Annexe 3 :
INTERVIEW NICOLAS WILLIART - Fondateur du label
Kaotoxin
1) Pourquoi avoir créé ce label ? Dans
quel besoin ?
Pourquoi pas? Cela fait près de 25 ans que je suis dans
ce milieu et mon expérience dans des domaines aussi divers que peu
artistiques (marketing, informatique, comptabilité, gestion
d'entreprise...) permettait d'envisager la création d'une structure de
façon assez concrète. Le but était donc d'allier
compétences et passion. Il n'y avait aucun besoin d'un label
supplémentaire, mais aucune interdiction d'en créer un
néanmoins :)
2) Combien de personnes travaillent au sein du label
?
Aucune (un bénévole, moi). Quelques
bénévoles ponctuellement, en cas de gros besoin.
3) Les artistes du label vivent-ils de leur musique ?
Non, et ça n'est pas près d'arriver (si ça arrive
un jour...)
4) En termes de financement, quels sont les organismes
qui vous aident?
Aucun. Par conviction personnelle: se faire financer, c'est
donner un droit de regard et donc de censure. L'art doit être libre ou ne
pas être. L'art financé est un art prostitué et à ce
titre n'est plus de l'art.
5) Est-ce que vous vous êtes adaptés aux
mutations du secteur ? Par quels moyens ?
Kaotoxin est né durant les "mutations du secteur". Je
sais donc où je vais en termes de chiffre d'affaire et n'ai donc pas
d'espoirs démesurés, ce qui permet de ne pas trop mettre en
danger l'aspect financier des choses.
D'autre part, même si la scène "Metal" a des
années de retard sur d'autres courants musicaux (Electro, par ex.) en ce
qui concerne le digital (le public "Metal" valorisera toujours plus un album en
CD avec des ventes médiocres qu'un single digtal qui cartonne...), nous
insistons beaucoup sur le digital en créant un catalogue de supports
physiques limités mais en nous assurant une distribution digital de
qualité et pérenne pour nos sorties, y compris après que
la version physique -s'il en existe une- soit épuisée.
Nous utilisons bien entendu les réseaux sociaux et
faisons notre possible pour diversifier autant que faire se peut nos sources de
revenus.
6) Quelles est votre stratégie de communication /
promotion pour faire connaître un album ou un artiste ? Avec quels outils
de communication ?
Le label se focalise sur des artistes émergeants ou
confirmés mais toujours en développement. A ce titre, nous ne
pouvons guère compter sur une fan-base établie pour ceux-ci et
tâchons donc de développer une image de marque pour le label, qui
soit aussi qualitative que professionnelle pour que les artistes du label y
soient immédiatement identifiés et ainsi susciter la
curiosité des fans du label.
Par ailleurs, nous avons de même une véritable
stratégie de diversification et un crédo voulant que nous ne
signons jamais deux artistes trop similaires, laissant ainsi à chacun un
véritable espace de développement au sein du label, avec chacun
sa "case", même si pour certains il est parfois de
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différencier deux groupes d'un même "style", nous
avons pour autant une attention toute particulière au fait qu'ils soient
aussi dissemblables les uns des autres que possible.
Chaque artiste amenant au fur et à mesure "son" public
vers le label, les retombées se font alors sur tous les autres artistes
du catalogue pour peu que le dit public soit un peu curieux.
7) Quels formats utilisez-vous dans la commercialisation
d'un album ? Tous :) CD, LP, cassette, digital... tout dépend
de la sortie concernée.
8) Que pensez-vous de l'activité 360°
?
Je n'aime pas trop cette approche, même si j'en comprends
bien entendu le besoin lorsque des dizaines de milliers d'euros sont investis
dans la promotion d'un artiste, mais ça n'est pas notre cas et nous ne
la pratiquons donc pas.
9) Que pensez-vous de la nouvelle tendance « live
» ?
Elle est tout ce qu'il y a de plus virtuelle: comme toujours,
seuls les artistes établis en bénéficient et les autres
payent de toute façon le tour support s'ils veulent de la
visibilité où se produisent dans des caves à longueur de
soirées, devant un public plus épars que jamais. La
stratégie consistant à tout miser sur le "live" est une
stratégie à extrêmement long terme et est extrêmement
coûteuse pour des artistes émergents.
Nous avons au catalogue quelques projets "studio" (We All Die
(laughing), Miserable Failure...) qui ont les mêmes chiffres de ventes
que des artistes passant leur vie sur la route. En tant que label, peu importe.
Par contre, pour les artistes, s'ils se débrouillent correctement, le
live peut-être une source de revenus non-négligeable... mais il
faut avaler des dizaines de milliers de kilomètres et jouer des
années dans des conditions minables pour que ça commence à
fonctionner: c'est un investissement sur le long terme...
10) Ressentez-vous une concurrence entre labels
malgré le fait que chacun propose des artistes uniques ?
C'est comme dans n'importe quelle "société": tout
dépend des individus concernés. Nous avons de très bonnes
relations avec bon nombre de nos collègues là où d'autres
se placent plus dans une notion de concurrence. Tout dépend de
l'état d'esprit de chacun mais, dans un milieu où le
"gâteau" s'amenuise de jour en jour, il est compréhensible que
certains aient tendance à lorgner sur la part du voisin plutôt que
de leur prêter leur fourchette...
11) Quels pourraient-être ou sont les freins
à votre évolution ?
La Poste en est un gros, ces derniers temps. Le tarif des colis
ayant explosé, cela se ressent forcément sur la VPC et les
magasins fermant les uns après les autres, il est évident
qu'aucun mode de distribution de la musique sur support "physique" n'est
désormais plus accessible à tout un chacun, lorsque les albums
sont à 20 EURO dans le peu de magains qui restent et à 15 EURO
dont 5 EURO de frais de port en VPC...
12) Quelles sont au contraire, les opportunités
que vous voyez ?
Le digital peut en être une... mais à nouveau, c'est
une question d'état d'esprit et dans notre domaine particulier,
ça risque de prendre du temps :)
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13) Selon vous, dans 10 ans, quelles seront les tendances
de consommation musicale ?
Les mêmes qu'aujourd'hui: streaming, download
légal ou non et support physique, même si ceux-ci prendront une
place de moins en moins importante dans l'équation. Le
développement de plateformes telles que Spotify ou Deezer se poursuit et
la qualité des connexions à Internet ne cesse de
s'améliorer. Aucune raison donc que ce ne soit pas un type de
consommation en croissance.
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