3. Les musiciens dans la révolution
numérique
Une enquête réalisée auprès des
associés de l'Adami34 a pour but de connaître l'opinion
des artistes-interprètes sur les pratiques liées à
Internet, leur utilisation des outils numériques ainsi que d'en dresser
un portrait. Le questionnaire a été envoyé à
l'automne 2008 avec un taux de retour de 20%, soit 700 réponses.
31 Etude Harris Interactive, « L'observatoire
des pratiques culturelles des français en matière de spectacle
musical et de variété (« live ») », septembre
2014.
32 IRMA, « Les entreprises de spectacle face
à la mutation », 14 janvier 2015.
33 Etude Harris Interactive, « Les
français, les spectacles vivants et le numérique :
évolution des modes de consommation et des perceptions », mai
2014.
34 Adami : Société de gestion collective
des droits de propriété intellectuelle des
artistes-interprètes.
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Les artistes et musiciens interprètes (AMI)
perçoivent des revenus qui sont en moyenne inférieurs à
ceux des français : la moitié d'entre eux gagne moins de 15.000
euros par an. Cette enquête35 montre que ces revenus ne
viennent pas exclusivement de la musique enregistrée car 78% sont
rémunérés pour des concerts et des spectacles, et la
moitié donne des cours de musique. De plus, les revenus provenant de la
musique représentent pour un AMI sur deux, moins de la moitié de
l'ensemble de leurs revenus. Par conséquent, il en ressort que les
artistes et interprètes peuvent être moins touchés par la
crise du secteur que les maisons de disques. Néanmoins, les musiciens
sont inquiets au sujet du piratage mais sont intéressés par les
nouveaux outils numériques qui peuvent améliorer leur
notoriété. 58% des AMI pensent que le piratage a eu un effet
négatif sur la vente de leurs CD, contre 28% qui sont satisfaits ou
indifférents, que leur musique soit piratée. Pour 35% d'entre
eux, le piratage a augmenté le nombre de personnes à leurs
concerts.
Les musiciens sont dérangés par certaines
vidéos postées sur des plateformes en ligne qui ont une
qualité sonore médiocre, et qui ne leur reverse aucune
rémunération. Cependant, en termes de distribution le tiers
d'entre eux propose des titres à télécharger gratuitement
via son site internet ou sa page MySpace, et plus de 80% offrent des titres
à écouter librement en streaming. Les nouveaux outils du
numérique ont apporté de nouvelles opportunités de
production et du fait de leur accessibilité, limités les
barrières à l'entrée sur le marché. En 2008, 60%
des artistes utilisaient un home studio. Néanmoins, il ressort de cette
même enquête que les AMI ne sont pas une partie intégrante
de l'industrie de la musique car 82% n'ont pas de manager, 36% n'ont jamais eu
de contrat avec un label alors que 21% sont en cours de contrat. Il en ressort
aussi une inquiétude au sujet des contrats 360° qui proposent de
gérer l'ensemble des activités qui gravitent autour de
l'artiste.
Un essai rapporté dans cette même enquête,
propose des catégories d'artistes et musiciens interprètes :
- Les élus qui représentent 5% des AMI : ils
sont les stars qui dégagent plus de 60.000 euros par an de revenus.
- Les artisans qui représentent un cinquième des
AMI : ils sont souvent des musiciens de musiques classiques qui gagnent entre
15.000 et 60.000 euros par an.
35 BACACHE, BOURREAU, GENSOLLEN et MOREAU, Maya, Marc,
Michel et François, Les musiciens dans la révolution
numérique - Inquiétude et enthousiasme, Paris, 2009, Irma
éditions, 122p.
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- Les professionnels qui sont un cinquième des AMI :
ils sont très actifs sur scène et sous contrat pour la
majorité, mais doivent cumuler d'autres sources de revenus.
- Les exclus qui représentent 29% des AMI : ils sont
peu actifs sur scène et en studio, et n'ont pour la majorité
jamais eu de contrat.
Plus récemment, au cours d'une conférence en
201436, l'artiste Sevan Malakian évoquait sa situation et les
limites d'un contrat chez un major. Sortant de la Star Academy 2007, il a
signé un contrat en 2012 chez Sony pensant que des portes s'ouvriraient,
« avec la crise les maisons de disques se plaignent de ne pas avoir assez
d'argent mais en signent toujours autant » sans aucun travail avec
l'artiste. Il dénonce le fait que l'artiste n'est jamais en contact
direct avec les personnes qui travaillent sur les différentes
étapes du lancement d'un CD. Chez Believe, il rapporte avoir eu un clip
qui n'a jamais été diffusé auprès du public et fait
part de sa frustration car « le travail fait ne reste qu'en maison de
disque ». Enfin, Sevan Malakian s'est tourné vers l'autoproduction
mais rien n'a abouti car il faut avoir un solide réseau constitué
d'attachés de presse, de managers etc.
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