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Les haies vives dans la dynamique des contacts foret-savane a Yambassa, région du centre Cameroun

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par Cyrille LEMOUPA FOTIO
Université de Yaoundé 1 - Master 2 2015
  

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Conclusion

Les haies vives survivent aujourd'hui, non plus pour le rôle défensif, puisque les guerres entre voisins ont pris fin au début du 20e siècle à l'occasion de l'administration coloniale allemande. Le rôle de pare feu est aussi devenu obsolète parce que les savanes ont depuis disparu au contact immédiat de l'ensemble des haies. Néanmoins, aux yeux de la population, les haies demeurent un symbole protecteur dans le sens spirituel. Elles survivent aussi pour des raisons objectives car sous leur ombrage, des plants de cacaoyers sont aménagés. En fait, ces plantes sciaphiles ont besoin de l'ombrage des arbres pour assurer leur croissance. C'est

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donc grâce aux haies que des cacaoyers et des palmeraies ont été aménagés dans la région dans la première moitié du 20e siècle. Parallèlement, leur présence a favorisé indirectement l'implantation des bosquets et l'expansion de la forêt dense humide de part et d'autre de leurs lignes d'implantation. Le chapitre 4 décrit les implications de l'aménagement des haies défensives sur le triple plan social, économique et écologique. Il précise en particulier le rôle de ces boisements dans le contexte défensif, dans le cadre de la mise en valeur agricole et dans la dynamique des contacts forêt-savane sur le site.

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CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET SOCIO-ECONOMIQUES DES HAIES VIVES

Introduction

Les systèmes défensifs végétaux aménagés pour défendre des villages, des cités et des propriétés ont été décrits dans plusieurs territoires de savanes et de steppes tropicales (Seignobos, 1978 et 1980). Mais partout, ces « murs enceints» élevés uniquement dans les domaines végétaux ouverts sont tombés en désuétude, la colonisation européenne ayant mis fin aux guerres entres des peuples voisins rivaux. Dans l'extrême nord du Cameroun, c'est-à-dire au nord-ouest de la ville de Maroua, les haies ne servent plus aujourd'hui qu'à canaliser le bétail hors des champs. Au centre Cameroun, la conservation des alignements d'arbres a permis non seulement de protéger les plantations de palmiers à huile contre les feux de brousse de savanes, mais ils ont aussi permis d'étendre les champs vivriers et les plantations de cacaoyers. Les haies vives à Ceiba pentandra et Bombax buonopozense ont même créé des conditions écologiques de dissémination et de recrutement d'espèces pionnières de la forêt dense, comme les relevés botaniques l'ont montré.

IV.1. Les impacts écologiques

Sur le plan écologique, les arbres jouent un rôle essentiel dans le domaine de la mosaïque forêt-savane. Non seulement ils servent d'habitat à un grand nombre d'espèces animales et végétales, mais ils remplissent de nombreuses autres fonctions. Grâce à la photosynthèse qui se réalise au niveau des feuilles, ils rejettent de l'oxygène dans l'atmosphère. Les racines des arbres retiennent les sols, ce qui diminue considérablement l'érosion. Les forêts réduisent le ruissellement des eaux de pluies ; elles interceptent l'eau des précipitations et les redistribuent: une partie de l'eau de pluie recueillie au sommet coule le long du tronc des arbres et le reste est diffusé à travers les branches et le feuillage.

IV.1.1. les impacts écologiques de Ceiba pentandra et Bombax buonopozense

Ceiba pentandra et Bombax buonopozense préparent l'invasion de la savane par la forêt en constituant dans un premier temps de boucliers pare feux (figure 26). Du fait de cette barrière naturelles contre la propagation des feux, l'implantation des espèces de la forêt en savane est possible, voire accélérée. Mais au paravent, les populations ont exploité le bouclier pour

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implanter, dans un premier temps des palmiers à huile (rapport du Major Hans Dominik cité par Beauvilain et al., 1985 et Mekindé, 2004). Plus tard, ces populations ont diversifié les cultures en cultivant des arbres fruitiers exotiques et indigènes, mais aussi en plantant le cacaoyer à partir des années 1930. Ainsi, en pays yambassa, ces deux espèces favorisent l'agroforesterie (figure 28 et photo 18).

