Polymères
De par le grand éventail de propriétés
qu'il est possible de donner à ces matériaux, ils constituent une
classe dont les applications thérapeutiques sont extrêmement
variées allant des matériaux servant à l'ancrage dans
l'os, aux matériaux servant de prothèse ligamentaire.
Généralités
Composition chimiques
Les polymères sont constitués de la
répétition de monomères, molécules organiques
à base d'atome de carbone (ou de silice pour les silicones). La
polymérisation s'effectue suivant deux procédés
principaux, addition ou condensation, à la base de la structure
tridimensionnelle de la macromolécule, de ses propriétés
physicochimiques et mécaniques. Le poids moléculaire et le
degré de ramification de la molécule régissent la
mobilité et l'arrangement spatial des chaînes entre elles. Les
branchements augmentent l'encombrement spatial de la molécule ce qui
diminue la densité et le taux de cristallinité du
matériau. A très haut poids moléculaire, le taux de
cristallinité atteint un maximum puis diminue.
Propriétés
mécaniques
Il est bien sûr possible de
caractériser le comportement mécanique de ces matériaux
par une courbe contrainte-déformation permettant de déterminer
module d'Young et rigidité. Mais, cette caractérisation est
incomplète, les polymères ont en effet un comportement
viscoélastique, les propriétés mécaniques
étant fonction de la vitesse d'application de la charge. D'autres
conditions comme la température et le milieu ambiant influencent les
propriétés mécaniques. La comparaison de différents
matériaux polymériques impose donc plus qu'ailleurs la
vérification des conditions d'expérimentation.
Plus la cristallinité est élevée
(organisation régulière, chaînes parallèles,
liaisons interchaîne fortes), meilleures sont les
propriétés mécaniques et plus la ductilité baisse.
L'effet d'augmentation du poids moléculaire est de réduire la
mobilité entre les chaînes et d'améliorer la
résistance à la rupture, en contrepartie, le taux de
cristallinité baisse. A la différence des métaux, nombre
de ces paramètres sont modulables par divers procédés
contrôlant la production des matières premières (poids
moléculaire, taux de cristallinité, additifs). Les
paramètres de mise en forme (température, pression, forme) sont
également contrôlables et permettent des variations de
propriétés.
Biocompatibilité
Les polymères utilisés en
orthopédie sont, sous forme massive, bien tolérés, ils
sont encapsulés par une membrane fibreuse dont l'épaisseur peut
être variable, fonction de la composition chimique du matériau, de
sa forme géométrique, de ses propriétés de surface
ou encore des contraintes locales à l'interface. En
général, les réactions d'intolérance ne proviennent
pas du matériau lui-même mais de la présence de
composés de bas poids moléculaire. Ces composés peuvent
être libérés par une hydrolyse in vivo, lors de la
stérilisation, ou lors de frottements aboutissant à la formation
de débris d'usure ; les additifs nécessaires à la
fabrication peuvent également être toxiques. La quantité,
la forme et la taille des débris sont des paramètres importants
dans les réactions d'intolérance en particulier pour la formation
des granulomes aux débris d'usure.
Différents travaux menés chez
l'animal ont conclu que l'induction de sarcomes n'est rapportée que chez
certaines espèces animales (rats, souris), après un délai
important et que la forme de l'implant (film) constitue le paramètre le
plus important (Oppenheimer). Chez l'homme des observations de tumeurs au
contact de polymères ont été rapportées mais un
lien direct de cause à effet entre tumeur et matériau est
difficile à établir.
Matériaux résorbables
Les matériaux biorésorbables ont pour
caractéristique d'assurer une aide thérapeutique limitée
dans le temps. Ainsi, un matériau pour ostéosynthèse
évite une reprise chirurgicale pour ablation du matériel, il doit
présenter des caractéristiques mécaniques suffisantes pour
assurer la stabilité initiale de la fracture puis être
résorbé après consolidation osseuse ; la progressive
réorientation des contraintes du matériel vers l'os
représente un autre avantage théorique. D'autres exemples
existent comme des bouchons diaphysaires, certains types de ciments
chirurgicaux, ou des matériaux de comblement osseux.
Parmi les polymères synthétiques, on
individualise les polyesters à base d'acide glycolique ou lactique :
acides polylactiques (PLA) et polyglycoliques (PGA). Ils sont connus de longue
date comme fils de suture, et peuvent être utilisés comme
matériel d'ostéosynthèse. Ce sont des polymères
poreux dérivés de monomères cycliques qui
présentent une excellente biocompatibilité. Ils se
présentent sous forme massive (plaques, broches, vis). Ils se
dégradent après 6 mois, d'autant moins vite que la teneur en
acide lactique augmente. Leurs propriétés mécaniques sont
modulables par structure, sans additifs. La dégradation des
propriétés mécaniques et la vitesse d'élimination
sont ajustables par modification de la structure configurationnelle
(cristallinité et teneur en composés dextrogyres) et sont
compatibles avec la guérison des fractures ; cependant ils
présentent une certaine fragilité au choc et une
résistance en fatigue peu importante ce qui limite leur utilisation en
orthopédie. Ils peuvent être renforcés par des fils de
Nylon ou d'autres renforts comme des fibres de carbone.
