THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
vvv UNIVERSITE DE YAOUNDE I
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CENTRE DE RECHERCHE ET DE FORMATION DOCTORALE
EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET EDUCATIVES
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POST COORDINATE SCHOOL FOR SOCIAL AND
EDUCATIONAL SCIENCES ***********
UNITE DE RECHERCHE ET DE FORMATION DOCTORALE
EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES ************** DEPARTEMENT DE
GEOGRAPHIE
DOCTORAL RESEARCH UNIT FOR SOCIAL SCIENCES
**************
DEPARTMENT OF GEOGRAPHY
LES HAIES VIVES DANS LA DYNAMIQUE DES
CONTACTS FORET-SAVANE A YAMBASSA, REGION DU
CENTRE- CAMEROUN
Mémoire présenté pour
l'évaluation en vue de l'obtention du Diplôme de Master en
Géographie
Spécialisation : Dynamique de l'Environnement et
Risques Option: Climatologie et Biogéographie
Par
Cyrille LEMOUPA FOTIO Licencié en
Géographie physique
Sous la Direction de Dr. Joseph YOUTA
HAPPI Chargé de Cours
Soutenu le 27 avril 2015
Jury
Président : Pr. Roger NGOUFO Examinateur : Dr.
Samuel ABOSSOLO Rapporteur : Dr. YOUTA HAPPI
DEDICACE
A ma mère, TIYO Rosette
A mon fils, LEMOUPA TALONFO Maël
A mon regretté grand père, LEMOUPA
Thomas
REMERCIEMENTS
Au moment où ce travail s'achève, nous voulons
sincèrement remercier toutes les personnes qui ont contribué
à sa réalisation. Nous pensons en particulier au Dr. Joseph Youta
Happi pour sa rigueur, sa disponibilité et sa patience dans la conduite
de nos premiers pas dans la recherche.
A nos enseignants du Département de Géographie
de l'Université de Yaoundé I qui ont contribué à
notre formation de géographe : Pr. Maurice Tsalefac, Pr. Paul Tchawa,
Pr. Roger Ngoufo, Pr. Moïse Moupou, Pr. Mesmin Tchindjang, Pr. Joseph
Armathé Amougou, Dr. Samuel Aimé Abossolo etc.
A tous les membres de notre famille qui nous ont
encouragés et supportés pendant les moments difficiles de notre
recherche. Entre autre: Christine Ngaffo, M. Boniface Kamta, M. Edouard
Tchinda, Mme Régine Douanla, Mme Jeanne Ngouémeta, Mme Marie
Claire Pimazou, M. Bernard Lontchi, Mme Marie Noël Ngouéka, M.
Brice Marcel Yagueu et Mme Gaëlle Laure Lepawa, ma compagne.
A toutes les personnes qui nous ont aidé lors de la
collecte des données, nous pensons à : Mme Cécile Oloume
2eme adjoint au maire de la commune de Bokito, S.M. Pamphile Elaga
chef du canton Elip, S.M Jean Claude Oloumé chef du village Guientsing
2, M. Mathieu Obiana, et M. Benenguegne Onanina, délégués
de GIC à Yambassa.
A nos compagnons d'étude et aînés
académiques du département pour les échanges constants
d'idées: Guy Lamago, Chantale Kamta, Joël Eloundou, Dr. Gilbert
Bamboye, Esther Nya. Lydie Evina qui nous a toujours assisté lors de nos
descentes sur le terrain, Deric Kemadjou. A Tous nos amis et proches pour les
encouragements: Michel Ndongwo, Alex Bidjiwo, Blaise Fepi, Lydie Djuidje,
Sylvie Kegny, Sammuel Tabou, Jospin Lemoupa, Dorlotine Segnou, Giresse Choffo,
Alain Lemoupa, Boris Fopa, Vanessa Tchinda, Rommel Kamta, Cabrel Tchoffo,
Priscille Magopa, Vanelle Sonkoua, Judith Lemoupa, Franck Tiwa, Yves Ngniado,
Jonas Diffo.
Que toutes ces personnes, ainsi que celles que nous n'avons
pas pu nommer, trouvent ici toute notre gratitude et notre reconnaissance pour
leur contribution à la réalisation de ce travail de recherche.
RESUME
Dans la zone de mosaïque forêt-savane de la
région du Centre-Cameroun, les études basées sur des
données de télédétection, des enquêtes et des
relevés botaniques révèlent une tendance à la
transgression de la forêt sur la savane suite aux aménagements
anthropiques. En implantant des haies vives défensives à base
de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense à la fin
du 19e siècle, les populations du village Yambassa dans la
zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga ont
créé des conditions favorables à l'implantation des
espèces pionnières de la forêt dense en savane. Une fois
installées à la faveur de la suspension des feux de brousse dans
les savanes, ces espèces se sont étalées en s'associant
avec des fruitiers introduits par l'homme pour créer des bosquets et des
îlots forestiers. Ainsi, implantées au départ pour
constituer des systèmes de défense contre des ennemis, les haies
se sont converties avec le temps en ligne pare feu et en corridors de
dispersion des espèces de la forêt. Récemment, les
populations ont aussi exploité l'ombrage des haies pour y installer de
part et d'autre des agroforêts à base de cacaoyers et de fruitiers
comme le palmier à huile, le safoutiers et le manguier. Aujourd'hui, les
haies vives (égaga en langue locale) ne remplissent plus la
fonction originelle, elles participent à la conservation de la
biodiversité et à l'expansion de la forêt dense tout en
contribuant au développement économique, puisqu'elles ont aussi
favorisé l'extension des cultures de cacao. Ainsi, sur un territoire de
4553 ha, la savane occupait 3810,6 ha en 1951 soit 83,7% de la zone contre
742,4 ha pour la forêt (16,3%). En 2013 la savane est étendue sur
3022,4 ha, soit 66,4% de la zone. Quant à la forêt, elle occupe
1530,6 ha en 2013, soit 36,6%. Au final, la forêt a plus que
doublé sa superficie en s'étendant en savane sur 788,2 ha, soit
une progression de 17,31 ha/an.
D'après ces résultats, l'hypothèse selon
laquelle l'occupation des parcelles de savanes par les cultures provoque une
colonisation de la forêt a été confirmée. En effet,
sur ce site caractérisé par un climat humide, l'arrêt des
feux entraîne en savane une expansion de la forêt dense et/ou des
agroforêts à moyen et long termes.
Mots clés : Bombax, bosquet
anthropique, Ceiba, contact forêt-savane, haie vive,
région du Centre-Cameroun, Yambassa.
iv
ABSTRACT
In the forest-savannah interface area of central Cameroon,
studies based on remote-sensing data, surveys and fields studies show a
tendency towards a take over of forest on savannah following human's made
fitting out. Putting in place defensive row-lines of plants based on Ceiba
pentandra and Bombax buonopozense at the end of 19th
century, populations of Yambassa village in the area between river Mbam and
river Sanaga have created good conditions for the developpment of pioneer
species of rainforest in savannah. Those species have been planted thanks to
the suspension of bush fires in the savannahs have spread in association with
fruit trees planted by man in order to create grove and island forest. So, put
in place in the beginning to make defensive systems against enemies, those
row-lines became in time a type of firewall and alleys of distribution of
species of the forest. Recently, farmers have also exploited shades from the
row-lines to install in and around some agroforest made up of cocoa trees and
fruit trees like palm trees, plum trees and mango trees. The row-lines
(egaga, local name) do not meet their main function, but nowadays,
they participate in the conservation of biodiversity and of the expansion of
the rainforest while contributing to the economic development. So, they have
helped the extension of cocoa farming. So, on an area of 4553 ha, savannah
occupied 3810,6 ha in 1951, either 83,7% of the zone, against 742,4 ha for the
forest (16,3%). In 2013, savannah is extended over 3022,4 ha, either 66,4% of
the zone. As to forest, it occupy 1530,6 ha in 2013, either 36,6%. Final, the
forest has double more than it surface by extending in savannah on 788,2 ha.
Neither a progression of 17,31 ha/year.
From these results, the hypothesis that the occupation of
portions of savannah by farming creates a colonization of the forest has been
proved. In fact, on this site characterized by a humid climate, the extinction
of bush fires in savannah leads to an expansion of rainforest in the medium and
long terms.
Key words: Bombax, Ceiba, central region of Cameroon,
row-line, forest-savannah interface, human made grove, Yambassa.
LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET
ABREVIATIONS
BP: Before Period
CDC: Cameroon Developpment Corporation
CFA: Communautés Financières
d'Afrique
CIFOR: Centre International de Recherche sur
les Forêts
CNFCG : Comité National
Français du Changement Global
CO2: Dioxyde de Carbone
COMIFAC: Commission des Forêts
d'Afrique Centrale
Dr: Densité relative
DME : Diamètre Minimum
d'Exploitabilité
ECOFIT: Ecosystèmes des Forêts
Intertopicales
FALSH: Faculté des Arts, Lettres et
Sciences Humaines
FAO: Food and Agriculture Organization of the
United Nations
GIC : Groupe d'Initiative Commune
GICABOY: Groupe d'Initiative Commune des
Agriculteurs Bongolo de Yambassa
GICAG : Groupe d'Initiative Commune des
Agriculteurs Guessele
GICAMBY: Groupe d'Initiative Commune des
Agriculteurs Modernes de Bouyongo
GICPALCY: Groupe d'Initiative Commune des
Planteurs du Centre Yambassa
GIEC: Groupe d'Expert Intergouvernemental sur
l'Evolution du Climat
GPS: Global Positioning System
IGN: Institut Géographique National
INS: Institut National de la Statistique
IRAD: Institut de Recherche Agronomique et de
Développement
IUCN: International Union for Conservation of
Nature
MDP: Mécanismes de
Développement Propre
MINRESI : Ministère de la Recherche
Scientifique et de l'Innovation
NO : Nord-ouest
ONADEF : Office National pour le
Développement des Forêts
ONCC : Office National du Cacao et du
Café
ONF: Office National des Forêts
ONG: Organisation Non Gouvernementale
Op.cit.: Opere Citato (Dans l'Suvre
précitée)
PAY: Planteurs Agricoles de Yambassa
PIB : Produit Intérieur Brut
PNUD: Programme de Nations Unies pour le
Développement
RCA: République Centrafricaine
RDC : République Démocratique
du Congo
RGF: Ressources Génétiques
Forestières
SE : Sud-est
UGROPLAY: Union des Groupements de Planteurs
Yambassa
WWF: World Wilde Fund
vi
SOMMAIRE
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
RESUME iii
ABSTRACT iv
LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS v
SOMMAIRE vi
LISTE DES FIGURES vii
LISTE DES TABLEAUX viii
LISTE DES PHOTOS ix
INTRODUCTION GENERALE 1
I. DEFINITION DU SUJET 3
II. DELIMITATION DU SUJET 4
III.INTERETS DE L'ETUDE 5
IV-PROBLEMATIQUE 7
V-CONTEXTE SCIENTIFIQUE 8
VI-QUESTIONS DE RECHERCHE 19
VII. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 20
VIII- OBJECTIFS DE RECHERCHE
26
IX. HYPOTHESES DE RECHERCHE
26
X- METHODOLOGIE DE RECHERCHE
27
PREMIERE PARTIE: LE CONTEXTE ECOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE
LA
MISE EN PLACE DES HAIES VIVES DEFENSIVES
32 CHAPITRE I : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE DU PAYSAGE AGRAIRE
YAMBASSA33 CHAPITRE II : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE
L'IMPLANTATION DES HAIES
VIVES DEFENSIVES 51 DEUXIEME PARTIE: DISTRIBUTION ET
IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET
ECONOMIQUES DE CEIBA ET BOMBAX
64 CHAPITRE III: LA DISTRIBUTION REGIONALE ET LOCALE DE
CEIBA PENTANDRA
ET DE BOMBAX BUONOPOZENSE
65 CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET
SOCIO-ECONOMIQUES DES
HAIES VIVES 101
CONCLUSION GENERALE 122
BIBLIOGRAPHIE 126
ANNEXES 135
VII
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Localisation administrative de la zone
d'étude 6
Figure 2 : Localisation de la zone de contacts
forêt-savane de l'ouest-Cameroun 8
Figure 3: Système défensif végétal
type mofou 18
Figure 4 : Système de défense
végétal yambassa 19
Figure 5 : Courbe ombrothermique de la station de Bafia 34
Figure 6 : Les moyennes annuelles des pluies dans la zone du
confluent Mbam et Sanaga 35
Figure 7 : Carte hypsométrique de la zone du confluent
Mbam et Sanaga 37
Figure 8 : Carte topographique de la région entre les
localités de Yambassa et d' Ombessa 40
Figure 9 : Carte hypsométrique de la région
entre Yambassa et Ombessa 41
Figure 10 : La distribution des sols dans la zone du confluent
Mbam et Sanaga 43
Figure 11 : Les arrondissements de Bokito et d'Ombessa :
localisation des anciens foyers de tensions 55
Figure 12 : Evolution de la population et des densités
rurales dans l'ensemble Bokito et Ombessa entre 1962 et
2005 62
Figure 13 : Distribution de Bombax buenopozense 72
Figure 14 : Aire de distribution de Ceiba pentandra
73
Figure 15 : Extension des murs défensifs
végétaux en 1951 76
Figure 16 : Le paysage de contact forêt-savane autour du
village Yambassa 80
Figure 17 : Localisation des murs végétaux
défensifs du bassin du Tchad 82
Figure 18 : Le système défensif
végétal du bassin versant de la Goudoulou 83
Figure 19 : Gros plan sur le système défensif
Guimsak 83
Figure 20 : Coupe du système défensif de Guimsak
84
Figure 21 : Section de mur défensif de la
localité de Yambassa 85
Figure 22 : La distribution locale de Ceiba et de Bombax sur
le transect de Yambassa 88
Figure 23 : Distribution des individus et des classes de
diamètres sur le transect de la localité de Yambassa 89
Figure 24 : La représentation des principales
espèces 91
Figure 25 : Densité relative des principales familles
96
Figure 26 : La reconstitution de l'évolution des haies
défensives sur le transect 103
Figure 27 : Les services écologiques et
économiques rendus par les arbres inclus dans les haies 106
Figure 28 : La distribution de la biodiversité sur le
transect de Yambassa 107
Figure 29 : Photo interprétation de la photographie
aérienne IGN n° 172, AEF de 1951 109
Figure 30 : La reconstitution de l'implication de
l'aménagement des haies vives défensives 115
Figure 31 :La dynamique des contacts forêt-savane sur le
site de Yambassa entre 1951 et 2013 : l'expansion de
la forêt 116
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Les données climatiques de la station de
Bafia 35
Tableau 2 : Nombre de manoeuvres mobilisés dans les
chantiers publics de la subdivision de Bafia de 1942 à
1944 59
Tableau 3 : Noms locaux de Ceiba pentandra à
travers le monde 74
Tableau 4 : Les noms locaux de Ceiba pentandra au
Cameroun 74
Tableau 5 : Relevé du transect de Yambassa 94
Tableau 6: Les familles les plus représentées
dans le relevé 96
Tableau 7 : Opinion sur le milieu de création des
cacaoyères 112
ix
LISTE DES PHOTOS
Photo 1 : La savane herbeuse à Pennisetum purpureum
et Imperata cylindrica 44
Photo 2 : La savane arbustive à Terminalia
glaucescens et Bridelia ferruginea 45
Photo 3 : La forêt dense semi décidue à
Sterculiaceae et Ulmaceae 46
Photo 4 : Plantation de cacaoyer aménagé dans un
système agroforestier 48
Photo 5 : Champs d'arachide et de manioc dans un bas fond
49
Photo 6: Champs de patate douce (sur butes) à
proximité d'une palmeraie 53
Photo 7 : Héritage des murs défensifs
végétaux autour du village Yambassa 56
Photo 8 : Fleur de Ceiba pentandra 68
Photo 9 : Feuille de Ceiba pentandra 68
Photo 10 : Fruits immatures de Ceiba pentandra 68
Photo 11 : Graine de Ceiba pentandra avec le support
de filaments cotonneux 68
Photo 12 : Jeune Ceiba pentandra dans un bosquet
anthropique proche des haies vives 70
Photo 13 : Fleur de Bombax buonopozense 71
Photo 14 : Alignement de Ceiba et de Bombax
sur le site de Yambassa 86
Photo 15 : Contreforts ailés de Ceiba pentandra
97
Photo 16 : Les contreforts de Bombax buenopozense
98
Photo 17 : Enchevêtrement des contreforts de
Ceiba et Bombax 99
Photo 18 : Au coeur d'un bosquet implanté entre les
haies de Ceiba et de Bombax à Yambassa 105
Photo 19 : Photographie aérienne n° 172 de la
mission IGN 016 AEF 1951/1952 au 1/50000 109
Photo 20 : Implantation d'un bosquet à la suite d'un
boisement de teck (Tectona grandis) 113
Photo 21 : L'alignement de Bombax et de
Ceiba sur le transect 120
1
INTRODUCTION GENERALE
2
Dans la zone tropicale humide, les régions de contact
entre les forêts denses humides et les savanes limitrophes ont connu au
cours du temps, de profondes modifications de leurs aires de distribution. Ces
variations ont été lié aux variations climatiques au cours
du Quaternaire récent. Les savanes qui couvraient de vastes zones au
cours de l'Holocène ont amorcé un mouvement de recul grâce
au retour de conditions climatiques favorables. D'après les
études de pollens et de diatomées contenus dans les
sédiments lacustres, la savane s'est largement étendue entre 4000
et 2500 BP du fait d'un assèchement du climat. Mais, Une phase
climatique humide qui a débuté après 2000 ans BP a permis
à la forêt un mouvement de reconquête sur les savanes
limitrophes (Reynaud-Farrera et al., 1996 ; Nguetsop, 1997 ; Schwartz,
1997 ; Schwartz et al., 1997). Autrement dit, depuis environ 1500 ans
BP, une phase humide plutôt favorable à l'expansion de la
forêt s'est mise en place et se poursuit jusqu'à nos jours.
Aujourd'hui pourtant, l'opinion commune au sujet de la
dynamique des formations végétales en Afrique subsaharienne est
celle d'un recul rapide de la forêt laissant place à la savane.
Les régions tropicales humides d'Afrique subsaharienne sont
caractérisées par la réduction de la surface des massifs
forestiers (Aboubacar et al., 2012). Par exemple, le taux annuel de
déforestation nette du bassin du Congo entre 1990 et 2000 a
été évalué à 0,2 % de la surface totale de
la forêt par De Wasseige et al. (2009) et 0,4 % par la FAO
(2001). Pour cette même période, la FAO a estimé ce taux de
déforestation nette à 0,5 % en Guinée et 3 % en
Côte-d'Ivoire. Les interprétations de
télédétection ainsi que les enquêtes et
relevés de terrain démontrent que de nos jours, à
l'échelle locale, dans une région comme celle du Mbam et Kim, le
mouvement d'expansion de la forêt continue vigoureusement (Youta Happi,
1998). L'accélération de la dynamique forestière par la
mise en culture a été localisée dans le sud des savanes
baoulé (Côte-d'Ivoire) par Aboubacar et al. (2012) et dans la
région de Béoumi (Nord-Ouest du V baoulé, à la
latitude de Bouaké). Grâce aux analyses des relevés
floristiques et à la photo-interprétation Lassailly et Spichiger
(1981) détectent des régénérations. Ils concluent
que «l'extension des brousses forestières mésophiles est
favorisée par la mise en culture de certaines zones
privilégiées de savanes, notamment par l'intermédiaire de
la culture du café, du cacao et des cultures vivrières ».
Au Centre-Cameroun en région habitée par les
populations Yambassa dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et
le fleuve Sanaga, il est probable que les mises en valeur agricole de parcelles
de savanes aient conduit aux mêmes effets. Ou alors, les dynamiques ne
s'opéraient pas de la même façon, compte tenu des
spécificités d'ordres naturels et humains
3
de cette région. C'est justement à ce titre que
cette étude vise à établir les implications des
systèmes de mise en valeur agricole et foncière du site sur le
double plan économique et écologique.
I. DEFINITION DU SUJET
Depuis les années 1970, de nombreux travaux ont
montré la progression des peuplements ligneux dans les savanes des
régions de contact forêt-savane d'Afrique centrale et occidentale
comme c'est le cas au Centre de la Côte d'Ivoire (Avenard et al.,
1974 ; Blanc-Pamard et Spichiger, 1973 ; Blanc-Pamard et Peltre, 1979).
Les agriculteurs ont joué un rôle important dans la «
reforestation» de ces milieux notamment en développant des cultures
pérennes comme le caféier et le cacaoyer ou en suspendant les
feux dans les champs de cultures vivrières implantés dans les
savanes. Ces pratiques ont été étudiées en
Guinée et au Cameroun par des agronomes et des ethno écologues
(Dounias, et Hladik, 1996 ; Filipski et al., 2007 ; Jagoret et
al., 2011 ; Correia et al., 2010).
La présence des savanes dans les régions
tropicales humides africaines a étonné les botanistes durant la
première moitié du 20e siècle. Ils
considéraient en effet que ces peuplements végétaux soumis
à une pluviométrie abondante devaient être totalement
couverts par la forêt. Ces chercheurs, à l'instar
d'Aubréville (1949) évoquaient une origine anthropique de la
savane dans ces régions. Les agriculteurs défricheraient la
forêt pour cultiver et se nourrir, et le retour fréquent des
cultures sur les mêmes espaces à l'origine forestiers,
combiné à l'usage du feu entraînait un processus de
savanisation. Aujourd'hui, les scientifiques expliquent la présence de
ces savanes par l'existence dans le passé des périodes
sèches, en particulier durant l'Holocène entre 4000 et 2000 ans
BP (Schwartz, 1992 ; Giresse et al, 1994). Ces savanes se sont maintenues
ensuite malgré une pluviométrie plus abondante dans les
situations de sols pauvres, cuirassés ou sableux et lorsque les feux
favorisés par la présence d'une biomasse importante de
graminées, se répétaient quasiment chaque année.
Mais dans toutes ces situations dans la region du Centre-Cameroun, la
forêt développerait à l'heure actuelle une nette tendance
à la progression sur les savanes (Youta Happi, 1998).
En pays yambassa, Beauvilain et al (1985) ont décrit
les remparts végétaux constituant des haies vives atteignent des
dimensions impressionnantes. Ici, l'ossature défensive est fournie par
un arbre, le kapokier (Ceiba pentandra), qui peut atteindre 30
à 40 mètres de haut. Les Yambassa ont ainsi bouturé des
«murs vivants» de kapokiers sur des kilomètres de long.
Toutefois, ces murs constitués par des alignements serrés de
grands arbres délimitaient et défendaient l'espace d'une
communauté villageoise, mais ils créaient véritablement le
terroir
4
Yambassa. Installées dans des savanes herbeuses, ces
lignes ceignaient les positions hautes et jouaient le rôle de pare-feu,
mais aussi de bouclier naturel derrière lequel les populations se
postaient pour surveiller les ennemis. À l'arrière, l'homme
pouvait entretenir des massifs forestiers dont l'essence dominante était
le palmier à huile.
La question est celle de savoir quelle est la contribution de
ces « Systèmes défensifs végétaux» du
« pays» yambassa dans la distribution et la dynamique de la
biodiversité floristique et partant, dans l'évolution actuelle
des contacts forêt-savane de cette région du centre Cameroun.
II. DELIMITATION DU SUJET
II.1. Délimitation thématique
L'étude de l'évolution des contacts
forêt-savane s'intègre dans un cadre global de la dynamique de
l'environnement et des risques liés à l'exploitation des
ressources naturelles. Il s'agit, pour le cas spécifique de la zone de
mosaïque forêt-savane du bassin de la rivière Mbam,
d'analyser le rôle des agrosystèmes dans l'évolution
passée et actuelle du couvert végétal, d'une part et
d'autre part, de déterminer leurs implications sur le triple plan
écologique, social et économique. Il s'agit d'un milieu de
transition entre la forêt dense, peuplement fermé, et la savane,
formation ouvert comme les travaux précédents l'ont décrit
(Suchel, 1988 ; Abah, 1984 : Kuété, 1989) :
· Transition climatique, car il semble ressortir de
l'observation des faits que la phase climatique actuelle marque le passage d'un
climat à tendance sèche révolu vers un climat à
tendance humide de mieux en mieux affirmé.
