Promotion : 2014 / 2015
MÉMOIRE
Les mutations de l'industrie musicale
Problématique : Quelle stratégie les
acteurs de l'industrie de la musique doivent-ils adopter pour pérenniser
leur présence sur le marché, alors que les mutations du secteur
tendent à diversifier leur activité, à externaliser les
revenus en dehors de la filière, et que les sources de financement sont
limitées voire supprimées ? Comment les acteurs de la
filière s'organisent-ils pour trouver un équilibre alors que les
revenus et les manoeuvres du numérique sont concentrées par les
géants d'internet ?
Tutrice : Clara MORENO
Directeur : Jean-Marie POTIER -
Directeur du développement, Paris Mix
2
REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier Clara Moreno, tutrice de mon
mémoire, pour son accompagnement et ses conseils. Je remercie aussi
Jean-Marie Potier, directeur de Paris Mix, qui a accepté d'être
mon directeur de mémoire.
Un grand merci à toute l'équipe du PRODISS et
plus particulièrement à Aline Renet, ma responsable de stage, qui
a mis à ma disposition les études du syndicat, Clémence
Tozetti, pour sa disponibilité et Pauline Auberger pour ses
précisions législatives.
Je remercie les professionnels qui ont accepté ma
demande d'interview : Michael Berberian, directeur du label Season Of Mist,
Nicolas Williart, fondateur du label Kaotoxin, Gil Attali, directeur de
promotion du label Scorpio Music, Maryam Caillon, chargée de production
de Sherpah Productions, Patrick Schneider, directeur de La Laiterie, et
Céline Seurin, une habituée des concerts.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION 6
I MISE EN CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE
8
A) Histoire et évolution de l'industrie de la
musique 8
1. Les débuts de l'industrie musicale
8
2. L'après-guerre : synonyme de nouvelles
tendances 9
3. Les années 1990 : le choc d'Internet
11
B) L'organisation du marché et présentation
des acteurs 12
1. Les producteurs 12
2. Les diffuseurs 14
3. Les éditeurs 14
4. Les labels 14
5. Les artistes 15
6. Les salles de spectacles 16
7. Les festivals 17
C) Un secteur en pleine mutation 18
1. Les français et la musique en écoute
18
2. Les français et le spectacle vivant
19
3. Les musiciens dans la révolution
numérique 20
4. Un nouveau mode de fonctionnement 22
D) Les enjeux politiques et législatifs
24
1. Le plafonnement de la taxe 24
2. Un crédit d'impôt 24
3. Un droit de propriété pour les
producteurs 25
4. La liberté de création 25
5. L'IFCIC 26
6. Une réglementation européenne sur le
numérique 26
II ANALYSE ARGUMENTÉE DE LA PROBLÉMATIQUE
28
A) Le live, une activité croissante du secteur
28
1. L'organisation de l'activité live
28
2. Les liens entre spectacle vivant et musique
enregistrée 29
3. Les grands spectacles favorisés 30
4. Le développement de la diffusion de spectacles
en ligne 31
4
B) Une stratégie de concentration des
activités 32
1. Le 360° artiste 33
2. Le branding musical 34
3. Universal Music France, le label présent sur
tous les fronts 35
4. Live Nation, la multinationale qui dérange
36
5. Quand la communication s'intéresse au
spectacle vivant 38
C) Le streaming, un nouveau souffle pour la
filière musicale ? 39
1. Principes du streaming 39
2. Diagnostique 40
3. Le mécontentement des artistes et des maisons
de disques 40
4. Apple sous surveillance européenne
43
5. Un partenariat entre plateformes et
télécoms 43
III PRÉCONISATION STRATÉGIQUE
45
A) Comment m'adapter à un secteur en pleine
mutation ? 45
1. La veille informationnelle 45
2. La formation 47
3. Adhérer à un syndicat professionnel
47
4. Entreprendre 48
B) Comment trouver des sources de financement ?
49
1. Les principaux organismes 49
2. Partenariats, investissements et emprunts
50
3. Le financement participatif 51
C) Comment tirer son épingle du jeu sur le
numérique ? 51
1. Stratégies marketing 51
2. Stratégie de présence sur Internet
52
3. Le référencement 53
4. Base fan et direct-to-fan 53
D) Pistes pour un avenir proche 54
1. La réalité augmentée
54
2. Captations et UGC 55
3. Développer les échanges avec les
startups 56
4. Les big data 57
5. La position de l'artiste 58
5
CONCLUSION 60
BIBLIOGRAPHIE 61
SOMMAIRE DES ANNEXES 64
6
INTRODUCTION
L'exercice du mémoire est un travail qui demande une
grande implication personnelle car il nécessite beaucoup de temps. C'est
pourquoi le sujet que j'ai choisi de traiter est la raison même du choix
de mes études en communication ; il s'agit de la musique et plus
précisément, des mutations de cette industrie.
Ne pratiquant aucun instrument, la communication s'est
imposée comme étant le choix le plus approprié pour
parvenir à mes fins. À mon actif, j'ai accumulé une
centaine de concerts, des dizaines de festivals, beaucoup de disques, de
t-shirts de groupes et chaque année, je suis bénévole pour
un festival au merchandising. De plus la totalité de mes stages
se sont déroulés au sein de structures musicales.
En plus de m'intéresser à l'organisation des
concerts, des festivals, de la production et de la promotion d'artistes et de
spectacles, je m'interroge sur les moyens de financements pour aider les
artistes émergents et plus largement sur comment les professionnels du
secteur s'organisent dans un contexte où tout change très vite.
Par ailleurs, j'espère que ces recherches me donneront des
réponses sur un fait : comment expliquer que le magasin H&M propose
des t-shirt de groupes tels que Slayer et Misfits ?
Depuis plus de dix ans, le marché de la musique
enregistrée est confronté à de fortes baisses de
résultats dues à la chute des ventes physiques. Entre 2007 et
2013 le marché français a perdu 31% de sa valeur mais en 2013
pour la première fois depuis 2002, ce chiffre est en hausse de
2,3%1. Même si cette hausse apporte un peu d'optimisme, elle
reste insuffisante pour pallier au manque de financement. C'est pourquoi,
certains acteurs diversifient leurs offres et optent pour de nouvelles
stratégies, qui se traduisent par l'apprentissage de nouveaux
métiers, et parfois par la concentration des activités au travers
le rachat d'entreprises ou des partenariats tels qu'Universal Music avec Havas,
qui sont partenaires sur les big data2. En parallèle, on
assiste à l'augmentation du nombre de concerts qui positionne ces
derniers comme principale source de revenus de la filière : en 2005
on
1 SNEP, « Economie de la production musicale en
2013 - édition 2014», 2014.
2 LEFEUVRE, Gildas, « Universal Music et Havas
annoncent un partenariat sur les big data », in Réseau GL
Connection, 14 janvier 2015.
7
comptait 31.825 représentations contre 41.906 en
20103. On assiste aussi à la croissance du nombre
d'abonnés à des sites de streaming et un total de 12 milliards de
titres écoutés en 20144, ce qui offre de nouvelles
opportunités de stratégie numérique.
Ainsi : Quelle stratégie les acteurs de l'industrie de
la musique doivent-ils adopter pour pérenniser leur présence sur
le marché, alors que les mutations du secteur tendent à
diversifier leur activité, à externaliser les revenus en dehors
de la filière, et que les sources de financement sont limitées
voire supprimées ? Comment les acteurs de la filière
s'organisent-ils pour trouver un équilibre alors que les revenus et les
manoeuvres du numérique sont concentrées par les géants
d'internet ?
Dans une première partie, je vais analyser le contexte
de ma problématique au travers mes sources documentaires et les
différentes études. Dans une seconde partie, je vais
étudier des cas d'entreprises qui sont confrontées aux mutations
du numérique, notamment grâce à une enquête terrain.
En dernière partie, je proposerai une préconisation pour faire
face aux problèmes énoncés.
J'espère qu'au travers ce mémoire je vais
apporter un éclairage sur les mutations de l'industrie de la musique
à quiconque s'intéresse au sujet. Cet exercice va
également me permettre de comprendre l'organisation de la filière
musicale et de me préparer pour mon stage de fin d'études, qui se
déroulera dans un syndicat de la profession.
3 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme
et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
4 SNEP, « Le marché de la musique
enregistrée rechute de 5,3% », in IRMA, 4 février 2015.
8
I MISE EN CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE
Cette première partie a pour but de placer la
problématique dans un contexte spécifique et relatif à
l'actualité. Afin de mieux comprendre les faits actuels et les enjeux,
il est important d'avoir connaissance des mutations antérieures, du mode
de fonctionnement du secteur, ainsi que de présenter les acteurs
impliqués.
A) Histoire et évolution de l'industrie de la
musique
1. Les débuts de l'industrie musicale
L'instauration de droits d'auteurs relatifs à la
musique s'est inspirée des droits appliqués aux ouvrages et aux
pièces de théâtre. En France, le droit d'auteur est
composé d'une partie économique et d'une partie intellectuelle,
contrairement aux pays anglo-saxons. Ceci signifie qu'un auteur peu donner son
accord ou non sur une représentation quelconque de son oeuvre. La
Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique a
été créée en 1851 suite au cas, qui a fait
jurisprudence, de deux auteurs en désaccord sur le choix de la structure
dans laquelle serait représentée une de leurs oeuvres. La mission
principale de la SACEM est de collecter et répartir les droits des
auteurs, compositeurs et éditeurs de musique qui en sont membres.
Actuellement elle dénombre 153.000 sociétaires soit 80 millions
d'oeuvres françaises et internationales5.
Le deuxième point qui marque les premiers pas de
l'industrie musicale est la découverte technologique du premier
phonographe. Cet appareil inventé en 1877 par Thomas Edison permet de
reproduire des enregistrements sonores. Les années suivantes, d'autres
inventions permettant d'améliorer les techniques de prise du son, ainsi
que sa qualité, se sont succédées telle que le gramophone
de Emile Berline. Dès son arrivée sur le marché
américain, il provoque un conflit entre le disque et le cylindre : on
assiste alors aux premières associations entre labels et nouvelles
technologies. La bataille a finalement été remportée par
le disque grâce à sa qualité supérieure, à sa
taille, son design mais aussi grâce à la politique artistique de
Victor Talking Machine. La firme a mis sous licence son invention qui est ainsi
devenue l'une des plus importantes du marché américain avant la
crise de 1929, malgré la fin du brevet sur le disque en 1914, qui a
marqué l'entrée de nouvelles firmes provoquant une baisse des
prix des appareils de lecture. S'ajoute à cela une baisse des
coûts
5 Données SACEM, janvier 2015.
9
de reproductions musicales qui incite des entreprises à
se spécialiser dans l'enregistrement. A ce moment-là, en 1921
plus de 50% des foyers aux Etats-Unis sont équipés6
d'un phonographe et le chiffre d'affaires de cette nouvelle industrie ne cesse
de croître.
Dès 1920, l'industrie du disque connait sa
première crise aux Etats-Unis avec le développement
conséquent des radios. En effet, son caractère gratuit apparait
comme une menace aux yeux des professionnels puisqu'en parallèle, une
baisse des ventes de phonogrammes est enregistrée. Le chiffre d'affaires
du secteur est passé de 106 millions de dollars en 1921 à 6
millions de dollars en 1933, mais ceci n'est pas le seul facteur puisque de
nouveaux loisirs se développement au même moment, comme le
cinéma. De plus, le droit d'auteur aussi se voit menacé car
beaucoup d'artistes acceptent de se produire gratuitement à la radio, ce
que l'ASCAP (American Society of Composeres, Authors and Publishers) qui est
l'équivalent de la SACEM aux Etats-Unis, doit affronter : un combat pour
que les droits d'auteurs s'appliquent aussi à la radio. Cette crise
amène Edison à interrompre la production de disques et les
entreprises Victor et Columbia sont rachetées par un acteur important de
la radio. En Europe, EMI est créé suite à cette fusion
puis, un nouvel entrant nommé Decca les rejoints, et instaure une
économie d'échelle qui tend à développer les ventes
d'un nombre restreint de titres. Les prix de ventes sont alors revus à
la baisse, la promotion des artistes accentuée ce qui lance le «
star-system », et la concentration des acteurs se renforce avec la fusion
de RCA-Victor, CBS, Decca et Capitol Records en 1940.
Cette crise rappelle avec beaucoup de similarités celle
que l'industrie de la musique connait actuellement avec internet.
2. L'après-guerre : synonyme de nouvelles
tendances
Le secteur de la musique connait à cette période
deux nouveaux phénomènes : l'invention du microsillon en 1948 et
l'essor du rock'n'roll, qui vont à eux deux relancer les ventes de
disques, auparavant en baisse, et remettre en question l'organisation
même du secteur.
Le premier disque microsillon connu sous le nom de « 33
tours » et de façon plus populaire comme LP (Long Playing record),
associe un temps d'écoute six fois supérieur à celui de
son prédécesseur et une qualité d'enregistrement
supérieure. Le LP proposé par CBS voit arrivé
6 BOURREAU, LABARTHE-PIOL, Marc et Benjamin, «
Le peer to peer et la crise de l'industrie », in Réseaux
n°125, 2004.
10
un nouveau rival nommé « 45 tours »,
proposé par RCA seulement un an après : ceci marque une nouvelle
guerre des standards. En conséquence de ces changements de supports
répétés, les professionnels du secteur sèment la
confusion chez le consommateur qui en découle une chute des ventes de
disques. Afin de faire face à ce phénomène, CBS offre une
licence de son brevet aux entreprises américaines d'après-guerre
ce qui contraint RCA de produire elle aussi des 33 tours : ce format devient la
référence des grands artistes tandis que son concurrent est
plutôt destiné à la musique de variété.
Le rock'n'roll contribue aussi à l'augmentation des
ventes de disques. En effet, plusieurs facteurs favorisent cette tendance :
l'introduction de la bande magnétique dans les studios qui baisse les
coûts d'enregistrement, et le format 45 tours qui baisse les coûts
de production et de distribution, favorisant la création musicale et
donc l'émergence d'artistes.
Dans cette même période, les majors
privilégient d'autres genres de musique plus connus et négligent
à titre d'exemple le blues. C'est alors que de nouveaux acteurs entrant
sur le marché vont se concentrer sur ces musiques de niche. Très
vite, la réputation de ces petits labels s'articule autour de leur
capacité à détecter les nouvelles tendances musicales
auprès des jeunes consommateurs. Les radios locales et ces labels
entretiennent alors de forts liens car d'une part, les radios sont avides de
découvertes musicales portées par leurs auditeurs et d'autre
part, les labels y voient l'opportunité de faire connaître leurs
artistes auprès d'un public.
Le retard des majors sur le marché provoque une
restructuration de l'industrie musicale car leur part de marché
s'effondre en passant de 75% en 1955 à 34% en 19597. Ainsi
E.M.I arrive sur le marché Outre-Atlantique et rachète Capitol
Records puis Philips. CBS, Capital et R.C.A seulement arrivent à
conserver leur place en concentrant 12% du marché. Ainsi, les labels
indépendants ont éparpillé le marché et
déconcentré les pouvoirs.
L'année 1960 marque l'entrée de Warner,
entreprise s'exportant du cinéma avec Warner Bros. La stratégie
de ce nouvel entrant est d'intégrer des labels indépendants
à sa structure afin d'exploiter leur don de dénicher de nouvelles
tendances, tout en conservant ses grandes lignes de fonctionnement en termes de
promotion et de logistique. Cette stratégie est un
7 BOURREAU, LABARTHE-PIOL, Marc et Benjamin, «
Le peer to peer et la crise de l'industrie », in Réseaux
n°125, 2004.
11
succès et d'autres majors calquent le système.
Les indépendants confient la distribution de leurs enregistrements aux
majors, ce qui entraine la disparition des distributeurs indépendants.
En 1970 l'industrie musicale est contrôlée par six majors : CBS,
Warner, RCA, EMI, Polygram et MCA. L'industrie de la musique a connu une forte
évolution entre 1950 et 1960 avec une progression des ventes chaque
année de 10% à 20% ainsi, la production de disques est
passée de 250 millions en 1946 à 600 millions en
19638.
Le succès de cette décennie est accentué
par l'arrivée du magnétophone et de la cassette audio
créée par Philips, qui offrent au foyer une nouvelle façon
de consommer la musique : en toute mobilité. Selon l'IFPI, entre 1973 et
1978 le chiffre d'affaires mondial passe de 4,75 milliards de dollars à
7 milliards. La conséquence de cette explosion des ventes est le
renforcement de la promotion, du budget marketing et la croissance du nombre
d'artistes produits dans le but d'obtenir des « hits ». Cependant, en
1979 l'industrie affronte une nouvelle chute des ventes expliquée
notamment par le manque de nouveaux artistes, suite à la période
disco et l'arrivée de nouveaux loisirs tels que les jeux vidéo.
De plus, les professionnels accusent en partie l'évolution du support
cassette qui offre la possibilité d'enregistrer soi-même.
Dès 1983 l'arrivée du Compact Disc de Philips
relance l'économie de la musique car ce nouveau format renforce la
mobilité du produit au travers son utilisation, grâce au Walkman
de Sony, et à la qualité d'écoute. Ce nouveau produit est
accompagné par l'apparition des premières chaînes de
diffusion musicale.
3. Les années 1990 : le choc d'Internet
Le début de ce qui allait être une nouvelle crise
pour l'industrie musicale, est marqué par une première
étape où le World Wide Web tombe dans le domaine public, en avril
1993. Les directeurs du CERN9 qualifient alors « cette
technologie libre d'usage et gratuite pour tous »10, mais ce
n'est qu'à partir de 1994 que naissent les premiers fournisseurs
d'accès internet. En 2004 arrive le web 2.0 qui qualifie un web
collaboratif et dynamique où les
8 TORREGANO, Emmanuel, vive la crise du disque !,
2010, Les Carnets de l'info, 192 pages.
9 CERN : Organisation européenne pour la
recherche nucléaire.
10 BERNERS-LEE, Tim, « Le World Wide Web a 25
ans : retour sur cette révolution », in Fédération
française des télécoms, mars 2014.
12
utilisateurs peuvent interagir librement et devenir
créateurs de contenu. Ainsi, en 1991 seulement 535 milles ordinateurs
étaient connectés à internet, contre 2,4 milliards en
2013.
Parallèlement à cette évolution,
l'utilisation de systèmes pair-à-pair ou « peer to peer
», qui mettent en relation plusieurs ordinateurs via un réseau dans
le but de partager du contenu, s'est développée. C'est ce
système qui au fur et à mesure que les foyers s'équipent
d'une connexion internet va provoquer une chute des ventes de disques de 54,8%
en valeur, et de 23,7% en volume entre 2003 et 201011. A cela
s'ajoute les progrès technologiques tels que le haut-débit, la 3G
sur mobile et l'augmentation des capacités de stockage qui accentuent
d'avantage le partage de contenus de façon illégale. Le standard
de format musical est donc passé d'un objet physique à un format
numérique, ceci est la dématérialisation de la musique.
Ces changements ont transformés l'organisation de
l'industrie de la musique en externalisant la valeur vers de nouveaux entrants
sur le marché : les majors n'ont pas su conserver leur rôle de
distributeur auprès du consommateur final. Cela, malgré la mise
en place de systèmes de gestion des droits numériques sur les CD,
sur les fichiers numériques, et le recours à la justice. De plus,
la gratuité d'internet pose de réels problèmes notamment
au niveau de la gestion des droits d'auteurs, car les acteurs de l'industrie
musicale ne contrôlent plus la diffusion des artistes sur Internet, donc
n'ont pas le contrôle de sa valeur. C'est pourquoi, des professionnels se
regroupent auprès de syndicats spécialisés sous forme de
lobbying dans le but de renforcer la législation dans le sens de la
protection des droits d'auteurs.
B) L'organisation du marché et présentation
des acteurs 1. Les producteurs
Le producteur assure la découverte de talents, leur
développement et la création des spectacles. Il assume
l'investissement et la prise de risque de l'ensemble de l'exploitation des
spectacles de l'artiste à l'année. Il se charge de
l'investissement de la stratégie marketing et de la commercialisation.
La production de spectacles est une économie de « prototype »
: les rares succès permettent de compenser les investissements
importants sur les autres
11 REUTERS et STAPLETON, Shannon, « Les ventes de
CD se sont effondrées de moitié depuis 2003 », in
L'Expansion, janvier 2012.
13
spectacles. Le lancement d'un nouvel artiste est
déficitaire et représente un investissement sur le long
terme.12
Dans le milieu de la production de spectacles, trois
métiers sont distingués :
- Le producteur générateur,
production et mise en place du spectacle :
Son chiffre d'affaires peut excéder 10 millions
d'euros, il correspond aux trois licences d'entrepreneur. Il est en charge de
la gestion financière du spectacle, du suivi et de la location des lieux
des Zéniths au Stade de France, et il travaille avec les promoteurs
locaux sur le terrain. Le même réseau de producteurs travaille sur
des spectacles d'humour même si ces derniers nécessitent un plus
faible apport. Le producteur générateur est dédié
aux projets reconnus ainsi, les partenaires dans les médias sont de
grandes envergures.
- Le producteur tourneur, la tournée
au centre de son activité :
Ils sont la majorité des producteurs avec un chiffre
d'affaires moyen avoisinant le million d'euros. Le producteur tourneur,
autrement appelé assistant de production ou « booker », est
l'employeur du plateau artistique13, il est en charge de rechercher
des dates auprès des salles et des festivals qui achètent le
spectacle (contrat de cession). Il se consacre aux projets en
développement, aux projets « middle », aux retours de
carrière ou aux niches et fait appel à des salles de moyenne
envergure (de 200 à 1500 personnes), à de grands festivals pour
l'ouverture, ou à de plus petits festivals en tête d'affiche.
- Le producteur diffuseur, le travail avec
les étrangers :
Il collabore avec des agents étrangers qui
représentent des artistes étrangers, le travail est de court
terme et la concurrence très forte. Pour entretenir ces relations, il
peut être amené à produire un artiste émergent
étranger en France, ce qui implique un certain risque financier. Sa
fonction peut s'apparenter à celle du producteur
générateur pour les superstars anglo-saxonnes, ou du tourneur,
quand il organise une tournée d'artiste en développement à
l'étranger.14
12 PRODISS, « Le spectacle musical et de
variété en France », annuaire du PRODISS, 2013/2014.
13 Définition dans la circulaire du 13 juillet
2000 adressée aux Préfets de Région - DRAC «
Désigne les artistes-interprètes et le cas échéant
le personnel technique attaché directement à la production
».
14 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
2. 14
Les diffuseurs
Le diffuseur est le représentant local du producteur.
Il lui achète le spectacle pour le diffuser dans la zone
géographique sur laquelle il intervient. Il assume une part du risque
financier lié au spectacle. Grâce à sa connaissance du
terrain, le diffuseur peut réaliser des actions de promotion locales
permettant à l'artiste de développer son public en région.
Il participe également à la découverte des artistes locaux
et à leur développement. Parmi les diffuseurs, on compte aussi
les festivals, vecteurs économiques et culturels de développement
pour les régions.15
3. Les éditeurs
« L'éditeur est le professionnel qui assume par
tous les moyens auprès du public, la diffusion permanente et le suivie
d'une oeuvre »16. Parmi les professionnels qui entourent
l'artiste, l'éditeur musical est l'acteur dont le travail reste le moins
perceptible par le public et sur son propre secteur. L'éditeur est le
seul à établir une liaison avec l'auteur qu'il ne faut pas
confondre avec l'interprète, et doit être en veille permanente
pour s'adapter aux évolutions de la consommation musicale. Son
rôle est de permettre l'existence d'une oeuvre et d'en assurer son
exploitation. Il est aussi l'intermédiaire entre les créateurs,
le marché et développe l'utilisation de l'oeuvre dans le but d'en
dégager des revenus.17
4. Les labels
Un label est une société éditrice qui est
chargée d'éditer et de distribuer les disques : le label est la
marque déposée de celle-ci. Si cette définition englobe
l'ensemble des labels, deux catégories de labels se distinguent : les
majors et les labels indépendants. En France en 2011, les majors se
partageaient 90% du marché : Universal 44%, Sony-BMG 19%, Warner 14% et
EMI 13%18. Les 10% de parts de marché restantes sont donc
partagées entre les indépendants.
