pays
d'accueil, en se posant comme les interlocuteurs
incontournables118.
Elles pouvaient prendre plusieurs formes parmi lesquelles :
des syndicats de travailleurs ou de commerçants, des ASBL ou encore des
comités « patriotiques ».
Les Amicales sont d'abord apparues en France depuis leur
Congrès constitutif tenu à Rabat durant le mois d'août
1973. Officiellement, les Amicales se présentent comme des associations
soucieuses du dialogue interculturel entres les Marocains et les autochtones.
Ainsi, en France : « L'Amicale a pour but la défense,
l'assistance morale et matérielle de ses adhérents ainsi que le
resserrement des liens de l'ensemble de la colonie
marocaine119. »
Les Amicales de Belgique ont tenu leur Congrès
constitutif à Tanger, en mars 1975120. Elles justifient leur
présence par des motifs humanitaires et culturels : « Ces
Amicales ont été constituées dans un but d'ordre social et
humanitaire, visant surtout l'aide et l'assistance aux travailleurs et
commerçants marocains dans leurs problèmes et difficultés
journalières dans le pays d'accueil (...).C'est dans cet esprit
115 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine
policière, décembre 1977, p. 24.
116 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des
ouvriers et commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p.7.
117 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, p.
4.
118 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles-Paris-Amsterdam, 1975,
p. 27.
119 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Avis aux
Travailleurs et Commerçants de la circonscription consulaire de Paris
daté de 1974.
120 « 24h00 au Maroc - Tanger : Congrès
constitutif de la Fédération des Amicales des Travailleurs
marocains en Belgique », Le Matin du Maroc du 30 mars 1975.
37
que des manifestations en vue de promouvoir les contacts
avec la population belge, sont souvent organisées par nos Amicales,
malgré les faibles moyens dont nous disposons, à la fois pour les
Belges et pour les immigrés des autres nationalités, afin
d'amener chacun de nous à une meilleure compréhension de l'autre
à travers ses coutumes, son mode de vie et sa civilisation et enfin, en
vue de l'établissement de relations véritablement fraternelles et
d'une réelle solidarité121». Les Amicales
sont apparues dans un contexte de crise économique galopante au Maroc ;
aussi, elles devaient encourager les ressortissants marocains en Europe
à investir leurs capitaux au Maroc. Cet encouragement se traduisait par
plusieurs exonérations et privilèges parmi
lesquels122: une facilité pour le rapatriement des corps de
ressortissants marocains, une souscription auprès de certaines banques,
dont la Banque Populaire du Maroc (Bank Chaâbi), des avantages pour
l'achat des terrains au Maroc, une prime de transfert pour l'envoi d'argent au
Maroc, des facilités dans l'accueil aux postes-frontière mais
aussi en ce qui concerne des formalités douanières, et enfin, des
avantages exclusifs en matière de réglementations concernant les
soins de santé et les allocations familiales pour les familles des
ressortissants au Maroc. Implantées en France, en Belgique, mais aussi
aux Pays-Bas et en RFA, les Amicales n'hésiteront pas à organiser
des pressions sur les ouvriers marocains syndiqués voire à
utiliser la violence physique. Les pressions des Amicales pouvaient se traduire
de la façon suivante : menacer les ressortissants marocains
récalcitrants d'expulsion au Maroc.
Les Amicales cherchaient à obtenir un maximum
d'informations sur les ressortissants marocains en investissant les lieux
publics fréquentés par les Marocains comme les cafés, les
mosquées, les boucheries
etc... Les Amicales investissent les milieux syndicaux,
professionnels employant un grand nombre de Marocains, mais aussi les centres
d'accueil sociaux des communes à forte implantation
marocaine123. En ce sens, les Amicales jouent un rôle fort
similaire à celui des naquibs vu plus haut pour le Maroc.
Dans divers pays européens, Les Amicales ont
organisé plusieurs confrontations physiques contre des ouvriers
marocains manifestant leur droit à se syndiquer. Jouant parfois de leurs
relations avec le
patronat et avec certains syndicats français, les Amicales
décident aussi si un ouvrier marocain syndiqué
peut ou non être engagé comme l'illustre
l'exemple de l'usine Peugeot de Sochaux où Houari Ahmed, alors
délégué de la Confédération
Générale du Travail (CGT), s'est vu refuser sa demande
d'embauche. Il a
été, en outre, arrêté en août
1973 à Ceuta. Détenu pendant 74 jours aux commissariats de
Maârif et d'Aïn Sebâa au poste du 2e bureau de
police à Casablanca, il y subira des tortures124. Quant
à la RFA125, El
121 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi,
Dossier constitué par les Amicales des Travailleurs et
Commerçants Marocains en Belgique : En réponse à la
conférence de presse tenue par certaines organisations belges,
Bruxelles, Maison Internationale de la Presse, Le 8 décembre 1976, p.
5.
122 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp.
22-26.
123 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp.
13-14.
124 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Brochure de la CGT
« Révélation sur la CFT - La police
marocaine apparait » le 15 mars 1974. L'Unité, Hebdomadaire du
Parti socialiste, N°103, du 22 au 28 mars 1974.
125 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, p.
6.
38
Ouazzani Ahmed est aussi arrêté en 1972 au Maroc.
Les motifs de son arrestation étaient justifiés par son
appartenance à l'UNFP, mais aussi à l'Union des Travailleurs
Marocains d'Allemagne (MAB). Il a été condamné à 20
ans de réclusion. Les Amicales étaient utilisées parfois
comme jaunes par le patronat pour casser les mouvements de grève. Ainsi,
en janvier 1974, les Amicales ont tenté de briser la grève aux
Câbles de Lyon à Gennevilliers en ranimant d'anciens conflits
entre les ouvriers grévistes marocains et portugais126.
Le 15 novembre 1974, L'Humanité publiait une
enquête relative à la relation entre le patronat français
et les Amicales marocaines. Dans cette enquête, le journal rapportait une
conversation intervenue le 8 octobre entre Mohamed Chahbounia, candidat
marocain CGT aux élections du syndicat, et le Consul
général marocain à Paris, Idriss El Felah : « Il
(le Consul général marocain) m'a reçu en disant :
vous savez pourquoi vous êtes ici. Vous êtes devenu un politicien,
savez-vous que la CGT appartient au Parti communiste ? Pensez à votre
famille. Je vous prie de quitter les rangs de la CGT, sinon un jour, la police
viendra vous prendre à domicile et vous serez transféré en
prison au Maroc. Je crois que tu as bien compris. Va-t'en et, si mes services
de renseignement m'informent une deuxième fois, ce sera pour toi
l'enfer127». Le 1er mai 1975, à
Düsseldorf, éclata une grosse rixe entre les Amicales
assistées du Consul général de la ville et de
l'ambassadeur marocain à Bonn, et des ouvriers marocains
syndiqués à la Deutscher Gewerkschaftsbund. Le slogan
utilisé par les ouvriers marocains de la DGB était le suivant :
« les ouvriers marocains se joignent à leurs camarades
allemands, soutien des ouvriers marocains d'Allemagne à leurs camarades
au Maroc, pour la démocratie et la justice, contre la dictature et le
fascisme au Maroc !128».
Le 20 juin 1976, à Amsterdam, le domicile d'un membre
du KMAN a subi une effraction de la part des Amicales129. Ces
derniers ont volé des listes d'adresses des membres du KMAN, du
comité d'aide au KMAN et plusieurs adresses de Marocains en
séjour illégal. Aucun objet de valeur (bijoux et installation de
musique) n'a été enlevé. Plus tard, en 1979, la section
bruxelloise de l'UNEM a pris connaissance d'un communiqué publié
par les Amicales de Bruxelles. Ce communiqué dresse une liste de
militants marocains considérés comme « Traîtres
à la patrie ». Ce type de communiqué, écrit en
français et en arabe, devait jeter le discrédit sur l'opposition
syndicale marocaine et avoir un effet dissuasif envers les sympathisants de
cette opposition.
Communiqué du« Comité
Exécutif pour la Défense de la Patrie » 130
126Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi,
Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine
policière, décembre 1977, p. 25.
127 « SIMCA-CHRYSLER - A visage découvert la
dictature du patronat », L'Humanité du 15 novembre
1974.
128 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des
ouvriers et commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p. 5.
129 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp.
10-11.
130 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué du Comité Exécutif de la Défense
pour la Patrie daté de 1979.
39
c. Syndicalisme et opposition marocaine en Europe.
La délation organisée des Amicales va
être, en grande partie, à l'origine de la création et de la
consolidation des mouvements d'opposition marocains à l'étranger
parmi lesquels : l'Association des Marocains en France (AMF) qui deviendra
l'Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF), le Regroupement
Démocratique Marocain (RDM) en Belgique, l'Association des Travailleurs
Marocains en Hollande (KMAN) aux Pays-Bas et l'Union des Travailleurs Marocains
d'Allemagne (MAB) en RFA. Ces mouvements associatifs vont entrer en contact
avec les différentes sections de l'UNEM et des CLCRM réparties
dans les différents pays européens. Suivant l'implantation des
Marocains dans le paysage syndical européen131, le terreau du
militantisme généralement européen s'est trouvé
bouleversé par des contacts, des idées et le partage d'un
idéal de justice commun. Les CLCRM en Europe représentent ce
mariage des idéaux entre les mouvements politiques marocains d'une part,
et les associations, les partis et les syndicats européens d'autre
part.
131 Sur ce sujet voir H. BOUSETTA, Immigration,
post-immigration politics and the political mobilisation of ethnic minorities :
A comparative case-study of Moroccans in four European cities, for the
obtention of the degree of « Doctor in de Sociale Wetenschappen »,
Director of research and supervisor Prof. dr. Marc Swyngedouw, Leuven,
Katholieke Universiteit Brussel, 2000-2001.
40
En France, l'Association des Marocains de France (AMF) est
active dès l955 afin de soutenir l'indépendance du Maroc ainsi
que la défense des droits des immigrés marocains en France. L'AMF
est reconnue comme une association d'utilité publique en
1961132. Comme l'UNEM, l'AMF est née de l'Association des
Etudiants Musulmans Nord-Africains. Depuis 1961, l'AMF est en relation avec les
cadres de l'UNFP en France. De cette nouvelle relation, les statuts de l'AMF
précisent qu'elle a pour buts de : « grouper les Marocains
établis en France en vue de renforcer leurs relations mutuelles, de
maintenir et sauvegarder l'amitié traditionnelle entre le peuple
français et le peuple marocain133. »
Dans les années 1960-1970, elle fournit essentiellement
un soutien pratique à ses adhérents au moyen d'un Fonds de
Solidarité et d'aide au logement. Par la suite, ses actions
s'étendent à d'autres régions par le biais de sections
locales. Suite à une scission interne du mouvement en 1975, une nouvelle
association est créée : l'Association des Travailleurs
Maghrébins de France (ATMF). L'ATMF était plus impliquée
dans l'opposition politique marocaine et entretenait des liens avec les
sections de l'UNEM.
Faisant suite à la signature des conventions
bilatérales entre la Belgique et le Maroc relatives à
l'occupation de travailleurs marocains le 17 février 1964134,
le mouvement syndical marocain en Belgique a pris une trajectoire fort
similaire à celle de la France. Les ouvriers marocains furent surtout
employés dans la construction, la métallurgie et la
mine135. Vers 1972, comme en France, est créé un Fonds
de Solidarité136 (Soundouq Attadhamoun). Ce Fonds
devait rapatrier au Maroc les corps des ouvriers marocains
décédés par accident au travail.
Entre le 31 octobre 1974 et le 12 octobre 1975 est
créé à Bruxelles le Regroupement Démocratique
Marocain (RDM)137. Le RDM, dont les locaux étaient
situés à la rue des Croisades puis à la rue
Traversière à Saint-Josse-Ten-Noode, va aussi jouer un rôle
d'alphabétisation et favoriser une conscience politique sur les
événements au Maroc au sein de la communauté
immigrée marocaine jusqu'en 1992. Principalement
représenté à Bruxelles, le RDM s'est donné comme
tâche : d'établir le lien culturel entre le Maroc et les familles
immigrées marocaines, de dénoncer les activités des
Amicales, de coordonner les activités politiques et culturelles des
Marocains en Belgique, en France, aux Pays-Bas et en Allemagne (RFA) une fois
par an, et enfin, de travailler à l'alphabétisation des ouvriers
marocains138.
132 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique :
Communiqué de l'AMF - Activités et objectifs de l'AMF.
133 Idem
134 A. FRENNET-DE KEYSER, La convention belgo-marocaine du
17 février 1964 relative à l'occupation de travailleurs marocains
en Belgique, CRISP, N°1803, 2003.
135 K. AZZOUZ, Les mineurs marocains en Belgique dans les
années 60 : Cas étudiés à travers l'exemple
liégeois, Mémoire en Histoire Contemporaine, sous la
direction d'Anne Morelli, Bruxelles, PUB, 2001-2002, pp. 55-74.
136 A. FRENNET-DE KEYSER, Histoire du Regroupement
Démocratique Marocain, Bruxelles, Carhima asbl, 2011, p. 2.
137 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement
Démocratique Marocain - Programme : Documents réunis par Mimoun
Sastane, 2004-2005, pp. 2-4.
138 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement
Démocratique Marocain - Programme : Documents réunis par Mimoun
Sastane, Bruxelles-Anvers, 2004-2005, pp. 4-11.
41
Aux Pays-Bas et en Allemagne (ancienne RFA), des mouvements
associatifs marocains s'étaient aussi constitués139.
De 1975 jusqu'en 1995, le Komitee Marokkaanse Arbeiders Nederlands (KMAN)
était basé à Amsterdam. Du KMAN est né un CLCRM
à Amsterdam. Quant à la Marokkanisher Arbeiterbund (MAB), elle
fut active dès 1972 et était basée à
Düsseldorf. Le MAB a participé à la constitution d'un CLCRM
à Bonn durant le mois de novembre 1977140. Les objectifs du
KMAN et du MAB étaient similaires à ceux de l'AMF et du RDM.
Chapitre IV : Les Comités de Lutte contre la
Répression au Maroc
Alors que la répression bat son plein au Maroc,
l'idée de constituer une caisse de résonance en-dehors du pays en
faveur des détenus d'opinions, fit son chemin. Profitant d'une forte
présence communautaire maghrébine généralement et
marocaine plus particulièrement en Belgique, les Comités de Lutte
contre la Répression sont directement nés d'une demande
formulée par les militants marocains. Durant l'été 1970,
un projet d'un Comité de Lutte contre la Répression au Maroc
était né au Maroc. Cet embryon de CLCRM regroupait cinq
associations : l'UNEM, l'Union Nationale des Ingénieurs du Maroc,
l'Association des Jeunes Avocats, l'Union des Ecrivains du Maroc et le Syndicat
National de l'Enseignement Supérieur. Mais ce projet a été
tout de suite interdit par le régime141.
Deux ans plus tard, entre février et mars 1972, le
premier Comité de Lutte contre la Répression voit le jour
à Paris. A la demande des militants marocains provenant des plus
importants mouvements politiques de gauche vus plus haut, le bureau de Paris
apparaîtra comme la première expérimentation en termes de
dénonciation de la répression au Maroc.
A. Le Comité de Paris : Comité pionnier
1972
Suivant le contexte de la puissante répression
politique au Maroc et à l'étranger, le Comité de Paris
s'activait à constituer des dossiers sur les détenus politiques
au Maroc.
Au sein du Comité parisien, émergeront deux noms
incontournables : il s'agit de François Della Sudda et de Christine
Jouvain - Daure-Serfaty*. Directeur de publication de la revue Souffle
depuis sa censure au Maroc en 1972142, François Della
Sudda poursuivra sa tâche dans l'édition des bulletins
d'informations. Très impliquée dans la lutte contre la
répression au Maroc, Christine Jouvain - Daure-
Serfaty* multipliera ses contacts avec l'AMF, l'Association
des Travailleurs Marocains de France (ATMF), mais aussi avec Amnesty
International et la Ligue des Droits de l'Homme, par l'intermédiaire de
l'avocat Alain Martinet, pour organiser les premières missions
juridiques au Maroc. Ces missions avaient
139 I. VAN DER VALK, in N. OUALI (dir.), Trajectoires et
dynamiques migratoires de l'immigration marocaine de Belgique, Bruxelles,
Bruylant, Coll. Carrefours, N°4, 2004, pp. 339-347.
140 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°407, Les CLCRM - Comptes rendus et documents internes : Bilan des
activités du MAB envoyé au CCRM de Bruxelles daté du 7
mars 1979.
141 K. SEFRIOUI, La revue Souffles 1966-1973 : Espoirs de
révolution culturelle au Maroc, op. cit., pp. 396-397.
142 F. DELLA SUDDA (dir.), Souffles : revue culturelle arabe
du Maghreb, Paris, N°2 et N°3, octobre 1973-avril 1974.
42
pour but d'observer la bonne marche des procès dans les
tribunaux en veillant aux respects des dispositions constitutionnelles du
régime marocain et internationales relatives aux droits de l'Homme.
a.1 Les objectifs du Comité
Les objectifs du Comité de Paris sont formalisés
en 18 points et énoncent en substance les dispositions
suivantes143: informer sur la répression au Maroc, soutenir
matériellement les victimes, assurer leur défense par l'envoi de
missions juridiques et médicales, populariser les luttes du Peuple
marocain contre la répression et pour l'obtention des libertés
fondamentales. Ces informations sur la répression sont transmises
à la presse, reprises dans un bulletin ; elles sont assemblées
dans des dossiers qui sont envoyés aux organisations internationales
(tel l'ONU, la Croix-Rouge, etc...) et aux représentants politiques
français.
a.2 Les premiers rapports du Comité : 1972-1976.
Au Maroc, alors que la défense des détenus
politiques était assurée par les avocats Abderrahim Bouabid* et
Abderrahim Berrada, le Comité parisien a pu établir des chiffres
sur les procès politiques depuis 1964144. Un premier bilan
fait le constat, entre 1970 et 1974, que 1000 membres des FAR impliqués
de près ou de loin dans les deux coups d'Etat furent traduits en justice
en janvier 1972 ; que la même année, 220 membres des Forces
aériennes furent arrêtés et jugés à
Kénitra au mois de novembre. 11 accusés furent condamnés
à mort et 8 condamnations à 20 ans de réclusion furent
prononcées. Avec l'interdiction de l'UNEM le 17 janvier 1973, plusieurs
membres du SNL ont été détenus jusqu'en 1976.
En mars 1973, plus de 2000 personnes étaient
arrêtées, quelquefois par familles entières. Une
soixantaine de militants Frontistes (Ilal Amam), professeurs,
étudiants et lycéens avaient été
arrêtés. Torturés pendant de nombreux mois, ils furent
traduits devant le tribunal de Casablanca pour « atteinte à la
Sûreté de l'Etat » mais en réalité pour
délit d'opinion. En septembre 1973, 159 personnes sont traduites devant
le tribunal militaire de Kénitra. A l'issue de ce procès, il y
eut 16 condamnations à mort à l'encontre des militants de l'UNFP
et d'anciens membres de l'ALM. Ces 16 condamnés seront tous
exécutés le
1er novembre 1973 et 7 autres condamnés militaires
exécutés en août 1974. Entre septembre 1973 et août
1974, 72 personnes étaient maintenues en détention. Le motif de
ces arrestations était justifié par leur appartenance à
l'UNFP, alors interdite. Il y a eu 24 condamnations à la
réclusion perpétuelle par contumace dont : Abdelaziz Menebhi -
frère de Saïda Menebhi* qui mourra des suites d'une grève de
la faim dans la prison politique de Kénitra le 11 décembre 1977 -
et Abdelwahed Belkbir. Ces deux personnes étant respectivement
président et vice- président de l'UNEM. Abdellatif Zeroual*,
arrêté en novembre 1974, est décédé à
la suite des tortures subies. Le militant communiste et frontiste Abraham
143 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°401, ASCLCRM - Statuts de l'association : Statuts du CLCRM de Paris.
Les statuts sont repris en annexe.
144 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°402, ASCLCRM - Communiqués : Communiqué interne
relatif au rapport émis par le CLCRM de Paris daté de 1977, pp.
1-5.
43
Serfaty* est arrêté aussi en novembre 1974. 20
condamnations à 15 ans de réclusions sont aussi signalées
par le Comité de Paris. Cette succession de procès aboutit
à une amnistie de plusieurs membres de l'UNFP qui étaient
condamnés au procès de Kénitra de septembre 1973. Mais
entre-temps, 200 sympathisants frontistes sont arrêtés en novembre
1974.
Malgré la répression politique féroce du
régime, cette première mission juridique était un
succès. Elle dénonçait une féroce purge dans
l'armée et une répression généralisée contre
les partis de gauche au Maroc. En conséquence de cette réussite,
de nouveaux bureaux des Comités verront le jour en France. Ces nouveaux
bureaux permanents sont apparus à Lille, Brest, Rouen, Nantes, Anger,
Dijon, Strasbourg, Besançon et Grenoble. En marge de ces comités
permanents, des bureaux de « réserve » à Saint-Florent,
Perpignan, Nancy et Avignon devaient être activés en cas d'une
soudaine dissolution d'un bureau permanent145.
B. Les Comités contre la Répression en
Belgique : de Charleroi à Bruxelles 1973-1995
B.1 La composition des comités
La constitution des CCRM en Belgique a trouvé un cadre
favorable par l'implantation d'une première cellule de l'UNEM à
Bruxelles au mois de novembre 1965146. Le bureau bruxellois de
l'UNEM avait son siège à l'Université Libre de Bruxelles.
Qui plus est, la solidarité syndicale entre des jeunes étudiants
marocains de l'UNEM et des membres des Jeunesses Ouvrières
Chrétiennes (JOC) à Charleroi a largement contribué
à la naissance d'un bureau permanent du CCRM dans la même ville,
durant la moitié de l'année 1973147. Durant la
même année, le CCRM de Charleroi et la section bruxelloise de
l'UNEM ont organisé, avec le Cercle du Libre Examen, à
l'Université Libre de Bruxelles, une conférence relative à
l'interdiction de l'UNEM au Maroc et au huitième anniversaire des
événements du 23 mars 1965. Ces trois organisations ont
convié Marcel Liebman*, un représentant d'Amnesty International
et Pierre Le Grève* à prendre la parole148.
b.1.2 Le comité de Charleroi
Le CCRM de Charleroi est donc très lié à
la JOC mais aussi aux Jeunesses Socialistes et Communistes Belges (JSB et JCB)
et à des mineurs marocains, dont certains faisaient partie de
l'UNFP149. Parmi les membres qui joueront un rôle fondamental
dans la gestion du CCRM de Charleroi et, plus tard,
145 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°406, les CLCRM - Listes et organigrammes : Liste des comités
en Europe datée de 1980.
146 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion internes de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué de l'UNEM section Bruxelles relatif à
l'enlèvement de Mehdi Ben Barka à Paris, daté du 11
novembre 1965.
147 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°407, les CLCRM - Comptes rendus et documents internes : Bilan des
activités du comité de Charleroi lors de la coordination des 25
et 26 octobre 1980.Informations données par le sociologue Mohamed
Ouslikh, et les médecins Jacques Van Damnes et Jacques Charles.
Interview du 1er avril 2014.
148 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°344, Documents relatifs au mouvement étudiant : UNEM :
Conférence-débat organisé par l'UNEM et le Cercle du Libre
Examen du vendredi 22 mars 1973.
149 Interview de Mohamed Ouslikh le 26 février 2014.
44
dans la création du bureau bruxellois figure sans
conteste Ernest Glinne*. Ernest Glinne*, socialiste de gauche, fut membre du
Mouvement Wallon et successivement député de l'arrondissement
administratif de Charleroi, bourgmestre de Courcelles, Ministre du Travail et
de l'Emploi et député européen du Parti Socialiste entre
1961 et 1994. Sa solidarité envers les Mouvements de Libération
Nationaux dans le Tiers- Monde l'avait conduit à soutenir la
création du CCRM à Charleroi.
b.1.3 Le comité de Bruxelles
En 1976, à Bruxelles, et suite à la
création du bureau carolorégien, une autre personne très
impliquée dans la solidarité internationale faisait parler d'elle
dans le monde politique belge : il s'agissait de Pierre Le
Grève*.Vétéran de la guerre (1940-1945), Pierre Le
Grève* fut professeur de morale laïque, trotskiste anti-stalinien
et membre actif du Parti Communiste International pendant plus de 25 ans.
Depuis 1954, Pierre Le Grève* s'est investi dans la lutte pour
l'indépendance de l'Algérie et créa en 1958, le
Comité pour la Paix en Algérie. Par ailleurs, son implication
dans la libération du peuple algérien fut telle que
l'Organisation Armée Secrète manqua de l'assassiner par colis
piégé150.
Parlementaire et membre de la Centrale Générale
des Services Publiques (CGSP) secteur Enseignement, il participa à la
création de plusieurs comités de soutien aux pays du Tiers-Monde
dont : le Comité contre le colonialisme et l'apartheid en Afrique du Sud
(1964), le Comité National Viêtnam (1967), le Comité de
soutien aux ressortissants chiliens (1974), et, plus tard, le Comité
pour le Respect des Droits de l'Homme et de la Démocratie au Rwanda
(1994).
Ami d'Ernest Glinne*, Pierre Le Grève s'est
mobilisé en faveur de plusieurs ressortissants de pays dictatoriaux.
Parmi ces ressortissants, citons pour l'année 1970, le cas d'Oliveira
Vital recherché par le régime autoritaire de Salazar au
Portugal151. Oliveira Vital, ne pouvant obtenir sa carte de
séjour, était maintenu dans une situation de
clandestinité. Après avoir mis sur pied un Comité de
soutien en faveur des opposants politiques espagnols en 1965, Pierre Le
Grève* intervint en faveur de plusieurs opposants politiques espagnols
auprès du Ministère de la Justice belge. Ces opposants,
réfugiés auprès du Haut-Commissariat de l'ONU,
étaient impliqués dans le procès du Front de
Libération de la Catalogne, le 25 mai 1972152. Il s'agit de
Cervera- Hurtado, Romeu-Holler, Dicon-Ballaguer, Garcia-Sole et Jordi-Soriano
Rubio. Homme des comités et internationaliste infatigable, Pierre Le
Grève* commença à s'intéresser au Maroc à
travers les rencontres de plusieurs ouvriers et étudiants marocains vers
la fin des années 1960. Pierre Le Grève* est intervenu en faveur
de plusieurs ressortissants marocains menacés
d'expulsion153.
150 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°128, Algérie : La résistance par les textes,
Témoignages de tortures pratiquées en France par les
autorités nationales.
151 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°69, Correspondance générale pour les années
1970 à 1972 : Intervention en faveur d'Oliveira Vital le 24 avril
1970.
152 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°70, Correspondance générale pour les années
1973 à 1976 : Intervention auprès du groupe des Frontistes de
Catalogne le 3 février 1973.
153 La correspondance de Pierre Le Grève avec Abderkam
Tahar et avec l'ouvrier Mohamed El Moussaoui quant aux renouvellements des
permis de travail est significative à cet égard. CEGES, Fonds
Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°254 et n°255,
Correspondance de Pierre Le Grève avec Abderkam Tahar en 1969 et Mohamed
El Moussaoui en 1972.
45
Mais paradoxalement, ces premiers contacts politiques
marocains se sont effectués à travers...les réseaux du FLN
algérien154. Dans ces réseaux figurait un groupe
d'hommes politiques belges forts proches du FLN tels : l'ancien Bourgmestre de
Saint-Josse-Ten-Noode Guy Cudell* et l'avocat au barreau de Bruxelles Serge
Moureaux*. Il y a aussi une raison supplémentaire à cette
rencontre des militants marocains avec Pierre Le Grève*, c'est que,
déjà depuis 1963, le parti de l'UNFP disposait de plusieurs
stations-radios en Algérie. Et, au nom d'une solidarité militante
entre l'UNFP et le FLN, l'Algérie, avant le coup d'Etat du Colonel
Houari Boumédiene de 1965, servait de terre d'exil à l'opposition
marocaine et inversement155.
b.1.3.1 Rencontres à la CGSP
A la suite ces événements que prennent contact,
entre autres, Mohamed El Baroudi* et Pierre Le Grève*, tous les deux
alors membres de la CGSP secteur Enseignement. Mohamed El Baroudi* était
depuis le début des années 1960 membre de l'UNFP. Ayant
quitté le Maroc à la suite de la rafle du 16 juillet 1963
à l'encontre de son parti, il s'exila en Algérie. Depuis 1963,
dans le cadre de la mission confiée par le parti, Mohamed El
Baroudi*devait participer à la consolidation des mouvements syndicaux
des ouvriers marocains en France dont l'AMF. En 1966, il finira par s'installer
en Belgique. Depuis son installation en Belgique, Mohamed El Baroudi*, fort
d'une expérience politique déjà acquise au Maroc, va
s'employer à comprendre le paysage politique européen. Pour ce
faire, il multiplie ses contacts au sein de la CGSP, mais aussi de la CSC et de
la FGTB. Cette prise de connaissance du paysage syndical belge va être
suivie d'une recherche d'une méthode de travail. Les recherches
bibliographiques répétées sur l'histoire du Maroc à
l'Albertine vont pousser Mohamed El Baroudi* à mieux situer l'enjeu du
Maroc vis-à-vis de l'Europe mais aussi sur l'échiquier politique
international. Il fallait aussi compter avec une forte implantation des
immigrés marocains à Bruxelles. De plus, Mohamed El Baroudi*
était attentif aux idées et savoir-faire des autres mouvements
politiques, des autres syndicats et des autres Mouvements de Libération
du Tiers-Monde. Ainsi, de 1966 jusqu'en 1972, Mohamed El Baroudi* va
progressivement se doter d'une méthode de travail. Cette méthode
ne sera pas sans influence plus tard dans le CCRM de Bruxelles, car il s'agira
d'abord de faire comprendre à la partie belge du Comité,
l'actualité politique, économique, sociale et culturelle du
Maroc.
De la CGSP secteur Enseignement est aussi issue une femme
pourvue d'une rigoureuse méthode de
travail, il s'agit de Louise Lacharon*. Licenciée en
philologie romane, Louise Lacharon* est écrivaine retraitée et
fut anciennement enseignante au niveau « régendat ». Longtemps
présidente de la CGSP secteur Enseignement, elle va être la
véritable cheville ouvrière du bureau bruxellois du CCRM
où elle passera beaucoup de temps à lire, corriger, envoyer les
communiqués et les PV des réunions entre les bureaux des CCRM et
les administrations publiques.
154 P. LE GREVE, Souvenirs d'un marxiste anti-stalinien,
Bruxelles, Seconde Carnets de route, 1996, pp. 217-221.
155 De 1959 jusqu'à 1965, l'UNFP avait établi des
stations radios à Alger.
46
b.1.3.2 De la CGSP aux mouvements associatifs belges
Comme à Charleroi, le futur bureau bruxellois a
été le fait de jeunes étudiants belges issus de la FGTB
mais aussi du Mouvement Chrétien pour la Paix (MCP), d'OXFAM-Belgique et
de la Coordination Nationale d'Action pour la Paix et la Démocratie
(CNAPD). Parmi ces jeunes, figuraient Philippe Doucet*, alors fraîchement
diplômé en architecture et sa femme Annie Crolop* enseignante et
membre de la FGTB156. Annie Crolop* dispensait, alors, des cours
d'alphabétisation dès 1967, dans les locaux de la FGTB au 43 rue
de Suède dans la commune de Saint-Gilles. Ces cours dispensés aux
immigrés espagnols, marocains et turcs ont aboutis, à la
naissance du Collectif Alpha en 1971157.
Philippe Doucet a joué un rôle de «
secrétaire-adjoint » au sein du Comité, où il passera
beaucoup de temps à rédiger les bulletins d'informations et les
communiqués pour les coordinations des comités sur lesquels nous
reviendrons plus loin. Avec Pierre Le Grève*, Mohamed El Baroudi* et
Louise Lacharon*, Philippe Doucet* s'est attaché à concentrer les
informations sur la répression politique au Maroc reçues des
autres Comités, dont celui de Paris. Il rédigeait, par ailleurs,
les comptes rendus des réunions. En plus du jeune couple, il y avait
Pierre Galand* alors jeune économiste et membre fondateur
d'OXFAM-Belgique et du CNAPD. Pierre Galand a fortement participé au
travail de terrain du CCRM durant les premières années de son
existence158.
Mais de brusques événements vont
précipiter la création du CCRM bruxellois. Parmi ceux-ci :
l'agression physique de militants marocains par les Amicales lors d'un meeting
à la Madeleine organisé par le RDM et la FGTB en décembre
1975159. Cette agression des Amicales fut une réponse
à une manifestation organisée par des ouvriers marocains à
Anvers, exigeant la dissolution des Amicales, le 2 février
1975160. Ensuite vint l'expulsion de Christine Jouvain*, future
épouse d'Abraham Serfaty*, par les autorités marocaines durant
l'été 1976161 et enfin, la perquisition musclée
d'une Brigade de Surveillance et de Recherche au domicile de Mohamed El
Baroudi* le 16 juin 1977162. La BSR avait été
informée par des policiers marocains de la présence de Mohamed El
Baroudi*sur le territoire belge. Cet incident fut porté à la
connaissance de Serge Moureaux* qui, comme en témoigne une lettre
écrite à Pierre Le Grève : «
156A. LEDUC (dir.), Mohamed El Baroudi : un
« Fil Rouge » de 40 ans d'immigration marocaine à
Bruxelles, Bruxelles, CFS asbl, N°7-8, 2007, pp. 40-50. Interview de
Philippe Doucet et Annie Crolop le12 avril 2014.
157 A. LEDUC (dir.), Fil rouge. En quête de
sens..., Bruxelles, Les Cahiers du Fil Rouge, CFS asbl, N°1,
2005-2006, pp. 4-5.
158 Interview de Pierre Galand le 26 mars 2014.
159 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué du CCRM
relatif au meeting du 10 février 1978 à 20h00 à la salle
de la Madeleine
160 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des
ouvriers et commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p. 11.
161 CH. DAURE-SERFATY, Lettre du Maroc, op.
cit., p. 34.
162 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°71, Correspondance générale pour l'année 1977 :
Communiqué relatif à la perquisition effectuée par la BSR
au domicile de Mohamed El Baroudi du 16 juin 1977.
47
ne pouvait tolérer le contrôle des opposants
marocains par certains éléments de la police belge collaborant
avec la police marocaine163».
b.1.3.3 Des mouvements associatifs belges aux
représentants politiques belges
Face à ces événements
précipités et fort de ses relations politiques, Pierre Le
Grève* a contacté plusieurs représentants politiques
importants, ainsi que des représentants de la société
civile belge pour organiser une réunion visant à la
création dans un premier temps d'un « Comité de Soutien et
de Défense des Marocains Démocrates »164. Mais,
au vu de la situation urgente, il ne fallait pas trop tergiverser sur la
nécessité d'être totalement original vis-à-vis des
travaux effectués par les comités de France et de Charleroi. Par
conséquent, les membres de cette réunion ont maintenu les grandes
lignes directrices des comités déjà existants en France.
Lors de cette réunion, étaient présents bien sûr le
premier « noyau dur » composé des personnes mentionnées
plus haut mais aussi de membres du Parti Communiste Belge (PCB), du Parti
Social-Chrétien (PSC), du Rassemblement Wallon (RW), des
Fédéralistes Démocrates Francophones (FDF), et du Parti
Socialiste Belge (PSB).
Les premiers partis politiques belges à avoir
apporté le premier élan du CCRM étaient le PSC-CVP, le
PSB-PCB et le RW. Ce soutien est fort représentatif de la composition du
Gouvernement Tindemans (CVP du 25 avril 1974 au 11 octobre 1978)165.
Etaient donc présents Léo Tindemans*, en personne, membre de la
Christelijke Volkspartij (CVP devenu CD&V) devenu Premier ministre et
succédant à Edmond Leburton (PSB). Ensuite, Jacques Moins* avocat
au barreau de Bruxelles, président alors du PCB166, membre
actif de la Fondation Joseph Jacquemotte et très impliqué dans
les activités culturelles des associations des communautés
immigrées167. Aux côtés de Jacques Moins*, se
trouvait son homologue flamand du Kommunistische Partij van België (KPB)
Louis Van Geyt*. On notait aussi la présence d'Yves de Wasseige*
représentant du RW. Etaient aussi présents, du futur Parti ECOLO
(fondé en 1980), Xavier Winkel* et José Daras*. Serge Moureaux*
représentait la tendance FDF. Chez les socialistes enfin étaient
présents à cette réunion, Willy Burgeon*,
député de 1971 à 1995 et Roger Lallemand*, sénateur
entre 1979 et 1999. Avec les représentants politiques, des figures de la
société civile belge s'étaient aussi montrées dont
François Rigaux*, ancien juriste et professeur à
l'Université Catholique de Louvain (UCL), François Houtart*,
fondateur du Centre Tricontinental (CETRI) situé dans la même
ville, ainsi que Paulette Pierson- Mathy, juriste, professeur à
l'Université Libre de Bruxelles (ULB) et spécialiste de l'Afrique
du Sud. Toutefois, il fallait distinguer les membres actifs du Comité
d'avec les
163 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre adressée au
CCRM par Serge Moureaux sur la perquisition au domicile de Mohamed El Baroudi
et la complicité des polices belges et marocaine, datée du 29
février 1980.
164 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°71, Correspondance générale pour l'année 1977 :
PV d'une réunion passée entre Pierre Le Grève et plusieurs
responsables politiques belges, daté du 27 juin 1977.
165 CRISP, Documents Politiques, Gouvernements
Fédéraux depuis 1944 : Gouvernements Léo Tindemans I, II,
III, IV.
166 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Jacques Moins
à Pierre Le Grève confirmant son adhésion au CCRM
datée du 24 juin 1977.
167 CARCOB - Archives Communiste (Bruxelles), Fonds Jacques
Moins, Boîte N°7, Liasse n°3, Notes personnelles de Jacques
Moins relatives à sa participation à la Fondation Joseph
Jacquemotte, non datées.
48
membres prête-noms, car la participation de chaque
membre se faisait en fonction de ses disponibilités et de son emploi du
temps. Les membres prête-noms permettaient aussi au Comité de
disposer d'un premier capital de sympathie et d'une certaine protection.
En date du 23 juin 1977, à la suite d'une importante
réunion, était né à Bruxelles un Comité de
Lutte contre la Répression au Maroc. Repris à l'adresse sise 8
avenue du Furet 1170 Bruxelles, le bureau bruxellois nouvellement né ne
sera pas tout de suite effectif. En effet, en fonction du capital humain et
matériel rendu accessible par les membres adhérents du bureau
bruxellois, il fallait faire connaître l'existence du Comité
contre la Répression au Maroc au grand public. Aussi, le CCRM a
activé ses contacts dans le monde syndical pour l'organisation d'un
premier meeting le 10 février 1978 dans la salle de la
Madeleine168.
Le CCRM va contacter à cet effet la JOC, le MCP, le
Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie
(MRAX) en la personne d'Yvonne Jospa*, la JCB, l'Union Belge pour la
Défense et pour la Paix (UBDP), le Mouvement pour l'autogestion
socialiste, le PSB, le Collectif des Avocats, l'Ecole d'alphabétisation
de Mons-Borinage et la Ligue Internationale pour le Droit à la
Libération des Peuples169. Ces mouvements ont soutenu
l'initiative de ce meeting fondateur tout en s'engageant à distribuer
des tracts ou à poser des affiches en faveur du CCRM170. Le
meeting a eu un retentissement considérable auprès d'un public
fort nombreux, et de cet événement, le CCRM a tiré une
première leçon dans un compte rendu qui reprend les grandes
lignes de Paris tout en l'adaptant à la situation belge. Une esquisse
des objectifs du CCRM de Bruxelles est énoncée en ces quelques
termes : « (...) Que le Comité contre la Répression
à Bruxelles soutient les démocrates marocains. (...) Que le
Comité contre la Répression à Bruxelles va relayer les
travaux du Comité de Paris. (...) Que le Comité contre la
Répression dénonce la présence de la police marocaine
à travers les actes d'intimidations et de violences
perpétrés par les Amicales (...)171. »
B.2 Le fonctionnement du comité bruxellois.
Depuis la réunion fondatrice et ce premier meeting, le
CCRM de Bruxelles dispose d'un capital de soutien auprès de plusieurs
syndicats et mouvements associatifs. Mais faute d'une structure formelle au
sein du Comité, les membres réfléchiront à
l'écriture d'une plateforme pour le Comité. Néanmoins,
comment éviter de tomber dans une redondance organisationnelle par
rapport à Paris - qui garde la prééminence sur tous les
autres comités - tout en maintenant une certaine souplesse dans la
gestion interne
168 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué du CCRM
relatif au meeting du 10 février 1978 à 20h00 à la salle
de la Madeleine.
169 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM à
la JOC, le MCP, le MRAX, la JSB, l'UBDP, le Mouvement de l'autogestion
socialiste, l'Ecole d'Alphabétisation de Mons-Borinage entre novembre et
décembre 1977.
170 Ainsi, la JOC s'est engagée à distribuer 250
tracts et à poser 20 affiches. Il y a aussi le cas de l'Association
Belgo-Immigrés qui s'est engagé à verser 300 FB à
poser 10 affiches au profit du CCRM de Bruxelles.
171 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Compte-rendu du CCRM sur
le meeting du 10 février 1978 daté du 12 février
1978.