· Transition climatique latitudinale sous le climat
actuel, puisque c'est ici que s'amorce le passage du climat équatorial
au sud vers le climat tropical de l'Adamaoua ;
· Transition morpho-pédologique, entre le domaine
ferralitique du sud et les régions fortement cuirassées de
l'Adamaoua ;
· Transition végétale et floristique entre
le grand bloc forestier sud camerounais et les savanes du Nord, ce
caractère constituant la définition même du contact
forêt-savane.
II.2. Délimitation spatiale
L'étude s'effectue dans la region du centre-Cameroun,
dans le département du Mbam et Inoubou, arrondissement de Bokito
notamment dans le village Yambassa (Figure 1). Sur le plan administratif, ce
village appartient au canton Elip. Ce village se situe entre 4° 30' et
5°
5
30' N et entre 11° 30' et 12° E. Sa superficie est
d'environ 180 km2. Le village Yambassa, est
situé à 112 km au nord de la ville de Yaoundé. Ce village
est inséré dans la grande zone de mosaïque
forêt-savane du Centre Cameroun (Figure 2). C'est un territoire
essentiellement occupé par des savanes herbeuses et des savanes
arbustives avec des intrusions forestières sous forme de boqueteaux,
d'îlots et de galeries longeant les cours d'eau. Relativement peu
peuplé (moins de 10 hab. /km2), la région est
désenclavée depuis près de trente ans à la faveur
de la construction de la Route Nationale N° 4 qui relie
Yaoundé à Bafoussam en passant par Bafia, Bangangté et
Bandjoun.
Le village Yambassa est limité au nord par les
villages Guientsing 1, Bogondo et Baliama de l'arrondissement d'Ombessa, au sud
par les villages Balamba 1 et Balamba 2, à l'ouest par les villages
Bassolo, Bégni et Guéfigué et à l'est par les
villages Yebekolo, Nyambala et Yanga.
II.3. Délimitation temporelle
La plupart des villages et villes « yambassa »
comportent sur leur périphérie des alignements de Ceiba
pentandra ou fromagers. Ils ont été plantés de
manière alignée autour des groupements humains entre la fin du
19e et le début du 20e siècle (Beauvilain
et al., 1985). Selon ces travaux, les alignements de ligneux sont si
serrés qu'en grandissant, les arbres constituent des sortes de
fortifications vivantes. L'implantation de ces haies vives s'est faite dans un
contexte de guerres entre groupes de populations engagées dans des
luttes de conservation ou de conquêtes de territoires. Sur le terrain en
2014, des pans de ces murs sont encore visibles. Une bonne partie de ces «
fortifications» a disparu à cause du passage des routes ou
simplement à cause de la mort de certains arbres.
III. INTERETS DE L'ETUDE
Cette étude vise à contribuer à la
connaissance de l'impact des systèmes de mise en valeur agricole et
foncière sur la transformation et l'évolution des contacts
forêt-savane. Elle vise notamment à déterminer les
évolutions de l'affectation des sols sur le double plan quantitatif et
qualitatif. Il s'agit de préciser les indices et les marqueurs de :
- La transformation et l'évolution en termes
d'extension ou de régression spatiale de la forêt en région
de contact avec la savane;
- La dynamique dans le sens strict de la biodiversité
: espèces pionnières de l'écosystème forestier en
savane ou vice versa, introduction d'espèces, exploitation
sélective des espèces de la forêt et des savanes.
6
Limite de Région
MI Localisation de la Région du Centre
Bafia
MBAM ETJNOUBOU
6' N
NYONG ET MFOUMOUI
125km
o
iirE
MI Localisation du Département de
Mbam et Inoubou dans la région du centre
I département du Mfoundi
Sources: Revue Nationale de Géographie du
Caueroun
10130E 10°140' E 10 15I E
10 km
t0'I20'E
p DEUK
1v]AKANENE
1.1°I10'E 11°î20'E
11'i00' E
r :r
Localisation du village Yambassa
o
ND KINIiVFKI
YAMBASSA
41)1111
Source Carte topographique de Bafia
N6-32-V1au 1/200000
Localisation des arrondissements de Bokito et d'Ombessa dans le
département de Mbam et Inoubou
Figure 1 : Localisation administrative de la zone
d'étude
7
Cette étude se propose de montrer en outre
l'intérêt de la cartographie diachronique couplée à
l'interprétation des relevés botaniques pour une meilleure
connaissance de la dynamique des peuplements forestiers. Ces deux
démarches nous permettrons de comprendre et de décrire les modes
d'expansion de la limite forêt-savane à l'échelle locale
sur transects et placettes, d'une part, et à l'échelle
régionale par l'interprétation des données de la
télédétection.
Sur le plan personnel, étant novice dans la recherche,
cette étude nous a permis de satisfaire notre curiosité en
matière de dynamique des contacts forêt-savane liée aux
agrosystèmes notamment, les haies vives du village Yambassa.
IV-PROBLEMATIQUE
Sur le trajet qui mène de Yaoundé à
Bafia, un paysage particulier dominé par les savanes s'ouvre juste
après le pont sur la Sanaga et rompt la monotonie de la forêt
fermée (figure 2). Ce paysage de mosaïque forêt-savane
s'installe jusqu'au hautes terres de l'ouest. Il laisse découvrir des
alignements de forêt sous forme de galeries le long des cours dans les
vallées. Sur les versants et les interfluves, on découvre de
vastes étendues de savanes parsemées de boqueteaux, de bosquets
et d'îlots forestiers. Les savanes pour certains, seraient des
territoires d'une ancienne forêt qui jadis couvraient tout le territoire
(Kuété, 1989 ; Jacques-Felix, 1968 ; Kadomura, 1990). Les taches
et les couloirs de forêts seraient des reliques de cette forêt qui
a reculé devant les défrichements culturaux et les feux de
brousses qui leur sont traditionnellement associés. Pour d'autres les
bosquets et les boqueteaux seraient des « constructions» anthropiques
issues d'occupations temporaires et de la suspension des feux sur certaines
parcelles des savanes préexistantes (Letouzey, 1968 et 1985 ; Beauvilain
et al., 1985). Ainsi, à la faveur de la mise en défens des feux,
des parcelles de savanes connaissent un envahissement des espèces
pionnières de la forêt. Ces bosquets se seraient maintenus
grâce aux facteurs naturels de sols et de climat humide favorables au
développement d'un couvert végétal arboré.
Pour les auteurs comme Achoundong et al. (1996) et
Youta Happi (1998), la transgression de la forêt sur la savane au
centre-Cameroun est amplifiée depuis quelques décennies par
l'introduction d'une plante envahissante, Chromolaena odorata, qui
prépare l'invasion forestière dans les savanes.
Compte tenu des contradictions qui concernent la dynamique
des peuplements forestiers dans la région du Mbam en
général et du secteur occupé par les populations Yambassa
en particulier, cette étude vise à détecter les indices
matériels qui confirment ou infirment, soit le
8
recul de la forêt devant la savane, soit
l'avancée de la forêt favorisée par le recrutement
volontaire ou indirect des espèces de la forêt dense.
Figure 2 : Localisation de la zone de contacts
forêt-savane de l'ouest Cameroun
V-CONTEXTE SCIENTIFIQUE
· Des conditions climatiques et humaines
favorables à la transgression de la forêt sur la
savane
Dans l'ensemble du Centre-Cameroun, la progression de la
forêt sur la savane est favorisée par des précipitations
abondantes (1 400 à 1 600 mm) bien réparties dans l'année
(9 à 10 mois consécutifs), des sols ferralitiques profonds et de
faibles pressions anthropiques (moins de 15 habitants au km2). Dans
la région du Mbam et Kim, cette avancée est très rapide du
fait de la très faible densité humaine (moins de 5 habitants au
km2) et de l'inaccessibilité de certaines zones par manque de
routes (Youta Happi, 1998). La nette progression de la forêt sur la
savane dans la région du confluent du Mbam et du Kim confirme que la
tendance « lourde» de l'évolution de l'écotone
forêt-savane dans le centre du Cameroun est celle d'une reconquête
lente de la savane par la forêt semi-décidue dans un contexte
général de climat
9
humide. Dans d'autres régions du Centre-Cameroun, un
peu plus peuplées, cette tendance est également
vérifiée. C'est le cas notamment à l'est de la zone, au
sud de la région de Bertoua, au centre dans la localité d'Efoulan
située au nord de la ville d'Akonolinga, mais aussi dans la zone du
confluent entre les rivières Mbam et Kim à l'est de la ville de
Foumban. Cette évolution s'inscrit dans un contexte
général de reconquête des savanes par la forêt depuis
un peu plus de 1000 ans.
De très nombreux travaux ont été
consacrés à la problématique de la dynamique des contacts
forêt-savane des régions tropicales humides. Parmi ces recherches,
certaines se sont penchées particulièrement sur l'influence des
pratiques agricoles sur cette évolution en Afrique subsaharienne. Ainsi,
plusieurs travaux de recherche ont mis en évidence une dynamique
transgressive de la forêt sur la savane proche comme en Cote d'Ivoire
(Blanc-Pamard, Spichiger, 1973), en Guinée (Fairhead et Leach, 1996), au
Togo (Guelly et al. ,1993) et au Cameroun (Youta Happi, 1998 ; Dalliere et
Dounias, 1999 ; Filipski et al., 2007). Cette dynamique écologique
s'explique par des facteurs naturels favorables au développement d'un
couvert végétal arboré (sols profonds, climat humide etc.)
ainsi que par des processus biologiques comme la coalescence de proche en
proche favorisant la pousse des ligneux sur les lisières des ilots
forestiers et la dissémination des graines d'arbres par les animaux, par
le vent et par les Hommes. En plus de ces facteurs physiques et biologiques
favorables, l'agriculture traditionnelle basée sur des cultures
annuelles, pluriannuelles et pérennes pourrait être le principal
facteur de la dynamique du contact forêt-savane, ceci par son ampleur et
par la transformation effective et durable qu'elle entraîne dans le
paysage du fait de son caractère répétitif au centre
Cameroun (Milleville, 2007), Defontaine (1998), Jagoret et al. (2010).
· Mise en valeur agricole des lisières et
dynamique de l'écotone
Dans la région du confluent entre le Mbam et le Kim,
Froment et al., (1996) ont mis en évidence que les populations
Tikar, en s'établissant toujours sur la lisière, subissaient
auparavant le phénomène de transgression. Cette implantation
avait même tendance, par l'entremise notamment d'oiseaux anthropophiles
disséminateurs, à accélérer la progression
forestière à la périphérie de l'habitat à
l'insu des Tikar qui se voyaient contraints de déplacer le village pour
se maintenir en lisière. La mobilité forcée de l'habitat
accompagnait l'espace agraire itinérant, ce dernier résultant de
mises en jachère de longue durée rendues nécessaires par
la réitération culturale sur 7 à 8 années
consécutives et par la baisse drastique de production qui s'ensuivait.
Cette relative passivité face à la transgression, va cesser
à partir
10
des années 60 avec l'apparition de deux facteurs. Dans
un premier temps, l'adoption massive de l'arboriculture de rente et la
création d'un périmètre boisé pérenne qui va
s'ensuivre. L'arboriculture entretenue sur les marges des villages va finir par
bloquer la transgression forestière et permettre le maintien des
habitats. Dans un second temps, l'invasion intempestive des recrus par la
buissonnante Chromolaena odorata, va modifier la rotation agricole.
Mettant à profit les indéniables qualités agronomiques de
cette adventice amélioratrice des sols (Prasad et al., 1993).
Les Tikar vont à partir des années 80 intensifier leur
système de culture en revenant sur la même aire de culture
après un temps de jachère réduit à moins de 5 ans.
Cette forte réduction de la durée de la déprise agricole
compromet toute recolonisation par le recru (Guelly et al., 1993). Le
blocage du recru est renforcé par l'excellent rendement calorique de
l'eupatoire lors du brûlis qui neutralise les jeunes rejets d'arbres
héliophiles précurseurs de la reforestation (Gauthier, 1996).
Dans la région du centre-Cameroun en
général, des facteurs locaux apportent actuellement le «
coup de pouce » qui permet de mesurer des progressions spectaculaires en
quelques dizaines d'années. C'est par exemple le rôle tout
à fait primordial de Chromolaena odorata qui joue le rôle
de pare feu en s'interposant entre la savane et la bordure de la forêt.
Sa présence permet la survie d'un plus grand nombre d'espèces
pionnières de la forêt qui sont malheureusement très
sensibles aux feux de brousse (Youta Happi, 1998).
Au centre de la Côte-d'Ivoire, dans le « V
Baoulé », la mise en valeur agricole des lisières a
entraîné localement une implantation des espèces
pionnières de la forêt en savane. Des relevés botaniques
réalisés dans des anciens champs d'ignames implantés sur
les lisières révèlent la présence d'espèces
pionnières de la forêt dans les jachères (Blanc-Pamard et
Spichiger, 1973 ; Blanc-Pamard et Peltre, 1979). Les auteurs concluent que
l'occupation temporaire des parcelles de savanes par les cultures est
responsable de ces implantations. La raison est que pendant la phase culturale,
ces parcelles sont mises en défens, ce qui favorise le recrutement
spontané des espèces de la forêt. Au sud-est de la
République Centrafricaine et au nord du Congo Brazzaville, l'occupation
temporaire des parcelles de savanes par l'habitat aurait les pour effets la
constitution de bosquets (Boulvert, 1990 ; Grand-Clément, 2002). Ces
auteurs expliquent que l'installation des habitations dans les savanes conduit,
d'une part, à la suspension des feux et, d'autre part, à
l'implantation d'arbres fruitiers qui, avec le temps, créent une
ambiance écologique favorable à l'installation des espèces
indigènes de la forêt dense.
11
Dans la région ouest du terroir yambassa justement,
des travaux agronomiques révèlent une rotation culturale qui
aboutit à une recomposition de l'occupation du sol. L'un des traits
majeurs de cette dynamique est la conversion de parcelles de savanes en
agroforêts de cacaoyers. En effet, les systèmes de culture
vivriers en zone de savane reposent sur le manioc et le maïs, qui
constituent la base alimentaire de la population de Kédia près de
Bokito. Ils combinent dans l'espace et dans le temps des cultures annuelles
(taro, igname, maïs, courge à pistaches, etc.) ou pluriannuelles
(manioc, bananier plantain) de longueurs de cycle différentes,
permettant le plus souvent deux productions par an sur la même parcelle.
Une parcelle en savane peut porter ces cultures vivrières durant 4
années, puis elle est mise en jachère pour 10 à 12 ans.
Mais dans bien des cas, les cultures vivrières sont associées aux
cultures pérennes (le cacaoyer, les agrumes) durant leur phase
juvénile : les 5 à 7 premières années qui
précèdent l'entrée en production du cacaoyer, par exemple.
Cette association du cacaoyer aux cultures vivrières contribue à
accroître la production vivrière des exploitations et favorise
l'entretien des jeunes cacaoyères (Aboubacar et al., 2012).
Ainsi, un peu partout en Afrique tropicale humide,
l'occupation temporaire des parcelles de savanes par les champs et/ou les
cultures conduit à une colonisation spontanée de la savane par la
forêt dense. La question qui se pose est celle de savoir comment
évoluent les parcelles de svanes occupées de manières
pérennes par les champs et/ou les habitats.
· La régénération
post-culturale à l'intérieur de la forêt
Les champs de forêts abandonnés après
récolte connaissent eux aussi une activité dynamique. La vitesse
de la reconstitution qui s'opère est fonction du nombre de cycles
culturaux antérieurs. Un espace qui a été pendant
longtemps exploité verra son potentiel de
régénération réduit. Certains
éléments de l'environnement immédiat peuvent
également avoir une influence sur la reconstitution. C'est par exemple
le cas de la présence sur les jachères de certains arbres
épargnés par un abattage sélectif pendant
l'activité agricole. Ces « orphelins de la forêt »
(Carrière, 1999) ont un rôle déterminant dans la dynamique
forestière. En effet, l'arbre au sein de l'agrosystème
crée les conditions favorables à l'installation des essences
ligneuses et facilite la régénération du couvert forestier
(Yarranton et Morrison, 1974) .
Certains auteurs comme Carrière (1999)
considèrent que l'agriculture extensive traditionnelle basée sur
le système de cultures itinérantes ou essartage, joue un
rôle proche de celui des chablis dans la dynamique forestière.
Pour cet auteur, dans certaines situations, les perturbations induites par les
agriculteurs ne sont pas préjudiciables à la biodiversité
de la
12
forêt, mais au contraire, elles en constituent un des
éléments. Cela s'explique par le fait que les agriculteurs en
aménageant les parcelles de cultures, épargnent un certain nombre
d'arbres pour diverses raisons comme la fertilisation pour le cas des
légumineuses. D'autres raisons expliquent la préservation des
arbres dans les champs. C'est le cas des arbres fruitiers, des arbres
d'ombrage, des essences à valeur culturelle ou rituelle, des essences
à valeur médicinale ou culinaire. Aussi, une fois la parcelle
abandonnée en jachère, ces arbres dispersées favorisent ou
accélèrent la reconstitution de la forêt du fait qu'ils
sont des portes graines et servent aussi de perchoirs aux oiseaux et animaux
grimpeurs qui s'y attardent pour manger ou pour expulser leurs
déjections. Aussi, les perturbations induites par l'agriculture
itinérante pratiquée en forêt dense humide dans un contexte
de faible densité démographique présentent quelques
caractéristiques semblables aux perturbations naturelles. Plusieurs
raisons expliquent cela :
- Les perturbations cycliques qui y sont pratiquées,
notamment par le biais des défrichements culturaux, correspondent
à des éclaircies temporaires que le calendrier agricole des
terroirs impose ;
- Le terroir agricole en mosaïque de phases de jeunesse
(jeunes jachères ou forêt très dégradées), de
maturité (jachère âgée ou forêts secondaires)
et de vieillesse (forêts secondaires âgées ou forêts
en voie de reconstitution) y constitue un facteur de maintien de la
biodiversité;
- Les perturbations fréquentes (temps de
jachère de 20-30 ans) tout comme les chablis loin de diminuer la
diversité biologique, y permettent plutôt le renouvellement ;
- La variabilité des intensités des
perturbations (faibles superficies défrichées, dispersion des
champs dans le terroir, courte durée des cultures, rotations
déclenchées avant la diminution de la fertilité des sols)
concourt également à un maintien de la biodiversité
globale et même parfois à un enrichissement par le biais
d'introduction d'espèces.
Toutes ces perturbations anthropiques améliorent la
forêt en tant que ressource utilisable pour l'homme et contribuent de
manière significative à la structuration en taches de la
forêt et donc au maintien de sa biodiversité à
l'échelle locale. Le maintien et surtout l'évolution de la
biodiversité s'expliqueraient par les changements climatiques et
écologiques (pénétrations de nouvelles espèces)
ainsi que par les facteurs historiques (sédentarisation des villages),
sociaux (évolution des maîtrises foncières, agencement des
cultures dans l'espace) et culturels (abattage ou non de certaines
espèces d'arbres culturellement valorisées). Dans une
13
perspective dynamique, on peut résumer l'action de
l'agriculture itinérante par une altération puis une
reconstitution de la forêt, donc un maintien de la biodiversité et
une évolution de celle-ci à travers l'histoire des populations et
leurs activités de subsistance.
Kahn (1982, cité par Kemadjou, 2010) a
étudié la reconstitution de la forêt tropicale humide
après culture traditionnelle au Sud-ouest de la Côte-d'Ivoire sur
14 jachères d'âges différents (de 3 à 60 ans). Pour
lui, la forêt tropicale humide se reconstitue par une série de
stades successifs, chaque stade étant le résultat de
l'installation du développement et du dépérissement d'un
ensemble floristique qui facilite l'installation et le développement du
stade suivant. La théorie de la reconstitution qui découle de
cette étude établit que le développement de la forêt
après perturbation artificielle passe par une série de 4 stades
successifs:
- Le stade herbacé graminéen où la
végétation présente essentiellement les adventices surtout
graminéennes;
- Le stade à herbacées et sous ligneux qui
correspond à la mise en place sous forme de plantules d'espèces
pionnières de la forêt à croissance rapide et à bois
mou ;
- Le stade arbustif pionnier qui est
caractérisé par la présence de nombreuses espèces
secondaires. Ce stade disparaît progressivement et voit
l'apparition de jeunes plants d'espèces à longue durée de
vie ;
- Le stade préclimacique. Il met en place une
forêt secondaire qui précède la forêt climacique.
C'est le dernier stade avant la reconstitution complète de la
végétation. Il est caractérisé par la
présence en nombre dominant des espèces à longue
durée de vie et à bois dur
Le schéma de la succession tel que
présenté par Kahn (1982, cité par Kemadjou, 2010) est
à peu près comparable à ceux élaborés par
certains de ses prédécesseurs en ce qui concerne la
reconstitution de la forêt tropicale humide post culturale. Celle-ci, une
fois perturbée, tend à se reconstituer à travers une
série d'étapes qui passent par les plantes herbacées, les
arbres à croissance rapide et à faible longévité,
les grands arbres héliophiles et enfin les arbres
caractéristiques de la forêt primaire qui sont constitués
essentiellement d'espèces sciaphiles. Aubréville (1947,
cité par Kahn, 1982) distingue trois phases dans le processus de
reconstitution :
- La première phase est celle des espèces
caractéristiques des forêts secondaires. Les espèces en
présence sont essentiellement héliophiles. Elles
s'élèvent à une taille située entre 15 et 20 m de
haut ;
Le long des lisières, une bande de Chromolaena
odorata, Asteraceae exotique pérenne (Gautier, 1993) introduite au
Cameroun à la fin des années 1960, s'intercale entre la savane
et
14
- La deuxième phase qui connaît la formation
d'un sous-bois comparable à celui d'une forêt primaire. D'autres
espèces héliophiles encore plus grandes que les premières
dominent ;
- La troisième phase ou reconstitution de la
forêt primaire. Ici les espèces secondaires de la première
phase ont disparu. Ce sont désormais les grands arbres de longue
durée de vie qui dominent.
Dans la partie septentrionale du Cameroun, Aboubakar (1997) a
déterminé les conséquences de l'exploitation des espaces
boisés ainsi que les risques qui en découlent. Il note la
réduction du couvert ligneux causée par les défrichements
culturaux croissants et la raréfaction de certaines espèces
ligneuses telles que Trichilia rok et, Dalbergia melanoxylon.
Dans les savanes arbustives jadis cultivées, Aoudou (2001) a
observé une augmentation du recouvrement des ligneux, une
diversité de la structure de la végétation en fonction de
la durée de l'abandon sur les terroirs anciennement habités et
mis en défens dans la Haute Bénoué.
· Le rôle protecteur des espèces de
lisière
Le front forestier au contact de la savane est
essentiellement peuplé d'espèces héliophiles très
expansives qui se répartissent derrière la lisière de la
forêt sur les 10 à 50 premiers mètres. Il s'agit, pour les
plus répandues, de Markhamia lutea, Voacanga africana, Alchornea
cordifolia, Allophyllus africana, Albizia zygia, Albizia glaberrima
et Albizia adianthifolia. Ces trois dernières
espèces ont un caractère très plastique et ont une
répartition plus large, aussi bien dans la forêt que dans la
savane (Youta Happi, 1998). Sur les lisières, ces espèces qui ont
la taille d'arbustes et de jeunes arbres de 7 à 20 m cohabitent avec des
peuplements de Zingiberaceae. Ce dispositif forme un pare-feu naturel pour la
forêt, à la fois défensif et offensif. Défensif
grâce au rideau persistant des feuilles des espèces du front
forestier et des ampes foliaires des Zingiberaceae gorgées d'eau.
Offensif grâce aux branches débordantes des espèces de
bordure qui rampent parfois jusqu'au sol. Sous leur ombre, alors que les
Gramineae privées de lumière périclitent, les graines des
espèces de lisière, dans une ambiance relativement humide,
peuvent germer sans être concurrencées. Ainsi de proche en proche,
ces espèces de conquête s'implantent, aidées par l'ombrage
croissant qui empêche les Gramineae de pousser.