Les différences de positions remontent aux
débuts de la commercialisation des supports, mais c'est en 1960 que les
rapports sont devenus plus compliqués, avec la puissance
15 PRODISS, « Le spectacle musical et de
variété en France », annuaire du PRODISS, 2013/2014
16 BERT, Jean-François.
17 BERT Jean- François, « L'édition
musicale, un métier à la croisée des chemins », in
IRMA, décembre 2012.
18 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
15
commerciale des majors et une série
d'interdépendances entre eux en termes d'offre musicale et de
distribution. Les majors détiennent ce nom car le CD n'est qu'une
branche de leur activité, ils contrôlent en principe toutes les
étapes de la production musicale de l'enregistrement à la vente,
en évitant les intermédiaires et par conséquent, en
maximisant les profits. Les majors, même s'ils sont peu, sont en
concurrence constante car chacun cherche à augmenter ses parts de
marché. Une étape à cela peut être le rachat de
labels indépendants ou d'une branche d'un autre major. Cette forte
concurrence entre majors constitue un oligopole car ici, la production musicale
est détenue par une poignée de très grandes
entreprises.
Les indépendants sont pour la grande majorité de
très petites structures qui servent les intérêts d'un seul
producteur. Leur caractéristique qui fait des envieux parmi les majors,
est celle de se concentrer dans la plupart du temps sur un genre musical en
particulier. Lorsqu'un artiste indépendant a une carrière bien
lancée, les majors peuvent intervenir pour le « cueillir » des
branches de l'indépendance. Les majors cherchent la rentabilité
et grâce à leur puissance économique, ils peuvent mettre en
place d'importantes campagnes de promotion, contrairement aux
indépendants qui eux ne disposent que de faibles moyens. Cependant, les
majors contraints de veiller à la découverte de nouveaux talents,
observent constamment le travail des indépendants qui sont les «
découvreurs » de talents.19
5. Les artistes
L'artiste-interprète est « la personne qui
représente, chante, récite, déclame, joue ou
exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou
artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de
marionnettes. » 20 Un artiste est une « personne qui pratique un des
beaux-arts, un de leurs prolongements contemporains ou un des arts
appliqués. »21
Plusieurs degrés de reconnaissance de l'artiste sont
définis : ils aident à comprendre l'organisation de la
filière. Les concerts font intervenir des acteurs de différents
circuits même si la majorité, à l'étape de la
diffusion, sont des institutions et des associations.
19 Lebrun Barbara, « Majors et labels
indépendants » France, Grande-Bretagne, 1960-2000,
Vingtième Siècle. Revus d'histoire, 2006/4 no 92,
p.33-45. DOI : 10.3917/ving.092.0033.
20 Article L.212-1 du Code de la
Propriété Intellectuelle.
21 Définition du dictionnaire Larousse,
2003.
16
- L'artiste émergent :
S'il souhaite se faire connaître, il doit rentrer en
contact avec les acteurs de la filière musicale, notamment les salles de
concerts, pour toucher un public local. Ce genre d'occasion peut-être la
clef pour se faire repérer par un professionnel. A ce stade, les acteurs
sont majoritairement du circuit associatif ; l'artiste s'autoproduit et
bénéficie rarement d'un contrat de cession, il se
rémunère à la recette.
- L'artiste en développement :
Il accède à ce titre si la première
étape a été fructueuse, c'est-à-dire, qu'il est
rentré en contact avec des professionnels, qu'il a élargi son
réseau et se produit au-delà de la scène locale. L'artiste
en développement contrairement au précédent, dispose d'un
manager dont la fonction est dissociée de celle du producteur de
concerts ou de l'éditeur phonographique. Sa rémunération
est basée par un contrat de cession et le spectacle est acheté
par le lieu de diffusion.
- L'artiste confirmé :
Dans cette catégorie on distingue les artistes «
middle » et les stars médiatiques. Les premiers ont une
notoriété confirmée mais un public qui ne permet pas de
remplir des salles de grandes jauges, contrairement aux seconds qui touchent un
très large public. Les concerts sont dominés par une logique
commerciale à but lucratif.22
En observant ces catégories d'artistes, on
s'aperçoit de l'évolution parallèle entre la
notoriété des artistes et le changement des acteurs dans son
environnement, qui au départ, sont des associations et des acteurs de
collectivités territoriales. Puis peu à peu, ces acteurs
deviennent des professionnels qui cherchent un but lucratif. Ceci nous montre
l'importance des petites salles et des associations locales dans le rôle
de la découverte de nouveaux talents, et met en lumière les
interdépendances entre amateurs et professionnels, qui rappellent le
schéma entre majors et labels indépendants.
6. Les salles de spectacles
Dans l'organisation de la filière, les salles de
spectacles et les festivals jouent un rôle déterminant selon leur
notoriété et leur taille, dans chaque étape de
l'évolution d'un artiste.
22 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
17
Ces lieux sont ancrés dans la stratégie des
acteurs locaux, et les salles parisiennes ont un rôle central. Plus de
40% des représentations se déroulent dans des salles de
spectacles vivant orientées musiques actuelles et
variétés. La majorité est détenue par des lieux qui
n'ont pas nécessairement comme principale activité, la
représentation de concerts. Les Zéniths en 2010 ont
comptabilisés 17% de la fréquentation totale des spectacles, et
18% de la billetterie avec juste 2% du total des
représentations.23
Parmi les salles en France, les SMAC24 tiennent un
rôle central dans la dynamique territoriale d'un espace, « le label
SMAC est attribué en fonction de la densité de la population et
des spécificités territoriales »25. En effet,
elles dépendent de la ville dans laquelle elles sont implantées.
Elles ont l'obligation de diffuser un minimum de 35 spectacles par saison,
d'accueillir des pratiques amateurs, d'accompagner des projets artistiques au
travers notamment un centre de ressource attaché à la salle, mais
aussi de proposer des formations et des de l'information. La Laiterie à
Strasbourg par exemple, est libre de programmer les artistes qu'elle
choisit.26 Grâce à son statut d'association, elle n'a
pas de but lucratif donc elle peut programmer des artistes confirmés,
qui équilibrent les éventuelles pertes engendrées par la
diffusion d'un artiste en développement. L'objectif n'est pas de faire
de profits mais de proposer au public des artistes variés, et de donner
l'opportunité à l'artiste de rencontrer un public, et ceux en
participant à la dynamique du territoire.
7. Les festivals
Les festivals apparaissent comme un moyen pertinent de
diffusion culturelle, de promotion des artistes et un tremplin pour la
découverte de nouveaux talents. Le Printemps de Bourges dispose d'une
association chargée de découvrir de jeunes artistes grâce
à un réseau d'acteurs bien établi. A plus petite
échelle, le Motocultor Festival organise des compétitions entre
groupes pour déterminer lequel aura sa place dans la programmation. Sous
un angle plus économique, le festival présente cinq
caractéristiques principales issues de la conjonction des domaines de la
culture et de l'événementiel27 :
23 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
24 SMAC : Scène de musiques actuelles.
25 Ministère de la Culture et de la
Communication, Circulaire du 31 août 2010.
26 Cf. annexe 1, interview de Patrick Schneider,
Directeur, La Laiterie.
27 BENITO, Luc, Les festivals en France -
Marchés, enjeux et alchimie, Paris, 2001, L'Harmattan, 196p.
18
- Un service offrant une prestation consommée de
façon éphémère,
- Un service culturel qui nécessite des compétences
spécifiques pour des productions
uniques,
- Un service culturel de diffusion se situant en aval de la
production,
- Un service de diffusion culturelle ponctuel,
- Un service de diffusion culturelle ponctuel et récurrent
qui se différencie par sa
périodicité des manifestations
éphémères.
C) Un secteur en pleine mutation
1. Les français et la musique en
écoute
Que ce soit sur leur lieu de travail ou dans la vie
privée, les français adorent écouter de la musique : 99%
des français en écoutent et 3 sur 4 ne pourraient pas s'en
passer.28 65% d'eux écoutent de la musique en voiture et 61%
chez eux, tous les jours ou presque. Les principaux appareils utilisés
sont : l'autoradio (68%), l'ordinateur (59%), la radio (56%), une chaîne
hifi (42%), la télévision (39%) et un smartphone (31%). Le temps
d'écoute en moyenne de musique par jour est de 2h25 et concerne 9
français sur 10 et 22% pratiquent un instrument ou chantent.
Les médias audiovisuels restent la première
source d'information sur la musique : 9 français sur 10 se tiennent
informés de l'actualité musicale. Les principales sources
d'informations sont les médias traditionnels dans 75% des cas avec la
radio (59%), la télévision (46%) et la presse (33%), Internet
pour 47% des cas via les moteurs de recherche (22%), les sites de billetterie
(18%), les sites spécialisés (16%) et enfin, l'entourage pour
36%. Selon cette étude, la musique fait du bien au moral car pour 94%
elle rappelle des souvenirs, elle met de bonne humeur (92%) et elle donne de
l'énergie (85%).
L'écoute du streaming est confirmée comme
étant devenue une pratique courante car 70% des français
écoutent de la musique en ligne au moins une fois par semaine. Les
principaux services utilisés sont : YouTube (86%), Deezer (58%), la
radio en ligne (49%), Dailymotion (47%), Spotify (17%), Soundcloud (12%) et
Grooveshark (10%).
Pour les professionnels tels que les magasins de
prêt-à-porter, les salons de coiffure, les cafés et les
grandes surfaces, la musique est très importante pour l'ambiance de
leurs
28 Enquête IPSOS, « Les français et
la musique », novembre 2013.
19
structures : 71% d'entre eux diffusent de la musique dans leur
magasin. Les plus équipés sont les coiffeurs et les magasins
d'habillement (83%). Il est montré que la musique améliore
l'expérience en magasin puisque 80% des français
préfèrent qu'il y ait de la musique. Sans musique 71% des clients
auraient trouvé le lieu moins convivial, 69% le lieu moins
agréable et 61% gênés par le bruit ambiant. Il
s'avère également que la musique est un élément
clef pour la motivation des salariés : pour 96% elle met de bonne
humeur.29
L'enquête indique que la musique connue joue un
rôle essentiel dans le soutien aux valeurs de la marque car pour 88% des
clients, la musique diffusée correspond à l'image du magasin et
ils se reconnaissent en elle. Dans une enseigne de la grande distribution
teste, la musique, dans ce contexte économique particulier, a eu un
effet amortisseur de la baisse du chiffre d'affaires en améliorant les
performances d'un tiers.30
2. Les français et le spectacle vivant
En ce concerne la fréquentation de spectacles vivants,
31% des français assistent à au moins un concert par an et 73%
indiquent s'être déjà rendu à un « live ».
Les spectacles attirent un large public, néanmoins, on note une plus
grande fréquentation de la part des jeunes de 25 à 34 ans, des
CSP +, et des habitants de la région parisienne. Les motivations
principales sont l'émotion et le partage, c'est un moment à
partager entre proches pour 54% et l'occasion de se changer les idées
(60%). La découverte de nouveaux horizons artistiques est une motivation
pour un quart des spectateurs, et pour un tiers de grands consommateurs de
live. Les trois aspects déterminants dans le choix d'assister à
un live sont les artistes (92%), le prix (87%) et la proximité
géographique (85%). Pour acheter des places, seuls 34% se rendent sur
internet, 50% pour visionner un extrait ou la totalité d'un spectacle
vivant et 21% pour interagir avant ou après un live. Cependant, les 15 -
24 ans déclarent avoir un usage massif d'internet dans ces pratiques.
Enfin, 59% des français pensent que le prix des billets est trop
élevé.
Les achats associés tiennent une place importante dans
l'économie du spectacle car 45% des personnes ont déjà
acheté un DVD ou un CD après le spectacle et 22% ont
acheté du merchandising. Les jeunes sont plus sensibles au
numérique car 63% ont téléchargé le
29 Enquête IPSOS, « Les français et
la musique », novembre 2013.
30 Enquête Enov Research, « La musique
dans les magasins d'habillement, chez les coiffeurs, dans les cafés, les
grandes surfaces alimentaires et d'équipement », novembre 2013.
20
spectacle ou les chansons de l'artiste, après avoir
été au spectacle, alors que la moyenne globale est de 31%. De
plus, aller à un spectacle est l'occasion de boire un verre (69%) ou
d'aller au restaurant (61%). Les catégories sociales supérieures
dépensent le plus pour les à-côtés du
spectacle.31
Le numérique est une valeur pour le secteur qu'il est
nécessaire d'exploiter car les comportements du public ont mutés
: les flammes de briquets ont été remplacées par la
lumière des écrans de smartphones. 75% prennent des photos ou
filment durant un concert, 34% publient des photos sur les réseaux
sociaux, et 33% cherchent des informations en temps réel sur le
concert32. Un français sur deux se dit
intéressé par la possibilité de visionner des spectacles
vivants sur un écran mais seulement 16% se disent prêts à
souscrire à une offre payante. Les raisons des personnes
interrogées pour regarder un live sur écran sont multiples : pas
la possibilité d'assister à un spectacle (69%), pas les moyens
financiers (41% et 59% des revenus < 1000€), revivre le moment (38%),
mieux découvrir l'artiste (26%), conseillé par quelqu'un (22%) et
se faire une opinion avant d'acheter (17%).
La majorité des français à 86% pensent
que le producteur est rémunéré lorsque son spectacle est
mis en ligne, alors qu'en réalité il ne perçoit rien.
Selon eux, la mise en place d'un nouveau droit permettrait aux producteurs de
créer des spectacles ambitieux. Cependant, deux tiers craignent une
hausse du prix des billets.
Enfin, 14% des français ont l'intention de se rendre
à un festival de musique cet été dont 24% des 15-24 ans et
42% du total des personnes qui se rendent au moins une fois par mois à
un concert.33
3. Les musiciens dans la révolution
numérique
Une enquête réalisée auprès des
associés de l'Adami34 a pour but de connaître l'opinion
des artistes-interprètes sur les pratiques liées à
Internet, leur utilisation des outils numériques ainsi que d'en dresser
un portrait. Le questionnaire a été envoyé à
l'automne 2008 avec un taux de retour de 20%, soit 700 réponses.
31 Etude Harris Interactive, « L'observatoire
des pratiques culturelles des français en matière de spectacle
musical et de variété (« live ») », septembre
2014.
32 IRMA, « Les entreprises de spectacle face
à la mutation », 14 janvier 2015.
33 Etude Harris Interactive, « Les
français, les spectacles vivants et le numérique :
évolution des modes de consommation et des perceptions », mai
2014.
34 Adami : Société de gestion collective
des droits de propriété intellectuelle des
artistes-interprètes.
21
Les artistes et musiciens interprètes (AMI)
perçoivent des revenus qui sont en moyenne inférieurs à
ceux des français : la moitié d'entre eux gagne moins de 15.000
euros par an. Cette enquête35 montre que ces revenus ne
viennent pas exclusivement de la musique enregistrée car 78% sont
rémunérés pour des concerts et des spectacles, et la
moitié donne des cours de musique. De plus, les revenus provenant de la
musique représentent pour un AMI sur deux, moins de la moitié de
l'ensemble de leurs revenus. Par conséquent, il en ressort que les
artistes et interprètes peuvent être moins touchés par la
crise du secteur que les maisons de disques. Néanmoins, les musiciens
sont inquiets au sujet du piratage mais sont intéressés par les
nouveaux outils numériques qui peuvent améliorer leur
notoriété. 58% des AMI pensent que le piratage a eu un effet
négatif sur la vente de leurs CD, contre 28% qui sont satisfaits ou
indifférents, que leur musique soit piratée. Pour 35% d'entre
eux, le piratage a augmenté le nombre de personnes à leurs
concerts.
Les musiciens sont dérangés par certaines
vidéos postées sur des plateformes en ligne qui ont une
qualité sonore médiocre, et qui ne leur reverse aucune
rémunération. Cependant, en termes de distribution le tiers
d'entre eux propose des titres à télécharger gratuitement
via son site internet ou sa page MySpace, et plus de 80% offrent des titres
à écouter librement en streaming. Les nouveaux outils du
numérique ont apporté de nouvelles opportunités de
production et du fait de leur accessibilité, limités les
barrières à l'entrée sur le marché. En 2008, 60%
des artistes utilisaient un home studio. Néanmoins, il ressort de cette
même enquête que les AMI ne sont pas une partie intégrante
de l'industrie de la musique car 82% n'ont pas de manager, 36% n'ont jamais eu
de contrat avec un label alors que 21% sont en cours de contrat. Il en ressort
aussi une inquiétude au sujet des contrats 360° qui proposent de
gérer l'ensemble des activités qui gravitent autour de
l'artiste.
Un essai rapporté dans cette même enquête,
propose des catégories d'artistes et musiciens interprètes :
- Les élus qui représentent 5% des AMI : ils
sont les stars qui dégagent plus de 60.000 euros par an de revenus.
- Les artisans qui représentent un cinquième des
AMI : ils sont souvent des musiciens de musiques classiques qui gagnent entre
15.000 et 60.000 euros par an.
35 BACACHE, BOURREAU, GENSOLLEN et MOREAU, Maya, Marc,
Michel et François, Les musiciens dans la révolution
numérique - Inquiétude et enthousiasme, Paris, 2009, Irma
éditions, 122p.
22
- Les professionnels qui sont un cinquième des AMI :
ils sont très actifs sur scène et sous contrat pour la
majorité, mais doivent cumuler d'autres sources de revenus.
- Les exclus qui représentent 29% des AMI : ils sont
peu actifs sur scène et en studio, et n'ont pour la majorité
jamais eu de contrat.
Plus récemment, au cours d'une conférence en
201436, l'artiste Sevan Malakian évoquait sa situation et les
limites d'un contrat chez un major. Sortant de la Star Academy 2007, il a
signé un contrat en 2012 chez Sony pensant que des portes s'ouvriraient,
« avec la crise les maisons de disques se plaignent de ne pas avoir assez
d'argent mais en signent toujours autant » sans aucun travail avec
l'artiste. Il dénonce le fait que l'artiste n'est jamais en contact
direct avec les personnes qui travaillent sur les différentes
étapes du lancement d'un CD. Chez Believe, il rapporte avoir eu un clip
qui n'a jamais été diffusé auprès du public et fait
part de sa frustration car « le travail fait ne reste qu'en maison de
disque ». Enfin, Sevan Malakian s'est tourné vers l'autoproduction
mais rien n'a abouti car il faut avoir un solide réseau constitué
d'attachés de presse, de managers etc.
4. Un nouveau mode de fonctionnement
Les causes de la mutation du secteur a pour
conséquences la recherche de nouveaux financements et le
repositionnement du live au centre de l'économie. Un
phénomène de concentration des activités s'observe
notamment au travers le rapprochement des labels et des producteurs avec des
salles de spectacles. Deux modèles sont à l'origine de ces
stratégies : le 360° artiste qui consiste à
développer un maximum de contenus autour de l'artiste, et le 360°
consommateur qui vise à exploiter l'ensemble des activités en
relation avec le fait de se rendre à un concert. Une
enquête37 sur la situation des labels en 2011 prouve la
multi-activité des entreprises : 6% des labels ne sont que producteurs,
23% ont une activité complémentaire et 44% accumulent au moins
quatre activités. Les plus courantes sont l'édition (66%), le
spectacle (46%), le management (36%), l'enregistrement (31%), la distribution
(24%) et le pressage (8%).
36 Conférence MaMa, « Quand les labels se
font prestataires », 2014.
37 Mila, « Enquête Mila sur les labels
», mars à juin 2011.
23
C'est en 2008 que les tours supports ont disparu totalement,
traduisant l'impact des changements. Les maisons de disques apportaient une
aide financière aux tournées et à présent, la
relation s'est inversée : les producteurs de spectacles sont devenus les
principaux découvreurs de talents et les investissements en
matière de promotion se sont renforcés. La scène est
devenue la principale source de revenus des artistes. En 2006, on comptait
35.238 représentations contre 55.608 en 2012 soit une augmentation de
58% en seulement cinq ans.38 Les billetteries ont pris encore plus
de valeur et attirent d'autres acteurs de la filière, ce qui accentue la
concentration des activités. Ticketnet en 2010 a été
racheté par Live Nation, et Vivendi qui possède Universal Music,
devient actionnaire majoritaire en 2010 de Digitick puis, partenaire d'Havas en
2014 pour faire du placement de produit dans les clips.
Un autre phénomène constaté dans cette
mutation du secteur est l'externalisation de valeurs vers de nouveaux
prestataires. Les enjeux de la musique sur le numérique sont forts et
cette opportunité d'exploiter un nouveau terrain économique est
développée par les startups. En effet, elles offrent aux
professionnels de la musique des outils numériques pour répondre
à leurs besoins en matière de découverte de talents, de
production, de promotion, de relation entre public et artiste etc.
Néanmoins, la majorité des entreprises du secteur sont de petites
et moyennes entreprises et disposent de moyens financiers limités pour
investir dans ces services. La capacité d'autofinancement est faible et
ne représente que 2% du chiffre d'affaires ce qui traduit la
fragilité de ces entreprises. Sur 9 millions de résultats nets
annoncés par le CNV39, 120% de ce chiffre est
réalisé par un faible nombre de producteurs et quelques salles
générant plus de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce qui
signifie que la moitié des structures sont en perte.40
Dans ce contexte qui a tendance à perdre les artistes
par rapport aux maisons de disques, l'obtention d'un contrat et dégager
des revenus sont de plus en plus difficiles. Il apparait que les labels
deviennent des prestataires marketing au service des artistes : Play It Again
propose depuis 5 ans des services à la carte mais aussi Kobalt Music aux
Etats-Unis ou encore Your Label. Le but est de développer des
méthodes afin d'accompagner au mieux les
38 PRODISS, « Rapport d'activité janvier
2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
39 CNV : Centre National de la chanson des
Variété et du jazz.
40 BIGAY, Romain, « Les entreprises de spectacle
face à la mutation - opportunités et reconfiguration », in
IRMA, mercredi 14 janvier 2015.
24
artistes dans leur carrière tout en étant
transparent dans les pratiques, et faire en sorte que l'artiste soit le
gestionnaire de ses droits. En d'autres termes, il s'agit de proposer aux
artistes l'inverse de ce qui est souvent reproché aux
majors.41
D) Les enjeux politiques et
législatifs
1. Le plafonnement de la taxe
L'industrie de la musique au même titre que n'importe
quel autre secteur d'activité, est encadrée par des textes de
loi. Les syndicats représentatifs de la filière ont un rôle
primordial dans les négociations avec les institutions publiques. La
mission essentielle du PRODISS42 est de représenter,
promouvoir et défendre l'intérêt des entrepreneurs du
spectacle musical et de variété en France. Plusieurs «
chantiers » sont en cours de discussion entre les professionnels du
secteur, leurs représentants et le gouvernement afin de créer
dans ce contexte, des conditions fiscales nécessaires à
l'évolution du secteur. Il apparait que les seules solutions de
financement qui existent sont celles du CNV, dont le produit de la taxe est
généré par les entrepreneurs du spectacle et que cet outil
arrive à ses limites. Cette taxe permet notamment de soutenir la
scène musicale française. Le niveau du plafonnement de la taxe
par le ministère de l'Économie met en péril l'existence et
les missions du CNV. Le PRODISS en partenariat avec le ministère de la
Culture et de la Communication lutte contre l'abaissement de 10% de ce
plafond.43
2. Un crédit d'impôt
Un crédit d'impôt pour le producteur de
spectacles devient une nécessité car il joue un rôle
central dans la découverte et l'accompagnement de nouveaux talents. Il
soutient économiquement des tournées d'artistes en
développement, ce qui se traduit par des pertes financières dans
un contexte de plus en plus difficile.