49
du Comité ? Bien que la question du Sahara occidental
ne se posait pas au moment de la naissance du comité de Paris, comment
permettre au comité bruxellois (et même carolorégien) de
gérer cette question politique au moment où la répression
du régime marocain s'abat aussi sur les Sahraouis ? Comment harmoniser
le fonctionnement du CCRM de Bruxelles avec celui des mouvements associatifs
marocains sans trop de heurts ? Comment faciliter un travail commun entre tous
les membres du Comité selon le degré de connaissance - voire
d'expérience - quant à la politique marocaine ? Comment faire
front commun contre la répression politique au Maroc et contre les
Amicales sur le territoire belge ?
b.2.1 Le modèle bruxellois : membres
délibératifs et membres consultatifs
Dans un objectif de réponse à ces questions, le
CCRM de Bruxelles a tenu une réunion le 27 novembre 1978. De cette
réunion, les membres présents ont formalisé une charte qui
s'inscrit dans l'esprit du CLCRM, tout en se différenciant du «
style français ».
Plusieurs idées ont été proposées
quant au fonctionnement du comité, émanant des membres actifs,
parmi lesquelles: « Parvenir à porter l'action du Comité
Contre la Répression au Maroc (CCRM) au niveau d'un débat
politique de fond, grâce à un ouvrage suffisamment
documenté et rigoureux (...). Montrer le lien entre
l'impérialisme et l'immigration. S'axer plus spécialement sur les
relations entre la Belgique et le Maroc pour nous éviter d'aborder en
profondeur d'autres problèmes trop difficiles, et aussi parce que le
sujet est presque le seul susceptible d'avoir un écho politique
important dans notre pays. Le dossier pourrait servir de base à d'autres
actions comme les conférences (de presse ou non). Il est
nécessaire que nous commencions nous-mêmes par connaître
l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le Maroc, pour mieux situer le cadre
général de notre étude (...). Elle se basera sur
une grille d'analyse, reprenant les sujets importants à traiter
(...)172. »
Il y a donc une volonté de la part des membres du CCRM
de connaître en profondeur la réalité politique marocaine
et de pouvoir mettre en corrélation cette réalité avec la
Belgique et plus particulièrement avec l'immigration marocaine. Les
grilles de lecture pouvaient être l'objet d'un séminaire où
chaque membre présenterait un compte rendu critique d'un ouvrage
d'actualité traitant de la thématique du Maroc. Le débat
se poursuit et est conclu par les points suivants dans la
plateforme173:
172 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°390, CCRM - Notes sur la répression : PV de la réunion
du CCRM de Bruxelles du lundi 27 novembre 1978 relatif aux plans d'actions du
CCRM de Bruxelles et de l'écriture d'une plateforme.
173 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°390, CCRM - Note sur la répression : Plateforme du CCRM
daté du 27 novembre 1978.
La présidence du comité national
s'assume à tour de rôle.
- Une organisation régionale ou comité
régional est pris en considération à partir du moment
où il compte 3 personnes et adhère à la plateforme.
- Le comité national est composé de
délégués des comités régionaux à voix
délibératives (belges) et à voix consultatives
(représentants d'organisations marocaines). La représentation
entre les comités régionaux existants est paritaire.
- Le rôle du comité national est d'arrêter
les grandes lignes d'action et de décider des actions importantes
à entreprendre à un niveau national. Les comités
régionaux appliquent chacun ces lignes d'action selon les
modalités propres à leur comité et participent aux actions
nationales.
- Chaque comité régional décide et
organise ses propres activités dans les lignes d'action
précisées par le comité national.
Les cotisations sont déterminées par chaque
comité pour les activités propres à chaque comité.
Le financement de chaque activité nationale
|
50
Nous constatons que le CCRM de Bruxelles s'adapte en fonction
de la logique politique fédérale. Nous voyons aussi une
nécessité de montrer le lien entre l'impérialisme et
l'immigration qui est en rapport avec les objectifs de certains mouvements
associatifs marocains comme le Regroupement Démocratique Marocain. En se
démarquant du « style français », le Comité
bruxellois marque le coup en distinguant en son sein les membres
délibératifs et les membres consultatifs. Bien que le
Comité bruxellois fût tenu d'informer régulièrement
le Comité parisien, la distinction des membres
délibératifs par rapport aux membres consultatifs va être
fondamentale dans la gestion interne du Comité, car elle va permettre
une coopération entre les membres belges et marocains, appartenances
politiques et syndicales confondues, sans, théoriquement, permettre une
quelconque situation conflictuelle174.
Autrement dit, on ne mélange pas, par exemple, la
répression envers le peuple marocain avec la répression envers le
peuple sahraoui. De cette idée naîtra en parallèle au CCRM,
un Comité de Soutien au Peuple Sahraoui pour dénoncer la
répression du régime marocain envers les détenus
sahraouis. Le Comité de Soutien au Peuple Sahraoui, au vu de
l'importance de la question saharienne dans la politique marocaine, a
organisé plusieurs meetings sur la situation des détenus
sahraouis, non sans problème, comme en attestent ces quelques lignes du
communiqué publié par le CCRM en soutien au Comité de
Soutien au Peuple Sahraoui et au RDM: « Le Comité contre la
Répression au Maroc a constaté que les Amicales, instrument du
régime despotique installé au Maroc, s'engagent dans une nouvelle
phase offensive contre les organisations opposées à ce
régime. Le 12 novembre, par des manoeuvres violentes, elles ont
empêché la tenue du meeting du Comité belge de Soutien au
Peuple Sahraoui. Sous la conduite de leur président accompagné
d'autres responsables, elles ont tenté de renouveler l'opération
le 15 décembre contre la fête
174 Par ailleurs Philippe Doucet mettait l'accent, à
cet effet, sur le rôle des membres délibératifs et
consultatifs in A. LEDUC (dir.), Mohamed El Baroudi : Un « Fil Rouge
» de 40 ans d'immigration marocaine à Bruxelles, op.
cit., pp. 76-79.
51
d'anniversaire célébrée par le
Regroupement démocratique marocain. Le rapport de force ne leur
étant pas favorable, elles (les Amicales) ont eu recours
à une pseudo-alerte à la bombe qui eut pour résultat de
faire évacuer la salle pendant quelques dizaines de minutes. Le
Comité fait appel à l'opinion démocratique pour qu'elle
s'oppose à l'escalade déclenchée contre la liberté
de réunion et d'expression175. »
Le Comité contre la Répression au Maroc ne doit
pas, non plus, servir de lieu où les énergies seraient
canalisées pour les débats contradictoires déjà
très présents au sein des mouvements associatifs belges et
marocains. L'objectif principal du Comité est de concentrer les efforts
pour dénoncer les abus du régime marocain envers le Peuple
marocain et ses immigrations. Ceci dit, il s'agit là de règles
bien théoriques... Les conflits pouvaient parfois
dégénérer entre les différents CCRM. L'orage
pouvait parfois gronder entre les Comités de Bruxelles, de Charleroi, de
France et plus tard de Liège sur les méthodes de travail interne
quand ce n'était pas sur les grandes questions de la politique
marocaine176. Ces conflits ont même bloqué une
proposition de réunion des comités de Charleroi et de Bruxelles
tous les lundis à 19h00, voire d'une tentative de fusion des deux
comités177. Les tensions entre les CCRM de Belgique et les
mouvements associatifs marocains étaient aussi perceptibles comme en
témoigne une lettre où le CCRM de Bruxelles accuse le RDM «
d'avoir une influence prédominante sur ses membres
consultatifs178. »
Sitôt créé, le jeune Comité
bruxellois fut contacté par le Comité carolorégien qui
avait déjà presque 5 ans d'expérience. Les membres du
Comité carolorégien ont proposé aux membres du
Comité bruxellois une rencontre commune pour trouver une méthode
optimale de coordination avec les mouvements marocains
d'opposition179. Ces derniers ont proposé de nommer un
représentant au sein du Comité contre la Répression de
Bruxelles. Ce représentant serait le porte-parole des mouvements
marocains d'opposition au sein du Comité.
Malgré cette disposition, Pierre Le Grève*
reconnaissait la difficulté supplémentaire de réunir les
membres d'Ilal Amam et du 23 Mars quand il ne s'agissait pas des pros
ou anti-Sahara occidental au sein du Comité180.
La coopération belgo-marocaine au sein du Comité
allait déboucher sur la distinction entre les membres
délibératifs et les membres consultatifs. En effet, les membres
délibératifs devaient se charger de la diffusion des informations
préalablement recueillies par les membres consultatifs. Les membres
175 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°340, Le mouvement étudiant, RDM - communiqués et notes
internes : Communiqué du CCRM dénonçant les actes des
Amicales daté de 1979.
176 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de
Charleroi pour les membres du comité carolorégien sur des propos
vifs échangés avec le CCRM de Bruxelles, datée du 30
septembre 1978.
177 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de
Bruxelles aux membres du comité bruxellois sur un projet de fusion avec
le comité de Charleroi datée du 15 février 1978.
178 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM au RDM
datée du 28 novembre 1981.
179 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM de
Charleroi au CCRM de Bruxelles proposant une coordination avec les mouvements
marocains, datées du 24 novembre et du 12 décembre 1977.
180 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Pierre Le
Grève au RDM datée du 19 mars 1981.
52
délibératifs, majoritairement belges,
concentraient les informations en dressant des listes de détenus
politiques toutes opinions confondues. Une fois la liste dressée, les
membres délibératifs constituaient des groupes de détenus
suivant leur appartenance politique, l'année de leur arrestation et -
dans la mesure du possible - leur sentence. Les Comités ont
établi, en moyenne pour chaque année, une liste des
différents détenus répartis dans toutes les prisons au
Maroc. On parlera, donc, des détenus du groupe « 77 », du
groupe « 83 », du groupe « 84 », du groupe « 86
», du groupe « 89 », etc...
Les informations seront ensuite communiquées aux
membres adhérents et sympathisants du CCRM dans la classe politique
belge dans le but d'interpeller la presse, la classe politique et, in fine,
l'opinion publique sur la situation au Maroc. Avec les groupes des
détenus, il n'était pas rare non plus que le CCRM mette
ponctuellement en place un comité de soutien pour un prisonnier
particulier. Ainsi plusieurs comités de soutien ont été
dressés en faveur d'Abraham Serfaty*, du poète militant
Abdellatif Laâbi*, du militant frontiste Abdallah Zaâzaâ et
du syndicaliste Noubir Amaoui* ou encore du secrétaire
général de l'USFP Abderrahim Bouabid* arrêté pour
avoir été l'avocat des inculpés du procès des
Frontistes en 1979. Ces comités de soutien écrivaient une
pétition et récoltaient un maximum de signatures. Les membres
consultatifs, principalement marocains, devaient se charger de collecter des
informations sur les détenus d'opinion, leur nombre dans les prisons
politiques et la situation matérielle des familles des détenus.
Cette tâche représentait un travail à la fois difficile et
dangereux. Difficile parce que le recensement des détenus d'opinions
demandait du temps et d'importantes ressources humaines: il fallait prendre
méticuleusement contact avec les familles des détenus. Dangereux,
car les membres consultatifs devaient agir dans la plus grande
discrétion. Pour rappel, nous avions vu que les polices marocaines
investissaient une énergie importante dans la politique
répressive généralement et plus particulièrement
dans la délation à l'intérieur même des mouvements
d'opposition.
Fonctionnement interne et externe du CCRM de
Bruxelles.
Membres délibératifs
(Belges) traitent les
informations sur les détenus en constituant
des dossiers
|
Membres consultatifs
(Marocains) rassemblent les informations
sur les détenus et leurs familles
|
53
|
|
|
|
|
|
|
|
Coordonnent le
|
Coordonnent le
|
Coordonnent le
|
Informent l'opinion
|
|
travail avec les
|
|
travail avec les
|
|
travail avec
|
publique par la presse
|
|
syndicats belges et
|
|
mouvements de
|
|
d'autres sections
|
et le monde politique
|
|
es associations
|
|
solidarité
|
|
des C.C.R.M en
|
|
|
marocaines
|
|
internationaux
|
|
Europe
|
Fournissent des
Dons financiers +
Cotisation du réseau de solidarité et
des
membres actifs du CCRM
Génèrent des
Membres
Sympathisants
au
CCRM
Alimentation
de la caisse du
CCRM
Informent l'opinion publique et politique
Editent les
bulletins, tracts et
affiches +
Cotisation
des missions
Le CCRM de Bruxelles a pu, à cet effet, prendre
connaissance des conditions de détention des prisonniers politiques par
des lettres généralement écrites par la famille ou par des
proches. Ce premier travail de recensement des lettres va être capital
pour la collecte des sources de première main sur les conditions
carcérales au Maroc181. Il n'était pas rare que
quelques membres consultatifs prenaient connaissance
régulièrement des événements politiques au Maroc.
Cette méthode était plus rapide, il s'agissait de lire lapresse
des partis politiques marocains, d'en faire un compte rendu daté et de
le communiquer aux membres délibératifs. Les premières
années du CCRM bruxellois ont été caractéristiques
de cette méthode de travail.
181 Voir les annexes.
54
Un compte rendu écrit par Mohamed El Baroudi
adressé à Pierre Le Grève182
AL MOHARRIR (Organe de presse de l'USFP)
13/12/1980
« Communiqué de l'Association Marocaine des
Droits de l'Homme sur l'arrestation du bâtonnier Benameur et des membres
des familles des prisonniers politiques : mercredi 10/12/80 Me Benameur a
été arrêté dans son cabinet à Rabat et
conduit à un commissariat de cette ville. Le même jour des parents
de prisonniers politiques (Madad, Saber, Titi, Habchi, Khalil) ont
également été arrêtés. Il est à
signaler que les arrestations ont eu lieu le jour du 32e
anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, jour
à l'occasion duquel l'Association a publié ce communiqué y
réitérant sa revendication pressante de libérer tous les
prisonniers politiques, le retour des exilés et réfugiés
et le respect des droits et des libertés des citoyens. L'Association
s'est adressée aux autorités intéressées pour
connaître les raisons de cette arrestation, mais n'a reçu aucune
réponse. L'AMDH tout en protestant contre ses arrestations qu'elle
considère arbitraires, réaffirme sa décision de continuer
la lutte pour imposer le respect des droits et des libertés de l'homme
et revendique la libération immédiate de Me Benameur et des
femmes arrêtées et de mettre fin à ces pratiques qui vont
à l'encontre de la loi et qui démontrent la continuité des
responsables à porter atteinte aux principes élémentaires
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ainsi qu'aux lois
marocaines elles-mêmes. »
|
b.2.2 La Gestion financière et le réseau
de solidarité syndicale
Au niveau de la gestion financière, le Comité
fonctionnait grâce à trois types de subventions. Le premier type
de subvention relevait d'une cotisation régulière des membres
adhérents et de la vente des articles produits par le Comité,
dont des bulletins d'informations. Les bulletins d'informations reprenaient les
actions du Comité bruxellois (et des comités d'Europe), la
situation répressive au Maroc et parfois publiaient des
témoignages des détenus. Ces témoignages étaient
souvent repris dans des lettres des familles des détenus ;
c'était également le cas de poésies ou de dessins : comme
les poésies d'Abdellatif Zeroual*, dont l'extrait suivant sera repris
dans chaque couverture des bulletins d'informations des CCRM de
Belgique183:
Me voici, tombant sur la place
Je porte mon coeur comme une fleur rouge Qui goutte
à goutte se vide de son sang
Me voici nu, rampant parmi les morts
Je rassemble la force en moi Pour saisir le drapeau
déchiré
J'attise avec mon sang L'étincelle ardente parmi les
cendres Me voici,
payant le prix du sacrifice
Bénis ma mort, ô mon amour
182 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion internes du CCRM de Bruxelles : Compte-rendu
de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le Grève
daté du 13 décembre 1980. Retrouvé aussi in
CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°315,
Détenus-les grèves de la faim : Compte rendu de Mohamed El
Baroudi adressé à Pierre Le Grève daté du 13
décembre 1980.
183 A. ZEROUAL, Le Martyr, 1973.
55
Le second type de subvention provenait d'une cotisation de
fidélité faite par l'ensemble des syndicats et associations
solidaires au CCRM. C e « Bloc syndical » représentait tous
les syndicats et mouvements associatifs proches du CCRM, dont les associations
belges mentionnées plus haut mais aussi la FGTB, la CSC, le tandem RDM-
UNEM et des ONG telles : la Ligue Belge des Droits de l'Homme, Amnesty
International ou encore l'Association des Juristes Belges Démocrates. La
solidarité syndical permettait une résonance favorable aux
activités du CCRM, cependant qu'il permettait au Comité de
conserver son autonomie. Le premier rapport financier à
l'assemblée du CCRM daté du 23 décembre 1977 nous donne
quelques indications sur l'alimentation de la caisse184:
Rapport financier à l'assemblée du
23/12/77.
109 membres ayant payé une cotisation, soit une
rentrée de 31.930 Fr, ce qui donne une moyenne de 292 Fr par cotisation
et cela tout à fait spontanément. A cette entrée normale
il faut ajouter une entrée extraordinaire : le montant recueilli par le
ménage Doucet-Crolop et représentatif des fleurs qui auraient pu
leur être offertes à l'occasion de leur mariage, soit 17.000 Fr.
Rentrée totale : 48.930 Fr. Nos dépenses (Impression de l'Appel,
du papier à entête, location de la salle du Helder,
expéditions de convocation) se sont élevée à 8.127
Fr. Notre avoir actuel est, dès lors, de 40.803 Fr. Notons que sur les
45 signataires, 39 n'ont pas versé de cotisation et ne sont donc pas
repris, bien que régulièrement convoqués, parmi les
membres en règle.
Mais nous tenons à leur
signature.....
Le troisième type de subvention, qui était de
loin le plus important, était effectué par les dons des
sympathisants fort nombreux185... La caisse du Comité servait
ensuite à envoyer des fonds aux familles des détenus politiques
au Maroc. Par exemple, les Comités de Charleroi et de Bruxelles ont
organisé une vaste collecte au profit des familles des détenus
des mouvements d'extrême gauche arrêtés après les
rafles de 1977. Ces sommes collectées par les Comités furent,
parfois, impressionnantes : Paris a pu réunir 40.000 FF, Charleroi
140.000 FB et Bruxelles 270.000 FB186.
Organisation du Comité Bruxellois avec les
syndicats et associations belge, marocaines et
internationales.
184 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°395, Finances : Rapport financier à l'assemblée du 23
décembre 1977.
185 Les carnets financiers conservés par Pierre Le
Grève nous fournissent plusieurs dons de particuliers de 1983 jusqu'en
1996. Voir les annexes.
186 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du CCRM de
Bruxelles aux CCRM de Charleroi et Liège sur l'organisation d'une
collecte expérimentale en faveur des détenus politiques au Maroc,
daté du 14 octobre 1978.
CCRM BRUXELLES
Réseau de solidarité
SYMPATHISANTS
Membres
délibératifs de la
CGSP secteur
Enseignement
Membres
consultatifs de la
CGSP secteur
Enseignement et des mouvements
d'opposition marocaine
Un représentant des mouvements d'oppositions
marocains
+
+
FGTB-CSCS RDM-UNEM CLCRM d'Europe
Comité de Soutien au Peuple Sahraoui
Mouvements
d'étudiants étrangers
Représentants des
partis politiques belges
JOC-MOC
MRAX
MCP
OXFAM-CNAPD
ONG : Amnesty, Ligue des Droits de l'Homme,
Association des Juristes Belges Démocrates
Envoient des dons par virements bancaires
Font connaître les travaux du Comité contre
la Répression au Maroc
Rentrent en contact avec le comité via la
solidarité syndicale
+
+
56
Avec la collecte pour les détenus, la caisse servait
à organiser des missions juridiques et médicales au Maroc,
à payer l'édition des tracts, des affiches, des bulletins
d'adhésion et d'informations. Pendant les premières années
du CCRM, l'adhésion se faisait par l'écho que le réseau de
solidarité syndicale diffusait au bénéfice du
Comité. Ainsi, lorsqu'un sympathisant désirait adhérer
et/ou soutenir financièrement le Comité, il devait écrire
à l'adresse du Comité en exposant sa demande. Après avoir
pris connaissance de la demande, le Comité renvoyait au demandeur une
confirmation ; celui-ci était repris alors dans une liste des
sympathisants.
Type de bulletin d'adhésion proposé par
le CCRM de Bruxelles187
187 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°399, CCRM - Membres : Adhésion d'un nouveau membre au CCRM de
Bruxelles.
Demande d'autorisation d'une collecte publique en
faveur des détenus politiques marocains : 28-29 octobre
1978188
57
188 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°385, CCRM - Appel et campagne d'adhésion : Demande
d'autorisation d'une collecte publique en faveur des détenus politiques
marocains : 28-29 octobre 1978.
58
B.3 Activités et publications.
Une fois les tracts et les affiches tirés, ils
faisaient l'objet d'une distribution méthodique. Pour ce faire, le CCRM
contactait les bourgmestres et agences de publicité pour avoir une
autorisation d'affichage. Nous pouvons avoir une idée de cette
méthode par ce plan de distribution élaboré par Louise
Lacharon189:
Communes
|
Affichage
|
Bruxelles-Villes
|
60 panneaux d'affichage
|
Anderlecht
|
40 panneaux d'affichage
|
Auderghem
|
10 panneaux d'affichage
|
Berchem-Sainte-Agathe
|
10 panneaux d'affichage
|
Etterbeek
|
10 panneaux d'affichage
|
Forest
|
15 panneaux d'affichage
|
Ixelles
|
5 panneaux d'affichage
|
Saint-Gilles
|
5 panneaux d'affichage
|
Saint-Josse-Ten-Noode
|
14 panneaux d'affichage
|
Schaerbeek
|
20 panneaux d'affichage
|
Uccle
|
20 panneaux d'affichage
|
Molenbeek
|
20 panneaux d'affichage
|
Watermael-Boitsfort
|
9 panneaux d'affichage
|
189 Archives Personnelles de Louise Lacharon, Documents
relatifs à la gestion interne du CCRM de Bruxelles : Plan
d'affichage public, daté de 1982.
59
Woluwe Saint-Lambert
|
10 panneaux d'affichage
|
Woluwe Saint-Pierre
|
5 panneaux d'affichage
|
Cependant, il n'était pas rare que certaines agences se
plaignent auprès duCCRM à cause des « affichages
intempestifs ». L'exemple d'une plainte émise par la RTT contre le
CCRM de Bruxelles le 28 septembre 1981 était, à cet égard,
significatif190. La première affiche éditée par
le CCRM de Belgique apparaît sur les murs de Bruxelles, de Charleroi et
de Liège. Elle oppose le Maroc coloré et ensoleillé des
touristes au Maroc des Marocains qui ne se rangent pas parmi les
bénéficiaires du régime marocain. Elle n'est pas seulement
destinée à faire méditer ceux qui y vont valoriser leurs
devises fortes, mais à faire savoir aux autorités marocaines que
le Comité de Bruxelles existe et qu'il serait maladroit de leur part de
s'attaquer, comme ce fut le cas des années précédentes,
aux travailleurs qui profitent des vacances pour rentrer au pays et visiter
leur famille.
Exemple d'une demande d'autorisation d'affichage du
30 octobre 1979191
190 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Plainte de la RTT
datée du 28 septembre 1981.
191 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°385, CCRM - Appel et campagne d'adhésion : d'une demande
d'autorisation d'affichage du 30 octobre 1979.
60
Première affiche du Maroc des touristes et de
la répression éditée par le CCRM
de Bruxelles entre
1978-1979192
Une fois les affiches posées et l'appel lancé,
les manifestations partaient de la commune de Saint-Josse (zone nord) pour
culminer à la Place Rogier et aboutir près de la Gare du Midi.
Cette trajectoire sera toujours empruntée en raison de la
proximité du CCRM avec les locaux des syndicats belges et des mouvements
associatifs marocains. Par ailleurs, l'implication des bourgmestres de
Bruxelles-Ville et de Saint-Josse dans les activités du Comité
bruxellois facilitèrent le bon déroulement de la mobilisation
organisée.
b.3.1 Du second rapport de Paris aux premières
coordinations européennes : 1977-1979.
Tandis que le CCRM de Bruxelles commençait
sérieusement à s'impliquer dans la contestation contre les abus
du régime marocain, les Comités de France publiaient un second
rapport sur la situation des détenus et sur les procès politiques
envers les mouvements des gauches marocaines. L'année 1977 a
192 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°385, CCRM - Appel et campagne d'adhésion : Affiche « Le
Maroc des Touristes et de la Répression datée de 1978.
61
marqué un coup dur contre les mouvements
d'extrême gauche marocains, la plupart des cadres d'Ilal Amam et
du Mouvement 23 Mars ont été arrêtés. A la suite de
ce large coup de filet, les Comités de France et de Belgique ont
participé à une nouvelle mission juridique193.
Cette mission juridique était composée des :
Maîtres Henri Leclerc, Alain Martinet et Margaut du Barreau
de Paris.
Maître Yves Baudelot envoyé par l'Association
Internationale des Juristes Démocrates.
Maître Hoss mandaté par Amnesty International.
Maître Majdalani, avocat de l'Organisation pour la
Libération Palestinienne.
Maître Pascal envoyé par la Fédération
des Juristes Démocrates Français.
Maître Vandrockenbruck envoyé par la
Fédération des Juristes Démocrates Belges.
Maître Franceline Lepany avocate au Barreau de Paris
Docteur Jean-Paul Vernant, Chef de Clinique-Assistant.
Les avocats de la Défense ont été
dépêchés pour le célèbre procès des
frontistes du 3 au 19 janvier 1977 à Casablanca. Pour 105 détenus
libérés à la suite d'un non-lieu dans la semaine
précédente, il restait 178 inculpés avec 39 condamnations
par contumace. Les 178 inculpés représentait le groupe « 77
». La mission juridique dresse son rapport sur base des constats
suivants194:
Les violations de la défense :
les avocats constatent que si les inculpés sont informés au
hasard des interrogatoires des chefs d'inculpation retenus contre eux, l'acte
d'accusation lui-même ne sera jamais lu, de sorte que ni les
accusés, ni leurs défenseurs ne savent véritablement de
quoi on les accuse. L'ordre des interrogatoires n'est pas donné, tous
les avocats doivent rester présents en permanence s'ils ne veulent pas
manquer l'interrogatoire de leur client. Les avocats se voient interdire de
poser des questions à un inculpé qui ne serait pas celui dont ils
assurent la défense.
L'atmosphère du procès
: elle est tendue et violente dès les premières heures, du fait
du président de la Cour d'Appel, qui n'admet pas que les inculpés
s'expriment et, en particulier, qu'ils assurent leur défense politique.
Coupant la parole, frappant violemment sur la table, renvoyant les
inculpés sur le moindre prétexte, il est responsable des
incidents qui vont très vite éclater et devenir de plus en plus
dramatiques.
Les principaux incidents ont été
: la minute de silence demandée à la mémoire
d'Abdellatif Zeroual* par un détenu et observée par tous les
détenus, les avocats et les familles. Le président évacue
la salle et interrompt la séance. Avec l'évacuation de la salle,
les inculpés ont affirmé le droit à
l'autodétermination du Peuple sahraoui et décident alors de
prendre en main leur propre lutte dans la salle en entreprenant une
grève de la faim illimitée, en refusant de répondre aux
interrogatoires et en demandant à leurs avocats de se taire. Tout cela
vise à de dénoncer la mascarade du procès et à
démolir la façade démocratique que le pouvoir
prétend maintenir par cette parodie de justice. Les inculpés
adoptaient diverses attitudes envers le juge
193 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, mars-avril, 1980, pp. 2-5.
194 A. MARTINET et al., Mission juridique
internationale : Rapport sur la situation des Frontistes, Casablanca,
janvier 1977, pp. 4-12.
62
par l'ironie, par la violence ou le mépris. A cet
égard, l'opposant frontiste Abdellah Zaâzaâ, victime de la
falaqa, se déchausse brusquement et montre son pied
mutilé affreusement par les tortures subies deux ans plus tôt.
D'autres inculpés lancent des mots d'ordre contre le régime
« qui exploite le Peuple marocain » et pour « la
république démocratique et populaire marocaine ». Enfin,
trois des inculpés sont intervenus pour affirmer leur accord sur le
principe de la marocanité du Sahara, tout en dénonçant les
accords de Madrid qui prévoyaient le partage entre la Mauritanie et le
Maroc.
Les relations des détenus avec leur famille
: les familles se sont vues refuser toute possibilité de
visiter les détenus grévistes qu'ils soient détenus
à la prison ou à l'hôpital. Inquiètes sur la
situation des leurs, elles ont fait le siège des prisons et
hôpitaux en espérant que l'administration adoucirait sa position.
Elles ont également été réclamé indulgence
et informations au Ministère de la Justice, mais en vain. Les familles
se sont alors réunies à la mosquée de Rabat d'où
elles ont été expulsées à deux reprises par la
police qui les a gardées plusieurs heures dans ses locaux.
Le verdict : il a été
rendu « à la sauvette » dans la nuit du 14 au 15
février, après 9 heures de lecture des attendus, les avocats
ayant été prévenus au dernier moment par
téléphone. Les inculpés, qui avaient attendu toute la
nuit, ont accueilli les peines par des chants révolutionnaires,
jusqu'à ce qu'on les ramène en prison. Les sentences
prononcées lors du verdict portaient sur 44 condamnations à la
détention perpétuelle dont 39 par contumace, 21 condamnations
à 30 ans de prison, 44 condamnations à 20 ans de prison, 45
condamnations à 10 ans de prison, 19 condamnations à 5 ans de
prison et 3 condamnations à 5 ans avec sursis.
Pendant le déroulement du procès, les premiers
témoignages directs sur les conditions de détention des
détenus d'opinion commencèrent à être portés
à la connaissance des Comités. Ces premiers témoignages
ont révélé la brutalité de la vie carcérale
au Maroc, comme le montre « Rahal ». Durant le procès des
Frontistes, « Rahal » confirmait la présence d'une BS dans une
pièce proche du Tribunal. Cette BS suivait minute par minute le
procès et torturait les inculpés que le juge
envoyait...195
Le récit carcéral a été rendu
public par les Comités de Lutte contre la Répression de Belgique
et des Pays-Bas. Les dessins de « Rahal » sont sortis feuille par
feuille de la prison de Kénitra pour arriver, non sans
péripéties, au Comité de Paris. Ce dernier a
contacté les bureaux de Charleroi et de Bruxelles pour la traduction la
bande dessinée : « Dans les entrailles de ma patrie ».
Après que les Comités contre la Répression aient
regroupé tous les dessins de « Rahal », les comités
belges ont traduit la bande dessinée en arabe et en français. Ces
tâches ont été respectivement
déléguées aux bureaux carolorégien et
bruxellois196.
195 RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de
la détention politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam, les
CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980, p. 28
196 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : PV de la coordination des
CLCRM à Rouen : traduction de la bande dessinée par les CCRM de
Bruxelles et Charleroi, daté du 29 mars 1981.
63
Couverture de la bande dessinée «Dans
les entrailles de ma patrie »197
Ce témoignage inédit nous fournit plusieurs
renseignements sur la vie quotidienne dans le centre de détention de
Derb Moulay Chérif à Casablanca et à la prison de
Kénitra, parmi lesquels: « A l'intérieur de
l'étroite cellule, 4 à 5 détenus sont installés.
Deux vieilles couvertures en guise de lit, une troisième pour se
couvrir. Ils doivent demeurer dans cet état, les mains attachées,
couchés en permanence sur ce lit infect, grouillant de vermine : poux,
puces, punaises et ce durant tout le temps qu'ils passeront dans le lieu secret
de détention (des années parfois) à l'exception de l'heure
des repas et quand on leur permet de se rendre aux toilettes. Le « Hadj
» (surnom que les gardiens se donnent pour ne pas être
reconnus) : sa mission surveiller les détenus et à leur
interdire le moindre mouvement. Parler est considéré ici comme un
crime et son auteur est flagellé par le Hadj. (...). Une autre
mission du Hadj consiste également à provoquer les
détenus, à leur mener la vie dure pour que règne une
atmosphère de malaise et de terreur psychologique, ceci en plus des cris
de tortures qui retentissent dans les coins du quartier et à
cause
197 Couverture de la bande dessinée RAHAL, Dans les
entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc,
Paris-Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam,
1980.
64
desquels il devient impossible de s'endormir ou de se
reposer. On en arrive à désirer être torturé
plutôt que d'entendre quelqu'un d'autre subir la
torture198 ».
Pour exercer une pression supplémentaire sur les
détenus, leurs familles faisaient souvent l'objet d'une perquisition
brutale, d'intimidation, d'interrogatoires musclés sinon d'arrestation
avec les détenus.
« Rahal » poursuit : « (...) Et lorsque la
méthode de la terreur combinée aux opérations de charme ne
réussit pas à faire parler le militant, vient alors le rôle
de la torture avec ses différents formes et ses différents
degrés... une serpillère sur le nez et la bouche, trempée
dans du savon, du grésyl, de l'urine et des excréments.
Bastonnade sur la plante des pieds. Electrochocs, mégots allumés
écrasés sur le mamelon...Deuxième degré de torture
connu sous le nom de « perchoir à perroquet ». La
séance de torture peut se poursuivre pendant des heures, jusqu'à
la perte de conscience totale. Après cela, on passe à un
degré supérieur. D'autres genres de tortures...il faut
reconnaître en toute objectivité que la réaction marocaine
fait preuve d'inventivité au moins dans ce domaine : la victime est
enroulée dans une couverture de la tête jusqu'aux pieds de
manière à ne laisser aucun interstice pour qu'elle puisse
respirer. Elle est solidement attachée à un banc. Les
tortionnaires la rouent de coups. Le procédé est une des formes
de tortures les plus dures. On peut facilement étouffer ainsi. Les deux
pieds meurtris à cause des coups sont plongés dans une baignoire
remplie d'eau salée et très chaude. Le chien dressé qui
lacère avec ses crocs et ses griffes le dos endoloris de la
victime...Après cela, le prisonnier est transporté au local de
détention gardé par des policiers qui se font appeler « Hadj
» afin que le détenu ne connaisse pas leur véritable
identité (...)199».
Parallèlement à la publication de la bande
dessinée, les CLCRM de France et de Belgique ont réuni les textes
et poésies de la militante Saïda Menebhi* morte des suites d'une
grève de la faim le 11 décembre 1977. L'oeuvre a
été publiée en décembre 1978 dans le cadre du
premier anniversaire de la mort de l'auteure200. Le CLCRM
d'Amsterdam a travaillé à la traduction en néerlandais de
cet ouvrage deux ans plus tard201.
Un rapport médical publié entre 1979 et 1980 par
les CCRM de Paris, Charleroi et Bruxelles, a pu mettre en exergue la
précarité matérielle et sanitaire dans laquelle sont
maintenus les détenus. Le rapport parle de l'hygiène des
détenus dans différentes prisons marocaines: « Les
prisonniers sont entassés comme des sardines : six mètres sur
trois suffisent à caser une centaine de personnes. Chacune d'elles a,
pour s'allonger, à peu près 1,70 mètre de long sur 25 cm
de large. Un tel espace l'oblige à dormir sur le côté, et
à ne pas bouger de la nuit (...). A Laâlou (Rabat),
étant donnée la faiblesse du moteur de la pompe et la petite
capacité du réservoir de retenue, le premier étage est
seulement pourvu en eau de 22 h à 6 h. A Fès, la prison est
alimentée par des citernes, alors que l'eau de l'Atlas coule à
flots dans toute la ville. D'autre
198 RAHAL, cit., pp. 8-10.
199 RAHAL, cit., pp. 4-8.
200 S. MENEBHI, Poèmes-lettres-écrits de
prison, Paris-Bruxelles, les CLCRM de Paris et Bruxelles, décembre
1978.
201 S. MENEBHI, Gedichten en brieven uit de gevangenis en
een opstel over de prostituées in Marokko, Rotterdam, CLCRM
d'Amsterdam, 1980.
65
part, la « douche » est si mal entretenue et si
peu équipée, qu'on ne peut s'empêcher de penser à
celles d'Auschwitz : trois prisonniers s'y relaient alors qu'une poire lance un
mince filet d'eau tiède. La petite salle de 4 mètres de
côté, renferme jusqu'à 30 prisonniers. De même, les
chambres sont très rarement lavées, le plus souvent une fois par
mois ou à l'annonce de la visite d'une commission d'inspection, mais
surtout lors d'une délégation comprenant un visiteur
étranger. Quant au service public d'hygiène, il est persona non
grata (...). Tel fut le triste exemple d'aout 1979 ; lors d'une
épidémie de choléra à Meknès : 4 malades
furent transportés à l'hôpital, mais vu le retard de la
mesure, 2 d'entre eux succombèrent faute d'avoir
bénéficié de soins assez tôt (...). De plus, rien
n'est prévu pour chasser l'éternelle colonie de rats dont le
nombre atteint parfois le double de celui des prisonniers. Ces bestioles
manifestent constamment leur présence de sorte que chacun doit leur
donner une part de sa gamelle afin d'éviter que la nuit, ils descendent
de leurs gouttières et viennent fouiller et se servir eux-mêmes
dans les paniers des prisonniers. Il existe d'autres bestioles, en effet les
poux et les punaises cohabitent avec les détenus.»
Des maladies en tous genres apparaissaient dont : «
les maladies de la peau très répandues,
particulièrement la galle ainsi que diverses sortes de champignons
épidermiques. Dans la prison de Casablanca, les galleux sont mis en
quarantaine durant la période de détention ou de la maladie. Or,
les galleux vivant ensemble et les désinfectants étant rares, le
germe de la galle demeure. Par ailleurs, il est rare qu'un prisonnier quitte la
citadelle sans s'être fait arracher quelques dents, à cause de
caries ou de maladies des gencives. Ici, le mal de dent n'est jamais
soigné, on se contente de les arracher dès la première
plainte à l'infirmier ou au chef du quartier. La séance
d'extraction des dents ayant eu lieu une fois par semaine, on peut observer une
file d'attente devant le dentiste (souvent simple mécanicien-dentiste).
Toute opération médicale est réduite à un simple
travail à la chaîne : l'infirmier, lors des injections, passe de
patient à patient sans prendre la peine de changer d'aiguille.(...) La
nourriture joue un rôle important dans l'apparition des maladies
dentaires mais aussi et surtout dans les maladies de l'estomac, des intestins
et du rectum (très répandues dans les prisons marocaines) et
touchant en premier lieu les prisonniers condamnés à de lourdes
peines. »
Outre les maladies et des conditions d'hygiène quasi
inexistantes, le rapport dénonçait aussi la qualité
médiocre de l'alimentation destinée aux détenus. Qui plus
est, les moyens de traiter les maladies étaient dérisoires :
« Féculents et riz mal cuits se relayent jour après
jour. A chaque marmite, quelques kilos de légumes bouillis
accompagnés d'une ou deux louchées d'huile, viennent cacher le
« bêton de pitance » qu'ils surmontent (...). Lorsque
le prisonnier s'est plaint à plusieurs reprises au chef du quartier, il
est entassé avec ses camarades pour être présenté
à l'infirmer qui lui donnera du charbon de bois, s'il se plaint de
spasme ou de colique, c'est bien une forte purge. Dans un deuxième
stade, malgré plusieurs prises de ces médicaments, le patient
peut être transporté à l'hôpital ou à
l'infirmerie en état de crise. Dans ce cas, on lui administre une
injection de baraljine qui a pour effet presque immédiat d'arrêter
les douleurs, lesquelles ne tardent pas à revenir quelques heures plus
tard. Dans un troisième stade, on attend que la victime ait subi
plusieurs crises pour l'inscrire enfin sur une liste qui lui permettra
66
d'être conduit à la consultation hebdomadaire
du médecin. On peut s'étonner de l'existence d'une liste
d'attente puisque, grosso modo, il n'y a qu'un médecin pour 1500
prisonniers (notamment à Casablanca, Rabat et Kénitra),en regard
de la moyenne nationale d'un médecin pour 1000 patients
(...)202. »
Avec l'accroissement des informations relatives à la
répression au Maroc, les Comités de Lutte contre la
Répression vont chercher à mieux structurer leurs travaux. Ils
feront connaître des bilans d'activités durant les coordinations.
Ces coordinations annuelles avaient pour objectif de dresser un bilan des
activités de tous les Comités, tous pays confondus, tout en
décidant des futurs plans d'actions.
b.3.2 Les premières activités du
Comité de Lutte contre la Répression de Bruxelles : 1977-1983
Les années comprises entre 1977 et 1983 ont
représenté, pour le CCRM, une première période
d'intense activité. Né d'un terreau syndical extrêmement
fertile, le CCRM de Bruxelles a bénéficié d'une
conjoncture relativement favorable au sein de la classe politique belge.
Mobilisation, interpellation parlementaire et association de
référence sur la répression au Maroc, le CCRM commence
à multiplier ses participations aux missions juridiques et
médicales au moment où la répression politique connait une
croissance spectaculaire au Maroc. Cependant, cette séquence
chronologique a été aussi agitée que difficile pour le
CCRM, en effet, les Comités devaient, véritablement, jouer le
rôle d'une presse sur les événements politiques au
Maroc.
Depuis décembre 1977203, le CCRM de
Bruxelles a dressé son premier bilan sur les événements
politiques au Maroc. Le CCRM disposait déjà de 450 sympathisants.
Face à un nombre croissant d'adhérents, le CCRM de Bruxelles et
le CCRM de Charleroi cherchèrent, dès lors, à provoquer
des sursauts de conscience parmi leurs membres adhérents en
lançant un premier bulletin d'information. Jusqu'au début de
l'année 1978, les CCRM belges avertissaient de leurs actions par des
communiqués. Les CCRM de Belgique relayaient les bulletins d'information
du CLCRM de Paris intitulés « Maroc Répression ». Le
contenu de « Maroc Répression » était réparti en
trois chapitres : une chronologie reprenant les dates les plus marquantes de la
vie politique au Maroc (accords diplomatiques entre le Maroc et les pays
étrangers, les procès politiques et rafles), les actions
auxquelles le CLCRM a participé (renseignements obtenus sur la
répression politique, correspondances avec les familles des
détenus, et parfois la correspondance entretenue avec des
représentants politiques belges et marocains), ainsi qu'une annexe qui
reprend des témoignages des détenus politiques et des
observateurs internationaux.