· Le rôle accélérateur de
Chromolaena odorata
15
la forêt. Cette plante herbacée, dotée
d'une très grande capacité de ramification et d'une forte vitesse
de croissance, présente également la caractéristique de
rester verte plus longtemps que les herbacées de la savane en saison
sèche. De la sorte, les feux de savane ne la franchissent pas ou ne la
détruisent que partiellement, ce qui a pour conséquence une
protection de la lisière. De plus, Chromolaena odorata ne
s'oppose pas aux espèces pionnières de la forêt car son
système racinaire tolère la germination et le
développement de leurs graines et de leurs plantules. Elle les
protège des feux et favorise donc leur croissance sous leur couvert
persistant (Achoundong et al., 1996 ; Youta Happi, 1998). Dans la
compétition interspécifique qui se déroule en
lisière et, localement, en savane, Chromolaena odorata
élimine les Gramineae du fait de son fort développement
vertical et latéral. Elle favorise en quelques années
l'installation définitive des espèces de forêt qui la
dominent par contre dans le temps et dans l'espace.
· Les systèmes défensifs
végétaux africains
Les comptes rendus d'opérations de police et les
rapports militaires rédigés au début de la période
coloniale européenne en Afrique mentionnent les difficultés
rencontrées pour approcher de nombreux établissements
entourés d'épais fourrés d'épineux ou d'euphorbes
(Seignobos, 1978). Cet auteur précise que les « fortifications
végétales» avaient été créées
par l'homme, et leur démantèlement fut souvent exigé par
les puissances coloniales comme gage de soumission. Dans la partie
septentrionale du Cameroun, mais aussi autour de lac Tchad, ces « murs
vivants » ont disparu rapidement à l'époque coloniale, car
elles furent soit détruites, soit délaissées ou
reconverties chez les groupes éleveurs en haies de protection des
champs. Les chemins bordés qui permettaient de contenir le bétail
se maintinrent alors que s'effaçaient les lignes boucliers. Beaucoup de
ces constructions végétales sont encore décelables dans le
paysage où se succèdent des éléments arborés
ou arborescents en lignes. Leur abondance inattendue ne s'explique pas par la
seule nécessité de canaliser le bétail, pas plus que les
rideaux d'arbustes spinescents sur les piémonts ne peuvent être
attribués uniquement à une action antiérosive. De plus,
l'évidente inefficacité défensive des constructions de
terre et surtout de pierres sèches laisse comprendre leur vraie raison
d'être, celle de supporter des constructions végétales
formées d'épineux ou d'euphorbes dont les ruines sont encore
accrochées à ces murs. Passant presque inaperçues, ces
défenses végétales sont en réalité
omniprésentes sur de vastes aires et montrent tout le raffinement de
leurs diverses combinaisons. Leur reconstitution et leur interprétation
exigent une véritable démarche archéologique. Nous
évoquerons ici des exemples de fortifications végétales
16
édifiées au Cameroun et dont certaines
servaient encore au moment de la pénétration coloniale. Les
systèmes défensifs végétaux sont
omniprésents en Afrique, essentiellement dans les situations de
populations installées dans des écosystèmes ouverts comme
les savanes et les steppes. Toutefois, dans la zone soudano-sahélienne,
l'élaboration de ces «fortifications» était
favorisée par un certain nombre de conditions.
- Elles n'existaient pas dans les États
centralisés comme les royaumes du Bornou près du lac Tchad ou du
Baguirmi où seule la capitale s'arrogeait le droit d'être
fortifiée. En revanche, dans les cités du pays haoussa, les
défenses végétales renforçaient les murailles. Ces
constructions végétales étaient surtout
élaborées dans les zones où les densités de
populations étaient trop fortes pour qu'un simple no man's land
forestier puisse assurer leur protection.
- Elles étaient également essentielles pour des
groupes en situation d'assiégés ou menacés de façon
endémique. Certaines régions, particulièrement
vulnérables, multipliaient ces défenses dans les couloirs de
peuplement nés du refoulement continuel de populations venues des grands
empires, ou dans les régions directement exposées aux
menées de ces empires qui les razziaient périodiquement.
- Les végétaux complétaient, dans bien
des cas, les refuges naturels, collines et massifs rocheux avancés en
plaine. La protection pouvait être assurée par une essence unique
ou bien, et c'est le cas le plus fréquent, plusieurs espèces se
combinaient entre elles en une succession de lignes formées de
variétés différentes. Certaines plantes, qui se bouturent
facilement, servaient de supports à d'autres, lianescentes et
épineuses, qui constituaient les lignes avancées et
créaient des écrans élevés. On utilisait en
avant-poste les essences peu sensibles au feu, ou celles qui étaient
difficiles, voire dangereuses à abattre. Certaines, enfin, qui formaient
des « murs » hermétiques étaient disposées en
dernière ligne. Le choix des combinaisons restait très ouvert,
mais le mode défensif choisi était, dans sa complexité,
représentatif du groupe ou du sous-groupe ethnique qui l'avait
suscité et qui le reproduisait indéfiniment.
Toujours, d'après Seignobos (1978), les Guiziga,
populations indigènes de la région de Maroua établissaient
leur habitat aux pieds de massifs rocheux (figure 3). Une partie de leur
terroir exigeant impérativement une protection, de véritables
murs végétaux suivaient les piémonts, à quelques
dizaines ou centaines de mètres des premiers éboulis. Les Guiziga
bouturaient sur la ligne de défense extérieure Commiphora
africana, de manière relativement espacée. Acacia
ataxacantha était semé parallèlement à l'aide
de cannes de mil évidées et
17
remplies de graines qui s'écoulaient par
l'extrémité qu'on laissait traîner dans une rainure du sol.
En se développant, Acacia ataxacantha, épineux
buissonnant, se mêlait à Commiphora africana pour former
une barrière de trois à quatre mètres de hauteur. Une
deuxième ligne, à base d'Euphorbia unispina, dans sa
variété au port le plus serré et à la taille la
plus élevée, poussait à quelques mètres en
arrière. Enfin, Commiphora africana, arbuste à la
silhouette contournée et dont les rameaux sont autant d'aiguillons,
était bouturé en croisillons sur plusieurs rangs à
l'arrière.
En complément de ces premières lignes de
défense générale, les passes des petites vallées
étaient barrées par des murets recréant un milieu
favorable à la croissance d'euphorbiacées ou d'Acacia
ataxacantha. Ces « pierriers » ou Dled1, ces murets
qui coupaient les vallées et qui sont aujourd'hui à nu ne
servaient pas seulement à casser les assauts de la cavalerie des
royaumes voisins, ils constituaient le plus souvent le support durable de
systèmes défensifs végétaux complexes.
L'abondance d'une essence, Commiphora africana sur
les massifs à l'ouest de Maroua ou Acacia ataxacantha en
bordure des cours d'eau, permettait une mise en place rapide (une saison des
pluies suffisait) et le renouvellement fréquent de centaines de
mètres de haies. Ces rideaux défensifs évoluaient sans
cesse, avançant en plaine ou se rétractant à
proximité de l'entassement chaotique des pierres, contournant les
massifs, d'abord partiellement, puis les ceinturant intégralement, en
fonction des fluctuations de densité de population du massif. En
revanche, les plantes à latex comme Adenium obaesum, Euphorbia
unispina et surtout Euphorbia desmondi étaient
plutôt importées d'autres régions et on les faisait
fructifier à partir des lignes existantes. Elles jouaient le rôle
de barrière mécanique et l'on « mettait en réserve
» l'une d'elles, qui servait uniquement, en association avec
Strophantus, à la composition de poison de flèche.
1 Dled signifie mur de pierre (pierrier). Il est
élevé comme système d'appui des lignes
végétales
18
Figure 3: Système défensif
végétal type mofou
Source: Seignobos, 1980
Dans le domaine forestier et à ses abords, les
remparts végétaux pouvaient atteindre des dimensions
impressionnantes comme en pays Yambassa, au nord de Yaoundé (Beauvilain
et al., 1985). Ici, l'ossature défensive est fournie par un arbre, le
kapokier (Ceiba pentandra), qui peut atteindre de 30 à 40
mètres de haut. Les Yambassa ont ainsi bouturé des « murs
vivants » de kapokiers sur des kilomètres de long (figure 4).
Les contreforts à la base des fûts s'imbriquent
les uns dans les autres ou forment une véritable muraille de 3 à
4 mètres de hauteur qui assure une protection hermétique, dont
les rares ouvertures étaient gardées. Toutefois, ces murs
d'arbres gigantesques avaient d'autres fonctions. Non seulement ils
délimitaient et défendaient l'espace d'une communauté
villageoise, mais ils créaient véritablement le terroir Yambassa.
Installées dans des savanes
19
herbeuses, ces lignes ceignaient les positions hautes et
jouaient le rôle de pare-feu. À l'arrière, l'homme pouvait
entretenir des massifs forestiers dont l'essence dominante était le
palmier à huile.
Figure 4 : Système végétal de
défense yambassa
Source: Beauvilain et al, 1985
C'est justement dans ce contexte à l'histoire
récente très mouvementée que notre étude a
été conduite. Les travaux nous ont permis de détecter les
héritages d'ordres fonciers, économiques et écologiques de
ce contexte de guerres entre groupes de populations et de mises en valeurs
agricoles des terres.
VI-QUESTIONS DE RECHERCHE
VI.1. Question principale de l'étude
Quels sont les impacts écologiques et
socio-économiques des haies vives dans la dynamique actuelle et
passée des contacts forêt-savane dans la région du
confluent Mbam et Sanaga et notamment dans le village Yambassa?
VI-2-Questions spécifiques
Ø Quel est l'état des lieux du paysage agraire de
la localité de Yambassa ?
20
Ø Quel est le contexte de la mise en place des haies
vives Yambassa ?
Ø Quelle est la distribution géographique et la
composition floristique actuelle des haies vives yambassa ?
Ø Quelles sont les conséquences de la mise en
place des haies aux plans écologiques, sociologiques et
économiques?
VII. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE VII.1. Cadre
conceptuel
Haie : Le mot a pu désigner
originellement autre chose qu'une rangée d'arbre, puisqu'on le trouve
dans le sens de « lisière de forêt » sous la forme
ancienne haye en toponymie voire par extension des massifs forestiers
eux-mêmes. Le terme haie est issu du germanique hagja qui a
déjà le même sens reconstitué d'après le
moyen néerlandais hegge, haie, clôture. On le trouve en
latin médiéval sous la forme haja dès le
IXe siècle. Le même étymon indoeuropéen
khag, "entouré de" a donné le celtique kagio-
qu'on trouve sous les formes cabo, cagio, cagium
en bas latin , à l'origine des termes quai (forme
normano-picarde) et chai (forme du français central).Cependant,
le sens actuel définit la haie comme étant une clôture
faite d'arbres et d'arbustes servant à protéger un champ, un
jardin ou une concession (Benjamin et al., 2011)
Une haie est une structure
végétale linéaire associant arbustes et arbres
généralement plantés et entretenus pour former une
clôture. La faible épaisseur de la haie en fait un
écosystème particulier, associant une face ombrée, un
coeur stable et dense et une face ensoleillée. Les haies sont
usuellement disposées en limites de parcelle pour assurer la
séparation des propriétés ou la protection contre
l'intrusion.
Haies vives : Les haies vives sont des
formations denses alignées d'arbres ou d'arbustes utilisées le
plus souvent en agroforesterie. Elle est introduite et vise à
matérialiser les propriétés ; protéger les jardins,
les vergers ou les champs de cultures contre le passage des animaux. Elle vise
également à créer une clôture de bétail,
à produire des sous-produits ligneux et non ligneux, à fixer les
ouvrages anti-érosifs. Enfin, les haies vives visent à lutter
contre l'érosion des sols et à mobiliser les eaux de
ruissellement à partir des cuvettes (Bernier Leduc, 2007).
Mesurer la qualité et la quantité d'une haie ou
d'un réseau de haies est une opération difficile.
· Etat quantitatif: Aux échelles
locales, il peut être évalué sur le terrain par la mesure
du nombre moyen d'arbre, de la hauteur de ces arbres, du diamètre moyen
des troncs, de la surface terrière, de la biomasse
végétale, etc. Des indices de biomasse et des
21
indices de linéaires (km de haies) peuvent être
établis aux échelles paysagères et régionales par
analyse de photos aériennes. Mais les résultats de
différentes campagnes de mesure sont parfois difficilement comparables.
Certaines évaluations différencient les haies vives des haies
basses.
· Etat qualitatif: Il est lié
à la diversité des essences, à leur autochtonie, à
la richesse écologique des essences d'accompagnement, de la strate
herbacée, à la santé et à la résilience des
haies. Il est aussi lié aux services écosystémiques rendus
par les haies vives, en particulier à ses fonctions de corridors
biologiques et d'abri pour de nombreuses espèces.
Dynamique : signifie l'évolution dans le
temps et dans l'espace.
Contact forêt-savane : signifie
écotone ou frontière. C'est encore la limite entre la forêt
et la savane. C'est encore la zone de séparation entre la forêt et
la savane.
L'écotone : d'après le
dictionnaire Larousse, l'écotone désigne la zone de transition
entre deux écosystèmes. Par exemple, le passage de la savane
à la forêt, ou le passage d'une plaine alluviale à une zone
non-inondable.
Forêts : selon la loi de
94/01/20 janvier 1994, sont considérées comme
forêts les espaces comportant une couverture végétale dans
lesquels prédominent les arbres, les arbustes et d'autres espèces
susceptibles de fournir des produits autres qu'agricoles. Cette
définition ne fixe pas les seuils. La FAO (2009)
considère comme forêts toute superficie de plus de 0,5 hectares
avec les arbres de plus de 5 mètres de hauteur et une densité de
couvert de plus de 10%. Les accords de Marrakech ont essayé d'introduire
une flexibilité; ces accords prescrivent aux pays qui conçoivent
un plan de suivi forestier qu'une définition complète des forets
doit inclure:
- Une superficie forestière minimale (entre 0,5 à
1 hectare)
- Une densité minimale de couvert forestier de 10 a 30%
ou un niveau de stockage de carbone équivalent en termes de
flexibilité.
La forêt est une large étendue de
terrain occupée principalement par de grands arbres et par des arbustes,
des arbrisseaux et diverses plantes. Pour le GIEC (2000), les terres
forestières sont toutes les terres à végétation
ligneuse correspondant au seuil utilisé dans la définition des
terres forestières dans l'inventaire national.
22
Forêt galerie: On parle de forêt
galerie lorsque la canopée est jointive au-dessus d'une rivière
ou d'un petit fleuve, ou d'une zone humide (la présence de l'eau pouvant
éventuellement être temporaire)
Savane: c'est une formation
végétale dans laquelle domine les plantes herbacées
hautes, et qui est adaptée aux climats tropicaux chaux et secs. Pour
Letouzey (1968), la savane est une étendue de plante herbacée
continue au sein de laquelle des arbustes et des arbres peuvent être
dispersée selon des densités variables. Les
éléments ligneux peuvent êtres absents et dans ce cas on
parlera de savanes herbeuse. Si on n'y trouve que des arbustes
éparpillés, on parlera de savane arbustive. Si
la savane comporte à la fois des arbustes et des arbres
dispersés, on a à faire à une savane
arborée. Si la densité des arbres est importante on
parlera de savane boisée ou de forêt claire.
La dynamique des contacts forêt-savane
désigne donc l'évolution, la modification ou la
transformation des lisières de la forêt et de la savane dans le
temps et dans l'espace. C'est aussi l'évolution ou la mutation de
l'écotone forêt-savane.
Il existe deux types de dynamiques de l'interface
forêt-savane (CNFCG, 2006) :
· le type «déplacement de
lisière»: il y a des bosquets de pionniers en savane,
généralement de petite taille, qui apparaissent et disparaissent
sans jamais grossir significativement. Ceci traduit alors soit la coexistence
savane stable/forêt instable (recul de la lisière) ou savane
stable/ forêt stable (hystérésis, recul ou progression de
lisière). Il s'agit de toute façon d'un scénario lent
(déplacement de l'ordre de quelques mètres par an).
· le type «coalescence de bosquets», avec
conversion de la savane en forêt par apparition, croissance et
coalescence de bosquets en pleine savane. Dans les conditions très
favorables, ce scénario se traduit par une afforestation en masse des
savanes. Il s'agit d'un scénario beaucoup plus rapide que le
précédent. C'est le cas qui nous intéresse dans cette
étude.
Bosquet: le dictionnaire Larousse
définit le terme comme étant synonyme de « petit bois
», c'est-à-dire une tache de peuplement boisé situé
sur un territoire dominé par les plantes herbacées. Le terme est
aussi synonyme de bois ou de boqueteau. Les botanistes considèrent le
bosquet comme étant une petite étendue de forêt dont la
largeur peut varier entre 5 et 100 m. Au-delà de cette taille (entre 100
et 10 000 m environ), la tache de forêt est considérée
comme un îlot forestiers. Lorsqu'un peuplement forestier
isolé au milieu de la savane s'étend sur plus de 10 km de
largeur, on parle alors de massif forestier.
23
Signification du nom Yambassa
Le terme yambassa désigne à la fois le
nom de la zone d'étude située entre 4°20' et 4°40'N et
entre 11°10' et 11°30'E. Les allemands ont
généralisé le nom du village Yambassa à toute la
région du confluent Mbam-Sanaga après sa pacification en 1911. La
région est constituée de deux arrondissements, à savoir,
Bokito et Ombessa. Avant cette date, les populations étaient
désignées sous le nom de Nigodua, d'Ambassa ou encore de Bo
Ambassa, c'est-à-dire « les descendants d'Ambassa
». Car en effet, Ambassa fut l'ancêtre commun du
village. Le terme Yambassa serait la contraction de Ya Ambassa
qui signifie de Ambassa ou fils d'Ambassa.
En 1905, Dominik remarque que les Bapéa sont voisins
des Yambassa et appartiennent à la même souche linguistique.
Aujourd'hui, dans le grand Mbam, les Yambassa forment une entité
singulière par opposition aux Bafia, Vouté, Banen et Bapé.
Par contre, les Yambassa rassemblent toutes les populations qui composent les
arrondissements de Bokito et d'Ombessa. Ils rassemblent ainsi les
Lémandé de la région de Yangben, les Assala de Bokaga ou
encore les Balamba.
VII-2-Cadre théorique
Si au Cameroun, les travaux portant sur la dynamique des
contacts forêt-savane sont peu nombreux, ailleurs et en particulier en
Côte-d'Ivoire, de nombreuses études lui ont été
consacrées. De celles-ci, il ressort une très grande
diversité d'approches et de points de vue qui s'inscrivent dans deux
grandes tendances. L'une conclut à un recul de la forêt devant les
pressions anthropiques diverses alors que l'autre évoque
l'hypothèse d'une progression de la forêt sous l'effet d'un climat
humide.
VII.2.1.Théorie de la savanisation et de la
disparition des forêts liée à l'homme
Parmi les thèses défendues et les prises de
position parfois militantes sur l'origine ou la répartition des savanes
préforestières, l'homme a été bien souvent
désigné comme unique responsable. Ces savanes seraient des
témoins de phases successives de trouées pratiquées par
l'homme dans la forêt par le biais des défrichements, des feux de
brousse et du surpâturage. Ainsi, Aubréville (1949) souligne que:
« le recul des lisières de la grande forêt
guinéenne et équatoriale est un fait évident,
contemporain, que chacun peut, avec un peu d'attention, constater de nos jours,
parce qu'il se manifeste sous nos yeux et parce que, parfois, la
régression est assez rapide. Vers les lisières actuelles des
forêts, on remarque des clairières, plus ou moins grandes,
couvertes de savanes épaisses de hautes herbes, dites souvent herbes
à éléphants... Il s'agit, personne ne le conteste, de
parcelles défrichées et incinérées par les
24
indigènes, suivant leur méthode habituelle
de cultures en forêt sur brûlis suivi de l'abandon du terrain
après récoltes. »
Au Cameroun, Les étendues graminéennes seraient
le résultat d'une dégradation irréversible de la
forêt dense par le biais des défrichements et des brûlis
pratiqués depuis la période néolithique par les
cultivateurs (Kadomura, 1977 ; Kadomura et al, 1986 ; Hori, 1986 ; Chujo,
1986). Ces pratiques humaines qui sont supposées conduire à la
progression de la savane se seraient intensifiées depuis le début
du 20e siècle, suite à l'accroissement démographique
(Abah, 1984 ; Olivry, 1986; Ombam, 1992; Amougou-Akoa, 1986; Morin, 1989;
Kuété, 1989; Gartland, 1989, 1992).
VII.2.2. La théorie de la progression de la
forêt sur la savane liée aux conditions écologiques
favorables
Pour Youta Happi (1998), les conditions écologiques
actuelles influencent, non pas la répartition ponctuelle de la
végétation, mais le rythme de la progression de la forêt
sur la savane. A l'échelle locale, le facteur pédologique
commande en premier lieu la vitesse de la progression de la forêt sur la
savane. A ce titre, les surfaces à cuirasses ferrugineuses affleurantes
et les sols engorgés constituent un des facteurs limitant la vitesse de
progression. Ce facteur n'est très déterminant que lorsqu'il
s'associe aux feux de saison sèche qui, par temps d'Harmattan,
rencontrent à de tels endroits un couvert végétal
desséché. A l'échelle régionale également,
cette vitesse semble être en relation avec la fréquence des feux.
Les régions qui connaissent des pressions anthropiques relativement
importantes --cas de la région située au nord d'Akonolinga--
subissent une plus grande fréquence des feux et, par conséquent
une faible vitesse de la progression de la forêt. Les faibles
déficits locaux de la moyenne annuelle des pluies peuvent tout de
même expliquer la lenteur de l'avancée de la forêt. Par
exemple, la proportion de savanes est plus importante sur le confluent du Mbam
et de la Sanaga où la moyenne annuelle est comprise entre 1350 et 1400
mm alors que partout ailleurs dans le domaine de la mosaïque
forêt-savane, cette moyenne se situe autour de 1500 mm.
VII.2.3. La théorie de l'extension des
agroforêts sur la savane liée aux cultures
pérennes
A Kédia, la cartographie diachronique relative à
la période 1950-2000 montre que 59 % des 1 323 ha d'agroforêts de
cacaoyers, ont été mis en place sur le territoire d'une ancienne
savane (Aboubacar et al. 2007). Parmi ces agro forêts, 61 % (949 ha) sont
en pleine phase de production (plus de 10 ans) et 39 % (374 ha) correspondent
à de jeunes plantations en phase
Gleason considère plutôt que la dynamique de la
végétation est fondée sur l'individu. La communauté
végétale n'est donc pas un organisme mais un assemblage
d'espèces qui ont
25
juvénile ou en début de production (< 10
ans). Ce processus est donc toujours fonctionnel actuellement. En effet, depuis
le début des années 1980 les reliques forestières ont
quasiment disparu et la constitution d'agroforêts à base de
cacaoyers ne peut se faire que sur un précédent de savane et en
association avec les cultures vivrières. Les touffes de graminées
vivaces (Imperata cynlindrica, Andropogon ...) sont
défrichées et brûlées mais les ligneux de savane
sont préservés et conservés. Cela permet de
contrôler ces graminées, et donc de limiter les risques d'incendie
qui pourraient détruire les plantations de cacaoyers à venir. En
deuxième année, de jeunes cacaoyers sont plantés en
association avec les cultures vivrières (arachide, maïs, manioc,
igname, plantain, etc.). Les fruitiers servant d'ombrage (agrumes, manguier,
safoutier, avocatier, etc.) sont plantés la même année que
les cacaoyers ou introduits progressivement. Cinq à huit ans
après, les cultures vivrières disparaissent et une
véritable agroforêt à base de cacaoyers se développe
dans une zone anciennement de savane, contribuant ainsi à l'extension
d'un couvert de type forestier dans ce milieu dominé initialement par
les herbacés.
VII.2.4. Les théories de la dynamique des
peuplements végétaux VII.2.4.1. La théorie organiciste de
Clements
Clements (cité par Vanpeene Bruhier, 1998)
développe une vision holistique des communautés
végétales c'est-à-dire qu'il les envisage comme un tout.