François Hollande a proposé en 2013 aux
partenaires sociaux de conclure un pacte de responsabilité pour
redresser la compétitivité française. Le PRODISS propose
un dispositif qui vise à renforcer l'emploi artistique, à
pérenniser l'emploi sur tout le territoire et à encourager la
création artistique. Ceci passerait par l'exonération des charges
patronales sur
41 Conférence MaMa, « Quand les labels se
font prestataires », 2014.
42 PRODISS : Syndicat national des producteurs,
diffuseurs et salles de spectacles.
43 PRODISS, « Rapport d'activité janvier
2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
25
le coût d'un plateau artistique pour les salaires
relatifs aux artistes en développement, avec les conditions suivantes :
détenir une licence de producteur de spectacles, et un engagement pour
employer ce plateau pendant au moins quarante dates sur un an.
3. Un droit de propriété pour les
producteurs
La réglementation de la profession d'entrepreneur de
spectacle engendre des contraintes et des obligations, en particulier aux
producteurs. En effet, la durée des droits exclusifs est limitée
par le Code de la propriété intellectuelle et il est obligatoire
de détenir une licence d'entrepreneur du spectacle, qui est à
durée déterminée. Les producteurs revendiquent un droit
à la propriété intellectuelle sur les enregistrements de
spectacles qu'ils créent et produisent, et qui pendant 20 ans a
été perçu comme anecdotique, notamment par les pouvoirs
publics. Le PRODISS suggère un régime juridique de
présomption de cession des droits du producteur de spectacle au profit
du producteur de la captation, qui permettrait d'éviter tout conflit
pour exploiter des contenus. L'enjeu est important car 22% des vidéos
musicales disponibles sur YouTube concernent le spectacle vivant, et seulement
0,9% de celles-ci sont de sources officielles. C'est dans ce contexte que la
ministre de la Culture et de la Communication a chargé l'Inspection
générale de la Culture d'étudier la faisabilité
technique de ce nouveau droit. En Allemagne, le même type de
système a été adopté et reconnait un droit de
propriété intellectuelle pour les producteurs de spectacles,
« cependant, notre travail ne fait que commencer, parce que maintenant
nous aurons à établir les nouveaux taux et les systèmes de
distribution ».44
4. La liberté de création
La ministre de la Culture et de la Communication a
indiqué en janvier 2014 que « pour la première fois, la
liberté de création sera inscrite dans un texte législatif
». Le projet de loi reconnaitrait la place des artistes en passant
notamment par un engagement pour la formation et la protection sociale. Un
autre aspect de cette loi traite des mesures issues du rapport Lescure sur
l'adaptation des politiques culturelles au numérique, à travers
une
44 Citation du directeur de la Gesellschaft zur
Wahrnehmung von Veranstalterrechten.
26
amélioration de l'offre légale ou encore, sur la
rémunération des artistes. Ce projet de loi devrait être
présenté devant le Parlement cette année45.
5. L'IFCIC
Un dispositif dédié au spectacle vivant est en
cours de création à l'IFCIC46 et vise à
améliorer l'accès aux banques à des structures qui en sont
souvent exclues. Le taux d'endettement des entreprises musicales est faible par
rapport aux autres secteurs car les banques sont plutôt frileuses
vis-à-vis de ce secteur.47 Le Ministère de la Culture
a souhaité depuis près de quarante ans intervenir en faveur des
industries culturelles, notamment dans le secteur cinématographique, en
dotant des fonds de garanties destinés aux banques acceptant de financer
ces projets, afin de pérenniser et développer cette politique.
6. Une réglementation européenne sur le
numérique
Le dernier principal enjeu se traduit par le souhait des
professionnels du secteur de maîtriser la valeur de la musique sur le
numérique, car un grand nombre de valeur se perd en dehors de la
filière. Lors de la conférence sur les labels lors du MaMa 2014,
un intervenant exprimait les difficultés à obtenir des
réponses car les entreprises qui contrôlent le numérique
sont aux Etats-Unis : « E...] et savoir qui est dans les mains de Google,
Apple, Facebook et Amazon qui nous dictent leurs conditions une fois qu'on a
compris ça, on sait qu'il y a quelques agrégateurs qui
concentrent les informations ». Il pense que les bases du droit doivent
être réglées pour éviter les conflits et
décrit l'urgence de la situation au travers un exemple : « les
royautés peuvent changer de format juste parce qu'Apple l'a
décidé ».
CONCLUSION
Le bouleversement du numérique a modifié
l'organisation de l'ensemble des acteurs mais pas leurs missions principales.
Ces mutations ont offert l'opportunité à de nouveaux entrants de
capter une partie de la valeur qui parfois s'externalise en dehors de la
filière. Il semblerait également que le pouvoir sur internet soit
détenu par une poignée de
45 PRODISS, « Rapport d'activité janvier
2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
46 L'IFCIC est un établissement de
crédit agréé qui a reçu une mission du
Ministère de la Culture et du Ministère de l'Économie et
des Finances de contribuer au développement, en France, des industries
culturelles, en facilitant pour ces entreprises l'accès au financement
bancaire.
47 Interview de Philippe Nicolas, Directeur du CNV,
« Le spectacle vivant est aujourd'hui à un moment charnière
», in IRMA, novembre 2014.
27
multinationales et la législation n'a pas encore su
s'adapter à la demande des professionnels de la musique qui souhaitent
équilibrer la répartition de la valeur. Quelle stratégie
les acteurs de l'industrie de la musique doivent-ils adopter pour
pérenniser leur présence sur le marché, alors que les
mutations du secteur tendent à diversifier leur activité,
à externaliser les revenus en dehors de la filière, et que les
sources de financement sont limitées voire supprimées ? Comment
les acteurs de la filière s'organisent-ils pour trouver un
équilibre alors que les revenus et les manoeuvres du numérique
sont concentrées par les géants d'internet ?
28
II ANALYSE ARGUMENTÉE DE LA
PROBLÉMATIQUE
Afin de justifier la problématique proposée, il
est nécessaire d'étudier des cas d'entreprises et les opinions de
professionnels, dans le but d'en dégager les perspectives et tendances
du marché. Lors de cette analyse, trois phénomènes se
dégagent et impliquent tous les acteurs de l'industrie musicale.
Néanmoins, les objectifs et les pratiques de communication divergent
selon les types d'acteurs concernés.
A) Le live, une activité croissante du secteur 1.
L'organisation de l'activité live
De l'amont à l'aval de la filière musicale, les
interdépendances entre acteurs privés à but lucratif ou
non et les institutions accompagnent l'évolution d'un artiste. Un
artiste qui débute va se produire dans des lieux de petite jauge comme
les cafés, par l'intermédiaire d'une association locale de
programmation. Grâce à ce contact avec un premier public, il peut
être repéré par des acteurs professionnels, le propulsant
ainsi d'un milieu non lucratif à des structures commerciales. Cependant,
durant toutes ses étapes de gain de notoriété, les
institutions au travers des salles labélisées vont contribuer
à son accompagnement.48
Les artistes en développement, ou reconnus, travaillent
avec un producteur phonographique et un producteur de spectacles. Pour
bénéficier de ce dernier, il faut déjà avoir une
discographie établie et d'actualité afin de s'appuyer de la
promotion média existante. Il existe des exceptions comme le groupe The
DØ qui a été révélé par une
publicité qui a utilisé un de leurs titres comme support sonore,
ou encore BlackBerry Smoke qui a joué à l'Alhambra en affichant
complet, peut-être suite à la diffusion d'un titre dans la
série Sons Of Anarchy. En tant que fan de musique et de séries
télévisées, il m'arrive souvent de découvrir des
artistes ainsi.
Pour les artistes en développement et plus
particulièrement à Paris, le circuit reste à toutes les
étapes dans le circuit privé. En effet, les salles de spectacles
sont des sociétés commerciales indépendantes comme le
Nouveau Casino, ou appartiennent à des autres acteurs de la
filière. L'Olympia a été racheté par le groupe
Vivendi qui lui-même détient déjà Universal Music et
la billetterie en ligne Digitick. Cependant pour le reste de la France, le
circuit privé concerne les salles de jauges supérieures à
1.500 personnes comme les Zéniths.
48 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
29
Les lieux de diffusion et les festivals associatifs
travaillent avec les producteurs en achetant des dates d'artistes qu'ils ont en
catalogue. Dans ce type de circuit, le bénévolat est très
important car le fonctionnement de ces structures dépend bien souvent
des volontaires, surtout les festivals. En effet, pour la première
édition en 2014 du Fall Of Summer, pour lequel je suis
bénévole, ce sont plus de 250 bénévoles qui ont
été mobilisés pour deux jours de festivals, 2.000
festivaliers et une trentaine de groupes. Une telle organisation se
prépare au moins un an en avance par des responsables eux-mêmes
bénévoles. Quant au Hellfest, il fait vivre douze salariés
avec un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros, programme 170 groupes sur
trois jours avec 2.000 bénévoles pour accueillir 47.000 personnes
par jour.49 Ces exemples montrent l'importance des
bénévoles pour les festivals peu importe leur
notoriété.
2. Les liens entre spectacle vivant et musique
enregistrée
En 2013 le marché de la musique enregistrée
représentait 493 millions d'euros50 contre 656 millions
d'euros de recettes de billetterie en 201251, alors qu'en 2007 la
musique enregistrée pesait 713 millions d'euros, et la billetterie
seulement 471 millions d'euros. Depuis 2006 les recettes de billetteries ont
augmentées de 53%, tandis que celles de la musique enregistrée
ont baissé de 31% depuis 2007. Ces chiffres mettent en évidence
la forte hausse des revenus du spectacle vivant et à l'inverse, la forte
baisse des ventes de musique enregistrée.
La tendance montre que la part du spectacle par rapport aux
musiques enregistrées augmente, notamment à partir des
données de la SACEM. En 2010 les perceptions de doits liés aux
spectacles représentaient 18% de plus que celles des droits
phonographiques et de vidéos. La part du spectacle vivant était
de 9,2% des droits globaux de la SACEM en 2010 contre 8,6% en 2006.
52
49 BOUCHET Claude, « Hellfest 2014 : 10 chiffres
pour convaincre », in France 3 Pays de la Loire, 19 juin 2014
50 SNEP, « Economie de la production musicale en
2013 - édition 2014 », édition 2014.
51 PRODISS, « Rapport d'activité
janvier 2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
52 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme
et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
30
3. Les grands spectacles favorisés
Même si les chiffres prouvent une croissance
incontestable des spectacles, l'ensemble des représentations ne sont pas
concernées. En effet, les spectacles de faibles jauges à moins de
200 entrées augmentent leur nombre, tandis que les ventes de billetterie
sont augmentées par une poignée de représentations de
grande envergure et aux prix élevés. En effet, les
représentations de dix-huit spectacles en 2012 ayant
dépassé les 5 millions de recettes ont représenté
30% des recettes totales du secteur soit 200 millions d'euros.53 Il
s'agit dans ce cas de concerts événements comme Coldplay et Lady
Gaga au Stade de France, mais aussi d'artistes français tels que Johnny
Hallyday, M. Pokora ou encore de comédies musicales comme Dracula. Ces
spectacles sont joués dans les salles à plus fortes jauges ainsi,
les dix plus grands lieux ont représenté en 2012 30% des recettes
du secteur. L'exemple le plus significatif est le Stade de France qui avec
seulement huit représentations engendre 6% des recettes54, et
qui en un seul concert complet est équivalent à 160 concerts
regroupant 500 personnes, soit plus d'un an d'activité pour une salle
moyenne. Les spectacles dans les lieux de 200 à 1.500 entrées
représentent 35% du total des représentations payantes et les
plus petits lieux 60%. Les chiffres du spectacle vivant sont influencés
par l'activité des plus grosses entreprises. En effet, les entreprises
qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 1 millions d'euros
représentent 24% des entreprises et 86% du chiffre d'affaires total du
secteur.55 Cette tendance est ressentie par les professionnels :
lors de l'interview de Gil Attali, directeur du label Scorpio
Music56, il disait qu'il n'y a pas de tendance live car les concerts
ont toujours existé mais que les gros artistes remplissent les salles et
que « les autres ont beaucoup de mal ou annulent ». Cette opinion est
partagée avec Nicolas du label Kaotoxin57 qui selon lui
« seuls les artistes établis en bénéficient et les
autres payent de toute façon le tour support s'ils veulent de la
visibilité ».
53 CNV, « La production de spectacles de
musiques actuelles en France de 2006 à 2009 », in CNV Info
n°25, juin 2011.
54 PRODISS, « Rapport d'activité janvier
2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
55 « Les entreprises du spectacle face à la mutation
- Opportunité et reconfiguration », in IRMA, 14 janvier 2015.
56 Scorpio Music est un label indépendant
fondé en 1976, les artistes signés vont de Joan Jett à DJ
Assad.
57 Kaotoxin est un label indépendant
spécialisé dans la musique métal.
31
4. Le développement de la diffusion de
spectacles en ligne
La dématérialisation de la musique
accentuée par la multiplication des canaux de distribution, le
changement de rapport entre propriété et usage et le piratage ont
eu pour conséquence la baisse des revenus de la filière. En ce
sens, le spectacle vivant a vu son rôle se modifier en passant de simple
produit dérivé du disque, à l'activité la plus
rentable du secteur, replacée au centre de la découverte et du
développement artistique. Le numérique offre de nouvelles
perspectives à l'économie des concerts, notamment par
l'utilisation des réseaux sociaux à la promotion des concerts,
par la dématérialisation des billetteries qui permet de collecter
des métadonnées, et par l'interaction durant un
événement. De plus, le numérique ouvre des
opportunités en matière de captation et de retransmission de
concerts qui ne sont plus réservées aux chaînes de
télévision et aux superstars. La demande dans ce domaine
augmente, en conséquence, l'offre aussi, et ceci se traduit par
l'arrivée de nouveaux intervenants qui appartiennent à
l'écosystème du numérique. Ils sont les géants
d'internet, les « pure players »58, les entreprises de
télécommunication et de l'électronique. Cependant, les
entrepreneurs de spectacles se font très rares. Ces
sociétés proposent plusieurs types de services : des plateformes
d'achat de musique en téléchargement (iTunes), des radios en
ligne (iTunes radio, Last.fm), du streaming musical (Deezer, Sportify) et des
plateformes de partages de vidéos (YouTube, Vevo). Quant aux offres de
spectacles en ligne, elles sont en augmentation et proposent des
retransmissions en direct ou en différé (SFR live, Arte concert),
des concerts en intégralité ou en extrait via des sources
officielles ou privées (YouTube, Canal Play, Dailymotion). L'offre de
diffusion en ligne est soutenue par un nombre croissant de services disponibles
qui seraient une quarantaine en France et catégorisés en six
pôles59 :
- Chaînes de télévision (MTV, Arte concert,
D17...)
- Sites musicaux, streaming et téléchargement
(Vevo, Juke Box, Deezer...)
- Plateformes de partage de vidéos et réseaux
sociaux (YouTube, Facebook...)
- Acteurs des télécommunications de
l'équipement multimédia (SFR Live, Xbox
Music...)
58 « Pure-player », Entreprise ou marque
créée sur Internet et n'existant que sur Internet. Par extension,
se dit également d'une entreprise ou marque ayant commencé sur
Internet et qui peut avoir développé ensuite une activité
dans le monde réel, Mercator Publicitor.
59 Etude Idate, « Spectacles en ligne : une
nouvelle scène ? Décryptage et leviers de croissance », mai
2014.
32
- Pure players des concerts en ligne (Concert Window,
Medici.tv, Living Indie...)
- Services de vidéos à la demande (Canal Play,
Pluzz VAD, My TF1 VOD...)
De plus, on constate une hausse rapide de la consommation de
spectacles rediffusés, soit au niveau mondial, une augmentation de 42%
par an, et pour la retransmission du festival de Glastonbury il s'agit de 25%
à 30% chaque année de visiteurs uniques.60
Selon une étude de l'Hadopi de mars 2013, les
vidéos musicales représentent 13% des vidéos disponibles
sur YouTube, les concerts 22% et seulement 1,2% sont postées par des
comptes officiels, donc l'autre part n'est pas monétisée. Ainsi,
sur trois milliards de vidéos disponibles sur YouTube, 375 millions
seraient des vidéos musicales et seulement 4 millions auraient
été postées par des comptes officiels. Le public est de
plus en plus connecté car 75% prennent des photos ou filment durant un
concert, 34% les publient sur les réseaux, sociaux et 33% recherchent
des informations en temps réel.61 Le numérique permet
à un concert de vivre au-delà de son espace-temps au travers
l'interaction sur les réseaux sociaux notamment via les commentaires et
partages. À la fin de presque tous les concerts auxquels je participe,
un membre du « staff » prend une photo des artistes et du public.
Puis, cette photo est systématiquement postée sur la page
Facebook du groupe, les individus s'identifient ou commentent, ce qui permet de
prolonger l'expérience et d'entretenir des liens
privilégiés entre le public et le groupe. Lors d'une interview
auprès de Céline, fan de concerts, elle déclarait se
rendre de temps en temps sur Arte Live et sur YouTube « pour me
remémorer les souvenirs ».62 C'est dans ce contexte que
les syndicats de professionnels réclament un droit de
propriété intellectuelle sur les captations de spectacles, car
actuellement, les producteurs français ne jouissent d'aucun droit.
B) Une stratégie de concentration des
activités
Outre le fait que 5% des entreprises ont réalisé
56% du chiffre d'affaires de la profession en 2012, la concentration du secteur
s'accentue puisque 50 des 3.619 producteurs, ou diffuseurs de spectacles,
concentrent 13% de la fréquentation et 25% des revenus. Ce
phénomène est appuyé par les plus grandes
sociétés telles que les majors mais aussi par de
60 PRODISS, « Rapport d'activité janvier
2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
61 BIGAY, Romain, « Les entreprises du spectacle
face à la mutation - Opportunités et reconfiguration », in
IRMA, 14 janvier 2015.
62 Cf. annexe 2, interview de Céline Seurin,
fan de musique.
33
nouveaux entrants sur le sol français qui sont des
géants internationaux. Cette concentration s'observe d'une part par le
nombre de parts de marché détenus par un petit nombre
d'entreprises, et d'autre part au travers la diversification de leur
activité qui a notamment pour but de développer tous les services
gravitants autour d'un artiste, mais également de maîtriser
l'ensemble des services autour du consommateur.
1. Le 360° artiste
Depuis 2005 beaucoup de maisons de disques tentent de
s'impliquer dans le spectacle vivant. Les entreprises du secteur musical, pour
compenser financièrement les baisses de disques et faire face aux
mutations, réfléchissent à de nouvelles activités
complémentaires autour de l'artiste par l'intermédiaire de droits
dérivés. Il s'agit du merchandising63, du sponsoring
et de tout autre service pouvant être associée à l'image de
l'artiste. Ce modèle qui met au centre l'artiste plutôt que les
activités de l'entreprise en elle-même se nomme le 360°. Le
début de ce modèle a été marqué en 2001 par
un contrat liant EMI à Robbie Williams par lequel EMI a versé 80
millions de livres sterling contre l'exclusivité de ses prochains
enregistrements, et une quote-part de ses revenus de spectacle et de
merchandising. Les domaines d'activité 360° peuvent être
catégorisés ainsi : la production phonographique,
l'édition musicale, le spectacle vivant et les droits
dérivés. Ces derniers concentrent le merchandising, le sponsoring
ou endorsement (association du nom et/ou de l'image de l'artiste
à des produits ou à des services) qui est aussi nommé
co-branding quand un artiste et une marque sont
associés.64 Les modèles 360° ont
été introduits en France par les agents anglais, mais le concept
est devenu populaire avec l'investissement des multinationales du disque dans
les salles de concerts et l'édition.
Les différents avis sur le sujet recueillis lors de mes
interviews par les labels et le producteur de spectacles sont unanimes : ce
modèle est nécessaire mais à prendre avec une certaine
retenue quand on est un artiste. Selon le label Scorpio Music, ce modèle
est une opportunité pour les maisons de disques mais ce n'est pas viable
pour les artistes qui « explosent ». Le label Kaotoxin n'aime pas
cette approche mais en comprend le besoin lorsqu'une société
63 Merchandising : vente de produits physiques ou
digitaux reproduisant le nom et/ou l'image et/ou le logo de l'artiste.
64 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
34
met beaucoup de moyens de promotions.65 Sherpah
Productions pense que ce modèle est inévitable « car tout le
monde se rabat sur le live pour faire de l'argent »66, mais
l'artiste risque d'être pris au pied du mur car un contrat 360°
oblige à aller au bout de cette démarche. Quant aux petites
structures, cela ne change rien puisqu'elles ont toujours tout fait par
elles-mêmes.
2. Le branding musical
Le branding par définition est l'ensemble des
techniques marketing utilisées pour la promotion d'une marque. Le
branding musical est par extension l'application de ces techniques au
domaine musical.67 La musique associée à une
publicité est une stratégie appartenant au ciblage des
consommateurs, qui passe par l'association de l'image de l'artiste avec la
marque, et par la mémorisation du morceau sélectionné. La
musique devient alors un support de promotion sélectionnée selon
le public : le luxe a tendance à s'associer avec la musique classique et
l'opéra, mais tout dépend de l'image que souhaite obtenir la
marque.
Les marques utilisent de plus en plus le facteur
émotionnel pour se positionner car la stratégie consiste à
personnaliser le message pour que l'individu se sente unique. L'artiste et la
marque y voient un partenariat stratégique qui leur permet de toucher un
public peut-être jamais atteint par l'intermédiaire d'autres
outils. L'objectif des marques est alors d'intégrer la musique dans
l'évolution de son identité. Si beaucoup d'artistes sont
réticents pour être acteur de cette nouvelle stratégie,
certains ont accepté d'associer leur nom à ceux de grandes
marques. Bob Dylan ou encore Metallica ont autorisé Chrysler et Coca
Zéro à utiliser leur musique, noms et images dans leurs campagnes
promotionnelles. Le groupe U2 à l'année dernière
signé un contrat (de 100 millions de dollars) avec Apple pour que leur
dernier album puisse être téléchargé gratuitement
sur chaque équipement de la marque. Cette dernière
opération a vivement suscité les critiques comme le résume
bien ce titre des Inrocks publié le 10 septembre 2014 : « U2 impose
au monde, via iTunes, son nouvel album : la méthode est aussi
contestable que le disque mauvais». Ces opérations marketing
s'inscrivent dans la nouvelle stratégie des marques qui consiste
à se démarquer de la
65 Cf. annexe 3, interview de Nicolas Williart,
fondateur, Kaotoxin.
66 Cf. annexe 4, interview de Maryam Caillon,
chargée de productions, Sherpah Productions.
67 ROYNARD, Romy, « Branding Musical - Quand les
marques associent musique et publicité », in My Band News,
décembre 2014.
35
communication classique, dont les consommateurs sont
irrités. La musique permet de produire une émotion qui est
perçue comme la raison principale pour laquelle les individus se sentent
plus ou moins proche d'une marque. Cette stratégie peut être
perçue comme encore plus vicieuse que les stratégies plus
classiques, elle est limite intrusive puisque l'individu est ciblé et
utilisé par ses émotions, bien au-delà d'un simple acte
d'achat inciter par un bon de réduction ou par une campagne
d'affichage.
Beaucoup de festivals sont organisés en partenariat
avec des marques afin de construire une identité sur le long terme.
L'exemple le plus récent est celui du festival Black XS qui a
souhaité faire intervenir de nouveaux talents sur les recommandations
d'Universal Music.
Les marques pour s'intégrer au numérique doivent
adapter leur message au public ciblé, mais aussi au support
médiatique. Elles peuvent ainsi se confondre avec des médias qui
utilisent les mêmes méthodes de création et de diffusion de
contenu, ceci vient modifier la relation entre la marque et les
consommateurs.68 Cependant, toutes les marques n'ont pas les moyens
financiers de devenir partenaires de superstars ou de festivals. Elles ont la
possibilité de créer des playlists sur les plateformes musicales
afin de contextualiser leur identité. Souvent, ce sont les marques
sportives qui utilisent cet outil pour proposer aux sportifs un accompagnement
musical, notamment lors d'un jogging.
