Section 1. FONDEMENT THEORIQUE DE L'AMORTISSEMENT
La nécessité d'amortir les biens dont la valeur
diminue du fait de la détention, de l'obsolescence ou de l'usage
découle des dispositions du cadre conceptuel de la comptabilité
financière.
1.1. Cadre conceptuel de la comptabilité
financière
En Tunisie, le § 61 du cadre conceptuel de la
comptabilité financière dispose que "les charges sont prises
en compte, lorsqu'une diminution d'avantages économiques futurs,
liés à la
96
Les Méthodes d'Amortissement des Coûts de
Recherche et de Développement Portés à l'Actif
diminution d'un actif ou à l'augmentation d'un
passif, s'est produite et qu'elle peut être mesurée de
façon fiable".
Par ailleurs, le § 43 précise que la convention de
rattachement des charges aux produits "consiste à établir une
correspondance, directe ou indirecte, entre les produits et les charges de
l'entreprise. Lorsque des revenus sont comptabilisés au cours d'un
exercice, toutes les charges ayant concouru à la réalisation de
ces revenus doivent être déterminées et rattachées
à ce même exercice".
L'application combinée de ces dispositions, conduirait
toute entreprise d'exploration - production pétrolière à
établir une correspondance directe ou indirecte56 entre ses
coûts de recherche, de développement et de production, d'une part,
et sa production d'hydrocarbures, base de ses cash-flows, d'autre part.
Cette correspondance ne peut vraisemblablement être
établie qu'à travers une répartition systématique
de l'ensemble des coûts portés à l'actif selon une base
logique et rationnelle traduisant au mieux la consommation par l'entreprise de
ses réserves minérales. Dans ce contexte, l'IASC a le
mérite de préciser avec clarté la notion d'amortissement
au niveau du §96 de son cadre conceptuel qui dispose:
"Lorsque des avantages économiques sont attendus
sur plusieurs exercice, et que l'association avec les produits ne peut
être déterminée que de façon vague ou indirecte les
charges sont comptabilisées dans le compte de résultat sur la
base de procédures de répartition systématiques et
rationnelles. Ce procédé est souvent nécessaire pour
comptabiliser des charges associées à l'utilisation d'actifs tels
que les immobilisations corporelles, le goodwill, les brevets et les marques;
dans de tels cas, la charge est appelée amortissement. Ces
procédures de répartition ont pour but de comptabiliser les
charges dans les exercices où les avantages économiques
associés à ces éléments sont consommés ou
disparaissent."
56 Pour le rattachement des charges aux produits,
le cadre conceptuel tunisien parle d'une correspondance directe ou
indirecte entre les produits et les charges de l'entreprise.
Par contre, l'IASC stipule dans son cadre conceptuel, § 95, que "les
charges sont comptabilisées ... sur la base d'une association
directe entre les coûts encourus et l'obtention
d'éléments spécifiques de produits."
97
Les Méthodes d'Amortissement des Coûts de
Recherche et de Développement Portés à l'Actif
De telles précisions n'existe pas au niveau du cadre
conceptuel tunisien. Elles sont fournies uniquement par les normes comptables
NC 05 et NC 06; deux normes, rappelons-le, non applicables aux activités
de recherche et de développement des hydrocarbures.
1.2. L'amortissement selon la norme comptable NC
05
Bien que non applicable aux biens sujets à
épuisement détenus par les entreprises d'extraction, les normes
comptables tunisiennes traitant des immobilisations corporelles et
incorporelles fournissent certaines directives et définitions qui sont
acceptées dans l'industrie pétrolière.
a. Définition
La NC 05, §06, définit l'amortissement comme
étant "la répartition systématique du montant
amortissable d'une immobilisation sur sa durée d'utilisation
estimée. Il traduit la diminution irréversible de la valeur d'une
immobilisation résultant de l'usage, du temps, du changement de
technique et toute autre cause. La dotation aux amortissements de l'exercice
est constatée en charges".
La pertinence de cette disposition à l'industrie
pétrolière n'est pas évidente. En effet, lorsqu'il s'agit
de coûts d'exploration ou de forage de développement, la
diminution irréversible de valeur n'est pas,
tout à fait, celle des coûts portés à l'actif mais
plutôt celle relative à la consommation et à
l'épuisement des réserves minérales mises en
évidence. De telles réserves constituent l'actif réel de
toute entreprise pétrolière, même si elles ne sont pas
inscrites au bilan.