On lui doit d'ailleurs le concept de succession végétale. Pour
lui, les communautés végétales sont comparables à
des super organismes qui naissent, se développent, meurent et laissent
la place aux autres. Les espèces pionnières, par leur
présence et leurs effets sur le milieu, créent des conditions
favorables à l'installation de nouvelles espèces qui les
remplacent graduellement. Les espèces pionnières qui ont une
croissance rapide, une durée de vie courte et qui sont souvent
héliophiles colonisent l'espace, le modifient pour faciliter et
favoriser l'installation d'autres espèces de durée de vie plus
longue. C'est par exemple le cas de Ceiba pentandra ou kapokier dans
notre zone d'étude. Ces plantes pionnières ont donc un effet de
facilitation. L'aboutissement de cette succession conduirait au climax, stade
mature de la communauté végétale. Ce développement
illustre le « modèle de facilitation » qui est l'un des
modèles utilisés pour étudier les processus de la
dynamique naturelle des forêts.
VII.2.4.2. La théorie stochastique de Gleason
26
chacune des réactions individuelles face à
l'environnement. L'évolution de la végétation est le fait
des seuls individus qui se déploient plus ou moins rapidement en
fonction du niveau de leur accommodation aux conditions du milieu.
Notre étude s'inscrit dans ces différentes
théories.
VIII- OBJECTIFS DE RECHERCHE VIII-1-Objectif
principal
L'objectif principal consiste à déterminer les
impacts écologiques et socio-économiques à court et
à long termes de la mise en place des haies vives du village
Yambassa.
VIII-2-Objectifs spécifiques
> Dresser un état des lieux du paysage agraire de la
localité de Yambassa.
> Caractériser le contexte historique de l'implantation
des haies vives.
> Déterminer la distribution régionale et locale
et la composition floristique des haies vives de la localité de
Yambassa.
> Déterminer les implications écologiques et
socio-économiques des haies vives à l'échelle locale en
précisant les mécanismes et les modèles d'évolution
des contacts forêt-savane.
IX. HYPOTHESES DE RECHERCHE
IX-1-Hypothèse principale
Les haies vives de la localité de yambassa favorisent
le développement d'un couvert végétal forestier dans les
savanes et constituent une source de richesse pour les populations locales.
IX.2. Hypothèses spécifiques
> Le paysage agraire yambassa présente une
mosaïque forêt-savane conditionnée par le milieu physique et
humain.
> Les haies vives yambassa ont été
implantées dans un contexte de guerres tribales pour constituer des
systèmes de défense et de délimitation du territoire.
> Les haies vives sont reparties sur l'ensemble du «
pays» Yambassa, formant une couronne visible dans le village Yambassa et
composées principalement de Ceiba pentandra et de Bombax
buonopozense.
Pour les images et les cartes nécessaires, nous avons
eu recours à deux types de documents:
27
Ø Les haies vives favorisent le recrutement des
espèces pionnières de la forêt en savane permettant une
expansion de la forêt sur la savane; elles fournissent des produits
divers et favorisent la culture du cacao dans la localité.
X- METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Les techniques d'investigations s'appuient sur la recherche
documentaire, les enquêtes de terrain sur la base d'un questionnaire, les
relevés botaniques sur transects et placettes, ainsi que sur les
traitements statistiques et cartographiques :
X.1. Le matériel de terrain
Sur le terrain, nous avons eu recours à une petite
batterie de matériel devant faciliter le parcours du site et le travail
de collecte des données en forêt. Il a ainsi été
nécessaire d'utiliser:
- Une machette pour se frayer le chemin en forêt, pour
délimiter les placettes et écorcher les arbres identifiés
;
- un mètre ruban pour mesurer la circonférence des
arbres à 1,30 cm du sol ;
- un décamètre utilisé pour mesurer les
distances entre les pieds d'arbres et d'arbustes et pour dimensionner les
placettes élémentaires de 5x20 m ;
- Un GPS pour trouver les coordonnées
géographiques et les altitudes des sites d'expérimentation (les
placettes botaniques).
- Un herbier et des sacs plastiques pour collecter les
échantillons botaniques en vue de les identifier à l'Herbier
National du Cameroun.
- Nous nous sommes servis également d'une boussole
pour nous orienter par rapport aux tracés des layons botaniques. De la
craie a été utilisée pour marquer les arbres
relevés afin d'éviter de compter les mêmes plusieurs fois.
Des sacs plastiques et un herbier portatifs nous ont servi à la collecte
des échantillons botaniques sur le terrain. C'est plus tard nous avons
consulté les archives de référence de l'Herbier
National.
X.2. Les documents cartographiques
28
- Les cartes topographiques de l'IGN : il s'agit
respectivement de la carte de Bafoussam feuille NB-32/33-SO au 1/500 000, deux
types de cartes de Bafia, c'est-à-dire la feuille NA-32-VI au 1/200 000
et les feuilles NB-32-XI 3b et 3a au 1/50 000.
- Les photographies aériennes n° 172 et 186 de
l'IGN mission 016 de l'AEF de 1950-1951 au 1/50 000.
- Une image satellitale Landsat du 10/04/2013.
X.3. La collecte des données secondaires : la
recherche documentaire
La recherche documentaire et bibliographique s'est
déroulée dans les bibliothèques de l'université de
Yaoundé 1 (la bibliothèque centrale, celle de la Faculté
des Lettres et Sciences Humaines, celle du Département de
Géographie et celle du cercle d'histoire et géographie), la
bibliothèque du Ministère de la recherche scientifique ainsi que
celle de l'Herbier National. Les recherches dans les centres de documentation
ont été complétées par la consultation des sites
spécialisés suivants sur Internet: Banque Mondiale, COMIFAC, FAO,
ONF international, PNUD, CIFOR, GIEC, IUCN, WWF. Nous avons aussi
consulté les archives de la commune d'arrondissement d'Ombessa, ainsi
que celles de la commune urbaine de Bafia.
Nous avons eu recours aux centres de documentation
spécialisés : bibliothèque de l'Institut de Recherche
Agronomique et de Développement (IRAD) de Nkolbisson,
bibliothèque de l'Herbier National. La consultation des documents a
été également faite sur des sites
spécialisés sur internet.
X.4. La collecte des données primaires : les
enquêtes humaines
Il s'agit des données collectées au cours des
entretiens et enquêtes de terrain. Les questions posées lors des
entretiens auprès d'agriculteurs et de chefs de ménages du
village Yambassa portent principalement sur l'histoire de l'occupation des
terres d'habitation et de cultures.
Les enquêtes de terrain se sont basées sur un
questionnaire. Elles ont ciblé en priorité les paysans
(cultivatrices, planteurs) et les chefs de ménages. Nous avons aussi
ciblé les agents et responsables des mairies et des services
d'arrondissement et départementaux des eaux et forêts, de
l'agriculture, de la faune et de l'environnement, des industries animales. Les
planteurs en particulier nous ont aidés à identifier les haies
déjà bien visibles sur les photographies aériennes
consultées. A l'aide d'un GPS ces haies ont été
localisées avec précision sur les cartes et les images. Au cours
des discussions et des entretiens, les questions ont porté sur les
raisons de l'implantation et de la conservation des haies, ainsi que les
29
conséquences et les impacts de leur implantation sur le
plan écologique (la biodiversité floristique, la qualité
physique des sols et de leurs rôle dans l'affectation des sols), mais
aussi sur le plan social (l'appropriation des terres, les investissements
nécessaires, le coût en temps de travail, en matériels et
en argent) et sur les retombés.
Nous avons eu recours aux questions semi-fermées, ce
qui donne une plus grande flexibilité des réponses. Les
entretiens ont permis de retracer l'histoire agraire et les modes de mises en
valeurs qui sont à la base de l'évolution de ce territoire.
L'analyse du fonctionnement des systèmes de production agricole issue
des enquêtes auprès de chefs d'exploitation permet de comprendre
les stratégies paysannes et les logiques de mise en valeur des
terres.
Les enquêtes humaines vont se baser sur la
méthode déductive, qui consiste à émettre des
hypothèses sur la base d'un raisonnement considéré comme
vraisemblable, mais qui doit toutefois être vérifié
à postériori sur le terrain. Un questionnaire sera bâti
dans cette perspective et visera à comprendre les logiques paysannes
d'appropriation et de gestion des terres agricoles, des espaces de savanes et
des peuplements forestiers.
X.5. Les traitements d'images
Ils ont consisté aux analyses diachroniques
basées sur des données de télédétection
comme les photographies aériennes et les images satellitales. Les cartes
ont servi, d'une part, à délimiter les arrondissements et les
cantons du site d'étude. D'autre part, elles ont servi comme
repère pour le géoréférencement et le redressement
géométriques des photos et des images. Au bout de ces
traitements, les images sont converties à une même échelle
et sont donc superposables. Les formes d'affectation des sols peuvent donc
être décrites et quantifier. En comparant les images
rectifiées géométriquement, nous avons
détecté les formes d'évolutions des contacts
forêt-savane. La même démarche a permis de déterminer
les mécanismes d'évolution, d'une part, et de quantifier les
évolutions de la végétation entre deux ou plusieurs dates
en s'appuyant sur la comparaison d'images prises à différentes
dates.
X.6. Les relevés botaniques sur transect et
placettes
Les relevés ont été
réalisés sur un transect long de 2660 m et de 5 m de large,
représentant en tout 13 300 m2. N'ont été pris
en compte que les arbustes et arbres qui se situaient sur l'axe de l'alignement
de la haie vive. Par ailleurs, les cacaoyers implantés sous l'ombre des
ligneux n'ont pas été pris en compte. Cependant, la
présence des peuplements occupant l'environnement immédiat de la
haie a été précisée. Un enregistrement de points
GPS a été
30
fait tous les 100 m. Des points supplémentaires ont
été précisés chaque fois que la haie
décrivait une courbe ou une bifurcation.
Ainsi, les mesures de terrain ont permis de décrire les
unités d'occupation de sol et de valider les données issues de la
photo-interprétation. Les relevés de terrain ont permis de
mesurer la longueur de la haie vive, de recenser et de déterminer les
espèces constitutives de la haie. D'autre part, les mesures des
circonférences des arbres et des arbustes ont conduit à la
description des structures horizontales et verticales par l'évaluation
de la densité et de l'abondance des individus.
Le choix des parcelles d'expérimentation s'est
porté sur un transect représentatif des haies vives en termes de
conservation et d'accessibilité. Il s'agit du village Yambassa
situé sur la route nationale n04 qui relie Yaoundé
à Bafoussam en passant par Bafia. Sur le transect le mètre ruban
a été utilisé pour mesurer les circonférences des
futs à 1,30 m du sol. Le décamètre a permis de
délimiter le périmètre et de mesurer les distances entre
les individus et les associations de végétations. La machette a
servi à éclaircir le passage et à prélever les
piquets destinés à la délimitation des placettes.
Nous avons aussi utilisé une grille
millimétrée pour préciser la position de chaque individu
sur le transect. Les particularités de la structure et des haies ont
également été précisées en restituant les
étendus sur la même grille (cacaoyer, jachère, bosquet,
arbres mort sur pied, arbre prélevés etc.). Le transect a
été divisé en parcelle élémentaire
(placette) de 5 m de large et 20 m de long. Dans chacune des placettes, les
relevés portent sur tous les individus appartenant aux plantes ligneuses
(individus de taille 5 m).
PRESENTATION DU MEMOIRE
Le mémoire comporte deux parties divisées
respectivement en deux chapitres; soit quatre chapitres au total. Le premier
chapitre présente les conditions écologiques du site
caractérisées par un climat humide, un relief de plateau peu
accidenté, des sols ferralitiques en association avec des sols
hydromorphes, ainsi qu'une occupation humaine marquée par de faibles
densités relatives de la population rurale. Le chapitre deux
évoque le contexte historique qui a favorisé l'aménagement
des haies défensives végétales autour des
établissements humains. Le chapitre trois décrit la
répartition et la structure des haies à l'échelle
régionale grâce aux données de la
télédétection et à l'échelle locale sur
transects et placettes. Le chapitre quatre décrit les implications de
l'aménagement des haies défensives sur le triple plan social,
économique et écologique. Il précise en particulier le
rôle de ces
31
boisements dans le contexte défensif, dans le cadre de
la mise en valeur agricole et dans la dynamique des contacts forêt-savane
sur le site.
32
PREMIERE PARTIE : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE ET HISTORIQUE
DE LA MISE EN PLACE DES HAIES VIVES
33
CHAPITRE I : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE DU PAYSAGE AGRAIRE
YAMBASSA
Introduction
Le bassin versant de la rivière Mbam fait partie de la
vaste zone de mosaïque forêt-savane qui occupe tout le centre
Cameroun. Ici s'imbrique très étroitement les savanes et la
forêt dense. Les savanes du site se partagent entre des savanes herbeuses
et des savanes arbustives. La forêt de la zone appartient au domaine de
la forêt dense humide semi-décidue. L'ensemble baigne dans un
climat tropical humide de type guinéen caractérisé par une
longue saison des pluies de 9 mois et une courte saison sèche de 3 mois.
Le relief est celui d'un plateau peu accidenté qui marque d'avantage les
sols que la végétation. Sur les versants et les interfluves se
rencontrent des sols ferralitiques tandis que les bas fonds et les plaines
d'inondation sont recouverts dans l'ensemble par des sols hydromorphes. Les
densités des populations varient d'un canton à l'autre entre 15
et plus de 60 habitants/km2.
I.1. Un climat marqué par une chaleur et une
humidité constantes
Nous avons choisi la ville de Bafia comme station de
référence en raison de la disponibilité des données
statistiques. Cette ville est proche des sites de relevés botaniques
à seulement 20 km d'Ombessa et de 30 km du village Yambassa. Elle
partage avec toute la zone les mêmes caractéristiques
topographiques, hydrologiques, pédologiques et
phytogéographiques.
La zone est caractérisée par un climat
équatorial de transition qui évolue vers un climat
subéquatorial car elle connait des nuances tropicales (Suchel, 1988) en
raison de sa position d'abris. La moyenne annuelle des précipitations
est de 1493 mm pour la station de Bafia, mais seulement de 1423 pour Ombessa,
soit un peu moins que sur l'ensemble du plateau Sud Camerounais qui
connaît des précipitations moyennes de l'ordre de 1500 à
1600 mm (figures 5 et 6).
La saison de pluies qui s'étend sur 9 à 10 mois
(P mensuellee 50 mm) consécutifs coïncide avec les maxima
pluviométriques (figure 3). 2 fois sur 3 elle va de mars à
novembre et 1 fois sur 3, de février à novembre. Par
conséquent, la courte saison sèche de 2 à 3 mois
s'étend généralement de décembre à janvier
ou de décembre à février. Cette période
coïncide avec la domination des Alizés du NE, vents chauds et secs
en provenance de l'anticyclone du Sahara (Suchel, 1988).
34
La moyenne annuelle des températures est de 25,1°
C (Tableau 1). Ces températures varient au cours de l'année entre
23,9°C pour les minima de juillet et août et 26,6°C pour le
maximum de février. Cela donne une faible amplitude thermique annuelle
de 2,7°C (figure 5).
Figure 5 : Abaque hydrothermique de la station de
Bafia
L'humidité relative reste importante au cours de
l'année. Le strict minima est enregistré au cours du mois de
février, soit un taux d'humidité de 69%. Les mois de janvier et
de mars connaissent aussi de faibles taux, soit 76% pour chacun. Le taux
d'humidité des autres mois tourne autour de 80% sauf juillet et
août qui connaissent le maxima avec un taux de 86% pour chacun d'eux. Le
caractère humide est affirmé aussi par une moyenne annuelle
d'évaporation de 934 mm. Si on fait le bilan des pluies
enregistrées et de l'évaporation justement, cela donne un gain de
précipitations de 559 mm qui sont conservée en moyenne par an
dans la zone (tableau 1).
Le relief joue un rôle d'atténuation pour les
pluies et constitue un facteur d'amplification par rapport aux moyennes des
températures. En effet, la zone est située derrière la
chaine de montagnes de Bapé qui fait écran aux vents de mousson
du sud-ouest en provenance de l'Atlantique (figure 6). La quantité de
pluies se trouve donc réduite par rapport aux autres
35
régions situées à la même latitude
comme Yaoundé qui enregistre en moyenne 1600 mm de pluies par an.
Tableau 1 : Les données climatiques de la station
de Bafia (1951-2013)
Mois
|
P mm
|
T° C
|
H %
|
Evaporation
|
J
|
12
|
25,3
|
74
|
107,1
|
F
|
33
|
26,6
|
69
|
124,3
|
M
|
117
|
26,5
|
74
|
110,6
|
A
|
163
|
25,9
|
80
|
78,9
|
M
|
182
|
25,4
|
82
|
69,5
|
J
|
140
|
24,7
|
84
|
60,6
|
J
|
102
|
23,9
|
86
|
53,8
|
A
|
136
|
23,9
|
86
|
54,4
|
S
|
231
|
24,4
|
85
|
57,7
|
O
|
280
|
24,5
|
84
|
62,8
|
N
|
86
|
24,9
|
81
|
69,2
|
D
|
11
|
25,3
|
79
|
85,4
|
Moy. annuelle
|
1493
|
25,1
|
80
|
934
|
Figure 6 : Les moyennes annuelles des pluies dans la zone
du confluent Mbam et Sanaga
La position de la zone en situation de cuvette située
à environ 480 m d'altitude aboutit à une augmentation des
moyennes de températures de l'ordre de 1,6°C par rapport aux autres
régions situées sur le même plateau sud camerounais, mais
plus en hauteur. Par exemple, la région autour de Yaoundé,
située à 750 m d'altitude, enregistre une moyenne annuelle des
36
températures de 23,5°C contre 25,1° C pour le
secteur autour de Bafia qui est situé à 500 m en moyenne (figure
7).
I.2. Le relief et les sols
I.2.1. Un relief de plateau peu
accidenté
La zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve
Sanaga présente une sorte de cuvette à environ 480 m d'altitude
moyenne. Cette surface est bordée à l'ouest par de petites
chaînes de montagnes comme c'est le cas de la chaîne de Bapé
qui culmine à 750 m. A l'est, la zone de dépression est
bordée par une unité topographique située à 600 m
d'altitude moyenne dont les villes de Saa, Obala et Okola font partie (figure
4). Le fleuve Sanaga et la rivière Mbam sont les principaux cours d'eau
de la région. La Sanaga est par ailleurs le plus grand cours d'eau du
Cameroun autant par son débit que par la superficie de son bassin
versant. Couvrant une superficie de 133 000 km2, ce fleuve draine
près de 25% du territoire camerounais (Olivry, 1986). La Sanaga et le
Mbam coulent d'abord dans le sens opposé, l'un du SE vers le NO et
l'autre du NO vers le SE avant de se croiser au centre de la zone.
Dans le détail, le secteur autour de Yambassa
présente une succession de collines surbaissées
séparées par des vallées profondes de 30 à 40 m.
Dans ces différentes vallées, les cours d'eau coulent
paresseusement dans des vallées à fond plat. Ils débordent
localement en saison de pluies pour constituer ici et là des zones
marécageuses comme c'est le cas au nord-est de la zone (figures 7 et 8).
Ces débordements réguliers ont favorisé
l'établissement des sols hydromorphes dans l'ensemble des plaines
d'inondation de la région.
37
Figure 7 : Carte hypsométrique de la zone du
confluent Mbam et Sanaga
I.2.2. Un réseau hydrographique dense
dominé par la rivière Ofoué
Le secteur situé entre le confluent Mbam et Sanaga
présente en particulier un plateau incliné dans le sens nord-sud.
C'est d'ailleurs le sens de l'écoulement des principaux cours d'eau qui
vont plus loin au sud se jeter dans la Sanaga. La rivière Ofoué
est le principal cours d'eau de la région et draine les 3/5e
de la zone. Elle s'écoule d'abord dans la direction NO-SE, puis
38
dans le sens N-S jusqu'à sa confluence avec la Sanaga.
Il est grossi tout au long de son parcours par de nombreuses rivières.
Il s'agit notamment de Pontcha et de Guissiné au nord-ouest de la zone,
de Poundji et Abéma au nord, et d'Inguélou au sud-ouest. La
partie sud-est est quant à elle drainée par les rivières
Bikao et Eto qui sont également des affluents de la Sanaga. Le seul
affluent important du Mbam dans la région est la rivière
Biguélé qui s'oriente essentiellement dans le sens ouest-est
(figures 7 et 8).
I.3. Des formations superficielles partagées
entre les sols ferralitiques et les sols hydromorphes
Le sous bassement de la zone est essentiellement
composé de roches métamorphiques. Il s'agit des gneiss, des
micaschistes et des quartzites (figure 7). Il semble qu'il n'y a pas cependant
de relations apparentes entre la nature du substratum et les sols en question.
Par contre, la topographie exerce une influence significative. Dans la zone, on
distingue deux principaux types de sols: les sols ferralitiques sur les
collines et les sols hydromorphes dans les bas fonds.
I.3.1. Les sols ferralitiques.
D'après Valerie (1973), en dehors des fonds de
vallées plats et marécageux abritant des sols hydromorphes, le
reste de la région soit 90% du territoire, est recouvert de sols
ferralitiques. Sur les montagnes cependant, les sols ferralitiques sont
associés aux lithosols comme c'est le cas par exemple sur la chaine de
Bapé. Les sols ferralitiques recouvrent invariablement les gneiss, les
migmatites et les micaschistes. Sur le site, ces sols sont
indifféremment couverts par la forêt et la savane (figures 7, 8, 9
et 10). Ces sols sont profonds de plus de 3 m, et comportent par endroits des
horizons indurés.
Tous les sols de la zone sont acides (Martin, 1967). Les
horizons supérieurs sont dans l'ensemble plus riches en matières
organiques en savane qu'en forêt. En outre, les travaux de Martin (1973)
montrent que dans l'ensemble, la proportion des limons est faible (moins de 10
%) et varie peu des horizons supérieurs vers la profondeur. Entre 0 et
40 cm de profondeur les sables dominent dans l'ensemble avec une proportion de
40 % de la fraction totale. Plus loin en profondeur, la fraction diminue au
profit des argiles qui constituent à partir de 40 cm près de 60 %
de la fraction totale.
La combinaison des facteurs climatiques, géologiques et
géomorphologiques a contribué à la formation des sols
ferralitiques rouges, jaunes et ocre (Valerie, 1973). Dans l'ensemble, ces sols
se caractérisent par une grande épaisseur des profils car le
climat est constamment chaud
39
et humide, ce qui favorise l'altération. On y distingue
classiquement six horizons de la surface vers les profondeurs : A0, peu
épais et constitué par la litière; A1 qui a environ 20 cm
de profondeur, est humifère, grumeleux et présente une
activité biologique intense ; A2 d'environ 1m d'épaisseur. Cet
horizon est limoneux et de couleur ocre-beige, appauvri en argile; B0, d'une
épaisseur d'environ 80 cm, cet horizon est argileux, compact
imprégné d'eau et de couleur rouge-brique. C'est ici que l'on
retrouve les argiles accumulés ; B1 est épais d'environ 1 m ;
c'est un horizon tacheté, argileux, imprégné d'eau et de
couleur rouge-brique; C est un horizon d'altération qui est parfois
épais de 3 m ; au-delà de 6 m de profondeur, se trouve la
roche-mère non altérée. Avec un pH faible compris entre
4,5 et 5,5, ces sols sont très acides. Les sols ferralitiques rouges
sont les plus représentés (Valerie, 1973). Ils occupent les
interfluves ou les collines.
I.3.2. Les sols hydromorphes
L'hydromorphie est la saturation des pores d'un sol en eau sur
une période plus ou moins longue de l'année. Ainsi, à
l'approche des principaux cours d'eau, mais aussi dans les bas fonds, les sols
ferralitiques typiques de la région cèdent la place à une
association de sols ferralitiques et de sols hydromorphes. Les sols
hydromorphes se caractérisent ici par leur localisation dans les bas
fonds inondables.
Leur présence et leur extension s'expliquent par
l'importance des zones de dépression. Les sols hydromorphes se
rencontrent principalement dans les plaines d'inondation de l'Ofoué et
de ses principaux affluents, mais aussi localement sur les rives du Mbam et de
la Sanaga. Ces sols sont pauvres en éléments minéraux
comme c'est aussi le cas des sols ferralitiques, mais en revanche, ils ont
l'avantage dans la région de garder une humidité importante en
saison sèche et de favoriser ainsi le développement des cultures
de contre saison. Là où ils sont installés, seule une
végétation naturelle de savane les occupe la plupart du temps
(photo1 et figure 10).