3. Universal Music France, le label présent sur
tous les fronts
Lors de mes recherches d'articles sur Internet et en lisant
mes livres référents, le cas d'Universal Music est ressorti le
plus souvent comme exemple dans le modèle 360°. Il apparait que le
label appartient au groupe Vivendi, qui lui-même a investi ces quinze
dernières années dans des structures ayant une activité en
lien avec le spectacle vivant. La concentration a commencé par le rachat
de la salle parisienne mythique de l'Olympia en 2001. Selon l'actuel directeur
de l'Olympia « les propriétaires précédents ne
pouvaient plus gérer les investissements nécessaires ». Ce
lieu par ce qu'il représente, permet à Universal Music
d'opérer une stratégie pour les tournées d'artistes. Le
Sentier des Halles (200 places) a aussi été racheté afin
de servir de « salle test » entre un artiste et le public.
La stratégie d'Universal s'opère aussi du
côté des droits de l'artiste, notamment au travers le rachat de
Century, et dans la gestion exclusive des droits de production avec la Star
Academy et Nouvelle Star. De plus, le label s'est offert en 2011 l'entreprise
Digitick, l'une des
68 Cf. annexe 5, interview de Emmanuel de Sola,
Directeur commercial, Universal Music & Brands.
36
leaders sur le marché de la billetterie en ligne, qui
est elle-même propriétaire de la première entreprise de
revente de billets occasionnelle entre particuliers : Zepass. De plus, avec le
rachat d'EMI Recorded fin 2012, le label a consolidé sa place de leader
mondial devant les autres majors Sony et Warner, mais Universal ne
s'arrête pas là. Le label développe l'activité
de branding en partenariat avec des marques reconnues, dont
l'activité n'a pourtant rien à voir avec la musique.
Universal Music semble être le pionnier dans la
manière de construire sa marque en dehors de la filière musicale
en proposant des forfaits mobiles avec des offres dédiées aux
jeunes, « les marques, c'est un savoir-faire développé pour
faire des économies d'échelle à travers nos clips,
développer la recherche de sponsors à l'occasion du lancement
d'un album ».69 Pour le label, deux principaux enjeux se
dessinent : servir au mieux les intérêts des artistes mais aussi
proposer à des marques une construction stratégique
d'événements. De plus, le label travaille sur une cible jeune car
selon une étude menée par ses soins en 2014, 71% des 13-15 ans et
52% des 16-25 ans aimeraient que leurs artistes préférés
soient associés à une marque. Les plus jeunes apparaissent comme
une cible prioritaire pour les marques qui pensent qu'une fois les 13-15 ans
touchés, ils restent fidèles.70 Les marques souhaitent
ne plus seulement parler en numéraire, mais bien écrire une
histoire avec les artistes et le public au travers des co-productions
d'événements, pour notamment mettre en avant de nouveaux
artistes. L'enjeu est aussi important sur le numérique en ce qui
concerne la collecte des données du public, afin d'affiner le ciblage.
En effet, Universal Music a aussi pensé à ce terrain en
s'associant au travers un partenariat avec le groupe Havas, qui appartient lui
aussi à Vivendi. Le but est de « mieux comprendre la
corrélation entre les artistes, leurs fans et les marques
».71
4. Live Nation, la multinationale qui
dérange
Live Nation est une entreprise spécialisée
à la base dans le 360° artiste, qui consiste à
contrôler l'ensemble des sources de revenus possibles lors du
déplacement du public à une représentation. Il s'agit des
ventes de billets, des métadonnées collectées grâces
aux ventes,
69 Citation d'Emmanuel de Sola, Directeur commercial
d'Universal Music & Brands, décembre 2014.
70 ROYNARD, Romy, « Branding Musical - Quand les
marques associent musique et publicité », in My Band News,
décembre 2014.
71LEFEUVRE, Gildas, « Universal Music et Havas
annoncent un partenariat sur les big data », in Reseau GL Connection, 14
janvier 2015.
37
du sponsoring, de restauration et boisson, du parking et tout
autre produits dérivés de l'événement. La nouvelle
stratégie de développement de Live Nation est le guichet unique
qui concerne la consommation d'événements live et de tous les
produits associés. Elle est renforcée par des bases de
données de contacts représentant l'ensemble des individus (des
millions) présents lors des concerts. Aux Etats-Unis la fusion de Live
Nation avec Ticketmaster découle de cette stratégie. En France
Ticketnet devenu Ticketmaster il y a un an, est deuxième sur le
marché des billetteries en ligne et a aussi été
racheté par Live Nation dont le but est de contrôler la
commercialisation de la billetterie pour se renseigner sur les clients, afin de
leur proposer des offres mieux ciblées. Néanmoins cette
démarche n'est pas la bienvenue chez les professionnels du spectacle
vivant qui y voient un viol de leurs propres données. En effet,
Ticketmaster est en mesure de fournir des informations importantes sur la
production française, dans ce contexte Christophe Davy (Radical
productions) déclarait : « Il y a un mélange des genres un
peu dérangeant dans ce rachat [...]. Confier ma billetterie à
Ticketnet revient désormais à commercialiser mes spectacles
auprès d'un concurrent. Qui me dit que mon fichier client ne va pas
atterrir sur le bureau de Live Nation ? »72 Tandis que le
président du PRODISS et cofondateur d'Alias, Jules Frutos
déclarait en janvier 2011 que « pour nous, c'est clair, nous avons
décidé de nous passer de Ticketnet pour commercialiser notre
billetterie [...]». Ensuite, le mouvement a été suivi par
Universal Music qui a racheter Digitick ce qui mène les professionnels
à s'interroger sur la confidentialité des données pourtant
encadrées par la CNIL.73
Arrivée en France en 2007, Live Nation a acquis la
moitié des parts de la société Jackie Lombard Productions,
spécialisée dans l'organisation de concert de superstars telles
que Madonna, Rolling Stones, et a investi dans le festival Main-Square. La
structure spécialisée dans le 360° à l'international
met en difficulté les producteurs français car il est «
difficile de lutter quand il s'agit de deals internationaux »,
déclare Salomon Hazot, Directeur de Nous Productions qui a perdu
plusieurs artistes au profit du nouvel entrant.74
L'inquiétude de la concentration est partagée par l'ensemble des
professionnels du secteur comme l'exprime Christophe Davy, aussi programmateur
au Printemps de Bourges : « Nous étions un secteur d'artisans.
Aujourd'hui, le milieu est investi par des groupes cotés en Bourse.
Warner a
72 BERROD, Romain, « Le rachat de Ticketnet
préoccupe les professionnels », in Musique Info, février
2010.
73 CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et
des Libertés.
74 DAVET, Stéphane, « La France conquise
par Live Nation, numéro 1 du spectacle », in Le Monde, 26 avril
2010.
38
racheté Camus (le producteur de Johnny Hallyday), Sony
a racheté Arachnée (Indochine), le groupe GL Event est candidat
à la gestion des Zéniths, et AEG, les grands concurrents de Live
Nation, s'intéressent aussi à la France. »
Live Nation ne s'arrête pas sur ses acquis et
prépare une plateforme de contenu musical en partenariat avec Vice, qui
devrait être opérationnelle cette année (2015). Le service
basé sur un modèle économique publicitaire proposera des
concerts, des vidéos, des documentaires mais aussi la vente de billets
de spectacles, et des contenus adaptés aux appareils mobiles. Le but est
de proposer des programmes centrés sur le thème de la musique
à destination d'un jeune public car, une étude montre que les
plus jeunes sont passionnés de musique, mais en attente de nouvelles
offres.75
5. Quand la communication s'intéresse au
spectacle vivant
Les entreprises des industries de la communication
après s'être intéressées au domaine de la production
phonographique, s'intéressent désormais au spectacle. Clear
Channel Communications par le biais de sa filiale Live Nation aux Etats-Unis, a
investi dans la gestion de salles de spectacles et de festivals mais
également dans la production de spectacles et le développement
artistique.76 En France, le groupe Lagardère a
créé en 2011, la filiale Lagardère Unlimited Live
Enternaintment qui réunit trois activités du spectacle : la
production de spectacle, la gestion de salles et la représentation
d'artistes. Cette nouvelle activité du groupe est soutenue par
l'expertise marketing de Largardère Unlimited et des multiples synergies
qui existent entre le secteur du sport et le monde du spectacle afin de faire
de cette filiale un acteur de référence sur le marché du
divertissement.77 La filiale prolonge l'expérience du groupe
dans le divertissement par le biais de la coproduction de spectacles de grande
ampleur, tel que la comédie musicale Mozart, l'Opéra rock
mais aussi par le biais de collaborations avec des acteurs de la
filière musicale comme Alias et Because music. L'entreprise a pour but
d'appliquer le savoir qu'elle possède dans le domaine sportif à
celui de la musique. L'idée est encore ici de rapprocher les marques
avec la musique.
75 Thomson Reuter, « Live Nation et Vice
préparent une plateforme de contenu musical », in Reuters, 13
novembre 2014.
76 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
77 Communiqué de presse, «
Largardère Unlimited annonce la création de Lagardère
Unlimited Live Entertainment », in Lagardère Unlimited, 5 avril
2011.
39
Fin 2011 la filiale s'offrait les Folies Bergère, en
avril 2014 le Casino de Paris et la construction d'une arène de 11.000
places, qui n'aura pas les mêmes contraintes qu'un Zénith en
termes de cahier des charges, et possède aussi 20% du Zénith de
Paris. Jérôme Langlet, Directeur Général de
Lagardère Unlimited Live Entertainment déclarait « [...]
contrairement à notre concurrent [...], nous ne rachetons pas des
producteurs ou des tourneurs, nous faisons tout nous-mêmes, en
particulier nos comédies musicales ».78
C) Le streaming, un nouveau souffle pour la
filière musicale ? 1. Principes du streaming
La démocratisation d'Internet et plus
particulièrement du haut débit dans les foyers a permis au
streaming de se développer.79 Ce nouveau moyen de consommer
la musique se répand de plus en plus et apparait comme une alternative
au téléchargement traditionnel de fichiers
dématérialisés. En temps réel, le streaming permet
de visionner ou d'écouter un fichier numérique (selon le niveau
de débit), mais ne permet pas de stocker le fichier qui lui, reste
héberger sur un serveur distant. Le streaming permet à
l'internaute de constituer lui-même ses propres playlists et peut les
partager avec son réseau : le streaming contrairement à d'autres
moyens, dispose de plusieurs atouts additionnels dont les plateformes
numériques peuvent en tirer des bénéfices.
Les plateformes de streaming sont basées sur deux
modèles bien distincts qui sont l'abonnement, avec en amont une offre
d'appel freemium80, et un accès aux fichiers
entièrement gratuit pour l'internaute. Le premier modèle a pour
but d'inciter les internautes à tester dans un premier temps le produit,
puis de provoquer un acte d'achat traduit par l'abonnement à la
plateforme. Ce mode est pratiqué notamment par Deezer et Spotify. Le
deuxième modèle est gratuit mais financer par des acteurs
externes, où la plateforme négocie avec des annonceurs et des
producteurs de contenus leur niveau de visibilité. Il s'agit des
plateformes de type YouTube et Dailymotion. Les plateformes de streaming ont
alors un rôle d'intermédiaire entre les producteurs, le public et
les publicitaires qui souhaitent atteindre une typologie de consommateurs.
78 ROBERT, Martine, « Après les Folies
Bergères, Lagardère met la main sur le Casino de Paris », in
Les Echos, 1 avril 2014.
79 Cf. annexe 6, graphique, Evolution du chiffre
d'affaires 2013/2014 par mode de consommation, SNEP.
80 Xerfi, « La mutation de la filière du
spectacle vivant », juin 2014 - rapport privé du PRODISS.
40
L'usage du streaming se répand de plus en plus, puisque
le marché de la musique enregistrée est en baisse de 9,2% alors
que le streaming est en hausse de 33% et représente 53%81 des
revenus du numérique. Il dépasse ainsi, depuis l'année
dernière, les ventes de téléchargements. A titre
d'exemple, cinq artistes des plus écoutés à
l'été 2014 ont générés plus de 170.000
interactions sur internet par semaine. Néanmoins, si ce nouveau
modèle économique apparait comme porteur d'espoirs pour la
filière musicale, le modèle du système de valeur
instauré demeure très obscur et ne met pas en accord tous les
acteurs.
2. Diagnostique
Une étude ayant pour but d'anticiper les effets du
streaming sur le marché du spectacle vivant a été
réalisée par le Môle armoricain de Recherche sur la
Société de l'information et les usages d'internet. Elle
dégage les impacts positifs du streaming ainsi que les impacts neutres
ou négatifs, ce qui peut être associé à un
diagnostic du streaming. L'étude montre que les effets sont positifs sur
la vente de musique dématérialisée et la
fréquentation des concerts d'artistes nationaux et internationaux. En
revanche, les effets sont néfastes à la vente physique en
magasin, à la fréquentation de concerts d'artistes locaux et de
musique classique. En termes d'implications, le streaming est un produit
destiné aux individus concernés par l'achat digital, alors que
les médias traditionnels restent le moyen majeur de promotion
auprès des consommateurs de musique physique. Enfin, le fait de pouvoir
accéder à de multiples contenus musicaux ne les rend pas plus
visibles. Les importants moyens de promotions, dont bénéficient
les artistes les plus connus, leur permet de bénéficier au mieux
de l'effet du streaming sur leurs spectacles.
3. Le mécontentement des artistes et des maisons
de disques
Malgré les effets positifs du streaming sur les revenus
du secteur musical, certains acteurs restent vigilants et d'autres s'opposent
fermement aux systèmes de revenus mis en place par les plateformes. En
effet, des artistes estiment que les revenus du streaming dont ils
bénéficient ne sont pas assez bien estimés. Le cas le plus
actuel de mécontentement du système est celui de l'artiste Taylor
Swift, qui le 3 novembre dernier a retiré sa musique de la plateforme
Spotify. Son cinquième album au bout d'une semaine est une des
meilleures ventes physiques (1,3 millions d'exemplaires) et n'est pas
disponible sur Spotify. Elle a
81 LEFEUVRE, Gildas, « Disque et musique
enregistrée », in La Scène, janvier 2015.
41
déclaré qu'elle ne voulait pas que son travail
contribue à une expérience qui ne rétribue pas
équitablement les auteurs et artistes.82 Ce dernier a
répondu avec humour via un blog en reprenant des paroles de la chanteuse
: « Taylor, (...) 40 millions de personnes (...) veulent que tu restes
(...). C'est une histoire d'amour, bébé, dis simplement oui
». En effet, 16 millions des 40 millions d'utilisateurs de Spotify avaient
récemment écouté des titres de l'artiste.83
Spotify a tout de même déclaré payer aux ayants droits
entre 0,006 et 0,0084 dollar par morceau écouté. Quand Taylor
Swift a 1,3 millions de fois une chanson écoutée, avec ce
même nombre de chansons téléchargées, elle remporte
400.000 euros.
Si Taylor Swift a simplement retiré ses chansons de
Spotify, Jay-Z associé à d'autres artistes, tels que Daft Punk et
Madonna, ont été plus loin en lançant la plateforme de
streaming Tidal. Selon Alicia Keys, certains inédits pourraient
être exclusivement en écoute sur celle-ci qui compte maintenant 25
millions de titres et 75.000 clips revendiqués de meilleure
qualité que les autres services musicaux. Jay-Z a instauré un
nouveau modèle économique en proposant aux artistes de garder le
contrôle. En effet, les parts de l'entreprise sont réparties entre
une vingtaine d'artistes : « Notre but c'est de faire en sorte que tout le
monde respecte à nouveau la musique et reconnaisse sa valeur (...) tout
le monde sait que le système de paiement actuel n'est pas juste pour les
artistes ».84 Par conséquent, les artistes
déclarent pour la grande majorité, n'être que des acteurs
d'arrière-plan de cette nouvelle façon de consommer la musique et
de ne pas percevoir la somme dont ils devraient bénéficier. La
répartition des revenus sur un abonnement de streaming à
9,99€ ne reverse que 46 centimes aux artistes et 1€ pour le droit
d'auteurs alors que les intermédiaires gagnent 6,54€ et que l'Etat,
au travers la TVA, prélève 1,99€.85
En ce qui concerne les différents professionnels
interviewés lors de mon enquête terrain, les avis selon leur
nature divergent. Pour le label indépendant Scorpio Music, leur
présence sur le numérique est vitale car les ventes sur internet
et le streaming représentent leur plus grande source de
revenus.86 Le label indépendant Kaotoxin fait part de la
particularité de son public qui sont les fans de musiques
extrêmes, et qui à priori ne sont pas encore prêts
à
82 ARNAUD, Jean-François, « La
vérité sur les revenus du streaming musical », in
Challenges, 12 janvier 2015.
83 BEUVE-MERY, Alain, « Les artistes en guerre
contre les sites de streaming », in Le Monde, 6 novembre 2014.
84 AUTET, Marie-Alix, « Musique, les artistes
investissent dans le streaming », in France Culture, 31 mars 2015.
85 Cf. annexe 7, graphique, Comment se
répartissent les 9,99€ d'un abonnement de streaming ? SNEP et
E&Y.
86 Cf. annexe 8, interview de Gil Attali, Directeur de
la promotion, Scorpio Music.
42
consommer de la musique dématérialisée.
En revanche pour le label Season Of Mist, les perspectives sont beaucoup plus
optimistes car les plus jeunes consomment d'avantage de musique sur le
numérique : 70% de ventes digitales contre 30% de ventes physiques et un
rapport inversé pour les plus de trente ans.87 Sherpah
Productions pense qu'il faut adapter les prix et se battre d'avantage en tenant
compte du fait que les artistes émergeants reviennent moins chers.
Néanmoins, pour eux le streaming ne rapporte pas assez par rapport au
travail qu'il représente en amont.
De plus, ils ont la crainte qu'à cause de ce mode de
consommation, leurs disques soient mis à l'écart. Certains
envient le rappeur Dr Dre qui a vendu son service de streaming nommé
Beats Music pour plus de 3 milliards de dollars à Apple. La tendance de
chacun de vouloir tirer son épingle du jeu est confortée par les
chiffres de la consommation de streaming qui aux Etats-Unis, pour la
première fois, dépassent ceux des CD. L'offre de streaming aux
Etats-Unis a rapporté 1,87 milliards de dollars soit 27% du chiffre
d'affaires de l'industrie de la musique contre 1,85 milliards de dollars pour
les CD.88 Les chiffres du téléchargement sont
également en baisse, car les individus s'emparent du nouveau mode de
consommation. Le nombre de téléchargements effectués sur
iTunes a baissé de 10% en un an, ce qui représente une baisse du
chiffre d'affaires de 9%. Autre tendance, sur 1,1 milliard que rapporte les
offres à la demande telle que Spotify, 799 millions proviennent des
abonnements payants. Ceci signifie que les pratiques de financement
émanant de la publicité ne représentent que 4% du chiffre
d'affaires de l'industrie de la musique. Ce constat apparait comme un paradoxe
car les utilisateurs sont pourtant des millions et ne rapportent que
très peu. Selon Lucian Grande, directeur d'Universal Music Group, «
La publicité ne peut pas soutenir l'ensemble de
l'écosystème. Il faut accélérer la transition vers
le modèle payant ». Universal Music souhaite que Spotify
développe d'avantage des services payants pour arriver à
supprimer les offres freemium pour qu'ils rapportent plus à
chaque acteur de la filière musicale.89 Les producteurs sont
rassurés par les progrès réalisés par le streaming
musical, qui en France, leur a rapporté 73 millions d'euros en 2014 soit
une hausse de 34% par an. Le croisement entre streaming musical et
téléchargement s'opère
87 Cf. annexe 9, interview de Michael Berberian,
Directeur, Season Of Mist.
88 MARIN, Jérôme, « Aux
Etats-Unis, le streaming dépasse les CD... et bientôt les
téléchargements », in Le Monde, 20 mars 2015.
89 LAUER, Stéphane, « Universal part en
guerre contre le streaming gratuit », in Le Monde, 26 mars 2015.
43
entre 2013 et 2014 où le chiffre d'affaires du premier
rapportait 54 millions d'euros en 2013 contre 73 millions d'euros en 2014.
Quant au téléchargement, il rapportait 63 millions d'euros en
2013, contre 54 millions d'euros en 2014.90 Ainsi, l'enjeu pour les
producteurs est de convaincre les individus de souscrire à un abonnement
de streaming.
4. Apple sous surveillance européenne
Apple est également concerné par cette tendance
car sa plateforme de téléchargement iTunes est directement
affectée par des utilisateurs vers le streaming. L'entreprise
s'apprête à lancer une nouvelle plateforme entièrement
payante par laquelle elle espère obtenir des exclusivités de la
part des maisons de disques afin de convaincre les utilisateurs gratuits
à s'abonner. Cependant, les plus jeunes ont l'habitude de consommer de
la musique gratuitement, alors la démarche du tout payant peut mettre du
temps à rencontrer le succès espéré. Par
conséquent, cela pourrait consolider le téléchargement
illégal, car rappelons le, la cible privilégiée des
acteurs de l'industrie musicale sont les plus jeunes. De plus, la Commission
européenne examine actuellement les échanges entre Apple et les
maisons de disques, afin de surveiller les éventuelles tentatives
d'influence qui pousseraient ces dernières à signer des
exclusivités qui placeraient des plateformes, comme Spotify, hors du
circuit. En 2014, Apple avait payé une amende de 450 millions de dollars
dans le cadre du prix des livres électroniques aux Etats-Unis où
l'entreprise s'était entendue illégalement sur l'augmentation des
prix avec cinq éditeurs.91 En parallèle, Google aussi
se lance sur le marché du streaming en lançant un service
d'abonnement musical sur YouTube.
5. Un partenariat entre plateformes et
télécoms
Orange a décidé d'investir dans la plateforme de
streaming française Deezer, dont l'entreprise était actionnaire.
Le partenariat a apporté 250.000 abonnés à Deezer sur un
ensemble de 2 millions en France, l'offre propose un abonnement à Deezer
à moitié prix qui est inclus dans le forfait
téléphonique du client Orange. Néanmoins seuls 20% des
abonnés à l'offre auraient activé leur compte de
streaming, car il apparait que les individus préfèrent souscrire
à une plateforme de leur choix, indépendamment de leur forfait
mobile. L'opération n'emportant pas un vif succès, devrait
s'achever l'été prochain. Cependant,
90 FERRAN, Benjamin, « Le marché
français de la musique a basculé dans le streaming », in Le
Figaro, 4 février 2015.
91 REUTERS, « Le projet d'Apple inquiète
l'Europe », in La Tribune, 2 avril 2015.
44
Deezer s'est associé à Bouygues Telecom afin de
lancer une offre similaire et SFR est partenaire de Napster.92
Du point de vue des plateformes comme Spotify ou Deezer qui
sont des startups, il est vital de trouver très rapidement d'importants
financements, afin de développer leurs nouveaux systèmes au
risque de mourir seulement deux ou trois ans après leur lancement.
L'enjeu est de convaincre un maximum d'individus du nouveau modèle. De
plus, en dehors de la Suède, les services de streaming ne connaissent
pas un large public. L'aspect marketing a été trop souvent
sacrifié en faveur de l'évolution de ses petites entreprises, car
les investissements manquent.
CONCLUSION
Dans cette partie, nous avons analysé les principales
tendances de l'industrie musicale au travers les faits d'actualités, des
cas d'entreprises et l'avis de professionnels. Il en ressort trois principaux
points qui sont le live, le phénomène de concentration et le
streaming. Si sur certains sujets comme la répartition des revenus du
streaming ou l'achat des billetteries par des entreprises internationales font
diverger les opinions des différents acteurs, les enjeux pour trouver un
équilibre s'opèrent principalement sur le numérique et au
travers l'exploitation des activités qui gravitent autour de l'artiste.
