CHAPITRE II
LES MECANISMES MACROECONOMIQUES DES DISTORSIONS
SECTORIELLES
Dans une économie à ressources naturelles
abondantes, l'expansion d'un secteur en boum provoque des changements
structurels à travers des mécanismes macroéconomiques qui
ont été bien identifiés par les modèles de syndrome
hollandais, entre autres, de Corden et Neary (1982). Dans le cas du Gabon,
l'accroissement des revenus pétroliers à partir des années
70 a entraîné des transformations structurelles de
l'économie à travers les mécanismes
macroéconomiques suivants : les effets de dépense et les
mécanismes d'allocation de ressources.
Section 1 : Les effets de dépense
Au Gabon, les effets de dépense résultent de
l'utilisation faite des revenus pétroliers abondants. Ces effets de
dépense peuvent être répartis en un effet de prix, qui
passe par la surévaluation du taux de change de la monnaie
nationale1, et en un effet de quantité, qui a trait à
l'accroissement des importations. Cette section sera donc axée autour de
deux aspects, à savoir : la surévaluation du taux de change et
l'effet d'accroissement des importations.
Paragraphe 1 : La surévaluation du taux de
change
Dans le cas de l'économie gabonaise, la
surévaluation du taux de change « réel » provient du
mouvement à la hausse des prix intérieurs. En effet,
l'accroissement des recettes de l'Etat à partir des années 70,
sous l'effet conjugué de l'augmentation de la production et du prix du
pétrole, a entraîné une hausse substantielle du pouvoir
d'achat des ménages par le canal du système de redistribution de
la rente mis en place par les détenteurs du pouvoir
1 La monnaie dite « nationale » est le franc
CFA, une monnaie commune aux six Etats de la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC).
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étatique. En conséquence, les dépenses de
l'Etat (dépenses de fonctionnement et d'investissement) et la
consommation des ménages se sont accrues, entraînant une
augmentation de la demande, certes, de biens et services importés, mais
également des biens et services produits localement (produits
agroalimentaires, matériels de construction, transports routier et
aérien,...). Si la demande de biens importés pouvait être
satisfaite aisément par le développement des activités
informelles d'import-export, en revanche, celle des biens et services produits
localement induit, en l'absence d'une augmentation conséquente de la
production, une hausse du niveau général des prix comme le montre
le tableau 4 ci-dessous. D'après ce tableau, on constate que la
variation du niveau général des prix a été plus
forte entre 1981 et 1982, soit 16,74 %, puis entre 1982 et 1983, soit 10,32 %,
tout juste après le deuxième choc pétrolier de 1979.
Tableau 4 : Indice des prix à la consommation
(prix de détail de Libreville, base 100 : 1980)
1981
|
Variation en %
|
1982
|
en Variation %
|
1983
|
en Variation %
|
1984
|
en Variation %
|
1985
|
Variation en %
|
1986
|
108,7
|
16,74
|
126,9
|
10,32
|
140,0
|
5,86
|
148,2
|
7,35
|
159,1
|
6,28
|
169,1
|
Source : BEAC (1991) : « Etudes et Statistiques »,
n° 187, décembre 1991.
Or, la hausse des prix intérieurs implique une
surévaluation de la monnaie nationale, il s'ensuit une perte de
compétitivité des biens fabriqués localement face aux
biens importés devenus de moins en moins chers aux consommateurs
gabonais. Un rapport conjoint de la Banque Africaine de Développement
(BAfD) et de l'Organisation de Coopération et de Développement
Economiques (OCDE) publié en 2006 souligne à cet effet que «
le Gabon enregistre une augmentation des importations de produits bas de
gamme, et une augmentation d'entrées frauduleuses de produits qui
détériorent sa compétitivité
»1. Cette perte de compétitivité des biens
fabriqués localement va contraindre de nombreuses entreprises
déficitaires produisant des biens de substitution aux importations
à fermer leurs portes lorsqu'elles ne sont pas suffisamment
subventionnées par l'Etat : c'est le cas, par exemple, de la
Société de Textile du Gabon (SOTEGA), de la Société
Gabonaise d'Elevage (SOGADEL) et de la Société Gabonaise des
Piles (SOGAPIL) qui ont toutes disparues.
1 BAfD et OCDE (2006) : « Le Gabon »,
Perspectives Economiques en Afrique 2005/2006,
http://www.oecd.org/dataoecd/20/54/34883788.pdf,
p. 270, site consulté le 3 juillet 2006.
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