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Sources :Cartes topographiques de f7GN de Bafia
NB-32-V1-3a erN8-32-Vf-3b
|
11 °
|
12 E
|
|
Vers Momie 111 17 E
|
Figure 8 : Carte topographique de la région
entre Yambassa et Ombessa
Figure 9 : Carte hypsométrique de la région
entre Yambassa et Ombessa
41
42
En effet, au dessus de ces sols, la topographie plane y
favorise des conditions de stagnation saisonnière des eaux, conditions
très contraignantes pour une grande majorité des espèces
ligneuses.
Cependant, invariablement, les différents sols du site
portent soit la forêt, soit les savanes. Les sols ne semblent donc pas
constituer un facteur déterminant de la distribution de la forêt
et de la savane.
I .4. Une végétation de mosaïque
forêt-savane
La région autour du confluent du Mbam et de la Sanaga
appartient au domaine de la mosaïque forêt-savane du Centre
Cameroun. Il s'agit d'une part, de la « forêt dense humide
semi-décidue» encore appelée « forêt
semi-caducifoliée guinéo-congolaise » par Letouzey (1968) ou
« forêt semi-sempervirente» selon White (1986). Les savanes de
la région qualifiées de formations périforestières
guinéo-soudaniennes par Aubreville (1948).
I.4.1. Les savanes préforestières ou
périforestières
Sur le territoire, se distinguent divers faciès de
savanes dont les principaux sont des savanes arbustives et des savanes
herbeuses.
I.4.1.1. Les savanes herbeuses
Les savanes herbeuses sont dominées par Imperata
cylindrica, Peinnisetum purpureum (Gramineae) et Aframomum latifolium
(Zingiberaceae). Les rares arbustes qui parsement ces savanes sont:
Terminalia glaucescens (Combretaceae), Annona senegalensis
(Annonaceae) et Bridelia ferruginea (Euphorbiaceae). On les
retrouve généralement sur les marges des habitations où
elles caractérisent le plus souvent les friches, mais aussi dans les bas
fonds marécageux où elles sont piquetées de Borassus
aethiopum ou rônier (Palmaceae) (photo 1).
43
Figure 10 : La distribution des sols dans la zone du
confluent Mbam et Sanaga
44
Photo Lemoupa, 2013
Photo 1 : La savane herbeuse à Pennisetum
purpeurum et Imperata cylindrica
I.4.1.2.Les savanes arbustives
Les savanes arbustives sont dominées par Terminalia
glaucescens et Bridelia ferruginea. Ces deux espèces sont
accompagnées par endroits de Annona senegalensis, Psorospermum
febrifiga, Crossopteryx sp et Hymenocardia acida. Localement, les
savanes s'enrichissent de Borassus aethiopum (Rônier),
Lophira lanceolata et Vitex sp. Le couvert herbacé de
ces savanes est dominé par Andropogon sp, Pennisetum sp, Imperata
cylindrica (Gramineae) et Aframomum latifolium (Zingiberaceae).
Ce couvert herbacé reste le même lorsqu'on se retrouve face aux
savanes arborées dans certains secteurs. La seule différence
remarquable ici est la présence de grands Terminalia glaucescens
associée aux autres arbres typiques de savanes comme Lannea
kerstingii (photo 2).
45
Photo Lemoupa, 2013
Photo 2 : La savane arbustive à Terminalia
glaucescens et Bridelia ferruginea I.4.2. La forêt dense
humide semi décidue
Dans la région, la forêt dans son ensemble est
dominée par deux grandes familles : celles des Ulmaceae et des
Sterculiaceae (Letouzey, 1968). La première famille est surtout
composée de Celtis (C. philippensis, C. adolfi-friderici,
C. milbraedii, C. tessmanii, C. zenkeri et C. africana) alors que la
seconde connaît une richesse importante des genres Cola (C.
cordifolia, C. grandifolia, C. altissima, C. gigantea) et Sterculia
(S. rhinopetala, S. tragacantha). Des espèces comme
Triplochiton scleroxylon (Sterculiaceae) et Terminalia superba
(Combretaceae) sont aussi caractéristiques de la formation, mais
uniquement du fait de leur grande taille et de leur volume important en bois.
D'autres arbres émergents comme Entandrophragma cylindricum
(Meliaceae), Milicia excelsa (Tiliaceae), Pycnanthus
angolensis (Myristaceae), Bombax buonopozense et Ceiba pentandra
(Bombacaceae) sont localement abondantes. La flore de cette forêt
varie sensiblement au contact direct des savanes préforestières
où elle est beaucoup plus riche en Euphorbiaceae (Funtumia elastica,
Antidesma venosum) et en Mimosaceae (Albizia adianthifolia, Albizia
glaberrima et Albizia zygia) (Youta Happi, 1998) (photo 3).
46
Photo Lemoupa, 2013
Photo 3 : La forêt dense semi décidue
à Sterculiaceae et Ulmaceae
Notes : En saison sèche, certains grands arbres perdent
entièrement leurs feuilles. Ici les couleurs flamboyantes
caractérisent les jeunes feuilles (rouge, orange et jaune pour les
différents stades de repousse de Lophira alata). Les jeunes
feuilles de Ceiba Pentandra et de Bombax buonopozense virent
d'abord au vert olive et deviennent vert foncées au bout de quelques
mois.
I.5. Les aménagements agricoles
Dans le département du Mbam et Inoubou, la
région des haies vives est constituée de deux arrondissements
à savoir Bokito et Ombessa. Cet espace se caractérise par une
apparente faiblesse des densités de la population, soit environ 27
à 30 habitants au km2 selon le dernier recensement de 2005
(INS, 2010) (figures 12 et 13). Pour certains auteurs, ce territoire
représente un espace « vide » entre deux réservoirs de
migration que sont le pays bamiléké sur les hautes terres de
l'ouest et le pays Eton à l'est (Filipski et al., 2007). On explique
cela par la solide réputation de pratiques occultes qu'ont acquis les
Yambassa depuis la période précoloniale (Filipski et al.,
op.cit.), mais aussi par le caractère peu hospitalier du milieu
47
naturel. Le site renferme une forte densité de mouches
tsé tsé agents vecteurs de la maladie du sommeil et de simulies,
vecteur de la transmission de l'onchocercose ou maladie de la
cécité de l'Sil. Ces auteurs concluent que contrairement à
de nombreuses situations en Afrique rurale, le pays Yambassa n'est
soumis qu'à une très faible pression d'immigrations.
La population est composée du groupe ethnique
Yambassa et des allogènes tels que les Bafia, les peuls, les
bamiléké, les éton, les éwondo, les sanaga et des
étrangers originaires du Nigeria et du Mali pour les pays les plus
représentés. Les autochtones sont regroupés en familles,
soit neuf au total: Bongolo, Guessele, Bouyongo, Boudigue, Ndaga, Bogann,
Botombo, Bogoum et Bolomann. Rappelons que le village Yambassa fait partie des
dix villages que compte le groupement Elip. Il s'agit de : Yambassa, Balamba 1,
Balamba 2, Botatango, Boalondo, Bassolo, Botombo, Bogando, Kananga et
Kilikoto.
C'est une population essentiellement rurale et acquise
à la pratique de l'agriculture. Une agriculture
vivrière semi-itinérante est pratiquée en zone de savane.
La production vivrière est du domaine des femmes qui cultivent chaque
année une dizaine de « parterres » chacune2. Les
espaces de savane défrichés et labourés à la houe
servent à la culture du taro et de l'igname la première
année, du maïs et de l'arachide l'année suivante (photos 4,
5 et 6). Du manioc est toujours planté sur les bords du parterre.
L'agriculture vivrière reste fondée sur un système
à jachère de longue durée : à un cycle de cultures
de deux à trois ans succède une jachère de plusieurs
années (cinq au minimum). Depuis quelques années pourtant, les
agriculteurs yambassa se lancent dans des cultures de rente de savane,
notamment les agrumes. Les bosquets du pays Yambassa ont été mis
à profit pour devenir des espaces de cacaoculture, principale ressource
du pays Yambassa, avec une forte perception de saturation foncière. La
culture du cacao nécessite un couvert végétal et doit
être installée en forêt. Les exploitations sont tenues sur
le mode familial. Elles sont petites (de 0,2 à 2 hectares) et souvent
anciennes. Les yambassa préférant en général
chercher un nouvel espace pour installer des jeunes plants plutôt que de
renouveler leurs plantations (Filipski et al., 2007).
2 Larges buttes rectangulaires de terre
labourée d'environ 200 m2
48
Photo Lemoupa, 2013
Photo 4 : Plantation de cacaoyer aménagée
dans un système agroforestier
Notes: un peu partout dans la région, les cacaoyers
sont implantés dans des bosquets. Les enquêtes
révèlent que ces taches de forêt ont remplacé des
parcelles de savanes anciennement occupées par les cultures
vivrières.
Un autre aspect important à relever au sujet de la
région est la forte proportion d'agriculteurs anciennement citadins
parmi les villageois. La quasi-totalité des agriculteurs
interrogés ont vécu en ville quelques années avant de
revenir, déçus par le manque d'opportunités en ville. Ce
mouvement, qui débute dans les années 1980, se poursuit de nos
jours en partie grâce au développement des transports.
49
Photo Lemoupa, 2013
Photo 5 : Champs d'arachide et de manioc dans un bas
fond
Notes: au premier plan, le champ aménagé sur un
parterre. Il porte des arachides et du manioc. Les deux hommes avancent dans un
drain aménagé pour favoriser artificiellement l'évacuation
de l'eau gravitaire présente dans la macroporosité du sol
à la suite de précipitation, mais qui stagnent longtemps à
cause de la platitude de la topographie.
Conclusion
La position d'abris caractérisée par un
déficit pluviométrique de l'ordre de 100 à 200 mm par
rapport au reste de la zone de mosaïque forêt-savane a souvent
été évoquée pour justifier la présence des
savanes. Mais force est de constater que les études récentes ont
révélé une transgression de la forêt sur la savane,
ce qui semble dire que malgré le déficit, le climat reste humide
compte tenu de la moyenne annuelle des pluies (1400 mm) et de la leur
répartition sur 9 à 10 mois. D'autre part, certains bosquets et
îlots forestier implantés en savane semblent s'être
fixés dans le passé non seulement à la faveur de ce climat
humide, mais aussi à cause d'un contexte de guerres entre tribus rivaux
et de boisements à base d'espèces pionnières de la
forêt dense. En déplaçant régulièrement les
champs et l'habitat dans le contexte passé d'agriculture extensive sur
brûlis, les populations ont aussi contribué à une
implantation des
50
espèces pionnières de la forêt en
interrompant les pratiques de feux de brousse dans les parcelles de savanes
occupées temporairement.
Comme les autres peuples Bantou du sud Cameroun, la
société Yambassa fait partie de celles qui, dépourvues
d'Etat, veulent aussi ignorer le commandement politique d'un chef autre que
51
CHAPITRE II : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE L'IMPLANTATION
DES HAIES
VIVES DEFENSIVES
Introduction
Les haies vives sont traditionnellement une
caractéristique des paysages agraires de bocage. En effet, dans les
paysages de bocage, comme c'est par exemples les cas en Grande-Bretagne, en
France ou sur les hautes terres de l'ouest Cameroun, les haies vives sont
implantées pour matérialiser les limites des champs et/ou des
concessions, mais aussi pour servir de brise vent et canaliser la circulation
du bétail hors des champs (Dongmo, 1981 ; Youta Happi, 2013). L'objectif
premier de la construction des haies vives du « pays » yambassa est
tout autre. Il s'agissait, entre la fin du 19e siècle et le
début du 20e siècle, de constituer un système
défensif végétal. Celui-ci permettait à la fois de
bloquer l'avancée des ennemis et de les combattre en s'abritant
derrière un « bouclier végétal» haut de
plusieurs dizaines de mètres. Ce souci défensif a
été néanmoins partagé par des populations de
l'extrême nord du Cameroun. Dans cette zone, les populations se sont en
quelque sorte barricadées derrière des murs constitués
d'arbustes à épineux pour se défendre des attaques des
Peuls qui se livraient alors à des campagnes d'islamisation
forcée.
II.1. L'origine du nom yambassa
Lorsque les colonisateurs allemands arrivent dans la zone du
confluent Mbam et Sanaga au début du 20e siècle, ils
trouvent en place un ensemble de populations hétéroclites qui
vivent dans une situation de conflits incessants. Pour simplifier les
identifications, ils les regroupent en affinités linguistiques. Partant
de la localité de Yambassa, ils désignent toutes celles qui ont
un vocable assimilable sous ce nom. Après la pacification de la zone en
1911, ils ont ainsi généralisé le nom du village Yambassa
à toute la région. Avant cette date, les populations de la
localité de Yambassa en particulier étaient
désignées sous le nom de Nigodua, d'Ambassa ou
encore de Bo Ambassa, c'est-à-dire « les descendants
d'Ambassa ». Car en effet, Ambassa fut l'ancêtre
commun du village. Le terme Yambassa serait la contraction de Ya
Ambassa qui signifie de Ambassa ou fils d~Ambassa
(Mekinde, 2004).
II.2. L'organisation politique
précoloniale
52
celui de la communauté familiale. Les
différentes unités de la société correspondent
à des groupes de parenté égalitaire, coiffés par
des chefs de famille. Nous sommes en présence d'une
société composée de grands lignages patrilinéaires.
Le chef de famille détient un pouvoir « restreint et mal
défini ». A sa mort, le fils qu'il avait préalablement
choisi lui succède dans ses droits et prérogatives. La famille
représente l'unité sociale la plus importante et porte
généralement le nom de son fondateur.
Sur le plan politique, les Yambassa font partie des
sociétés dites à « autorité souple ». La
société reposait sur une « assemblée » ou «
conseil » (Kiloumen) de patriarches (Bakon) avant
l'arrivée de la colonisation. Le Kiloumen (ou conseil)
était une institution souple doté d'un pouvoir collégial,
détenu par l'assemblée des Bakon. Il n'y avait pas de
siège des institutions à proprement parler, mais le conseil
pouvait se tenir dans la maison de l'un des notables. Par contre, l'un de ses
notables était reconnu comme le guide ou « chef sans
trône» qu'on qualifiait de chef notable. C'est lui qui convoquait le
conseil. Il devait néanmoins être charismatique, puissant et riche
autant par ses biens matériels (nombres de champs, d'animaux
domestiques, quantité des récoltes) que par le nombre de femmes
et d'enfants. Le Kiloumen était en charge d'assurer le bien
être, la protection et la sécurité des populations à
l'intérieur comme à l'extérieur des frontières.
Cependant, les pouvoirs des notables étaient limités par les
interdits.
II.3. L'organisation économique
A l'origine, les populations du site vivent de l'agriculture
de subsistance. Les enquêtes montrent que même si certains
habitants s'exerçaient à la chasse, c'était une
activité de subsistance puisque la capture du gibier se faisait
uniquement par piégeage. Les témoignages concordants
établissent que seuls les « haoussahs » venus du nord du pays
détenaient des armes à feu et pouvaient donc opérer des
captures de masses de gibiers (Mekinde, 2004). En revanche, les populations ont
très tôt compris l'importance calorifique de la matière
grasse végétale. Selon les enquêtes, des palmeraies
occupaient de grandes surfaces bien avant la colonisation. En 1905, le Major
allemand Dominik signale leur présence sur de vastes étendus
derrière les haies défensives. En réalité, les
habitants associaient généralement plusieurs activités en
même temps. Il était courant que des individus s'exercent à
la fois comme cultivateur et artisan, ou agriculteur et guerriers. Les
échanges étaient en plus basés sur un système de
troc de produits. Parfois, on assistait aussi au troc de services contre un
produit : le travail manuel en échange de produits vivriers par
exemple.
Un rapport du Major Dominik du 5 mars 1905 («
Expédition Bapéa », Deutsches Kolonialbltt, 1905 cité
par Beauvilain et al. Op. cit.) décrit le contexte des haies à
son arrivée dans la région
53
Photo Lemoupa, 2013
Photo 6: Champs de patate douce (sur buttes) à
proximité d'une palmeraie
Notes : deux techniques de laboure existent sur le site : les
buttes pour la culture de la patate douce et des ignames et les parterres pour
l'arachide, le taro et le maïs.
II.4. Les guerres tribales et l'origine des murs enceints
défensifs végétaux
La carte de l'institut géographique national (IGN)
français au 1/200 000 de Bafia (feuille NB-32-VI) de 1959, ainsi que les
coupures au 1/50 000 3a et 3b de la même feuille de Bafia, signalent des
« vestiges d'enceintes» et par deux fois des « anciennes
fortifications indigènes» (Beauvilain et al., 1985). Ces vestiges
sont matérialisés sur ces cartes au nord-ouest et au nord de
Bakoa, entre Yorro et Bégni, au sud de Bokito, au nord de Bokaga, entre
Gébora et Assala I, au nord-ouest d'Ombessa, à Bombang, à
Goufan, au nord-est de Bogondo et autour de Yambassa. Ces fortifications
végétales sont réparties dans tout le pays yambassa,
incluant les arrondissements de Bokito et d'Ombessa à environ 110 km au
nord de Yaoundé (figure 15).
54
en des termes qui font état des caractères
physiques et des conditions d'aménagements du milieu:
« Malgré les contacts avec les
Européens pendant de longues années, les Yambassa, dès
leur retour au pays, retombent à tout point de vue à leur bas
niveau de civilisation, dans lequel ils vivent sans doute depuis des
siècles, retranchés dans leurs palmeraies. Pour renforcer ces
palmeraies à la périphérie ils y ont planté des
arbres. Cette clôture d'arbres, qui n'a que quelques rares passages,
aménagé sans aucun doute par la main d'homme, entoure tout le
pays sur des kilomètres comme un mur vivant impénétrable.
Les dimensions énormes des arbres, plantés entre les palmiers et
dont les troncs se touchent, permettent d'évaluer l'âge des
établissements Yambassa. Cependant cette enceinte de forêt,
efficace et étrange, est la cause pour laquelle les Yambassa ont un
esprit si peu guerrier, comme on ne le retrouve au protectorat que chez les
Douala, que la civilisation progressive a tellement influencé qu'ils ont
perdu leur ancien caractère combatif. Le Yambassa, quoiqu'il vit en
pleine brousse, ne possède même pas d'armes de protection&
».
« Le paysage du Mbam jusqu'à chez Sionde a le
caractère de la plaine ondulée, couverte d'herbes, avec quelques
parcelles de forêt. Il est curieux que dans la plaine du Mbam proprement
dite les palmiers manquent presque complètement, tandis que les palmiers
à huile caractérisent le pays à quelques km à
l'ouest. Les bâtis habitent des établissements isolés,
chaque famille à part dans plusieurs ruches rondes faites d'herbe. Le
peu de bétail qu'ils possèdent est gardé dans des cases
carrées, plus solides, faites en écorce pour protéger le
bétail contre les léopards. Comme les Bati, qui changent souvent
leurs résidences, ne veulent pas se soumettre sous l'autorité
d'un chef et se contentent de peu, il est donc difficile de les gagner pour la
civilisation. Ils sont grands, bien bâtis, avec une figure sympathique.
Le fait que partout ils portent encore l'arc et les flèches est une
preuve de leur pauvreté. En général le nègre du
Cameroun donne tout ce qu'il a pour un fusil et de la poudre et donne
même sa force de travail en échange pour en obtenir. Au centre du
Cameroun, où les gens n'ont jamais rien entendu parler de l'homme blanc,
je trouvais plus tard des fusils. Les Bapéas les ont obtenus soit par le
commerce intermédiaire, soit par les haoussahs. Dans le pays Bati les
haoussahs ont pourtant depuis longtemps chassé le dernier
éléphant et l'on n'y trouve pas de caoutchouc ».
0
10 km
· Chef lieu de département
m Chef lieu d'arrondissement
o Village
.... Limite de canton EL/P Nom de canton Route
bitumée
Piste carrossable
m Foyer de tension à l'arrivée des Allemands en
1905
Sources : Mekindé (2004) modifiée et carte
toporgraphique 1GN de Bafia N8--32-Viau 1/200000
11' Ic' I- 11
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4` 20'N
élendé
sANAGA
55
Figure 11 : Les arrondissements de Bokito et
d'Ombessa : localisation des anciens foyers de tensions
56
D'après des informations recueillies par Mekinde
(2004), les Yambassa s'implantèrent dans leur site actuel avec
l'accord des Ombessa et des Guientsing avec qui ils signèrent un pacte
de non agression. Après l'installation des Yambassa, la
coexistence pacifique, la solidarité et l'esprit d'initiative qui
régnaient dans leur territoire suscita la jalousie des voisins qui ne
songeaient plus qu'à les déstabiliser. « Il faut relever ici
que, vivant dans une région dominée par la savane et la plaine,
les Yambassa sont dépourvus d'une manière
générale, de la protection naturelle que peuvent constituer les
arbres forestiers et les montagnes. Les Yambassa, conscients du danger
qui les guettait et des insuffisances de la nature, trouvèrent une
solution. En effet, ils se réunirent et décidèrent de
planter de grands arbres autour de leur village afin de créer plus tard
une sorte de forêt galerie dans laquelle ils pouvaient se refugier en cas
d'agression de l'ennemi » (photo 7).
Photo Youta Happi, 2013
Photo 7 : Héritage des murs défensifs
végétaux autour du village Yambassa
Notes: Les haies suivent aujourd'hui un alignement discontinu.
Les individus morts ou coupés ne sont pas remplacés. Autour de ce
village, les haies forment encore une couronne bien visible sur les transects
et les photographies aériennes.
57
« Dans l'enceinte protégée par les haies
vives, on creusait de larges et profondes fosses vers lesquelles on courait
quand l'adversaire s'avérait dangereux, et l'ennemi tombait toujours
dans l'un de ces trous où il était sauvagement accueilli par des
sagaies et des lances qu'on y plantait» (Abiadina Samba, 1988). Les Assala
(actuel Bokaga) et les Balamba en particulier ont multiplié les
agressions sur les Yambassa jusqu'à l'arrivée des Allemands. Les
Yambassa ont ainsi vécu plusieurs guerres dont le but principal
était la conquête ou la défense de leur territoire. Ces
guerres mettaient aux prises des villages voisins. Parfois des jeux d'alliance
s'opéraient pour attaquer un ennemi commun.
Les extraits du rapport du Major Hans Dominik permettent de
reconstituer plusieurs faits:
- Par tradition, les Yambassa ne supportent pas
l'autorité d'un chef. Les décisions pouvant affecter l'ensemble
du groupe comme les guerres et les alliances stratégiques avec d'autres
clans étaient prises de manière collégiale dans le cadre
d'un conseil composé des chefs de familles;
- Comme armes, ils sont équipés de lances, de
flèches, d'arcs et de sagaies. Au début du 20e
siècle, seuls les chasseurs « haoussahs » venus du nord du
pays possédaient des fusils. Ces derniers pouvaient échanger
quelques armes à feu à l'occasion contre une autorisation
d'abattage d'éléphants;
- En dehors des forêts galeries, la
végétation des villages actuels était essentiellement
constituée de savanes. Néanmoins, les habitants pour assurer leur
approvisionnement en huile de cuisson avaient aménagé des rideaux
de grands arbres utilisés alors comme pare feu pour protéger les
palmeraies de la propagation des feux de brousse ;
- Traditionnellement, les populations de la région
pratiquaient un système extensif d'agriculture itinérant sur
brûlis. Par conséquent, les champs et les habitations se
déplaçaient dans l'espace selon un système qui impose de
longues jachères;
II.5. Les implications de la colonisation allemande et du
mandat français
La colonisation allemande du début du 20e
siècle, suivie par celle de la France après la première
guerre mondiale a totalement bouleversé l'organisation socio-politique
et économique de la région (Mekindé, 2004 ; Memoli-Aubry,
2009). On retient pour l'essentiel l'exploration et la stabilisation de la
région, l'introduction d'une organisation politique centralisée
autour des chefferies, l'introduction de l'économie monétaire,
l'imposition de l'impôt, les déportations de la main d'oeuvre et
la diffusion de la culture du cacaoyer.