Nous avons précédemment vu les
différents mécanismes de dégradation des polymères.
La dégradation enzymatique est le mécanisme de
prédilection des matériaux résorbables en
orthopédie. Il existe une réaction inflammatoire avec recrutement
de cellules macrophagiques (polynucléaires et macrophages)
sécrétant des enzymes lysosomiales (phosphatases acide et
alcaline), les débris restants sont ensuite phagocytés par les
cellules macrophagiques.
Matériaux de frottement
Les polymères sont très utilisés comme
surface de frottement. Ils sont un des éléments du couple de
frottement, et sont utilisés alors en conjonction avec des métaux
ou des céramiques inertes. Etant de façon presque constante le
matériau le moins solide, il est exposé aux
phénomènes d'usure et de fluage. Les conditions de fonctionnement
articulaire et le dessin des implants influencent grandement ces
phénomènes indésirables qui limitent, par
l'intermédiaire de phénomènes biologiques et
mécaniques, la survie à long terme de ces implants. Nous ne
développerons pas la tribologie des surfaces articulaires que l'un
d'entre nous a plus complètement traitées ailleurs.
Polyéthylènes
Le polyéthylène à très haute
densité est actuellement la seule surface de frottement
polymérique méritant un développement complet. Nous
citerons par souci historique le polyétrafluroéthylène
(Téflon) utilisé par Charnley au début de son
expérience et abandonné pour usure précoce et dramatique,
et le polyoxyéthylène (Delrin).
Le polyéthylène existe sous plusieurs
formes : LDPE (polyéthylène de basse densité), HDPE
(polyéthylène de haute densité), et UHMWPE
(polyéthylène de très haute densité). Outre ses
qualités de frottement, l'UHMWPE présente des qualités qui
le font actuellement utiliser de façon quasi exclusive ; ce sont : sa
résistance aux impacts, sa bonne tenue en fatigue et son excellente
biocompatibilité. Toutefois, ses limitations sont également bien
connues, ce sont : sa sensibilité au fluage, sa faible capacité
à résister à l'usure et sa sensibilité à
l'oxydation.
Il s'agit d'une molécule hydrophobe du groupe
des polyoléfines. Son poids moléculaire est pour la forme de
très haute densité de 2.106 g/mol. Il a été
initialement obtenu à partir d'éthylène gazeux à
haute pression en présence d'un catalyseur (peroxyde) destiné
à initier la polymérisation (obtention de
polyéthylène basse densité). Le polyéthylène
haute densité est obtenu par utilisation d'un catalyseur de Ziegler
à basse pression.
Un certain nombre de paramètres observés
pour un polyéthylène de très haute densité. Une
amélioration des propriétés du polyéthylène
a pu être obtenue par forgeage, incorporation de fibres de carbone ou par
réticulation-greffage, mais à ce jour aucune de ces
améliorations n'a permis une avancée significative
comparativement à un UHMWPE.
La stérilisation des pièces en
polyéthylène ne peut être une stérilisation
sèche (température supérieure à la
température de fusion), une stérilisation à la vapeur
(risque d'induire des variations de structure physique dans le
polyéthylène) ou une stérilisation chimique par oxyde
d'éthylène (gaz occlus dans les pièces). Seule une
radiostérilisation à 2,5 mrad est utilisable tout au moins
pendant une dizaine d'années. Mais on l'accuse actuellement de favoriser
une dégradation oxydative du matériau.
Polydiméthylsiloxane (PDMS)
L'exemple en est l'élastomère de silicone
(Silastic). Les implants de silicone font partie d'une classe de
polymères synthétiques dont la structure repose sur la
séquence Si-O-Si. A partir de cette structure chimique, une très
large variété de matériaux peuvent être
élaborés et utilisés dans des domaines aussi variés
que l'ophtalmologie, la neurochirurgie, la chirurgie cardiovasculaire ou
plastique (cathéters, drains, seringues, prothèses).
Leur utilisation dans le domaine de
l'orthopédie est due aux travaux de Swanson qui a
développé dans les années 1970 le principe d'utilisation
d'un polymère flexible, l'élastomère de silicone
(Silastic) comme implant d'interposition dynamique après
résections-arthroplasties des petites articulations des
extrémités. L'élastomère de silicone ne contient
aucun additif, ses propriétés physicochimiques sont fonction
essentiellement de la microstructure de la macromolécule (taux de
copolymérisation avec le phénylméthylsiloxane,
degré de ramification, taux de particule de silice). Il possède
une excellente biocompatibilité et une bonne résistance à
l'oxydation. Cependant, sa surface est facilement contaminée par des
phénomènes électrostatiques qui peuvent augmenter la
réaction inflammatoire. Le problème essentiel réside en
fait dans son médiocre comportement en fatigue. Des fractures des
implants surviennent avec libération de débris et de particules
de silice qui déclenchent une réaction à corps
étrangers à médiation cellulaire (macrophages) aboutissant
à long terme à une ostéolyse secondaire. Ces
phénomènes ont été suffisamment importants pour
justifier une désaffection pour ce type d'implant. Une des raisons de
ces problèmes mécaniques est due à une absorption
lipidique, proportionnelle pour certains au nombre de microfissures de
surface.
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