L'innovation, la création végétale et la propriété industrielle: quelles évolutions possibles ?( Télécharger le fichier original )par Adam Borie Belcour Université d'auvergne - Master 2 Carrières internationales 2016 |
Section 2 : Une applicabilité qui peut gagner en effectivité dans le domaine de la recherche à but non lucratifBien que les modèles proposées ne se bornent pas au secteur public il est pertinent de relever que le secteur public (universités et institut public) est lui aussi rentré dans le jeu des brevets. Aux Etats unis par exemple entre 1981 et 1985 il y avait 0.59% de brevets contenant le mot « University » dans leurs noms, ce pourcentage est passé de 0.96% entre 1991 et 1995 à 2.15% pour les années 1996.221(*) L'intérêt de montrer cela est de prouver que les modèles proposées semblent être d'avantages applicables aux instituts publics et organisations à but non lucratif. En effet au-delà de la licence copy-left il pourrait exister la licence copy-fair ou licence de réciprocité renforcée développé par Dmytri Kleiner et expliqué dans un article de Michel Bauwens222(*) Cette licence copy-fair est basée sur le fait que les licences copy-left ont en réalité grandement profité le plus souvent d'une manière gratuite aux entreprises multinationales en matière informatique (IBM qui utilise le système d'exploitation Linux par exemple). Cette réalité est applicable aux multinationales de l'alimentaire qui pourrait évidemment s'approprier les copy left sur les ressources végétales. Ainsi le copyfair pour les végétaux consisterait en une base de données librement accessible pour les organismes et institut public à but non lucratif mais pour laquelle l'accès serait payant « aux entités à but lucratif qui souhaitait utiliser un commun sans y contribuer doivent désormais verser de modestes royalties »223(*) Ainsi le problème du passager clandestin est ainsi évité car avant de pouvoir se saisir d'un titre de propriété intellectuelle sur des ressources végétales les entreprises doivent payer, elles ne peuvent donc s'en saisir frauduleusement et déposer un brevet ou un COV dessus alors même que sa création provient d'un copy-left ou d'une licence créative Commons sur une ressource végétale224(*) D'autres adaptations existent pour encourager la recherche publique et/ou à but non lucratif, certains tel que Carol Nottenburg225(*) propose la mise en place de licences croisées, fusionnement des équipes de recherche, pool de brevet et licences FRAND. Ce même texte de Carol Nottenburg, montre néanmoins, d'une part que la limite entre la recherche privée et publique est extrêmement poreuse et que les solutions proposées sont aussi en soi un problème. Au titre des solutions pour parer aux ralentissements de l'innovation par la PI il apparait que CAMBIA226(*) (Centre for the Application of Molecular Biology to International Agriculture) est l'une des entités qui répond le mieux aux problèmes de l'accès à l'information sur les produits brevetés. En effet en lançant une base de données sur internet pour la PI sur les ressources végétales, ce centre Australien n'est pas original. Pour autant il est le seul à proposer une explication sur la manière de lire un brevet et des moyens d'accompagner l'usager néophyte. Ainsi Carol Notteburg, chercheur et aussi directeur de ce centre pointe du doigt le fait qu'il n'existe pas à l'échelle mondiale d'exemption des poursuites possibles pour des actions en contrefaçons à l'encontre des centres de recherches non lucratif. Par ailleurs il désigne l'action en contrefaçon comme l'arme nucléaire des entreprises et instituts publics. D'une part parce que cela pourrait donner une mauvaise image à une société qui porterait en justice une action en contrefaçon contre une organisation non lucrative et d'autre part parce que cette société pourrait elle aussi subir un retour de son action car d'autres recours pourraient être intenté à son encontre. Conclusion. Au sein de la PI des possibilités existent, si les communs limités et les licences open source sont l'une des réponses au problème du blocage de l'innovation par le « trop plein »du brevet elles ne sont pas les seuls. En effet C'est Joseph Stiglitz et A charlton227(*) qui propose de modifier les accords ADPIC afin de réaliser le but premier de la PI : stimuler l'innovation. Par exemple il est proposé de renforcer la « nouveauté universelle » dans le but de protéger les savoirs traditionnels. Bien que Stiglitz et Charlton ne définissent pas la nouveauté universelle il est possible de voir en elle un renforcement de la hauteur des brevets accordés, car la nouveauté universelle suppose pour l'inventeur de prouver que son invention n'utilise en rien des ressources déjà préexistantes. Si l'innovation et la PI entretiennent des rapports étroits, la stimulation de l'innovation passe par une vision du brevet nécessairement plus flexible et plus en adéquation avec le milieu en question. La création végétale a de nombreuses spécificités et le phénomène de spéciation qui accompagne le droit de la PI se doit de l'accompagner dans la mesure de son argument premier : l'incitation à l'innovation. S'il outrepasse ses fonctions il doit être considéré comme nul car son premier argument est mort