II.5.1. La stabilisation de la région
58
L'occupation allemande a eu pour effet l'arrêt des
guerres opposant les villages et les différents groupes ethniques. De la
sorte, les différentes tribus sont restées confinées dans
leurs territoires respectifs. Ce confinement permettait en fait d'assoir le
contrôle strict des habitants. Les administrateurs coloniaux allemands et
français de l'époque ont mis les populations sous
l'autorité directe des chefs de postes militaires qui s'occupaient de
l'ordre et du recouvrement des impôts.
II.5.2. Le bouleversement des institutions politiques
traditionnelles
Le pouvoir politique traditionnel chez les yambassa
était régi et détenu par une organisation de type
patriarcal. Il s'agissait en fait d'une société
gérontocratique fondée sur le droit d'aînesse et où
chaque patriarche (Bakon) ne commandait qu'au niveau de sa famille
élargie. Lorsqu'une situation engageait toute la communauté, ces
ainés se réunissaient dans le cadre d'une assemblée
appelée Kiloumen pour prendre les décisions. En
créant des chefferies dès leur arrivée, les allemands vont
instituer une administration centralisée qui leur a permis de soumettre
les populations. A la tête de ces chefferies, les administrateurs
nommaient un homme aux ordres. Autrement dit, les Allemands se devaient alors
de trouver des hommes acquis à leur cause soit par la persuasion, soit
par la force.
II.5.3. L'exploration et l'ouverture de la
région et l'imposition de l'impôt
La découverte et l'exploration de l'intérieur
des régions se sont traduites par des expéditions. Les
différents établissements humains ont pu être
localisés et cartographiés. Les premiers recensements de la
population ont aussi été réalisés. En 1938 par
exemple, la population totale des départements actuels du Mbam et
Inoubou et du Mbam et Kim3 était estimée à 114
200 habitants (Memoli-Aubry, 2009). Bien sûr que l'objectif principal
était d'évaluer à la fois les richesses naturelles et le
potentiel de main d'oeuvre qui sera nécessaire pour la
réalisation des travaux d'aménagement de routes, des voies
ferrées, des aéroports et d'entretien des grandes plantations
industrielles consacrées aux cultures de rente comme le cacao, le
café et l'hévéa.
II.5.4. La désorganisation de l'économie
de troc et l'introduction de la monnaie
Traditionnellement, l'économie des peuples de la
région reposait sur le troc. Les uns et les autres échangeaient
par exemple de l'huile de palme contre des produits vivriers tels que la banane
plantain, l'igname, le manioc, le taro ou le macabo ou l'inverse. On pouvait
aussi troquer des produits de la chasse contre les vivres ou des vivres contre
du tissu, des armes,
3 La région du Mbam est une
unité administrative créée en 1935. Elle comprenait trois
subdivisions : Bafia, Ndikiniméki et Yoko. Elle était
étendue sur une superficie de 32 500 kilomètres
(Mémoli-Aubry, 2009)
59
notamment les fusils etc. Mais à l'arrivée des
colonisateurs, tout pouvait s'échanger contre de l'argent, y compris une
partie de la dot.
II.5.5. Le prélèvement de la main
d'oeuvre forcée
Pour réaliser des grands bénéfices, les
colons avaient pour ambitions de prélever un maximum de matières
premières minières et agricoles. Pour extraire et acheminer ces
produits jusqu'en métropole, il fallait de la main d'oeuvre en abondance
et de préférence gratuite. Il s'imposait donc d'aménager
des grandes plantations et de créer des voies de
pénétration et d'acheminement vers les ports. D'où
l'idée de prélever la main d'oeuvre à travers tout le
territoire camerounais pour la regrouper dans les plantations et les chantiers
de construction des routes et des voies de chemin de fer. La région a
connu des déportations d'une partie de la population. D'abord sous
l'administration allemande, puis sous celle de la France à partir de
1922. Pourtant le Cameroun français n'était pas officiellement
une colonie mais plutôt un « mandat »4. Mais dans la
perspective de lever des fonds et des provisions pour l'effort de la 2e guerre
mondiale, la France va imposer des prélèvements en biens et en
hommes (tableau 2). Selon Memoli-Aubry (2009), en 1942, 928 personnes furent
recrutées sur l'ensemble de la Région. La subdivision de Bafia
à elle toute seule avait fourni sur cet effectif total, 628 hommes et
200 femmes. Cet auteur ajoute que « Le Mbam fut confronté à
un fort recrutement administratif de travailleurs pour la réalisation
des grands travaux publics. Ces chantiers consistaient surtout dans
l'aménagement des routes, des ponts, des bâtiments, des pistes
d'atterrissage et dans la construction de camps militaires ». Mais
l'effort de guerre allait également de paire avec l'extension de vastes
plantations de café, de cacao et de café. Une partie de la
population déportée fit envoyée vers ces sites, qu'elles
soient loin comme la Dizangué sur littoral ou proche comme Goura
situé dans la subdivision.
Tableau 2 : Nombre de manoeuvres mobilisés dans
les chantiers publics de la subdivision de Bafia de 1942 à
1944
Années
|
Routes et ponts
|
Bâtiments
|
Entretien
|
Hygiène
|
Divers
|
Total
|
1942
|
54931
|
1435
|
1695
|
7321
|
976
|
66358
|
1943
|
25772
|
6701
|
13
|
407
|
7052
|
39945
|
1944
|
37216
|
7470
|
7893
|
2754
|
36742
|
92075
|
Total
|
117919
|
15606
|
9601
|
10482
|
44770
|
198378
|
Sources APA 11626, archives de Yaoundé
4 Le Mandat institué par la
Société des Nations le 2 juin 1922 (article 22 du pacte,
paragraphe 5), préconisait de garantir, entre autres, la liberté
de conscience et de religion sans autre limitation que l'ordre public et les
bonnes moeurs. Par ailleurs, le mandat interdisait la construction de
fortifications et de bases militaires ou navales, sauf pour la police et la
défense du territoire camerounais.
60
II.5.6. La diffusion de la culture du
cacao
L'introduction du cacao au Cameroun se situe en 1886/1887, 65
ans après les îles de Sao-Tomé et principe, 8 ans
après le Ghana, en même temps que le Gabon, 3 ans avant le
Nigeria, 8 ans avant la Côte d'Ivoire sous le règne du gouverneur
allemand Julius Von Soden. Les premières semences sont importées
d'Amérique latine, des Antilles et de Sao-Tomé et Principe. Les
premières exploitations sont celles de Woerman à Bimbia et de
Jantzen et Thormohlen à Bibundi (Santoir, 1992).
Ces colons allemands mettent en place un système de
grandes plantations industrielles. Elles sont grandes aussi bien de par leur
étendue que de par les ressources mobilisées pour leur
création. Les plantations couvrent en moyenne 5 000 à 15 000 ha
à l'époque. Les ouvriers venaient principalement de Bali,
Foumban, Kribi, Lolodorf, Ebolowa et Yaoundé. Pour obliger les
indigènes à travailler dans les plantations, les colons allemands
vont instituer l'impôt de capitation dès 1903. Car ceux qui ne
pouvaient payer en argent devaient payer en travail en raison de 30 jours /an.
En 1912, on dénombre 13 161 ha cultivés avec une exportation de 4
551 tonnes (ONCC, 1912).
La première guerre mondiale va causer un frein à
la cacaoyère allemande qui sera vendue aux enchères par les
alliés puis rachetée par les allemands par agent
interposé. Après la seconde guerre mondiale, les biens allemands
seront mis sous séquestre. En décembre 1946, les plantations
allemandes sont nationalisées par les administrations britanniques et
françaises.
A côté de ces grandes plantations, se trouvent
des plantations familiales de taille modeste créées depuis 1902
dans la région du Mont-Cameroun (Mbanga, Yabassi, Edea) et la
région Kribi (Batanga, Bipindi, Ebolowa, Mbalmayo). Ces plantations de
petite taille contribueront au développement de la cacaoculture au
Cameroun.
Pour la région du Mbam, l'introduction du cacao se fera
au début des années 1910 et coïncidera avec la
décision des autorités coloniales allemandes et françaises
de permettre aux individus d'implanter des plantations familiales dont une
partie des récoltes sera prélevée comme impôts
(Ngangue Latta, 2011). Toutefois, d'après les sources orales, la
création des premières plantations familiales se situe entre 1910
et 1920. De nos jours, les cacaoyers occupent plus du 1/3 des terres
cultivées dans la zone d'étude. Cette proportion passe à
la moitié aux environs de la ville de Bokito (Jagoret et al., 2011).
61
L'introduction du cacao nous apparaît
déterminante par rapport à la dynamique de l'affectation des sols
et surtout parce que sa culture qui nécessite l'ombrage des arbres va
favoriser indirectement les boisements anthropiques dans la région.
II.6. Les rôles originels des haies
D'après Beauvilain et al. (1985) et les enquêtes
de terrain, les alignements d'arbres implantés à l'origine en
savane jouaient plusieurs rôles:
- Un rôle défensif car cette espèce
adopte des contreforts arqués de 2 à 3 m de hauteur, voire
jusqu'à 6 m. Plantés en lignes suivant un écartement
serré, ces arbres constituent de véritables fortifications
infranchissables;
- Un pare feu naturel contre les feux de brousse qui permet
aux populations d'aménager d'une part, des champs de palmier à
huile dès la fin du 19e siècle et d'autre part, de
créer des plantations de cacaoyers dès le début des
années 1920 ;
- Un rôle juridique car sa matérialisation
confère la propriété des terres au groupe ethnique ou au
clan.
Les relevés botaniques et les enquêtes de
terrain montrent d'autres fonctions qui sont d'ordre écologiques.
- Une fois installés, les arbres jouent le rôle
de couloirs de circulation des animaux sauvages et de perchoirs aux oiseaux
disséminateurs des graines d'espèces pionnières de la
forêt;
- Sous leur ombrage, les arbres de la fortification
créent des conditions favorables à l'installation des
espèces sciaphiles de la forêt dont les graines sont
disséminées à la fois par les oiseaux, les animaux et le
vent;
- Une fois les enceintes constituées, les hommes
plantent des arbres fruitiers ou des espèces à bois utile
derrière le rideau défensif végétal sans courir le
risque de les voir détruits par les feux qui arrivent de la savane
proche.
II.7. L'évolution et la distribution de la
population
Au lendemain de l'indépendance en 1962, la
région occupée par les populations yambassa est
intégrée dans le seul arrondissement de Bokito qui occupe en tout
1 724 km2. Après, c'est-à-dire en peu avant 1976,
l'arrondissement est divisé en deux; le district d'Ombessa voit le jour
très exactement le 18 juillet 1966 par le décret N°
66/DF/291. Nous avons groupé les deux arrondissements, pour des besoins
de calcul de l'évolution de la population totale et des densités
rurales. La population totale passe de 35 811 habitants en 1962, puis à
55 021 en
62
1976, et enfin à 65 868 en 2005 (figure 12). Les
densités rurales on évolué au cours de la même
période entre 20,7 hbts/km2 en 1962, puis à 31,9
hbts/km2 en 1976 et enfin à 38,2 hbts/km2 en 2005.
Par rapport à la moyenne nationale du Cameroun en 2005 qui est de 36,8
hbts/km2, la région est moyennement peuplée.
Néanmoins, des disparités existent dans la région et ces
densités varient d'un canton à l'autre entre 15
hbts/km2 à Botatango et un peu plus de 60 hbts/km2
à Bakoa (figure 13).
Figure 12 : Evolution de la population et des
densités rurales dans l'ensemble Bokito et Ombessa entre 1962 et
2005
Conclusion
Dans la région du confluent Mbam et Sanaga, le poids du
passé revêt une importance capitale dans la dynamique de
l'affectation des sols en général. Les circonstances historiques
expliquent aussi en grande partie les caractéristiques de la dynamique
des contacts forêt-savane sur le site. En implantant des haies vives
défensives, les populations ont contribué à
63
l'expansion des peuplements forestiers. En effet, sous l'ombre
des arbres constituant les « murs défensifs» de nombreuses
espèces pionnières de la forêt sont apparues. En y
multipliant des fruitiers, les populations ont favorisé des conditions
de recrutements d'autres espèces de la forêt. Ces boisements ont
également permis l'introduction des cacaoyers dans un environnement
phytogéographique qui était jadis composé de savanes.
Autrement dit, la période précoloniale a favorisé
l'implantation des haies végétales défensives dans un
contexte de guerres tribales d'une part et, d'autre part, grâce à
l'introduction du cacaoyer à l'aube du 20e siècle, les
populations ont entretenu les boisements nécessaires à la culture
de cette plante. Le chapitre 3 démontrera que les diverses
opérations de boisement ont créé des conditions
d'expansion de la forêt dense à long terme.
64
DEUXIEME PARTIE : DISTRIBUTION ET IMPLICATIONS
ECOLOGIQUES ET SOCIO-ECONOMIQUES DE CEIBA ET
BOMBAX
65
CHAPITRE III: LA DISTRIBUTION REGIONALE ET LOCALE DE
CEIBA
PENTANDRA ET DE BOMBAX
BUONOPOZENSE
Introduction
Les espèces dominantes dans les haies vives de la
localité de Yambassa appartiennent à la famille des Bombacaceae.
Ce sont respectivement Ceiba pentandra (ou fromager) et Bombax
buonopozense (ou kapokier rouge). Les populations locales donnent à
toutes les deux espèces le nom de « baobab» ce qui est
impropre puisque le vrai baobab (Adansonia digitata), bien que de la
même famille, est une espèce indigène des zones
soudano-sahéliennes. D'autre part, les travaux de Beauvilain et al.
(1985) confondent aussi les deux espèces qu'ils nomment toutes Ceiba
pentandra. Espèces de forêt dense humide, Ceiba pentandra
et Bombax Buonopozense affichent en effet presque les mêmes
caractéristiques morphologiques. C'est pourquoi certains auteurs les
confondent. Leur distribution actuelle dans le monde révèle
qu'elles sont plastiques puisqu'on les retrouve aussi bien dans les
régions équatoriales que dans les régions tropicales
semi-arides. Les deux espèces partagent la légèreté
des graines munies de filaments cotonneux qui facilitent leur transport par le
vent. Leur aspect majestueux a aussi fasciné les hommes qui les ont
adoptées largement comme arbre ornemental et d'ombrage.
III.1. La distribution régionale de ceiba
pentandra et de bombax buonopozense III.1.1. L'écologie et
la description de Ceiba pentandra
III.1.1.1. L'écologie
Ceiba pentandra est un arbre originaire
d'Amérique centrale (Mexique, Honduras, Guatemala, Costa Rica),
d'Amérique du Sud et peut être d'Afrique de l'ouest (figure 14).
Il est devenu maintenant pantropical et est considéré comme
invasif dans les Iles du Pacifique. Aux Antilles, il pousse dans les
forêts mésophiles de bas-fonds et sur le littoral. En Afrique, on
le trouve en forêt tropicale dense humide, particulièrement dans
les formations secondaires. C'est un arbre très connu des populations et
les noms locaux sont nombreux (tableaux 2 et 3) et témoignent de
l'intérêt qu'il porte dans les diverses régions tropicales
et même occidentales. Pour Chevalier (1949) Ceiba pentandra
« un des colosses du règne végétal »,
serait venue d'Amérique centrale à une époque
antérieure à la découverte de Christophe Colomb.
D'après cet auteur, les graines anémochores ont pu être
apportées par le vent en
Les graines produisent de 11 à 28 % d'huile. Mais cette
huile contient des éléments nocifs pour la santé comme des
acides gras cyclopropénoïdes : acide malvalique (7-8 %) et acide
66
Afrique. Sa hauteur, de 30 à 40 m en moyenne,
l'obligerait à développer des contreforts ailés. Les
branches perpendiculaires au fût n'apparaissent qu'à une certaine
hauteur. Ceiba pentandra, ou fromager, kapokier, bois coton, est une
espèce d'arbre de la famille des Bombacaceae selon la classification
classique, ou de celle des Malvaceae selon la classification
phylogénétique. L'espèce est dotée d'une grande
plasticité écologique puisqu'on la rencontre aussi bien dans les
régions connaissant un climat équatorial que dans celles
caractérisées par des climats tropicaux semi arides.
Le fromager est un arbre imposant, pouvant atteindre 40
mètres de haut (voire 60 m en Afrique). Son tronc lisse est couvert de
grosses épines coniques et avec l'âge, il développe
d'énormes contreforts (photo 15). Les branches horizontales sont en
général étagées et très
étalées. C'est une espèce de diffusion, adaptée en
savane pour ses graines dont on obtient un condiment huileux, pour ses fruits
consommés à l'état immature et pour ses jeunes feuilles
mucilagineuses, dont la foliation non synchrone sur le même arbre au
cours de l'année en accroît l'intérêt et en fait un
arbre dont les feuilles sont consommées par certaines populations et le
bétail. Ceiba pentandra a pu attirer l'intérêt
vestimentaire chez les populations Ewondo du Centre Cameroun qui en extrayaient
des fibres de son bois pour confectionner certaines tenues de
cérémonies rituelles (Laburthe-Tolra, 1970).
Les feuilles palmées comportent 5 à 9 folioles,
subsessiles, oblongues, de 10 à 18 cm de long. Les fleurs
blanc-jaunâtre comportent 5 colonnes de filets terminés par 1
à 3 anthères et 5 pétales de 35 mm, velus. Le style fait
saillie au dehors avant l'ouverture du bouton floral (photo 10). La
pollinisation est faite par les chauves-souris. Le fruit est une capsule
elliptique, ligneuse, pendante, de 10 à 30 cm de long. Il s'ouvre par 5
valves et laisse apparaître un duvet blanchâtre, cotonneux,
nommé le kapok et des graines brunes. Le vent entraine au loin les
flocons de kapok avec les graines.
III.1.1.2. La description
Ailleurs sur les hautes terres de l'ouest par exemple, il
matérialise la sépulture d'un homme puissant ou marque le lieu
d'un événement important telle la signature d'une alliance ou
d'un acte d'allégeance d'un petit clan vis-à-vis d'un grand. Chez
les Bamoun et les Bamiléké, il est souvent planté à
l'entrée des royaumes ou sur des points stratégiques de ces
territoires (Beauvilain et al., 1985).
67
sterculique (3-4 %). On utilise les poils fins et soyeux
recouvrant ses graines pour la production d'une fibre végétale
appelée kapok. Elle est composée de 64 % de cellulose, 13 % de
lignine et 23 % de pentosane (Beentje et Smith, 2001). Elle fournit une bourre
imperméable, isolante et imputrescible que l'on utilise pour rembourrer
les coussins, les oreillers, les matelas ou les gilets. Mais son usage a connu
un grand déclin après l'introduction de fibres
synthétiques. Le kapok fournit aussi une alternative
biodégradable aux absorbants d'huiles synthétiques ou
d'hydrocarbures lors de pollutions, suite aux naufrages de pétroliers
par exemple.
C'est un grand arbre pouvant atteindre 250 cm de
diamètre. La cime est large et sphérique et présente de
grandes branches horizontales et étagées ; le fût est
droit, cylindrique, épineux chez les jeunes pieds. La base est
remarquable par les contreforts aliformes et ramifiés atteignant 4 m de
hauteur. L'écorce est couverte d'épines coniques au stade
juvénile, mais les perd progressivement en prenant de l'âge. Cette
écorce est verte chez les jeunes sujets, puis grise chez les pieds
adultes. Sa tranche est épaisse (jusqu'à 2 cm), fibreuse et dure.
Les feuilles sont composées et digitées, alternes,
groupées au sommet des rameaux ; 5-9 folioles ; limbes
lancéolés à oblancéolés, jusqu'à 20 x
5 cm, sommets acuminés, bords entiers ou dentés ; nervure
primaire souvent rougeâtre en dessous à l'état frais.
Inflorescences en courtes grappes ou fascicules à
l'extrémité des rameaux, blanchâtres. Fleurs blanc-roux,
veloutées, très nombreuses ; calice à 5 sépales
soudés avec 5 lobes au sommet ; corolle à 5 pétales libres
entre eux et soudés à la base du tube staminal ; 10-15
étamines soudées ; ovaire soudé au calice. Fruits :
capsules ligneuses fusiformes à calice persistant atteignant 26-60 cm de
longueur ; déhiscence basale ; intérieur revêtu de poils
laineux constituant le kapok ou soie végétale, bourre soyeuse
analogue au coton qui enveloppe les graines. Graines brun-noirâtre,
globuleuses, lisses, parfois étranglées au milieu (photos 8,
9,10, 11 et 12).
La pollinisation est assurée par les chauves-souris et
les abeilles (Beentje et Smith, 2001). Ces pollinisateurs visitent des arbres
isolés ou des petits groupes isolés d'arbres ; ce qui favorise
l'autogamie par rapport à l'allogamie. Dans les grandes plantations, il
est difficile pour les chauves-souris de pénétrer la couronne des
arbres. Dans ces conditions, l'autogamie est le régime de reproduction
obligatoire. L'espèce présente un grand potentiel de
sélection par la création de lignées pures ou par
isolation des clones hétérotiques issus de bouturage de rameaux
orthotropes (Zeven, 1984). Ceiba pentandra peut se reproduire suivant
un régime autogame ou par pollinisation croisée. Dans ce dernier
cas, ce sont les abeilles et surtout les chauves-souris en quête de
nectar qui assurent la pollinisation (Purseglove, 1968). Les
68
croisements sont libres et il n'y a pas de barrières
d'incompatibilité connues entre les variétés de cette
espèce. Très peu de travaux de sélection ont, à ce
jour, été conduits sur le kapokier. Toutefois, la
sélection des variétés à haut rendement et à
fruits indéhiscents, suivie de leur reproduction par voie
végétative semble être la meilleure option. A cela, il faut
ajouter la taille des arbres, la précocité de production, la
vigueur des rameaux, les caractères de la fibre, comme autres
critères de sélection.
Photo 8 : Fleur de Ceiba pentandra
Source: Beentje et Smith, 2001
|
Photo 9 : Feuille de Ceiba pentandra
Source: Beentje et Smith, 2001
|
Photo 10 : Fruits immatures de Ceiba
Pentandra
Source: Beentje et Smith, 2001
Photo 11 : Graine de Ceiba pentandra avec le
support de filaments cotonneux Source: Beentje et Smith,
2001
69
III.1.1.3. Les Usages et les utilités
Le bois léger, de couleur blanc crème,
veiné de jaune et de rose, est actuellement surtout utilisé comme
source de bois d'oeuvre. Il sert dans ce cas à la fabrication de
contreplaqués, de cageots, de caisses et en menuiserie
légère.
En Afrique, les troncs évidés servent à
la fabrication de pirogues. Le bois sert aussi à la fabrication de
récipients, d'assiettes, d'instruments de musique et de sculpture. Les
contreforts sont utilisés pour fabriquer des dessus de table et des
portes. Les feuilles, les fleurs et les jeunes fruits se consomment cuits en
sauce. Les feuilles fournissent aussi du fourrage pour chèvres, moutons
et bovins (Beentje et Smith, 2001).
Les graines riches en huile fournissent un tourteau pour le
bétail. Les graines grillées ou en farine sont consommées
aussi par les humains mais elles sont réputées indigestes. La
plante est largement utilisée en médecine traditionnelle dans les
Caraïbes, en Afrique, Amérique du Sud, en Inde de l'ouest et du
sud, au Sri Lanka et en Asie du Sud-est. Aux Antilles, la racine est
réputée apéritive, l'écorce diurétique et
les feuilles vertes en friction contre la chute des cheveux. Actuellement, le
fromager est principalement employé en bain de feuilles, en association
avec d'autres espèces médicinales, dans le traitement de la
bourbouille et des troubles cutanés superficiels (Ngounou et al., 2000).
En Birmanie, les racines sont utilisées comme fortifiant et les feuilles
pour traiter la gonorrhée. Au Cambodge, les racines sont
réputées réduire la fièvre, l'écorce traite
la gonorrhée, la fièvre et la diarrhée. En
Indonésie, une décoction de feuilles est utilisée contre
la syphilis.
En Afrique, cette plante est réputée traiter le
mal de tête, les ulcères d'estomac, les vertiges, la constipation,
les troubles mentaux et la fièvre. Au Nigeria, les feuilles,
l'écorce, les pousses et les racines sont largement employées.