L'arrivée de nouveaux entrants dans cet écosystème
accentue les relations entre les acteurs. Ceci les contraints de veiller
à la transparence du système ainsi qu'à sa juste
répartition économique, dont les grandes entreprises ont le
contrôle, faute du manque d'encadrement législatif.
92 ARNAUD, Jean-Francois, « La
vérité sur les revenus du streaming musical », in
Challenges, 12 janvier 2015.
45
III PRÉCONISATION STRATÉGIQUE
Afin de proposer des solutions aux acteurs confrontés
à cette problématique, il est nécessaire de la reformuler
afin qu'elle soit adaptée pour s'adresse directement à chaque
acteur de la filière musicale. Ainsi, si je suis une entreprise de
l'industrie musicale, cette problématique doit être
interprétée selon ma nature. En effet, chaque acteur ne
bénéficie pas des mêmes moyens humains, matériels et
financiers, ainsi les solutions doivent être adaptées en
conséquence, avec l'objectif commun de pérenniser.
Interprétation de la problématique :
- Comment dois-je faire pour m'adapter aux mutations du secteur
alors que lui-même
est à la recherche d'un équilibre?
- Comment dois-je faire pour trouver des moyens de financements
?
- Comment me distinguer sur la toile et tirer mon épingle
du jeu sur le numérique ?
A) Comment m'adapter à un secteur en pleine
mutation ? 1. La veille informationnelle
Garder un oeil sur l'environnement est un début pour
anticiper les évolutions diverses pouvant influencer, de près ou
de loin, son activité. Dans le contexte des mutations de l'industrie
musicale. La veille est d'autant plus importante comme outil d'accompagnement
car presque chaque jour, de nouveaux mouvements sont observés. Ce
secteur est en recherche d'un équilibre économique et structurel
alors, on peut considérer que la veille est un devoir pour chaque acteur
souhaitant pérenniser son activité. Je propose cette
sélection d'outils et moyens d'aide à la veille :
Les alertes : Il est possible de mettre en
place une veille sur Internet automatisée, grâce à des
outils tels que Google Alertes ou Mention. Il faut saisir des mots clefs ou
phrases dont les résultats de recherches seront envoyés en temps
réel, ou à raison d'une fois par jour, à une adresse mail
choisie, dès qu'une actualité en rapport est publiée.
La presse quotidienne : Ce média
traditionnel est non négligeable car il permet de consulter l'ensemble
de l'actualité, et l'environnement global. En s'abonnant à
plusieurs journaux, il
46
est recommandé de constituer une revue de presse.
Celle-ci consiste à sélectionner les articles en rapport avec les
sujets qui nous intéressent.
Les magazines spécialisés : Les
magazines spécialisés ont l'avantage de centrer leur contenu sur
un secteur en particulier. Les principaux de la filière musicale et du
spectacle vivant en général sont ; La Scène,
L'Evènementiel, La Lettre du Spectacle, Écran Total.
Les blogs de professionnels et les
sites internet de spécialistes : le site Internet de
l'IRMA (Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles)
regroupe des articles relatifs aux musiques actuelles et une
bibliothèque spécialisée qui est ouverte à tous,
dans les locaux à Paris. Il est également possible de consulter
des conseillers, avec ou sans rendezvous, selon son projet. Paris Mix propose
via Scoop.it l'actualité de ses membres ainsi que des articles sur les
musiques actuelles. Paris Mix se revendique comme étant la «
1ère grappe musicale en Ile de France, qui décline ses
actions autour de la musique, de l'innovation et la diversité. » Le
site du PRODISS (syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et
salles de spectacles) met en téléchargement des études
réalisées sur des sujets comme l'économie du spectacle
vivant mais aussi, des travaux de recherches menés par des cabinets
spécialisés et ses adhérents, afin de proposer des pistes
de réflexions sur le secteur musical. Le site Internet du SNEP (syndicat
national de l'édition phonographique), celui de la Cité de la
musique (dépend du ministère de la Culture et regroupe un
ensemble de services et lieux dédiés à la musique), ou
encore le blog DBTH de Virginie Berger (Fondatrice de l'agence du même
nom dédiée aux stratégies et business développement
pour les industries créatives, les technologies de contenu et les
services innovants).
Les salons et festivals: Le
MaMa regroupe les professionnels de l'industrie musicale venant du monde entier
durant trois jours, qui s'articulent autour de concerts et de rencontres. Ce
sont plus de 4.000 professionnels représentatifs de toute la
filière qui se réunissent à Paris. Le MaMa programme une
cinquantaine de conférences, de débats et des activités de
networking (speed-meetings, apéros-showcase...). Le Midem accueille les
professionnels de la musique et des industries créatives chaque
année à Cannes. Ce salon est désormais incontournable pour
les professionnels du monde entier qui se rencontrent pour détecter,
échanger sur les nouvelles tendances et développer leur
activité. Le Midem propose en parallèle plus de cinquante
concerts ouverts au public.
2. 47
La formation
En complément de la veille, il est recommandé
d'opter pour des stages et formations afin d'apprendre à utiliser les
nouveaux outils du numérique et si nécessaire, de participer
à des sessions pour apprendre les bases d'un métier. En effet, ce
dernier point a un impact de plus en plus fort car les plus petits acteurs
n'ont souvent pas d'autres choix, que de devenir multitâches pour
résister aux mutations. Je suggère cette liste d'organismes
proposant des formations aux métiers du secteur musical :
- L'IRMA : Le centre de ressources propose plusieurs
formations encadrées par des professionnels du secteur. Il s'agit de
« gérer une communauté », « mettre en place et
commercialiser une billetterie », « réussir sa campagne de
crowdfunding », « musique et stratégies numériques
», « manager une équipe » et bien d'autres.
- Les formations d'Issoudun : reconnues par les
professionnels, et proposées en formations longues ou courtes. Il s'agit
de « sécurité des lieux de spectacles », «
techniques de booking », « assistant de production » ou encore
« technicien backliner ».
- Centres de ressources des salles de spectacles : certaines
salles, notamment de type SMAC, ont un espace de ressources où sont
disponibles des ouvrages sur l'industrie musicale en générale. Il
est aussi possible d'y trouver des interlocuteurs pour discuter d'un projet.
- Le bénévolat : il ne permet pas de
dégager de revenus, néanmoins il permet d'élargir son
réseau social et de découvrir sur le terrain l'organisation d'une
structure. Bien souvent les associations locales d'organisation de concerts et
les festivals font appel à des bénévoles. Parfois,
l'existence même d'un événement dépend de ces
derniers.
3. Adhérer à un syndicat
professionnel
Afin d'être tenu informé des actualités
juridiques du secteur et de son environnement économique, de
créer ou maintenir des liens avec d'autres structures, il est
recommandé de faire partie d'un syndicat professionnel. En effet, leur
mission est de faire avancer les discussions, de revendiquer et de faire poids
auprès des institutions. Voici les principaux syndicats
représentants la profession :
48
- PRODISS (Syndicat national des producteurs, diffuseurs,
festivals et salles de spectacles) ; sa mission principales est de
négocier auprès des pouvoirs publics afin que les lois et les
règlements du secteur prennent en compte les spécificités
du spectacle vivant. Le syndicat est aussi force de propositions auprès
des pouvoirs publics et des organismes professionnels dans le but de
défendre la profession.
- SNEP (Syndicat National de l'Édition Phonographique)
; le syndicat regroupe 48 adhérents dont il est le porte-parole et le
représentant auprès des institutions publiques, des organisations
professionnelles, de la presse et du public.
4. Entreprendre
Bien souvent en France, les investisseurs et les banques sont
frileux. Néanmoins, pour être compétitif il faut innover et
investir. Plusieurs options sont possibles à condition de
bénéficier d'avantages financiers. Selon les tendances
révélées lors des analyses précédentes, il
apparait que la majorité des entreprises semblent vouloir concentrer
plusieurs activités complémentaires. En termes
stratégiques, lorsque plusieurs activités d'une même
chaîne sont centralisées en un même endroit, ou par une
même entreprise, il est plus facile d'être réactif et de
garder le contrôle. De même, les coûts et les délais
sont alors minimisés.
C'est dans ce contexte que des projets de salles de spectacles
de type Arena ont vu le jour. Il s'agit de construire des structures capables
d'accueillir plusieurs événements qu'ils soient sportifs ou des
spectacles vivants, en modulant la salle afin de l'adapter facilement à
tout type d'événement. De telles structures s'apparentent
à de véritables centres commerciaux dans lesquels il serait
possible de se restaurer et se divertir. Ceci s'ancre dans une stratégie
qui a pour but d'accompagner le consommateur de spectacle au-delà de la
représentation. Dans cette optique, les entrepreneurs pourraient aussi
intégrer des hôtels ou des auberges de jeunesse selon le public
ciblé, afin de proposer des services additionnels. Ces derniers
pourraient être sous forme de packs au moment d'acheter un billet de
spectacle, et seraient aussi disponibles à la réservation
ultérieurement. Ils pourraient aussi comprendre un emplacement de
parking, la réservation du transport pour se rendre à
l'événement, et même la réservation de
merchandising. Ce modèle, s'il apparait très couteux à
mettre en place, peut en réalité se décliner à tout
niveau. Prenons l'exemple d'un café-concert, il
49
pourrait aménager des chambres pour loger le public et
développer un service de restauration. De cette façon, les
individus prolongeraient leur temps passé au sein de la structure et
consommeraient au-delà d'une place de spectacle.
B) Comment trouver des sources de financement ? 1. Les
principaux organismes
Des acteurs indépendants ne souhaitent pas recourir
à des organismes d'aides pour une question d'indépendance.
Néanmoins, il est toujours utile d'avoir connaissance des
opportunités offertes aux acteurs. Parfois, l'Etat, les villes et les
départements peuvent aussi attribuer des aides.
ADAMI (société civile pour
l'administration des droits des artistes et musiciens-interprètes) :
Elle perçoit, gère et répartit les droits voisins du droit
d'auteur dont bénéficient les artistes interprètes. Elle
aide à la création, à la diffusion de spectacle vivant,
à la formation d'artiste et à l'enregistrement.
CNV (Centre national de la chanson, des
variétés et du jazz) : Le CNV est un établissement public
industriel et commercial, sous tutelle du ministère de la Culture et de
la Communication, regroupant l'Etat, les organisations professionnelles du
spectacle et les collectivités territoriales. Il soutient le spectacle
vivant, sur les dons collectés par la perception de la taxe sur la
billetterie des spectacles et concerts.
SACEM (société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique) : La SACEM est une
société privée à but non lucratif
créée et gérer par les auteurs compositeurs et
éditeurs de musiques. Elle collecte et répartit des droits
d'auteurs, compositeurs et éditeurs, pour chaque utilisation des oeuvres
représentées. La SACEM défend ces professions et soutien
la création et la promotion.
SCPP (société civile des
producteurs phonographiques) : La société repartit les
rémunérations dues aux producteurs au titre de la
rémunération équitable et de la copie privée. Elle
perçoit et répartit les droits résultants des utilisations
de phonogrammes et de vidéo musique, pour lesquelles elle a mandat de
gestion, intente des actions pour faire cesser toute infraction aux droits des
producteurs, lutte contre le piratage, attribue des aides à la
création, à la formation d'artistes et à la diffusion du
spectacle vivant.
50
SPPF (société civile des
producteurs de phonogrammes en France) : La SPPF perçoit et
répartit des droits voisins aux producteurs indépendants,
représente et défend leurs intérêts auprès
des utilisateurs.
2. Partenariats, investissements et emprunts
Afin de compenser la baisse des aides attribuées aux
tournées par les industries culturelles, les entreprises de spectacles
sont à la recherche de fonds. De plus en plus, elles collaborent avec
des entreprises externes à la filière ou empruntent auprès
des banques afin de garantir de bonnes conditions aux spectacles. Certaines
entreprises ont déjà franchi le cap, comme TS3, qui a
augmenté son capital de 33% grâce à des fonds «
patrimoine et création » de la Caisse des dépôts et
consignations.93
Les producteurs avec les tourneurs, peuvent tenter des
rapprochements avec certains festivals dans le but de participer à la
programmation, ce qui leur permet de mettre en relation des nouveaux talents,
avec un public. Ce partenariat offre l'avantage aux festivals de
bénéficier du catalogue du producteur mais aussi,
d'alléger la charge de travail pour la programmation. Le festival Rock
en Seine par exemple, collabore avec Nous productions. Les entrepreneurs de
spectacles indépendants ont tout intérêt à
établir des alliances stratégiques pour améliorer la
visibilité des spectacles, élargir la gamme de spectacles et
assurer une bonne couverture géographique. Ces collaborations se font
souvent par des accords entre les acteurs, qui ont aussi la possibilité
de faire appel à un tiers qui a pour but de rassembler les offres des
professionnels de la
filière.
Live-boutique.com est une plateforme numérique
unique dans son genre, qui regroupe les spectacles promus par des tourneurs
indépendants.
Investir dans des biens immobiliers est aussi
l'opportunité d'étendre son activité et ainsi renforcer
l'économie de l'entreprise. Dans le cas du phénomène de
concentration, cela se traduit par l'achat de salles de spectacles par des
producteurs. Ces rapprochements ont été analysés dans les
parties précédentes du mémoire.
93 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et
Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
51
3. Le financement participatif
Le financement participatif, aussi nommé
crowdfunding, est la petite révolution du numérique qui
ouvre de nouvelles possibilités de financement à des acteurs qui
ne bénéficient pas d'un grand capital. Ses bases de
fonctionnement sont définies par la mise en commun de dons pour un
projet commun. Les premiers sites comme My Major Company récompensent de
façon pécuniaire les participants alors que les plus
récents favorisent les liens entre donateurs (rencontre avec l'artiste,
offre de places de spectacle, merchandising...). Le site Kiss Kiss Bank Bank
personnalise les récompenses en fonction de la valeur des dons. Le
crowdfunding est intéressant également dans la mesure
où il permet de proposer une participation à n'importe quel
projet, que ce soit pour l'achat d'équipement d'un home studio, le
financement d'un album ou d'un concert.
C) Comment tirer son épingle du jeu sur le
numérique ? 1. Stratégies marketing
Le marketing consiste à faire appel à un
ensemble de moyens afin que le public ciblé soit informé. Dans le
cadre de l'industrie musicale, il s'agit d'établir une relation de
confiance entre les acteurs et leur public. Dans le cas où l'acteur
serait un artiste, le public correspond à ses fans. Une fois la
confiance instaurée, la promotion entre en jeu, avec l'objectif de
convaincre la cible d'acheter un album, une place de concerts ou encore du
merchandising.
Afin de mettre en place une stratégie marketing
cohérente, il est nécessaire d'identifier la nature des 4P
(Produit, Prix, Placement et Promotion) qui sont interdépendants. Le
produit est l'objet créé que vous souhaitez faire connaître
et mettre en avant (un album, un livre autobiographique, un dvd live...).
Ensuite, le prix va découler du produit selon les facteurs de
coûts de production, de la marge souhaitée et des autres prix
pratiqués sur des produits similaires. Puis, vient le placement du
produit qui va être déterminé par les
caractéristiques de la cible. C'est à cette étape qu'il
est nécessaire de bien connaitre son public, ses habitudes et
comportements afin de mettre à disposition le produit à des
places pertinentes. Enfin, la promotion va venir appuyer les trois
étapes précédentes afin de renforcer les chances de passer
à l'achat. Par exemple, lorsqu'on est un groupe de thrash, la promotion
va se traduire sur le numérique en achetant des bannières sur des
webzines spécialisés (VS-webzine, Metal France...) et l'achat
d'espace dans la presse spécialisée (Rock Hard,
52
Metallian...). La promotion peut être
déclinée également sur les réseaux sociaux en
faisant en sorte à l'aide du format (vidéo, image), du ton et des
termes choisis que le fan interagisse en aimant, commentant et partageant le
contenu. L'intérêt est de convaincre le fan qui va devenir relais
de l'information et prescripteur auprès d'autres individus. L'enjeu est
de viraliser le contenu pour toucher un maximum d'individus.
2. Stratégie de présence sur Internet
Le meilleur atout lorsqu'on dispose de faibles moyens est le
numérique car il offre un panel d'outils libres
d'utilisation.94 Néanmoins, il faut que leur utilisation soit
cohérente avec la stratégie de l'acteur au risque de créer
la confusion chez l'individu. De plus, il est inutile d'ouvrir plusieurs
comptes sur des réseaux sociaux lorsque l'activité n'est pas
suffisante pour créer du contenu. En effet, il faut opter pour un
retro-planning afin de créer des rendez-vous avec les visiteurs. C'est
à ce stade que le community management prend toute son
importance dans la stratégie globale. Le community manager est
en charge d'assurer l'activité de l'entreprise ou de l'artiste sur
internet. Il est le lien entre l'entité et son public. Par
conséquent, il véhicule l'image et les valeurs de celle-ci au
travers le contenu publié sur les réseaux sociaux. Facebook et
Twitter sont devenus des incontournables pour être visible et les acteurs
de l'industrie musicale ont tout particulièrement intérêt
à animer une communauté sur Internet. L'intérêt
principal est de travailler sa notoriété afin de favoriser la
promotion, de comprendre sa communauté et d'anticiper ses attentes,
d'autant plus que cette communauté est le premier relais promotionnel
des spectacles proposés. Ce constat a été analysé
dans les parties précédentes de ce mémoire, notamment au
travers les liens entre le comportement du public et un concert sur le
numérique (publication de vidéos sur YouTube, partage de photos
sur Facebook et phrases personnalisées de hashtags sur
Twitter). A l'heure du social web, il ne faut pas négliger le
site internet qui sert de vitrine formelle aux acteurs, et concentre les autres
lieux numériques où il est actif par le biais de logos et d'un
espace qui retranscrit, en temps réel, l'activité sur les
réseaux sociaux95.
Les nouveaux entrants en liens avec le numérique et le
spectacle, disposent de plateformes numériques qui s'inscrivent dans une
stratégie cross-canal. Cette stratégie s'appuie sur la
continuité de l'activité du consommateur, qu'elle soit physique
ou numérique. L'idée est de
94 Cf : Annexe 10, « Quel est le réseau
social le plus important pour un artiste ? », par Virginie
Berger.
95 Cf : annexe 11, page d'accueil du site internet,
Nous Productions.
53
faire appel à l'ensemble des canaux disponibles afin de
faire pénétrer l'individu dans un écosystème qui
favorise la consommation à des endroits où il n'aurait
peut-être pas consommé. Par exemple, l'entreprise
Vente-privée promeut les spectacles programmés dans ses salles
afin de créer un déplacement du trafic sur son site commercial du
même nom.
3. Le référencement
Un facteur clef de réussite pour être visible
sur internet est le référencement. Sans lui, l'existence de sites
et de comptes divers n'aurait aucune utilité. Il existe un ensemble de
règles propres au fonctionnement du numérique, afin de rendre les
sites et leur contenu plus facile d'accès. En effet, tous les sites sont
analysés par des robots afin d'établir lequel sera plus ou moins
mis en avant lors des résultats affichés suite à une
requête effectuée via les moteurs de recherches. Pour faire en
sorte que son site apparaisse dans les meilleurs résultats il faut
déjà s'assurer que le nom de l'adresse soit représentatif
de l'entreprise, avec un nom de domaine populaire de type « .com » ou
« .fr ». Ensuite, il faut faire l'usage d'un mot de clef de
façon récurrente qui résume particulièrement bien
sa structure ou son sujet. Ce mot clef doit apparaitre dans toutes les
publications et articles, dans les titres et dans les méta-descriptions
des pages du site (qui doivent être bien travaillées). Les
résultats de recherches mettent en avant ces méta-descriptions
qui correspondent aux quelques lignes de présentation.
Ces méthodes de référencements sont
dites naturelles (SEO), a contrario du référencement
payant (SEA) qui propose une meilleure place dans les résultats de
recherches, contre un certain montant. Sur les réseaux sociaux il est
aussi possible de travailler sa visibilité, notamment sur Facebook, avec
la publicité payante ou plus récemment, avec des publications de
plus en plus ciblées selon des critères personnalisés
très pointus.
4. Base fan et direct-to-fan
Afin d'augmenter sa notoriété, une
stratégie consiste à s'appuyer sur sa base fan avec laquelle il
faut interagir régulièrement en créant un dialogue et
l'inciter à nous suivre quotidiennement. Il existe trois
catégories de fans avec qui il faut adapter le type de communication.
Les « true fans » ou « superfans » constituent le noyau
dure de la base fan, ils sont les plus dévoués à l'artiste
et s'impliquent avec conviction dans son travail et sont
54
des prescripteurs. Les « true fans » sont alors
très importants pour l'artiste et il est recommandé de les
récompenser en leur offrant une part de reconnaissance. Rien n'est plus
beau pour eux que de rencontrer l'artiste et de bénéficier
d'exclusivités. Les « regular fans » représentent la
majorité du public actif et suivent l'artiste
régulièrement par le biais des réseaux sociaux, de
newsletter ou de blogs. Afin de conserver leur fidélité, il faut
créer du contenu régulièrement, qui soit pertinent et
cohérent avec la stratégie globale. La dernière
catégorie est constituée par les « casual fans » qui
connaissent l'artiste mais n'ont pas un grand intérêt pour lui et
piratent le plus sa musique. Il est recommandé de mettre du contenu
à disposition librement afin que peut-être, ils deviennent des
« regular fans ».96
Dans cet esprit d'entretenir des liens avec le public, le
direct-to-fans permet la diffusion et la vente de la musique, et
considère la base fan comme un levier. Le groupe Nine Inch Nails excelle
dans le domaine du direct-to-fans en proposant un site internet
complet et interactif avec des offres attractives. Sur le site du groupe,
presque la totalité des enregistrements et des vidéos sont
disponibles. Les offres proposées consistent à proposer deux CD
pour le prix d'un, des éditions Deluxe ou encore des coffrets
très limités. Ces derniers ont été vendus en moins
de 30 heures pour un total de 750.000 dollars.
D) Pistes pour un avenir proche 97 1. La
réalité augmentée
Dans le secteur de la musique et plus largement au sein de la
culture, la recherche et le développement sont des
éléments clefs pour être en phase avec les
évolutions technologiques. La réalité augmentée
tend à se développer dans les industries culturelles afin de
proposer au public de nouvelles expériences immersives, interactives et
personnalisées. Le moyen utilisé pour cela est un hologramme qui
projette en 3D un artiste sur scène, le rendant réaliste. Il peut
être utilisé dans le cadre d'un concert posthume, de la
retransmission en simultané dans plusieurs villes d'une
représentation ou encore, pour projeter un concert passé
mythique. Les principaux objectifs sont de rapprocher les artistes de leur
public, de générer de nouvelles sources de revenus, de proposer
aux individus une
96 BERGER, Virginie, Musique et stratégies
numériques - Marketing, promotion, monétisation et
mobilité - 2ème édition, Paris, 2012, Irma
éditions, 166p.
97 PROSCENIUM, Restitution du conclave sur le
spectacle et le numérique à l'Assemblée nationale, 14
avril 2015.
55
expérience personnalisée et interactive. Ce
procédé peut être réalisé en direct ou en
différé. Une des premières prestations posthumes a eu lieu
au Coachella, en 2012, avec le rappeur Tupac accompagné de Dr Dre et
Snoop Dogg. Une prestation posthume de Michael Jackson a été
diffusée lors des Grammy Awards 2014 et totalise 32 millions de vues sur
la plateforme Vevo. La société américaine Pulse Evolution
travaille sur une représentation virtuelle d'Elvis Presley et de Bob
Marley. Le groupe Metallica lors d'une prochaine tournée devrait jouer
en compagnie de l'hologramme de Lou Reed, décédé en 2013.
De plus, une pop star japonaise entièrement virtuelle a
été créée et rencontre un franc succès
auprès du public, elle se nomme Hatsuné Miku et se place à
la quinzième place des chanteuses préférées des
chinois. D'autres technologies immersives ont vu le jour, notamment la
création d'une application pour visiter le musée de la
carrière du groupe The Who, afin que les fans puissent découvrir
son univers. Le coût encore très élevé de cette
technique peut aller jusqu'à plusieurs millions d'euros.