Parlant de l'exploitation des espèces forestières, la coupe sélective par définition répond à deux critères : une catégorie précise d'espèces à bois précieux demandée sur le marché et un diamètre minimum d'exploitabilité (DME). Pour optimiser la rentabilité, l'exploitant a pour souci de prélever uniquement les espèces sollicitées par les marchés. De l'autre côté, l'Etat propriétaire de la forêt doit préserver son patrimoine et éviter les critiques des organisations qui militent pour la conservation des écosystèmes forestiers intertropicaux. Bien que le DME ait été fixé de façon à permettre le renouvellement des espèces exploitées dans leur milieu (les arbres étant supposés être sexuellement mûrs avant d'avoir atteint ce seuil), certaines études permettent d'établir des perturbations qui ont des conséquences sur les processus devant assurer la régénération de la diversité génétique, et en particulier les mécanismes reproducteurs (Jennings et al. 2001 cités par Lourmas, 2005). En effet, le prélèvement concerne des individus qui sont supposés être reproducteurs, des individus âgés qui sont souvent considérés comme des réservoirs de la diversité génétique. Leur exploitation est de nature à limiter la reproduction de l'espèce. Même si l'exploitation sélective des forêts se caractérise par le prélèvement des arbres situés au dessus d'un seuil de diamètre (appelé diamètre minimum d'exploitabilité) fixé par espèce et mesuré à 1,30 mètre du sol, elle ne cause pas moins des dégâts sur la forêt. L'exploitation pourrait conduire à la raréfaction des arbres les plus vieux dont certaines ne se régénèrent que très lentement. Elle entraîne aussi une ouverture importante du milieu forestier (ouverture de la canopée) (Lourmas, 2005).

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Ainsi, les espèces des haies sont à l' origine de la diversification des activités des exploitants agricoles, avec constitution d'un patrimoine d'arbres de valeur, sans interrompre le revenu courant des parcelles plantées. Elles jouent un rôle protecteur des arbres pour les cultures intercalaires ou pour les animaux : effet brise-vent, abri du soleil, de la pluie, du vent, fixation des sols, stimulation de la microfaune et de la microflore des sols.

En outre, elles favorisent la récupération par les racines profondes des arbres d'une partie des éléments fertilisants lessivés ou drainés ; nous notons aussi l'enrichissement du sol en matière organique par les litières d'arbres et la mortalité racinaire des arbres.

Une étude menée dans deux sites représentatifs du bassin de production du cacao du sud Cameroun à savoir Ngomedzap à 110 km environ au sud de Yaoundé, capitale politique du Cameroun, en zone de forêt humide à pluviométrie bimodale et Bokito à 150 km au nord de Yaoundé en zone de transition forêt - savane par Bidzanga Nomo et al. en 20095 a permis de caractériser les perceptions des paysans sur la contribution des essences associées à l'amélioration de la fertilité des sols sous cacaoyers pour certaines essences dont les racines sont mieux colonisées par les mycorhizes : Ficus mucoso (53-73%), Ficus exasperata (53%), Ceiba pentandra (60-67%), Ricinodendron heudelotii et Canarium schweinfurthii (47%), Spathodea campanulata (40%), Entrandropragma cylindrica (13-33%), Terminalia superba (33%), Milicia excelsa (20-27%). Les paysans soutiennent que les essences à système racinaire profond améliorent la structure du sol et n'entrent pas en compétition avec d'autres plantes pour l'eau. Ils observent aussi que le sol autour de ces essences garde une humidité relativement élevée par rapport aux autres niches du système. Par contre, ils estiment que les essences à système racinaire superficiel « assèchent » le sol et par conséquent, empêchent le développement normal des cultures associées. La surface foliaire et la surface des feuilles des essences associées, selon les perceptions paysannes, déterminent la biomasse produite, qui une fois décomposée, améliore la fertilité du sol (Bidzanga Nomo, Op.cit.).

