2.6 Réseaux de contraintes temporelles
2.6.1 Quelques éléments sur la
représentation du temps
La modélisation du temps est une thématique
déjàancienne en intelligence artificielle. Elle s'applique
à la représentation de connaissances, la compréhension de
la langue naturelle, le raisonnement de sens commun, le raisonnement
qualitatif, le diagnostic ou la planification. Différents modèles
ont étédéveloppés et peuvent se décliner
selon différents aspects : temps ponctuel ou sous forme d'intervalle,
temps totalement ou partiellement ordonné(temps linéaire ou
branché), temps discret ou dense, bornéou non, incluant
différentes granularités ou non [13]. Nous nous focalisons ici
sur les approches qualitatives.
2.6.2 Contraintes temporelles qualitatives
Les principales représentations qualitatives du temps
sont l'algèbre d'intervalles de Allen [4, 5] et
l'algèbre de points de Vilain et Kautz
[6].
Algèbre des intervalles
L'algèbre des intervalles (IA)
est un calcul pour les raisonnements spatio-temporels
créépar James F. Allen en 1983 [4, 5]. Cette algèbre
définit les relations possibles entre des intervalles de temps et
propose une table de composition. Elle peut être utilisée comme
base pour des raisonnements portant sur la description temporelle des
évènements. Dans la théorie d'Allen, 13 relations de base
(ou relations atomiques) décrivent toutes les manières possibles
d'ordonner les extrémités de deux intervalles {b,m, o, s, d,
f, a, mi, oi, si, di, fi, eq}
30
(voir Figure 8).
Par exemple, pour X = [X ,X+] et Y = [Y ,Y +] deux
intervalles non réduits à un point, X+<Y
s'écrit X {b} Y (pour before), X+ = Y s'écrit X {m} Y
(pour meet) et X <Y <X+<Y + s'écrit X {o} Y (pour
overlap).
Relation
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Symbole
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Inverse
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Symbole
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X before Y
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b
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Y after X
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a
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X meets Y
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m
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Y met-by X
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mi
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X overlaps Y
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o
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Y overlapped-by X
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oi
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X starts Y
|
s
|
Y started-by X
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si
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X during Y
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d
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Y contains X
|
di
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X finishes Y
|
f
|
Y finished-by X
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fi
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X equals Y
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eq
|
Y equals X
|
eq
|
|
Illustration
X
X
Y
Y
Y
X
X
X
Y
Y
X
Y
Y
X
FIGURE 2.8 - Les treize relations de Allen entre deux
intervalles de temps X et Y .
Définition 2.6.1. (réseau
de contraintes d'algèbre Intervalle)
Le réseau IA peut être exprimée comme
un réseau de contraintes, impliquant un ensemble de variables {X1,
...,Xn}, oùchaque variable représente un
intervalle temporel. Le domaine de chaque variable est l'en-semble des couples
de nombres réels (par exemple, Di = {(a, b) tel que a,b E R,
a<b}), représentant les points du début et de la fin de
l'intervalle correspondant. Les contraintes binaires entre les paires des
variables de l'intervalle sont donnés comme des relations IA la
contrainte Cij entre xi et xj
est défini comme Cij inclue ou égale à {b, m,
o, s, d, f, a, mi, oi, si, di, fi, eq}. Une solution est la cession d'une paire
de
numéros à chaque variable telle qu'aucune
contrainte n'est violé. Le test de violation des contraintes
nécessite la traduction de la relation entre une paire d'intervalles
(a1, b1), (a2, b2) dans une disjonction de relations qualitative. Une solution
peut également être associéà un étiquetage
cohérent, l'attribution d'un rapport atomique de chaque contrainte qui
est conforme à une solution [7].
Exemple :
Les relations entre intervalles d'Allen peuvent être
utilisées pour représenter une succession
d'événements sous forme d'un réseau de contraintes [10],
comme décrit dans la Figure 2.9(a). L'énoncé Béchir
lisait son journal tout en prenant son petit déjeuner. Il acheva sa
tasse de caféet posa son journal. Après le
petit déjeuner, il partit se promener est
représentéau moyen de quatre intervalles de temps,
associés àdes actions : lire son journal, prendre son
petit déjeuner, boire son café, partir se promener. Les
relations
temporelles entre ces événements sont
représentées par des disjonctions de relations d'Allen. Ainsi
Après le petit déjeuner, il partit se promener devient
Id{m,b}Ip
représentépar une arête entre les noeuds
Id (ou Petit-Déjeuner) et
Ip (ou Promenade) du graphe. L'arête
est étiquetée par la relation {m, b} qui signifie juste
avant ou avant. On pourrait également afficher la relation inverse
{mi, a} entre Ip et
Id. De la même manière,
l'énoncé Béchir lisait son journal tout en prenant son
petit déjeuner est représentée par l'arête {d,
di,o, oi, f, fi, s, si, eq} entre les noeuds Ij
(ou Journal) et Id : l'information
temporelle tout en étant très vague, on garde à priori
toutes les relations incluant un recouvrement des deux intervalles.
Petit-déjeuner
Journal
Promenade
{f,fi}
Café
{d,di,o,oi,f,fi,s,si,eq}
{s,f,d}
{m,b}
(a) Graphe d'origine
Petit-déjeuner
Journal
Promenade
{f,fi}
Café
{d,di,o,oi,f,fi,s,si,eq}
{s,f,d}
{m,b}
(a) Propagation des contraintes
FIGURE 2.9 - Relations qualitatives entre les intervalles
L'utilisation des règles de composition des relations
d'Allen permet de simplifier les étiquettes des relations
31
32
(par des techniques de propagation de contraintes [11]). Par
exemple, sachant que:
· la lecture du journal et le cafés'achèvent
ensemble : Ij {f, fi }
Ic
· le caféest une partie du petit déjeuner :
Ic {s, f, d}
Id
On en conclut que les relations oi, di, si sont impossibles
entre Ij et Id (la lecture
du journal ne peut s'achever après le petit déjeuner, (voir
Figure 2.9(b))). De fait, par composition :
Ij {f, fi}
Ic ? Ic {s, f,
d} Id ? Ij {d, o, f, fi, s, eq}
Id
Un scénario possible cohérent est
représentésur la Figure 2.10.
Journal
Café
FIGURE 2.10 - Scénario possible pour
l'exemple
Avec les réseaux IA, c'est l'arrangement des
intervalles qualitatifs qui nous intéresse, pas l'instanciation
cohérente particulière qui a conduit à l'arrangement. Il y
a zéro ou un nombre infini de différentes ins-tanciations
cohérentes des variables dans un réseau d'IA, mais il y a
seulement un nombre fini de différents arrangements conformes des
intervalles. Une instanciation consistante possible qui conduirait à
l'arrangement montrédans la Figure 2.10 est le journal--(2,3),
Petit-déjeuner--(0,4), promenade--(5,6), et
Café--(1,3), oùnous assimilons les noms des sommets avec
les variables qu'ils représentent.
Algèbre des points
En raison des limites de calcul de l'IA de modèle
alternatif, l'algèbre des points (PA) ,
créépar Vilain et Kautz en 1986 [6], qui est moins expressif, est
souvent utiliséau lieu de l'algèbre IA. Dans ce modèle les
informations sont exprimées par des contraintes sur les points. Dans
cette algèbre, trois relations de base (précède
(<), identique (=) et suit
(>)) sont considérées.
33
Définition 2.6.2. ( Réseaux de
contraintes d'algèbre de point)
Un réseau d'algèbre de point (réseau
PA) implique un ensemble de variables {x1, ...,xn
}, oùchaque variable représente un point du temps. Le
domaine de chaque variable est l'ensemble des nombres réels R, qui
représente des points du temps que la variable peut assumer. Les
contraintes sont données comme des éléments PA, ayant leur
sens algébrique sur les réels [7].
Exemple :
À titre d'exemple de représentation de
l'information temporelle dans le cadre PA, on considère la description
des événements représentés sur la Figure 2.11(a),
la phrase fixe la relation entre certaines extrémités des
intervalles du temps sur laquelle Béchir a lu son journal et sur
laquelle Béchir buvait son café, mais il reste indéfinie
sur les autres. Nous représentons ce par le réseau de la Figure
2.11(a), oùJournal- et Journal+ représentent
les points de départ et de fin de l'intervalle. Le réseau est
déjàminimale, il montre également les relations possibles
entre toutes les paires des points. Un scénario cohérent possible
est représentésur la Figure 2.11(b). Comme avec les
réseaux IA, c'est l'arrangement qualitatif des points qui nous
intéresse, pas l'instanciation consistante particulière qui a
conduit à l'arrangement.
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-
Journal
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- Café
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<
+
Café
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+
Journal
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(a)
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(b)
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(c)
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(d)
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(e)
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(f)
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Journal Café
(g)
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FIGURE 2.11 - Représentation des relations qualitatives
entre les points : (a) Exemple Béchir a mis le papier vers le bas et bu
le dernier de son café. (b) Un scénario possible
Une possible instanciation consistante qui conduirait à
l'arrangement montrédans la Figure 2.11(b) est
Journal--2,
Journal+-3, cafe--1
et cafe+-3.
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