Néanmoins, lorsque ce type de technologie sera
démocratisé, le coût baissera et il faudra anticiper le
piratage.
Si cet aspect apparait comme une grande nouveauté
culturelle, l'aspect moral et déontologique peut déranger
certaines personnes. Cependant, aucune représentation de défunt
ne peut être produite sans l'accord des héritiers.
2. Captations et UGC
Le terme d'UGC (User Generated Content) est employé
dans le cadre de l'utilisation du numérique. En effet, il traduit le
contenu généré par les utilisateurs, notamment sur le web
social. Les professionnels du marketing souhaitent capter ces données
riches afin d'affiner les profilages d'utilisateurs et permettre d'offrir des
offres personnalisées. Dans le contexte musical, les contenus
générés sont des vidéos captées durant des
spectacles qui pèsent 22% du total des vidéos musicales
postées sur YouTube. Certaines startups travaillent sur ce terrain afin
de favoriser l'exploitation de ces vidéos sur une plateforme. Evergig
propose aux utilisateurs de poster leurs vidéos non officielles et se
charge de proposer automatiquement une synchronisation des contenus pour
multiplier les angles de la prestation. Des labels ont accepté de
fournir des enregistrements audio de qualité afin de poser sur les
images un son de qualité.
56
La diffusion de concerts en direct est la plus forte
progression des exploitations secondaires de spectacles vivants sur internet.
Les pionniers de ce procédé sont les festivals, qui proposent en
partenariat avec des sites spécialisés, comme le Hellfest avec
Arte Concert. Les artistes sont de plus en plus nombreux à proposer
eux-mêmes des « lives )) en direct. Des abonnements sont
suggérés par certaines structures culturelles, comme la
Philarmonie de Paris qui propose une retransmission de ses concerts sur
internet, en coproduction avec des chaînes de télévision.
L'exploitation des retransmissions peut également se faire en
équipant les lieux comme des bars musicaux par du matériel, qui
permet la retransmission en direct de concerts. Afin de produire du contenu,
les salles de spectacles pourraient s'équiper du matériel
nécessaire afin d'archiver les « lives )) qu'elles accueillent en
guise de patrimoine. Néanmoins, ici encore, il faudrait
réfléchir aux méthodes d'application des droits voisins
afin que tout ceci génère des revenus aux acteurs
impliqués.
3. Développer les échanges avec les
startups
Le numérique a profondément bouleversé
une industrie musicale attachée à son fonctionnement
traditionnel. Les nouveaux acteurs du numérique, que sont les startups,
participent aussi à ces changements importants. Les professionnels de la
musique peuvent bouder ces perturbateurs, à cause de cela, et freiner
les collaborations. Dans une économie qui évolue de plus en plus
en faveur du tout numérique, il est devenu vital pour les acteurs de la
musique de collaborer avec ces startups. Ceci dans le but de créer des
outils favorables à la musique, permettant ainsi de capter et de
créer de la valeur qui jusqu'à présent, n'a jamais
été évaluée. L'exploitation des données fait
partie de ce processus de synergie collaborative entre le numérique et
la musique, afin de rétablir l'équilibre du secteur. De plus, les
startups soucieuses de développer des services toujours plus performants
sont en demande d'échanges avec le secteur. Cependant, elles rencontrent
de grandes difficultés pour ouvrir un dialogue. Le projet du PROSCENIUM
est justement, de favoriser les échanges avec les acteurs du
numérique pour un secteur musical futur qui ne reste pas bloqué
dans un système traditionnel. Ainsi, sur le modèle des
méthodes de remplissage des transports aériens (yield
management), les lieux de diffusion pourraient instaurer une plateforme
afin de proposer des offres au lieu de se contenter des seules places vendues
via une billetterie. De plus, en croisant les données de plateformes, il
est possible d'obtenir de nouvelles informations optimales. Si Songkick et
Last.fm se croisent, il serait possible de recommander
57
des concerts en fonction des goûts des utilisateurs ou
d'envoyer des alertes lorsqu'un artiste qu'ils sont susceptibles d'aimer, se
produit à proximité, selon des paramètres de
géolocalisation.
4. Les big data
Les big data sont des données très
précieuses pour toute entreprise commerciale qui cherche à
affiner son ciblage de consommateurs. Le gouvernement français souhaite
positionner le pays sur ce nouvel or noir au travers un plan
stratégique. Un centre de ressources et d'innovation devrait voir le
jour prochainement pour que les startups bénéficient d'un
accès à une multitude de données privées et
publiques. Ceci dans le but qu'elles travaillent sur des projets de
création de nouveaux outils numériques avec un soutien financier
de l'Etat. Cependant, pour que ceci se réalise, il faudrait ouvrir
l'accès aux big data qui sont détenues en majorité par les
GAFA. Actuellement, Facebook ne prévoit aucunement d'ouvrir
l'accès aux profils utilisateurs à d'autres acteurs du
numérique, même à des chercheurs, car ces données
constituent sa valeur économique. Ce travail d'ouverture parait
même difficile du côté des acteurs du secteur musical qui
sont réticents pour des soucis d'éthique, par manque de moyens ou
de compétence sur le sujet. Les conditions d'accès aux big data
peuvent être multiples en commençant par l'instauration d'une loi
ou charte de partage, ou bien d'accords entre sociétés
privées comme Universal Music avec Havas (abordé
précédemment). L'accès aux données n'est pas
suffisant pour capter de la valeur, il faut surtout savoir comment les
exploiter, à quelle fin, et par quel moyen.
Lors de la restitution du conclave sur les rapports entre le
spectacle vivant et le numérique organisée par le PRODISS, le 14
avril dernier à l'Assemblée nationale, l'exploitation des big
data a été abordé. Les professionnels ayant
travaillé sur cette question ont restitué trois projets qui se
dérouleraient en trois temps :
- Evaluer l'impact économique des
métadonnées et des big data afin de se rendre compte de sa juste
valeur
- Mettre en commun ces données, dans le respect de
chartes pour ne pas pénaliser ses auteurs (producteurs, artistes...)
- Créer une base de données sur les salles de
spectacles en France afin de les exploiter dans le cadre de projets faisant
appel à la géolocalisation, et donner son accès au
58
public sous forme d'agenda culturel (avec en détail la
programmation). De cela, créer un top 50 comme pour les ventes d'albums
afin de donner d'avantage de valeur au spectacle vivant et aux lieux de
diffusion.
5. La position de l'artiste
Dans ce contexte de numérisation de la filière
musicale, les rapports entre les acteurs évoluent. Le projet artistique
est désormais réalisé en collaboration avec l'artiste et
les relations de subordination disparaissent peu à peu.
Néanmoins, les contrats 360° ont été instaurés
par les maisons de disques afin de répartir les coûts
d'investissements sur un ensemble plus large d'activités, rendant le
retour sur investissement plus rapide. La vision des artistes diverge car ils
se voient contraints de confier leurs sources de revenus (CD, concerts,
merchandising...), à la même société.
Dans le but de défendre au mieux les
intérêts des artistes en France et de faire valoir leurs opinions,
une guilde des artistes de la musique a été créée
en 2013 par des artistes (Axel Bauer entre autres). Son objectif est de les
représenter lors de débats de la filière musicale et
auprès des instances représentatives. En effet, les artistes se
sentent trop souvent pris en otages par les acteurs décisionnaires de la
filière. De plus, l'artiste est de plus en plus contraint de se
débrouiller par lui-même en exerçant plusieurs
activités (enregistrement, gestion de communauté...), fautes de
moyens. Il devient alors plus autonome et jongle avec différents statuts
(intermittent, salarié, auto-entrepreneur...) en fonction de ses projets
qui ne sont pas compatibles et entrainent des problèmes.98 La
création d'un nouveau régime social pour l'artiste est à
envisager, en tenant compte des mutations engendrées par le
numérique, dans le but de ne pas entraver son travail et sa condition
sociale.
CONCLUSION
Cette recommandation offre des pistes très
sérieuses à exploiter qui sont au coeur des discussions entre
professionnels de la filière musicale et des nouveaux entrants.
Cependant, avant d'entamer une réflexion approfondie de l'état de
l'industrie musicale dans dix ans, il
98 Cf : annexe 12, Le musicien est une stratup
comme les autres, Virginie Berger.
59
est nécessaire de construire des bases. Elles
s'articulent autour d'éléments clefs que sont l'information, la
formation et savoir vers qui se tourner pour évoluer dans ce contexte de
mutation. De plus, la maîtrise des outils numériques est devenue
indispensable pour tous les acteurs, d'autant plus que les nouvelles
générations d'individus sont de plus en plus connectées.
La filière de la musique doit dompter cette quantité
indéfinie de données afin de capter de la valeur et
améliorer ses offres pour être compétitive et
pérenniser. Cette recommandation ne rentre pas dans les détails
de l'utilisation des outils, car il serait inutile de reproduire le contenu de
mes livres référents dont j'invite les lecteurs à se
procurer.
60
CONCLUSION
L'industrie musicale a déjà connu des mutations
importantes dans son histoire, l'obligeant à s'adapter face aux
progrès technologiques. Cette nouvelle perturbation, engendrée
par la démocratisation du numérique et l'arrivée de
nouveaux entrants, vient trancher la partie la plus importante des revenus de
cette industrie, qui avait su trouver un équilibre. Si le poids des
ventes des CD ne suffit plus à financer la création ni à
rentabiliser les coûts de production, le spectacle vivant ne faiblit pas.
Néanmoins, les lieux de faibles jauges peines à remplir leurs
concerts représentés par des artistes locaux et en
développement, alors que la fréquentation des salles de grandes
jauges augmente, gonflant les recettes en billetterie.
L'autre phénomène important en termes de
potentiel de création de valeur économique est l'avènement
du streaming. Ces plateformes séduisent de plus en plus de
consommateurs, redonnant de l'espoir aux acteurs de la filière.
Cependant, les revenus qu'elles en dégagent restent très faibles
et le système de fonctionnement est largement critiqué par les
professionnels. Les startups souhaitent collaborer d'avantage avec les acteurs
de la filière musicale pour améliorer leurs services et
identifier leurs besoins face aux mutations. Ces derniers éprouvent des
réticences vis-à-vis de ces acteurs qu'ils rendent responsables
de leurs maux. Il est vital pour les professionnels de la musique de saisir les
enjeux de ces collaborations et de se rendre compte de l'opportunité que
ces startups représentent pour les aider à retrouver un
équilibre.
L'ensemble des acteurs de la profession doit se rassembler
pour trouver des pistes de réflexion afin de prendre en main leur
avenir, tout en collaborant avec les acteurs du numérique pour
pérenniser et s'adapter à ces bouleversements majeurs. De plus,
ces collaborations pourraient faire poids face aux géants de l'internet
qui tiennent les rênes, sans tenir compte de l'opinion
démocratique. Dans ce contexte, le pouvoir législatif a un
rôle important à jouer, dans le but que chacun puisse tirer son
épingle du jeu, et perçoive à sa juste valeur des
revenus.
61
BIBLIOGRAPHIE LIVRES
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François, Les musiciens dans la révolution numérique -
Inquiétude et enthousiasme, Paris, 2009, Irma éditions,
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numériques - Marketing, promotion, monétisation et
mobilité - 2ème édition, Paris, 2012, Irma
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Musiques actuelles : ça part en live - Mutations économiques
d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma éditions,
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TORREGANO, Emmanuel, Vive la crise du disque !, 2010,
Les Carnets de l'Info, 192p.
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chez les coiffeurs, dans les cafés, les grandes surfaces alimentaires et
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variété (« live ») », septembre 2014.
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IPSOS, « Les français et la musique », novembre
2013.
MILA, « Enquête Mila sur les labels », mars
à juin 2011.
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en France », annuaire du PRODISS, 2013/2014.
PRODISS, « Rapport d'activité janvier 2013 - 2014 -
Activité et enjeux du spectacle musical et de variété en
France », 2014.
SNEP, « Economie de la production musicale en 2013 -
édition 2014 », 2014.
Xerfi, « La mutation de la filière du spectacle
vivant », juin 2014 - rapport privé du PRODISS.
ARTICLES
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AUTET, Marie-Alix, « Musique, les artistes investissent
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» France, Grande-Bretagne, 1960-2000, Vingtième Siècle.
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BERNERS-LEE, Tim, « Le World Wide Web a 25 ans : retour
sur cette révolution », in Fédération
française des télécoms, mars 2014.
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un métier à la croisée des chemins », in IRMA,
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BEUVE-MERY, Alain, « Les artistes en guerre contre les
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14 janvier 2015.
BOUCHET Claude, « Hellfest 2014 : 10 chiffres pour
convaincre », in France 3 Pays de la Loire, 19 juin 2014.
BOURREAU, LABARTHE-PIOL, Marc et Benjamin, « Le peer to
peer et la crise de l'industrie », in Réseaux n°125, 2004.
CNV « La production de spectacles de musiques actuelles
en France de 2006 à 2009 », in CNV Info n°25, juin 2011.
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Unlimited annonce la création de Lagardère Unlimited Live
Entertainment », in Lagardère Unlimited, 5 avril 2011.
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streaming gratuit », in Le Monde, 26 mars 2015.
62
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», in La Scène, janvier 2015.
63
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dépasse les CD... et bientôt les téléchargements
», in Le Monde, 20 mars 2015.
REUTERS et STAPELTON, Shannon, « Les ventes de CD se sont
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2012.
REUTERS, « Le projet d'Apple inquiète l'Europe
», in La Tribune, 2 avril 2015.
ROBERT, Martine, « Après les Folies Bergères,
Lagardère met la main sur le Casino de Paris », in Les Echos, 1
avril 2014.
Romy Roynard, dossier «Branding Musical - quand les marques
associent musique et publicité », in My band news, 1
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SNEP, « Le marché de la musique enregistrée
rechute de 5,3% », in IRMA, 4 février 2015.
Stéphane Davet, « La France conquise par Live Nation,
numéro 1 du spectacle », in Le Monde, 26 avril 2010.
Thomson Reuter, « Live Nation et Vice préparent une
plateforme de contenu musical », in Reuter, 13 novembre 2014.
CONFERENCE
MaMa, « Quand les labels se font prestataires »,
octobre 2014.
INTERVIEWS
Philippe Nicolas et Malika Séguineau « Le
spectacle est aujourd'hui à un moment charnière », in IRMA,
5 novembre 2014.
64
SOMMAIRE DES ANNEXES
Annexe 1 : Interview de Patrick Schneider -
La Laiterie 65
Annexe 2 : Interview de Céline Seurin
- Habituée des concerts 66
Annexe 3 : Interview de Nicolas Williart -
Kaotoxin 68
Annexe 4 : Interview de Maryam Caillon -
Sherpah Productions 70
Annexe 5 : Interview de Emmanuel de Sola -
Universal Music & Brands 72
Annexe 6 : Graphique - Evolution du chiffre
d'affaires 76
Annexe 7 : Graphique - Répartition des
revenus du streaming 76
Annexe 8 : Interview de Gil Attali - Scorpio
Music 77
Annexe 9 : Interview de Michael Berberian -
Season Of Mist 78
Annexe 10 : Quel est le réseau social
le plus important pour un artiste ? 80
Annexe 11 : Page d'accueil du site internet
de Nous Productions 84
Annexe 12 : Le musicien est une startup comme
les autres 85
65
Annexe 1 :
INTERVIEW PATRICK SCHNEIDER - Directeur de La
Laiterie
1) Quelles sont les démarches pour qu'une salle
accepte d'accueillir un artiste ? Sous quelles conditions ?
Engagement sur qualité artistique.
Travail avec le plus possible de représentant
d'artistes.
2) Quelle est la proportion d'artistes émergents
et celle d'artistes confirmés dans votre programmation ?
50/50
3) Avec quels producteurs travaillez-vous le plus
souvent ? On travaille quasiment avec l'ensemble de la profession
française.
4) En termes de financement, quels sont les organismes
qui vous aident ?
Ville de strasbourg, partenaire principal
Etat - faible
Département - aide pour notre centre de ressources
uniquement
Region - non
Sacem - faible
5) Que pensez-vous de la nouvelle tendance «
live » ? On parle de quoi exactement ?
6) Que pensez-vous de l'activité 360° ?
Pas d'avis car pas assez d'informations sur ce sujet
7) A votre avis dans 10 ans, quelles seront les tendances
de consommation musicale ?
On va espérer que le spectacle vivant soit toujours dans
la tête des gens et pas seulement le résumé de
l'année sur l'un ou l'autre festival mais plutôt un public qui
s'intéresse aussi aux saisons construites par les structures.
66
Annexe 2 :
INTERVIEW CELINE SEURIN - Habituée des
concerts
1) Combien de fois par an allez-vous à des
concerts ? Environ 4 ou 5 fois par an (ça dépend
vraiment des années)
2) Par quels moyens êtes-vous informé des
concerts ? (flyers, affichage, Facebook...) Je suis informée
généralement par les réseaux sociaux
3) Pourriez-vous me citer le prix des places ? Du plus
faible au plus fort élevé ? 20 euros- 70 euros
4) Allez-vous en festival ? Lesquels ?
Hellfest 3 fois, Rock en Seine 1 fois, Sonisphère France
1 fois
5) Combien de kilomètres êtes- vous
prêt à faire pour voir une tête d'affiche ? Le fait
d'avoir voyagé pour aller voir un groupe ça compte? (Apocalyptica
en Finlande, et l'exemple le plus parlant là, Foo Fighters en Angleterre
donc environ 1000km)
6) Globalement, que pensez-vous du prix des billets
?
En France, nous avons la chance d'avoir les prix de place de
concert les moins cher de l'Europe (quand je vois les prix en Angleterre par
exemple, je me dit qu'on est pas si mal lotis ici!)
7) Etes-vous réceptif à la
découverte d'artistes ?
Oui, je suis réceptive mais j'ai plutôt tendance
à les découvrir en 1ere partie et je me trouve très
critique à leur égard, surtout quand elles ne me plaisent pas
8) Où découvrez-vous des artistes ?
(magazines, site internet...)
Rejoins un peu la 7 (pardon) je préfère les
découvrir en première partie de concert
9) Que pensez-vous des premières parties
?
Rejoins un peu la 7 et la 8 (re pardon ^^) Certains sont
complètement en accord avec le groupe et me plaisent tellement que je
vais les revoir ensuite (Black Stone Cherry par exemple) mais j'ai vraiment du
mal avec les groupes Français, surtout dans la branche rock/ metal Je
suis en général très critique sur les 1ere parties.
10) Vous arrives-t-il d'aller à des concerts
d'artistes que vous ne connaissez pas ou peu? Non c'est très
rare, ce serait un peu comme gaspiller de l'argent je trouve.
11) Regardez-vous des concerts en live direct ou en
rediffusé? Par quels moyens ? De temps en temps ça
m'arrive, notamment par Arte Live concert ou par YouTube directement.
Généralement je regarde des rediffusions de concerts auxquels
j'ai assisté, pour me remémorer les souvenirs.
12) 67
Etes-vous adepte des produits dérivés
?
Oui, je suis pas mal adepte des produits dérivés,
de quelque genre que ce soit mais le plus important ce sont les t-shirts de
groupe!
13) Que pensez-vous du co-branding ? (association des
marques avec des artistes)
Je ne connaissais pas ce terme avant...A voir, ça
dépend de l'usage qui est fait de l'image du groupe. Comme lorsqu'on
voit un logo/ image d'un groupe décliné sur une grosse chaine de
production et vendu dans des magasins de vêtements classique, et que ces
produits sont achetés par "n'importe qui"...ça, ça
m'énerve!
14) Sous quelle forme achetez-vous des albums
?
Je télécharge d'abord les albums des artistes qui
me plaisent et, si vraiment l'album me plait je vais aller l'acheter
physiquement! Lorsque c'est des artistes que j'aime depuis longtemps là,
la question ne se pose pas, je vais l'acheter dès le jour de la
sortie.
15) Par quels moyens êtes- vous informé de
la sortie d'un album ? Là, aussi réseaux sociaux puisque
les groupes que je suis font leur promo via ce biais.
16) Téléchargez-vous illégalement
de la musique ? Pourquoi ?
Je préfère avoir un aperçu de l'album avant
de l'avoir physiquement entre les mains, mais ça dépend des
artistes. Lorsque je vois que l'album me plait vraiment, là je vais
plutôt choisir de l'acheter physiquement.
17) Enfin, pensez-vous que l'industrie musicale soit
assez transparente ?
Euh transparente...je ne sais pas trop, je ne pense pas. On
entend beaucoup parler de ces industries qui "sucent" les artistes
jusqu'à la moelle. J'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. Sans
ces industries, je pense que malheureusement, ça serait un peu plus
compliqué pour sortir des albums mais que justement, elles savent que
les artistes ont besoin d'elles, donc elles en profitent en demandant des sous
aux artistes tout le temps.
68
Annexe 3 :
INTERVIEW NICOLAS WILLIART - Fondateur du label
Kaotoxin
1) Pourquoi avoir créé ce label ? Dans
quel besoin ?
Pourquoi pas? Cela fait près de 25 ans que je suis dans
ce milieu et mon expérience dans des domaines aussi divers que peu
artistiques (marketing, informatique, comptabilité, gestion
d'entreprise...) permettait d'envisager la création d'une structure de
façon assez concrète. Le but était donc d'allier
compétences et passion. Il n'y avait aucun besoin d'un label
supplémentaire, mais aucune interdiction d'en créer un
néanmoins :)
2) Combien de personnes travaillent au sein du label
?
Aucune (un bénévole, moi). Quelques
bénévoles ponctuellement, en cas de gros besoin.
3) Les artistes du label vivent-ils de leur musique ?
Non, et ça n'est pas près d'arriver (si ça arrive
un jour...)
4) En termes de financement, quels sont les organismes
qui vous aident?
Aucun. Par conviction personnelle: se faire financer, c'est
donner un droit de regard et donc de censure. L'art doit être libre ou ne
pas être. L'art financé est un art prostitué et à ce
titre n'est plus de l'art.
5) Est-ce que vous vous êtes adaptés aux
mutations du secteur ? Par quels moyens ?
Kaotoxin est né durant les "mutations du secteur". Je
sais donc où je vais en termes de chiffre d'affaire et n'ai donc pas
d'espoirs démesurés, ce qui permet de ne pas trop mettre en
danger l'aspect financier des choses.
D'autre part, même si la scène "Metal" a des
années de retard sur d'autres courants musicaux (Electro, par ex.) en ce
qui concerne le digital (le public "Metal" valorisera toujours plus un album en
CD avec des ventes médiocres qu'un single digtal qui cartonne...), nous
insistons beaucoup sur le digital en créant un catalogue de supports
physiques limités mais en nous assurant une distribution digital de
qualité et pérenne pour nos sorties, y compris après que
la version physique -s'il en existe une- soit épuisée.
Nous utilisons bien entendu les réseaux sociaux et
faisons notre possible pour diversifier autant que faire se peut nos sources de
revenus.
6) Quelles est votre stratégie de communication /
promotion pour faire connaître un album ou un artiste ? Avec quels outils
de communication ?
Le label se focalise sur des artistes émergeants ou
confirmés mais toujours en développement. A ce titre, nous ne
pouvons guère compter sur une fan-base établie pour ceux-ci et
tâchons donc de développer une image de marque pour le label, qui
soit aussi qualitative que professionnelle pour que les artistes du label y
soient immédiatement identifiés et ainsi susciter la
curiosité des fans du label.
Par ailleurs, nous avons de même une véritable
stratégie de diversification et un crédo voulant que nous ne
signons jamais deux artistes trop similaires, laissant ainsi à chacun un
véritable espace de développement au sein du label, avec chacun
sa "case", même si pour certains il est parfois de
69
différencier deux groupes d'un même "style", nous
avons pour autant une attention toute particulière au fait qu'ils soient
aussi dissemblables les uns des autres que possible.