Les espèces des haies vives yambassa sont des espèces à potentiel agroforestier. Voacanga africana a l'avantage d'être intégré dans les agroforêts à cacao du Cameroun. Ces espèces favorisent la restauration de la fertilité des sols, apportent de l'ombrage aux cacaoyers proches au même titre que Ceiba pentandra et Bombax buonopozense, jouent un rôle de

5Bidzanga Nomo et al., 2009. Mycotrophie et fertilisation dans les agroforêts et connaissances paysannes des essences fertilitaires dans les agroforêts à base de cacaoyers du sud Cameroun. Cameroon Journal of Experimental Biology 2009 Vol. 05 N° 02, 79-86.

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brise-vent et constituent des habitats pour faune. Leur exploitation entraîne également une légère modification de la biodiversité floristique.

Photo Youta Happi, 2013

Photo 18 : Au coeur d'un bosquet implanté entre les haies de Ceiba et de Bombax à Yambassa

Lorsque les haies se sont implantées définitivement dans les savanes, les populations ont d'abord aménagé des palmeraies derrière le rideau d'arbres (Beauvilain et al., 1985). Au début du 20e siècle, les agriculteurs ont aussi déployé des plants de cacaoyers aux mêmes emplacements. Plus tard, les savanes ont été éliminées et remplacées par des agroforêts à base de cacaoyers, de palmier à huile et de fruitiers. Ailleurs, tous les espaces non aménagés en champs et plantations sont systématiquement envahis par des bosquets.

IV.1.2. La poursuite de la sélection et de l'introduction des essences utiles IV.1.2.1. L'enrichissement de la biodiversité

Les arbres associés aujourd'hui aux haies vives ont entraîné la dispersion d'autres espèces de plantes. L'enrichissement direct se traduit par la culture des essences à bois précieux et des fruitiers. Les fruitiers en particulier donnent des aliments, non seulement aux hommes, mais

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aussi aux animaux et aux oiseaux (figure 27). A leur tour, les arbres pionniers qui se sont installés opportunément à l'instar des Ficus, constituent des pôles d'attraction pour de nombreux oiseaux et mammifères comme les chauves souris qui s'y posent pour consommer leurs fruits ou simplement pour nicher. Au passage, leur déjections et fientes qui comportent des graines et semences contribuent à la dissémination d'autres espèces dont ils ont consommés les fruits ailleurs.

IV.1.2.2. Le rôle des espèces auxiliaires des haies vives

Les autres espèces des murs vivants sont en grande partie les espèces forestières qui se sont développées à l'ombre de Ceiba et Bombax. Sur le plan écologique 100% de notre échantillon affirment que ces espèces jouent le rôle d'ombrage, de brise-vent et de création des cacaoyers. D'autres ont des rôles spécifiques. Il s'agit d'espèces à bois précieux (Mansonia altissima ou bété, Triplochiton scleroxylon ou ayous, Milicia excelsa ou iroko, Terminalia superba ou fraké, Pycnanthus angolensis ou ilomba), d'espèces produisant un bon bois de chauffage comme (Ficus spp), d'espèces ayant une valeur rituelle et/ou médicinale (Voacanga africana, Rauwolfia vomitoria), et d'espèces à valeur alimentaire (Dacryodes edulis, Canarium schweinfurtii, Myrianthus arboreus) (figures 27et 28).

Figure 27 : Les services écologiques et économiques rendus par les arbres inclus dans les haies

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Axe d'alignement

Sources: Relevés


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Autres espèces de la forêt dense

 

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Classe des diamètres

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Figure 28 : La distribution de la biodiversité sur le transect de Yambassa

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery