CONCLUSION
La prise de décision du maraicher de
Sèmè-Kpodji en matière de choix et d'usage de pesticides
s'inscrit dans un contexte social, culturel, géographique,
économique et politique. Les facteurs impliqués dans les prises
de décisions sont multiples et hétérogènes et ne
sont pas tous mobilisés de manière synchronique. Ils sont
mobilisés en fonction de la structure cognitive du maraicher, de sa
situation économique, de son réseau d'informations et surtout de
la confiance accordée aux vendeurs de pesticides.
Il ressort de notre étude que les pesticides
utilisés en maraichage sont en grande partie inadaptés
(pesticides du coton), non recommandés, non homologués voire
même interdits. Les modalités d'usages des pesticides sont la
plupart du temps en dehors des normes et des recommandations, que ce soit en
termes d'indications, de mélanges de produits, de dosages, de respect
des précautions d'usages pour l'épandage, de respect du temps de
rémanence, etc. Par ailleurs, les ruptures de stocks, les changements de
nom commercial pour un même produit, la différence de dosages
d'une spéculation à une autre ne facilitent pas un usage
rationnel des pesticides par les maraichers.
L'ethnographie du site de VIMAS a principalement
révélé que les usages de pesticides par les
maraîchers sont étroitement imbriqués avec le reste des
activités qu'ils mènent et qu'aucune innovation ne peut
être envisagée dans ce domaine sans prendre en compte la
globalité du travail quotidien des maraichers et leurs
préoccupations. L'une des conclusions importantes qui se dégage
de cette étude est que pour induire un quelconque changement en termes
de pratiques, c'est sur le facteur temps qu'il faut concentrer les efforts.
Autrement dit, c'est en diminuant les charges de travail sur des
activités autres que la lutte contre les ravageurs (arrosage,
désherbage etc.) que l'on pourrait introduire des techniques innovantes
(biopesticides, filets anti-insectes) dans ce domaine. En effet, ces techniques
innovantes bien que moins toxiques, respectueuses de l'environnement et ne
favorisant pas de résistances, sont pour les maraichers astreignantes et
nécessitent beaucoup de temps.
Par ailleurs, les vendeurs de pesticides très peu
étudiés dans ce travail sont très
hétérogènes et mériteraient une étude
anthropologique spécifique pour comprendre à la fois la
circulation des produits au niveau des différents circuits commerciaux
mais aussi comment les savoirs de ces vendeurs se sont construits. En effet,
les circuits d'approvisionnement en pesticides sont multiples. Les boutiques
n'ont pas toutes ni la même politique de vente en termes de choix des
produits, ni les mêmes fournisseurs. Un changement de pratiques en
matière d'usage de pesticides passe nécessairement par une prise
en compte des vendeurs et un véritable plan d'encadrement et de
formations de ce secteur économique.
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