La distribution des dividendes en droit des sociétés commerciales ohada( Télécharger le fichier original )par Marc Rostel KANA KENGNI Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2013 |
B- La possibilité de faire face aux mesures préjudiciables au droit des associésCes mesures peuvent résulter soit d'une abstention ou d'une action. Dans le premier cas, la décision de distribution qui doit ouvrir droit au partage n'a pas lieu (1). Dans le second cas, la décision de distribution est effectivement prise. Mais, elle s'avère abusive pour l'associé (2) 1- Le recours à un mandataire en cas d'absence de décision de distributionLa décision de distribution doit s'accomplir en AGO. Pour ce faire,elledoit être convoquée par le gérant, le commissaire aux comptes, le conseil d'administration ou l'administrateur général selon les cas165(*). Il peut arriver que tous ces organes légaux chargés de la convoquer soient défaillants166(*)ou de manière générale paralysés167(*).Dans ces circonstances, « tout associé peut demander en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée et de fixer son ordre du jour »168(*). Ainsi, l'associé peut en cas d'absence de décision de distribution de dividende demander au juge la désignation d'un mandataire169(*) ou d'un administrateur provisoire chargé de faire face à la paralysie de organes sociaux. En effet, tout administrateur provisoire est un mandataire, mais tout mandataire n'est pas un administrateur provisoire. Il ne faut pas confondre les deux même si la distinction n'est pas très évidente. En fait, Le mandataire ad hoc est en quelque sorte un " sous administrateur provisoire ". Ilintervient généralement lorsque le conflit n'est pas encore trop important et peut se résoudre par le simple accomplissement d'une formalité par exemple, la convocation d'une assemblée170(*). Il ne dispose pas des mêmes pouvoirs que l'administrateur provisoire.En cela, il ne se substitue pas aux organes sociaux.Devenue une institution célèbre depuis l'arrêt Fruehauf171(*), l'administration provisoire est quant à elle perçue comme une institution quelque peu mystérieuse ou ésotérique voire en marge de la légalité172(*). L'administrateur provisoire est alors une personne désignée par l'autorité judiciaire à l'effet d'assurer temporairement la gestion d'une personne morale civile ou commerciale, ou d'un patrimoine et, parallèlement de s'efforcer de résoudre la crise ayant motivé sa désignation173(*). Il convient de s'intéresser aux conditions de désignation de ces mandataires et l'attitude des associés et des juges dans le cadre de ce mécanisme en matière de dividende. S'agissant des conditions de désignation, il faut qu'il y ait paralysie des organes sociaux. La paralysie peut résulter soit de l'absence ou de la carence des organes sociaux. Dans le premier cas, il s'agit par exemple de la disparition des organes concernés découlant de la révocation174(*) ; de la démission, du non renouvellement des fonctions à l'arrivée de leur terme, ou de l'annulation de la nomination175(*).Dans le second cas, c'est-à-dire la carence des organes de gestion, la paralysie peut résulter de l'incapacité, de l'absence, d'un empêchement ou même d'une condamnation pénale même si elle n'est pas définitive176(*). La paralysie des organes peut aussi résulter de la mésintelligence ou de l'existence d'un conflit. Dans cette hypothèse, les dissensions entre associés si violentes soient-elles ne justifient pas la désignation d'un administrateur provisoire tant que les organes sociaux fonctionnent normalement177(*). C'est dans cette logique que le 25 février 2000, la CA d'Abidjan dans l'affaire NACI SA contre WIN SARL178(*)a refusé la nomination d'un administrateur provisoire parce qu'une simple mésentente, même caractériséequi ne paralyse pas la société ne saurait justifier une telle nomination. En plus, c'est le demandeur qui doit apporter la preuve des faits paralysant le fonctionnement de la société. Dans les cas contraires, les conditions ne sont pas réunies179(*). En plus de la paralysie des organes sociaux, l'administration provisoire requiert l'existence d'un péril imminent. Il faut cependant noter que dans l'arrêt Fruehauf en France, en l'absence de paralysie des organes sociaux, mais en présence d'un conflit entre minoritaires et majoritaires, et d'une grave menace pesant sur l'intérêt social, les magistrats ont accédé à la demande des minoritaires tendant à la désignation d'un administrateur provisoire pour assurer la protection de l'intérêt social. Dès lors, il est préférable pour les associés en cas d'absence de distribution de dividendes de recourir au juge pour la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer l'AGO de distribution de dividendes. Ce fut le cas dans l'affaire Papa Balle