Dans un souci d'une meilleure efficacité, la
première édition du bulletin d'information des CCRM de Bruxelles
et de Charleroi va regrouper sous forme de compte rendu les actions
passées des deux comités. Les bulletins d'information des CCRM de
Belgique reprenaient dans l'intégralité le contenu du CLCRM de
Paris en l'augmentant de ses propres activités. Avec le bilan des
premières missions juridiques
202 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°392, Activités depuis le meeting de la Madeleine, Mission
CCRM : Rapport médical sur la description de la vie carcérale au
Maroc daté de 1980, pp. 2-8.
203 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°402, ASCLCRM - Communiqués : Assemblée
générale du CCRM de Bruxelles datée du 24 janvier
1978.
67
émis par Paris, le premier bulletin publié par
le CCRM de Bruxelles a relevé trois actions: la campagne de «
séduction » entamée par les autorités marocaines en
direction des responsables belges en vue d'accréditer un prétendu
cours nouveau vers la démocratisation ; la menace d'extradition qui
pesait sur le ressortissant marocain Ben Ayich ; la nécessité
d'ouvrir sur certaines réalités du régime marocain, les
yeux des touristes qui se ruent vers le soleil d'Afrique du Nord.
Premier bulletin des CCRM de Belgique : «
Réalités Marocaines » paru en mars-avril
1978204
Le CCRM de Bruxelles fut informé sur la question de la
campagne de « séduction » des autorités marocaines par
une lettre revêtue de la mention « personnelle » et
adressée par Ernest Davister, alors Président de la FGTB de
Charleroi, au ministre de l'Emploi et du Travail, Guy Spitaels (PSB). Cette
lettre faisait allusion à une tentative d'approche des autorités
marocaines auprès de certains opposants marocains via Guy Spitaels. Le
régime marocain cherchait, en plus, à faire les yeux doux
à ses ressortissants en Belgique. Un extrait de cette lettre est fort
révélateur à cet égard: « Le responsable
de ce groupe (de militants marocains) me dit avoir rencontré
l'Ambassadeur du Maroc qui lui a confirmé cette tendance, en attirant
son attention sur la nécessité pour les immigrés acquis
aux conceptions démocratiques, de rentrer chez eux, afin
d'accélérer le processus de démocratisation en cours. Il
se fait que cet Ambassadeur a cité votre nom (celui de Guy
Spitaels) en évoquant les bonnes relations qu'il entretient avec
vous et la haute estime en laquelle il vous tient. Dès lors, et voici ma
demande, ne vous serait-il pas possible de provoquer
204 Couverture du premier bulletin du CCRM de Bruxelles, in
Maroc Répression : Bulletin d'information de Bruxelles, organe
bimestriel, mars-avril 1978.
68
une entrevue avec l'Ambassadeur, si courte soit-elle,
à laquelle vous participeriez, ainsi que moi-même,
accompagné de deux représentants du groupe d'immigrés
précité ? 205».
Après l'échec du régime marocain qui n'a
pas réussi à obliger ses ressortissants à renouveler leur
passeport au Maroc entre 1978 et 1980 - grâce à une mobilisation
commune des CCRM bruxellois et carolorégien, du RDM, de la FGTB et de la
CSC - et dans le but de redorer son image auprès du monde politique
européen dans le contexte du conflit saharien, le régime marocain
cherchait par tous les moyens à gagner l'opinion internationale en sa
faveur206.
Le rapprochement inopiné, par exemple, de l'ancien
premier ministre Edmond Leburton (PSB, Gouvernement du 26 janvier 1973 au 19
janvier 1974), avec le régime marocain n'avait pas échappé
à l'attention du CCRM. Edmond Leburton affirmait à l'issue d'un
voyage au Maroc : « Que ce pays était entré dans la voie
de la démocratie et que sa monarchie « constitutionnelle »
présentait beaucoup d'analogies avec la monarchie
belge207». Ces propos, appuyés par le
Président du Sénat Robert Vanderkerckhove, visaient en outre, au
resserrement des liens de coopération entre les deux pays. Conjointement
à ce voyage diplomatique, le ministre marocain du Travail, Mohamed
Bouamoud, effectua une visite en catimini en Belgique208. Ce voyage
est significatif car, rappelons-le, la présidence officielle des
Amicales est assurée par le ministre du Travail et de l'Emploi
Professionnel. Alerté par le CCRM de Charleroi, Ernest Glinne* a
posé une question écrite aux ministres du Travail et des Affaires
Etrangères sur l'objet de l'entretien que le ministre marocain a eu avec
son homologue belge, à savoir, sur la raison du caractère
mystérieux de cette visite et sur un éventuel voyage du monarque
chérifien en Belgique...
A Bruxelles, le CCRM respectait sa devise dans sa lutte contre
les Amicales et prêtait main forte aux mouvements d'opposition marocains.
En 1980, éclatait l'affaire Abdallah Dougna. Cet assistant social
était engagé par la commune de Bruxelles-Ville, via l'ASBL «
Aide aux familles bruxelloises »209. Abdallah Dougna avait
été choisi comme assistant social traducteur entre les familles
d'immigrés marocains et les autorités communales. Selon la CGSP
secteur Enseignement210, Abdallah Dougna aurait été le
traducteur principal auprès de plusieurs familles d'immigrés
marocains en même temps qu'il fournissait des informations sur ces
familles aux polices belge et...marocaine. Méfiant sur la
présence policière marocaine en Belgique, Hervé Brouhon,
sympathisant du CCRM - qui deviendra bourgmestre de la ville de Bruxelles entre
1983 et 1993 - avertit le CCRM de Bruxelles qui fit ébruiter cette
affaire en
205 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, cit., p. 4.
206 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°340, RDM-Regroupement Démocratique Marocain,
RDM-Communiqués et notes internes : Communiqué du Regroupement
Démocratique Marocain daté du 16 mars 1980.
207 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°388, CCRM-Communiqués de presse : Communiqué du CCRM
dénonçant les propos d'Edmond Leburton et de Robert
Vanderkerckhove daté du 2 mai 1978.
208 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°72, Correspondance générale pour l'année 1978 :
Lettre d'Ernest Glinne au CCRM de Bruxelles relative à la visite
mystérieuse du ministre du Travail marocain, datée du 1er juin
1978.
209 Le Soir du 1er février 1980.
210 La Dernière Heure du 20 janvier 1980.
69
démontrant que l'assistant social n'était en
réalité qu'un agent travaillant pour le compte des polices belge
et marocaine. Face au tapage médiatique provoqué par le CCRM, et
malgré la réponse du « Conseil Consultatif des Bruxellois
n'ayant pas la Nationalité Belge », lequel affirmait que le
rôle de Monsieur Dougna se situait au seul niveau de collaborateur de la
police belge, l'assistant social a dû démissionner de son
poste211.
b.3.3 La mission juridique André Tremblay et les
émeutes du 21 juin 1981.
À partir de 1977, le régime marocain a
changé ses priorités économiques internationales en
s'ouvrant au libre-échange. Ce libre-échange s'est
essentiellement construit sur une importante exportation des produits nationaux
vers l'Europe et les Etats-Unis.
Toutefois, aucune disposition politique ne fut prise pour
permettre aux classes sociales désoeuvrées de pouvoir suivre ce
nouveau programme économique. Le 28 mai 1981, le Gouvernement marocain a
ordonné l'augmentation subite des prix des denrées de base (dont
certains allaient jusqu'à augmenter de 75%). Les premiers
résultats provoquèrent la colère de la population. Entre
le 8 et le 17 juin 1981, l'UMT et la CDT ont lancé un ultimatum au
Gouvernement en vue de réduire les prix des denrées de base. Le
résultat fut partiellement obtenu, le Gouvernement a diminué de
50 % les augmentations des produits. Conjointement, des émeutes ont
déjà éclaté et le CCRM de Bruxelles a pris
connaissance de l'arrestation de 668 militants de la CDT, surtout dans les
campagnes et chez les mineurs dont ceux des mines de charbon de
Jerrada212. Le brasier a sérieusement été
déclenché lorsque l'UNEM, le Syndicat National des Moyens et
Petits Commerçants et les Syndicats Nationaux des Enseignements
Secondaire et Supérieur avaient rejoint l'appel à la grève
générale de l'UMT et la CDT. Le régime faisait face
à une forte opposition syndicale. Les garnisons locales de la
Gendarmerie Royale et des Forces Auxiliaires débordées, Hassan
II* a dû démobiliser une partie des FAR du Sahara pour
écraser la fronde sociale.
Cette répression militaire était
accompagnée de plusieurs arrestations et condamnations. Cette sanction
royale a culminé lors des émeutes du 21 juin à Casablanca.
Informés de ces événements, les CLCRM de France et de
Belgique ont voulu marquer leur solidarité envers les
grévistes.
Au mois de juillet 1981, les CCRM de Belgique, par
l'intermédiaire de l'Association des Juristes Belges Démocrates
(AJBD), ont participé à la mission juridique Tremblay. Cette
mission fit suite à la mission juridique des Frontistes vue plus haut.
Maître André Tremblay est professeur à la Faculté de
Droit de l'Université de Montréal et avocat au Barreau de la
même ville. À son initiative, soutenue par les CLCRM et par
Amnesty International, notamment, maître André Tremblay s'est
rendu au Maroc durant l'été 1981. La mission juridique a
duré du 1er juillet au 16 juillet 1981. Celle-ci permit le
constat de plusieurs arrestations des membres de l'USFP et d'un regain
répressif à l'encontre des partis de l'extrême
211 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°346, Contrôle des opposants marocains en Belgique, Un
assistant social à Bruxelles : Communiqué de presse du Conseil
Consultatif des Bruxellois n'ayant pas la Nationalité Belge, daté
du 8 février 1980.
212 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°351, Association Belge des Juristes Démocrate :
Communiqué du CCRM de Bruxelles à l'AJBD sur les arrestations des
membres de la CDT, non daté.
70
gauche (Ilal Amam et 23 mars)213. Le bulletin
mensuel de CLCRM de Paris de décembre 1978 publiait déjà
une lettre aux congressistes de l'USFP dénonçant les arrestations
à l'égard de ce dernier : « Au moment où votre
troisième congrès s'ouvre à Rabat, nous tenons à
vous faire parvenir le texte de l'appel lancé par tous les
Comités de Lutte contre la Répression au Maroc pour la
libération de tous les prisonniers politiques marocains. (...) Ces
droits sont bafoués, dans les locaux de la police, dans les prisons,
où les condamnés des procès de 1973, ceux de Casablanca de
1977 ont été particulièrement maltraités, où
Abraham Serfaty est maintenu dans l'isolement depuis plus de 4 ans. La
nécessité et l'urgence d'une campagne en leur faveur ne font
point de doute. Une telle campagne atteindra d'autant mieux son objectif
qu'elle sera répercutée de l'intérieur même du
Maroc. Dans sa situation politique actuelle, vous pouvez, à la fois,
être entendus, voire écoutés des autorités
gouvernementales, et en appeler à l'opinion du peuple
marocain214 (...) ». Maître André
Tremblay s'est rendu comme observateur au procès de Rabat intenté
contre 81 membres actifs de l'USFP et de la CDT. Sur les 81 inculpés par
la Chambre Criminelle de la Cour d'appel de Rabat, 21 personnes du parti et du
syndicat ont été condamnées à 18 mois
d'emprisonnement ferme et 26 autres personnes à 4 mois de
détention. 13 personnes ont été condamnées à
6 mois avec sursis et 21 personnes ont été acquittées.
Alors que Maître Tremblay se rendait à
Casablanca, il fut rejoint par deux avocats français, Maître
Jean-Pierre Mignard et Maître Yves Kleniec. Maître Mignard, avocat
à la Cour d'Appel de Paris, fut mandaté par l'Association
Internationale des Juristes Démocrates (cette dernière en
relation avec le CCRM de Bruxelles). Maître Kleniec, avocat à la
Cour d'Aix-en-Provence, fut aussi mandaté par l'Association
Internationale des Juristes Démocrates mais également par la
CGT.
Ensemble, les trois avocats prirent connaissance du nombre des
victimes et des vastes coups de filet. Les avocats ont mené leur
enquête auprès de l'USFP, de la CDT et des autorités
officielles. Parmi les personnes arrêtées, plusieurs personnes
faisaient parties de l'USFP, de la CDT mais aussi de plusieurs syndicats locaux
tel le Syndicat National des Petits Commerçants dont le
secrétaire général Moustaghafi Abdallah a
été considéré, avec Noubir Amaoui*, par les
autorités marocaines comme l'un des responsables de l'appel à la
grève générale dans tout le Maroc. Les rafles
étaient impressionnantes, les avocats ont signalé entre 6000 et
8000 arrestations dans tout le pays215. Certains journaux
étaient proscrits dont : Al Moharrir (« Libération
» journal de l'USFP) et Al Bayane (« Communiqué
» journal du PPS) et Al Dimouqratiya Al Oummaliya (« La
Démocratie ouvrière » journal de la CDT).13 personnes sur 66
membres de la Commission administrative nationale de l'USFP ont
été arrêtées216.
Les avocats ont cependant noté que le chiffre des
victimes de la rafle était considérablement revu à la
baisse par le premier ministre et ministre de la Justice, Maâti Bouabid*
(UC du 29 mars 1979 au 30 novembre 1983). Celui-ci annonçait, en effet,
qu'il n'y avait pas plus de 2000 détenus politiques dans tout
213 A. TREMBLAY, Rapport sur les arrestations et
condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, juillet 1981, pp.
15-23.
214 Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM
de Paris, N°8 bis, décembre 1978, p. 14.
215 J-P. MIGNARD, Rapport sur les arrestations et
condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 9 juillet 1981, p. 3.
216 Y. KLENIEC, Rapport sur les arrestations et condamnations
depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 15 juillet 1981, pp. 5-7
71
le pays, dont 930 auraient été
relâchés faute de preuve. Entre le 10 et le 15 juillet 1981, les
avocats recoupèrent leurs informations et constatèrent que si le
Gouvernement ne dénombrait que 67 morts, les syndicats et partis de
l'opposition comptaient 641 morts217. Les cadavres n'étaient
pas rendus aux familles, et furent transportés par la police et les
militaires dans un lieu inconnu. Tous obsèques publics étaient
interdits, les autorités évitèrent le plus possible
l'organisation des funérailles susceptibles de
dégénérer en manifestation218.
Alors que le Gouvernement marocain affirmait ne pas avoir
utilisé l'armée, l'opposition confirmait que l'armée avait
ouvert le feu sur les manifestants. En outre, l e s a v o c a t s m a n d a t
é s o n t d r e s s é une impressionnante liste, dressée
par les avocats, faisait état du nombre des arrestations et des
condamnations. Ces peines étaient principalement infligées aux
membres de la CDT et de l'USFP. A la suite des événements
découlant des mouvements de grèves, le CCRM de Bruxelles avec
l'aide de la Ligue Belge des Droits de l'Homme, a organisé une
manifestation le 27 novembre 1981 pour dénoncer les procès
expéditifs au Maroc, dont celui des ouvriers et mineurs grévistes
arrêtés depuis le 21 juin 1981.
Tract distribué : Appel à manifester
pour le 27 novembre 1981219
Après avoir pris connaissance du deuxième
rapport de Paris et au lendemain de la mystérieusedisparition
d'Abderrahim Charahbili Harouchi, étudiant marocain domicilié
à Mons220, le
217 Y. KLENIEC, cit., p. 8.
218 AFP du 24 juin 1981 à 15h38.
219 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°361, Mission Tremblay - juillet 1981 : Appel à la
manifestation du 27 novembre 1981.
72
Comité de Bruxelles informa par lettre les
députés liégeois Claude Dejardin*(PSB) et Joseph
Fiévez* (RW) quant à la situation politique au Maroc. Vers 1980,
ces députés avaient mis sur pied à Liège, un
Comité contre la Répression. Le CCRM de Liège
complète le noyau d'un CCRM établit à Anvers quelques mois
plus tôt221.
A cet effet et prévenu de la féroce
répression, Claude Dejardin* a interpellé le ministre du Commerce
Extérieur d'alors, Robert Urbain (PSB), sur le transport de «
mystérieuses pièces de rechange pour divers appareils » dans
divers pays du Tiers-Monde dont le Maroc222. En décembre de
la même année, Henri Simonet (PRL), alors bourgmestre d'Anderlecht
et ministre d'Etat, a promis d'écrire à son homologue marocain
M'hammed Boucetta (secrétaire général du PI).
Déjà averti par le CCRM sur la situation des frontistes
condamnés, Henri Simonet multiplia les promesses d'intervention en
faveur de ces derniers, mais ce fut sans succès. Henri Simonet feignit
alors d'oublier que le pouvoir de grâce ne relève pas du premier
ministre au Maroc223. Un an plus tard, les CCRM de Bruxelles et de
Liège s'étaient directement adressés au premier ministre
Maâti Bouabid*en c qui concerne sur la situation du détenu Ahmed
Herzenni, mais sans succès224.
Alors que les informations sur les détenus politiques
affluaient à Paris pour être ensuite retransmises vers les bureaux
des Comités de Bruxelles et de Charleroi, le cas d'un détenu
retint, sur le moment, une attention toute particulière des deux
Comités belges. Il s'agissait d'Abdellatif Derkaoui. Abdellatif Derkaoui
était un enseignant à Rabat et fut condamné dans la prison
de Kénitra à une peine de 30 années en 1972. Ce
détenu a raconté son séjour carcéral par des
dessins. Profitant d'une rare occasion de démontrer les conditions de
détention iconographiquement, une exposition des oeuvres d'Abdellatif
Derkaoui a été décidée par les CLCRM initialement
au cours de l'année 1982 à Marseille. Après un premier
succès dans le Midi de la France, les CCRM de Belgique ont
organisé l'exposition des oeuvres de Derkaoui entre janvier et mars
1983. Cette exposition s'est tenue dans le cadre d'un colloque intitulé
« Poésie et Libertés »225.
L'événement a eu lieu le 27 janvier 1983 dans les locaux du
Centre Socio-culturel des Immigrés à Bruxelles226.
L'exposition de Charleroi a réuni 400 personnes le dernier
jour227. Enfin, du 16 au 25 mars à Liège dans les
locaux de la FGTB où la régionale UBDP, la commission «
Immigrés de la FGTB et l'association « Solidarité arabe
» participèrent à l'organisation235. Des dessins,
ainsi que des poésies d'autres détenus, relatent la vie
quotidienne dans les prisons marocaines et plus particulièrement
220 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Serge D'agostino
à Pierre Le Grève relative sur la détention d'Abderrahim
Charahbili Harouchi datée du 14 juillet 1980.
221 Interview de Mimoune Sastane le 3 avril 2014.
222 Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire
1980-1981, Séance du mercredi 19 novembre 1980 : Interpellation de
Claude Dejardin relative à l'exportation des armes belges, pp.
289-290.
223 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre d'Henri Simonet
à M'hammed Boucetta datée du 8 janvier 1980.
224 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre de Claude Dejardin
à Maâti Bouabid sur le cas d'Ahmed Herzenni datée du 28
avril 1982.
225 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Communiqué relatif
au colloque « Poésie et Libertés » daté du 13
décembre 1980.
226 La Cité du 20 janvier 1983. Le Drapeau
Rouge du 20 janvier 1983.
227 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°407, les CLCRM - Comptes rendus et documents internes : Bilans des
activités du CCRM de Charleroi datés du 19 et 20 mars
1983.
73
l'expérience carcérale d'Abdellatif Derkaoui. Le
coût total de cette exposition en Belgique s'est élevé au
montant de 48.318 FB228.
Quelques dessins d'Abdellatif
Derkaoui229
La fin du quatrième Gouvernement de Léo
Tindemans* a marqué l'enchaînement de plusieurs Gouvernements en
Belgique. Du deuxième Gouvernement Van Den Boeynants (PSC du 20 octobre
au 18 décembre 1978) aux neufs Gouvernements Martens* (CVP du 3 avril
1979 au 25 novembre 1991), un nouveau clivage va être pris par le CCRM.
Cette politique portée à l'encontre des immigrées en
général et
228 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°316, les oeuvres d'Abdellatif Derkaoui : Lettre du CCRM de Bruxelles
adressée à la Régionale UBDP de Liège, la
Commission « Immigrés » FGTB et Solidarité Arabe,
datée du 4 mars 1983.
229 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°406, les CLCRM - Liste et organigrammes : Bilan financier de
l'organisation de l'exposition Abdellatif Derkaoui de mars 1983.
74
des Marocains plus particulièrement, s'est traduite par
un nouveau durcissement quant à la politique de la naturalisation.
Parallèlement aux mesures Stoléru-Bonnet en
France230, le gouvernement néerlandais231
définit, au début des années 1980, une politique
migratoire en deux volets : une politique restrictive d'immigration,
accompagnée d'une politique d'intégration qui présentait
les immigrés comme des « populations à problèmes
». Ces orientations politiques dans le contexte économique
difficile, ont poussé le KMAN a adopter une position défensive en
traitant au mieux les thèmes tels que la montée du racisme, la
défense des Droits de l'Homme au Maroc, la politique d'éducation
et la défense des droits socio-économiques, politiques et
légaux des immigrés.
En Belgique, certaines communes bruxelloises agissaient
même de façon totalement autonome dans l'acceptation ou non des
élèves marocains dans leurs écoles. A cet égard, la
politique de l'ancien Bourgmestre FDF de Schaerbeek, Roger Nols* et de son
homologue libéral d'Anderlecht Henri Simonet vis-à-vis des
résidents marocains de leur commune reste significative. Ces deux
bourgmestres ont délibérément arrêté les
inscriptions dans leur commune de certains ressortissants étrangers dont
les ressortissants turcs et marocains. Ainsi, le RDM condamnait dans un
communiqué232 la décision brutale de Roger Nols* de
supprimer 10 écoles primaires dès le 1er septembre
1983. Ces écoles étaient majoritairement
fréquentées par des enfants marocains et turcs. Le comportement
politique de Roger Nols* fut même à l'origine d'une scission
interne où l'aile gauche du parti - principalement
représenté par Serge Moureaux* et François Martou
(vice-président national du MOC) - prit ses distances vis-à-vis
du Bourgmestre233.
Très peu porté sur les travaux du CCRM, Jean
Gol* (PRL devenu MR et participation aux Gouvernements Martens* du 17
décembre 1981 au 14 octobre 1985) refusa plusieurs fois
d'intercéder en faveur des détenus politiques au Maroc. Il alla
même jusqu'à supprimer, non sans la passiveté de
l'Ambassadeur marocain de Bruxelles, le droit aux étudiants marocains
d'obtenir leur bourse. En effet, le Gouvernement marocain a adopté la
décision de faire interdire une bourse d'étude aux
étudiants marocains à l'étranger participant à des
grèves, depuis le 18 février 1980234. Qui plus est,
Jean Gol* a favorisé l'expulsion de certains ressortissants marocains
résidant sur le territoire belge235.
230 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°316, les oeuvres d'Abdellatif Derkaoui : Dessins d'Abdellatif Derkaoui,
non datés.
231 La loi dite Stoléru, du nom du Secrétaire
d'État chargé de l'immigration Lionel Stoléru (1978-1981),
était un projet de loi qui encourageait le retour des immigrés
dans leurs pays d'origine et diminuer de moitié leur nombre en France.
La loi Bonnet du10 janvier 1980, du nom du ministre de l'Intérieur
Christian Bonnet (30 mars 1977 au 22 mai1981), réprimera l'immigration
clandestine et rendra plus difficiles l'entrée et le séjour des
étrangers en France. I. VAN DER VALK, in N. OUALI (dir.), op.
cit., p. 347.
232 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Communiqué du RDM
daté du 13 février 1983.
233 P. WYNANTS, Bruxellois d'origine
extra-européenne. Représentation politique au FDF
(1964-2014), in La Revue Nouvelle, novembre 2013, p. 70.
234 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué de presse de l'UNEM sections Bruxelles-Liège-Mons
daté du 4 mars 1980.
235 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettres du CCRM de
Bruxelles à Jean Gol relatives à l'expulsion du ressortissant
marocain Koub Saïd datées des 25 mai et 4 juin 1982.
75
Ce nouveau tournant politique déçut fortement
les membres du CCRM, si bien que Jacques Moins* adressa une longue
réponse relative à cette politique sécuritaire aux
différents présidents des partis politiques. Dans cette
réponse, Jacques Moins* voulait attirer l'attention sur le fait que:
« (...) le quart de la population est composé d'immigrés
et un enfant sur deux qui naît dans la région bruxelloise est non
belge. Les différences culturelles, les traditions et le mode de vie
divers engendrent souvent l'incompréhension, parfois l'hostilité
et même la haine (...). Bruxelles est appelé à devenir une
ville pluriculturelle. Si le Mammouth de Jean Gol a accouché d'une
souris, les opérations « coup de poing » accompagnées
de contrôle d'identité et d'interrogatoires contribuent le plus
souvent à augmenter le sentiment d'insécurité et
d'inquiétude. (...) Rétablir la sécurité, c'est
avant tout assurer un bon environnement, un aménagement urbain qui
tienne compte des exigences de la vie en ville (...)236.
»
L'avènement du Gouvernement Martens-Gol* a aussi
coïncidé avec l'enseignement du culte islamique -
déjà reconnu depuis 1974 - mais rendu effectif à partir de
1983. Ce nouveau phénomène sera observé non sans
intérêt par le Comité bruxellois à travers la CGSP
secteur Enseignement. L'enseignement du culte islamique relevait d'une grande
part de la responsabilité des pays d'origine, ainsi, le Maroc
fournissait ses propres professeurs de religion islamique dans les
établissements scolaires bruxellois.
Une première alerte a été donnée
le 25 février 1983. Une circulaire publiée par la CGSP secteur
Enseignement, annonçait la visite de l'ancien premier ministre marocain
Dr. Azzedine Laraki (premier ministre du 8 octobre 1969 au 12 octobre 1970),
devenu par après ministre de l'Education Nationale du 12 octobre 1977 au
30 septembre 1986. Cette circulaire stipulait : « Qu'un accord serait
intervenu afin de permettre aux élèves marocains de nos
écoles d'apprendre l'arabe dans les établissements d'enseignement
primaire, les cours étant prodigués par des professeurs de
Rabat237. »
Le 7 juin, inquiet d'une absence d'encadrement de ces
professeurs, Claude Dejardin* posa la question suivante au ministre de
l'Education André Bertouille (MR): « La presse a fait
récemment état d'un accord intervenu entre le gouverneur marocain
et votre ministère concernant un échange d'enseignants. De quoi
s'agit-il exactement et quels sont les termes exacts, notamment en ce qui
concerne la scolarisation des enfants immigrés d'origine marocaine
résidant en Belgique. Serait-il exact que ces enfants auraient à
choisir, à Bruxelles, entre les cours d'arabe et de néerlandais ?
Quelles seraient alors les conséquences légales d'un tel choix en
matière d'homologation du diplôme, par exemple ? A cette occasion,
ne pensez-vous pas qu'il soit délicat de favoriser l'intrusion dans nos
écoles d'enseignants désignés par un régime peu
respectueux des droits de l'homme et que les nationaux concernés
considèrent le plus souvent comme des policiers déguisés
en professeurs ? ». A cette large question conjuguant scolarisation
des enfants marocains et cours dispensés par des professeurs venus du
Maroc, le ministre ne s'en tiendra qu'à l'aspect formel de l'accord
entre les deux pays en insistant sur le fait que : « le
236 CARCOB, Archives Communistes de Bruxelles, Fonds Jacques
Moins, Boîte N°2, Liasse n°6, Dossier
sécurité Belgique : Communiqué relatif à la
montée de l'insécurité sociale à Bruxelles
daté de 1982.
237 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°46, Enseignement de la religion islamique - circulaires : Circulaire
de la CGSP Enseignement datée du 25 février 1983.
76
Gouvernement du Maroc a souhaité que les jeunes
Marocains vivant en Belgique ne soient pas coupés définitivement
de leur pays d'origine et que l'on puisse organiser à leur
bénéfice, dans nos écoles et pour ceux qui le
désirent, certaines activités culturelles spécifiques :
cours de langue arabe et de culture islamique238».
Cependant, si le ministre souligna les dispositions expérimentales sur
les cours de langue arabe et de culture islamique, il évita
soigneusement de se prononcer sur l'homologation des élèves qui
auraient éventuellement à choisir entre le néerlandais et
l'arabe, ni sur le possible « déguisement des policiers en
professeurs venus du Maroc ».
A la question désormais ouverte sur l'enseignement du
culte islamique, la RTBF annonçait quelques mois plus tard une
information qui allait mobiliser des nouveaux efforts du CCRM. Le mardi 18
octobre 1983 à 7h20, la RTBF annonçait dans son point de
l'actualité u n e visite prochaine d'Hassan II* en Europe. «
(...) Avec une certaine discrétion (c'est une visite de travail),
les Européens reçoivent, mine de rien, un hôte de marque :
le roi Hassan II du Maroc. Il arrive cet après-midi. Il rencontrera ses
hôtes belges : le roi, le premier ministre, le ministre des relations
extérieures. Mais l'essentiel de son séjour sera consacré
à des discussions économiques avec des représentants de la
Communauté européenne239. »
N'ayant pu venir visiter les Institutions Européennes
en Belgique déjà depuis la Marche Verte de 1975, et, compte t e n
u d' une vive opposition exprimée par les mouvements associatifs
marocains en Europe, la visite éclair du ministre Bouamoud de 1978 avait
bien pour objectif de renseigner le monarque chérifien sur l'état
des lieux politique et de mesurer les forces syndicales belges et marocaines.
Qui plus est, le monarque chérifien voulait être
l'intermédiaire exclusif entre les ressortissants marocains à
l'étranger et les autorités des pays d'accueil. Les motifs de la
visite d'Hassan II* étaient justifiés par trois points : des
préférences commerciales pour les produits industriels
méditerranéens sur les marchés européens et
diverses concessions dans le domaine agricole, un volet financier sous forme de
dons et de prêts de la banque européenne d'investissement, ainsi
qu'un volet social accordant certaines garanties aux travailleurs
méditerranéens établis en Europe. Toutefois, le journal
Le Soir rappelait que le pouvoir législatif continuait à
être exercé par Hassan II*240.
Pour le reste, le déficit de la balance commerciale du
Maroc dans ses échanges avec l'Europe se montait, au début des
années 1980, à 518 millions de dollars. La situation
financière du pays n'a cessé de s'aggraver depuis plusieurs
années. Depuis le réajustement structurel ordonné par le
Fonds Monétaire International (FMI), le Maroc a dû augmenter de
près de 70 % ses importations de céréales.
Dans un contexte de démographie galopante, l'Etat doit
entretenir en permanence une armée de
238 Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire
1982-1983, Bulletin des questions et réponses n°36 du 12 juillet
1983, Question orale posée par Claude Dejardin à André
Bertouille.
239 RTBF Edition du mardi 18 octobre 1983 à
7h20.
240 Le Soir du 18 octobre 1983.
77
200.000 hommes dévorant 40 % du budget
national241. On conçoit dès lors que les dossiers
économiques sont assez importants pour qu'Hassan II* se fasse le commis
voyageur de marque. D'autant que sa visite suit l'axe de ses principaux
partenaires : Washington, Paris et Bruxelles. Entre-temps, le roi du Maroc a
pris en charge tous les pouvoirs législatifs du Parlement. Des
élections étaient prévues mais Hassan II* annonçait
un report pour cause d'un référendum établissant si le
Sahara occidental devait être marocain ou indépendant. Le dossier
du Sahara était bloqué depuis le sommet de Nairobi réuni
en 1981 et les élections marocaines n'eurent pas lieu non plus.
Les observateurs les plus positivement neutres parlent de
démocratie contrôlée, alors que les CCRM et certaines ONG
comme Amnesty International et la Ligue des Droits de l'Homme rappellent les
morts survenus depuis les manifestations du 23 mars 1965 et les récentes
condamnations expéditives depuis les procès à l'encontre
de l'ALM, des partis de gauche de l'UNFP, du PCM (PLS) et de la future USFP
entre 1968 et 1974, en passant par le procès des Frontistes de 1977 et
les rafles à l'encontre des grévistes depuis le 21 juin 1981.
L'épineux dossier des Droits de l'Homme au Maroc a
surtout, donc, été épinglé par les CCRM, et
lorsqu'Hassan II* est venu en Belgique pour rencontrer les
ministres Wilfried Martens* et Jean Gol* au sein de la Commission
européenne, il ira jusqu'à affirmer, dans le cadre de la
politique en matière de lutte contre la clandestinité en
général et contre l'arrivée des travailleurs marocains en
Belgique plus particulièrement, que: « Ceux-là (les
travailleurs marocains), s'ils se sont bien conduits ou s'ils ont bien
travaillé, s'ils ont fait ce qu'ils ont fait, devraient à mon
avis être confirmés dans leur travail et dans leur situation. Il
ne faudrait plus les appeler des clandestins. Disons que ce sont des gens qui
ne sont pas à jour par rapport à la législation communale
et non par rapport à la législation entre
Etats242».
Mais entretemps, un texte communiqué à la presse le
jour même de la visite du roi à la Commission
mentionnait: « qu'un petit groupe de fonctionnaires
de la Communauté européenne, mis au courant par les rapports des
ONG et des CCRM et conscient de la grave situation des Droits de l'Homme au
Maroc, a tenu à faire connaître au monarque, en brandissant sur
son passage une pancarte exigeant la liberté pour tous les prisonniers
politiques, sa profonde réprobation. Les prisonniers politiques, qui
ont, pour beaucoup, connu la torture, sont détenus, parfois depuis plus
de 10 ans, pour avoir seulement exercé leur droit à la
liberté d'expression et d'association qui est garanti par la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, à laquelle le
Maroc, Etat membre de l'ONU, souscrit en principe243».
Un geste symbolique venait directement d'être
posé à l'encontre du roi Hassan II* dans une Institution
Européenne. Néanmoins, cette action visant à une
sensibilisation quant à la situation politique au
241 Syndicats, organe de presse de la FGTB,
N°43, le 22 octobre 1983. Interview d'Abderrahmane Cherradi par Anne
Quinet, RTBF Edition du mercredi 19 octobre 1983 à 19h00.
La Dernière Heure du 20 octobre 1983. La Libre
Belgique du 20 octobre 1983. Le Monde du 26 octobre 1983.
242 Interview d'Hassan II par Jean-Charles Dekeyser,
RTL-TV Edition du 19 octobre 1983 à 19h15.
243 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°422, Roi Hassan II - Visite en Belgique : Texte communiqué
à la presse le 19 octobre 1983.
78
Maroc n'aurait pu aboutir s'il n'y avait pas eu
préalablement plusieurs réunions de coordination entre les
Comités de toute l'Europe.
b.3.4 Les relations entre les CLCRM en Europe:
coordinations et bilans d'activités 1977-1983.
Depuis la première coordination proposée par le
Comité de Paris le 17 octobre 1977, les comités, bien
qu'autonomes les uns par rapport aux autres, doivent proposer une
méthode de synchronisation de leurs travaux une fois par
an244. Lors de cette première coordination, le Comité
de Paris a proposé le déroulement de la réunion
extraordinaire, entre le samedi 15 et le dimanche 16 octobre, en vue
d'échanger les informations sur les activités des comités,
les informations sur le Maroc avec un compte rendu des relations avec les
organisations marocaines (entendons les associations des Droits de l'Homme au
Maroc, mais surtout les mouvements associatifs marocains en Europe plus
impliqués dans la lutte contre la répression au Maroc). Les
coordinations étaient au début, et suivant la
disponibilité des membres des CLCRM, tantôt annuelles,
tantôt semestrielles voire même trimestrielles. Lors des
coordinations, les CLCRM formaient pour l'occasion l'Association des
Comités de Lutte contre la Répression au Maroc. Suite à
cette première réunion de coordination, les comités ont
décidé que chaque projet devait être suivi d'une commission
de travail. Selon la disponibilité des membres des différents
comités, une confirmation devait être faite par lettre. De la
deuxième coordination du 5 février 1978 à la coordination
du 17-18 mars 1979, cinq CLCRM venus de France et de Belgique ont
dénoncé auprès de l'opinion publique l'intervention du
Gouvernement Giscard aux côtés du régime marocain, dans sa
politique de répression, d'impérialisme au Maroc et dans toute
l'Afrique245.
Nous avions vu aussi que les CCRM ont marqué leur
solidarité par la participation d'une mission juridique d'envergure pour
les grévistes de la faim arrêtés depuis octobre 1977. En ce
sens, les CCRM soutenaient l'initiative des grévistes qui maintenaient
leur action vis-à-vis du régime en réclamant un statut
écrit pour les détenus politiques. C'était mettre Hassan
II* au pied du mur, car s'il acceptait d'octroyer le statut de détenus
politiques, ce serait tacitement reconnaître le délit d'opinion.
Or, selon le monarque, il n'existait pas de détenu d'opinion mais
seulement des hors-la-loi: « Pour ce qui est des prisonniers
politiques, il n'y en a pas chez nous. Il y a des prisonniers d'éthique.
(...) Un homme qui sort de la loi n'est plus un prisonnier politique. (...)
Mais ceux-là ne sont pas des prisonniers, ils sont des
hors-la-loi246.»
244 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan de la
coordination du 15 au 17 octobre 1977.
245 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilans de la
coordination des CLCRM daté du 14 octobre 1979.
246 Interview d'Hassan II sur Europe 1 du 21 novembre
1976.
79
Organigramme des CLCRM en
Europe247
Amsterdam
Dusseldörf
Toulouse
Bruxelles
Besançon
Lausanne
Limoges
Amiens
Angers
Marseille
Aix-En-Provence
Liège
Lillle
Dijon
Lyon
Nice
Les CLCRM d'Europe se contactaient par lettre, mais
prévenaient directement Paris dès lors qu'ils voulaient publier
des informations. Durant l e s bilans des coordinations, chaque comité
était tenu d'envoyer un rapport à Paris. Les informations sur les
activités varient selon chaque comité. Ainsi, nous pouvons
retracer la trajectoire de plusieurs comités en Europe suivant leurs
activités. Bien que le Comité de Paris représente le
comité central, la Belgique, les Pays-Bas, la RFA structuraient leur
CCRM autour d'un Comité intermédiaire avec Paris. L'abondante
correspondance entre les comités permet de dégager cinq
comités intermédiaires entre Paris et les sections locales :
Charleroi, Nîmes, Rouen, Grenoble et Avignon.
247CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936,
Liasse n°406, Les CLCRM : Listes et organigrammes : Les sections des
CLCRM en Europe. Organigramme daté de 1980.
80
A partir de 1982, chaque comité en Europe se dotera
d'un numéro de téléphone d'urgence qui devait strictement
rester confidentiel.
Entre décembre 1978 et février 1979, le
Comité de Dijon248 a tenu régulièrement
à organiser le dépôt de la presse du comité dans
deux librairies dijonnaises. Ce comité a participé au Collectif
SOS-REFOULEMENT local et est rentré en contact avec l'Association des
Marocains de France (AMF) pour décider des axes de travail entre les
deux associations. Étroitement lié aussi à l'UNEM, le
Comité de Dijon a organisé le 12 décembre 1978 une
soirée de projection-débat sur l'oppression de la femme au
Maghreb. Une centaine de personnes y ont participé, dont quelques femmes
immigrées qui prirent la parole. En janvier 1979, le Comité de
Dijon a marqué sa solidarité avec l'UNEM, dans laquelle un
meeting fut organisé pour exiger la légalité effective de
l'UNEM et de ses responsables militants.
Cette solidarité s'est concrétisée par le
lancement d'une campagne pour la libération des détenus
politiques via l'envoi de 150 lettres à des sympathisants et
personnalités de la région. Le mois suivant, le CCRM de Dijon
s'est joint au Comité contre la Répression en Amérique
Latine et à l'Association Médicale Franco-Palestinienne dans le
cadre d'un colloque intitulé « 10 jours contre
l'impérialisme ». Durant tout le colloque, se sont tenues une table
de presse et l'exposition d'une série de panneaux sur le travail des
petites filles dans les fabriques de tapis, sur l'exploitation touristique et
les implantations d'entreprises françaises au Maroc. S'en sont suivies
une projection d'un film sur la lutte du peuple sahraoui et la tenue d'un
débat sur le rôle du gouvernement français dans la
région, puis l'organisation d'une soirée ayant pour thème
« la Coopération au Maroc ». Ces derniers
événements ont constitué les deux interventions
spécifiques du Comité dijonnais. Des enseignants et des
étudiants marocains ont débattu sur les implications aux niveaux
culturels et techniques et sur la finalité réelle de la
coopération.
A Besançon249, le Comité a
participé à la création d'un comité de
défense des étudiants étrangers : dix étudiants
étrangers - dont six marocains - étaient menacés
d'expulsion après le refus de leur inscription en faculté. Le
CCRM de Besançon a informé Paris et a soutenu l'inscription de
ces 6 étudiants marocains au Centre Linguistique Appliqué. Le
CCRM de Besançon s'investissait dans l'organisation d'un travail en
rapport avec l'enfance immigrée, dont les enfants des ouvriers
marocains. Le Comité de Besançon a participé à un
débat sur la répression que subissent les travailleurs marocains
sur une Radio libre locale.