Les herboristes utilisent cette drogue en combinaison avec d'autres plantes
locales pour traiter l'hypertension et le diabète. Des biochimistes de
ce pays ont montré qu'un extrait d'écorce donné à
des rats ayant un diabète (induit artificiellement) réduisait
significativement leur niveau de glucose sanguin.
Bombax buonopozense P. Beauv. (ou encore Kapokier de
Buonopozo, Fromager de Buonopozo) est un genre d'arbre de la
famille des Bombacaceae, selon la classification
70
Photo Lemoupa, 2013
Photo 12 : Jeune Ceiba pentandra dans un bosquet
anthropique proche des haies vives
Notes: On remarque que les branches sont perpendiculaires au
tronc; les feuilles sont palmées et les épines sont coniques sur
le tronc. Ces épines disparaissent progressivement avec l'âge.
III.1.2. L'écologie et la description de
Bombax buonopozense
III.1.2.1. L'écologie
Communément appelé Gold Coast Bombax ou
cotonnier aux fleurs rouges, cet arbre serait natif de l'Afrique de l'Ouest
pour Chevalier (1949). Il se rencontre généralement dans les
forêts denses humides de la Sierra Leone jusqu'au Gabon en passant par
l'Ouganda, c'est-à-dire l'ensemble de la région du golfe de
Guinée (Afrique de l'ouest et centrale) (figure 14). Bombax
buonopozense P. Beauv. est donc présent de la Guinée en
Angola en passant par le Côte-d'Ivoire, le Ghana, la Sierra Leone, le
Liberia, le Benin, le Togo, le Nigeria, le Cameroun, la RCA, le Gabon, la
Guinée Equatoriale, le Congo, la RDC, l'Ouganda, le Kenya et la Tanzanie
(Maniana, 2010).
Photo 13 : Fleurs de Bombax
buonopozense
71
classique, ou de celle des Malvaceae, selon la
classification phylogénétique. Elle est synonyme de Bombax
reflexum Sprague ou de Bombax flammeum Ulbr.
III.1.2.2. La description
Le bois est léger. Les fleurs sont charnues. Le tronc
est muni d'épines. Comme beaucoup d'arbres de la famille des
Bombacaceae, les gangues des fruits produisent du kapok. Bombax
est un genre d'arbres principalement tropicaux. Ils sont originaires de
l'Afrique occidentale, aux secteurs tropicaux, le sous-continent indien, l'Asie
du Sud-est, aussi bien que les régions subtropicales de l'Asie orientale
et l'Australie du nord. Des noms communs pour le genre incluent l'arbre de
Kapok, l'Arbre Rouge de Coton, le Kapok et simplement Bombax.
Il affectionne particulièrement les terres
situées entre 600 et 1200 m d'altitude. Généralement de
grande taille, cet arbre atteint facilement 40 m et peut aller jusqu'à
60 m dans certains cas. Il présente ordinairement de larges contreforts
pouvant atteindre 6 m de hauteur et s'étaler sur un rayon de 5 à
6 m du pied de l'arbre. L'écorce des jeunes individus est couverte
d'épines coniques comme c'est aussi le cas de Ceiba pentandra.
A la différence de celle-ci qui a des fleurs blanchâtres, les
fleurs de Bombax sont rouges et ceci semble être, d'après
nos observations de terrain, la principale différence entre les deux
espèces qui ont plus de caractéristiques communes que de
différences (photo 13).
Photo Youta Happi, 2013
72
III.1.2.3. Les usages et les
utilités
Les différentes parties de l'arbre possèdent des
vertus thérapeutiques en médecine traditionnelle. Au Ghana, ses
feuilles sont utilisées dans une décoction qui a pour vertu de
chasser les mauvais esprits. Son bois mou et très léger est
prisé pour la fabrication des pirogues. Les fibres fabriquées par
ses graines sont utilisées comme des substituts de coton. Ses fruits
immatures sont consommés comme aliments, surtout par le
bétail.
Figure 13 : Distribution de Bombax
buonopozense
On connaît 2 modes de multiplication : la multiplication
par graine et la multiplication par bouture. Dans la nature, l'espèce se
régénère facilement dans les chablis et les
jachères. Les graines tombées à terre dans les milieux
ouverts germent facilement. La croissance est rapide.
III.1.3. La diffusion anthropique des deux
espèces
Au début du 20e siècle, les
forestiers coloniaux ont planté des fromagers partout en Afrique de
l'Ouest mais aussi en Afrique orientale et australe. On en veut pour preuve
leur présence à titre ornemental dans les principaux centres
urbains, y compris Yaoundé. Jusqu'aux années 1960, le kapok
constituait une marchandise d'exportation intéressante mais aujourd'hui
le
73
négoce est centré sur le bois d'oeuvre pour la
production de contreplaqué. Avant la 2ème guerre mondiale,
l'Indonésie était le premier producteur mondial de kapok.
Aujourd'hui, la production mondiale est de quelques milliers de tonnes
seulement dont la moitié est produite par la Thaïlande. Ce pays
possède aujourd'hui de centaines de milliers d'hectares de boisements
à base des deux espèces et la Chine semble vouloir s'inspirer de
cet exemple (Nwagba et al., 2013).
En tant que bois mou et léger, l'espèce est
sollicitée notamment pour l'intérieur de contreplaqués,
car il adhère bien au collage, ou comme bois de coffrage et d'emballage
et de caisserie. Le bois est aussi utilisé pour la confection de
panneaux lattés, des moulures, de meubles courants ou comme
éléments d'isolation. Dans les régions tropicales, elle
est prisée pour la fabrication de pirogues du fait de sa faible
densité et de sa grande flottabilité. Néanmoins,
très sensible aux attaques d'insectes, le bois sec
nécessité un long traitement pour sa conservation. Il ne supporte
pas aussi une forte humidité et pourrit vite dans des conditions
d'humidité permanente.
Figure 14 : Aire de distribution de Ceiba
pentandra
74
Tableau 3 : Noms locaux de Ceiba pentandra
à travers le monde
Pays
|
Appellation
|
Benin
|
Adjolohutin
|
Allemagne, Royaume Uni
|
Ceiba
|
France
|
Fromager
|
Cameroun
|
Doum
|
Congo, Rep. Dem. Congo
|
Fuma
|
Pays Bas
|
Ceiba, Kakantrie
|
Côte d'Ivoire
|
Enia, Fromager
|
Rep. Centrafricaine
|
Gila
|
Sierra Leone
|
Banda
|
Gabon
|
Odouma
|
Ghana
|
Onyna, Ceiba
|
Nigeria
|
Okha
|
Liberia
|
Ghe, Ngwe
|
U.S.A.
|
Silk, cotton tree
|
Tableau 4 : Les noms locaux de Ceiba pentandra
au Cameroun
Langues
|
Nom local
|
Bakossi
|
njobwele
|
Bassa
|
djôm
|
Batanga
|
ngubwele
|
Boulou, Ewondo
|
doum
|
Douala
|
bouma, boumbo
|
Pygmée Kaka
|
n'doum
|
Pygmée Baka
|
kulo, kulu.
|
Bamiléké
|
yabe
|
Cet arbre est devenu maintenant pantropical et est
considéré comme invasif dans les Iles du Pacifique. Aux Antilles,
il pousse dans les forêts mésophiles de bas-fonds et sur le
littoral. En Afrique, on le trouve à la fois dans la forêt dense
humide sempervirente et la forêt dense semi décidue,
particulièrement dans les formations secondaires.
Dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le
fleuve Sanaga, les haies vives caractérisent l'ensemble du paysage
agraire du secteur situé entre les localités de Balamba et
III.1.4. La distribution régionale des murs
végétaux défensifs
75
d'Ombessa en passant par Bokito (figure 16). Les sites qui
présentent les haies les mieux conservées sont ceux de Bakoa et
Yambassa. Les haies moyennement conservées se retrouvent autour de
Yorro, Bombang et Assala. Les haies les plus dégradées sont
celles d'Ombessa, Bogando, Goufan, Bokito, Gueri et Baliama. Aujourd'hui, les
observations révèlent que les dégradations des murs «
vivants» se sont accentuées, notamment à la faveur de
l'ouverture des voies de communication. En effet, la traversée de la
nationale n04 au début des années 1980 a
entraîné la perforation des haies à l'entrée et
à la sortie du village Yambassa (figure 16).
Doté d'un grand pouvoir de dissémination,
envahissant rapidement les espaces défrichés dans la forêt,
on le retrouve par exemple dans le centre de la ville de Yaoundé
notamment dans le campus de l'Université de Yaoundé 1, mais aussi
sur ses marges nord à Mbankolo, Fébé, Nkolbisson et
Kolondom ou encore Bankomo et Afan Oyo au sud. On peut signaler l'utilisation
des « cotonniers géants» (Ceiba pentandra) dans la
région du confluent Chari et Logone. Ils servaient de bosquets refuges
à des groupes familiaux et chaque établissement possédait
au sein des parcs de végétation sélectionnée des
dizaines, voire des centaines de bosquets fortins (Seignobos, 1978 et 1980).
L'utilisation de Ceiba pentandra en système de
défense n'est pas non plus propre au pays yambassa. Dans le même
rapport de Dominik, le Major signale un mode de fortification chez les
Bapéa (Bafia) voisins septentrionaux des Yambassa : « le village
d'Etajenge n'a qu'une seule entrée et est entouré de vieux arbres
immenses ». L'originalité du système yambassa tient à
l'ampleur de sa manifestation dans le paysage. Il s'agit, en effet, de la
production de lignes de défenses (« égaga ») sur des
kilomètres et pour l'ensemble du pays yambassa sur des dizaines de
kilomètres (près de 50 km d'après les cartes IGN). Mais
les observations de terrain ont révélé qu'une partie des
« égaga » a échappé aux cartographes, en
particulier à l'est d'Ombessa. Ce qui signifie que leur ampleur est
beaucoup plus importante à l'heure actuelle sur le terrain que les
cartes ne le montrent.
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Piste
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Balamba
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Sources: Carte topographique de riGN de Bafia
NA-32-Vi au 1/200000 et photographies aériennes de 1951
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Figure 15 : Extension des murs défensifs
végétaux en 1951
Les haies entourent, soit des villages entiers lorsqu'elles
sont aménagées pour servir de lignes-boucliers pour parer aux
coups de voisins. Elles n'excluaient pas toutefois les défenses
77
III.1.4.1. Les murs enceints végétaux
autour des villages : exemple du site de Yambassa
Le village Yambassa présente encore sur ses marges un
mur enceint long d'environ 3 km. Il est troué par endroits par la
traversée des voies de communication comme c'est le cas aux
entrées nord, sud et ouest de la localité. Les perforations nord
et sud datent du début des années 1980, date à laquelle la
route nationale N04 a été mise en chantier.
D'après les enquêtes, celle de l'ouest est plus ancienne parce que
la voie a été créée vers les années 1910 par
le colonisateur allemand.
Les systèmes défensifs arborés sont
souvent une amélioration et une systématisation de comportements
végétaux naturels.
Sur le terrain, les alignements restent visibles aujourd'hui
et ils sont souvent imposants. Les contreforts des arbres se chevauchent ou
sont jointifs et parfois même coalescents formant un véritable
écran de 2 à 3 mètres de haut. Très souvent, le
« mur » est parsemé de trouées, les fromagers morts
n'ayant pas été remplacés.
Les relevés et les enquêtes
révèlent que les nombreuses trouées sont
occasionnées par la mort naturelle d'individus ou par l'abattage suite
aux travaux de construction des voies de communication. Les enquêtes
montrent que la vieillesse est de loin la première cause de
mortalité. Plusieurs raisons expliquent ce fait:
1) D'après l'opinion de la population sur le site de
Yambassa, les espèces comme Ceiba pentandra et Bombax
buonopozense sont supposées avoir des pouvoirs de protection
occultes. Par conséquent, il est strictement interdit de les abattre
sous peine d'être victime de malédictions. Les malheurs qui en
découleraient peuvent affecter l'auteur de la coupe et sa famille
entière ;
2) Ces essences de lumière, à croissance rapide
et à bois mou, ont naturellement une durée de vie relativement
courte;
3) Leur bois mou est très peu prisé et ne sert
pas dans les oeuvres de construction des habitations et des meubles;
4) Leur ombrage assez filtrant est indispensable aux cultures
de cacaoyers et même de palmiers à huile. Son utilité
actuelle sur le double plan économique et écologique n'est donc
pas son bois trop tendre pour travailler et au coeur souvent creux, mais son
ombrage.
Les Yambassa sont comme les Koukouya du Congo, des «
créateurs de forêts ». Chez ces habitants du Congo, la
création de bosquets artificiels se fait également
derrière un écran
78
individuelles. Les fermes étaient souvent
entourées de haies bouturées sur un remblai de terre et on
accédait à l'intérieur de la concession par un escalier
à cheval sur la butée de terre (Beauvilain et al., 1985). Les
« égaga » dans leur ensemble ne s'ouvraient que par
quelques portes gardées. Selon les enquêtes, on distinguait deux
types d'aménagements de haies:
III.1.4.2. Les lignes entourant les autres groupements
d'habitations
Elles enserrent les villages installés dans les grandes
savanes. Les lignes végétales courant alors sur des centaines de
mètres, voire des kilomètres, sont essentiellement
constituées de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense
semées. En s'éloignant de l'habitat et là où
la forêt pouvait à l'origine constituer de petits massifs,
d'autres arbres étaient semés ou replantés dans les haies
vives à l'instar de Erythrophleum suaveolens, Ficus
spp et Jatropha nurcas. Ici, les haies marquent simplement
l'appropriation. Cette dernière signification a été
utilisée, contre les Yambassa, créateurs des égaga
(synonyme de haie végétale défensive), par les Sanaga
qui en ont tiré argument pour occuper, les savanes vacantes
situées à l'ouest sur la zone de la rive droite de la
rivière Mbam (Beauvilain et al., 1985).
Sur le site de la localité de Yambassa, les
égaga permettaient de se prémunir contre les attaques de
voisins directs et les raids des Bafia et Vouté. En même temps
qu'elles protégeaient, elles favorisaient l'individualisation des petits
groupes humains qui se repliaient dans leurs forêts protectrices (figure
17).
Les Yambassa actuels n'ont jamais formé un groupe
homogène et ils se présentaient comme des unités
individualistes refermées sur elles-mêmes et en rivalités
constantes. C'est ce qui ressort des rapports des administrateurs coloniaux des
années 1930 (Dugast, 1954). Les « égaga » assuraient
ainsi une double fonction de protection et de délimitation de
l'espace.
III.1.4.3. Les lignes entourant les
concessions
Par rapport à la topographie, les murs
végétaux occupent les positions hautes lorsqu'il s'agit
d'entourer une concession. Pour la délimitation d'un terroir, comme
c'est le cas de Yambassa, les lignes végétales traversent les
vallées, ou plutôt, les têtes de vallées.
Les différents groupes humains ont tous investi des
savanes au départ, ils ont alors ceinturé les butes de
Ceiba et, à l'intérieur, ils ont semé des noix
d'Elaeis guinneensis et aussi des safoutiers, des Colatiers etc. Ils
ont « planté la forêt » (Beauvilain et al., 1985).
79
protecteur et la composition floristique est assez semblable
à celle des yambassa : une ceinture d'arbres fruitiers assez
continue, qui a pu atteindre un développement suffisant& joue le
rôle de coupe-feu. Derrière ces pare feux, des arbres utiles ont
été plantés et ont favorisé plus tard le
recrutement d'autres espèces d'arbres de la forêt (Guillot,
1980).
Défense contre l'intrus, mais aussi contre le feu.
Toutefois, les Ceiba sont sensibles au feu au stade juvénile
(Aubreville, 1949). Ils doivent en tout cas être protégés
jeunes contre les feux courants. Ils ne peuvent être efficaces que
lorsqu'ils atteignent une hauteur où les cimes sont hors de
portée des « coups de chaleur » des feux de brousse.
Dans la partie septentrionale du Cameroun, les défenses
d'Euphorbiaceae (Euphorbia kamerunika, Euphorbia desmondi) dans
l'Adamaoua ou sur le Tinguelin jouaient également les pare-feux. A
Bakoa, les égaga auraient été mis en place par le
5e chef précédant l'arrivée des
Français, afin de résister aux attaques de leurs voisins
Bégni, Assala et Guéfigué, qui parlent encore aujourd'hui
des langues différentes. Comme il n'y avait que quelques arbres, les
gens ont apporté le Ceiba qui « appelle la forêt
». Leurs ancêtres ont donc « planté la forêt»
qui seule permet aujourd'hui le développement de la cacaoyère
dans la savane. Les populations vont semer des graines et/ou des
pépinières de Ceiba, de teck et de Cassia dans
les savanes pour y constituer des bosquets qu'ils exploiteront plus tard en
aménageant des cacaoyers (photo 13).
En arrière de la haie se trouvaient l'habitat, les
palmiers à huile, avocatiers, colatiers, safoutiers et les cultures
vivrières (igname, taro, patate douce et bananier plantain).
L'évolution au cours du 20e siècle a été
l'introduction des manguiers (à l'époque allemande) puis des
agrumes ainsi que, vers 1960-1965, près des cases, celles des cocotiers.
Avec l'introduction du cacaoyer, peu avant 1930, les palmiers à huile
sont progressivement rejetés hors de l'égaga, car épuisant
l'eau nécessaire pour les cacaoyers, pour être plantés en
savane où ils succèdent souvent au manioc (Beauvilain et al.,
1985).
Sur les photographies aériennes de 1951,
l'égaga de Bakoa englobe 4/5e de « brousse
» et 1/5e de savane. En 1985, tout l'intérieur de
l'égaga est devenu une « brousse cacaoyère ».
L'habitat lui-même a migré à l'extérieur. Presque
partout les égaga sont débordés par des tecks
(Tectona grandis) (photo 18 et 19 et figure 17), voire des
Cassia diffusés à partir de 1952 par la mission de Yangben.
La population reconnaît que les déplacements successifs de
l'habitat et l'introduction des arbres ont contribué au boisement de la
région.
80
Les « égaga » protègent une partie du
terroir, les « champs de case» et les arbres oléifères,
légumiers et fruitiers, éléments indispensables de
l'agro-système et ils peuvent se prolonger jusqu'à englober les
zones ripicoles avec leur raphiales.
Figure 16 : Le paysage de contact forêt-savane
autour du village Yambassa
Dans le passé lointain, les groupes de populations ont
presque tous imaginé des systèmes de défenses dans les
milieux ouverts pour résister aux velléités d'expansions
territoriales des voisins. Dans les savanes des hautes terres de l'ouest
Cameroun, les Bamiléké avaient élaboré des
fossés enceints autour des villages et des cités. Sur la carte
topographique de Bafoussam-Foumban de l'IGN NB-32-XVI-4b au 1/50 000, on
découvre des « fossés anciennes forteresses» autour de
la ville de Foumban. Les traces matérialisées sur cette carte
montrent que le Sultan contemporain avait fait aménager une série
de 3 fossés concentriques autour de l'ancienne cité Bamoun. Les
enquêtes révèlent que ce système était aussi
partagé par les peuples Tikar avec lesquels les Bamoun ont
justement des affinités culturelles, mais qui ont été
ennemis dans le passé. Des héritages sont aussi visibles sur la
frontière entre les
81
arrondissements de Bana et de Banka. Les sources orales
attestent que ces deux peuples se sont aussi livrés à des guerres
territoriales vers la fin du 19e siècle.
III.2. La distribution locale sur transects et
placettes
Les travaux de Beauvilain et al. (1985) se sont basés
sur les sources historiques et cartographiques pour décrire les murs
végétaux défensifs « yambassa ». Il nous a
semblé indiqué de nous appuyer sur ces études tout en
apportant un nouveau éclairage par le biais d'une méthode
basée sur des relevés botaniques. Localement sur les transects,
les haies présentent des alignements serrés de grands arbres dont
les contreforts s'enchevêtrent sur plusieurs sections (figure 21).
L'histoire révèle que des sentinelles postées
derrière ces remparts étaient chargées de surveiller et de
repousser les ennemis. Les murs végétaux du pays « yambassa
» impressionnent autant par la hauteur des arbres que par les contreforts
que ces arbres développent en maturité. Le système semble
avoir été efficace dans un contexte de guerres engageant des
ennemis équipés de lances, de flèches et d'armes à
feu de petits calibres.
III.2.1. Les exemples de « murs défensifs
végétaux » précoloniaux des steppes du
nord
Les rapports militaires et les comptes rendus
d'opérations de police rédigés au début de la
période coloniale en Afrique mentionnent les difficultés
rencontrées pour approcher de nombreux établissements humains
entourés d'épais fourrés d'épineux ou d'euphorbes
(Seignobos, 1978 et 1980). Ces fortifications végétales avaient
été créées par l'homme, et leur
démantèlement fut souvent exigé par les puissances
coloniales comme gage de soumission. Elles disparurent donc rapidement à
l'époque coloniale, car elles furent soit détruites, soit
délaissées ou reconverties en haies de protection des champs dans
les contrées où l'élevage du gros bétail est
pratiqué. Les chemins bordés qui permettaient de contenir le
bétail se maintinrent alors que s'effaçaient les lignes
boucliers. Dans la région de l'extrême nord du Cameroun, beaucoup
de ces constructions végétales sont encore décelables dans
le paysage où se succèdent des éléments
arborés ou arborescents en lignes (figures 17, 18, 19 et 20). Leur
abondance inattendue ne s'explique pas par la seule nécessité de
canaliser le bétail, pas plus que les rideaux d'arbustes spumescents sur
les piémonts ne peuvent être attribués uniquement à
une action antiérosive.
82
Figure 17 : Localisation des murs
végétaux défensifs du bassin du Tchad
De plus, l'évidente inefficacité
défensive des constructions de terre et surtout de pierres sèches
laisse comprendre leur vraie raison d'être, celle de supporter des
constructions végétales formées d'épineux ou
d'euphorbes dont les ruines sont encore accrochées à ces murs.
Passant presque inaperçues, ces défenses végétales
sont en réalité omniprésentes sur de vastes aires et
montrent tout le raffinement de leurs diverses combinaisons dans divers
secteurs du bassin du lac Tchad.
Dans le détail, le système défensif est
très complexe. L'ossature est constituée par le mur de pierre au
centre (figures 18, 19 et 20). Avant et après le pierrier, des rideaux
végétaux successifs sont implantés de manière
à former plusieurs boucliers. Il s'agit, de la périphérie
vers les villages, des alignements suivants: 1) Acacia atxacantha, 2)
Comiphora africana ; 3) Euphorbia unispa ; 4) Euphorbia
kamerunica.
Entre Comuphora africana et Euphorbia kamerunica
se trouve le mur de pierre. La dernière espèce s'appuie
d'ailleurs sur ce pierrier et c'est justement sur ce mur doublé d'un
rideau végétal que se portent les premières sentinelles
(figure 20)
Figure 19 : Gros plan sur le système
défensif Guimsak
83
|
|
Mur de pierre (pierrier)
|
Rideaux défensifs végétaux
Acacia ataxacantha
|
- Commifora africana
|
-
|
|
|
-
|
|
|
Courbe principa Courbe normale Courbe intercalaire
|
|
|
Cours d'eau intermittent
Localisation du système Guimsak
2 km
|
|
Sources :Seignobos (1978) Les systèmes de
défense végétaux précoloniaux
|
Figure 18 : Le système défensif
végétal du bassin versant de la Goudoulou
|
|
|
|
Mur de pierre
(pierrier)
Rideaux défensifs végétaux
Acacia ataxacantha
~ Commifora africana Euphorbia unispa sasweilia
dolzielii
Adenium abaesum
Courbe principale
Courbe normale Courbe intercalaire
Cours d'eau intermittent
0 500 n
f I
Sources: Seignobos (19781 Les systèmes de defense
végétaux précof oraux
|
84
Figure 20 : Coupe du système défensif
de Guimsak (Seignobos, 1978)
III.2.2. Les héritages du système
défensif végétal Yambassa
Chez les Banen du sud de Ndikiniméki (à l'ouest
du pays yambassa), les palmiers à huile sont plantés en savane
par les paysans dans les bosquets « protégés» par une
haie de Ceiba pentandra bouturés serrés
(Iyébi Mandjeck, 1985). Cet arbre qui ceinture le bosquet sur tout le
périmètre, a le mérite d'être lui-même
protégé.