Par conséquent, l'amortissement de tels coûts,
lorsqu'ils sont portés à l'actif, est fait dans un objectif de
leur répartition en fonction des avantages économiques futurs que
procurera la production et la vente des réserves minérales
détenues par l'entreprise.
b. Le montant amortissable
Aux termes de la NC 05, §06, le montant amortissable
d'une immobilisation corporelle est "son coût historique ou un autre
montant qui lui a été substitué dans les états
financiers,
98
Les Méthodes d'Amortissement des Coûts de
Recherche et de Développement Portés à l'Actif
diminué de la valeur résiduelle
éventuelle". Ce même paragraphe ajoute que "la valeur
résiduelle est le montant net qu'une entreprise compte obtenir en
échange d'un bien à la fin de sa durée d'utilisation
après déduction des coûts de cession
prévus".
Par conséquent, les coûts, étudiés
dans la première partie du présent mémoire, encourus pour
l'acquisition, la recherche et le développement de réserves
d'hydrocarbures et dont la totalité ou une partie a été
portée à l'actif constituent le montant amortissable. Il s'agit
notamment:
- des coûts de prospection;
- des coûts d'acquisition et de maintenance des droits
miniers;
- des coûts d'exploration;
- des coûts d'appréciation ou
d'évaluation;
- et des coûts de développement.
Outre ces coûts, l'IAS 37, Provisions, passifs
éventuels et actifs éventuels, requiert la prise en compte
d'un passif pour certains coûts futurs de démantèlement et
de remise en état qui sont encourus comme conséquence des
activités de forage et de développement. Ces coûts,
lorsqu'ils sont constatés par l'inscription d'un actif au niveau du
bilan, doivent, à notre avis, faire partie du montant amortissable du
centre de coûts sujet à amortissement.
A ce titre, il est à noter que la notion de montant
amortissable ne pose pas de problèmes particuliers sous la
méthode de l'amortissement linéaire. Par contre, elle semble
trouver ses limites lorsque la méthode de l'amortissement selon
l'unité de production est adoptée. En effet, une meilleure
application de la convention de rattachement des charges aux produits peut
conduire à l'amortissement de certains coûts futurs en fonction de
l'épuisement des réserves mises en évidence. Il s'agit
notamment des coûts de développement futurs et dans certains cas
ceux relatifs à une activité d'exploration future.
c. La période d'amortissement
L'appréciation de la durée d'utilisation d'une
immobilisation amortissable est une affaire de jugement
généralement fondée sur l'expérience de
l'entreprise avec des biens semblables. Les avantages économiques
représentatifs d'une immobilisation corporelle sont consommés
par
99
Les Méthodes d'Amortissement des Coûts de
Recherche et de Développement Portés à l'Actif
l'entreprise principalement à travers l'utilisation de
cet actif. Toutefois, d'autres facteurs, tels que l'obsolescence technique et
l'usure d'un actif alors qu'il reste inutilisé, conduisent souvent
à la diminution des avantages économiques auxquels on aurait pu
s'attendre à disposer grâce à cet actif. En
conséquence, l'ensemble des facteurs suivants doit être pris en
considération pour déterminer la durée d'utilité
d'un actif (IAS 16, §43):
(a) l'usage attendu de cet actif par l'entreprise. Cet usage
est évalué par référence à la
capacité ou à la production physique attendue de cet actif;
(b) l'usure physique attendue, qui dépend des facteurs
d'activité telles que les cadences auxquelles est utilisé l'actif
et le programme de maintenance de l'entreprise, et les soins apportés et
la maintenance de l'actif en dehors de sa période d'utilisation;
(c) l'obsolescence technique découlant de changements
ou d'améliorations dans la production, ou d'une évolution de la
demande du marché pour le produit ou le service fourni par l'actif;
et
(d) les limites juridiques ou similaires sur l'usage de
l'actif, telles que les dates d'expiration des contrats de location.
Par ailleurs, la norme comptable NC 05 définit la
période d'amortissement comme étant la durée d'utilisation
estimée de l'immobilisation. Elle est:
- soit la période pendant laquelle l'entreprise compte
utiliser une immobilisation amortissable;
- soit la période correspondant au nombre
d'unités de production (ou l'équivalent) que l'entreprise compte
obtenir par la mise en oeuvre de l'immobilisation amortissable.
Si la notion de période d'amortissement ne pose pas de
difficultés particulières dans le cadre de l'amortissement
linéaire, il n'en est pas de même lorsque la méthode de
l'amortissement selon l'unité de production est utilisée. Comme
nous le verrons au niveau du deuxième chapitre de la présente
partie, la détermination du "nombre d'unités de
production", c'est à dire les réserves d'hydrocarbures en
fonction desquelles le montant amortissable est amorti,
100
Les Méthodes d'Amortissement des Coûts de
Recherche et de Développement Portés à l'Actif
peut s'avérer délicate et dépend en grande
partie de la nature et des caractéristiques techniques de certaines
installations pétrolières.
|