Le Comité d'Angers a tenu, pour sa part, une
réunion toutes les trois semaines. Durant ces réunions
tenues avec la section locale de l'UNEM, il eut quelques
nouveaux participants et chaque membre versa une cotisation de 10
FF250. Durant le mois de novembre 1978, les membres du CCRM d'
Angers ont exposé des panneaux sur la « situation actuelle au Maroc
» dans les restaurants universitaires. En décembre, le
Comité a organisé le premier anniversaire de la mort de
Saïda Menebehi*et a proposé une table ronde sur
248 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Dijon entre fin 1978 et début 1979.
249 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Besançon entre novembre 1978 et
février 1979.
250 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM d'Angers entre novembre 1978 et janvier 1979.
81
la situation des femmes au Maroc. Entre temps, un
étudiant marocain nouvellement arrivé mais inscrit tardivement en
droit s'est vu refuser sa carte de séjour. Le Comité et l'UNEM
ont été à l'initiative d'un collectif local contre
l'expulsion regroupant les organisations étudiantes, humanitaires,
syndicales et politiques. Une délégation au rectorat conduite par
le vice-président du bureau des Etudiants de l'Université
d'Angers a obtenu une dérogation permettant à l'étudiant
marocain d'avoir sa carte de séjour. Le 24 janvier 1979, le
Comité a distribué publiquement des tracts et une pétition
pour la libération des détenus politiques en particulier celle
des responsables et militants de l'UNEM. Parallèlement, le CCRM d'Angers
déplore des pratiques « peu démocratiques » au sein de
l'UNEM. Le Comité signale aussi la lenteur des informations
diffusées par les bulletins du Comité de Paris.
A Lausanne, le Comité Suisse contre la
Répression au Maroc s'est constitué dès le 15 avril
1978251. Ce Comité constitue une caisse de résonnance
supplémentaire pour les CLCRM de France, de Belgique et des Pays-Bas.
Malgré une faible présence marocaine en Suisse, le Comité
lausannois est surtout composé de professeurs d'université et de
citoyens suisses. Ces derniers proviennent de Lausanne même,
Genève, Neuchâtel et Zürich. Appuyé par des avocats,
le CCRM de Lausanne se consacrera à dénoncer la répression
politique au Maroc, à informer sur les revendications populaires au
Maroc et à saisir les organisations internationales siégeant
à Genève. Le Comité de Lausanne était en
étroite relation avec le Comité de Grenoble. Il participera
activement à la coordination des CLCRM de Strasbourg en 1985 comme nous
le verrons plus loin.
D'octobre 1978 à mars 1979, le Comité lillois a
mené une campagne en faveur du Comité de Défense des
Etudiants Etrangers252. Ce comité avait décidé
de bloquer les inscriptions à l'Université de Lille pour
protester contre les arrêtés d'expulsion. Le CCRM de Lille a aussi
dressé une commission qui étudie les conditions de vie et de
recrutement des mineurs marocains travaillant dans les charbonnages du Nord.
Des contacts réguliers se maintiennent avec la section lilloise de
l'UNEM et ce dernier prend 10 abonnements au bulletin du Comité.
Contrairement à Angers, les membres du CCRM de Lille ne parvenaient pas
à se réunir régulièrement. Le Comité
rapportait, accessoirement, une anecdote selon laquelle la chienne d'Hassan II*
malade avait été transportée par avion à Nice pour
y être opérée. L'animal était escorté d'un
colonel...
Durant la troisième coordination des CLCRM qui s'est
tenue les 25 et 26 octobre 1980 à Charleroi253, le
Comité carolorégien a participé avec Paris, Lille et Dijon
à une collecte avec le soutien supplémentaire d'une organisation
néerlandaise « la Campagne épiscopale de Carême
». La recette était déposée sur un compte ouvert
depuis 1976, et destinée uniquement à la solidarité
financière à l'égard des prisonniers et de leurs familles.
A cette occasion, les sommes reçues sont destinées : aux
bibliothèques des
251 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Lausanne daté du 19 avril 1978.
252 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Lilles d'octobre 1978 à mars 1979.
253 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Rapport de la
coordination de l'ASCLCRM des 25 et 26 octobre 1980.
82
prisonniers politiques, pour un montant de 11.500 florins,
soit 24.381 FF. La coordination des Comités a demandé à
l'AMDH (censurée au Maroc) de fixer l'inventaire des besoins en revues,
ouvrages, matériel
pédagogique, appareils audio-visuels et cours par
correspondance, destinés aux prisonniers politiques et à leurs
familles, pour un montant de 33.000 florins, soit 69.381 FF. La coordination
des CLCRM a décidé d'envoyer 100 FF par mois, pendant douze mois
à 50 prisonniers que les CLCRM estimaient être les plus
démunis.
Entre septembre 1981 et janvier 1982, le Comité lillois
a organisé, en association avec l'UNEM, la Ligue des Droits de l'Homme
et le Collectif Français-Immigrés de Villeneuve-d'Ascq, une
conférence sur la situation économique, sociale et politique au
Maroc. Cette conférence à laquelle ont assisté près
de 110 personnes a été suivie de l'envoi de cartes postales au
Consulat du Maroc pour réclamer la libération des détenus
politiques254. Par ailleurs, une manifestation organisée par
l'UNEM le 16 décembre 1981 a abouti à l'occupation des locaux du
Consulat pendant trois heures. Cette manifestation faisait suite à
l'occupation de l'ambassade du Maroc par une septantaine d'étudiants de
l'UNEM, laquelle eut lieu à Bruxelles le 6 mars 1980255.
A Grenoble256, le CCRM a présenté aux
représentants du comité de Paris ses actions pour l'année
1978 jusqu'au mois de juin 1979. Parmi les activités accomplies, le CCRM
grenoblois a participé à un meeting de soutien aux
insurgés de Gafsa (ville située au Sud de la Tunisie). Le
Comité a participé à une table de presse sur le campus
universitaire, aux distributions d'un tract dénonçant le
caractère « gaussé » d'une exposition sur le Haut Atlas
au Musée de la ville. Le Comité de Grenoble s'est associé
au Comité de Dijon à propos d'un colloque sur
l'impérialisme, au cours duquel le CCRM grenoblois a
présenté un exposé sur l'impérialisme exercé
par la France sur les pays du Tiers-Monde. Néanmoins, le Comité a
cherché à créer le débat lors d'une
conférence à propos du poète militant Abdellatif
Laâbi*. Ce débat devait permettre une confrontation entre les
Marocains toutes tendances politiques confondues, mais ne fut pas un
succès. Alors que le Comité cherchait à réunir les
différents points de vue des Marocains, il signalait un ralentissement
voire une cassure du travail à cause de la majorité des partisans
communistes du PPS, de l'UNEM et de l'USFP à propos de l'affaire du
Sahara, d'une part, et, d'autre part, à cause des sympathisants
d'Ilal Amam et du 23 Mars qui n'auraient pas encouragé la bonne
marche du débat. Ailleurs qu'à Bruxelles aussi, les tensions
entre les différentes tendances politiques marocaines étaient
perceptibles ; en outre, le CCRM de Grenoble redoutait fortement les membres
« passagers » en son sein et doublait sa vigilance à
l'égard des auditeurs marocains.
254 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Lille entre septembre 1981 et janvier
1982.
255 Le Drapeau rouge du 7 mars 1980.
256 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Grenoble des 17 et 18 mars 1979.
83
En mars 1981, le CCRM de Rouen participe à la
réalisation de la BD de « Rahal » en organisant une collecte
de fonds257. Cette collecte devait aussi permettre, quatre mois plus
tard, l'impression d'une brochure intitulée « Casablanca juin 1981
» en collaboration avec Paris. Déjà, deux ans plus
tôt, le Comité de Rouen a émis le constat suivant : «
le travail doit se développer avec la participation du plus grand
nombre de Marocains258». En outre, le Comité de
Rouen a participé activement au moussem qu'organisent les
associations des travailleurs marocains en Europe en mai 1981.
Un appel à une coordination des CLCRM pour le
28 et 29 mars 1981.
Appel proposé par le Comité de
Rouen259
257 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Compte-rendu de
la coordination des CLCRM passée à Rouen les 28 et 29 mars
1981.
258 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Rouen en mars 1979.
259 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Appel d'une
coordination proposé par le CLCRM de Rouen daté du 11
février 1981.
84
Retour sur le Comité de Dijon. En effet, alors que le
colloque sur l'impérialisme avait été un succès, le
CCRM dijonnais a pris connaissance du fait qu'une Foire Gastronomique allait se
tenir dans la ville260. Au même moment éclatait les
émeutes à Casablanca et le Comité n'a pas manqué
d'envoyer un télégramme au ministre des Affaires
Extérieures Claude Cheysson261. Cette foire était
organisée par les instances officielles marocaines, et, par deux fois, a
été annulée. La première avait eu lieu à
Caen et la seconde à Rouen. Ces deux villes disposaient d'une section
locale du CCRM, mais l'ambassadeur marocain cherchait à avoir le soutien
de la mairie et des commerçants locaux pour l'organisation de la foire.
Qui plus est, l'ambassadeur cherchait à jumeler la ville avec
Meknès. Alerté, le CCRM dijonnais a lancé un appel qui fut
rejoint entre autres par : l'AMF, Artisans du Monde, Libre Pensée, le
Parti Communiste Français (PCF), le Parti Socialiste Français, le
Parti Socialiste Unifié (PSU), l'UNEM et le Club Solidarité
Carnot. Ce collectif a organisé derechef un meeting auquel
participèrent un membre d'une délégation de
l'Internationale Socialiste au Maroc et Christine Jouvin Daure-Serfaty*. Le
bilan de ce meeting sensibilisa le public et la Foire Gastronomique ne put se
tenir.
A Brest262, le Comité a participé
entre avril et septembre 1982 à la présentation d'un montage
d'une interview d'Hassan II*. Le CCRM a organisé une soirée avec
projection du film « l'Attentat » et essayait de tenir une table de
presse hebdomadaire régulière.
Le Comité strasbourgeois a tenu un programme
d'activités intense entre janvier et juin 1982263. Du 14 au
25 janvier, le Comité a distribué un dépliant
intitulé « le Maroc touristique » à l'occasion de la
projection du film « L'envoûtement du Sud marocain ». Le
1er février, le Comité organise une rencontre avec
l'Association Catholique pour l'Abolition de la Torture (ACAT) et envoie un
communiqué à trois journaux alsaciens264
dénonçant la visite d'Hassan II* en France. Le 12 février,
le Comité organise une soirée culturelle où sont
invités des chanteurs marocains et turcs. Le 23 février, le
Comité fut convié à exposer la situation du Maroc dans le
cadre de la semaine panafricaine qui traitait du thème des Droits de
l'Homme en Afrique. Le 2 mars, le Comité a participé à un
meeting avec des représentants de l'USFP à propos de
l'arrestation du secrétaire général du parti Abderrahim
Bouabid*. Une table de vente a été aménagée et le
CCRM a fait une intervention sur les derniers évènements en
rapport avec la répression. Du 4 avril au 22 juin, le Comité a
organisé un concert pour le groupe marocain Nass El
Ghiwane265 et a distribué des tracts avec la section locale
de l'UNEM. Le CCRM a exposé plusieurs panneaux et a procuré des
informations dans le cadre d'une interview donnée à une
étudiante en journalisme à l'Institut
260 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes :
Communiqué : Foire gastronomique de Dijon - Une action unitaire
réussie du 21 novembre 1981.
261 Claude Cheysson (1920-2012) fut un haut fonctionnaire et
homme politique français. Il a été commissaire
européen chargé des relations avec les pays en voie de
développement (1973-1981) et ministre des Relations extérieures
(1981-1984).
262 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Brest daté de 1982-1983.
263 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du CLCRM de Strasbourg daté du 22 juin 1982.
264 Ces journaux sont : Les Dernières Nouvelles
d'Alsace, Le Nouvel Alsacien, L'Alsace.
265 Nass El Ghiwane fut l'un des groupes musicaux les plus
importants au Maroc. Ce groupe musicale est né à la fin des
années 1960 et puisait dans les répertoires populaires avec un
intérêt de l'actualité sociale et politique marocaine.
85
Universitaire Technologique de la ville sur la situation
politique au Maroc. Enfin, une fois par semaine, un membre du Comité a
diffusé sur Radio Bienvenue (radio libre de Strasbourg) les
dernières informations en rapport avec la répression au Maroc.
A Amsterdam, le Comité local et le KMAN étaient
intimement liés. Entre le 21 juin 1980 et le 6 janvier
1982266, les deux associations ont fait des communiqués de
presse concernant les événements de Casablanca. Le 25 juin, le
Comité a organisé une manifestation de protestation devant
l'ambassade marocaine à La Haye et a remis à l'ambassadeur une
pétition appuyée par la Fédération des Syndicats
Hollandais (FNV) et les Syndicats Nationaux Chrétiens (CNV). Trois jours
plus tard, une nouvelle manifestation a été organisée et a
réuni 900 personnes. Fort de ce succès, le CCRM d'Amsterdam a
réuni plusieurs représentants des organisations syndicales,
politiques et ecclésiastiques de tout le pays. Au niveau local, le CCRM
d'Amsterdam collabore avec la section locale du KMAN d'Eindhoven et
l'association humanitaire Emmaüs. Ensemble, ils dénoncent les
activités des Amicales à Maastricht, notamment l'agression au
couteau commise par leur président et ses collaborateurs à
l'égard de certains militants du KMAN. Les organisations syndicales
néerlandaises proches du CCRM d'Amsterdam, ont organisé à
Rotterdam une soirée suivie d'une table ronde avec des
représentants d'Amnesty International.
Les CLCRM en Europe cherchent le plus possible à
investir l'espace public, s'agissant de la répression politique au
Maroc. Cet investissement se caractérise par des distributions publiques
de tracts, ainsi que par une implication dans l'enceinte universitaire
où, d'une part, les CLCRM défendent les droits des
étudiants étrangers et, d'autre part, ils sensibilisent les
étudiants du campus sur la vie politique au Maroc sous une perspective
d'une solidarité internationale. Par ailleurs, les CLCRM distribuent
leur bulletin d'information dans des librairies et travaillent à gagner
l'opinion publique en leur faveur par des interventions radiophoniques sur la
répression politique au Maroc. L'examen de ces premières
coordinations permet d'affirmer que les CLCRM ont parfois maille à
partir avec les problèmes internes des mouvements associatifs
marocains.
La coordination des CLCRM organisée à Rouen
établissait une meilleure disposition des travaux des sections locales,
dressait les premières recettes et harmonisait le plus possible le
fonctionnement entre les CLCRM. A l'issue des activités portées
par les CLCRM en Europe, une nouvelle association née des CLCRM voyait
le jour en France durant les deux premières coordinations
européennes267: l'Association des Parents et Amis des
Disparus au Maroc (APADM). Cette association va compléter le travail des
CLCRM en dressant des listes des victimes collatérales de la
répression au Maroc, tout en centralisant davantage les listes des
détenus dressées par les CLCRM. Ainsi, l'APADM publiait un
premier communiqué daté d'août 1983. Ce communiqué
fut signé par 97 détenus politiques de la prison centrale de
Kénitra. Ces détenus du groupe « 83 » étaient
pour la plupart des juges, des avocats, des journalistes dont certains
appartenaient à l'USFP et l'AMDH. Ce communiqué : «
appelle l'ensemble des
266 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Bilan des
activités du KMAN et du CLCRM d'Amsterdam du 7 janvier 1982.
267 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°378, APADM - Communiqués : Communiqué de l'APADM du 15
mai 1983.
86
organisations démocratiques et l'opinion publique
humanitaire à exprimer sa solidarité et son soutien à ces
familles pour obtenir des éclaircissements sur le sort
réservé à leurs enfants disparus depuis plus de six mois
et obtenir leur délivrance des lieux de détention secrète,
à savoir les griffes de la répression et des contraintes
inhumaines268. »
Pendant la coordination des 24 et 25 octobre 1982 qui s'est
déroulée à Paris269, le comité central
a
demandé à chaque comité actif de lui
fournir une liste de personnes susceptibles de s'abonner. Le Comité de
Paris signale la condamnation de 21 détenus en janvier 1982. Une
libération est signalée, celle d'Hakima Nagi (détenue
alors enceinte) contrairement au détenu Seghir qui aurait dû
sortir avec un groupe de détenus de la prison de Meknès mais qui
a finalement été transféré à la prison de
Kénitra. Par contre, au pénitencier de Settat, les lycéens
déclenchent une grève de la faim. Le CLCRM de Paris prend
connaissance, entre temps, d'un voyage du Président François
Mitterrand* au Maroc270. Les informations sur les détenus
filtrent au compte- goutte271. La date du voyage est encore
imprécise et laisse espérer une campagne de libération des
détenus politiques. Paris propose plusieurs actions parmi lesquelles :
une demande d'entrevue d'une délégation des avocats qui sont
allés au Maroc dans le cadre des deux missions juridiques
organisées en 1979 et 1981, le lancement d'une pétition, que
chaque comité enverrait le plus rapidement possible à
l'Elysée et à l'Ambassadeur du Maroc en France. La
priorité, pour cette pétition, sera de rechercher des signatures
de personnes connues.
Le 22 mai 1982272, le Comité de Paris prend
conscience des problèmes de communication existant entre les
différentes sections des CLCRM dans le reste de l'Europe. Paris
envisage, dès lors, d'adresser une « Lettre du Comité de
Paris aux autres comités » chaque mois avec l'envoi du bulletin
d'information. La circulation des informations se fait alors par trois moyens :
par l'utilisation exceptionnelle d'un numéro de téléphone
en utilisant l'organigramme « d'urgence » que le Comité
lillois a envoyé à chaque comité et qui permet ainsi une
liaison rapide ; ensuite, par l'utilisation plus habituelle du
répondeur-enregistreur. Ce système permet de recevoir les
dernières nouvelles sur la répression au Maroc, de
connaître les activités des comités et d'enregistrer les
messages relevés deux fois par jour. Le troisième moyen
réside dans les informations échangées entre les
différents comités qui complètent le service
répondeur-enregistreur.
Depuis 1979, les comités de Lille, Paris, Dijon, Rouen,
Caen et Angers ont suivi les grandes lignes de la politique marocaine en
observant : les accords de Paix intervenus le 5 août 1979, entre la
Mauritanie et le POLISARIO, la visite d'une commission sénatoriale
américaine dans les territoires occupés par le Maroc au Sahara
occidental et le bilan politique de la gauche marocaine où le PPS est de
plus en plus isolé devant l'USFP qui se présente comme la seule
alternative gouvernementale au Maroc. Quant à
268 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°378, APADM - Communiqués : Communiqué des 97
détenus politiques de la prison centrale de Kénitra daté
d'août 1983.
269 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Pétition
proposé par le CLCRM de Paris lors de la coordination de Paris des 24 et
25 octobre 1982.
270 Idem
271 Cette situation empêcha le CCRM de Bruxelles de pouvoir
publier son bulletin d'information.
272 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, Les CLCRM - Coordinations européennes : Proposition de
Paris aux sections locales des CLCRM d'amélioration de la communication
des informations datée du 22 mai 1982.
87
l'UNEM, elle tenait son XVIe Congrès entre le 31
août et le 5 septembre 1979 et peinait à se relever des troubles
internes. Ainsi, les CLCRM et quelques partis de la gauche marocaine (USFP,
Ilal Amam, 23 Mars et l'UNEM) ont convenu de maintenir la
collaboration mutuelle là où les comités
représentent un lieu de rencontre entre toutes les organisations
marocaines. Les CLCRM ne font pas d'exclusivité dans leur soutien aux
organisations politiques marocaines d'opposition. Les comités
maintiennent la nécessité d'élargir le soutien à la
lutte du peuple marocain, à toutes les forces progressistes dans le
monde, et le besoin d'une alliance de toutes les forces marocaines d'opposition
contre la répression.
Les différents bilans des CLCRM envoyés à
Paris ont permis une synthèse des travaux des comités reprise
dans une commission interne aux CLCRM. Cette commission établit les
conditions pour être agréé CLCRM. Les conditions sont les
suivantes273:
- Avoir accepté la plateforme des CLCRM ;
- Avoir engagé des activités localement
;
- Avoir reçu la visite ou la caution morale
d'un CLCRM déjà existant ;
- Verser une cotisation annuelle d'un minimum de
100 Frs ;
- Chaque membre doit verser une cotisation au
comité local d'un montant à définir par chaque
comité.
|
Les conditions d'adhésion aux CLCRM exigent, en plus,
un maintien des activités locales, un versement de la cotisation et une
présence au moins à une coordination dans l'année. Les
conditions de participation à une coordination établissent qu'un
membre doit faire partie d'un comité reconnu et que, s'il vient pour la
première fois à une coordination, le membre doit être
mandaté par écrit par son comité. La participation
à une première coordination se fait à titre d'observateur
; par la suite, la participation est plénière.
La commission du travail était suivie d'une commission
matérielle. Cette commission faisait état de la vente de la BD de
« Rahal », des bulletins d'information et des tirages des brochures.
Au début de l'année 1983, les comités de Bruxelles, de
Charleroi, de Lille, de Rouen, d'Amsterdam et de Paris ont rendu compte de leur
recette274:
Bruxelles 24648
Charleroi 9148
273 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°402, ASCLCRM - Communiqués : Synthèse du travail des
CLCRM. La commission de fonctionnement datée de 1982-1983.
274 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°402, ASCLCRM - Communiqués : Synthèse du travail des
CLCRM. La commission matérielle datée de 1982-1983.
Lille
|
3542
|
Rouen
|
1473
|
Hollande
|
7457
|
Paris
|
7000
|
Total 53268 Fr
88
Cette recette va servir, en partie, à financer la mission
médicale Brutsaert partie de Belgique au Maroc durant le mois de
septembre 1984.
b.3.5 La mission médicale Brutsaert-Moulaert et
le Groupe « 84 » de Marrakech : 1984
Après les émeutes du 21 juin 1981, le Maroc va
être secoué par de nouveaux mouvements de grève
d'étudiants dans tout le pays. Ces grèves, suivies d'importantes
manifestations dans tout le Nord du pays, témoignent d'un
désespoir grandissant au sein de la jeunesse marocaine qui souffre d'un
taux de chômage énorme.
Depuis la visite du président François
Mitterrand* le 29 janvier 1983, le phénomène des «
diplômés chômeurs » ne cesse de prendre une allure
inquiétante275. Ces universitaires sans emploi grossissent le
rang des désoeuvrés sociaux et organisent chaque année une
manifestation exigeant un travail digne de leur qualification. Par ailleurs,
cette fracture systématique entre les secteurs de l'enseignement et
l'emploi est symptomatique de la nature même du système politique
marocain. En effet, les meilleurs postes sont réservés aux
familles makhzéniennes les plus influentes du pays276.
Le régime cherche à casser le mouvement
étudiant et ira même jusqu'à interdire certains cursus
universitaires comme en témoigne l'exemple de la fermeture de la
Faculté de Sociologie d'Abdelkébir Khatibi et Paul Pascon depuis
1968277. La répression à l'encontre des
étudiants se traduit par la mise en place d'une police spéciale
chargée de surveiller les activités de ces derniers : les «
AWAKS ». Cette police des universités patrouillait
régulièrement dans les enceintes universitaires et allait
même jusqu'à investir les auditoires dans le but de surveiller le
contenu des cours dispensés278.
Les années 1980 marquent aussi, au Maroc, l'apparition
des mouvements islamistes dans l'espace public. Le phénomène
islamiste puisera progressivement sa légitimité parmi les
catégories sociales les plus démunies, au moment où la
gauche marocaine sonne son ralliement à la monarchie. Si ce
ralliement
275 M. BADIMON EMPERADOR, Diplômés
chômeurs au Maroc : dynamiques de pérennisation d'une action
collective plurielle, in L'Année du Maghreb, N°3, 2007, pp.
297-311.
276 P. VERMEREN, De quels ingénieurs parle-t-on ?
Situation et trajectoires des ingénieurs des grandes écoles. Le
cas du Maroc, in Revue des Mondes Musulmans et de la
Méditerranée, N°101-102, 2003, pp. 247-264.
277 P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l'indépendance,
op. cit., p. 62.
278 UNEM section Bruxelles-Charleroi, Dossier Syndical,
op. cit., p. 30.
89
pouvait se caractériser par l'adhésion au «
consensus national » qui oblige l'acceptation inconditionnelle des statuts
sacrés de la monarchie, de l'Islam comme religion d'Etat et de la
marocanité du Sahara occidental, il n'était pas rare non plus que
des opposants et des détenus politiques adressent et signent une
lettre-type au roi demandant sa grâce. Ces lettres d'amnistie
étaient parfois reproduites telles quelles par la presse
marocaine279.
« Majesté, que Dieu perpétue Votre
règne et le glorifie. Nous adressons notre présente lettre
à l'Auguste Personne de Votre Majesté dans l'espoir de
bénéficier de Sa généreuse grâce, Sa
magnanimité et Sa bienveillance paternelle.(...) Depuis le jour
où le combat de la Glorieuse Famille Royale Alaouite a été
couronné par l'indépendance du pays, Mohamed V, que Dieu l'ait
dans Sa Sainte Miséricorde, a opté pour le régime de la
monarchie constitutionnelle. Votre Majesté a suivi ce chemin et a eu le
mérite de concrétiser une conception philosophique,
déterminer le cadre constitutionnel pour l'instauration de la
démocratie dans la société marocaine et de veiller sur sa
continuité et sa stabilité. (...) Lorsque furent réunies
les conditions historiques pour la récupération du Sahara, le
génie politique de Votre Majesté s'est manifesté par
l'idée de la Marche Verte, resteront liées à l'Auguste
Personne de Votre Majesté dans la mémoire de toutes les
générations de Votre peuple et témoigneront à
jamais de Votre génie. »
L'année 1984 marque une montée vertigineuse des
grèves de la faim. Ces événements sociaux sont
essentiellement dus aux contrecoups de la politique libérale
entamée depuis 1977. La jeunesse ne cesse de manifester son
mécontentement au régime à Marrakech, à
Tétouan, à Nador et dans tout le Rif entre le 4 et le 19 janvier
1984. Les CLCRM de France ont relevé près de 2000 arrestations
entre le 19 et le 21 janvier. Les arrestations ont principalement visé
des avocats, des lycéens et des enseignants. Ces arrestations sont
signalées dans les villes suivantes280:
Marrakech
|
900 arrestations
|
Nador
|
500 arrestations
|
Fès
|
300 arrestations
|
Agadir
|
250 arrestations
|
Beni Mellal
|
100 arrestations
|
279 G. PERRAULT, op. cit., pp. 318-319.
280Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM section Bruxelles, janvier-février, 1984, p. 6.
90
Ces chiffres des CLCRM contrastent fortement avec ceux
donnés par certains partis politiques marocains tels : l'USFP qui
annonce une centaine d'arrestations parmi les lycéens de la jeunesse
USFP, le PPS qui annonce des dizaines d'arrestations dont deux membres de son
comité central et l'OADP qui annonce seulement 24 arrestations dans ses
rangs281.
Dans son discours du 22 janvier 1984, Hassan II* prend un ton
particulièrement ferme envers les manifestants en leur imputant
l'entière responsabilité des troubles sociaux : « En
vérité, il y a lieu d'imputer cet état des choses soit aux
enfants, soit à un ramassis de truands. Ceux-ci se trouvent à
Nador, à Al Hoceima, à Tétouan, à Ksar
Kébir. Ces truands désoeuvrés qui vivent de la contrebande
et du pillage et qui ont utilisé à Marrakech, comme c'est le cas
pour tous les perturbateurs, les enfants qu'ils ont placés au- devant
des manifestations sachant qu'il est difficile pour la police de s'attaquer
à eux. On peut vous annoncer que ces truands ont été
emprisonnés. De leur côté, les enfants, étudiants et
élèves doivent savoir que c'est à cause d'eux que le
coût de la vie a augmenté. (...) Je m'adresse à ces jeunes
enfants qui sont manipulés par les autres pour leur dire qu'ils cessent
de se livrer au petit jeu. D'ailleurs, l'ordre a été donné
pour qu'ils soient sanctionnés au même titre que les adultes. Je
dis également aux enseignants qu'ils sont connus et que ce sont eux qui
entendent déclencher la grève et manifester dans la rue. Parmi
les professeurs nombreux sont ceux qui ont été renvoyés et
ont ensuite réintégré leurs postes. Certains d'entre eux
ont regagné leur poste en dépit des peines de prison qu'ils ont
regretté leurs actes, nous avons décidé alors leur
réintégration. Les enseignants doivent savoir qu'à
l'avenir, ils seront sanctionnés selon les dispositions de la loi en
vigueur sous le Protectorat et reconduites à l'Indépendance.
Quiconque répandrait des rumeurs mensongères ou commettrait des
actions de nature à troubler l'ordre public sera
sévèrement sanctionné282».
La révolte sociale enflamme le pays, au moment
où Roland Dumas283, alors chargé des relations
européennes, s'est rendu en visite officielle au Maroc les 10 et 11
août 1984, afin de confirmer au monarque que la France défendrait
les intérêts du Maroc au sein de la CEE dans le cas de
l'élargissement de la communauté à l'Espagne et au
Portugal. Deux jours plus tard, Hassan II* et le Colonel Mouammar Kadhafi
signent le traité d'Oujda qui préconise une union
approuvée à « 99,7 % par le peuple marocain et à
l'unanimité par le Congrès du peuple libyen». Cependant, les
détenus politiques de la prison centrale de Kénitra
dénonçaient leurs conditions et marquaient leurs
solidarités envers 300 étudiants arrêtés à
Oujda284.
Le CCRM de Bruxelles a pris, entre-temps, connaissance de
plusieurs groupes de jeunes détenus dans les prisons de Marrakech, Safi
et Essaouira : il s'agit du groupe « 84 ». A l'inverse des groupes
précédents de détenu, ce groupe relevait d'une
particularité dans la mesure où tous ses membres étaient
âgés, au moment des faits, de 20 à 29 ans. Le groupe «
84 » ne comprenait pas, en son sein, d'éléments
281 Maroc Répression, cit, p. 4.
282 Jeune Afrique du 1er février 1984.
283 Roland Dumas (né en 1922), est un avocat et homme
politique français. Proche de François Mitterrand, il a
été notamment ministre des Relations extérieures de 1984
à 1986 et des Affaires étrangères de 1988 à 1993.
Il a ensuite présidé le Conseil constitutionnel de 1995 à
2000.
284 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, juillet-août, 1984, pp. 3-10.
91
ayant déjà un important passé politique
ou syndical. Le 1er mai 1984 marquait le soutien d'un rare courage des
mères des détenus du groupe « 84 » qui sont sorties
manifester pour exiger la libération de leurs enfants à
Marrakech.
Le bulletin du CLCRM de septembre 1984 publiait aussi le
verdict des premiers procès contre 71 islamistes, dont le fameux
procès dit des « islamiques » qui eut lieu entre le 30 et le
31 juillet 1984 : 13 peines capitales (dont 7 par contumace), 34 peines
à perpétuité (dont 13 par contumace), 8 peines de 20 ans
de prison, 9 peines de 10 ans de prison et 7 peines de 4 ans de prison. Suivant
le verdict de ce procès, les CLCRM signalaient de nombreux licenciements
dans les secteurs privé et public.
Ainsi, depuis le 7 mai 1984285, 460 ouvriers de
l'usine Berliet-Maroc ont été licenciés. Les travailleurs
accusaient la direction d'avoir monté de faux dossiers pour
accréditer la thèse de la fermeture de l'usine et d'avoir mis les
460 ouvriers au chômage sans préavis, ni indemnités. 120
ouvriers de la Société Chérifienne d'Electricité
à Casablanca ont été expulsés alors que 140
ouvriers de l'Africaine de
Construction Métallique réclamaient la
réouverture de l'usine fermée depuis le 1er juillet
1983. A Tétouan, la Société de Textile TICSNOR a
expulsé 120 ouvriers et a fermé ses portes le 12 avril 1984.
Cette mesure a provoqué la colère des travailleurs qui ont
occupé l'usine, mais très vite ils en furent
délogés par les forces de l'ordre. Le 31 mai, les employés
du grand Hôtel Nfis à Marrakech ont mené une journée
de grève de solidarité avec une employée expulsée
arbitrairement. En guise de réponse à leur revendication, le
patron de l'établissement a renvoyé 55 travailleurs.
Plus tard, le 2 août 1984286, 133
travailleurs ont été licenciés à la suite de la
fermeture de la société coopérative agricole SECAM
à Kénitra. 137 ouvriers de l'usine d'emballage A.B.C. d'Agadir
ont été licenciés, sans préavis, ni
indemnités, alors que le personnel de l'Office Chérifien des
Exportations a dénoncé la décision de mettre le secteur de
la conserverie entre les mains de sociétés privées. 1700
infirmières de la Santé Publique n'ont pas été
rémunérées depuis juillet 1983 alors que 2000 autres ont
été licenciées. Les droits syndicaux sont de plus en plus
grignotés comme en témoigne le cas des ouvriers des boulangeries
à Nador qui travaillent jusqu'à 16 heures par jour. Comme en
1977, le monarque organise des élections législatives le 14
septembre 1984. Ces élections se déroulent alors que le pays est
économiquement au bord de la faillite et est socialement très
agité. Ilal Amam, principal mouvement de la gauche
opposé à Hassan II*, signalait 2000 prisonniers politiques dans
tout le Maroc287. Alors que le Comité bruxellois relayait ces
chiffres de licenciement établis par Paris, un communiqué de
presse qui avait appelé à une manifestation de solidarité
organisée à Bruxelles le 29 janvier 1984 : « Suite
à la répression sanglante du mouvement social au Maroc, la
manifestation organisée en quatre jours par le Comité Contre la
Répression au Maroc a réuni ce 29 janvier dans le centre de
Bruxelles de 3000
285 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, septembre, mars-avril, 1985, pp. 2-5.
286 Maroc Répression, cit., p. 6.
287 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué de l'organisation Ilal Amam à propos des derniers
développements dans les prisons au Maroc, daté du 7 septembre
1984.
92
à 4000 travailleurs marocains de toutes opinions,
soutenus par des Belges. La manifestation a prouvé que l'immense
majorité de l'opinion marocaine en Belgique est foncièrement
hostile au régime dictatorial et sanguinaire qui sévit au Maroc.
Le C.C.R.M. rappelle que si les manifestations populaires ont cessé, la
répression continue selon les méthodes habituelles -
enlèvements, tortures, procès expéditifs - d'autant plus
furieusement que l'information internationale est
empêchée288».
Manifestation organisée par le CCRM de
Bruxelles. Bruxelles, le 29 janvier 1984289
Le 30 août 1984, le président du PCB-KPB Louis
Van Geyt*, appuyé par le président de la FGTB André Van
den Broucke* et le sénateur Yves de Wasseige*, avait envoyé une
lettre à Léo Tindemans* devenu ministre des Affaires
Etrangères après sa primature ministérielle.
Au-delà de leur appartenance commune au CCRM de Bruxelles, le
président du PCB met le ministre devant ses responsabilités :
« La mort de deux étudiants qui faisaient la grève de la
faim depuis le 4 juillet avec plusieurs dizaines d'autres détenus
politiques emprisonnés au Maroc suscite une émotion d'autant plus
vive que de nouveaux décès sont à craindre. Les relations
que notre pays entretient avec le Maroc et les liens créés par la
présence d'une importante communauté marocaine en Belgique
m'amènent à vous demander d'intervenir auprès du
288 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°77, Correspondance générale pour l'année 1984 :
Communiqué du CCRM de Bruxelles daté du 29 janvier 1984.
289 Photo de la manifestation organisée par le CCRM de
Bruxelles en faveur des victimes des arrestations au Maroc, in Maroc : un
trône qui tremble sur ses bases, Publication de la Ligue
Anti-Impérialiste, Bruxelles, février 1986, p. 27.
93
gouvernement de Rabat pour que l'on reconnaisse à
ces jeunes gens arrêtés à la suite des émeutes de la
faim de janvier dernier le statut et les droits généralement
reconnus aux prisonniers politiques et qu'ils puissent ainsi mettre fin
à leur mouvement290. » Léo Tindemans*
répondait qu'il continuait à « suivre avec une
très grande attention l'évolution de cette affaire » et
d'ajouter : « Notre Ambassade à Rabat a du reste
été chargée de me tenir régulièrement
informé des développements de celle-ci291.
»
Au Maroc, les principales revendications des jeunes du groupe
« 84 » étaient292: l'amélioration des
conditions de détention par l'arrêt des tortures et l'apport de
soins aux détenus torturés ou malades. Un droit pour les
étudiants incarcérés de poursuivre leurs études et
de passer leurs examens avec un droit d'accès aux journaux et aux
livres, et une suppression des restrictions au droit de visite accordé
aux familles des détenus.
Pendant les préparatifs de la mission médicale,
le CCRM de Bruxelles a contacté plusieurs communes bruxelloise en vue
d'organiser une collecte publique en faveur du groupe « 84 ». Cette
collecte devait compléter les recettes obtenues depuis 1983. Seules les
communes de Bruxelles-Ville, Saint-Josse- Ten-Noode et Etterbeek ont
donné une suite favorable à la demande du CCRM de Bruxelles. Les
communes d'Anderlecht et de Molenbeek ont refusé d'accorder une
autorisation au CCRM en raison de la foire annuelle et du «
caractère nettement politique de l'activité projetée
», voire du risque « de distribution d'imprimés contenant des
offenses envers la personne d'un Souverain étranger
»293. La collecte a eu lieu les 15 et 16 septembre et a permis
au Comité de récolter un supplément de 15.100 FB de divers
souscripteurs, dont 10.000 FB de la CGSP secteur Enseignement de Bruxelles.
2400 FB ont directement été envoyés à 28
grévistes de la faim du groupe « 84 »294.
Les CLCRM de France ont de leur côté fait
écho au cas de ce groupe, ainsi, le journal Libération
du 3 septembre 1984 a consacré une page entière aux jeunes
du groupe « 84 ».
290 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°77, Correspondance générale pour l'année 1984 :
Lettre de Louis Van Geyt adressée à Léo Tindemans
datée du 30 août 1984.
291 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°77, Correspondance générale pour l'année 1984 :
Lettre de Léo Tindemans adressée à Pierre Le Grève
datée de septembre 1984.
292 L'UNEM : Dossier Syndical, Organe de presse de
l'UNEM section Bruxelles, Bruxelles, 26 septembre 1984, pp. 1-2.
293 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°77, Correspondance générale pour l'année 1984 :
Communiqué interne du CCRM de Bruxelles daté du 15 septembre
1984.
294 Idem
Les détenus du « groupe » 84. Les
deux principaux portraits représentent, de gauche à droite,
Moustapha Belhouari et Boubkeur Moulay Douraïdi tous deux morts d'une
grève de la faim les 28 et 29 août
1984295
94
295 Libération du 3 septembre 1984.
95
Demande d'une autorisation et recettes obtenues du
CCRM de Bruxelles d'une collecte publique en faveur
du groupe « 84 »296
La mission médicale a fait l'objet d'une minutieuse
préparation297. Les Docteurs Moulaert*et Brutsaert ont
introduit auprès de l'Ambassade du Maroc en Belgique une demande
officielle de visa avec comme demande : Mission professionnelle -
médicale et humanitaire. Une fois les visas accordés, les deux
médecins ont contacté la Ligue Belge pour la Défense des
Droits de l'Homme. Cette dernière a adressé quatre
télégrammes : le premier à l'Ambassade de Belgique, le
second au Ministère de la Justice, le troisième au
Ministère de la Santé et le quatrième au Ministère
de l'Intérieur à Rabat.
Il s'agit donc d'informer officiellement deux médecins
belges. La mission médicale a duré une semaine, du 12 au 19
septembre 1984. Une fois sur place, les deux médecins ont dressé
un plan de travail qui consiste à rencontrer les détenus et
grévistes de la faim dont treize personnes à l'Hôpital La
Mamounia à Marrakech, six à l'Hôpital Mohamed V à
Safi et neuf à l'Hôpital Sidi Mohamed Ben Abdallah à
296 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°77, Correspondance générale pour l'année 1984 :
Demande d'une autorisation suive des recettes du CCRM de Bruxelles d'une
collecte publique en faveur du groupe « 84 » datée du 18
septembre 1984.
297 L'UNEM : Dossier Syndical, Organe de presse de
l'UNEM section Bruxelles, Bruxelles, 26 septembre 1984, pp. 2-3.
96
Essaouira. Ensuite, les médecins belges ont
rencontré les médecins marocains responsables et
réanimateurs des trois hôpitaux mentionnés. Puis, une
rencontre avec les avocats des détenus et l'AMDH a été
effectuée pour, finalement, rencontrer les familles des
détenus.
Cependant, les médecins belges furent obligés de
rencontrer préalablement le pacha de Marrakech, le Gouverneur
(amil) de la région et le ministre de la Justice Moulay
Mustapha Belarbi Alaoui. Les médecins belges décrivaient leur
méthode de travail dans le rapport. Ainsi, ils confirmaient qu'ils
avaient retranscrit le plus fidèlement possible les actions et
conversations tenues avec les médecins marocains, les membres de l'AMDH
et les parents des détenus du groupe « 84 ». C'est suivant ce
plan de travail que les Docteurs Brutsaert et Moulaert* ont essayé de
réaliser leur mission ; néanmoins plusieurs obstacles ont
été signalés parmi lesquels298:
- L'impossibilité sur place d'obtenir
les autorisations officielles ;
- Des difficultés constantes à
établir des communications téléphoniques ou télex
avec l'Ambassade de Belgique ou les autorités marocaines
compétentes ;
- Une surveillance et des filatures
policières constantes dès l'arrivée des
médecins au Maroc ;
- Une priorité absolue de ne
compromettre qui que ce soit par la mission.