Chaque artiste amenant au fur et à mesure "son" public
vers le label, les retombées se font alors sur tous les autres artistes
du catalogue pour peu que le dit public soit un peu curieux.
7) Quels formats utilisez-vous dans la commercialisation
d'un album ? Tous :) CD, LP, cassette, digital... tout dépend
de la sortie concernée.
8) Que pensez-vous de l'activité 360°
?
Je n'aime pas trop cette approche, même si j'en comprends
bien entendu le besoin lorsque des dizaines de milliers d'euros sont investis
dans la promotion d'un artiste, mais ça n'est pas notre cas et nous ne
la pratiquons donc pas.
9) Que pensez-vous de la nouvelle tendance « live
» ?
Elle est tout ce qu'il y a de plus virtuelle: comme toujours,
seuls les artistes établis en bénéficient et les autres
payent de toute façon le tour support s'ils veulent de la
visibilité où se produisent dans des caves à longueur de
soirées, devant un public plus épars que jamais. La
stratégie consistant à tout miser sur le "live" est une
stratégie à extrêmement long terme et est extrêmement
coûteuse pour des artistes émergents.
Nous avons au catalogue quelques projets "studio" (We All Die
(laughing), Miserable Failure...) qui ont les mêmes chiffres de ventes
que des artistes passant leur vie sur la route. En tant que label, peu importe.
Par contre, pour les artistes, s'ils se débrouillent correctement, le
live peut-être une source de revenus non-négligeable... mais il
faut avaler des dizaines de milliers de kilomètres et jouer des
années dans des conditions minables pour que ça commence à
fonctionner: c'est un investissement sur le long terme...
10) Ressentez-vous une concurrence entre labels
malgré le fait que chacun propose des artistes uniques ?
C'est comme dans n'importe quelle "société": tout
dépend des individus concernés. Nous avons de très bonnes
relations avec bon nombre de nos collègues là où d'autres
se placent plus dans une notion de concurrence. Tout dépend de
l'état d'esprit de chacun mais, dans un milieu où le
"gâteau" s'amenuise de jour en jour, il est compréhensible que
certains aient tendance à lorgner sur la part du voisin plutôt que
de leur prêter leur fourchette...
11) Quels pourraient-être ou sont les freins
à votre évolution ?
La Poste en est un gros, ces derniers temps. Le tarif des colis
ayant explosé, cela se ressent forcément sur la VPC et les
magasins fermant les uns après les autres, il est évident
qu'aucun mode de distribution de la musique sur support "physique" n'est
désormais plus accessible à tout un chacun, lorsque les albums
sont à 20 EURO dans le peu de magains qui restent et à 15 EURO
dont 5 EURO de frais de port en VPC...
12) Quelles sont au contraire, les opportunités
que vous voyez ?
Le digital peut en être une... mais à nouveau, c'est
une question d'état d'esprit et dans notre domaine particulier,
ça risque de prendre du temps :)
70
13) Selon vous, dans 10 ans, quelles seront les tendances
de consommation musicale ?
Les mêmes qu'aujourd'hui: streaming, download
légal ou non et support physique, même si ceux-ci prendront une
place de moins en moins importante dans l'équation. Le
développement de plateformes telles que Spotify ou Deezer se poursuit et
la qualité des connexions à Internet ne cesse de
s'améliorer. Aucune raison donc que ce ne soit pas un type de
consommation en croissance.
Annexe 4 :
INTERVIEW MARYAM CAILLON - Chargée de production
de Sherpah Productions 1) Combien de personnes travaillent au sein de
l'entreprise ?
2 : une personne chargée du booking et une autre
chargée de l'administration
2) Quels sont les principales différences
constatées entre avant et maintenant par rapport à la crise du CD
?
Lorsque je suis rentrée sur le marché
c'était déjà la crise mais selon mon ancien dirigeant, il
y a eu de gros changements car avant on décrochait des contrats sans
faire de prospection et avec la crise c'est impensable. Le réseau est
saturé.
Crise : rabattent sur la scène les artistes.
Ceux qui avaient du chiffre avant s'y retrouvent donc ça
s'équilibre : gagne-pain sur la scène
3) Comment avez-vu su affronter ces changements majeurs
?
Obligés de se battre d'avantage, ne rien lâcher,
adapter les prix. Les artistes émergents coutent moins cher : savoir
tirer son épingle du jeu. Plus une baisse de dotation de l'Etat
(prélèvements opérés sur le budget de l'État
et distribués aux collectivités territoriales).
4) En termes de financement, quels sont les organismes
qui vous aident ?
Aucun, nous souhaitons préserver cette
indépendance. Les aides attirent leurs bénéficiaires vers
le bas : les musiciens ne sont payés que trois fois rien alors qu'ils
méritent un salaire correct. L'intermittence appauvrit le milieu. Il
faut se tourner vers l'international car possibilité d'agir. On finit
par oublier que c'est un métier et qu'on a besoin d'en vivre et on pense
à l'envers, c'est-à-dire on croit que ce milieu n'a pas besoin
d'investissements, de revenus
etc. au même titre qu'un autre
métier.
5) Rencontrez-vous des difficultés à faire
programmer un artiste ? Type de salle : dépend l'artiste rock =
scène alternative / Chanson française = SMAC
6) Que pensez-vous de l'activité 360°
?
Inévitable car tout le monde se rabat sur le live pour
gagner de l'argent. Cela peut être dangereux pour l'artiste car par
exemple avec Arachnée on est pris au pied du mur et obligé
d'aller au bout de cette démarche mais d'un côté tant mieux
car tout est inclus. L'artiste devient dépendant donc c'est à
double tranchant. Quant aux petites structures, elles font toujours tout.
7) 71
Que pensez-vous de la nouvelle tendance « live
» ?
Le streaming ne rapporte pas assez pour le travail que ça
représente en amont c'est à dire le mixage, le
mastering, les photos etc. Il y a beaucoup d'acteurs à
rémunérer derrière donc pas intéressant.
Les concerts rapportent beaucoup : outils de communication comme
le merchandising jamais trop capables de mesurer les retombées.
Quand on vend un spectacle il nous coûte 120€ net et
en brut 150€, ensuite on multiplie par 5 + techniciens, somme à
mesurer avec charges sociales. Les techniciens coutent plus cher. VHR (hors
véhicule etc.) on budgète combien ça va nous couter =
marge à dégager.
Lorsqu'on négocie avec le programmateur, il faut se fixer
une barre qu'il ne faut pas dépasser pour arriver à cette marque.
Il faut arriver à vendre pour que chacun s'y retrouve.
Je crois beaucoup en internet et je suis en attente du nouveau
système qui permettra de rééquilibrer le secteur.
8) Quels pourraient-être ou sont les freins
à votre évolution ?
Tous les artistes cherchent un tourneur, compliqué de
créer un fil rouge pour le catalogue artiste, c'est compliqué.
Des boites ne faisaient pas gaffe comme hard rock et chanson françaises,
d'autres avec juste du jazz.
Quelle image on veut avoir ? Se faire passer pour agent ? Petite
boite de production ?
Le tourneur ne fait plus de contrat juste en écoutant un
CD : il veut voir l'artiste sur scène.
9) Selon vous, dans 10 ans, quelles seront les tendances
de consommation musicale ?
Bonne question, on se la pose tous. Je pense qu'il n'y aura plus
beaucoup de frontières, que les artistes français ont
intérêt à s'exporter car dans 10 ans la Chine va rentrer
sur le marché, l'Inde aussi et l'Afrique aux très fortes
richesses musicales qui se réveille tout doucement.
Très vite se tourner à l'international. Le
français s'exporte beaucoup, rayonnement a l'international. La French
Touch a vraiment un truc, exploiter l'image particulière à la
française.
Les petits qui restent sur eux-mêmes très dur pour
eux.
72
Annexe 5 :
[Dossier] Les enjeux du branding musical
selon Universal Music France - Publié le 3
décembre 2014 par Romy Roynard.
Troisième partie de notre dossier sur le
branding musical (partie 1 -partie 2), l'un des
enjeux majeurs de l'industrie et de l'économie musicales modernes que
nous avons choisi d'expliquer. Nous avons rencontré
Emmanuel de Sola, le Directeur commercial d'Universal
Music & Brands, à l'occasion du festival Black
XS.
MyBandNews : Les études comme The Strategic
Integration of Music Branding and its Evolution montrent que le branding
musical est devenu l'un des moyens pour l'industrie musicale de compenser la
baisse des ventes physiques et que d'une manière plus
générale la musique permettrait un meilleur engagement du
consommateur type. Est-ce que ce sont des tendances que vous avez pu observer
?
Emmanuel de Sola : L'intégration du
branding et des partenariats avec des marques est pour nous une
réalité depuis 15 ans. Nous avons été les premiers
à construire notre marque en dehors du spectre musical, en proposant des
forfaits mobiles avec des offres spéciales jeunes qui portent notre
marque. Pascal Nègre a été visionnaire en plaçant
Universal Music à la fin de tous nos spots de pubs tv pour en faire en
France une marque qui est devenue une référence auprès
d'autres marques et radios. Nous nous y intéressions bien avant que l'on
parle du digital et de la chute éventuelle du marché.
Une maison d'artistes comme Universal c'est avant tout
entourer les artistes avec un maximum de services. Les marques, c'est un
savoir-faire développé pour faire des économies
d'échelle à travers nos clips, développer la recherche de
sponsors à l'occasion du lancement d'un album. Ensuite se pose la
problématique de mettre ce savoir-faire au service des marques, qui sont
très attentives à ce qu'on les considère comme des clients
au moins autant considérés que nos labels et nos artistes.
Parfois nous sommes amenés à traiter des problématiques
100% marques et à réanalyser notre métier de leur point de
vue. C'est comme cela que l'on crée des partenariats stratégiques
comme Black XS, où l'on considère le point de vue de la marque,
en fonction de son budget, de son timing, de ses réalités
métiers, de ses contraintes. Ce qui a changé c'est que nous avons
maintenant deux approches : servir au mieux les intérêts de nos
artistes et réfléchir pour certaines marques à la
construction stratégique d'événements sur lesquels nous
sommes parfois co-investisseurs.
MBN : Dans une infographie Universal Music
publiée en juin 2014 (ci-dessus) vous avancez que 71% des 13-15 ans, 52%
des 16-25 ans et 50% des 25-34 ans aiment voir leur artiste
préféré associé à une marque. Avez-vous
l'impression que le public cible a changé ? Les efforts des
publicitaires se sont-ils déplacés vers un public plus jeune
?
EDS : Oui j'en suis convaincu. C'est une
réalité déjà quand on voit un public très
jeune et la rapidité à laquelle ils sont confrontés
à des écrans. L'ouverture du domaine des marques pour des cibles
plus jeunes est encore un tabou dans la publicité, mais c'est une
réalité. Et la musique fait très tôt partie
73
de la vie des plus jeunes, on est donc amenés à
travailler ces problématiques-là. On travaille plutôt sur
des cibles jeunes de 15 à 25 ans, mais ce qu'il faut comprendre c'est
que les jeunes sont aussi une cible prioritaire pour les marques qui partent du
principe qu'une fois les 13-15 ans captés, ils lui resteront
fidèles. On est plutôt dans un traitement universel, et c'est cela
qui plaît aussi aux marques : la musique n'est pas segmentant,
contrairement au sport par exemple, qui est puissant mais segmentant.
MBN : Ça ne pose pas de problèmes
éthiques aux marques et aux labels de s'intéresser à un
public de plus en plus jeune ? C'est légitime si l'on considère
qu'il commence à consommer de plus en plus tôt mais on pourrait
aussi penser que c'est un public cible peut-être plus
influençable...
EDS : Aujourd'hui ces frontières en
termes d'âge n'existent plus. Maintenant les enfants accèdent
très rapidement aux devices tactiles et peuvent trouver un artiste ou
une chanson sur Google dès 4 ou 5 ans. Quelques années plus tard
leurs goûts sont encore plus affirmés et ils se dirigent vers des
labels de musique qui sont liés à certaines marques de
façon je pense légitime.
MBN : Comment convaincre un artiste d'être
associé à une marque en particulier et comment proposer ce
conseil aux marques ? Est-ce que la marque vient vers vous pour obtenir des
conseils ou vient-elle après avoir mené des études de
marché ?
EDS : C'est une vraie collaboration. Plus on
travaille avec une marque et mieux on la comprend, mieux on comprend ses
produits, ses contraintes, sa philosophie d'entreprise. Les partenaires dans un
premier temps ont souvent des idées assez arrêtées puis se
laissent convaincre pour de bonnes raisons, quand on échange sur la
faisabilité de telle ou telle association avec un artiste. On
évite aujourd'hui la démarche d'associer une marque à un
artiste en particulier. Nous avons chez Universal une base de données
qui nous permet de traiter beaucoup de data. Il y a des artistes que l'on
appelle les no-brainers, tout le monde les veut. Néanmoins si on peut
construire des projets avec des artistes très connus, les marques
n'auront pas autant de latitude avec eux qu'avec des artistes émergents.
Nous savons à l'avance ce qu'ils vont devenir, on peut leur dire «
dans 6 mois au moment où on fera l'opération cet artiste sera
connu ». Un exemple récent avec Lily Wood and The
Pricks pour le festival Black XS : au moment où nous avons
discuté de la programmation le groupe n'était pas au niveau
auquel il est aujourd'hui, c'était une vraie prise de parti sur le
potentiel du groupe. La marque nous a fait confiance et a eu raison : au moment
où le festival a eu lieu le groupe avait émergé.
MBN : Justement ces données, comment les
collectez-vous et lesquelles analysez-vous ? Est-ce que ce sont les
interactions des artistes avec leurs fans sur les réseaux sociaux, les
partages de contenus que vous pouvez observer, ou alors l'expérience
d'un label qui permettent de deviner le succès d'un artiste
émergent ?
EDS : Le développement d'un artiste,
c'est très long. Il y a plusieurs étapes non visibles du grand
public mais pour nous il y a des indicateurs très forts : la radio est
très importante, les réseaux sociaux, la tv, la presse... les
métiers de promotion sont le coeur du réacteur. Dans un label un
tiers
74
des effectifs sont dédiés à promouvoir
les artistes, à passer des coups de fils, à présenter
l'artiste, son disque et son histoire. Pourquoi plein d'artistes signent chez
nous ? C'est avant tout parce qu'ils savent que derrière il y a une
machine très puissante dans le bon sens du terme. Pour le service aux
marques, on propose soit la grosse machine, et les tubes que tout le monde
connaît, soit au contraire nous allons chercher un groupe plus pointu,
moins connu. Ca peut rassurer d'avoir une grosse machine, mais ce qui compte
aujourd'hui c'est que le groupe joue le jeu, qu'on ait du temps avec lui. Les
marques investissent beaucoup dans les partenariats, du temps, de l'argent, des
médias... il faut que l'implication soit équivalente de l'autre
côté. Quand on choisit pour un partenariat un groupe qui
émerge, il est plus disponible et enthousiaste de s'associer à
une marque qu'un artiste plus établi qui a un planning
surchargé.
MBN : Est-ce que certains artistes ont refusé
d'être associés à une marque ou un projet global que vous
organisiez ?
EDS : Oui. Ca arrive assez
fréquemment. On va dire que ça arrive trop souvent, mais ce n'est
pas assez significatif pour empêcher les projets d'être
menés à bien. Nous avons la chance d'avoir assez d'artistes dans
notre catalogue et des relations avec d'autres majors qu'Universal pour pouvoir
honorer toutes les problématiques qui nous sont proposées. Les
histoires de partenariats entre marques et célébrités
s'écrivent sur le long terme. C'est pour ça que l'on
privilégie les constructions de projets stratégiques à
long terme.
MBN : C'est ce que RedBull par exemple a très
bien fait, notamment par la création de la RedBull Music Academy qui a
en théorie la fonction de servir la promotion d'événements
et d'artistes émergents. Ils se sont éloignés de l'image
première de la marque pour l'associer à la musique, après
n'avoir été que sponsors les premières années, ils
sont devenus acteurs.
EDS : Tout à fait. Mise à part
que le mot « sponsor » n'existe plus dans mon langage. On parle
maintenant plus de partenaires, on évite le terme de sponsoring dans la
musique. Une marque ne cherche pas à apporter uniquement du
numéraire, et d'ailleurs certaines marques se développent et des
équipes de communication sont créées autour des
partenariats pour nous aider à faire connaître la marque et sa
stratégie. Le plus souvent nous travaillons avec des marques qui n'ont
pas la capacité de créer ces équipes à long terme,
et on se substitue à ces équipes.
MBN : Diriez-vous que le sponsoring n'existe plus non
plus même pour des petits festivals que des marques plus modestes
soutiennent financièrement dans leur développement ou par du
placement de produit comme ça se fait encore beaucoup dans les pays
anglo-saxons ?
EDS : Oui ils sont sponsors, ou plutôt
fournisseurs officiels. Il y a une interaction avec le produit. C'est
provocateur évidemment de dire que le sponsoring n'existe plus, et c'est
volontaire de ma part. Aujourd'hui les marques investissent du temps, de
l'argent, des ressources, mais souhaitent des manières intelligentes de
s'investir, des touch pointsnouveaux. Rares sont les situations
où les
75
marques se contentent d'une simple bannière, et c'est
légitime. Elles veulent écrire une histoire avec les artistes et
le public.
Les marques veulent écrire une histoire avec les
artistes et le public.
MBN : Si on prend l'exemple du festival Black XS qui
est une marque non directement liée à la musique,
l'événement serait donc un moyen de connecter un public cible
à la marque, par le biais du médium universel qu'est la
musique.
EDS : Pacco Rabbane avait créé
un label de Hip-Hop il y a très longtemps. Le lien entre la musique et
le créateur Pacco Rabbane existe depuis le début de la marque.
D'une manière générale, il faut être pragmatique et
faire des choix en fonction des moyens. Le but est d'émerger le plus
fortement possible. Plus une marque est flexible et considère qu'elle va
s'investir dans la durée dans un domaine qu'est la musique, plus elle
est gagnante. Black XS par exemple est un projet à long terme qui paye
aujourd'hui. Si chaque année on avait mis en question la collaboration,
la manière de travailler, on n'en serait pas là où on en
est aujourd'hui.
MBN : Quels sont les enjeux en terme de communication
d'un festival comme Black XS ? Avez-vous des retombées
économiques réelles ou est-ce un simple événement
dans le cadre d'une campagne
promotionnelle ?
EDS : Plus aucune marque en 2014 ne fait des
événements pour en faire des Press Powerpoint
auprès de la direction. Les stratégies sont
très précises. Il faut avoir des retombées et créer
un message qui est plus affinitaire en touchant des cibles qui sont de moins en
moins sensibles à la communication classique. La programmation du
festival permet d'avoir l'image la plus pointue possible et de trouver cet
équilibre juste pour que la présence très forte d'une
marque sur une affiche ne soit plus répulsive et ne soit plus
vécue comme un compromis commercial. Black XS fait partie de ces marques
qui à long terme deviennent de véritables acteurs dans le domaine
musical, et peuvent se permettre plus d'audace. Les équipes de Black XS
ont une maturité qui permet de monter ce genre
d'événements de manière aussi équilibrée.
Annexe 6 :
76
Annexe 7 :
77
Annexe 8 :
INTERVIEW GIL ATTALI - Directeur de promotion du label
Scorpio Music
1) Combien de personnes travaillent au sein du label
?
5
2) Les artistes du label vivent-ils de leur musique
?
Ça dépend de leur succès
3) En termes de financement, quels sont les organismes
qui vous aident ? la SPPF, syndicat des producteurs
indépendants
4) Est-ce que vous vous êtes adaptés aux
mutations du secteur ? Par quels moyens ? Aujourd'hui, pour nous
INDÉPENDANT, c'est vital d'être sur le numérique.
Ventes et streaming ( itunes- youtube, deezer, spotify...) ,
c'est notre plus grosse source de revenu !
5) Quelle est votre stratégie de communication /
promotion pour faire connaître un album ou un artiste ? Avec quels outils
?
Essentiellement, Facebook. Bien entendu, il y en a d'autres, les
classiques, la presse, la télé, la radio.
6) Quels formats utilisez-vous dans la commercialisation
d'un album ? Nous, le numérique. Mais le CD existe encore pour
les sorties événementielles.
7) Que pensez-vous de l'activité 360°
?
C'est une opportunité pour les maisons de disque, mais
ça ne dure pas longtemps pour les artistes qui explosent.
8) Que pensez-vous de la nouvelle tendance « live
» ?
Il n'y a pas de tendance LIVE, les concerts ont toujours
existé, les gros artistes remplissent, les autres ont beaucoup de mal
ou...annulent !!
9) Ressentez-vous une concurrence entre labels
malgré le fait que chacun propose des artistes uniques ?
Il y a toujours de la concurrence mais elle est totalement
impalpable, presque amicale, ce n'est qu'une source de motivation.
10) Quels pourraient-être ou sont les freins
à votre évolution ?
Il n'y a qu'un seul frein connu pour les maisons de disque et
les artistes d'ailleurs, c'est le piratage, le vol.
11) Quelles sont au contraire les opportunités
que vous voyez ?
L'avènement du streaming est sûrement un point
très positif pour le développement d'un artiste et de la maison
de disque.
12) Selon vous, dans 10 ans quelles seront les tendances
de la consommation musicale ? OH ! J'ai bien peur que les ventes de
disques ne soient qu'un phénomène rare. Il n'y aura
peut-être plus que le streaming.
78
Annexe 9 :
INTERVIEW MICHAEL BERBERIAN - Directeur du label Season
Of Mist
1) Pouvez-vous me donner une proportion du nombre
d'artistes dans votre label, qui vivent de leur musique ?
25%
2) En termes de financement, quels sont les
organismes qui vous aident, faites-vous partie d'une union de
professionnels?
Indépendant, on ne fait pas partie du cercle
institutionnel qui ne prend pas en compte la qualité artistique.
3) Comment avez-vous réussi à
pérenniser dans un contexte de crise ?
En s'exportant, en faisant l'inverse des autres labels ultra
subventionnés, on est basé sur un marché
franco-international, il faut se diversifier, je pense qu'on est dans les plus
gros exportateurs, on s'est développé à
l'international.
4) Quelle est la part des
téléchargements et du streaming ainsi que la part des ventes de
CD dans vos revenus ?
Je pense que notre label est l'un des derniers bastions du
physique, en moyenne un groupe c'est 70% digital 30% physique ou 70% physique
et 30% du digital, parfois public plus jeune à exception ou la 50%
numérique et CD.
Engel, par exemple, a un public de moins de 20 ans qui est
à fond digital sinon les 30 ans sont très peu digital, ça
dépend de la tranche d'âge.
5) Que pensez-vous du 360° artiste ?
Apportez-vous des services supplémentaires à vos artistes que la
promotion ou la distribution ?
On est aussi distributeur d'autres labels donc ça n'a
rien à voir, je peux comprendre dans le cadre d'une majors car budget
énorme avec plein de gens qui travaillent. Un coût peu
absorbé par ventes de disques donc normal de prendre des parts sur tous
les revenus. La partie recording ne paiera pas l'investissement de la
majors : coûts monstrueux 80% de groupes ou ils vont perdre et 20% qui
gagnent donc il faut gagner sur eux. Pour l'artiste c'est dégoutant mais
s'il devait lui-même payé 40 personnes ça lui couterait
plus cher. Perte de revenus depuis 15 ans et le digital qui reste mal
payé. Les majors de toute façon sont là pour faire du
fric.
6) Que pensez-vous du recours au branding
musical pratiqué par Universal par exemple afin de pallier au manque
financer dû à la chute des ventes de CD ?
Ça se faisait avant déjà, toujours fait
partie, avant disco en permanence on était obligé d'en entendre,
en martelant on rend n'importe quoi populaire, les majors ont les moyens
promotionnels de le faire. À notre niveau pas la même philosophie
car musique de connaisseurs, plus qualitatif.