DIOUF contre Mamadou SY180(*). Le juge a désigné un mandataire chargé de convoquer l'AGO d'approbation des comptes à défaut de convocation par le gérant de cette assemblée « depuis la création de la société alors qu'il avait l'obligation de le faire au moins tous les deux ans »181(*).Le recours à un administrateur provisoire n'est pas exclu, mais parfois les associés se verront débouter de leur demande pour non respect des conditions requises182(*). Mais s'il est désigné, les organes légaux sont dessaisis. Dans ce cas, toutes les résolutions de l'assemblée générale annuelle prises par ces organes après l'intervention de la décision de nomination seront nulles et de nul effet183(*). En ce qui concerne l'attitude des associés et du juge pour remédier à l'absence de décision de distribution, l'on remarque qu'ils s'y prennent parfois mal. Au lieu de demander la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'AGO de distribution des dividendes, ils demandent directement au juge, qui y procède, de répartir les dividendes. Ce fut le cas dans cet arrêt de la CA d'Abidjan du 07 avril 2000184(*) où le juge d'instance avait procédé à la répartition des dividendes à la demande d'un associé, avant de voir sa décision annulée par le juge d'appel qui procéda comme le veut la loi à la désignation d'un mandataire chargé de procéder à la répartition. Les associés doivent donc être diligents et les juges éviter de s'immiscer dans la gestion des sociétés commerciales. L'absence de décision de distribution des dividendes n'est pas la seule difficulté à laquelle les associés peuvent faire face dans le cadre de la procédure d'obtention de leurs dividendes. Lorsque l'assemblée générale ordinaire de distribution des dividendess'est effectivement tenue, un autre problème découlant de la diversité antagonique d'intérêts catégoriels existant dans la société peut se poser. * 165 Art. 337 et 516 de l'AUSCGIE * 166 NJEUFACK TEMGWA René, op. cit., p.93. * 167 MOUTHIEU NJANDEU Monique-Aimée, op. cit. p.311 n° 522. * 168 Art 337(3) et 512- 2° de l' l'AUSCGIE. * 169 Tribunal régional hors classe de Dakar, Audience du 28 octobre 2002, jugement n° 1364, Papa Balle DIOUF contre Mamadou SY, www.ohada.com, J-05-39. * 170 Il faut souligner que l'administrateur provisoire peut aussi le faire. C'est d'ailleurs cette mission qui lui est assignée lorsque l'AGO n'est pas convoquée. Mais ses pouvoirs sont plus étendus et ses conditions de nomination plus rigoureuses. Il est généralement désigné en cas de paralysie des organes sociaux et péril imminent ce qui n'est pas le cas du mandataire ad hoc. * 171 CA Paris, 22 mai 1965 D. 1968, 174, obs. CONTIN R. * 172DIOUF Mountaga, « Réflexions sur l'administration provisoire de société en droit sénégalais », Union des Magistrats Sénégalais, www.ums.sn. Aucune définition légale n'est donnée à la notion d'administration provisoire. C'est la doctrine et la jurisprudence qui l'ont cernée. * 173 CHASSAGNON Y, « Administrateur provisoire », Répertoire Dalloz, 1996, n°1 ; CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2001. Cités par NJEUFACK op. cit, p. 28. * 174Cass. Civ, 1ere, 16 janvier 1963, Bull Civ I, n° 38. * 175 CA Versailles, 15 mars 1990, JCP 1990, éd. E, I, n° 20438. * 176 Cass. Com. 05 février 1985, Bull civ, IV n° 44, JCP. * 177 MOUTHIEU NJANDEU Monique-Aimée, op. cit. p.314, n° 525. * 178 CA d'Abidjan, 25 février 2000, NACI SA c/ WIN SARL, in OHADA jurisprudences nationales, n°1 Décembre 2004, p. 65 ; ou www.ohada.com, J-02-132. * 179 CA d'Abidjan, 4e chambre civile et commerciale, arrêt n° 166 du 11 Août 2004, le Jurisohada n°2/2007, p.34 ; www.ohada.com, J-08-79. * 180 Tribunal régional de Dakar, Jugement n° 1364, Papa Balle DIOUF c/ Mamadou SY, www.ohada.com, J-05-39. * 181 Il convient d'ailleurs de souligner ici que l'obligation d'approbation des comptes, comme c'était le cas dans cette affaire doit ce faire tous les six mois à compter la clôture de l'exercice. Art. 140(2) de l'AUSCGIE. * 182 CA d'Abidjan, 4e chambre civile et commerciale, arrêt n° 166 du 11 Août 2004, le Jurisohada n°2/2007, p.34 ; www.ohada.com, J-08-79 * 183 Douala, 21 février 2003, ONOBIONO James, Thomas EYOUM et Aristide EKINDI c/ Marcel DOBIL, in JuridisPériodique n° 64, Octobre-Novembre-Décembre 2006, p. 31 et s., obs. NJEUFACK TEMGWA René. * 184 CA d'Abidjan, 3e chambre civile et commerciale, 07 avril 2000, Liquidation sté SADEA Edition (Me Etelle ATTALE) c/ Paul Arnaud (SCPA PARIS VILLAGE), voir NEMEDEU Robert, Note sous arrêt de la CA d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, affaire liquidation de la société SADEA Edition (Me ATTALE Estelle) c/ ARNAUD Paul (SCPA PARIS VILLAGE), Juridis périodique n° 60, octobre 2004, p. 101. |
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