Dès le premier jour, le 12 septembre, les
médecins belges signalent des difficultés à obtenir les
autorisations officielles pour rencontrer les détenus dans les
hôpitaux, ainsi que des difficultés à obtenir des
communications avec l'ambassade et les autorités locales. Le lendemain
à 12h30, les médecins belges ont téléphoné
au Docteur (chirurgien-pédiatrique) El Kabach exerçant à
l'Hôpital La Mamounia. Un rendezvous fut fixé à 15h00, le
Docteur El Kabach reçut les deux médecins belges et leur
recommanda vivement de ne rien dire par téléphone et de ne pas
parler avec la Ligue des Droits de l'Homme. Bien que le Docteur El Kabach ait
cherché à rassurer les médecins belges, ces derniers ont
rappelé au médecin marocain que sur les 36 détenus
grévistes répartis dans les trois hôpitaux, deux
étaient morts des suites de cette grève de la faim. En plus, les
détenus étaient enchaînés sur leur lit
d'hôpital par des menottes et des liens aux pieds et qu'ils portaient des
trous de brûlures sur le corps. Ce dernier point a été
confirmé par les avocats des détenus. Après avoir entendu
ces informations, le Docteur El Kabach adopta un ton plus prudent : «
Je dépends du Ministère de la Santé. J'ai une double
responsabilité. Je suis médecin et fonctionnaire. Je ne veux pas
d'histoires ni avec la police, ni avec La Ligue des Droits de l'Homme.
(...)299».
Le vendredi 14 septembre300, les médecins
belges se sont rendus à l'Hôpital Mohamed V dans la ville de Safi
où étaient détenus neuf grévistes. C'est dans cet
hôpital qu'est décédé le 29 août 1984 un des
jeunes du groupe « 84 » : Mustapha Belhouari. Arrivés à
15h00, les médecins belges rencontrent le médecin responsable le
Docteur Chakib. Le Docteur Chakib cherche à dissuader les
médecins belges de se rendre à Essaouira, qui est l'ultime
destination de l'équipe médicale belge. Enfin, au grand
étonnement des
298 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, Rapport médical
sur les grévistes du groupe « 84 », Bruxelles, 19
septembre 1984, pp. 45. Interview de Colette Moulaert le 3 mai 2014.
299 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, cit., p. 7.
300 Idem
97
médecins belges, le Docteur Chakib nie le fait que
Mustapha Belhouari et Boubker Moulay Douraïdi soient morts d'une
grève de la faim.
Le samedi 15 septembre 1984, les médecins belges se
rendent à l'Hôpital Sidi Mohamed Ben Abdallah dans la ville
d'Essaouira après 4 heures de voyage en bus. A leur arrivée
à 10h00, une infirmière invite les médecins à
revenir le lundi car le médecin-directeur n'était pas là.
Les médecins belges se rendent alors au standard pour
téléphoner au médecin-chef. La réponse est
immédiate. Durant l'entretien téléphonique, le Docteur
Colette Moulaert* demande au médecin-chef de l'hôpital une
entrevue. Ce dernier refuse en prétextant qu'il n'a pas d'autorisation.
Une minute plus tard, le médecin-chef rappelle le standard, revient sur
sa décision et désire rencontrer les médecins belges. Ces
derniers rencontrent le médecin-chef inquiet, sinon paniqué. Se
voulant être rassurant, le médecin-chef affirme que « les
prisonniers vont très bien ». Le Docteur Colette Moulaert* demande
des explications sur les symptômes de diabète que
présentait un détenu. En effet, Jamal Benyoub avait un taux de
glycémie dépassant 200mg / %. Le Docteur marocain répond
qu'il ne s'agit pas de diabète mais « d'acétone de jeune !
». Le bref entretien se termine par la question cruciale sur les
circonstances du décès de Boubker Moulay Douraïdi et
Mustapha Belhouari. La réponse fut pareille à celles des deux
précédents médecins marocains : « Nous ne savons pas
! 301».
Entre le 18 et le 19 septembre 1984302, les
médecins belges ont rencontré un membre de
L'Association Marocaine des Droits de l'Homme (qui a
demandé qu'on ne cite pas son nom). Pendant cette rencontre, les
médecins belges ont appris que les deux morts des suites de la
grève de la faim ont refusé de manger, de prendre des
médicaments. Pour les détenus du groupe « 84 » qui ont
cessé la grève, ils recouvrent leur santé avec beaucoup de
difficultés, des séquelles, des paralysies des membres et des
troubles de la vue. Les médecins belges ont
téléphoné aux familles du groupe « 84 ».
Contrairement au cas des médecin-chefs des hôpitaux, un
rendez-vous est immédiatement obtenu. Les informations que les familles
des détenus ont fournies aux médecins belges contrastent
fortement avec les maigres renseignements obtenus des médecins
marocains.
Tout d'abord, les médecins belges ont appris que
l'Hôpital Sidi Mohamed Ben Abdallah à Essaouira ne dispose pas
d'un équipement sanitaire adéquat : la nourriture est très
mal adaptée et on ne prend pas la température des patients. Les
autorités ont, de plus, expulsé un médecin français
qui voulait s'occuper des grévistes. Ensuite, les Docteurs Brutsaert et
Moulaert*ont appris avec effroi que le Docteur Chakib, médecin-chef de
l'Hôpital Mohamed V à Safi, était aussi agent de la DST. Il
n'a donné aucun traitement avant le premier décès,
cependant qu'une équipe médicale comprenant le Docteur
Réda et le Docteur Moutawakil était venue de Casablanca et Rabat
pour donner des soins et transférer les détenus les plus faibles
vers Marrakech. Dans cette dernière ville, il apparait que le Docteur El
Kabach a maintenu une situation plus calme dans l'hôpital. Le
médecin restait en contact avec les détenus et les
301 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, cit., pp. 9-10.
302 P. BRUTSAERT et C. MOULAERT, cit., pp. 10-14.
98
familles. Dans l'hôpital, les policiers ne rentraient
pas dans les chambres mais demeuraient dans les couloirs et devant les
fenêtres.
Les médecins belges ont rencontré les parents
des deux grévistes morts. Le père de Mustapha Belhouari
témoigne des motifs et des sévices subis par son fils. Mustapha
Belhouari était président de l'UNEM, section Marrakech, et
recherché depuis 1981. Une dizaine de policiers font irruption dans le
foyer familial après les émeutes de janvier 1984. Après
avoir fouillé toute la maison, les policiers arrêtent le
frère de Mustapha, Abdallah, le torturent pour qu'il avoue où
s'était caché Mustapha. Le 23 janvier 1984, la police a
arrêté le père et la mère de Mustapha Belhouari ; il
a dû se rendre sous la menace de torturer ses parents. Entre le 23
janvier et le 29 mai 1984, Mustapha Belhouari a été
transféré au centre de détention Derb Moulay Cherif. Au
Derb Moulay Cherif, Mustapha a subi, pendant près de deux mois,
plusieurs tortures dont : les punaises dans les lèvres, les
électrodes dans les oreilles, l'anus et les testicules. Les
pièces seront ensuite chauffées à blanc. La suspension des
pieds de la victime en l'air sera suivie d'un viol par des animaux
entraînés à cet effet. La rencontre des médecins
belges avec les grévistes de la faim du groupe « 84 » de la
prison civile de Marrakech avait permis au CCRM de Bruxelles de dresser une
liste reprenant les noms, les professions et les condamnations des
grévistes303.
Après cette mission médicale, le CCRM de
Bruxelles avec l'aide de son réseau de s olidarité, publiera en
février 1986 un dossier complet dédié aux grèves
survenues en 1984. Ce dossier a été publié dans le
quatrième numéro de la Ligue Anti-Impérialiste ; il
reprend des extraits du rapport médical Brutsaert-Moulaert suivi des
témoignages et extraits de lettres des familles des détenus du
groupe « 84 »304. Hassan II* vivait sa
vingt-quatrième année de règne, la répression
politique aussi. A l'heure où le monarque organisait le mariage fastueux
de sa fille, la princesse Meriem, à Fès, le régime des
tortures s'intensifiait envers les détenus. Les procédures
restent forts similaires : rechercher le suspect, faire pression sur ce dernier
à travers ses proches, incarcérer le suspect qui devient
accusé et le torturer suivant son degré d'implication dans la
politique.
b.3.6 Du colloque des CLCRM organisé à
Paris, à l'affaire Albert Raes : 1985-1989
Le succès de la mission médicale
Brutsaert-Moulaert a permis la tenue d'une coordination entre le 6 et le 7
octobre 1984 à Amsterdam305. Cette coordination faisait le
point sur les informations relatives à la situation au Maroc et à
la situation interne des comités. Ainsi, le Comité parisien a
réitéré sa volonté de centraliser les informations
des comités locaux en vue de les diffuser dans la presse. Cependant, les
CLCRM signalaient la difficulté grandissante quant à la collecte
des informations au Maroc et à leur vérification. Dans un souci
d'efficacité, les CLCRM devaient envoyer une fiche supplémentaire
de renseignements à Paris. Cette fiche devait indiquer si une initiative
locale était prise par un CLCRM. Cette initiative relevait souvent d'un
projet de réunion, de meeting ou du lancement d'une pétition. Le
succès
303 Voir les annexes.
304 Voir les annexes.
305 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°405, les CLCRM - Communiqués de presse : Bilan de la
coordination des CLCRM tenue à Amsterdam daté du 8 octobre
1984.
99
des activités des CLCRM de la France, de Belgique et
des Pays-Bas a été aussi à l'origine de la création
d'un nouveau mouvement citoyen pour la défense des Droits de l'Homme. Il
s'agit de l'Association de Défense des Droits de l'Homme au Maroc
(ASHDOM)306. L'ASHDOM a été créée en
France durant l'année 1984 par des militants marocains en exil. Comme
l'APADM, elle publiait des rapports sur les atteintes aux droits de l'Homme au
Maroc et donnait ponctuellement toute information qui lui parvenait sur les
différentes formes de répression dont le régime marocain
était responsable. De son côté, le CCRM de Bruxelles
publiait dans « Maroc Répression » de janvier 1985 l'ensemble
des licenciements intervenus en 1984 en énonçant les conditions
déplorables subies par les ouvriers agricoles de la région de
Beni Mellal307. Ces derniers percevaient 300 dirhams (à peu
près 30 euros) par mois, travaillaient jusqu'à 10 heures par
jour, pouvaient être expulsés s'ils revendiquaient leurs droits et
étaient dirigés par un contremaître usant parfois de la
violence physique. Des grèves sont entamées par les
détenus de la prison civile de Tanger entre le 28 décembre 1984
et le 5 janvier 1985 pour protester contre leurs mauvaises conditions de
détention. Entre le 11 et le 18 janvier, 25 prisonniers politiques de la
prison de Laâlou à Rabat ont protesté contre les mesures
inhumaines subies dans les hôpitaux. Ces derniers ont été
menacés d'être privés de soins.
Parallèlement à ces faits, le bulletin
annonçait des rafles et enlèvements à l'encontre des
étudiants. Parmi ceux-ci, il y avait : Mustapha Trachli, instituteur
stagiaire, Anouar Jouhari, étudiant à la Faculté des
Lettres de Rabat, et Haydour Mellali qui était aussi étudiant
à la même faculté universitaire. Ces trois personnes furent
arrêtées le 14 janvier 1984. Le militant Sebbar est
condamné, à la suite des événements de janvier
1984, à 10 mois de prison. Sa peine purgée, il a subi de nouveaux
interrogatoires et a été présenté au Tribunal de
Tétouan le 12 décembre 1984. Sebbar a été
condamné à 30 ans d'emprisonnement par contumace alors qu'il
était détenu. Par ailleurs, le CCRM dénonçait
l'enlèvement de Mohamed Rafik depuis juin 1981. Ce dernier était
étudiant à Montpellier et responsable de la section locale de
l'UNEM. Sa soudaine libération révélait ses tortures
subies. Toutes ses dents sont cassées et il souffre de troubles de
mémoire dus à une blessure profonde à la tête.
D'autres libérations soudaines sont signalées, ainsi Lahbib
Ballouk et Fouad Abdelmoumni sont soudainement réapparus. Le premier,
disparu depuis 1973 et le second en 1976. Les CLCRM de France et de Bruxelles,
avec la collaboration de l'APADM, ont publié une lettre ouverte
écrite par la mère d'un étudiant marocain porté
disparu depuis le 2 février 1983 : « Monsieur le Ministre
(marocain de la Justice) J'ai l'honneur de vous rappeler que mon fils
NHILI Abderrazak, enlevé depuis le 2 février 1983, alors qu'il
n'était âgé que de 17 ans, est toujours disparu. Ainsi il
totalise 3 années de disparition. Je vous rappelle que nous
étions en contact avec lui pendant les premiers mois de sa
détention, alors qu'il était gardé à vue au
commissariat de police de Maarif à Casablanca, et nous avons appris
qu'il avait été conduit plus tard dans un autre centre de
détention secrète. Depuis lors, on est coupé
306 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°383, ASHDOM-CLCRM - Coordination : Rapport des activités des
CLCRM daté d'octobre et novembre 1984.
307 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, novembre-décembre, 1985, pp. 2-6.
100
de toute nouvelle le concernant, à part les rumeurs
qui laissent entendre qu'il est séquestré au centre de
détention secrète de Derb Moulay Cherif dans un état
inhumain308. »
Le 22 janvier 1986, la question de l'enseignement du culte
islamique est de nouveau l'objet d'une interpellation parlementaire en
Belgique. Jean-François Vaes (ECOLO) pose la question suivante à
André Damseaux (MR) alors ministre de l'Education Nationale sous le
sixième Gouvernement Martens (du 28 novembre 1985 au 19 octobre 1987) :
« (...) Le journal La Cité nous apprend dans son édition
du 15 novembre 1985 que « le bureau exécutif du Centre islamique et
culturel de Belgique (est) composé des ambassadeurs d'Arabie Saoudite,
du Niger, du Maroc et de l'Iran » et que « dans les nominations (de
professeurs de religion musulmane), dans l'organisation de l'enseignement et
dans les programmes, l'intégrisme transparait très largement.
(...) Cette situation prête à l'inquiétude, car des cours
de religion islamique ainsi conçus ne favorisent aucunement
l'intégration en Belgique des jeunes étrangers qui souvent sont
nés chez nous (...). De plus, ces cours mettent à mal tout le
travail d'intégration et de respect mutuel proposé par des
associations socioculturelles (et ceci dans le respect mutuel des cultures,
celle d'accueil et celle d'origine) qui travaillent dans les milieux
immigrés. (...) Enfin, l'honorable ministre peut-il me faire savoir si
la mise sur pied d'une cellule visant à la sélection des
professeurs de religion islamique au sein de son administration n'apporterait
pas une première solution à ce problème important, et pour
la nomination des professeurs et pour l'organisation et les programmes de cet
enseignement ?309(...) ». André Damseaux,
contrairement à son prédécesseur André Bertouille,
reconnait un flou juridique en la matière et propose une gestion du
culte islamique à travers une instance interlocutrice : « (...)
L'arrêté royal du 3 mai 1978 « portant organisation des
comités chargés de la gestion du temporel des communautés
islamiques reconnues » n'a pas été suivi des mesures
d'exécution prévues en son article 18. Un interlocuteur
étant indispensable pour les désignations des professeurs de
religion, le directeur du Centre islamique et culturel de
Belgique310(...). »
A partir de 1984, les comités d'Europe ont
changé de stratégie en termes d'interpellation de l'opinion
publique sur la répression au Maroc. En plus d'informer par la presse,
les manifestations publiques et la constitution des dossiers, les CLCRM ont
convenu, lors de la coordination du 8 au 10 mars 1985 à
Paris311, qu'il fallait désormais régulièrement
interpeller les Institutions Européennes quant à la situation
politique au Maroc. Le choix était porté sur Strasbourg. A cet
effet, les CLCRM, l'APADM et l'ASDHOM ont organisé une conférence
dans le Parlement Européen le 12 novembre 1986312. Cette
conférence d'information intitulée « Le Maroc Etat de Non
Droit » a été l'objet d'une préparation
308 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°377, APADM - Appel : Communiqué des parents des
détenus du groupe « 83 » publié par l'APADM et les
CLCRM daté d'août 1983.
309 Annales Parlementaires de Belgique, Sénat
séance du 22 janvier 1986, Bulletin des questions et réponses
n°30 du 6 mai 1986, Question posée par Jean-François
Vaes à André Damseaux sur la nomination des professeurs de cours
de religion islamique, pp. 977-978.
310 Idem
311 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°405, les CLCRM - Communiqués de presse : Rapport de la
coordination des CLCRM du 8 au 10 mars 1985.
312 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM - Notes sur la répression : Note sur
la présentation de conférence tenue à Strasbourg le 12
novembre 1986.
101
conséquente qui a nécessité trois
rencontres avec les parlementaires européens des groupes communistes et
Arc-en-Ciel entre mars et juillet 1986. C'est l'Organisation
néerlandaise pour la Coopération Internationale de
Développement (NOVIB) qui a apporté son concours. Parmi les
associations marocaines, il y avait l'ATMF, le KMAN et l'UNEM. Enfin,
étaient présents les CLCRM de Paris, de Strasbourg, d e Brest, de
Grenoble, de Nancy et d'Amsterdam. Le bureau bruxellois ne pouvant assister
à cette rencontre, ce furent les CCRM de Charleroi et de Liège
qui représentèrent la Belgique. La conférence s'est
déroulée en trois temps313:
- L'audition des témoins de la
répression au Maroc : qui réunissait des victimes
de la répression, des proches des disparus et des observateurs
judiciaires et médicaux. A cet effet, un message du professeur
Minkowski* a été lu aux parlementaires. Le contenu de cette
dépêche dénonçait les conditions déplorables
des grévistes de la faim arrêtés depuis 1984, reprenant une
grève en août 1985.
- L'exposition de diverses analyses :
qui regroupaient les arguments émis par l'Amiral Antoine Sanguinetti*,
membre du Comité central de la Ligue Française des Droits de
l'Homme, une analyse minutieuse des textes législatifs de la
Constitution marocaine par un ancien président de l'ASDHOM :
Maître Driss Anwar et la présentation d'Alain Moreau, membre du
CCRM de Liège, quant aux atteintes aux Droits de l'Homme au Maroc et aux
pressions des Amicales exercées à l'encontre des travailleurs
marocains émigrés en Europe. Le dossier constitué par le
CCRM de Liège faisait état de 300 à 400 disparus au
Maroc314.
- Le bilan de la conférence :
où plusieurs décisions ont été prises parmi
lesquelles : une diffusion des notes de synthèse à tous les
parlementaires, une publication des « actes » de la conférence
et la constitution d'un intergroupe sur le problème des Droits de
l'Homme au Maroc.
Mises au courant de cette activité, les Amicales
intentèrent plusieurs agressions physiques contre des militants
marocains du KMAN. Ainsi, un communiqué de l'ASHDOM daté du 14
mars 1987 dénonçait les attaques à coups de barres de fer
et de couteaux commis par les Amicales envers le président et envers un
membre du KMAN sept jours plus tôt315.
La réussite de cette conférence a obligé
Hassan II à annuler sa visite officielle prévue le mois suivant.
Le succès de cette rencontre a permis aux CLCRM d'organiser une nouvelle
réunion dans la ville même le 9 avril 1987316. Durant
ce second colloque, les CLCRM ont décidé de faire connaître
publiquement l'existence du bagne secret de Tazmamart. Les CLCRM avaient
déjà pris connaissance de l'existence de ce bagne sept ans plus
tôt comme en témoignait cette lettre d'un détenu anonyme
parvenue
313 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°410, ASCLCRM - Rapport de la conférence de Strasbourg :
Compte rendu de la conférence tenue à Strasbourg le 12 novembre
1986.
314 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM - Notes sur la répression : Rapport
sur les disparus présenté par le CCRM de Liège lors de la
conférence de Strasbourg daté du 12 novembre 1986.
315 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°381, ASHDOM-APADM-CLCRM - Communiqué de presse :
Communiqué de l'ASHDOM relatif aux activités des Amicales
daté du 14 mars 1987.
316 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°384, ASHDOM-APADM-CLCRM - A propos de la journée des disparus au
Maroc. Notes et correspondance 1987 : Rapport sur la « journée des
disparus au Maroc » tenue à Strasbourg le 9 avril 1987.
102
au CLCRM de Paris le 12 juillet 1980 : « Je ne trouve
pas de mots, ni d'expression pour décrire la situation de quelques
misérables souffrant parmi les humains. Car depuis la venue d'Adam sur
terre, on a vu de rares exemples. Une mort horrible que nous ingurgitons goutte
à goutte. Depuis notre entrée dans un trou noir, nous ne sommes
pas sortis un seul jour au soleil...La faim, l'obscurité, la
saleté,...la solitude...les maladies...le manque de soins ; la routine,
le manque d'air, le désespoir ? Résultat, presque le quart de nos
camarades sont morts dans les pires conditions. Le prisonnier gémit en
solitaire, puis s'éteint petit à petit, sans trouver quelqu'un
pour lui porter un verre d'eau, dans un amas de détritus
(...)317. »
Aucune forme de vie ne devait sortir de ce sinistre lieu. Les
détenus du bagne étaient, comme le dira plus tard Gilles
Perrault* dans « Notre Ami le Roi » : « des « Anihommes
» un peu plus que des rats, un peu moins que des
hommes318». Rien n'était mis à disposition
pour les prisonniers. La « vie en caverne » prenait tout son sens
à Tazmamart. A cet égard, un second témoignage nous donne
un éclairage sur les conditions de détention du bagne à
travers ces quelques lignes d'une lettre écrite le 5 août 1980 :
« (...) Ce sont des cellules de 4m2 sans air et sans
lumière : elles sont nauséabondes : les toilettes mal
conçues et sans chasse d'eau se trouvent dans un coin. Il n'y a pas de
fenêtre. Un trou dans le plafond laisse filtrer une lumière
blafarde : pauvre reflet ! Il y a un double plafond en tôles
ondulées, qui nous permet de distinguer dans la morne continuité
la nuit et le jour. Véritables fournaises en été, elles se
transforment en chambres froides l'hiver (8mois). L'ameublement se
réduit à un broc, une assiette et un pot déformés
en plastic. Deux couvertures rongées par les mites,
étalées sur un « sommier » de pierres constituent la
literie du prisonnier que partagent les punaises et les cafards, maîtres
incontestés des lieux. Les scorpions prolifèrent. Les serpents
viennent quelquefois chasser les rats dans le couloir au grand amusement des
geôliers (...). La nourriture se compte invariablement d'un verre de
café noir, fade et froid et d'un demi-pain souvent rassis, sinon pourri
(ration journalière) pour le petit déjeuner. En guise de
déjeuner ils distribuent au petit bonheur la chance et en vitesse
(l'odeur les irrite) de l'eau de vaisselle qu'ils appellent potage dans
laquelle nagent quelques légumineuses. Même
cérémonie le soir, un bol de pâtes alimentaires
mélangées au reste de repas de midi. (...) L'eau est insuffisante
et rationnée : un broc de 5 litres par jour. (...) Toute conversation
est presque impossible : la disposition des cachots l'interdit et le brouhaha
des autres voix transforme le bâtiment en véritable foire. Le seul
refuge qui lui reste est la prière et la prostration. Le Coran fut d'un
grand soutien tout au long de notre séjour. Le prisonnier est
habillé en haillons, les pieds nus ; ses cheveux et sa barbe qui n'ont
pas vu le coiffeur depuis plusieurs années lui donnent l'aspect non
rassurant d'un clochard authentique. Les pluies de l'automne transforment la
plupart des cellules en mare, puis en marécages. (...) Un camarade qui
avait une excellente santé nous informe qu'il saignait abondamment du
nez ; plus tard, il nous fit savoir que ses jambes commencent à ne plus
le supporter. Livré à lui-même, il ne pouvait plus venir
prendre sa nourriture à la porte et faisait ses besoins
317 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936,
Liasse n°310, Les détenus de la prison de Tazmamart :
Lettre d'un détenu de Tazmamart datée du 12 juillet 1980.
318 G. PERRAULT, op. cit., p. 277.
103
dans ses haillons. (...) La paralysie partielle
commença et devint totale : plus tard, le délire du camarade nous
fit partager avec lui des nuits cauchemardesques. (...) Un transfert
inopiné de quelques camarades à l'autre bâtiment nous
apprit qu'à cette date ils avaient déjà 6
morts319(...). »
En 1987, une nouvelle affaire a été
étudiée par les CLCRM : la famille Oufkir. La famille du
général Mohamed Oufkir* a dû payer la félonie de ce
dernier lors du deuxième coup d'Etat intenté contre Hassan II*.
Depuis fin décembre 1972 jusqu'en 1987, la femme et les enfants de
l'ancien général ont été successivement
internés dans plusieurs résidences isolées situées
dans le sud-est marocain320. En avril 1987, la famille Oufkir a pu
prendre contact avec les avocats Georges Kiejman* et Bernard Dartevelle. Ces
deux avocats vont, à partir du 15 janvier 1988, plaider le cas de la
famille Oufkir auprès de l'opinion internationale321.
Les collectes organisées par le CCRM de Bruxelles au
profit des détenus politiques permettent des résultats concrets
tels l'exemple de cette lettre écrite par le détenu de la prison
civile de Tanger, Saïd Karaoui, au CCRM de Bruxelles, datée du 24
août 1987: « Cher ami : j'ai appris aujourd'hui que vous m'avez
envoyé une somme d'argent, il y a à peu près deux mois.
J'étais pendant ce moment à la prison civile de Tétouan
où je passe régulièrement mes examens. Je me suis inscris
à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines à
Tétouan. Après mon retour, l'administration ne m'a pas
informé. C'est seulement aujourd'hui, et par hasard, que j'ai fait
connaissance de votre nom. Je suis allé à la cantine avec un de
mes camarades qui voulait demander certaines choses...Lorsque le cantinier
ouvrit le registre pour inscrire les demandes, je découvris que j'avais
moi aussi un compte que j'ignorais. J'ai demandé alors le nom de
l'envoyeur et ainsi j'ai obtenu votre adresse. Cher ami : j'apprécie
votre geste de solidarité et de sympathie envers ma personne, je vous
dois reconnaissance et respect, je vous salue de tout mon
coeur322. » « Maroc Répression »
d'octobre 1988 a dressé un récapitulatif des principales
grèves au Maroc. Pour éviter les scénarii de 1981 et 1984,
le régime marocain cherchait le plus possible à atomiser les
mouvements de grèves.
319 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°310, Les détenus de la prison de Tazmamart : Lettre d'un
détenu datée du 5 août 1980.
320 M. OUFKIR et M. FITOUSSI, La Prisonnière,
Paris, Grasset, 1999, pp. 121-227.
321 A. KIEJMAN et B. DARTEVELLE, Le Livre blanc sur les
Droits de l'Homme au Maroc, Paris, Publication de la Ligue des Droits de
l'Homme, 1989.
322 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°307, Les détenus de la prison de Tanger : Lettre de Saïd
Karaoui adressée au CCRM de Bruxelles datée du 24 août
1987.
104
Quelques revendications ouvrières
menées entre le 1er mai 1987 et le
1er mai 1988323
Usine ou
entrepris
|
Ville
|
Nature de la lutte menée
|
Dates ou périodes
|
Causes et
revendications
|
e SOGIER
|
Casablanca
|
72h de grève renouvelables
|
12, 13 et 14 mai 1987
|
Réintégration des
travailleurs licenciés.
Versement des salaires.
|
PUITS DE TOUIT
|
Casablanca
|
Grève illimitée
|
A partir du 10 mai 1987
|
Mettre un terme aux
agissements et aux sanctions arbitraires de la direction.
Titularisation des ouvriers qui exercent depuis 6 ou 7 ans.
Augmentation de la
prime de l'Aïd Al
Adha. Octroi de chaussures de sécurité 4 fois
par an.
|
ICOM
|
Salé
|
Grève illimitée
|
A partir de mai 1987
|
Réduction de l'horaire de travail.
|
AJOUR ATLAS (fabrique de briques)
|
Azrou (Atlas)
|
Grève illimitée
|
A partir du 19 juin 1987
|
Protestation contre les
pratiques répressives de la Direction
|
MOULINS NAJAH
|
Rachidia
|
Manifestation des ouvriers
|
28 juin 1987
|
Versement des salaires des 3 derniers mois.
|
SOFAQUIS
|
-
|
Grève illimitée
|
A partir du 3 juillet 1987
|
Respect des libertés syndicales.
Réintégration des
salariés licenciés.
Installation d'une
infirmerie. Versement des congés payés.
|
TEMSA
|
Tétouan
|
Grève en guise d'avertissement
|
25 août 1987
renouvelable du 3 au 10 septembre 1987
|
Pour la sauvegarde des
acquis suivants :
ancienneté, prime de
panier, heures
supplémentaires,
protection sociale, indemnisation des fêtes
nationales et religieuses.
|
Lors des deux conférences de l'ASCLCRM
organisées à Strasbourg, une réunion de coordination est
décidée à Genève le 15 et 16 octobre
1988324. Les CLCRM de Paris, Grenoble, Strasbourg, Limoges,
Amsterdam et de Belgique ont saisi la Commission des Droits de
l'Homme de l'ONU sur la question des grévistes de la faim au Maroc.
Durant cette coordination, le CLCRM de Paris proposait aux autres
comités présents de réunir tous les CLCRM d'Europe en vue
de les organiser en une ONG. Par conséquent, devenir une ONG permettrait
aux CLCRM de faire partie de plusieurs réseaux humanitaires. Cette
idée était
323 Maroc Répression, Bulletin mensuel du
CLCRM de Paris, N°31, septembre-octobre 1988, pp. 3-4. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, avril-mai,
1989, pp. 5-7.
324 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM - Notes sur la répression au Maroc :
Rapport de la coordination de Genève daté du 15 et 16 octobre
1988
105
soutenue par SOS - Torture, qui, fort d'un soutien de
plusieurs milliers d'ONG, a proposé aux CLCRM d'établir une
collaboration commune pour le cas du Maroc. La proposition est restée
lettre morte car transformer les CLCRM en une ONG aurait demandé du
temps et de l'argent.
Parallèlement à la coordination de
Genève, le Parlement Européen de Strasbourg a voté une
résolution sur le non-respect des Droits de l'Homme au Maroc, laquelle
exprima325 :
- Une inquiétude de la
permanence du non-respect des droits des prisonniers politiques dans
les prisons marocaines et des atteintes à leur
intégrité physique ;
- Une demande au gouvernement marocain et au roi
Hassan II de renoncer à appliquer la peine de mort et de
prononcer l'abolition de la peine capitale ;
- L'obligation pour le gouvernement
marocain d'accéder aux demandes, justifiées sur
le plan des droits de l'Homme, visant à améliorer les
conditions de détention en reconnaissant aux prisonniers le droit de
recevoir la visite de leur famille, le droit de se consacrer à
l'étude et à la lecture des journaux ;
- La demande au Président du Parlement
européen et à la Commission de faire
connaître aux autorités marocaines ses préoccupations et
son souci de voir le Maroc mettre en pratique ses engagements en matière
des droits de l'Homme ;
- La demande aux Ministres des Affaires
étrangères réunis dans le cadre de la
coopération politique d'effectuer une démarche humanitaire
d'urgence en faveur des grévistes de la faim de Marrakech ;
- La mission confiée à son Président de
transmettre la résolution au Conseil, à la Commission et
au Gouvernement marocain.
|
Entre le 13 le 18 janvier 1989, le CCRM de Bruxelles
participait à l'organisation de sa dernière mission juridique.
Cette mission a été conduite par Me Monique Weyl, avocate au
barreau de Paris et impliquée dans la situation des mineurs
grévistes au Maroc326. Cette mission juridique s'est
déroulée dans la mine charbonnière de Jerada. Jerada est
une ville située au Maroc oriental et est l'une des villes
minières les plus importantes du pays. Les conditions de travail n'en
sont pas moins déplorables : absence de sécurité,
dépoussiérage et climatisation inexistantes. En outre, les
mineurs doivent payer leur équipement sans bénéficier de
logements salubres : absence de douches au puits et promiscuité
favorisant la tuberculose et la pneumonie. Les licenciements et arrestations
abusifs dans les rangs des mineurs ont poussé ces derniers à
émettre plusieurs revendications parmi lesquelles327:
- Une amélioration des salaires, du
matériel et de la sécurité ;
- Une indemnisation des maladies professionnelles et
des accidents de travail ;
325 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°357, Parlement Européen - Documents de séances
1987-1989 : Résolution adoptée par le Parlement Européen
de Strasbourg relative aux violations des Droits de l'Homme au Maroc d'octobre
1988.
326 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°362, Mission du Centre International des Droits Syndicaux - Mission
juridique Monique Weyl du 13 au 18 janvier 1989 au Maroc.
327 M. WEYL, Rapport sur la situation des mineurs
gréviste de Jerrada, Oujda, 18 janvier 1989, pp. 18-24.
106
- Le respect de leur dignité et le droit aux
logements décents ;
Bien que le régime se montre sourd à ces
réclamations, les mineurs ont déclenché une
première grève d'avertissement de trois jours. Trois
délégués à la sécurité ont
été frappés d'une mesure de suspension de trois mois parce
qu'ils avaient participé à la grève. Cette mesure de
suspension a été à l'origine d'une deuxième
grève d'avertissement fixée du 7 au 12 décembre 1988.
Cependant, la reprise du travail le 26 décembre a amené une
escalade de violence à l'encontre des mineurs où dix d'entre eux
ont été poursuivis pour agression envers la maîtrise et
quatre autres mineurs poursuivis pour distributions de tracts.
En novembre 1988, le CCRM de Bruxelles publiait un
communiqué sur la condamnation à mort de certains détenus
islamistes arrêtés depuis le procès « des islamiques
» en juillet 1984328. Ce communiqué signalait les
incarcérations d'Ahmed Chaib, 24 ans, lycéen, et d'Ahmed Chahid,
37 ans, employé municipal, dans la prison de Laâlou. Les deux
condamnés furent pendant plusieurs mois isolés dans des cachots,
ligotés à un anneau fixé au mur, et quotidiennement battus
et flagellés. Quelques mois plus tard, le régime essoufflait
l'UNEM par une série d'arrestation dont celle d'Abdelhak Chbada.
Abdelhak Chbada était étudiant et militant de
l'UNEM329. Arrêté une première fois en 1983, il
fut de nouveau recherché en 1984 et incarcéré une
deuxième fois en octobre 1988 à Casablanca pour « avoir
incité à troubler l'ordre public ». Durant son
incarcération, il a entamé une grève de la faim. Il
succomba le 19 août 1989, au bout de son soixante-quatrième jour
de grève dans la prison de Laâlou à Rabat.
Le journal officiel marocain Le Matin du Sahara
annonçait dans son édition du 4 mars 1989 la
décoration de l'administrateur général de la
Sûreté de l'Etat belge d'alors, Albert Raes, des mains d'Hassan
II*330. Cette décoration faisait suite à la Fête
du Trône, anniversaire de l'intronisation du monarque, et était le
grand Solidarité du Ouissam Alaouite. Cette décoration
représente la distinction la plus élevée dans la
hiérarchie militaire marocaine et est octroyée pour service rendu
au roi du Maroc. Sitôt informé, le CCRM de Bruxelles a
contacté Serge Moureaux*, Willy Burgeon*, Léo Tindemans* et
José Daras* pour clarifier les motifs de cette
décoration331.
José Daras* (ECOLO) s'est saisi de cette affaire et a
posé une question orale à Melchior (père) Wathelet (PSC),
vice-Premier ministre et ministre de la Justice et des Classes moyennes, le 21
avril 1989 :« A la lecture du journal marocain Le Matin du Sahara du 4
mars 1989, je découvre que l'administrateur général de la
Sûreté de l'Etat a été décoré du grand
Solidarité du Ouissam Alaouite. Il s'agit d'une décoration
extrêmement importante et généralement octroyée pour
services rendus. Le ministre peut-il me
328 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°388, CCRM - Communiqué de presse : Communiqué du CCRM
de Bruxelles faisant le bilan des détenus politiques au Maroc
daté de novembre 1988.
329 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°411, ASCLCRM - Notes diverses : Compte rendu consacré au
détenu Abdelhak Chbada daté de septembre 1989.
330 Le Matin du Sahara du 4 mars 1989.
331 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°421, Quelques dossiers particuliers - Affaire Raes-Administrateur
Général de la Sûreté belge-Dossier constitué
par le CCRM de Bruxelles : Lettres de Pierre Le Grève envoyées
à Serge Moureaux, Willy Burgeon, Léo Tindemans et José
Daras relatives à la décoration d'Albert Raes datées du 16
au 31 mars 1989.
107
dire pour quels services rendus par notre
Sûreté ce haut fonctionnaire a été
décoré ?332». Ce à quoi le
ministre répond : « Il est exact, comme l'a découvert
l'honorable membre dans le journal Le Matin du Sahara du 4 mars 1989, que
l'administrateur-directeur général de la Sûreté
publique a été honoré d'une distinction marocaine.
Celle-ci lui a été remise, en présence notamment de Son
Excellence l'Ambassadeur de Belgique, par Sa Majesté le Roi Hassan II
sans que les raisons qui avaient motivé sa décision ne soient
exprimées. Il n'a pas été question de services
rendus333. » Dans ses mémoires, Hassan II* a
avoué qu'il traitait directement avec les patrons des services de
renseignements des états étrangers et qu'il les recevait chaque
année lors de la Fête du Trône334.
C. Bilans et résultats obtenus.
Au vu de l'impressionnant travail effectué par les
CLCRM, dont celui de Bruxelles, que pouvons-nous dresser comme bilan ?
Pouvons-nous dire que les objectifs auxquels tendait le CCRM de Bruxelles ont
été atteints ? Les premiers constats sont sans aucun doute
positifs. Les saisies des Institutions Européennes ont favorisé
la naissance d'une nouvelle association des Droits de l'Homme le 10
décembre 1988335: l'Organisation Marocaine des Droits de
L'Homme. Deux ans plus tard, et suite aux relations déjà
établies avec le CLCRM de Paris, Gilles Perrault* prenait contact avec
Pierre Le Grève* pour organiser un meeting sur son ouvrage « Notre
Ami Le Roi »336.
Cet ouvrage a littéralement levé le tabou sur la
répression politique au Maroc, si bien qu'il est interdit au Maroc
depuis sa parution. « Notre Ami Le Roi » propose un récit en
deux parties : une première partie consacrée à la
politique marocaine depuis l'indépendance, et une seconde partie sur la
mise au pas du Mouvement National par le monarque, suivie de la
répression politique dont il a été aussi traité
dans cette présente étude. Actuellement, « Notre Ami Le Roi
» représente une première synthèse sur la
répression politique au Maroc. Celle-ci énonce brièvement
les activités des CLCRM.
Affiche de la conférence organisée
par le CCRM de Bruxelles relative au livre de Gilles Perrault
« Notre Ami le Roi »337
332 Annales Parlementaires de Belgique, Chambre, Bulletin des
questions et réponses n°217 du 21 avril 1989. Question
écrite posée par José Daras au ministre de la Justice
Melchior Wathelet portant sur la décoration par le Maroc de
l'Administrateur général, p. 5784.
333 Idem
334 HASSAN II, Mémoire d'un Roi : Entretiens avec Eric
Laurent, Paris, Plon, 1993, p. 228.
335 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°365, OMDH - Assemblée constitutive : déclaration du
bureau central de l'OMDH de Rabat daté du 10 décembre
1988.
336 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, CCRM - Correspondances diverses de 1977 à 1994 : Lettre
de Pierre Le Grève à Gilles Perrault datée du 30 septembre
1990.
337 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, janvier-février, 1991, p. 1.
108
Gilles Perrault* confirmait sa disponibilité en
Belgique pour le 14 février 1991. Le CCRM de Bruxelles en profita pour
louer la salle de La Madeleine338. Parallèlement à ce
meeting, une nouvelle association des Droits de l'Homme vit le jour en Belgique
: l'Association des Marocains en Belgique pour la Défense des Droits de
l'Homme. Inquiet de son image, Hassan II* cherchait à rallier le plus
possible l'opinion internationale en sa faveur. Pour se faire, il a mis sur
pied sa « propre » instance des Droits de l'Homme le 20 avril
1990339: le Comité Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH).
En même temps, il levait l'interdiction de l'AMDH. Alors que les derniers
mouvements de grève étaient réprimés à
Tanger, Kénitra et Fès entre le 9 et le 31 décembre de la
même année, le monarque organisait un cessez-le-feu avec le
POLISARIO340. La signature du cessez- le-feu eut lieu le 6 septembre
1991. Peu de temps après, Hassan II* libérait plusieurs
détenus politiques de Kénitra et du bagne de Tazmamart. Parmi les
prisonniers et bagnards il y avait : Abraham Serfaty*, le lieutenant M'barek
Touil et le capitaine Salah
338 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°81, Correspondance générale pour l'année 1991 :
Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à Freddy Thielemans
datée du 2 février 1991.
339 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 2 mai 1990,
N°4044, Dahir n° 1-90-12 du 24 ramadan 1410 (20 avril 1990) relatif
au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme
340 D. LE SAOUT et M. ROLLINDE (dir.), op. cit., pp.
127-137. P. VERMEREN, Histoire du Maroc depuis l'indépendance,
op. cit., pp. 88-96.
109
Hachchad. Ce dernier écrira son témoignage dans
le bagne de Tazmamart341. Toutefois, il s'agissait d'une campagne de
libération mesurée. L'ASCLCRM recensait encore en avril 1992, 817
détenus politiques342.
Au vu des travaux soutenus relatifs à la
dénonciation de la répression politique au Maroc, nous pouvons
mettre en évidence une certaine typologie dressée par les CLCRM
décrivant l'exercice de la répression politique au Maroc. Ainsi
un tableau récapitulatif nous permettrait de suivre l'évolution
chronologique des arrestations dans les rangs des mouvements politiques
marocains et
leurs principales revendications :
Période
|
Mouvements politiques visés
|
Principales revendications
|
1960-1973
|
- UNFP
- UMT
- PCM - ALM - UNEM
- PI
|
Constitution et Gouvernement
Populaire. Constitutionnalisation de la monarchie.
Industrialisation du secteur économique.
Nationalisation des entreprises. Meilleur distribution des
richesses
nationales. Etablissement d'un
Plan d'Enseignement. Droits culturels.
|
1973-1979
|
- USFP
- PLS
- flal Amam
- 23 Mars
- CDT
- UNEM
- POLISARIO
|
Constitution et Gouvernement
Populaire. Polarisation entre une
volonté d'une monarchie
constitutionnelle et le
républicanisme. Meilleur
distribution des richesses nationales. Meilleur partage des
terres agricoles. Droit à l'enseignement de
qualité. Droits
syndicaux. Droit à l'autodétermination du peuple
sahraoui.
|
1979-1984
|
- USFP
- UNEM
- flal Amam
- 23 Mars
- CDT
- OADP
- PADS
- Syndicats des Commerçants locaux
- POLISARIO
|
Droit à l'enseignement de qualité. Droit aux
prisonniers politiques de poursuivre l'enseignement. Meilleur distribution des
richesses nationales. Diminution des prix imposés par le
Gouvernement.
Droits syndicaux. Droit à l'autodétermination
du peuple sahraoui.
|
341 A. SERHANE, Les Emmurés de Tazmamart :
Mémoires de Salah et Aïda Hachad, Casablanca, Tarik Editions,
Coll. Témoignages, 2004.
342 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°408, les CLCRM - Coordination européenne (7/8.121992) :
Communiqué du CLCRM de Lausanne daté du 4 avril 1992.
110
1984-1995
|
- UNEM
- CDT - AMDH
|
Droit à l'enseignement de qualité. Droit aux
prisonniers politiques de poursuivre l'enseignement.
|
|
- Mouvements islamistes :
|
Droit au Travail. Droits
|
|
jeunesses islamiques et
|
syndicaux. Justice sociale.
|
|
Justice et Bienfaisance
|
Reconnaissance des Droits de
|
|
- POLISARIO
|
l'Homme. Droit à
l'autodétermination du peuple sahraoui.
|
Le CCRM de Bruxelles a participé à une
dernière mission juridique avec quelques éléments du CLCRM
de Paris entre le 29 janvier et le 5 février 1992. Cette mission a
été davantage une rencontre avec des membres de l'AMDH et de la
toute jeune OMDH. Alors que le monarque montrait des gages d'assouplissement du
système politique, le compte rendu déplorait que : « la
répression continue à tous les niveaux et surtout envers les
travailleurs, les paysans, les syndicalistes, les étudiants (...). Rien
n'a changé dans les facteurs déterminants du système
répressif : ni les raisons profondes, ni les exécutants, ni
l'absence de véritables garanties pour le respect des droits de l'homme.
Les événements et les méthodes déjà connus
peuvent donc se répéter à
l'avenir343(...). » Les organisations marocaines
des Droits de l'Homme ajoutaient aussi qu' : « il n'existe aucun
état de droit au Maroc. Des décisions judiciaires ne sont souvent
pas appliquées par les walis (pour la délivrance de passeports
par exemple) ou par les chefs d'entreprises, même publiques, lorsqu'elles
sont favorables aux salariés. Les droits de la défense sont quasi
inexistants, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre des
responsables d'atteintes aux droits de l'homme et les associations de
défense sont constamment
menacées344(...). » Par ailleurs, un
rapport établi par les CLCRM lors d'une coordination organisée
à Rouen entre le 7 et le 8 novembre 1992 stipulait que : « des
pratiques de collaboration entre polices Françaises/Européennes
et Marocaines sont évidentes (les accords de shengen vont dans ce
sens)345. » En deux ans, Hassan II* a
procédé à une nouvelle action politique dans laquelle il
présentait, le 21 août 1992, une nouvelle révision
constitutionnelle et a décidé d'octroyer sa Grâce envers
les détenus politiques et les exilés marocains le 7 juillet
1994346. Entre temps le Maroc organisait le sommet du GATT (Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce) en avril de la
même année.
Se sachant malade, Hassan II* voulait aussi permettre une
transition en faveur du prince héritier Mohamed dans les meilleures
conditions. Des grandes figures de la dissidence marocaine décidaient
de
rentrer tel Mohamed Basri*, revenu au pays en juin 1995
après 30 ans d'exil. La révision constitutionnelle
octroyée par le roi cherchait aussi à définitivement
à avoir les partis de gauche à ses
343 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°364, Missions du CLCRM au Maroc : Rapport établi par les
CLCRM, l'AMDH et l'OMDH lors de la mission d'observation juridique
passée entre le 29 janvier et le 5 février 1992, pp. 2-4.
344 Idem
345 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°82, Correspondance générale pour l'année 1992 :
Communiqué du CLCRM de Lausanne relatif aux détenus politiques du
Maroc daté du 12 avril 1992.
346 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°405, les CLCRM - Communiqué de presse : Discours d'Hassan II
relatif à la Grâce du 7 juillet 1994.
111
côtés en vue de former un nouveau gouvernement
dit « Gouvernement de l'Alternance ». La nouvelle Constitution
adoptée le 13 septembre 1996 a été
plébiscitée par « 99,56% » des voix et allait permettre
l'installation de ce Gouvernement de tendance gauche USFP le 14 mars 1998. Ce
gouvernement plaçait à sa tête une autre figure de
l'opposition marocaine : Abderrahmane El Youssoufi*.
« Maroc Répression » de mai 1994 signalait la
candidature du Maroc à la vice-présidence de la Commission
Internationale des Droits de l'Homme déposée en mars
1993347. Le bulletin annonçait
une question posée par le député Xavier
Winckel* (ECOLO) relative à la position prise par la Belgique
par rapport à une éventuelle
vice-présidence assumée par le Maroc. Une question similaire a
été posée par Raymonde Dury* (PSB). Le bulletin
annonçait aussi la préparation d'un dossier économique sur
le
Maroc, mais celle-ci ne s'est pas concrétisée.
Durant les deux dernières coordinations, au Havre et à Bruxelles,
les 17 et 18 décembre 1993 et le 30 mai 1994, le CCRM de Bruxelles
s'était surtout consacré aux cas des détenus de Tazmamart.
Les derniers fonds du Comité bruxellois ont été
liquidés à cet effet348. Un ultime appel à une
coordination des CLCRM fut proposé par le CCRM de Bruxelles en vue
d'établir le compte rendu des activités pour l'année 1994,
mais sans suite349.
Ceci nous amène à énoncer, avec les
constats positifs, des constats moins favorables quant aux réalisations
des buts poursuivis par le CCRM de Bruxelles. Nous avons vu tout au long de
cette étude que la performance du CCRM de Bruxelles
réalisée dans ces activités était due, d'une part,
à son fonctionnement interne et, d'autre part, à son
réseau de solidarité syndicale qui l'assistait. A partir de 1991,
les dissensions parmi les membres consultatifs se manifestaient au grand jour
comme en témoigne cette lettre écrite le 20 janvier par un membre
consultatif demandant la suspension de la collaboration du RDM avec le CCRM de
Bruxelles: « Les membres du RDM considèrent que le marchandage
de certains partenaires dans les dernières réunions du CCRM de
Bruxelles sur les positions de leur association, le RDM, est une atteinte grave
à la liberté d'opinion et, en même temps, un chantage
qu'ils n'acceptent ni ne taisent. Tant que dure l'absence du minimum de
clarté des relations au sein du CCRM de Bruxelles, ce qui
perpétue le climat de tension dans ses réunions, ils sont
convaincus de l'impossibilité de toute clarification ou rectification en
son sein. Ils appellent les concernés par ces pratiques à revoir
leurs attitudes négatives à l'égard de la liberté
d'opinion et également à se débarrasser de toute manoeuvre
visant l'exclusion de l'opinion différente. Ceci afin de servir l'unique
objet qui justifie l'existence d'un CCRM et qui constitue la base des relations
en son sein, à savoir la lutte contre la répression au
Maroc.350 »
Cette crise complétait une implosion interne des
sections locales de l'UNEM en Europe. Nous avions vu que l'UNEM était
l'un des principaux mouvements du réseau de solidarité du CCRM de
Bruxelles. A la veille de son XVIe Congrès, le Conseil
Fédéral de l'UNEM-Europe s'était tenu à Paris entre
le 23
347 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, avril-mai, 1994, pp. 2-5.
348 M. BENTALEB (dir.), Les passeurs de la mémoire
sociale 1964-2004 : 40 ans de présence marocaine en Belgique,
Bruxelles ASBL Jeunesse Maghrébine - Ministère de la Culture et
de l'Audiovisuelle de la Communauté française, 2008, p. 54.
349 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°85, Correspondance générale pour l'année 1995 :
Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à l'ASCLRM datée du
26 mars 1995.
350 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Lettre du
représentant du RDM adressée au CCRM de Bruxelles datée du
20 janvier 1991.
112
et le 26 décembre 1979. Etaient présentes 51
sections, dont 25 non reconnues par le Bureau Fédéral. Ce schisme
interne résultait d'une mésentente relative à la
possibilité ou non d'établir une alliance avec la monarchie
marocaine sur la question saharienne. Parmi les sections «
excommuniées » par le Bureau Fédéral se trouvait la
section bruxelloise, ce dernier : « a exprimé courageusement
ses positions anti-Unanimité Nationale, anti-alliance avec le pouvoir
anti-national, a eu droit à toutes les attaques haineuses de la part du
B.F et de ses alliés, mais il a eu le soutien de la part de la
majorité des militants présents au C.F qui ont longuement
applaudi le délégué légal de notre
section351. »
Le retrait des mouvements politiques et syndicaux marocains ne
permettait plus au CCRM de Bruxelles de continuer son travail avec la
même flexibilité. Qui plus est, la Grâce royale du 7 juillet
1994 finissait par marquer un frein dans l'opposition des gauches marocaines.
Ce frein de la gauche permettait aux mouvements islamistes de mieux investir
l'espace social et politique marocain.
Au sein du Comité bruxellois, les membres
délibératifs ne pouvaient plus s'investir aussi
énergiquement, comme ce fut le cas depuis 1977. Le couple Doucet-Crolop*
s'était retiré du CCRM depuis la coordination de mai 1994. Louise
Lacharon* quittait le Comité Exécutif de la CGSP secteur
Enseignement la même année, et Pierre Le Grève*
s'investissait dans les événements du Rwanda et de
l'Algérie. En outre, Pierre Le Grève* commençait la
rédaction de ses mémoires. Certains membres belges actifs du
comité relevant des partis politiques n'étaient plus en mesure
d'assister aux réunions du CCRM. Ernest Glinne* laissait entendre dans
une lettre adressée à Pierre Le Grève* qu'il souffrait de
problèmes de santé352. A l'instar des mouvements
marocains, les relations orageuses entre certains éléments des
syndicats belges et le CCRM de Bruxelles éclataient au grand jour. Une
brève allusion à une mésentente passée entre Albert
Faust* et Pierre Le Grève* faisait état des méthodes
« dirigistes » des deux personnages353. Plus
généralement, le premier Gouvernement de Jean-Luc Dehaene (CVP du
7 mars 1992 au 23 juin 1995) ne disposait plus en son sein des personnages
politiques sensibles à la répression politique au Maroc.
L'histoire du CLCRM de Bruxelles et plus largement des CLCRM
de Belgique a été courte mais intense. Le Comité
bruxellois s'est engagé dans plusieurs batailles menant à la
lutte contre la répression politique au Maroc, contre les agissements
des Amicales et, dans une moindre mesure, à un meilleur contrôle
du dispositif du culte islamique en Belgique. En analysant les origines et les
activités du
C LC R M de Brux elles par les contacts qui existaient entre
le monde militant marocain et européen - belge dans notre cas - une
question devait être omniprésente dans l'esprit du lecteur : qu'en
est-il de la démocratie actuellement au Maroc ?
351 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles : Rapport
du Conseil Fédéral de l'UNEM daté du 14 janvier
1980.
352 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°85, Correspondance générale pour l'année 1995 :
Lettre d'Ernest Glinne adressée à Pierre Le Grève
datée de septembre 1994.
353 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°84, Correspondance générale pour l'année 1994 :
Lettre de Michel Devaivre adressée à Pierre Le Grève
datée du 27 août 1994.
113
Conclusion
La fin des activités du CCRM de Bruxelles marquait,
comme vu plus haut, une phase d'assouplissement relative d'Hassan II*. Le CCRM
de Bruxelles tenait sa dernière coordination le 30 mai 1994, le monarque
chérifien mourrait le 23 juillet 1999. L'avènement du nouveau
roi, Mohamed VI, a marqué des espoirs nationaux : relâchement du
contrôle de la presse, restructuration de l'appareil sécuritaire
par le renvoi de Driss Basri* et de la quasi-totalité des officiers
supérieurs ayant servi sous Hassan II*. Une volonté
d'intégrer la berbérité dans la culture nationale en
créant par dahir l'Institut de la Recherche sur la Culture
Amazigh (IRCAM)354. Et enfin, la réforme du Code de la
Famille (Moudâwwana) qui permettait une sensible
amélioration du statut des femmes marocaines. En marge de ces grands
chantiers politiques, des chantiers économiques ont été
entamés : des voies ferrées, une transition progressive de
l'économie agricole vers une économie industrielle et la
construction du grand port Tanger MED entre 2008 et 2012355.
Ces premiers gages d'ouverture, intervenus entre 1999 et 2004,
furent suivis d'une procédure où le monarque a favorisé
des commissions d'enquêtes sur les victimes des années de plomb
d'Hassan II*. Il est à noter que la dénonciation
systématique de la dictature d'Hassan II* par les CLCRM a obligé
la monarchie marocaine à jouer le jeu des Droits de l'Homme au Maroc. En
ce sens, le CCDH, devenu le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH)
assisté de l'Instance Equité et Réconciliation (IER) a
émis plusieurs rapports à l'attention du roi quant à
l'indemnisation des victimes des années de répression. Entre 2004
et 2013, les deux instances ont indemnisé 26.063 victimes pour une
enveloppe budgétaire de 1.804.702.899,80 dirhams (approximativement 180
millions d'euros)356.
Cependant, depuis les attentats du 16 mai 2003 à
Casablanca, un premier tournant a été pris par le nouveau
monarque. Les premières condamnations tombent à l'encontre de
certains journalistes jugés trop critiques envers le système
politique. Parmi ces journalistes figure Ali L'mrabet. Ce journaliste a
été condamné le 17 juin 2003 par la Cour d'Appel de Rabat
pour ses publications satiriques envers le roi dans son journal Demain
(Doumane version arabophone)357. Condamné
à trois ans de prison ferme avec une amende de 20.000 dirhams, il est
depuis sa libération interdit d'exercer son métier de journaliste
au Maroc. Depuis l'avènement de Mohamed VI, un autre journal a
témoigné de cette fragile liberté d'expression
tolérée par le régime : Le Journal Hebdo. Le
Journal Hebdo a vu le jour le 17 novembre 1997. Ce journal
d'investigation a traité des sujets aussi divers que pertinents touchant
à la fois la monarchie, le Makhzen, la question du Sahara occidental, le
conflit israélo-palestinien, des enquêtes sur l'impact de la
354 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 1er novembre
2001, N°4948, Dahir n°1-01-299 du 29 rajab al khaïr 1422 (17
octobre 2001) portant sur l'Institut Royal de la Culture Amazighe.
355 D. MENSCHAERT, Maroc : quatre champs de batailles pour
la démocratie, Bruxelles, PAC, in Les Cahiers de l'Education
Permanente, N°43, 2013, pp. 51-57.
356 Rapport du CNDH présenté au Parlement du
Royaume du Maroc, juin 2014, p. 16
357 FIDH, Communiqué relatif à la
confirmation en appel de la condamnation d'Ali L'mrabet : une atteinte grave
à la liberté d'expression, 17 juin 2003.
114
religion dans la société marocaine, le budget de
l'Etat etc... Sur la base d'un certain succès, une version arabophone
voyait aussi le jour : Assahifa. Un autre journal suivait une voie
similaire au Journal : Le Telquel. Néanmoins, le
Journal Hebdo et Assahifa allaient connaître plusieurs
problèmes judiciaires à partir du 14 février 2002 sous le
deuxième Gouvernement USFP d'Abderrahmane El Youssoufi*. De lourdes
amendes ont été infligées au Journal allant de
700.000 à 3.000.000 de dirhams358. Au final, le Journal
a été saisi en février 2010359.
Depuis les élections législatives du 7 septembre
2007, le monarque a usé des mêmes stratégies que son
prédécesseur. Alors que le PJD, parti islamiste né d'une
fusion entre les jeunesses islamiques et le MPDC en 1996, était en
tête des voix, le régime l'écartait pour octroyer la
majorité au PI360. En février 2009, Mohamed VI
chargeait l'un de ses plus importants conseillers (Wasif), Fouad Ali
El Himma, de créer un « parti pivot » à l'image des
« droites populaires » nées sous Hassan II*. Ce nouveau «
parti pivot » est le Parti Authenticité et Modernité (PAM)
et représente une certaine mise à jour du RNI et de l'UC.
Cependant, malgré le jeu électoral, le taux d'abstention ne cesse
de croître. Ainsi des élections législatives de 2002
à celles de 2007, 70 % des électeurs disposant de leur carte de
vote n'ont pas participé au scrutin361.
A partir de 2009, un nouveau tournant plus dur est pris par le
régime. Du point de vue économique, le roi tient tous les
secteurs à travers sa propre holding : la Société
Nationale d'Investissement. Plus que sous Hassan II*, Mohamed VI fait main
basse sur l'économie nationale décidant ainsi des
priorités en matière d'investissements. Cette toute puissance
économique ne parvient, cependant, pas à engager le pays dans une
croissance économique. La paupérisation s'accentue. Le
contrôle du secteur économique est accompagné d'une forte
unanimité politique à son égard. En effet, depuis son
accession au trône jusqu'en 2011, le souverain n'a pas eu affaire
à une forte opposition au sein des partis politiques traditionnels.
Quelques mouvements politiques sont cependant marginalisés par le
régime : le mouvement islamiste Justice et Bienfaisance et la Voie
Démocratique (Annahj Addimocrati). Ce dernier parti politique
est né vers 1994 et regroupe des éléments de
l'extrême gauche. Cette unanimité politique est
complétée d'une restructuration du système
sécuritaire. Depuis 2005, le souverain a placé ses hommes de
confiance dans l'Etat-Major, la DST et la DGED362. Les espoirs
suscités par le nouveau souverain deviennent plus mitigés.
Plusieurs rapports de certaines ONG pointent une recrudescence de la
répression politique et un maintien de la systématisation des
tortures. Les tortures exercées sous les années de plomb d'Hassan
II* sont restées quasi-intactes, en guise d'exemple : la violence
physique, les agressions sexuelles et les menaces à l'encontre de la
famille du détenu s'appliquent toujours. Ces cas de tortures et de
maltraitance
358 Le Journal, N°286 du 20 au 26 janvier 2007, pp.
24-25.
359 Rue 89 du 1er février 2010.
360 L. ZAKI (dir.), Terrains de campagne au Maroc : les
élections législatives de 2007, Paris, Karthala, 2009, pp.
73-97.
361 J-L. PIERMAY, Maroc 2007. Les élections
législatives du 7 septembre, in Echo Géo - Sur le Vif,
N°2, le 13 novembre 2007.
362 A. AMAR, Mohamed VI le grand malentendu : Dix ans de
règne dans l'ombre d'Hassan II, Paris, Calmann-Lévy, 2009,
pp. 197-203.
115
ont été signalés par Amnesty
International363. Ces séances de torture commises par des
agents de la DST ont surtout visé les militants des Droits de l'Homme,
les sympathisants sahraouis du POLISARIO et les détenus islamistes.
Human Right Watch signalait dans un communiqué l'iniquité des
procès et les aveux arrachés de force lors des interrogatoires.
Les policiers obligent l'inculpé à signer des déclarations
sous la torture364.
Par ailleurs, les observateurs étrangers ont
noté une recrudescence des violences policières à Sidi
Ifni, ville située dans l'extrême sud marocain, le 7 juin
2008365. En automne 2010, les troupes marocaines procédaient
à un démantèlement de force d'un camp de
réfugiés sahraouis à Gdeim Izik, ville située dans
les territoires sahariens que réclame le Maroc depuis
1975366. Le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD) et l'AMDH publièrent chacun un rapport sur la situation
économique, la liberté d'expression et l'accès au savoir.
Sur 187 pays, le PNUD classe le Maroc à la 130e place, entre
le Nicaragua et le Guatemala367. La position du Maroc contraste avec
la richesse personnelle du monarque, s'élevant à près de
2,5 milliards de dollars368 . Quant à l'AMDH, elle soulignait
certes l'iniquité des procès, mais aussi les multiples violations
des libertés économiques, du droit à la santé, du
droit à l'éducation et des droits des migrants369. Sur
ce dernier point, Médecin Sans Frontières section Maroc
dénonçait dans son dernier rapport les violences
systématiques commises par les forces armées et la police
marocaine contre les migrants subsahariens. Entre 2011 et 2012, MSF signalait
1100 victimes subsahariennes ayant subi des fractures aux bras, aux jambes et
sur le crâne370. L'inertie des autorités marocaines a
été l'origine du départ définitif de MSF. En
octobre 2013, la presse d'investigation électronique marocaine
Lakome est censurée371.
Depuis l'immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie le 4
janvier 2011, le monde arabe a été secoué par plusieurs
révoltes et révolutions. Il s'agit « du Printemps arabe
». Ces mouvements protestataires avaient précipité la fin du
régime de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et d'Hosni Moubarak en
Egypte. Au Maroc, l'influence des mouvements protestataires des autres pays
arabes a permis la naissance du Mouvement 20 Février. Ce mouvement,
né le 20 février 2011, rassemblait tous les segments de la
société marocaine et exigeait la liberté, la justice et la
dignité. Quelques semaines plus tard, avec l'objectif d'endiguer un
puissant mouvement social, Mohamed VI promulgue une nouvelle Constitution le 9
mars.
Comme les constitutions adoptées sous le règne
d'Hassan II*, la Constitution du 9 mars 2011 a été
octroyée sous l'influence d'une pression sociale montante. Seulement, il
s'agit d'une Constitution écartant
363 Rapport d'Amnesty International, 2006, pp. 187-188.
Rapport d'Amnesty International, 2012, pp. 290-291.
364 Maroc-Sahara occidental : Aveux contestés,
procès contestables, Communiqué d'Human Right Watch, 21 juin
2013.
365 Rapport d'ATTAC concernant les événements
de Sidi Ifni, 1er juillet 2008.
366 Rapport du Secrétaire général sur
la situation concernant le Sahara occidental, Publication du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, 8 avril 2013.
367 Rapport sur le développement humain en 2011,
Publication du PNUD, 2010-2011, p. 144.
368 Le Courrier International du 11 juillet 2009.
369 Rapport annuel sur les violations des Droits Humain au
Maroc en 2010, Publication de l'AMDH, juin 2011, pp. 20-39.
370 Rapport sur les migrants subsahariens en situation
irrégulière au Maroc, Publication d'MSF, mars 2013, p.
35.
371 La liberté de la presse : le Maroc derrière
l'Algérie et la Lybie, Communiqué de Reporters Sans
Frontières, 20 octobre 2013.
116
toute initiative émanant d'une Assemblée
Constituante. Ainsi, la nouvelle constitution ne distingue toujours pas
formellement les pouvoirs législatifs et exécutifs372.
La nouvelle constitution laisse espérer un assouplissement du pouvoir
judiciaire bien que le roi reste le garant du pouvoir judiciaire. La campagne
du référendum du « oui » (sous-entendu « oui pour
la nouvelle Constitution ») n'a duré qu'une semaine : du 21 au 30
juin 2011373. Le Mouvement 20 Février organisait, depuis sa
création, plusieurs manifestations tous les dimanches dans diverses
villes et localités au Maroc. Le slogan du Mouvement devient plus
frontal : « Mamfakinch ! (On ne lâche rien !) ».
Néanmoins, si la société civile marocaine s'est
montrée réactive par des manifestations et des comités
locaux, le mouvement peine à montrer des revendications politiques
adaptées à la situation du pays.
Si le Mouvement du 25 janvier 1959 avait annoncé la
naissance de l'UNFP et que les mouvements des lycéens et universitaires,
nés des événements du 23 mars 1965, avaient annoncé
la naissance des partis d'extrême gauche entre 1968 et 1972, le Mouvement
20 Février, âgé de quatre ans, ne laisse toujours pas
entrevoir la naissance d'un courant politique fort. Cette faiblesse trouve
certainement ses origines dans les conséquences de la répression
politique du règne d'Hassan II*. Ces conséquences peuvent se
résumer aux points suivants : une forte fragmentation de la
société marocaine, la démission des partis politiques, le
renforcement du Makhzen et de l'appareil sécuritaire, un écart
grandissant entre la classe politique et la jeunesse des partis, et surtout un
divorce politique entre les courants laïques et religieux des partis.
Comme le notait un ancien militant communiste marocain, Raymond Benhaïm :
« Plus de cinquante ans ont été nécessaires pour
que nous viennent le Printemps arabe et l'éveil et l'émancipation
des sociétés arabes et musulmanes du Maroc à
l'Indonésie. Plus de cinquante années de dictatures,
d'autoritarisme, d'humiliations, et aussi le retard accumulé en termes
de modernisation sociale et de modernisation technique : nous avons payé
très cher le prix du rejet de l'alliance entre nationalistes et
marxistes au début des années 1960374. »
En Belgique, la fin des CLCRM n'a pas laissé place
à un mouvement citoyen de même envergure. Il y a, actuellement,
des comités de soutien au profit de certains détenus parmi
lesquels : Abdelkader Belliraj (arrêté au Maroc depuis 2008), Ali
Aaras (arrêté en Espagne et extradé au Maroc depuis 2009)
et Zakaria Moumni (arrêté au Maroc en 2010, relâché
mais ayant subi des tortures). Les deux premiers sont ressortissants belges,
alors que le troisième est français. Entre 2011 et 2012, le
Comité des familles des prisonniers européens au Maroc voyait le
jour. Plus tard, l'ASHDOM annonçait dans son point hebdomadaire
plusieurs arrestations de militants du Mouvement 20 Février dans
différentes villes du Maroc375.
372 Voir les statuts de la royauté, du pouvoir
législatif, du pouvoir exécutif et des rapports entre ces deux
derniers in la Constitution du Royaume du Maroc du 29 juillet 2011, de
l'article 41 à l'article 106.
373 Slate Afrique du 2 juillet 2011.
374 K. SEFRIOUI, op. cit., p. 403.
375 Point Hebdomadaire sur la campagne de parrainage des
prisonniers d'opinion au Maroc, publication de l'ASHDOM, N°52, 30
janvier 2014.
117
L'observation du Maroc actuel peut susciter plusieurs
interrogations. Pouvons-nous parler de légitimité politique
consubstantielle de la monarchie marocaine, alors que nous avons vu, à
travers cette étude, l'évolution d'une vive opposition politique
à son égard ? Dans un pays où le système politique
innove avec du vieux, pouvons-nous parler de modernité alors que de
graves problèmes sociaux, culturels, et économiques sont
gelés sinon accentués depuis 1956 ? Comment pouvons-nous parler
de démocratie naissante dans un pays où l'initiative d'Etat
appartient exclusivement au monarque ? Qui plus est, comment pouvons-nous
parler de démocratie lorsque les pouvoirs législatifs,
exécutifs et judiciaires n'exercent pas les contrôles qui,
normalement, leur incombent ? Pendant combien de temps le régime
marocain va-t-il empêcher la circulation des idées et des savoirs
dans sa société, à l'heure des réseaux sociaux et
de la mondialisation ?
Toutes ces interrogations mériteraient une étude
plus approfondie. Les contributions ultérieures sur la répression
politique au Maroc vont devoir élargir leur heuristique et leur
méthode de travail, au vu de l'impressionnante quantité de
publications, de rapports des ONG, des centres de recherche scientifique, des
mouvements citoyens et politiques au Maroc et à l'étranger. En
tout cas une chose est sûre, la démocratie et les Droits de
l'Homme ont encore un très long chemin à parcourir au Maroc.
118
Sources et bibliographie
A. Sources
A.1 Sources non publiées a.1.1 Archives des
particuliers
- Archives Personnelles de Louise Lacharon, Documents relatifs
à la gestion interne du CCRM de Bruxelles : Plan d'affichage public,
daté de 1982.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi,
Dossier constitué par les Amicales des Travailleurs et
Commerçants Marocains en Belgique : En réponse à la
conférence de presse tenue par certaines organisations belges,
Bruxelles, Maison Internationale de la Presse, Le 8 décembre 1976, 35
p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion internes du CCRM de Bruxelles : Compte- rendu
de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le Grève
daté du 13 décembre 1980.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles-Paris-Amsterdam, 1975,
35 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des
ouvriers et commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, 18 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, 19
p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux
activités des Amicales Associations de Solidarité des
Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine
policière, décembre 1977, 27 p.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Communiqué du RDM
daté du 13 février 1983.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement
Démocratique Marocain - Programme : Documents réunis par Mimoun
Sastane, 2004-2005, 24 p.
119
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion internes de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué de l'UNEM section Bruxelles relatif à
l'enlèvement de Mehdi Ben Barka à Paris, daté du 11
novembre 1965.
- Archives personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Manifeste du Syndicat National des Lycéens du 23 mars 1972.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM Section Bruxelles : Motions
adoptées par l'UNEM lors de son XVe Congrès.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué du Comité Exécutif de la Défense
pour la Patrie daté de 1979.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles : Rapport
du Conseil Fédéral de l'UNEM daté du 14 janvier
1980.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué de presse de l'UNEM sections Bruxelles-Liège-Mons
daté du 4 mars 1980.
- Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles :
Communiqué de l'organisation Ilal Amam à propos des derniers
développements dans les prisons au Maroc, daté du 7 septembre
1984.
a.1.2 Interviews
- Interview de Colette Moulaert le 3 mai 2014.
- Interview de Jacques Charles le 1er avril 2014.
- Interview de Jacques Van Damne le 1er avril 2014.
- Interview de Louise Lacharon le 7 février 2013.
- Interview de Mimoune Sastane le 3 avril 2014.
- Interview de Mohamed Ouslikh le 26 février 2014 et le
1er avril 2014.
- Interview de Philippe Doucet et Annie Crolop le 12 avril
2014.
- Interview de Pierre Galand le 26 mars 2014.
a.1.3 Communiqués et rapports
- Rapport sur Tazmamart, Publication des CLCRM et de
l'ASHDOM, Paris, 1989, 12 p.
- BRUTSAERT, P. et MOULAERT, C., Rapport médical sur
les grévistes du groupe « 84 », Bruxelles, 19 septembre
1984, 37 p.
120
- KLENIEC, Y., Rapport sur les arrestations et condamnations
depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 15 juillet 1981, 36 p.
- MARTINET, A., Dossier adressé au CLCRM de Paris
relatif les procès et arrestations au Maroc, Paris, 1974, 37 p.
- MARTINET, A., et al., Mission juridique
internationale : Rapport sur la situation des Frontistes, Casablanca,
janvier 1977, 45 p.
- MIGNARD, J-P., Rapport sur les arrestations et
condamnations depuis le 21 juin 1981, Casablanca, 9 juillet 1981, 12 p.
- TREMBLAY, A., Rapport sur les arrestations et condamnations
depuis le 21 juin 1981, Casablanca, juillet 1981, 13 p.
- WEYL, M., Rapport sur la situation des mineurs
gréviste de Jerrada, Oujda, 18 janvier 1989, 37 p.
A.2 Sources publiées
a.2.1 Archives des particuliers
- CARCOB Archives Communiste (Bruxelles), Fonds
Jacques Moins
- Boîte N°2, Liasse n°6, Dossier
sécurité Belgique : Communiqué relatif à la
montée de l'insécurité sociale à Bruxelles
daté de 1982.
- Boîte N°7, Liasse n°3, Notes personnelles
de Jacques Moins relatives à sa participation à la Fondation
Joseph Jacquemotte, non datées.
- CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA1936
- Liasse n°46, Enseignement de la religion islamique -
circulaires : Circulaire de la CGSP Enseignement datée du 25
février 1983.
- Liasse n°69, Correspondance générale
pour les années 1970 à 1972 : Intervention en faveur d'Oliveira
Vital le 24 avril 1970.
- Liasse n°70, Correspondance générale
pour les années 1973 à 1976 : Intervention auprès du
groupe des Frontistes de Catalogne le 3 février 1973.
- Liasse n°71, Correspondance générale
pour l'année 1977 : Communiqué relatif à la perquisition
effectuée par la BSR au domicile de Mohamed El Baroudi du 16 juin
1977.
- Liasse n°71, Correspondance générale
pour l'année 1977 : PV d'une réunion passée entre Pierre
Le Grève et plusieurs responsables politiques belges, daté du 27
juin 1977.
- Liasse n°72, Correspondance générale
pour l'année 1978 : Lettre d'Ernest Glinne au CCRM de Bruxelles relative
à la visite mystérieuse du ministre du Travail marocain,
datée du 1er juin 1978.
121
- Liasse n°77, Correspondance générale
pour l'année 1984 : Communiqué du CCRM de Bruxelles daté
du 29 janvier 1984.
- Liasse n°77, Correspondance générale
pour l'année 1984 : Lettre de Louis Van Geyt adressée à
Léo Tindemans datée du 30 août 1984.
- CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°77, Correspondance générale pour l'année 1984 :
Lettre de Léo Tindemans adressée à Pierre Le Grève
datée de septembre 1984.
- Liasse n°77, Correspondance générale
pour l'année 1984 : Communiqué interne du CCRM de Bruxelles
daté du 15 septembre 1984.
- Liasse n°77, Correspondance générale
pour l'année 1984 : Demande d'une autorisation suive des recettes du
CCRM de Bruxelles d'une collecte publique en faveur du groupe « 84 »
datée du 18 septembre 1984.
- Liasse n°81, Correspondance générale
pour l'année 1991 : Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à
Freddy Thielemans datée du 2 février 1991.
- Liasse n°82, Correspondance générale
pour l'année 1992 : Communiqué du CLCRM de Lausanne relatif aux
détenus politiques du Maroc daté du 12 avril 1992.
- Liasse n°84, Correspondance générale
pour l'année 1994 : Lettre de Michel Devaivre adressée à
Pierre Le Grève datée du 27 août 1994.
- Liasse n°85, Correspondance générale
pour l'année 1995 : Lettre d'Ernest Glinne adressée à
Pierre Le Grève datée de septembre 1994.
- Liasse n°85, Correspondance générale
pour l'année 1995 : Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à
l'ASCLRM datée du 26 mars 1995.
- Liasse n°128, Algérie : La résistance
par les textes, Témoignages de tortures pratiquées en France par
les autorités nationales.
- Liasse n°254 et n°255, Correspondance de
Pierre Le Grève avec Abderkam Tahar en 1969 et Mohamed El Moussaoui en
1972.
- Liasse n°274, Correspondance et interventions au
profit de ressortissants Marocains - confidentiel : Affiche de recherche
d'Houcine El Manouzi datée du 13 juillet 1975.
- Liasse n°307, Les détenus de la prison de
Tanger : Lettre de Saïd Karaoui adressée au CCRM de Bruxelles
datée du 24 août 1987.
- Liasse n°310, Les détenus de la prison de
Tazmamart : Lettre d'un détenu de Tazmamart datée du 12
juillet 1980.
- Liasse n°310, Les détenus de la prison de
Tazmamart : Lettre d'un détenu datée du 5 août
1980.
- Liasse n°315, Détenus-les grèves de
la faim : Compte rendu de Mohamed El Baroudi adressé à Pierre Le
Grève daté du 13 décembre 1980.
- Liasse n°315, Lettres, écrits des
détenus : Lettre écrite par des détenus soutenant Mohamed
Atlass datée du 25 octobre 1980. Lettre écrite par les
détenus politique de la prison centrale de Kénitra datée
du 23 novembre
122
1982. Lettre écrite par la mère de Moulay
Douraïdi datée du 1er août 1987. Lettre des
détenus de la prison de Laâlou de Rabat confirmant la poursuite
d'une grève de la faim datée du 12 juillet 1989.
- Liasse n°316, les oeuvres d'Abdellatif Derkaoui :
Dessins d'Abdellatif Derkaoui, non datés.
- Liasse n°316, les oeuvres d'Abdellatif Derkaoui :
Lettre du CCRM de Bruxelles adressée à la Régionale UBDP
de Liège, la Commission « Immigrés » FGTB et
Solidarité Arabe, datée du 4 mars 1983.
- Liasse n°317, Bande dessinée « Dans les
entrailles de ma patrie » : Acte de dépôt de la bande
dessinée signé entre Philippe Doucet et la Bibliothèque
Royale de Belgique daté du 6 juillet 1981.
- Liasse n°328, Appels à la libération
des détenus, Abraham Serfaty : Lettre d'Evelyne Serfaty adressée
au CLCRM de Paris datée du 16 octobre 1972.
- Liasse n°330, Prisonniers
libérés-listes : Liste des détenus pour l'année
1972. Liste des détenus pour l'année 1983. Liste des
détenus pour l'année 1984. Liste des détenus
libérés en 1989.
- Liasse n°340, Le mouvement étudiant, RDM -
communiqués et notes internes : Communiqué du CCRM
dénonçant les actes des Amicales daté de 1979.
- Liasse n°340, RDM-Regroupement Démocratique
Marocain, RDM-Communiqués et notes internes : Communiqué du
Regroupement Démocratique Marocain daté du 16 mars 1980.
- Liasse n°344, Documents relatifs au mouvement
étudiant, UNEM : Lettre de l'UNEM section Marrakech envoyée aux
CLCRM daté du 19 mars 1973.
- Liasse n°344, Documents relatifs au mouvement
étudiant : UNEM : Conférence-débat organisé par
l'UNEM et le Cercle du Libre Examen du vendredi 22 mars 1973.
- Liasse n°345, Association des travailleurs
marocains en Belgique : Communiqué de l'AMF - Activités et
objectifs de l'AMF.
- Liasse n°345, Association des travailleurs
marocains en Belgique : Communiqué de l'AMF daté du 10 avril
1974.
- Liasse n°345, Association des travailleurs
marocains en Belgique : Avis aux Travailleurs et Commerçants de la
circonscription consulaire de Paris daté de 1974.
- Liasse n°346, Contrôle des opposants
marocains en Belgique, Un assistant social à Bruxelles :
Communiqué de presse du Conseil Consultatif des Bruxellois n'ayant pas
la Nationalité Belge, daté du 8 février 1980.
- Liasse n°351, Association Belge des Juristes
Démocrate : Communiqué du CCRM de Bruxelles à l'AJBD sur
les arrestations des membres de la CDT, non daté.
- Liasse n°357, Parlement Européen - Documents
de séances 1987-1989 : Résolution adoptée par le Parlement
Européen de Strasbourg relative aux violations des Droits de l'Homme au
Maroc d'octobre 1988.
- Liasse n°361, Mission Tremblay - juillet 1981 :
Appel à la manifestation du 27 novembre 1981.
- Liasse n°362, Mission du Centre International des
Droits Syndicaux - Mission juridique Monique Weyl du 13 au 18 janvier 1989 au
Maroc.
- Liasse n°364, Missions du CLCRM au Maroc : Rapport
établi par les CLCRM, l'AMDH et l'OMDH lors de la mission d'observation
juridique passée entre le 29 janvier et le 5 février 1992, pp.
2-4.
123
- Liasse n°365, OMDH - Assemblée constitutive
: déclaration du bureau central de l'OMDH de Rabat daté du 10
décembre 1988.
- Liasse n°377, APADM - Appel : Communiqué des
parents des détenus du groupe « 83 » publié par l'APADM
et les CLCRM daté d'août 1983.
- Liasse n°378, APADM - Communiqués :
Communiqué de l'APADM du 15 mai 1983.
- Liasse n°378, APADM - Communiqués :
Communiqué des 97 détenus politiques de la prison centrale de
Kénitra daté d'août 1983.
- Liasse n°381, ASHDOM-APADM-CLCRM -
Communiqué de presse : Communiqué de l'ASHDOM relatif aux
activités des Amicales daté du 14 mars 1987.
- Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM - Notes sur la
répression : Note sur la présentation de conférence tenue
à Strasbourg le 12 novembre 1986.
- Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM - Notes sur la
répression : Rapport sur les disparus présenté par le CCRM
de Liège lors de la conférence de Strasbourg daté du 12
novembre 1986.
- Liasse n°382, ASHDOM-APADM-CLCRM - Notes sur la
répression au Maroc : Rapport de la coordination de Genève
daté du 15 et 16 octobre 1988.
- Liasse n°383, ASHDOM-CLCRM - Coordination : Rapport
des activités des CLCRM daté d'octobre et novembre 1984.
- Liasse n°384, ASHDOM-APADM-CLCRM - A propos de la
journée des disparus au Maroc. Notes et correspondance 1987 : Rapport
sur la « journée des disparus au Maroc » tenue à
Strasbourg le 9 avril 1987.
- Liasse n°385, CCRM - Appel et campagne
d'adhésion : Affiche « Le Maroc des Touristes et de la
Répression datée de 1978.
- Liasse n°385, CCRM - Appel et campagne
d'adhésion : d'une demande d'autorisation d'affichage du 30 octobre
1979.