7)
79
Quels sont les freins à votre évolution,
par exemple au niveau législatif ou comportement du
consommateur?
Législatif : surtaxés sinon nous aurions plus
de personnel. Nous sommes dans le TOP 5 des plus gros labels
indépendants et le seul qui ne dispose d'aucune aide. Moins le
gouvernement s'implique mieux c'est pour moi. Mes concurrents aux Etats-Unis
n'ont pas d'aides de toute façon. Plus ils nous foutent la paix mieux je
me porte. Plutôt d'avoir un mec que je pourrais avoir en France et le
former, je suis obligé de le prendre aux Etats-Unis car les taxes sont
moindres et il n'y a pas les 35 heures.
2ème frein : la partie culturelle éducative,
mercredi je pars en Norvège à l'Inferno Festival, le gouvernement
me paye le billet d'avion pour que j'aille parler de mon métier et ce
n'est pas le seul pays, il y a aussi l'Islande, le Canada... Jamais une
université française ne m'a contacté pour donner des cours
alors que j'aimerais bien pourtant. En France il n'y a aucune école
capable de former correctement à ce métier et à
l'international. Le côté français me dégoute.
8) Quelles sont au contraire les opportunités que
vous voyez pour continuer de pérenniser?
13 ans que j'ai ma société aux US ou j'ai de
nouveau signé avec SONY. Levier à 6 personnes aux Etats-Unis. 17
en France et ça va s'aggraver. Au US pas de
délégués syndicaux, pas de 35 heures. D'ici 4-5 ans je
partirai...
9) Selon vous, dans 10 ans, quelles seront les
tendances de consommation musicale?
Spotify et Netfix sont le futur. Ce système va
être sur tous les appareils mobiles. Si tous les gens qui avaient un
abonnement paieraient un dollar (selon une étude) ça remettrait
à la gloire la musique. Maintenant que tout le monde consomme
gratuitement, Deezer sur Orange partie de l'abonnement qui paie Deezer. Suffit
de répartir de façon égale : quand on aura tous de la 4G
la radio va mourir car on fera ça sur playlist mais la qualité
qui s'améliore donc ça va arriver. Besoin d'un système
global, les fournisseurs d'accès, les googles ont tellement
fait d'argent sur notre dos. Google pour le piratage ne voulait pas retirer les
liens torrent ni fermer Megaupload ils veulent le tout gratuit : pourquoi faire
des disques durs de un terra maintenant ? C'est pour la musique et les
séries téléchargées ! Mais c'est en train
d'évoluer un petit peu avec Spotify petit à petit. La
qualité des infrastructures où tout le monde n'a pas une super
connexion avec la fibre, quand ça va se développer tout le monde
y sera. Il faut laisser le temps à Spotify, après tout ils n'ont
que 5 ans.
80
Annexe 10 :
Quel est le réseau social le plus important
pour un artiste ? PAR VIRGINIE BERGER ·
15/12/2014
Ces dernières semaines, j'ai fait
beaucoup d'interventions pour l'Agence DBTH sur les
stratégies digitales: A Lausanne pour le Bureau Export
Suisse, au CIFAP, au Luxembourg pour Sonic
Visions ou dans le cadre d'un workshop Twitter avec le Fair et
Ricard S.A Live Musique.Et à chaque fois les mêmes
problématiques: Entre Facebook, Twitter, Youtube, Instagram,
Vine et les autres, faut-il être partout, un peu partout ou
nulle part? Ou y être plus tard, à un autre stade de
développement?
Tout d'abord dans cet article, on va parler
des réseaux sociaux généralistes, comme Facebook,
Twitter, Instagram, Vine ou Youtube. On ne parlera
pas ici de Soundcloud ou Bandcamp, qui sont
d'ailleurs des sites communautaires et non des
réseaux sociaux. Je ne parlerai pas non plus de tous
ces réseaux sociaux qui débarquent tous les jours pour les
musiciens. Sur ce sujet, on va attendre un peu avant de formuler un avis. C'est
hyper important de garder du recul sur toutes ces start-up plus ou moins
foireuses (par exemple relire cet article..) qui n'ont majoritairement qu'un
seul objectif: valoriser leur business sur le dos des créateurs. Sans
parler des services gérés par des grosses marques mainstream qui
arrivent là pour se donner une image tendances cool `indé-ghetto'
alors qu'ils en n'ont rien à faire...
On se concentre donc sur le premier cercle des plates formes
dans cet article, celles qui s'adressent à tous, à savoir vous et
votre public. Et on ne va pas revenir sur pourquoi les réseaux sociaux
et autres, on va vraiment se pencher sur quelle utilité.
Que se passe-t-il sur internet en 60 secondes ?
Même si les techniques restent toujours un peu
les mêmes, les plates-formes et les contenus n'arrêtent
pas de changer. Le contenu provient maintenant de deux sources: celui
généré par l'artiste directement (nouveau titre, video,
coulisses, live...) et celui généré par le public (ce
qu'on appelle l'UGC, User Generator Content), et qui devient
l'autre moitié de l'histoire. Ces contenus produits par le public
deviennent une extension de la communauté. Par exemple, vous allez RT
(retweeter = partager sur Twitter) des photos prises en concert par le public,
reposter des videos faites sur Vine à l'exemple du mur de Vine
créé par Depeche Mode. Ils demandaient au public de tweeter leurs
videos vine avec le #DMtour, ils récupéraient ensuite les videos
pour les agréger et les mettre en avant sur un site dédié,
avec l'identifiant du fan bien sûr!
Quand on commence à réfléchir
à sa stratégie de promotion, on se pose souvent la
même question concernant les réseaux sociaux. Où aller? La
réponse n'est pas si simple car tout ce petit monde évolue
constamment, d'un point de vue technologique, acteurs, utilisation et
consommateurs.L'utilisation des réseaux sociaux doit s'inscrire dans une
stratégie marketing globale construite avec des objectifs à
atteindre (réalistes!) et en adéquation avec une cible bien
définie. Et elle doit rester réaliste (je
répète)...
Autre chose, travailler sa présence sur les
réseaux sociaux demande du temps, et une vraie présence.
A savoir que cela doit être vous (ou quelqu'un qui vous connait
suffisamment et qui est
81
suffisamment proche pour poster photos et vidéos. Les
comptes tenus par d'autres avec simplement des relais vers d'autres pages (je
pense aux comptes twitter d'artistes qui ne font que relayer des url Facebook)
ne servent pas à grand-chose. Il est aussi préférable que
vous soyez à l'aise sur un réseau, que vous le maitrisiez
plutôt que de vous forcer à tout faire, comme des devoirs..
1. Que faire avec Facebook?
Au fur et à mesure, j'en suis venue à ne
plus conseiller de démarrer par une page Facebook lorsque vous
êtes un artiste en développement. A savoir que
réussir à monter une communauté sur Facebook quand vous
démarrez, que vous n'avez pas forcément de contenus, ni de
concerts, ça ne sert pas à grand-chose. La page Facebook arrive
dans une 2e temps...Quand vous avez réussi à convaincre lors d'un
concert par exemple et que l'on commence à vous chercher. Mais pas sur
un démarrage, plutôt vraiment dans une deuxième temps. Je
ne parierai même pas sur l'utilité de Facebook pour les
indés dans les années à venir...Je m'explique:
Dans son article «Facebook et Twitter
officiellement saturés l'auteur publie une étude de
Forrester Facebook Has Finally Killed Organic Reach. What Should Marketers Do
Next?. démontrant que qu'un message posté sur sa page n'est
diffusé qu'auprès de 2% des fans, et seul 0,073% des fans
interagissent avec une publication.
Dans ces conditions, pourquoi continuer à
tenter de créer une fan base sur Facebook, à
dépenser temps et énergie (et argent si vous faîtes de la
pub?)?. L'auteur de l'étude préconise d'implémenter des
fonctions sociales sur son site plutôt que de faire la chasse aux fans.
Une préconisation qui repose sur ce classement des points de contact
préférés des consommateurs :
Le site web reste donc, de loin, le
moyen préféré du public pour rentrer en
contact avec une marque (45 % des répondants), la page Facebook ne vient
qu'en cinquième position avec 16 %.Et ça, c'est aussi ce
que nous disons sur ce site depuis fort longtemps. Votre base, votre
1ere étape, c'est votre site. Seul votre site web vous appartient,
contrairement à tout ce que vous publiez sur Facebook ou à votre
communauté de fans (qui peuvent disparaître du jour au lendemain
si Facebook décide de fermer votre page). Ce qui a le plus de valeur ce
sont les adresses e-mails collectées (soit la base de fans, soient les
personnes qui laissent leur adresse mail pour s'inscrire à la newsletter
ou télécharger des titres, acheter des billets..).
Dans cet article, on avait aussi parlé de la
nécessité d'un site (par site, on entend toutes
plateformes web, tumblr, etc....) Je vous résume les points essentiels
du site vs Facebook:
1. Se démarquer
2. Etre indépendant dans son marketing:
3. Analyser le trafic et concevoir une mailing list
qualifiée
4. Gagner de l'argent
Et autre petite chose. Il y a quelques temps,
je devais mentionner un groupe dans différents communiqués pour
une marque. Sauf que ce groupe n'a pas de site...Il n'a qu'une page Facebook et
une chaine Youtube. Au final, je ne donnais que son url Youtube. Car ce qu'on
veut, c'est écouter la musique, pas chercher sur une page un
éventuel post en parlant...
2. 82
Vine Et / Ou Instagram?
Il y a quelques jours, Instagram a
annoncé avoir dépassé les 300 millions
d'utilisateurs d'actifs. Et bien entendu, Twitter n'a
forcément pas pu échapper à la comparaison, ce qui est
quand même fort étonnant car les deux services proposent des
services totalement incomparables. D'autre part, les chiffres fournis par
Facebook (qui détient Instagram) ne sont pas hyper clairs, car ils
n'englobent pas seulement les internautes s'étant effectivement
connectés sur Instagram durant la période concernée mais
Facebook y ajoute d'autres internautes, dont certains ne s'étant pas
connectés à ses applis ou son site Web (en fait, sont
rajoutés ceux qui passent par Facebook par un moyen ou un autre via
Facebook Connect). C'est un peu la même chose pour Google + qui ajoute
à son nombre d'utilisateurs ceux obligés de passer par G+ pour se
connecter à Youtube. Comme le dit joliment Ev Williams, le co-fondateur
de Twitter, «Franchement, je n'en ai rien à foutre qu'Instagram
ait plus de personne regardant de jolies photos »
Bref, revenons à Instagram et à
Vine. Sur Instragram, bon c'est sympa de poster des photos, mais
même si les taux d'engagement sur Instagram sont bien supérieurs
aux autres plateformes, quel type de relations sociales peut-on
réellement construire avec des photos ? Instagram est
une plateforme mobile de partage de photos, elle doit être
exploitée en tant que telle, notamment à des fins d'image, de
visibilité, de jeux mais pas pour construire sa fan base. Instagram va
plutôt permettre de l'entretenir. A noter que si vous postez Instagram
sur Twitter, le lien pour voir la photo oblige à quitter Twitter et la
photo ne s'affichera pas dans la galerie photo, donc ce n'est pas top comme
bonnes pratiques, il faudra aussi poster via pic.twitter.
Concernant Vine, je suis très
très fan du format 6 secondes qui tourne en boucle qui a remplacé
chez les annonceurs le format 30 secondes. J'adore le format, ultra
créatif et en même temps très simple, qui permet de filmer
et poster directement sur Twitter et Facebook (par exemple, 35 exemples de tout
ce que font les artistes avec Vine. ) Un autre bon exemple est l'utilisation de
Vine par le groupe Us signé par Sony depuis. Ils ont
préféré démarrer sur Vine avec des reprises,
extrait de leurs titres avant d'emmener les utilisateurs vers leurs pages. Au
final, 494,243,572 loops (nombre de vues sur les videos), et 4,3 millions de
followers. L'avantage de la video étant le son et l'interaction...de
nombreux artistes utilisent Vine pour répondre aux questions (parmi eux
Nick Cave ou Mac Cartney..), filmer le live, jouer quelques secondes en
backstage...
Donc que faire? On le disait, ce ne sont pas
de devoirs, donc aller vers ce qui vous semble le plus simple à
gérer au quotidien. Les deux sont des appli mobiles. Tout dépend
de votre degré de développement. Je pense que les videos
permettent de mieux construire une base fan (je vous rappelle les degrés
d'interaction avec les videos x 35%, pensez image et son), les photos
permettant d'entretenir.
3. Google+?
Well well well, que penser de Google +?
Quand le service a été lancé en
2011, on espérait tous qu'il allait devenir le réseau
social que l'on choisit. En fait, Google + est le
réseau social qu'on utilise en dernier recours, un peu parce qu'on est
obligé. Et même si Google n'a pas gagné son pari de
supplanter Facebook Google Plus reste utile à Google comme un service
d'identité par lequel l'entreprise peut mieux suivre ses utilisateurs
via des
83
services comme YouTube, Gmail
etGoogle Maps. A savoir que Google reste quand
même les maîtres de la data...
Donc comment l'utiliser? perso, j'ai mis un
bouton sur mon site relié à mon profil google+
qui me permet de poster directement un article sur mon compte sans
perdre plus de temps, référencement oblige. Google
Hangout permet aussi de faire des videos de live, outil que vous
pouvez utiliser dans un contexte un peu événementiel, comme par
exemple faire un titre en live, acoustique ou studio que vous souhaitez
partager en live...
4. Alors quel réseau social
utiliser?
Il faut que celui-ci réponde à 4 points:
live, public, conversationnel et contenus visuels. Donc je dirais
Twitter, Vine et/ou Instagram et YouTube. Youtube, 1ere
plate-forme de découverte de la musique dans le monde, il n'y a
même pas à réfléchir, vous devez poster
systématiquement votre musique, accompagnée d'une vidéo,
lyrics ou même juste avec une photo en fixe suivant vos budgets.
Sur Facebook, cela peut devenir intéressant lorsque
vous commencez à avoir un contenu à poster sous la forme 4/7 fois
par semaine et que vous commencez à avoir une petite fan base. Mais
Facebook ne démarrera que lorsque vous aurez démarré dans
la vraie vie.
Soyons clair, Facebook est un formidable levier de
visibilité pour les gros artistes, ou un très bon levier
de proximité pour les artistes locaux, mais ne convient pas aux artistes
entre deux, soit la majeure partie, qui se retrouvent dans le ventre mou, une
zone très inconfortable d'où il est très difficile
d'émerger. Dans cette optique, il est en effet préférable
d'abandonner toute ambition d'avoir des millions de fans, et d'exploiter
Facebook plus tard, comme support publicitaire.
Mais pour un artiste ayant une vie bien
remplie, Twitter est génial car vous pouvez communiquer avec
des gens tout en restant authentique. Les «gens», ça veut dire
professionnels, media, autres artistes et public. C'est à dire que vous
pouvez developper votre présence professionnelle, vos contacts pro et
votre relation avec le public. Sans compter le potentiel de viralité des
tweets, à savoir de twitter vers média...Et de plus en plus
d'artistes ne s'y trompent pas et ne communiquent quasiment plus que sur
Twitter (gardant Facebook pour le côté plus «institutionnel).
D'autres ne mentionnent que leurs flux d'infos Twitter sur leur site, comme sur
celui de Dominico Curcio. Vous pouvez intégrer votre musique, video,
vendre, vous connecter avec tout l'écosystème.
Un exemple dans ce billet de blog de ce que vous
pouvez faire avec les audiocards, que Twitter vient
de lancer pour accompagner au mieux les artistes. Idem avec la cards iTunes qui
va vous permettre de vendre directement sur Twitter. Twitter s'est aussi
associé avec le Billboard pour proposer des charts précis. Ici
les titres les plus tweetés en 2014.
La majorité des fans de musique commencent
à y venir. Tous les indicateurs montrent que les modes de
consommation et d'achat tendent à supprimer au maximum les
intermédiaires entre le producteur et le consommateur. Même si un
groupe ne va pas beaucoup communiquer, developper sa base fan et vendre au
début, il a tout intérêt à se familiariser avec les
outils dès maintenant (et à démarrer la création de
sa visibilité).
Sur tous les outils existants je vous renvoie vers cette
infographie, publiée il y a quelques semaines, mentionnant tous les
outils existants.
84
Annexe 11 :
Page d'accueil du site internet de Nous Productions
85
Annexe 12 :
LE MUSICIEN EST UNE STARTUP COMME LES AUTRES
PAR VIRGINIE BERGER · 29/10/2014
La semaine dernière, j'ai eu la grande
joie d'être invitée sur Rethink Music à Berlin, l'un des
événements mondiaux les plus pointus sur les music/tech. Il est
organisé par le Midem, Berklee Music School et l'IE Business
School, et se tenait à la Factory à
Berlin. J'ai pu faire partie du Jury sur le concours de
startups (une startup française, Meludia, a d'ailleurs
terminé 2e youpi), mais j'étais surtout intervenante sur le panel
artiste entrepreneur. Et au final, un artiste, ça ne serait pas une
startup?
Cela est aussi très bien défendu
par l'auteur de cet article traduit ci-dessous, et publié sur
Medium. « Les artistes indépendants sont des startups et ils ne le
savent même pas»
Au cours des dix dernières
années, internet a fondamentalement changé l'industrie
musicale. Les découvertes musicales, l'implication des fans ainsi que
les ventes de disques sont totalement différentes de ce qu'elles
étaient auparavant. On retrouve le même phénomène
dans de nombreuses autres industries créatives, comme l'édition,
les jeux vidéo, le cinéma, ou encore la photographie. Et les
musiciens continuent de lutter pour vivre de leur métier, se sentant
souvent frustrés de ne pas recevoir une compensation suffisante par
rapport aux efforts fournis, au temps investi, ainsi qu'au talent
impliqué.
En fait, les artistes indépendants ignorent
qu'ils sont devenus de véritables entrepreneurs et qu'il faut
commencer à penser et à agir comme tels au lieu de s'apitoyer sur
son sort (même si cela donne matière à écrire...).
Si vous jetez un oeil sur ce qu'il se passe dans les autres secteurs
créatifs, vous y trouverez une vision totalement différente. Un
des plus intéressants est le secteur des technologies, où les
startups bénéficient de meilleurs accompagnements et
financements. C'est dans ce secteur que l'on a vu des levées de fonds se
comptant en milliards de dollars. Et ces levées ont permis la
création d'entreprises telles que Facebook,
Twitter, Spotify, Rdio,
iTunes etc. Même les entreprises de jeux comme Rovio et
OMGPOP, Angry Birds et DrawSomething ont attiré les
investisseurs.... Prenons un peu de recul : qu'est-ce que les
applications et les jeux ont en commun avec la musique ? Il s'agit dans tous
les cas d'un fichier numérique. Vous pouvez dire que ce n'est pas
forcément le cas et vous avez probablement raison, mais en
réalité, la musique aujourd'hui, c'est le MP3, le WAV, l'OGG, ou
n'importe lequel de votre format préféré.
Si nous devions comparer une startup classique
avec un groupe (qui se transformerait en startup musicale), nous y
verrions beaucoup de ressemblances.
Startup classique
|
Groupe = start up musicale
|
PDG
|
Manager
|
Co-fondateurs
|
Membres du groupe
|
86
Concepteurs de produis/services
|
|
Arrangeurs et paroliers
|
Commerciaux
|
|
Chanteurs
|
Programmeurs et outils (PHP, CSS,
Photoshop, VectorGraphics...)
|
Java,
|
Musiciens de sessions (guitaristes, batteurs,
bassistes, claviéristes...)
|
Chef de produit
|
|
Producteur
|
Capital de départ grâce aux levées de
fonds
|
|
Capital de départ grâce au crowdfunding
|
Créer un site, une application, un jeu
|
|
Créer un morceau ou un album
|
Recherches de gentils investisseurs,
investisseurs en capital-risque,
investisseurs institutionnels
|
Recherche de financement de la part des labels, financement
participatif
|
Les développeurs d'applications créent
des applications, tandis que les musiciens créent de la
musique. Les développeurs d'applications les plus entreprenants vont
présenter leurs idées auprès des investisseurs, en
échange d'actions dans leurs startups. Avec le capital apporté
par les investisseurs, les développeurs peuvent faire des achats,
embaucher des graphistes, des programmeurs et des commerciaux pour obtenir plus
de clients et d'utilisateurs pour leurs
applications et leurs services. Tous ces efforts sont mis
en oeuvre dans le but qu'un grand nombre de consommateurs
téléchargent et utilisent un fichier numérique. Ça
ressemble beaucoup à ce que les artistes indépendants devraient
faire, n'est-ce pas ?
Le terme « musicien » est
générique. Il inclut les compositeurs, les
paroliers, les guitaristes, les batteurs, les chanteurs, les arrangeurs, les
producteurs... etc. Pour créer une chanson, vous avez besoin d'au moins
quelques-unes de ces compétences. Comme pour une startup, vous avez
besoin d'un business plan, d'un développeur web, et d'un graphiste entre
autres, pour obtenir votre produit final.
Certains musiciens ont de multiples talents.
C'est le cas d'un auteur-compositeur-interprète qui joue du clavier ou
de la guitare. Certains entrepreneurs ont également de multiples talents
: avoir le sens des affaires, être capable de coder et de faire le design
d'un site par exemple. Les entrepreneurs doivent se rendre compte qu'ils n'ont
pas toutes les compétences nécessaires pour construire leur
projet de A à Z. Il leur faut lever des fonds de la part des
investisseurs pour former une équipe et avoir des ressources pour
réaliser le projet. Les musiciens agissent de la même
façon, qu'il s'agisse
87
d'autofinancement, de subventions, ou de collaborations avec
d'autres musiciens, même si cela s'opère à plus petite
échelle.
Alors pourquoi les groupes et artistes
indépendants ne bénéficient-ils pas de la même
durabilité, ni du même succès que les startups ?
La raison est simple : les artistes indépendants ne sont pas aussi bien
organisés et ne fonctionnent pas comme une startup.
La différence, c'est que les musiciens ne
partagent pas ce constat, et restent centrés sur eux : «
je chante, alors je mérite un public, l'attention, et une
rémunération pour mon talent ». Ils rêvent
d'être signés chez un label, ce qui, pour un artiste,
équivaut à obtenir un emploi salarié. Ce rêve
ressemble à celui d'un programmeur, d'être embauché chez
IBM.
Tech Startup
|
Musicien qui reste musicien
|
PDG
|
Compositeur - Moi
|
Co-fondateurs
|
Co-compositeurs - Moi et un ami
|
Concepteur de produit/service
|
Arrangeur/Parolier - Moi
|
Commerciaux
|
Chanteur - Moi (parce que c'est MA chanson)
|
Programmeurs et outils (PHP, CSS, Java,
Photoshop, VectorGraphics...)
|
Moi (Garage Band, ça déchire !)
|
Chef de produit
|
Moi
|
Capital de départ grâce aux levées de
fonds
|
Journée de travail/économies/Coucou papa j'ai
besoin d'argent
|
Créer un site, une application, un jeu, facturer
l'utilisation, le téléchargement,
l'inscription, vendre de l'espace publicitaire
|
Télécharger de la musique sur Soundcloud pour
faire « découvrir » ma musique
gratuitement. Espérer qu'un dénicheur de talent me trouve, me
donne un travail et un salaire
|
Recherches de gentils investisseurs, investisseurs en
capital-risque, investisseurs institutionnels
|
Mes fans achètent l'album avant que je
l'enregistre (financement participatif)
|
Vendre des parts de l'entreprise pour lever des fonds
|
J'écris la chanson. Je possède tous les droits.
Elle est à moi et rien qu'à moi. Ne pas la vendre, même si
je meurs de faim
|
Que faut-il faire ? Tout d'abord, changer les
mentalités. Commencer à penser comme une startup musicale et agir
ainsi. De la même façon qu'un développeur de jeux
rêve de créer le prochain Candy Crush ou le futur Angry
Bird, l'artiste indépendant doit créer le
prochain What Does The Fox Say.
|