né. D'autres solutions au sein de la PI sont avancées, telles que la possibilité de signer des licences obligatoires au-delà d'une simple urgence nationale, licences obligatoires qui seraient bien plus qu'un simple acte de charité humanitaire228(*) ou encore refus de commercer pour les pays qui n'aideraient pas aux transferts de technologies. Il est également possible d'imposer des conditions FRAND à tous les titres de PI sur les ressources végétales bien que celle-ci ne résolvent pas le problème de l'accès à l'information. Ces solutions combinées avec une mise en place ou une promotion conséquente des licences open source sur les végétaux peuvent réellement être une des solutions pour stimuler l'innovation et non la contraindre. Ainsi, ces 20 dernières années ont été l'occasion d'une augmentation « substantielle et géographique du brevet ». Cela n'est pas mauvais en soi mais dans la mesure où cela ralentit l'innovation il est permis de s'interroger sur l'expansion du brevet et de son nombre important de véhicules (COV, licences, certificats, technologies GURTS). Bien que le droit de la PI soit, pour parti, responsable de nombreux maux des biotechnologies agricoles (perte de la biodiversité, concentration des entreprises,) il n'est pas le seul. En effet la conception que nous avons du développement importe énormément lorsqu'il s'agit de définir le progrès. Le progrès est-il de créer une nouvelle variété résistante à la sécheresse ou bien de s'assurer que les peuples victimes du réchauffement climatique aient accès à cette variété et puissent réaliser la recherche nécessaire à son élaboration ? Certains répondent à cette question par une approche de l'innovation qui cherche à conjurer la fatalité des pays les moins avancés ou en voie de développement, c'est le cas du livre dirigé par Blandine Laperche229(*) qui met en exergue les nouvelles formes d'innovation à destination du développement. D'autres comme Janet Hope pense la sélection végétale participative comme un moyen d'apporter un accès plus équitable aux régions les plus délaissés par des technologies de création végétales plus appropriées. Il reste néanmoins, certain que des étapes restent à franchir dans l'amélioration et l'adaptation du droit de la propriété industrielle en ce qu'il vise à promouvoir l'innovation. Des recherches d'adaptation de ce droit, entres autres, à la sélection végétale participative afin de d'accompagner le progrès technique en ce qu'il peut permettre l'ouverture de nouveaux horizons pour la création végétale. * 221 Nottenburg Carol, Philip G. Pardey and Brian D. Wright Accessing other people's technology for non-profit research* The Australian Journal of Agricultural and Resource Economics, 46:3, p 389 * 222 Benjamin Coriat (sous la direction) Michel Bauwens Plan de transition vers les communs : une introduction, chapitre 12, Le retour des communs, la crise de l'idéologie propriétaire, ed les liens qui libèrent mai 2015, Article traduit de l'anglais par Antoine Delcorocca. p 282. * 223 Ibid * 224 Dans ce cas la preuve d'usage d'un titre copy left est également difficile à apporter si l'entreprise utilise un procédé de retro conception. Ainsi dans le cas du copyleft, les clauses qui interdisent le cumul copy left/brevet seraient alors largement inefficientes. * 225 Nottenburg Carol, Philip G. Pardey and Brian D. Wright Accessing other people's technology for non-profit research* The Australian Journal of Agricultural and Resource Economics, , p 389 * 226 Association Australienne à but non lucratif Cambia se finance par des dons privés mais aussi par des licences sur ses technologies. Son but principal est de développer l'accès aux technologies de transformation. * 227 Pour Blandine Laperche, , « J. Stiglitz et A. Charlton considèrent, pour leur part, qu'un nouveau régime de propriété intellectuelle doit être mis en place par la négociation internationale pour mieux équilibrer les intérêts des utilisateurs (des pays développés et en développement) et des producteurs de savoir. Ils suggèrent de modifier certaines dispositions de l'accord ADPIC : par exemple, renforcer l'obligation de "nouveauté universelle" des brevets, afin de protéger les savoirs traditionnels, donner la possibilité de signer des licences obligatoires au-delà des urgences nationales et des scénarii plus généraux de "refus de commercer", prévoir des mesures pour empêcher les pratiques anticoncurrentielles dans les contrats de licence, assurer les transferts de technologies des pays développés vers les pays moins avancés. » Laperche Blande (dir) Enjeux globaux et opportunités locales : L'innovation pour le développement, ed Khartala, 252 pages. * 228 Le cas généralement cité de charité humanitaire en matière de cession de droits intellectuels est le golden rice, une variété de riz nécessitant plus de 70 brevets. C'est Syngenta qui dans des visées humanitaire non dépourvu d'intérêt à permis de récolter ces 70 brevets afin de permettre l'accès gratuit ou presque à cette variété de riz dans certaines région du monde. * 229 Laperche Blande (dir) Enjeux globaux et opportunités locales : L'innovation pour le développement, edition Khartala, 252 pages. |
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