- Liasse n°388, CCRM-Communiqués de presse :
Communiqué du CCRM dénonçant les propos d'Edmond Leburton
et de Robert Vanderkerckhove daté du 2 mai 1978.
- Liasse n°388, CCRM - Communiqué de presse :
Communiqué du CCRM de Bruxelles faisant le bilan des détenus
politiques au Maroc daté de novembre 1988.
- Liasse n°395, Finances : Rapport financier à
l'assemblée du 23 décembre 1977.
- Liasse n°395, CCRM-Finances : Carnet des dons
perçus par le CCRM de Bruxelles pour les années 1984,1986 et
1991.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre de Jacques Moins à Pierre Le Grève confirmant son
adhésion au CCRM datée du 24 juin 1977.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettres du CCRM à la JOC, le MCP, le MRAX, la JSB, l'UBDP, le Mouvement
de l'autogestion socialiste, l'Ecole d'Alphabétisation de Mons-Borinage
entre novembre et décembre 1977.
124
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettres du CCRM de Charleroi au CCRM de Bruxelles proposant une coordination
avec les mouvements marocains, datées du 24 novembre et du 12
décembre 1977.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Communiqué du CCRM relatif au meeting du 10 février 1978 à
20h00 à la salle de la Madeleine.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Compte-rendu du CCRM sur le meeting du 10 février 1978 daté du 12
février 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre du CCRM de Bruxelles aux membres du comité bruxellois sur un
projet de fusion avec le comité de Charleroi datée du 15
février 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre du CCRM de Charleroi pour les membres du comité
carolorégien sur des propos vifs échangés avec le CCRM de
Bruxelles, datée du 30 septembre 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre du CCRM de Bruxelles aux CCRM de Charleroi et Liège sur
l'organisation d'une collecte expérimentale en faveur des détenus
politiques au Maroc, daté du 14 octobre 1978.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre d'Henri Simonet à M'hammed Boucetta datée du 8 janvier
1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre adressée au CCRM par Serge Moureaux sur la perquisition au
domicile de Mohamed El Baroudi et la complicité des polices belges et
marocaine, datée du 29 février 1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre de Serge D'agostino à Pierre Le Grève relative sur la
détention d'Abderrahim Charahbili Harouchi datée du 14 juillet
1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Communiqué relatif au colloque « Poésie et Libertés
» daté du 13 décembre 1980.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre de Pierre Le Grève au RDM datée du 19 mars 1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
PV de la coordination des CLCRM à Rouen : traduction de la bande
dessinée par les CCRM de Bruxelles et Charleroi, daté du 29 mars
1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Plainte de la RTT datée du 28 septembre 1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre du CCRM au RDM datée du 28 novembre 1981.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre de Claude Dejardin à Maâti Bouabid sur le cas d'Ahmed
Herzenni datée du 28 avril 1982.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettres du CCRM de Bruxelles à Jean Gol relatives à l'expulsion
du ressortissant marocain Koub Saïd datées des 25 mai et 4 juin
1982.
- Liasse n°398, CCRM - Correspondances diverses de
1977 à 1994 : Lettre de Pierre Le Grève à Gilles Perrault
datée du 30 septembre 1990.
- Liasse n°398, Correspondances diverses 1977-1994 :
Lettre du représentant du RDM adressée au CCRM de Bruxelles
datée du 20 janvier 1991.
125
- Liasse n°390, CCRM - Notes sur la répression
: PV de la réunion du CCRM de Bruxelles du lundi 27 novembre 1978
relatif aux plans d'actions du CCRM de Bruxelles et de l'écriture d'une
plateforme.
- Liasse n°390, CCRM - Note sur la répression
: Plateforme du CCRM daté du 27 novembre 1978.
- Liasse n°392, Activités depuis le meeting de
la Madeleine, Mission CCRM : Rapport médical sur la description de la
vie carcérale au Maroc daté de 1980, pp. 2-8.
- Liasse n°399, CCRM - Membres : Adhésion d'un
nouveau membre au CCRM de Bruxelles.
- Liasse n°401, ASCLCRM-Statuts de l'association :
Statuts du CLCRM de Paris, non daté, 3 p.
- Liasse n°402, ASCLCRM - Communiqués :
Communiqué interne relatif au rapport émis par le CLCRM de Paris
daté de 1977, pp. 1-5.
- Liasse n°402, ASCLCRM - Communiqués :
Assemblée générale du CCRM de Bruxelles datée du 24
janvier 1978.
- Liasse n°402, ASCLCRM - Communiqués :
Synthèse du travail des CLCRM. La commission de fonctionnement
datée de 1982-1983.
- Liasse n°405, les CLCRM - Communiqués de
presse : Bilan de la coordination des CLCRM tenue à Amsterdam
daté du 8 octobre 1984.
- Liasse n°405, les CLCRM - Communiqués de
presse : Rapport de la coordination des CLCRM du 8 au 10 mars 1985.
- Liasse n°405, les CLCRM - Communiqué de
presse : Discours d'Hassan II relatif à la Grâce du 7 juillet
1994.
- Liasse n°406, les CLCRM - Listes et organigrammes :
Liste des comités en Europe datée de 1980.
- Liasse n°406, Les CLCRM : Listes et organigrammes :
Les sections des CLCRM en Europe. Organigramme daté de 1980.
- Liasse n°406, les CLCRM - Liste et organigrammes :
Bilan financier de l'organisation de l'exposition Abdellatif Derkaoui de mars
1983.
- Liasse n°407, Les CLCRM - Comptes rendus et
documents internes : Bilan des activités du MAB envoyé au CCRM de
Bruxelles daté du 7 mars 1979.
- Liasse n°407, les CLCRM - Comptes rendus et
documents internes : Bilan des activités du comité de Charleroi
lors de la coordination des 25 et 26 octobre 1980.
- Liasse n°407, les CLCRM - Comptes rendus et
documents internes : Bilans des activités du CCRM de Charleroi
datés du 19 et 20 mars 1983.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan de la coordination du 15 au 17 octobre 1977.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lausanne
daté du 19 avril 1978.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Dijon entre fin
1978 et début 1979.
126
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM d'Angers entre
novembre 1978 et janvier 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Besançon
entre novembre 1978 et février 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Rouen en mars
1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lilles d'octobre
1978 à mars 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Grenoble des 17 et
18 mars 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilans de la coordination des CLCRM daté du 14
octobre 1979.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Rapport de la coordination de l'ASCLCRM des 25 et 26
octobre 1980.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Appel d'une coordination proposé par le CLCRM de
Rouen daté du 11 février 1981.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Compte-rendu de la coordination des CLCRM passée
à Rouen les 28 et 29 mars 1981.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Communiqué : Foire gastronomique de Dijon - Une
action unitaire réussie du 21 novembre 1981.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Lille entre
septembre 1981 et janvier 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du KMAN et du CLCRM d'Amsterdam
du 7 janvier 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Proposition de Paris aux sections locales des CLCRM
d'amélioration de la communication des informations datée du 22
mai 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Strasbourg
daté du 22 juin 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Pétition proposé par le CLCRM de Paris lors
de la coordination de Paris des 24 et 25 octobre 1982.
- Liasse n°408, Les CLCRM - Coordinations
européennes : Bilan des activités du CLCRM de Brest daté
de 1982-1983.
- Liasse n°408, les CLCRM - Coordination
européenne (7/8.121992) : Communiqué du CLCRM de Lausanne
daté du 4 avril 1992.
- Liasse n°410, ASCLCRM - Rapport de la
conférence de Strasbourg : Compte rendu de la conférence tenue
à Strasbourg le 12 novembre 1986.
127
- Liasse n°411, ASCLCRM - Notes diverses : Compte rendu
consacré au détenu Abdelhak Chbada daté de septembre
1989.
- Liasse n°421, Quelques dossiers particuliers - Affaire
Raes-Administrateur Général de la Sûreté
belge-Dossier constitué par le CCRM de Bruxelles : Lettres de Pierre Le
Grève envoyées à Serge Moureaux, Willy Burgeon, Léo
Tindemans et José Daras relatives à la décoration d'Albert
Raes datées du 16 au 31 mars 1989.
- Liasse n°422, Roi Hassan II - Visite en Belgique :
Texte communiqué à la presse le 19 octobre 1983.
a.2.2 Documents et textes parlementaires
a.2.2.1 Annales parlementaires
- Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire
1980-1981, Séance du mercredi 19 novembre 1980 : Interpellation de
Claude Dejardin relative à l'exportation des armes belges, pp.
289-290.
- Annales Parlementaires de Belgique, Session ordinaire
1982-1983, Bulletin des questions et réponses n°36 du 12 juillet
1983, Question orale posée par Claude Dejardin à André
Bertouille.
- Annales Parlementaires de Belgique, Sénat séance
du 22 janvier 1986, Bulletin des questions et réponses n°30 du 6
mai 1986, Question posée par Jean-François Vaes à
André Damseaux sur la nomination des professeurs de cours de religion
islamique, pp. 977-978.
- Annales Parlementaires de Belgique, Chambre, Bulletin des
questions et réponses n°217 du 21 avril 1989. Question
écrite posée par José Daras au ministre de la Justice
Melchior Wathelet portant sur la décoration par le Maroc de
l'Administrateur général, p. 5784.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 25 mai 1956,
N°2274, Dahir n°1-56-115 du 5 chaoual 1375 (16 mai 1956) relatif
à la direction générale de la sûreté
nationale.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 20 juillet 1956,
N°2282, Dahir n°1-56-138 du 16 kaada 1375 (25 juin 1956) portant
création des Forces armées royales.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 17 août 1956,
N°2286, Dahir n°1-56-179 du 25 hija 1375 (3 août 1956)
portant institution d'un Conseil national consultatif auprès de sa
Majesté.
- Bulletin officiel Royaume du Maroc du 17 mai 1957,
N°2325, Dahir n°1-57-059 du 28 ramadan 1376 (29 avril 1957) sur la
gendarmerie.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9 juin 1961,
N°2745, Dahir n° 1-61-167 du 17 hija 1380 (2 juin 1961) portant
Loi fondamentale pour le Royaume du Maroc.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 9 juin 1965,
Décret royal n°136-65 du 7 safar (7 juin 1965) proclamant
l'état d'exception.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 31 janvier 1973,
N°3144, Dahir portant loi n°1-73-8 du 7 hija 1392 (12 janvier1973)
relatif à la création d'une Direction générale
d'études et de documentation.
128
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 4 avril 1973,
N°3153, Décret n°2-73-172 du 27 safar 1393 (2 avril 1973)
portant suspension du groupement politique dit « l'Union nationale des
forces populaires - branche de Rabat ».
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 11 avril 1973,
N°3154, Dahir portant loi n°1-72-524 du
18 moharram 1393 (22 février 1973) relatif à
l'organisation générale des forces auxiliaires.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 21 janvier 1976,
N°3299, Arrêté du ministre des affaires administrative,
secrétaire général du gouvernement n°454-75 du 27
hija 1395(30 décembre 1975)
relatif à la classification des fonctionnaires pour
l'attribution des indemnités de déplacements.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 2 mai 1990,
N°4044, Dahir n° 1-90-12 du 24 ramadan 1410 (20 avril 1990) relatif
au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme.
- Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 1er novembre 2001,
N°4948, Dahir n°1-01-299 du 29 rajab al khaïr 1422 (17
octobre 2001) portant sur l'Institut Royal de la Culture Amazighe.
- CRISP, Documents Politiques, Gouvernements
Fédéraux depuis 1944 : Gouvernements Léo Tindemans I, II,
III, IV.
- Manifeste du Parti de l'Istiqlal le 11 janvier 1944.
a.2.2.2 Constitutions
- Constitution du Royaume de Belgique.
- Constitution du Royaume du Maroc du 7 décembre 1962.
- Constitution du Royaume du Maroc du 24 juillet 1970.
- Constitution du Royaume du Maroc du 15 mars 1972.
- Constitution du Royaume du Maroc du 4 septembre 1992.
- Constitution du Royaume du Maroc du 13 septembre 1996.
- Constitution du Royaume du Maroc du 29 juillet 2011.
a.2.3 Communiqués, journaux, presses et
périodiques des associations, partis politiques et
syndicats
- AT TAHRIR, Hebdomadaire de l'UNFP section des
étudiants de Paris, N°6, du 7 mai 1963.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel,
mars-avril 1978.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, septembre-octobre, 1979.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, mars-avril, 1980.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, novembre-décembre, 1980.
129
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, juillet-août, 1981.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, novembre-décembre 1981. - Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
janvier-février, 1983.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, janvier-février, 1984. - Maroc Répression,
Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, juillet-août, 1984.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, septembre-octobre 1984.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, mars-avril, 1985.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, novembre-décembre, 1985
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, janvier-février 1987.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, novembre-décembre 1987.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, novembre-décembre, 1987.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, avril-mai, 1989.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, novembre-décembre, 1989.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, janvier-février, 1991.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, janvier-février (supplément), 1991.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, janvier-février, 1992.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, mars-avril 1993.
- Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
de Bruxelles, 4 mai, 1994.
- Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM de
Paris, N°8 bis, décembre 1978.
- Maroc Répression, Bulletin mensuel du CLCRM de
Paris, N°31, septembre-octobre 1988.
- Maroc Répression : Le Maroc des Procès,
Bulletin mensuel du CLCRM de Paris, Paris, N°39, 1977.
- L'UNEM : Dossier Syndical, Organe de presse de l'UNEM
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- Syndicats, organe de presse de la FGTB, N°43, le
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- BEN BARKA, M., Option révolutionnaire au Maroc,
Rapport au secrétariat de l'UNFP avant le 2e Congrès, Rabat, le
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- BEN BARKA, M., Vers la construction d'une société
nouvelle, Discours devant les cadres du parti de l'Istiqlal de Tétouan,
31 juillet 1958.
a.2.4 Interviews
130
- Interview d'Abderrahmane Cherradi par Anne Quinet, RTBF Edition
du mercredi 19 octobre 1983 à 19h00.
- Interview d'Hassan II sur Europe 1 du 21 novembre
1976.
- Interview d'Hassan II par Jean-Charles Dekeyser,
RTL-TV Edition du 19 octobre 1983 à 19h15.
a.2.5 Journaux, dépêches et presses
internationaux - AFP du 24 juin 1981 à 15h38.
- Jeune Afrique du 1er février 1984.
- La Cité du 20 janvier 1983.
- Le Courrier International du 11 juillet 2009.
- La Dernière Heure du 20 janvier 1980.
- La Dernière Heure du 20 octobre 1983.
- Le Drapeau rouge du 7 mars 1980.
- Le Drapeau Rouge du 20 janvier 1983.
- L'Humanité du 3 juin 1971.
- L'Humanité du 15 novembre 1974.
- Le Journal Hebdo, N°286 du 20 au 26 janvier
2007.
- La Libre Belgique du 20 octobre 1983.
- Le Matin du Maroc du 30 mars 1975.
- Le Matin du Sahara du 4 mars 1989.
- Le Monde du 21 août 1963.
- Le Monde du 13 juillet 1971.
- Le Monde du 9 août 1971.
- Le Monde du 3 mars 1973.
- Le Monde du 27 janvier 1977.
- Le Monde du 26 octobre 1983.
- Le Nouvel Observateur du 6 juin 1977.
- Le Nouvel Observateur du 16 janvier 1978.
- Le Soir du 1er février 1980.
- Le Soir du 18 octobre 1983.
- Libération du 3 septembre 1984.
- RTBF Edition du mardi 18 octobre 1983 à
7h20.
131
- Rue 89 du 1er février 2010.
- Slate Afrique du 2 juillet 2011.
a.2.6 Communiqués et rapports
- Communiqué relatif à la confirmation en appel
de la condamnation d'Ali L'mrabet : une atteinte grave à la
liberté d'expression, Communiqué de la
Fédération Internationale des Droits de l'Homme, 17 juin 2003.
- Les Fondements Juridiques et Institutionnels de la
République Arabe Sahraouie Démocratique, Actes du Colloque
international de juristes tenu à l'Assemblée Nationale, Paris,
L'Harmattan, les 20 et 21 octobre 1984.
- Guide Juridique des Collectivités Locales,
Publication du Ministère de l'Intérieur du Royaume du
Maroc, Tome 1-2, Rabat, 2010.
- Maroc-Sahara occidental : Aveux contestés,
procès contestables, Communiqué d'Human Right
Watch, 21 juin 2013.
- Point Hebdomadaire sur la campagne de parrainage des
prisonniers d'opinion au Maroc,
publication de l'ASHDOM, N°52, 30 janvier 2014
- Rapports d'Amnesty International de 1972 à 1977,
2006 et 2012.
- Rapport annuel sur les violations des Droits Humain au
Maroc en 2010, Publication de l'AMDH,
juin 2011.
- Rapport d'ATTAC concernant les événements de
Sidi Ifni, 1er juillet 2008.
- Rapport du CNDH présenté au Parlement du
Royaume du Maroc, juin 2014.
- Rapport du Secrétaire général sur la
situation concernant le Sahara occidental, Publication du
Conseil de Sécurité des Nations Unies, 8 avril
2013.
- Rapport sur les migrants subsahariens en situation
irrégulière au Maroc, Publication d'MSF, mars
2013.
- Rapport sur le développement humain en 2011,
Publication du PNUD, 2010-2011.
- La liberté de la presse : le Maroc derrière
l'Algérie et la Lybie, Communiqué de Reporters Sans
Frontières, 20 octobre 2013.
a.2.7 Sources iconographiques
- Couverture de la bande dessinée RAHAL, Dans les
entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc,
Paris-Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam,
1980.
132
- Photo de la manifestation organisée par le CCRM de
Bruxelles en faveur des victimes des arrestations au Maroc, in Maroc : un
trône qui tremble sur ses bases, Publication de la Ligue
Anti-Impérialiste, Bruxelles, février 1986, p. 27.
- Carte du Maroc : Villes et régions
économiques, dimension de l'image 1200 X 1138 vu dans :
http://www.carte-du-monde.net/pays-44-carte-regions-economiques-maroc.html
(consulté le 15 juin 2015).
a.2.8 Témoignages
- KIEJMAN, A. et DARTEVELLE, B., Le Livre blanc sur les
Droits de l'Homme au Maroc, Paris, Publication de la Ligue des Droits de
l'Homme, 1989.
- MENEBHI, S., Poèmes-lettres-écrits de
prison, Paris-Bruxelles, les CLCRM de Paris et Bruxelles, décembre
1978.
- RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de la
détention politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM
de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980.
- ZRIKA, A., Rires de l'arbre à palabre, Paris,
L'Harmattan, 1982.
B. Bibliographie
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Carte du Maroc376
138
376 Carte du Maroc : Villes et régions
économiques, dimension de l'image 1200 X 1138 vu dans :
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(consulté le 15 juin 2015).
139
Glossaire des personnalités
140
ABABOU, M'hamed (1938-disparu en 1971)
Originaire de Taza, M'hamed Ababou fut l'un des plus jeunes
officiers supérieurs du Maroc après l'indépendance.
Lieutenant-colonel des FAR, M'hamed Ababou a participé au premier coup
d'Etat au Palais de Skhirat alors qu'Hassan II fêtait son anniversaire
avec une importante délégation étrangère le 10
juillet 1971. Le coup d'Etat ayant échoué, M'hamed Ababou a
été arrêté et interné au PF2.
AGOULIZ, Mohamed (1927 ?- assassiné en
1964)
Originaire du sud marocain, Mohamed Agouliz fut très
tôt dans l'ALM. Surnommé « le Chef des Arabes », Mohamed
Agouliz multiplia des coups de main contre la police et contre des agents
d'autorité du Makhzen. Recherché par la Sûreté
Nationale, Agouliz fut condamné par contumace au procès de Rabat
du 14 mars 1964. Quelques mois plus tard, « le Chef des Arabes » a
été impitoyablement traqué et liquidé par le
Général Oufkir à Casablanca le 7 août 1964.
AHARDANE, Mahjoub (né en 1921 ?)
Personnage clé de la politique marocaine contemporaine,
Mahjoub Ahardane est l'archétype du seigneur féodal
impliqué dans le Mouvement National. Caïd à la fin des
années 1940 dans l'Atlas, il participa à la fondation du MP en
1957. Mahjoub Ahardane apparait comme un membre influent du Makhzen au sein des
partis politiques de tendance istiqlalienne (PI et PDI). En outre, il collabora
dans plusieurs gouvernements sous Hassan II et devint ministre de la
Télécommunication entre 1979 et 1981.
AMAOUI, Noubir (né en 1935)
Natif de la région casablancaise, Noubir Amaoui fut un
important personnage du syndicalisme au Maroc. Entre 1975 et 1978, il consolida
la CDT dont il a pris le secrétariat général. Lors des
événements de juin 1981, Noubir Amaoui a lancé l'appel
à la grève générale à l'encontre du
régime marocain. Arrêté, son syndicat interdit, les CLCRM
plaidèrent fortement en sa faveur en créant un comité de
soutien. Noubir Amaoui fut libéré en 1992.
BALAFREJ, Ahmed (1908-1990)
Originaire d'une famille bourgeoise de Rabat, Ahmed Balafrej
entra dans le monde politique dans les années 1930 et a participé
à la construction des premiers partis politiques dont le PN et le PI.
Secrétaire général de ce dernier parti entre 1943 et 1960,
il a constitué le premier Gouvernement National après
l'indépendance (PI du 3 décembre 1956 au 12 mai 1958). Son fils,
Anis Balafrej (surnommé « Che Mao »), s'est illustré
dans les mouvements d'extrême gauche à partir de 1968.
141
BASRI, Driss (1938-2007)
Natif de Settat, Driss Basri était fils d'un gardien de
prison. Commissaire, il gravit rapidement les échelons du
Ministère de l'Intérieur. A partir de 1969, Driss Basri devint
commissaire principal de la DGSN et il consolida l'appareil sécuritaire
en créant la DST et la DGED. Professeur de Droit, Basri est devenu le
troisième homme fort du régime d'Hassan II. Basri obtint de ce
dernier le Ministère de l'Intérieur pour vingt ans (1979-1999). A
la mort d'Hassan II, il fut limogé par Mohamed VI.
BASRI, Mohamed (Fqih) (1930-2003)
Mohamed Basri s'est illustré dans l'ALM et a
mené des actions contre les autorités françaises
dès 1954. Personnage influent de l'ALM, il entretenait des contacts avec
le groupe politique de Mehdi Ben Barka (UNFP) et d'Abdallah Ibrahim (UMT) et
aussi l'UNEM. Condamné dès le procès de mars 1964, Mohamed
Basri organisa des cellules de l'ALM dans les montagnes marocaines. Entre 1965
et 1973, il fut à l'initiative d'une guérilla contre le
régime d'Hassan II. Il rentra au Maroc en 1995 après 30 ans
d'exil.
BEN BARKA, Mehdi (1920- disparu en 1965)
Fils d'un petit commerçant de Rabat, Mehdi Ben Barka
fut une figure de proue du Mouvement National. Ayant participé aux
premiers gouvernements nationaux (1956-1960), dont il fut un temps le ministre
de l'Education, Ben Barka favorisa l'émergence de l'UNEM (1956) et
créa l'UNFP en 1959. Figure de proue de l'opposition politique marocaine
et du Mouvement des Non-Alignés, il prit le chemin de l'exil en 1963.
Leader charismatique, il fut enlevé par des agents de la CAB1 devant la
brasserie Lipp, à Paris, le 29 octobre 1965. Sa disparition a
marqué un premier schisme dans la gauche marocaine.
BEN SEDDIK, Mahjoub (1922-2010)
Membre fondateur du Mouvement Syndical, Mahjoub Ben Seddik fut
cheminot et affilié à la CGT et plus tard à l'UGSCM. Entre
1948 et 1955, Ben Seddik a fondé la première centrale syndicale
ouvrière marocaine : l'UMT. Il assura le secrétariat
général de ce syndicat jusqu'à sa mort.
BENJELLOUN, Omar (1936- assassiné en
1975)
Originaire d'Oujda, Omar Benjelloun fit des études de
télécommunication et de droit. Participant à la
création de l'UNFP, Omar Benjelloun faisait partie des membres influents
de la gauche marocaine entre 1959 et 1975. A cette date, il a participé
à la fondation de l'USFP dont il
142
dirigea le journal Al Moharrir. Très actif
dans l'UNEM et l'UMT, il fut plusieurs fois arrêté et
torturé. Omar Benjelloun fut visé par une première
tentative d'assassinat par colis piégé en 1973. Le 18
décembre 1975, il fut poignardé par des islamistes appartenant
aux Jeunesses Islamiques. Son frère, Ahmed, est resté actif au
sein de l'USFP.
BOUABID, Abderrahim (1922-1992)
Natif de Salé, Abderrahim Bouabid fut un acteur du
Mouvement National, participant à la consolidation du PI, de l'UNFP et
de l'USFP entre 1944 et 1975. Entre 1956 et 1960, Abderrahim Bouabid devint
successivement ministre de l'Economie, de l'Agriculture et des Finances. Avocat
de formation, il plaida en faveur des frontistes (Ilal Amam),
socialistes (USFP), syndicalistes (UMT et CDT) et journalistes inculpés
lors des procès politiques passés entre 1977 et 1983. Il fut
secrétaire général de l'USFP de 1975 à 1992.
BOUABID, Maâti (1927-1996)
Originaire de Casablanca, Maâti Bouabid a
participé au Gouvernement d'Abdallah Ibrahim en devenant ministre de
l'Emploi et des Affaires sociales en 1958. A partir de 1977 sous le
Gouvernement Osman, Maâti Bouabid reçu le Ministère de la
Justice. Il fut à la tête de trois gouvernements successifs - tout
en gardant le Ministère de la Justice - UC entre le 29 mars 1979 et le
30 novembre 1983. Durant ses mandats, il renforça les « partis
pivots » en vue d'assurer une meilleure hégémonie royale
à l'égard des mouvements de l'opposition.
BURGEON, Willy (né en 1940)
Originaire de La Louvière, Willy Burgeon est
licencié en Sciences commerciales et financières. Enseignant
entre 1963 et 1969, il entre a u PSB en 1971. Entre 1971 et 2006, Willy Burgeon
devient député wallon, conseiller communal et échevin de
Haine-Saint-Pierre et de Binche. Il participe à la réunion qui
allait consacrer la naissance du CCRM de Bruxelles le 23 juin 1977. Lorsque le
CCRM de Bruxelles organisait ses activités et ses réunions, Willy
Burgeon restait régulièrement informé par Pierre Le
Grève.
CROLOP-DOUCET, Annie et Philippe (née en 1944
et né en 1952)
Annie Crolop est enseignante en français. Membre de la
FGTB section Bruxelles-Hal-Vilvoorde dès 1966, Annie Crolop a
participé à l'élaboration des écoles
d'alphabétisation à partir de 1968. Ces cours étaient
dispensés aux immigrés espagnols, turcs et marocains. Entre 1968
et 1976, Annie Crolop collabora dans diverses formations données par la
FGTB, parmi lesquelles : des cours sur les problèmes des
délégués syndicaux, du droit social, des ateliers
populaires et une université
143
syndicale. Son mari, Philippe Doucet, est architecte de
formation. Actif dans l'alphabétisation des ouvriers immigrés,
Philippe Doucet a été amené à participer à
la fondation et à la gestion interne du CCRM. Ses principales fonctions
au sein du comité étaient d'écrire les comptes rendus des
réunions, de rédiger les bulletins d'information et
d'écrire les appels aux coordinations pour les CLCRM.
CUDELL, Guy (1917-1999)
Natif de Bruxelles, Guy Cudell fut un homme politique
socialiste. Bourgmestre de Saint-Josse-Ten-Noode depuis 1953 jusqu'à son
décès, Guy Cudell était aussi membre de la Chambre des
Représentants et secrétaire d'Etat aux affaires bruxelloises dans
les Gouvernements d'Edmond Leburton (du 26 janvier 1973 au 19 janvier 1974) et
de quelques Gouvernements de Wilfried Martens. Internationaliste, Guy Cudell a
apporté son soutien aux réseaux du FLN durant la guerre
d'Indépendance de l'Algérie (1954-1962). De la cause
algérienne, Cudell s'était sensibilisé à celle des
ressortissants marocains fuyant le régime d'Hassan II. En ce sens, il
participa fortement aux activités du CCRM de Bruxelles en disposant pour
ce dernier des autorisations de manifestation et d'affichage public.
DARAS, José (né en 1947)
Natif de Namur, José Daras est géographe de
formation. Sensibilisé aux questions sociales et environnementales,
José Daras a participé à la création du parti ECOLO
en 1980. Interpellé sur la répression politique au Maroc, il fut
présent lors de la réunion du 23 juin 1977 consacrant la
fondation du CCRM de Bruxelles. Député et ministre wallon entre
1981 et 2004, José Daras s'est illustré en posant des questions
parlementaires quant à la présence policière marocaine en
Belgique et à l'affaire Raes (1989 et 1994).
DAURE, Christine Jouvain-Serfaty
(1926-2014)
Christine Daure était la fille d'un physicien, recteur
de l'Université de Caen. Professeure d'histoire et de géographie,
elle s'installa au Maroc en 1962. Sensibilisée aux mouvements
d'extrême gauche marocains, elle fut amenée à soutenir les
activités de ces derniers (publications, protection envers les
étudiants recherchés etc.). Elle fit connaissance d'Abraham
Serfaty alors arrêté une première fois en 1972 et ne put se
marier avec lui qu'en 1986. Christine Jouvain milita activement pour
créer le premier CLCRM à Paris avec François Della Sudda.
Au vu des nombreuses informations relatives aux conditions de détention
dans les prisons marocaines,
Christine Jouvain a largement contribué à les
relayer auprès de Gilles Perrault pour la publication de « Notre
Ami le Roi » en 1991.
De WASSEIGE, Yves (né en 1925)
Originaire de Namur, Yves de Wasseige est diplômé
en génie civil des mines et en économie (19501951). Entre 1958 et
1975, de Wasseige travaille comme ingénieur sidérurgique de
Hainaut-Sambre. A partir de 1975, Yves de Wasseige entre de plein pied dans la
politique en adhérant au Mouvement Wallon et obtient le
secrétariat général du Rassemblement Wallon en 1980. Il a
été, en outre, plusieurs fois sénateur. Actif dans le
Gouvernement Tindemans, Yves de Wasseige participa à la fondation du
CCRM de Bruxelles en 1977.
DEJARDIN, Claude (né en 1938)
Originaire de Liège, Claude Dejardin entre comme agent
administratif à l'INR-RTBF. Régulièrement élu
député de l'arrondissement de Liège depuis 1971, Claude
Dejardin siège au Conseil Wallon entre 1980 et 1987. Socialiste et
spécialiste de la question de l'immigration en Belgique au sein du
parti, Claude Dejardin a créé un CCRM à Liège vers
1980. Entre 1981 et 1986, Claude Dejardin a interpellé plusieurs fois le
Parlement sur les relations commerciales entre la Belgique et le Maroc, dont
les exportations d' armes et le contrôle des professeurs de religion
islamique dans les établissements scolaires belges.
DLIMI, Ahmed (1930-1983)
Natif de Sidi Kacem, ville sur la côte atlantique
marocaine, Ahmed Dlimi a fait des études dans l'Ecole Militaire de
Casablanca en 1956. Parachutiste, il intégrait les FAR en 1957 et
participait au cabinet du Général Oufkir dont il en devint le
directeur-adjoint. Entre 1960 et 1973, le Colonel Dlimi consolida l'appareil
sécuritaire en renforçant le CAB1 et en créant les BS.
Après la mort du Général Oufkir, Ahmed Dlimi fut le
deuxième homme fort du régime d'Hassan II en procédant
à une féroce purge dans l'armée et les partis politiques.
Depuis la Marche Verte, survenue le 6 novembre 1975, le monarque l'a
nommé Commandant en Chef de l'armée marocaine. Le Commandant en
Chef est mort, dans des circonstances mystérieuses, d'un accident sur la
route de Marrakech le 25 janvier 1983.
144
DURY, Raymonde (née en 1947)
Femme politique belge francophone, Raymonde Dury
intégra le PSB et fut députée européenne de 1984
à 1998. Raymonde Dury s'est engagée en faveur du CCRM de
Bruxelles au début des années 1990.
EL ALAOUI, Hassan (II) (1929-1999)
Fils de Mohamed V, le prince Hassan a fait des études
de Droit à Rabat et à Bordeaux où il obtint un
diplôme en 1951. 16e roi de la dynastie alaouite, Hassan II
accéda au trône en 1961. Partisan du pouvoir fort et absolu,
Hassan II a été favorable au rapprochement av e c les Etats-Unis
et l'Europe occidentale durant la Guerre Froide. Privilégiant une
économie d'exportation, Hassan II s'est employé à mettre
au pas le Mouvement National en recourant systématiquement à la
force. Hassan II dirigeait le Parlement où il nommait un conseiller.
C'est durant son règne qu'apparut la question du Sahara. Son fils,
Mohamed VI, lui a succédé depuis 1999.
EL BAROUDI, Mohamed (1935-2007)
Originaire de la campagne casablancaise, Mohamed El Baroudi a
intégré le syndicalisme dès le début des
années 1950. Enseignant des cours d'alphabétisation, Mohamed El
Baroudi a participé à la création de l'UNEM et fut membre
de l'UNFP. Fuyant les purges à l'encontre du parti, Mohamed El Baroudi
prit le chemin de l'exil en 1963. Installé en Belgique en 1966, Mohamed
El Baroudi s'est employé à permettre aux immigrés
marocains de s'organiser en favorisant les cours d'alphabétisation et la
création du RDM (1975-1992). Entre- temps, il a concouru à la
création du CCRM de Bruxelles et informa régulièrement le
comité des événements politiques, sociaux et
économiques du Maroc.
EL FASSI, Allal (1910-1974)
Originaire de Fès, Allal El Fassi était de
formation alim. Très influencé par les courants
réformistes musulmans, Allal El Fassi a participé au Mouvement
National naissant en 1934. Membre fondateur du CALM et du PN entre 1934 et
1937, Allal El Fassi a contribué à la naissance du PI le 11
janvier 1944. À partir des années 1950, il participa à la
naissance du FI avec Mehdi Ben Barka. A la suite de problèmes internes
au FI, Allal El Fassi et ses partisans ont maintenu le PI après la
naissance de l'UNFP. Entre 1960 et 1963, Allal El Fassi a occupé le
Ministère des affaires islamiques. Il mourut à Bucarest en
1974.
145
EL HOUCINE, Manouzi (1943 - disparu en
1975)
146
Originaire de Tafraout, petite ville au sud du Maroc, Houcine
El Manouzi fit des études de mécanique à Casablanca.
Engagé comme stagiaire dans la Royal Air Maroc, il est renvoyé
pour activité syndicale. En 1963, Houcine El Manouzi s'est
installé à Bruxelles où il a travaillé comme
mécanicien à la SABENA. Il a participé à la
syndicalisation des immigrés marocains et à la fondation des
sections arabes de la FGTB et de la CSC à laquelle il fut
affilié. Membre de l'UNFP et de l'ALM, Houcine El Manouzi dut quitter
Bruxelles pour des raisons de sécurité. Installé en Lybie
en 1971, El Manouzi fut enlevé une première fois le
1er novembre 1972 à Tunis. Transféré au Maroc,
Houcine El Manouzi a pu s'évader le 13 juillet 1975 du PF2. Il est
arrêté par la police sept jours plus tard. Le CCRM de Bruxelles
publiait régulièrement une pétition exigeant sa
libération.
EL YOUSSOUFI, Abderrahmane (né en
1924)
Natif de Tanger, Abderrahmane El Youssoufi participe au
Mouvement National dès les années 1940. Membre du PI, il a obtenu
son diplôme en droit et en sciences politiques en France. Du PI,
Abderrahmane a participé à la constitution de l'UNFP dont il
devient un leader avec Mehdi Ben Barka. Condamné lors de la rafle du 16
juillet 1963 pour deux ans, Abderrahmane El Youssoufi quitte le Maroc pour la
France et y restera 15 ans. Entre-temps, il fut condamné à mort
par contumace. Il collabora à la constitution de l'USFP en 1975 dont il
est devenu membre du bureau politique en 1978. Revenu au Maroc en 1980, il a
succédé à Abderrahim Bouabid et devint secrétaire
général de l'USFP de 1992 à 2003. Brièvement
exilé volontairement à Cannes entre 1993 et 1995, il fut
chargé par Hassan II de constituer un gouvernement d'alternance dans
lequel il fut Premier ministre (1998-2002).
FIEVEZ, Joseph (né en 1936)
Originaire de la province de Namur, Joseph Fiévez est
un homme politique belge, militant wallon et syndicaliste du MOC. A partir de
1970, il intègre le PSC et ensuite le RW. Successivement
député de 1974 à 1977, et de 1979 à 1981, Joseph
Fiévez participe à la création du CCRM de Liège en
1980.
FAUST, Albert (1945-2004)
Syndicaliste actif au sein de la FGTB, Albert Faust a
été amené à suivre les activités du CCRM de
Bruxelles à travers la section arabe du syndicat. Mis au courant de la
répression politique au Maroc, il collabora à travers la FGTB
à soutenir les activités du CCRM, notamment en participant
à une mission d'observation organisée par la FGTB section
Charleroi en 1981.
147
GALAND, Pierre (né en 1940)
Bruxellois, Pierre Galand a fait des études
d'économie. Membre du MCP, il lance en 1967 avec Antoine Allard, dit le
Baron Rouge, OXFAM Belgique. En 1975, Pierre Galand participe à la
fondation du CNAPD et s'implique dans la création du CCRM de Bruxelles
deux ans plus tard. Cependant, Pierre Galand a aussi donné son appui au
Comité de Soutien au Peuple Sahraoui né parallèlement au
CCRM. Entre 1985 et 1988, il s'investit dans le Comité de Liaison des
ONG européennes avec la Commission européenne tout en luttant
contre l'apartheid en Afrique du Sud. Socialiste, il préside depuis 1986
plusieurs associations parmi lesquelles : l'Association belgo-palestinienne,
l'Organisation mondiale contre la torture - Europe, l'Association belge des
Amis du Monde diplomatique et la fondation Laïcité et Humanisme en
Afrique centrale.
GLINNE, Ernest (1931-2009)
Originaire du Hainaut, Ernest Glinne était un
socialiste de gauche, membre du Mouvement Wallon et successivement
député de l'arrondissement administratif de Charleroi,
bourgmestre de Courcelles, ministre du Travail et de l'Emploi et
député européen du Parti Socialiste entre 1961 et 1994. En
1981, Glinne manquait de peu la présidence du PSB. Internationaliste, il
a plaidé pour plusieurs ressortissants étrangers dont des
Chiliens, des Turcs et des Marocains. C'est durant son mandat
ministériel qu'est né le premier CCRM à Charleroi.
Impliqué dans les activités des CCRM de Charleroi et Bruxelles,
Ernest Glinne a permis aux CCRM un succès certain. Les contacts qu'il
entretenait avec Le Grève permettaient aux deux CCRM d'agir en synergie.
Ernest Glinne a posé plusieurs questions parlementaires parmi lesquelles
une question orale sur les activités des Amicales marocaines en 1976 et
les déplacements discrets du ministre marocain du Travail en 1978.
GOL, Jean (1942-1995)
Né à Hammersmith, Angleterre, Jean Gol fut un
homme politique et une figure du libéralisme. Diplômé en
Droit et en sciences juridiques (1964-1969). Fort actif dans le syndicalisme
universitaire et bien qu'il se soit défini comme socialiste, il lutta
contre le trotskisme dans le Parti wallon des Travailleurs. Entre 1971 et 1979,
Jean Gol devenait député de Liège, travaillait au
rapprochement entre les libéraux wallons et bruxellois, et créa
le PRL dont il fut le premier président jusqu'en 1981. Entre 1981 et
1985, il fut ministre de la Justice et vice-Premier ministre et participa
à plusieurs gouvernements de coalition avec Wilfried Martens (CVP).
Controversé sur la politique migratoire, Jean Gol travailla à la
loi du 28 juin 1984, dite la « loi Gol », relative à l'octroi
de la nationalité belge aux étrangers. Redevenu président
du PRL en 1992, Jean Gol s'est éteint brutalement en 1995. Louis Michel
lui succéda à la présidence du parti.
148
GUEDIRA, Ahmed Réda (1922-1995)
Natif de Rabat, Guédira fit des études d'avocat.
Devenu imprimeur royal en 1947, Ahmed Réda Guédira se lia
rapidement d'amitié avec Mohamed V, ce qui lui valut le Ministère
de l'Information et du Tourisme. A l'avènement d'Hassan II,
Guédira était le plus important Conseiller royal. Entre 1960 et
1964, il travailla à concentrer les partis de droite et de gauche entre
les mains du Palais par le biais du FDIC, de l'UGTM, de l'UGEM et du PSD. Il
devint ministre des Affaires Etrangères en 1965 et vers 1969, il
fusionna le FDIC avec le PDI pour donner naissance au PDC.
HOUTART, François (né en
1925)
François Houtart a suivi une formation en philosophie
et en théologie au Grand séminaire de Malines. Il travaillait
également avec l'abbé Joseph Cardijn à la JOC. Il est
ordonné prêtre en 1949. Professeur de sociologie à
l'Université Catholique de Louvain, membre fondateur du Centre
Tricontinental (CETRI) en 1976, François Houtart a pris connaissance de
la naissance du CCRM en 1977.
IBRAHIM, Abdallah (1918-2005)
Fils d'un petit commerçant, Abdallah Ibrahim fit des
études de théologie et devint alim en 1943. Actif au
sein du Mouvement National, il poursuivit des études à la
Sorbonne. Entre 1950 et 1955, il consolidait le Mouvement syndical et
participait à la fondation de l'UMT. En 1956, il devenait ministre du
Travail et des Questions Sociales et, deux ans plus tard, devenait Premier
ministre et ministre des Affaires Etrangères initiant le premier
gouvernement de gauche syndical (UMT du 24 décembre 1958 au 27 mai
1960). Il favorisa la naissance de l'UNFP mais rentra en désaccord avec
le secrétariat général du parti en 1962. Les multiples
pressions que son gouvernement subit de la part du PI, du PDI, des
féodaux du Makhzen et du Palais l'ont amené à être
démis de ses fonctions. Il se retira de la vie politique active en
devenant le secrétaire général de l'UNFP après sa
scission en 1973.
JOSPA, Yvonne (1910-2000)
Originaire de l'ancienne Bessarabie, région entre
l'Ukraine, la Roumanie et de la Moldavie, Yvonne Jospa (Have Groisman de son
véritable nom) a participé, entre 1933 et 1942, à la
création de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme et au
Comité de Défense des Juifs. Epouse d'Hertz Jospa et communiste,
Yvonne Jospa fut assistante sociale et contribua à l'organisation de
filières secrètes pour les brigades internationales de Belgique
durant la guerre civile d'Espagne (19361939). Vers 1964, elle créa
l'aile belge du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre
les
149
peuples en fondant le MRAX. En sa qualité de
présidente du MRAX, elle fournit une aide pratique au CCRM de Bruxelles
en versant une cotisation et en apposant des affiches au profit du CCRM.
KIEJMAN, George (né en 1932)
Originaire de Pologne, George Kiejman s'est installé
avec sa mère à Paris durant la guerre. Il poursuivit des
études d'avocat à la Sorbonne. Spécialisé dans le
Droit public et pénal, George Kiejman a plaidé en faveur de
plusieurs affaires dont les affaires Pierre Goldman (1976), Guy Debord (1977)
et la famille Oufkir (1987). George Kiejman et Bernard Dartevelle ont rendue
publique la détention secrète de la famille Oufkir.
Cette affaire a permis à Gilles Perrault de donner des
renseignements supplémentaires sur la répression politique.
LAÂBI, Abdellatif (né en 1942)
Originaire de Fès, Abdellatif Laâbi est un
traducteur, écrivain et poète marocain. Membre du PCM,
Laâbi a créé l'une des revues culturelles et politiques les
plus importantes au Maroc en 1966 : Souffles (Anfas). Il
fonda aussi l'Association de Recherche Culturelle et l'Union des Ecrivains
Marocains.
Passé au PLS, Abdellatif Laâbi a participé
à la fondation du mouvement Ilal Amam. Arrêté et
torturé en 1973, son cas a été défendu par les
CLCRM. Ces derniers ont constitué un comité de soutien ;
grâce à la mobilisation de l'opinion en sa faveur, il fut
libéré en 1980.
LACHARON, Louise (née en 1926)
Licenciée en philologie romane, Louise Lacharon fut
professeure à l'Ecole normale moyenne Charles Buls. A partir de 1960,
elle milita activement au sein de la CGSP secteur Enseignement dont elle
présida la Commission Exécutive pendant trente ans. Ecrivaine,
Louise Lacharon fut la « numéro 2 » du CCRM de Bruxelles. Ses
fonctions au sein du comité ont été principalement
d'écrire les communiqués avec Philippe Doucet, de contacter les
membres de la CGSP secteur Enseignement lorsque le CCRM élaborait une
action, de dessiner les affiches, de dresser des plans d'affichage et de tirer
les affiches et les tracts.
LAGHZAOUI, Mohamed (inconnu)
Il existe peu d'informations sur Mohamed Laghzaoui. Les maigres
renseignements à son égard
indiquent qu'il fut proche du PI,
patron de la DGSN entre 1956 et 1960, membre du FDIC et
ministre de l'Industrie Moderne, des Mines, du Tourisme et de
l'Artisanat dans le Gouvernement Hassan II - Bahnini (du 8 juin 1965 au 11
novembre 1967). Lorsqu'il fut patron de la DGSN, il organisa plusieurs
enlèvements et assassinats principalement dans les rangs de l'ALM, de
l'UMT, du PCM et du PDI.
LALLEMAND, Roger (né en 1932)
Natif du Hainaut, Roger Lallemand est licencié en
philologie romane et docteur en droit de l'Université Libre de
Bruxelles. Devenu avocat, il fut sénateur entre 1979 et 1999. Roger
Lallemand fut présent lors de la création du CCRM de Bruxelles.
Il s'est illustré dans l'affaire Régis Debray et dans celle du
gynécologue Willy Peers.
LE GREVE, Pierre (1916-2004)
Né dans une famille bourgeoise, Pierre Le Grève
fut dès son plus jeune âge interpellé par les
inégalités sociales et les conditions sociales. Etudiant à
l'Université Libre de Bruxelles, il adhéra au marxisme et plus
particulièrement au trotskisme. Membre du Parti Communiste
International, Le Grève collabora au journal La Gauche
dès 1957. Membre de la CGSP, de la FGTB, député
socialiste et internationaliste, Le Grève multiplia les contacts avec
des ressortissants étrangers et les activités de plusieurs
comités. Entre 1954 et 1998, sa solidarité s'exerçait au
bénéfice des ressortissants d'Afrique du Sud, d'Algérie,
d'Angola, du Chili, du Zaïre, de l'Espagne, du Kurdistan, du Maroc, des
Îles Maurice, d'Israël-Palestine, de Namibie, du Rwanda, de la
Turquie, du Vietnam, d'Argentine, de Cuba, de la Hongrie, du Pérou, de
Tchécoslovaquie, d'Irlande et de l'Uruguay. Principal membre fondateur
du CCRM de Bruxelles, Le Grève a contribué à constituer
une caisse de résonnance en faveur des détenus politiques au
Maroc auprès de l'opinion publique belge.
LIEBMAN, Marcel (1929-1986)
Issu d'une famille d'origine juive polonaise, Marcel Liebman
fut historien du socialisme et du communisme. Il a publié de nombreux
essais réputés, notamment sur la Révolution russe, le
léninisme et le mouvement ouvrier belge. Il fut aussi un
précurseur du dialogue israélo-palestinien. De 1962 à
1967, il fut rédacteur dans l'hebdomadaire La Gauche et fonda,
après 1968, la revue Mai qui exista jusqu'en 1973.
Professeur à l'Université Libre de Bruxelles, il
participa en 1976 à la création de l'Association Belgo-
Palestinienne, avec Naïm Khader et Pierre Galand, et en devint le
secrétaire général.
150
LYOUSSI, Lahcen (1903-1970)
151
Originaire de Sefrou, ville de l'Atlas marocain, Lahcen
Lyoussi fut caïd durant le Protectorat de 1926 à 1946.
Devenu ministre de l'Intérieur dans le Gouvernement intérimaire
(1955-1956), il a joué un rôle important avec le caïd
Addi ou Bihi dans les révoltes rurales survenues dans l'Atlas et
dans le Rif entre 1957 et 1959. Le Colonel Lyoussi, par son titre de
caïd, représentait la seigneurie féodale
opposée au PI.
MARTENS, Wilfried (1936-2013)
Originaire de Flandre orientale, Wilfried Martens était
un homme politique belge. Docteur en droit, Wilfried Martens fut actif dans
l'association des étudiants flamands et l'association des catholiques
flamands (1958-1962). Travaillant dans les cabinets des Premiers ministres
Pierre Harmel (PSC du 28 juillet 1965 au 11 février 1966) et Paul Van
Den Boyenants (PSC du 19 mars1966 au 1er avril 1968), Wilfried
Martens devint président du CVP en 1972. Il prit la tête de neuf
gouvernements entre 1979 et 1991. Durant ses mandats, il concrétisa
l'existence des Régions wallonne et flamande.
MEKKI NACIRI, Mohamed (1906-1994)
Né d'une famille prestigieuse de Rabat, Mohamed Mekki
Naciri fit des études de littérature et de philosophie au Caire,
de pédagogie à Paris et de droit à Genève. Membre
incontournable du Mouvement National naissant, il a participé à
la fondation du CALM et fonda le PUM. Sous son impulsion, plusieurs
écoles arabisantes virent le jour à Tétouan et à
Tanger. Membre du CNC, il participa à la rédaction de la
première Constitution de 1962. Professeur de droit islamique à
Rabat et à Fès, il devint le ministre des Affaires Islamiques et
de la culture en 1972.
MEKOUAR, Ahmed (1892-1988)
Natif de Fès, Ahmed Mekouar fut une figure du Mouvement
National. Ahmed Mekouar représentait la jeune classe intellectuelle
marocaine durant les années 1920. En 1925, il fit connaissance d'Allal
El Fassi dont il se fit le propagateur du réformisme islamique. Il
s'opposa vigoureusement au dahir berbère en 1930 et fut
signataire de la charte du PI en 1944. Ahmed Mekouar participa au CNC jusqu'en
1963, date à laquelle il se retira de la vie politique.
MENEBHI, Saïda (1952-1977)
Native de Marrakech, Saïda Menebhi fut professeure
d'anglais et militante au sein de l'UNEM. Militante féministe, elle fut
très active au sein du mouvement Ilal Amam.
Arrêtée en 1976 et condamnée au procès des
frontistes de janvier 1977, Saïda Menebhi a subi plusieurs tortures
152
physiques et psychologiques. En guise de protestation contre
les autorités, elle entama une grève de la faim dont elle en
succomba le 11 décembre 1977. Durant son incarcération,
Saïda Menebhi a composé plusieurs poésies dont un recueil a
été publié par les CLCRM de France et des Pays-Bas.
MESSAÂDI, Abbas (assassiné en
1956)
Originaire du Rif, Abbas Messaâdi fut une figure de
l'ALM. Retranché dans les montagnes du Rif, Abbas Messaâdi n'a
jamais voulu déposer les armes au profit du Gouvernement
intérimaire. Alors qu'Abbas Messaâdi entrait en pourparlers avec
le groupe politique de Mehdi Ben Barka, il fut abattu par des policiers
relevant de la DGSN de Mohamed Laghzaoui sur la route de Fès.
MINKOWSKI, Alexander (1915-2004)
Alexander Minkowski fut pédiatre français.
Proche du CLCRM de Paris, Alexander Minkowski a participé à
plusieurs missions médicales entre 1977 et 1980. Comme prolongement des
missions médicales, Alexander Minkowski a aussi participé au
colloque de Strasbourg dans lequel il a présenté les conditions
sanitaires des détenus politiques au Maroc. Il fut membre du conseil
régional d'Île-de-France et du comité de parrainage de la
Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et
de non-violence durant les années 1980 et 1990.
MITTERRAND, François (1916-1996)
Homme politique français, François Mitterrand
fut président de la République entre le 21 mai 1981 et le 17 mai
1995. Premier président socialiste depuis le Front Populaire (1936),
François Mitterrand suscita plusieurs espoirs nationaux. Il abolit la
peine de mort, permit la régularisation des étrangers en
situation irrégulière et autorisa l'établissement des
radios locales privées. Il visita le Maroc, lors d'un voyage
diplomatique, le 29 janvier 1983. Cette visite s'effectua dans le contexte
d'une grave crise économique et sociale. Suscitant des espoirs dans les
partis d'opposions marocains, François Mitterrand ne cessa pas moins les
relations diplomatiques entre la France et le Maroc. Cependant, « Notre
Ami le Roi » de Gilles Perrault a créé un incident
diplomatique entre les deux pays. Son épouse, Danielle Mitterrand, fut
sensibilisée à la répression politique au Maroc et apporta
une aide aux CLCRM à travers la Fondation Danielle Mitterrand - France
Libertés.
MOINS, Jacques (1930-2011)
Jacques Moins fut avocat honoraire, ancien conseiller
d'Agglomération de Bruxelles et de la Ville de Bruxelles.
Spécialisé en droit des sociétés, Jacques Moins
était membre du PCB. Il plaida en faveur des parties civiles dans le
drame du Bois-du-Cazier en 1956. Jacques Moins a été à
l'initiative de plusieurs ASBL et était fortement
préoccupé par la culture. Présent lors de la
réunion
153
constitutive du CCRM, Jacques Moins suivait avec beaucoup
d'intérêt les activités de ce dernier. Président de
la Fondation Joseph Jacquemotte entre 1985 et 1989, il fut aussi
rédacteur en chef du Drapeau Rouge et contribua à
arrimer l'activisme politique et culturel. De ce fait il a versé une
cotisation régulière au profit du CCRM de Bruxelles.
MOULAERT, Colette (née en 1945)
Native de Bruxelles, Colette Moulaert fit des études de
médecine et de pédiatrie à l'Université Libre de
Bruxelles. Ses activités ont porté sur la maltraitance infantile.
Elle a participé à plusieurs missions médicales dans
divers pays. Ces pays sont le Burkina Faso, la Palestine-Israël,
l'ancienne Yougoslavie, l'Irak et l'Algérie. En septembre 1984, Colette
Moulaert, part son appartenance au CCRM, a participé à une
mission médicale au Maroc. Le rapport de cette mission a permis aux CCRM
de Belgique de plaider en faveur des étudiants marocains
grévistes.
MOUREAUX, Serge (né en 1934)
Bruxellois, Serge Moureaux est avocat et docteur en droit.
Engagé, il fut responsable permanent du collectif belge des avocats du
Front de libération nationale algérien de 1958 à 1962. Ses
relations avec Guy Cudell et Pierre Le Grève ont amené Serge
Moureaux à être un membre actif au sein du CCRM de Bruxelles.
Attentif aux activités des militants marocains en Belgique, Serge
Moureaux participa à la constitution des dossiers sur la
répression politique au Maroc dont quelques informations étaient
reprises dans les bulletins d'information du CCRM. Serge Moureaux fut aussi un
homme politique, tendance FDF.
NOLS, Roger (1922-2004)
Natif de la province de Liège, Roger Nols fut un homme
politique belge tendance FDF. Bourgmestre de la commune de Schaerbeek entre
1970 et 1989, Roger Nols fut controversé quant à sa politique
d'enseignement et, plus largement, sur la gestion de sa commune dans laquelle
il interdit l'intégration de sa population d'origine turque et
marocaine. Passant du FDF au PRL, il finit par rejoindre le Front National en
1995.
OSMAN, Ahmed (né en 1930)
Natif d'Oujda, Ahmed Osman fut Premier ministre marocain du 20
novembre 1972 au 29 mars 1979. Fondateur du RNI, Ahmed Osman apparaissait comme
l'un des plus importants conseillers d'Hassan II durant les années 1970.
Plusieurs fois ministre d'Etat et ambassadeur aux Etats-Unis, au
154
Canada et au Mexique, il prit la direction du Cabinet royal en
1971. Ahmed Osman a participé au fractionnement de l'opposition de la
gauche en renforçant les « partis pivots ».
OUAZZANI, Mohamed Hassan (1910-1978)
Natif de Fès, Mohamed Hassan Ouazzani a grandi dans une
grande famille de propriétaires terriens. De Rabat à la Sorbonne,
Mohamed Hassan Ouazzani fit des études de sciences politiques. Entre
1932 et 1934, il participait à la création des journaux des
premiers partis politiques marocains dont L'Action et L'Opinion
Publique. Membre fondateur du PDI, il en fut le secrétaire
général jusqu'en 1970 date à laquelle le PDI devenait le
PDC.
OUFKIR, Mohamed (1920-1972)
Natif de Boudenib, ville au sud-est du Maroc, Mohamed Oufkir
fut formé au Collège d'Azrou et compléta sa formation
à l'Ecole Militaire de Casablanca. Sous-lieutenant de l'armée
française lors de la Campagne d'Italie en 1944, Mohamed Oufkir fut
nommé Aide-de-camp de Mohamed V en 1955. Devenu Général,
Mohamed Oufkir a succédé à Mohamed Laghzaoui dans la DGSN
et participa à la création du CAB 1 en 1960. Successivement
ministre de l'Intérieur et de la Défense (1964 et 1971) Mohamed
Oufkir fut le premier homme fort du régime d'Hassan II. Sur ordre
d'Hassan II, Mohamed Oufki r supervisa l a répression militaire envers
les manifestants casablancais lors des émeutes du 23 mars 1 965. Le
Général Oufkir fut en outre impliqué, avec le Colonel
Dlimi, à l'enlèvement de Mehdi Ben Barka le 29 octobre 1965.
Impliqué dans l e deuxième coup d'Etat du « Boeing Royal
» en 1972, le Général mourut dans d'étranges
circonstances dans lesquelles il se serait « suicidé » en se
tirant plusieurs balles dans le dos. En guise de vengeance envers le
Général, Hassan II fit interner sa femme et ses enfants dans
divers bagnes entre 1972 et 1989.
PERRAULT, Gilles (né en 1931)
Gilles Perrault (Jacques Peyroles de son véritable nom)
est un journaliste et écrivain français. Devenu avocat
après ses études à l 'Institut d'études politiques
à Paris, il s'intéressa aux réseaux de résistance
et d'espionnage actifs durant la Seconde Guerre Mondiale. Auteur de plusieurs
romans, Gilles Perrault sympathisa avec les mouvements d'extrême gauche
et adhéra au PCF en 1978. Proche du CLCRM de Paris, Gilles Perrault a
été connu par son best-seller dénonçant la
répression politique au Maroc : « Notre Ami Le Roi ».
Sollicité pour plusieurs rencontres organisées par les CLCRM,
Gilles Perrault prit la parole lors du meeting organisé par le CCRM de
Bruxelles le 14 février 1991 à la Salle de La Madeleine.
155
RIGAUX, François (1926-2013)
François Rigaux fut professeur à
l'Université Catholique de Louvain et juriste international belge.
François Rigaux présida de 1975 à 1979 l'association
Belgique-Kampuchéa qui établissait des liens entre les milieux
maoïstes belges et le régime des Khmers rouges au Cambodge.
À ce titre, François Rigaux fut à la tête de la
première délégation occidentale à
pénétrer au Cambodge en 1978 et publia à son retour un
témoignage détaillé sur la situation du pays.
SANGUINETTI, Antoine (1917-2004)
Natif d'Egypte et d'origine italienne, Antoine Sanguinetti
servit dans l'armée française comme fusilier marin. Proche du
gaullisme de gauche puis du PSF, Antoine Sanguinetti devint Major
général de la Marine et vice-amiral d'escadre entre 1972 et 1974.
Engagé en faveur des clandestins et contre la répression
politique dans les pays du Tiers Monde, l'amiral Sanguinetti militait
activement dans la Ligue des Droits de l'Homme.
SERFATY, Abraham (1926-2010)
Issu d'une famille juive tangéroise, Abraham Serfaty a
fait des études de génie des mines. Militant communiste
dès 1943, il participa à la fondation du PCM. Opposant au
Protectorat, Abraham Serfaty resta actif dans les mouvements d'extrême
gauche en participant à la fondation du PLS et d'Ilal Amam
(1968- 1972). Recherché par la police marocaine, il est
arrêté une première fois en 1972. A cette date sa soeur,
Evelyne, subit plusieurs sévices au centre de détention Derb
Moulay Chérif. Arrêté une seconde fois et violemment
torturé en 1974, il fut condamné au procès des frontistes
et fut incarcéré jusqu'en 1991. Pendant sa détention, il
épousa Christine Jouvin. Relâché, la nationalité
marocaine lui a été refusée jusqu'en 1999 pour avoir
reconnu l'indépendance du Sahara occidental. Le cas d'Abraham Serfaty a
été défendu par les CLCRM.
TINDEMANS, Léo (1922-2014)
Originaire de la province d'Anvers, Léo Tindemans fut
journaliste et homme politique. Entre 1965 et 1976, il fut bourgmestre
d'Edegem. Depuis 1961, Léo Tindemans devint député,
ministre des Affaires communautaires flamandes en 1970, puis de l'Agriculture
et de la Classe ouvrière (19711973). Membre du CVP, Léo Tindemans
devint Premier ministre de quatre gouvernements successifs (CVP du 25 avril
1974 au 11 octobre 1978). Le CCRM bruxellois naquit durant son quatrième
gouvernement et il demanda régulièrement à Pierre Le
Grève des informations sur les événements politiques au
Maroc. Entre 1981 et 1989, Léo Tindemans fut ministre des Affaires
156
Etrangères et suivit avec grand intérêt
les manifestations qui ont secoué le Maroc entre 1981 et 1984.
TORRES, Abdelkhalaq (1910-1970)
Fils du pacha de Tanger, Abdelkhalaq Torrès
était un leader du Mouvement National dans le nord du Maroc.
Naïb de Mohamed V à Tétouan, il s'était
opposé au protectorat espagnol. Torrès fonda le PRN entre 1927 et
1935. Proche des figures réformistes dont Chakib Al Arsalane,
Abdelkhalaq Torrès s'était aussi rapproché de l'Allemagne
hitlérienne. A l'indépendance, il fut ministre de la Justice sous
Mohamed V.
VAN DEN BROUCKE, André (1928-2007)
Natif de Courtrai, André Vanden Broucke était le
fils d'un maréchal-ferrant. Après une formation de tailleur, il
obtient ensuite un diplôme d'Assistant social à l'école
sociale de Courtrai. Il commenca à être actif à la FGTB
nationale en 1951, secteur services entreprises. En 1964, André Van Den
Broucke devint secrétaire national adjoint de la CGSP. Il en fut ensuite
président de 1979 à 1982 pour devenir président de
l'interprofessionnelle FGTB jusqu'en 1989. Il fut mis au courant de la
répression politique au Maroc dont celle des grèves
entamées par les groupes des étudiants arrêtés en
1984.
VAN GEYT, Louis (né en 1927)
Natif de la province d'Anvers, Louis Van Geyt est un homme
politique belge. Figure du communisme en Belgique, il assura la
présidence du KPB de 1972 à 1989. Sensible à la lutte
internationale, il s'associa au CCRM de Bruxelles alors que ce dernier
organisait des manifestations en faveur des événements de 1981 et
1984.
WINKEL, Xavier (né en 1950)
Homme politique belge, Xavier Winkel est membre d'Ecolo. En
1977, il fut un des fondateurs des Amis de la Terre en Belgique. En 1980, il
ouvrit un café-restaurant écologique 'Le Gaspi', qui devint un
endroit de rencontre pour personnes aux idées alternatives. Le parti
Ecolo y organisa maintes réunions. En 1982, il fut le fondateur de la
section Ecolo Schaerbeek et fut élu conseiller communal. Il fut
échevin de la culture et des sports de 1990 à 2000. En 1992, en
collaboration avec Pierre Galand, Xavier Winkel a plaidé pour une
participation de la Belgique à l'observation des accords de
cessez-le-feu entre le Maroc et le POLISARIO dans la Chambre des
Représentants.
157
YATA, Ali (1920-1997)
Né de père algérien et de mère
marocaine, Ali Yata a suivi des cours au Lycée Lyautey à
Casablanca. Membre actif du PN, il participa à la fondation du PCM
durant le mois de juillet 1943. En 1945, il prit la tête du parti
jusqu'à sa mort, assistant aux multiples scissions du PCM (19431968), du
PLS (1968-1974) et du PPS depuis 1974. Incarcéré plusieurs fois
sous le protectorat et sous le régime d'Hassan II, Ali Yata a pris ses
distances envers l'USFP et les mouvements d'extrême gauche où ces
derniers ont accusé les communistes de s'être ralliés
à la monarchie marocaine.
ZEROUAL, Abdellatif (1951-1974)
Natif de la province casablancaise, Abdellatif Zeroual fut
professeur de philosophie et poète. Membre actif de l'UNEM, il fut l'un
des dirigeants d'Ilal Amam et fut arrêté le 14 novembre
1974 au Derb Moulay Chérif. Torturé violemment dans le centre de
détention, il mourut des suites des sévices physiques. Les CLCRM
lui ont rendu hommage en publiant des extraits de sa poésie « Le
Martyr » dans leur bulletin d'information.
158
Annexes
Finances du CCRM de Bruxelles : Quelques versements
consignés dans le cahier des comptes tenu par Pierre Le Grève
entre 1984 et 1986. Référence du compte bancaire du CCRM de
Bruxelles377
377 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°395, CCRM-Finances : Carnet des dons perçus par le CCRM de
Bruxelles pour les années 1984,1986 et 1991.
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Quelques lettres des détenus et de leurs familles au
Maroc publiés par les CLCRM378
378 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°315, Lettres, écrits des détenus : Lettre
écrite par des détenus soutenant Mohamed Atlass datée du
25 octobre 1980 (1er lettre). Lettre écrite par les
détenus politique de la prison centrale de Kénitra datée
du 23 novembre 1982 (2e lettre). Lettre écrite par
la mère de Moulay Douraïdi datée du 1er
août 1987 (3e lettre). Lettre des détenus de
la prison de Laâlou de Rabat confirmant la poursuite d'une grève
de la faim datée du 12 juillet 1989 (4e lettre).
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k: ~..~.~-
163
164
Extraits de la Bande Dessinée « Dans les
entrailles de ma patrie ». Acte de dépôt de la bande
dessinée
conclu entre Philippe Doucet et la Bibliothèque
Royale379
379 RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de
la détention politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam, les
CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980, pp. 5-6 & 42 et 54. CEGES, Fonds
Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°317, Bande dessinée
« Dans les entrailles de ma patrie » : Acte de dépôt de
la bande dessinée signé entre Philippe Doucet et la
Bibliothèque Royale de Belgique daté du 6 juillet 1981.
165
166
167
168
169
Couvertures des numéros de « Maroc
Répression » du CCRM de Bruxelles380
380 De gauche à droite et du haut vers le bas :
Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
septembre-octobre, 1979. Maroc Répression, Bulletin bimestriel
du CCRM de Bruxelles, mars-avril, 1980. Maroc Répression,
Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1980.
Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles.
Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
juillet-août, 1981. Maroc Répression, Bulletin bimestriel
du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre 1981. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
janvier-février, 1983. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1984. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
juillet-août, 1984. Maroc Répression, Bulletin bimestriel
du CCRM de Bruxelles, septembre-octobre 1984. Maroc Répression,
Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril, 1985. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
novembre-décembre, 1985. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février 1987. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
novembre-décembre 1987. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, novembre-décembre, 1987. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, avril-mai,
1989. Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de
Bruxelles, novembre-décembre, 1989. Maroc Répression,
Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, janvier-février, 1991.
Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
janvier-février (supplément), 1991. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles,
janvier-février, 1992. Maroc Répression, Bulletin
bimestriel du CCRM de Bruxelles, mars-avril 1993. Maroc
Répression, Bulletin bimestriel du CCRM de Bruxelles, 4 mai,
1994.
170
171
Statuts du CLCRM de Paris381
381 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°401, ASCLCRM-Statuts de l'association : Statuts du CLCRM de Paris,
non daté, 3 p.
172
- 2 -
Article V - L'Association comprend
. des membres d'honneur
nommés par le Conseil et qui composent le
comité d'honneur national ou les comit4s d'honneur locaux,
ils acceptent lee statuts de l'Ansociation et peuvent, h
la demande du Conseil, intervenir en son nom
. des membres ordinriree
dont l'adhésion implique
- l'acceptation des statuts
- une activité militante dans un des
Comités de Lutte Contre la Répression au Maroc, tels qu'ils sont
définis par leur régler-ment interne.
Article VI - Dans chaque ville où existe un
Comité de Lutte est constituée une section de l'Association, avec
un comité d'honneur, désigné par le Conseil sur
proposition de la section.
Au niveau national, existe aussi un oomité
d'honneur désigné par le Conseil.
Article VII - L'Association est dirigée par
un Conseil, élu par l'assemblée générale ordinaire
qui se tient chaque année, pendant l'une ou l'autre des coordinations
semestrielles des Comités do Lutte Contre la Répression au
Maroc.
Sont éligibles au Conseil
. les membres ordinaires à raison de I wu moins
par section do l'Association.
Ils doivent avoir exercé une activité
militante au sein dols Comités de Lutte depuis au moins 12
mois
. les membres d'honneur.
Arttole VIII - Le Conseil élit on son sein
un bureau qui comprend
un président un secrétaire
un trésorier.
Arttole IN - Le bureau applique les
décimions du Conseil.
Article X - Le Conseil ne rriunit chaque fois
qu'il est néoessaire, et au moine une fois car semestre'pendnnt la
coordination drag Comités de Lutte. Le bureau se rbunit dans
l'intervalle, chaque foie qu'il est nécessaire.
173
174
Quelques listes des détenus établies par les
CLCRM382
382 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°330, Prisonniers libérés-listes : Liste des
détenus pour l'année 1972 (1er et 2e
liste). Liste des détenus pour l'année 1983
(3e liste). Liste des détenus pour l'année
1984 (4e à la 7e liste). Liste des
détenus libérés en 1989 (8e liste).
175
r
Bi OUZI
|
Mohamed
|
25 ans
|
Célibatair.
|
Foncrionnaire
|
ZliOUR.
|
Hid
|
25 ans
|
Karié
|
Dessinateur
|
|
Mohamed
|
B,.RY
25 nns
|
Célibataire
|
audiant
|
MOJHIB
|
kohmaed
|
46 ans
|
Marié
|
Boulaneer
|
|
Mohamed
|
T.RF:OUI
24 ans
|
Marié
|
tudiant
|
|
adorrahman
|
22 nns
|
Célib.atairo
|
Ltudiant
|
Ri MOUNI
|
liohamee
|
25 ans
|
Marié
|
Professeur
|
L COUDI
|
,.huavd
|
21 ans
|
Célibataire
|
Lycéen
|
M 1.NSOURI
|
Mekhtar
|
21 ans
|
Cg1ibataire
|
Lycéon
|
.JcIN
|
i:bdolhaoid
|
28 ans
|
Marié
|
Incénieur
|
MJ3OURI
|
I.bdollah
|
25 ans
|
Celibataire
|
In;;énieur
|
Parmi les détenus de Casablanca: il y un a
quelques uns fui ont été libérés provisoirement
:
11111h1 ~loucine
NOURI }i 7
4,BUI LAIL, Iiolaim a
1- Maitre BENAMEUR Abderrahmane - Avocat - Membre du Bureau
Central de l'A.M.D.H - Ancien Bâtonnier de l'ordre Rabat-Ancien Pst.de
l'Association des Bar-reaux des Avocats du Maroc.
2- Maitre SASSI Tayeb - Avocat - Membre du Bureau Central de
l'AMDH - An-cien Bâtonnier de l'Ordre d'Agadir.
3- Maitre SADEK Larbi Chtouki - Avocat - Membre du B.0 de
1'AMDH - Mem-bre du Conseil de l'Ordre au Barreau des Avocats de Rabat.
4- Maitre BENJELLOUN Ahmed - Avocat stagiaire - Rabat
5- Maitre HARASSE Mohamed idem
6- Maitre KIIOUIBI Mohamed idem - Agadir
7- Maître BOURAOUI Othman idem
8- Mr IZZI Ahmed - Technicien-Membre du B.0
de L'AMDH
9- Mr BOUGRINE Mohamed - Fonctionnaire-Membre du Bureau de la
section de Rabat de l'AMDH
10- Mr FILAHI Mohamed - Ouvrier - Membre du Bureau de la
section de Rabat de l'AMDH.
11- Mr BARAKA El Yazid - Journaliste -
Membre du Bureau de la section de Casablanca de l'AMDH.
12- Mr MOUTAWAKIL M'Barek - Enseignant
13 Mr SOUIDI Hamid - id.
14- Mr BERADI Mohamed - Fonctionnaire
15- Mr KHAROUJ Larbi - id.
16- Mr AIT ABDALLAH Mokhtar- Enseignant
17- Mr BOULED1ANE Mohamed - Ouvrier
18- Mr SAIDI El Hachmi - id.
|
177
GREVISITES TrLA FAIM PRIS.?; CIVILE DE
MARRAKECH
;cm et PAEnwm
|
PAc6e64icn;
|
Condamnation] N° d'fctou i Adte6ee den
panenta
|
yELMESRIOUI Mohamed ben
|
Etuditint
|
3 au
|
45210
|
ELMESRIOUI Oman
|
Oman
|
|
|
|
Zaouia Etabbassia , ToadLa aidi
Ghanem N' 44
|
|
|
|
|
Mannakech
|
RELSERKE Mohamed ben BachiA
|
Etudiant
|
3 ana
|
45126
|
BELBERKE Bachin. ben 3oujemae
denb E.ttabaehi , dioun Ejjamah ,N°121
Ma'cnakech
|
ELKAR4NDI AbdeAnahmane ben Ahmed
|
Etudiant
|
1 an
|
45206
|
ELKARANDI Ahmed
Zouia Etabba46ia, denb Elkboun ,
N°25 ; MaAnakech
|
>( JA0UHARI NoU 7ddine
ben Lahten
|
Etudiant
|
8 ann
|
45212
|
JAOUHARI Lahcen ben Hekki
Kay Etmohamnadi,gtiaupe 31 N° 426,
un,itl 2
|
|
|
|
|
DaoudAate; MaAnakech
|
SIRAGE SANI Abdeaearad ben Mohamed
|
Etudiant
|
5 an6
|
45213
|
SIRAGE Mohamed ben Lahb.i
Hay ElmohamnadA, un.i.td 2,gnoape 31,N°
426 Mahnabeeh
|
C.JEN.NICHE Said ben Ahmed
|
Etudiant
|
12 ans
|
45190
|
GUENNICHE Ahmed ben ALi
|
|
|
|
|
N° 48 Btoc de t'o46.ice che+i.V en
des phosphates
|
|
|
|
|
Hay Etkadi . ELVOUSSOUFIA
|
ABBAD Mohamed ben ;timed
|
Chamoun
|
15 ant
|
45196
|
ABBAD Hmad ben Ahmed
|
|
|
|
|
Hay bah DaukkaLa, denb Elaadum N' I ; MaMAakech
|
ELVOUNSI Mohamed ben
|
Avocat
|
I5 ans
|
45183
|
ELVOUNSI Ahmed ben Laheen
|
Ahmed
|
|
|
|
Riad Azzaytoune Al4adiw N° 170 ;
Mannakech
|
ELMAIFI Abdetaa. z ben
|
Employé
|
ID ant
|
45191
|
ELMAIFI Hamnou ben M'baneh
|
Hammon
|
|
|
|
Hay EFhannan.i.a, dab Lanbi, N°63;
MaAAakech
|
ETAR3I ASDea4amad ben &chin.
|
Étudiant
|
TO ans
|
45195
|
ETARJI 3aehin ben Mohamed
deab sidi Bouamen N° 84 ; Riad Elannouss;
Mannaeech
|
VOURAIDI Moutay Taken ben Mc eta y Whim
|
Étudiant
|
10 ens
|
45192
|
DOURAIDI Moatay Hnahim
un.rt2 2 N° 96 ; Hay
Elmahammadd , Daoudiate
|
|
|
|
|
Ma4nakeeh
|
GREvlsTaES it LA FAIM
PRISON CIVILE DE MARRAKECH.
Firm et Painom
ELHAMIDI Mustapha ben Hadj
DR.i.e6
7.4k7F Abdeanahtm ben N6adet
r ELATROUSS Abdeueri6
ben
c Me66amid .
xHAJI ailment ben Mohamed
+. AHARRATH Etha.ea,e ben
Mohamed
7LA000 Ethab,ib ben Hmad
AB0UHAMZA Moutay Sateh ben
Moutay Lanbi
804,0ISSE Rachid ben Mohared
ELkiCHALFI Abdettah ben
&ELAMSAR3 Moutay Saahim
e3uFTAH AbdELnajid ben Mohamed
ELALOUAMT ELhoueiate ben
(^'hN l E!M
Etudiant
Etu iiant Emptoye Etudiant Etudiant
Etudiant
Etudiant Etudiant ELidiax t Env:Za
ye
10 ant
|
45703
|
10 ans
|
45205
|
10 ans
|
45201
|
12 ant
|
45,185
|
15 ars
|
45966
|
12 ans
|
5832
|
r an
|
54201
|
3 ans
|
45200
|
3 ans
|
45199
|
1 an
|
45208
|
10 ass
|
45197
|
15 ans
|
45194
|
10 ans
|
34193
|
ELHAIIIDI Hadj 24444 ben
Abde.hamid
Iaouia Etabbase.i.a N' 28, dehb
ELkboua;NanAakach,-
SAIF M6adeL ben Labtin
ELATROUSS Me66aoud ben Lakbi
de.tb Tachanbachet N' 33 Hay
ELe.awçe6;MaAnaketh
HAJT Mohamed ben EL1adet
Atieaet Elhamed, dub Elbaladia N° 6 ;
Mannakech
AHARRATH Mohamed ben
Latibi,
Hay Etnohmn,adi Woe 32 N' 2
; Mantiakech
LAKDOUR Hmad ben Mohamed
Douait ELHtiatea, cinconecniption de Ait Metteou.t
Pnaw:nce d'AGAPlR
ABOUHAMZA *uteri LanbL ben Moutay
DMus
Hay Bab Doukata, denb Ejdid N° 114 ;
Mannakech
SENDASISSE Mohamed ben
ALtat
Douar ELata6eA, gpaupe 9 N'
359 Manfakech
ELAICHALFI Hammon ben M'banek Bab
Taghzout, den.b Sounhat N'
ELANSARI Moutay ELhatnane
II ; llannakech
Kbibate Enhaset N' 32
Mannabech
M'GUIER Dinah ben Mohamed
Hay ELktaout ,dehb Moutay Abdettah
ben Hsaaine N' 21 Mannakech
MOUFTAH Mohamed ben Et4atmi
Hay Dtroudiate; unite 4 N' 306 ;
Matiaakech
ELALOUANI Mohamed ben Whammed
t~~Mgdtua , Ptiovanee
;:ZaZtf.
M'GUTER Abdt.,tazak ben
Oman,Etudiant
Paysan
Etudi.ânt
Pticiets<en, Condamnation, N'
d'ec. ou AdAelbt deb panents
4 4
G77Ei+1STRESwan
LA FAIM PRISON CIv11E DE M4k24KECH W
a'cm et P.tén4m
|
FitC066.4en;
|
Ccndamnut,Lon; N' d'écrou i Adne64e des
rater-t6
i
|
Mohamed ben Ati
7LESSAVC
|
E.tud.Fant
|
1 an
|
45211
|
Ali ben Bethaeem ESSAYE
|
|
|
8 ana
|
|
Bd SAFI Vita 48 Manaa.kech
|
BENVOUS Jamat ben Abdetbbii
|
Chomeuk
|
|
45709
|
SENVDUB Abdetkbi.t ben
Lahcen
|
|
|
|
|
Hay Etmohamnadi sud, AMe Etboukha&,L,
gaoupe 70 n' 322 ; Dacudiate; 14annabech
|
64RIVAH'Khatid ben Ahmed
|
Etéve
|
8 ans
|
45189
|
HARIDAN Ahmed ben Laken
|
|
|
|
|
Hay Etmohamnadi ; unité 4; N'383
;Daoudiate
|
|
|
|
|
MaAnahech
|
6IKAR1 Abda.tIst m ben
|
E11fve
|
8 ans
|
45192
|
BIKART Abde.Ctah ben Lahcen
|
Abdettah
|
|
|
|
Aue Saad bnou Abi Ouakka-6 N° 10; Hay
Etmch,mmad.i
|
|
|
|
|
Daaadiate ; Matnckech
|
ELKABNANI Ahmed ben Lahcen
|
Eléve
|
4 are
|
45187
|
ELKARMANI Laken ben Abden'ahmane
|
|
|
|
|
Hay Etmohamn,adi., un.it1 5, N' 228
Marrakech
|
ELHHADERE Ahmed ben Tayeb
|
Etéve
|
3 ana
|
45152
|
ELMAIIADERE Tayeb ben Lahcen
|
|
|
|
|
Hay Elmohaimnadi nord, groupe I N'
6,Dooudiate
|
|
|
|
|
Marrakech
|
ELBOUZIANT Ahmed ben Lahcen
|
EtSue
|
4 are
|
45187
|
ELSOUZIAMI Lahcen hen Ati
|
|
|
|
|
Hay Etmohaneradi ;ghoupe 7; N' 304
Marrakech
|
SADAOUI Vcussed ben Ahmed
|
Etève
|
4 ans
|
45204
|
HADAOUI Ahmed ben Abdeslam
|
|
|
|
|
Nay Elmohammadi ,unite 4 N" 194 ;
Vaoudiate
|
|
|
|
|
Mathakeeh
|
/ ELMOUHTMA Mohamed ben
|
Etéve
|
5 ana
|
45188
|
ELMOUHTMA AbdeUtah ben Mohamed
|
Abdettah
|
|
|
|
Hay Etmohaemwadi ,gkoupe 52
N° 18,Davm:nte
|
|
|
|
|
Ma&kakech
|
(EL1VRISSI Moutay Rachid
|
Etéve
|
4 ana
|
45784
|
ELIDRISSI Moutay Boubken ben Moutay
Etkbie
|
`\ben Moutay &abe .
|
|
|
|
Hay Etmo hamnadi ,unite 4, N' 818 ,
I4anudi.a-te
|
|
|
|
Mawtabeak
|
37b
Nom at HAE. om
|
P466ee6i.6nJ
|
GnevIsretsklilLa
FAIM PRISON CII$iLE DE MARRAKECH
Ccadam.a.tiom: N'
i d'eucra d Ad: eeae dee
puents
|
BELHOUARI MUSTAPNA
|
ETUDIANT
|
FOAMS
|
MORT
|
BELHOuanL Owart ben Mohamed
|
|
|
|
|
Hay 8enea.teh , denb 8ouanane N'
|
DOURAIDI Mouty WORKER
|
ETUOIANT
|
|
MORT
|
DOURA107 MouLay Rkah,om
|
|
|
|
|
U. Ri t N' 96 Hay ELmohaa
,,qM
|
|
|
|
|
MaA4akech
|
-_
9 Mn,,akech
_. Dao ,d
·a.te
178
179
180