III.2.2.1. Les relevés botaniques
Les relevés ont porté sur un transect de 5 m de
large et de 2 660 m de long, soit 13 300 m2 (figures 22 et 23 et
photos 14). N'ont été pris en compte que les arbustes et arbres
qui se situaient sur l'axe de l'alignement de la haie vive. Par ailleurs, les
cacaoyers implantés sous l'ombre des ligneux n'ont pas été
pris en compte. Cependant, la présence des peuplements occupant
l'environnement immédiat de la haie a été
précisée sur une grille millimétrée dans le but de
restituer la structure sur une carte. Dans ce but, un enregistrement de points
GPS a été fait tous les 100 m. Des points supplémentaires
ont été précisés chaque fois que la haie
décrivait une courbe.
Signalons cependant que la circonférence des
grands Ceiba et de Bombax a
juste été estimée. Les grands contreforts de ces individus
n'ont pas permis de mesurer les circonférences puisqu'ils
s'élèvent généralement à plus de 2 à
3 m en moyenne au dessus du sol. Or par convention, il faut mesurer la
circonférence des arbres à hauteur de poitrine à environ
1,30 m. Il aurait fallu un échafaudage pour le faire. Mais compte tenu
de nos moyens matériels et financiers, il nous a été
impossible de surmonter cette difficulté. On a simplement
considéré
85
que ces « géants » avaient des
diamètres supérieurs à 100 cm, même si on est
convaincu que certains individus dépassent 110 cm de tour de taille au
dessus des contreforts.
Figure 21 : Section de mur défensif yambassa
(Beauvilain et al, 1985)
Notes: Les hommes aux pieds des arbres donnent
l'échelle graphique. La figure révèle que les arbres
adoptés sont de véritables « géants» et que les
contreforts imbriqués forment un « mur » difficile à
escalader.
III.2.2.2. La densité relative des individus et
des espèces
La densité relative (Dr) renvoie au critère
d'abondance des individus. Par exemple, la densité d'une espèce
est le rapport du nombre d'individus de cette espèce sur le nombre total
d'individus de toutes les espèces dans l'échantillon. La
densité est un indicateur de la compétition entre les
espèces dans un peuplement. Elle permet aussi d'apprécier la
représentativité d'une espèce par rapport à toutes
les autres espèces de l'échantillon.
86
Photo Lemoupa, 2013
Photo 14 : Alignement de Ceiba et de Bombax
sur le site de Yambassa
Notes : Certains individus sont morts, mais la ligne
végétale (au second plan) est encore bien visible sur les sites.
Ici, des cacaoyers (au premier plan) sont implantés de part et d'autre
de la haie.
Les relevés du transect de Yambassa donnent un nombre
total de 396 individus de diamètree 5 cm à hauteur de poitrine
(1,30 m du sol) (tableau 4). Deux espèces sont très
abondantes: Ceiba pentandra (linn.) Gaertn. avec 121 individus, soit
Dr = 25,1 % de l'échantillon, et Bombax buonopozense
représentée par 120 individus, soit une Dr de 24,9 %
87
de l'ensemble des individus. Les deux espèces
appartiennent à la famille des Bombacaceae. Les haies vives sont donc
dominées équitablement par Ceiba pentandra et Bombax
buonopozense (figures 22, 23 et 24).
Les autres espèces abondantes dans les haies
appartiennent au genre Ficus avec 58 individus, soit un taux de 14,8 %
(tableau). Les espèces appartenant à ce genre sont respectivement
Ficus thonningii Forssk. (25 individus), Ficus exasperata
Vahl. (8) et Ficus spp (9). Les deux autres genres abondants sont
Celtis (C. zenkeri, C. milbraedii, Celtis adolfi-fridericii)
(19) et Cola (C. grandifolia, C. lateritia, C. lepidota)
(19), soit une Dr de 6,1 % de l'échantillon pour chacun. Les deux genres
appartiennent respectivement aux familles des Ulmaceae et des Sterculiaceae.
Les autres individus du transect appartiennent à un seul genre.
III.2.2.3. Le critère de dominance des
individus et des espèces
Le critère de dominance fait référence
à la taille des individus. Celle-ci se base essentiellement sur les
classes de diamètres. Une famille représentée par deux
espèces, à savoir Ceiba pentandra et Bombax
buonopozense domine nettement l'échantillon. Le relevé
compte en tout 225 individus de diamètres supérieur à 100
cm parmi lesquels 221 appartiennent aux deux espèces, soit 98,2% de
l'échantillon (tableau 6). On compte ainsi 118 pieds de Ceiba
pentandra (soit 52,7% des individus de très grandes tailles) alors
que Bombax buonopozense, avec 103 individus dans cette classe des
géants, représente 45,7% des émergents. Dans cette classe,
les autres espèces comme Albizia adianthifolia, Canarium
schweinfurtii, Ricinodendron heudelotii et Ficus mucoso
complètent la liste des géants, mais sont
représentées par un seul individu chacune.
88
Figure 22 : La distribution locale de Ceiba et de
Bombax sur le transect de Yambassa
89
·
te
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Route
N4
(%) ·
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OGAIR0-4/6---0 te ino ·
TIC 6111,1414-d · -Ge --0-- -
-
·
|
Ceiba pentandra
|
t
|
Palmier à huile
|
0
|
20 m
|
|
Bombax buenoporense
|
|
(Elers guineensis)
|
|
|
Q
|
Autres espèces dela forêt
|
|
|
|
|
|
dense
|
___.
|
Axe d'alignement des haies
|
|
Sources: Relevés de terrain
|
Classe des diamètres
> 100 cm 70 à 100 40à69 20 à 39 5à
19
·
Route !
N4
.36.31
Figure 23 : Distribution des individus et des
classes de diamètre sur le transect de Yambassa
90
III.2.2.4. Le critère de dominance des
familles
Le tableau 5 atteste que dans le relevé, les
Bombacaceae composées de Ceiba pentandra et Bombax
buonopozense représentent 56,1% des individus. Compte tenu des
contreforts très hauts perchés qu'ils disposent, il n'a pas
été possible de mesurer la circonférence des fûts.
Pour 121 pieds de Ceiba pentandra, seulement 3 individus ont un
diamètre compris entre 34 et 75 cm. Par contre, 118 sont de
catégorie « hors norme ». La circonférence de ces
individus est supérieure à 250 cm au dessus des contreforts qui
s'élancent en moyenne entre 3 et 7 m au dessus du sol et
s'étalent latéralement sur 4 à 8 m. On n'oublie pas que ce
sont justement ces contreforts qui ont suscité leur adoption dans les
haies par les populations qui s'en sont servi à l'époque comme
murs défensifs dans le contexte de guerres tribales. Bombax
buonopozense affiche les mêmes caractéristiques
morphologiques sur sa base. Pour 120 individus, 103 sont « hors
norme» et seuls 17 individus sur 120 ont une circonférence comprise
entre 70 et 240 cm.
Quant aux Moraceae, leur poids total est de 14,6%. Viennent
ensuite les Sterculiaceae et les Ulmaceae avec 6,1% chacune. Les autres
familles sont représentées à moins de 2% du relevé.
La biodiversité n'est pas très élevée, mais on
constate qu'au fil des ans, les populations ont privilégié les
espèces utiles au détriment de la diversification biologique.
A l'opposé, les jeunes et les très jeunes
individus (les juvéniles) dans le relevé appartiennent
principalement à la famille des Moraceae. C'est le cas de Ficus
thoningii qui compte 17 individus dans la classe de 5 à 9 cm. En
dehors de cette espèce, deux autres seulement sont
représentées au moins par 2 individus. Il s'agit de Celtis
sp avec 4 individus et de Cola lepidota avec 2 individus. Dans la
catégorie des jeunes individus (classes de 10 à 19 cm), Ficus
thoningii et Celtis sp sont les plus présentes avec
respectivement 10 et 4 individus.
91
Figure 24 : La représentation des principales
espèces (nombre d'individu supérieur à 2)
Deux faits marquants ressortent du tableau 4 :
- La présence régulière des
espèces comme Ficus thoningii dans toutes les classes sauf dans
celles des plus de 79 cm. Celtis sp et Dacryodes edulis
affichent un comportement semblable. Ces espèces apparaissent comme
des espèces de l'avenir puisqu'elles affichent clairement un
renouvellement constant.
- Par contre, le fait le plus riche d'enseignement est
l'absence totale de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense
dans la catégorie des classes de 5 à 19 cm. Même dans
les classes juste au dessus, elles sont sous représentées. Entre
20 et 79 cm, on compte seulement 7 individus appartenant à ces deux
espèces (2 individus seulement pour Ceiba et 5 pour
Bombax). Ce constat laisse penser que les deux espèces sont
caractérisées par une très faible capacité de
renouvellement. Peut-être parce que le sous bois étant
généralement couvert dans le contexte local, les graines de ces
deux espèces héliophiles ne trouvent pas de conditions favorables
à leur germination. Ou alors, le contexte ayant changé,
l'intérêt de la population à l'origine de leur implantation
est plutôt porté vers d'autres espèces.
92
Autrement dit, bien que dominatrice en taille et en
nombre, Ceiba pentandra et Bombax buonopozense semblent
vouées à une disparition à long terme puisqu'elles ne se
renouvellent pas spontanément. Par contre, les individus comme Ficus
thoningii, Celtis sp, Cola lepidota et Dacryodes edulis
semblent être les espèces d'avenir compte tenu de
l'importance remarquable de leurs jeunes individus.
Le résultat permet de constater la vieillesse des
Bombacaceae et la jeunesse des Moraceae et des Burseraceae. Ceci semble
être une conséquence des choix de l'homme. Celui-ci, en
opérant des choix en fonction des besoins et des exigences du moment,
privilégie certaines espèces au détriment des autres.
Lorsqu'il fallait se défendre dans le contexte des guerres, les
Bombacaceae ont été privilégiées. Les guerres ayant
cessé depuis environ 1 siècle, le privilège semble
être accordé aux espèces les plus rentables sur le plan
économique et alimentaire. Ainsi Dacryodes edulis qui est un
arbre fruitier est constamment renouvelé ou entretenu comme c'est aussi
le cas de diverses espèces du genre Cola. Le renouvellement des
deux Bombacaceae n'a pas été assuré du fait d'un
intérêt porté sur d'autres espèces plus rentables
à court terme. Il n'en demeure pas moins vrai que les effets
écologiques et économiques à long terme sont visibles sur
le site. Par exemple, l'ombrage des Bombacaceae est indispensable aux
cacaoyers.
III.2.3. Les données de la structure des haies :
l'importance des trouées
On constate, d'après le relevé que les arbres
originels des haies que sont Ceiba pentandra et Bombax
buonopozense, sont implantées de manière discontinue. Sur le
transect, la largeur de ces trouées varie entre 5 et 20 m en moyenne.
Les plus importantes sont celles situées de part et d'autre de la route
nationale N0 4 (figure 23).
De nombreux individus sont morts, mais n'ont pas
été remplacés. Ou plutôt, les trouées ont
été colonisées par des espèces plantées par
l'homme, à l'instar des cacaoyers, palmiers à huile, safoutiers,
manguiers, avocatiers. D'autres trouées sont simplement envahies par des
espèces pionnières de la forêt en commençant par les
Ficus (Ficus thonnigii, Ficus exasperata, Ficus mucoso). A
côté, on rencontre d'autres pionnières comme Albizia
adianthifolia. (Tableau 5 et figures 23 et 24).
Aujourd'hui, même en l'absence des guerres qui ont jadis
justifié l'adoption des Bombacaceae, le mythe qui veut que l'abattage
d'un de ces arbres soit gage de malédiction semble avoir
constitué un facteur de préservation. En effet, les
témoignages disent que selon les traditions, il est strictement interdit
d'abattre un de ces arbres. Dans le cas contraire, des
93
malheurs indescriptibles s'abattraient sur l'auteur et sa
famille. De tels mythes sont largement rependus, y compris dans la
région des hautes terres de l'ouest, notamment dans les
départements du Haut-Nkam et du Noun où seules des personnes
dotées de pouvoirs occultes peuvent s'en approcher pour les couper ou
pour en extraire quelques substances comme la sève ou
l'écorce.
Il semble aussi que les décès des individus
constitutifs des haies originelles n'affectent pas à l'heure actuelle
les investissements prioritaires des populations. Au contraire, celles-ci
semblent s'être adaptées et exploitent les « chablis »
pour installer des cacaoyers et des arbres fruitiers. Ils tolèrent en
même temps l'installation spontanée des arbres à bois
utiles pour leurs bois (Mansonia altissima, Milicia excelsa, Terminalia
superba, Pycnanthus angolensis), pour leurs fruits et/ou graines
(Canarium schweinfurtii, Cola spp, Ricinodendron heudelotii),
pour leur ombrage indispensable aux plants de cacaoyers (Ficus spp,
Albizia spp) mais aussi pour leurs vertus médicinales
(Rauwolphia vomitoria, Voacanga africana). Pour les autres
espèces abondantes comme Celtis sp, Celtis milbraedii
et Celtis zenkeri, une explication logique ne nous a pas
été fournie au stade actuel des enquêtes. Il existe
plusieurs autres espèces tolérées, mais leurs
densités restent faibles.
94
Tableau 5 : Relevé du transect de
Yambassa
|
|
|
|
|
Classes des diamètres en cm
|
|
|
|
N° Familles
|
Espèces
|
5-9
|
10-19
|
20-29
|
30-39
|
40-49
|
50-59
|
60-79
|
80-99
|
> 100
|
Total
|
1 Bombacaceae
|
Ceiba pentandra
|
|
|
1
|
1
|
|
|
1
|
|
118
|
121
|
2 Bombacaceae
|
Bombax buonopozense
|
|
|
|
1
|
2
|
2
|
6
|
6
|
103
|
120
|
3 Mimosaceae
|
Albzia adianthifolia
|
|
|
|
1
|
|
|
|
1
|
1
|
3
|
4 Burseraceae
|
Canarium schweinfurtii
|
|
|
|
|
|
|
1
|
|
1
|
2
|
5 Euphorbiaceae
|
Ricinodendron heudelotii
|
|
|
|
|
|
|
|
1
|
1
|
2
|
6 Moraceae
|
Ficus mucoso
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1
|
1
|
7 Sterculiaceae
|
Cola gigantea
|
|
|
1
|
|
1
|
|
|
1
|
|
3
|
8 Combretaceae
|
Terminalia superba
|
|
|
|
|
|
|
|
1
|
|
1
|
9 Moraceae
|
Ficus thonningii
|
17
|
10
|
9
|
8
|
5
|
2
|
2
|
|
|
53
|
10 Sterculiaceae
|
Mansonia altissima
|
|
1
|
1
|
1
|
|
|
1
|
|
|
4
|
11 Burseraceae
|
Dacryodes edulis
|
|
1
|
3
|
1
|
1
|
3
|
1
|
|
|
10
|
12 Sterculiaceae
|
Cola sp
|
1
|
1
|
3
|
3
|
7
|
|
1
|
|
|
16
|
13 Moraceae
|
Milicia excelsa
|
|
1
|
|
|
|
|
1
|
|
|
2
|
14 Euphorbiaceae
|
Funtumia elastica
|
|
|
|
|
1
|
1
|
|
|
|
2
|
15 Apocynaceae
|
Rauvolfia vomitoria
|
|
|
|
|
2
|
|
|
|
|
2
|
16 Ulmaceae
|
Celtis sp
|
4
|
4
|
2
|
4
|
1
|
|
|
|
|
15
|
17 Ulmaceae
|
Celtis zenkeri
|
|
1
|
2
|
1
|
1
|
|
|
|
|
5
|
18 Moraceae
|
Ficus exasperata
|
|
|
|
1
|
1
|
|
|
|
|
2
|
19 Ulmaceae
|
Celtis milbraedii
|
|
1
|
|
3
|
|
|
|
|
|
4
|
20 Apocynaceae
|
Voacanga africana
|
1
|
2
|
|
2
|
|
|
|
|
|
5
|
95
|
|
|
|
|
|
Classes de diamètre en cm
|
|
|
|
N°
|
Familles
|
Espèces
|
5-9
|
10-19
|
20-29
|
30-39
|
40-49
|
50-59
|
60-79
|
80-
99
|
> 100
|
Total
|
21
|
Myristicaceae
|
Pycnanthus angolensis
|
|
1
|
2
|
1
|
|
|
|
|
|
4
|
22
|
Sterculiaceae
|
Cola lepidota
|
2
|
1
|
1
|
1
|
|
|
|
|
|
5
|
23
|
Laureaceae
|
Persea americana
|
|
1
|
|
1
|
|
|
|
|
|
2
|
24
|
Rutaceae
|
Citrus sp
|
|
1
|
|
1
|
|
|
|
|
|
2
|
25
|
Bignoniaceae
|
Spathodea campanulata
|
|
1
|
2
|
|
|
|
|
|
|
3
|
26
|
Mimosaceae
|
Albizia ferruginea
|
1
|
|
1
|
|
|
|
|
|
|
2
|
27
|
Cecropiaceae
|
Myrianthus arboreus
|
|
1
|
1
|
|
|
|
|
|
|
2
|
28
|
Moraceae
|
Ficus sp
|
1
|
1
|
|
|
|
|
|
|
|
2
|
29
|
Césalpiniacaee
|
Cassia javanica
|
1
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1
|
30
|
Palmaceae
|
Elaeis guineensis
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
14
|
Total
|
30
|
|
28
|
29
|
29
|
31
|
22
|
8
|
14
|
10
|
225
|
396
|
96
Tableau 6 : Les familles les plus
représentées dans le relevé
Famille
|
Genres
|
espèces
|
Individus
|
%
|
Bombacaceae
|
2
|
2
|
222
|
56,1
|
Moraceae
|
2
|
5
|
58
|
14,6
|
Sterculiaceae
|
2
|
4
|
24
|
6,1
|
Ulmaceae
|
1
|
3
|
24
|
6,1
|
Burseraceae
|
2
|
2
|
12
|
3
|
Euphorbiaceae
|
2
|
2
|
4
|
1
|
Mimosaceae
|
1
|
2
|
5
|
1,2
|
7
|
12
|
20
|
349
|
88,1
|
|
60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00%
0,00%
|
|
|
|
densite relative en %
|
|
diversité d'espèces
|
Familles
Arécaceae Apocynaceae Bignoniaceae Bombacaceae
Burseraceae Cecropiaceae Celtidaceae Combretaceae Euphorbiaceae Fabaceae
Laureaceae Méliaceae Mimosoideae Moraceae Myristicaceae Rutaceae
sapindaceae Sapotaceae sterculiaceae ulmaceae
Source : Relevés de terrain
Figure 25 : Densité relative des principales
familles
97
Photo Youta Happi, 2013
Photo15 : Contreforts ailés de Ceiba
pentandra
En se développant verticalement et horizontalement, les
contreforts de Ceiba pentandra forment des « murs vivants »
en s'entremêlant lorsque des individus sont alignés. Ces
contreforts très hauts situés rendent impossible la mesure de la
circonférence des fûts à 1,30 m du sol.
98
Photo Youta Happi, 2013
Photo 16: Les contreforts arqués de Bombax
buonopozense
A maturité, les contreforts de Bombax buonopozense
sont généralement moins développés que ceux
de Ceiba pentandra. Mais ils s'élancent en hauteur à 3 m
en moyenne. Au niveau de l'extension latérale, les contreforts des deux
espèces s'étendent en moyenne sur 5 à 6 m.
99
Photo Youta Happi, 2013
Photo 17 : Enchevêtrement des contreforts de
Ceiba et Bombax
Sur le transect, les haies conservées témoignent
de l'efficacité du rideau de défense à l'époque
où tous les arbres étaient en place. Non seulement les
contreforts s'interpénétraient, mais en plus, certains troncs se
touchaient au point de s'emboiter. A droite, trois arbres sont même
soudés les uns aux autres.
Conclusion
Les haies vives survivent aujourd'hui, non plus pour le
rôle défensif, puisque les guerres entre voisins ont pris fin au
début du 20e siècle à l'occasion de
l'administration coloniale allemande. Le rôle de pare feu est aussi
devenu obsolète parce que les savanes ont depuis disparu au contact
immédiat de l'ensemble des haies. Néanmoins, aux yeux de la
population, les haies demeurent un symbole protecteur dans le sens spirituel.
Elles survivent aussi pour des raisons objectives car sous leur ombrage, des
plants de cacaoyers sont aménagés. En fait, ces plantes
sciaphiles ont besoin de l'ombrage des arbres pour assurer leur croissance.
C'est
100
donc grâce aux haies que des cacaoyers et des palmeraies
ont été aménagés dans la région dans la
première moitié du 20e siècle.
Parallèlement, leur présence a favorisé indirectement
l'implantation des bosquets et l'expansion de la forêt dense humide de
part et d'autre de leurs lignes d'implantation. Le chapitre 4 décrit les
implications de l'aménagement des haies défensives sur le triple
plan social, économique et écologique. Il précise en
particulier le rôle de ces boisements dans le contexte défensif,
dans le cadre de la mise en valeur agricole et dans la dynamique des contacts
forêt-savane sur le site.
101
CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET
SOCIO-ECONOMIQUES DES HAIES VIVES
Introduction
Les systèmes défensifs végétaux
aménagés pour défendre des villages, des cités et
des propriétés ont été décrits dans
plusieurs territoires de savanes et de steppes tropicales (Seignobos, 1978 et
1980). Mais partout, ces « murs enceints» élevés
uniquement dans les domaines végétaux ouverts sont tombés
en désuétude, la colonisation européenne ayant mis fin aux
guerres entres des peuples voisins rivaux. Dans l'extrême nord du
Cameroun, c'est-à-dire au nord-ouest de la ville de Maroua, les haies ne
servent plus aujourd'hui qu'à canaliser le bétail hors des
champs. Au centre Cameroun, la conservation des alignements d'arbres a permis
non seulement de protéger les plantations de palmiers à huile
contre les feux de brousse de savanes, mais ils ont aussi permis
d'étendre les champs vivriers et les plantations de cacaoyers. Les haies
vives à Ceiba pentandra et Bombax buonopozense ont
même créé des conditions écologiques de
dissémination et de recrutement d'espèces pionnières de la
forêt dense, comme les relevés botaniques l'ont montré.
IV.1. Les impacts écologiques
Sur le plan écologique, les arbres jouent un rôle
essentiel dans le domaine de la mosaïque forêt-savane. Non seulement
ils servent d'habitat à un grand nombre d'espèces animales et
végétales, mais ils remplissent de nombreuses autres fonctions.
Grâce à la photosynthèse qui se réalise au niveau
des feuilles, ils rejettent de l'oxygène dans l'atmosphère. Les
racines des arbres retiennent les sols, ce qui diminue considérablement
l'érosion. Les forêts réduisent le ruissellement des eaux
de pluies ; elles interceptent l'eau des précipitations et les
redistribuent: une partie de l'eau de pluie recueillie au sommet coule le long
du tronc des arbres et le reste est diffusé à travers les
branches et le feuillage.
IV.1.1. les impacts écologiques de Ceiba
pentandra et Bombax buonopozense
Ceiba pentandra et Bombax buonopozense
préparent l'invasion de la savane par la forêt en constituant
dans un premier temps de boucliers pare feux (figure 26). Du fait de cette
barrière naturelles contre la propagation des feux, l'implantation des
espèces de la forêt en savane est possible, voire
accélérée. Mais au paravent, les populations ont
exploité le bouclier pour
102
implanter, dans un premier temps des palmiers à huile
(rapport du Major Hans Dominik cité par Beauvilain et al., 1985 et
Mekindé, 2004). Plus tard, ces populations ont diversifié les
cultures en cultivant des arbres fruitiers exotiques et indigènes, mais
aussi en plantant le cacaoyer à partir des années 1930. Ainsi, en
pays yambassa, ces deux espèces favorisent l'agroforesterie (figure 28
et photo 18).
Parlant de l'exploitation des espèces
forestières, la coupe sélective par définition
répond à deux critères : une catégorie
précise d'espèces à bois précieux demandée
sur le marché et un diamètre minimum d'exploitabilité
(DME). Pour optimiser la rentabilité, l'exploitant a pour souci de
prélever uniquement les espèces sollicitées par les
marchés. De l'autre côté, l'Etat propriétaire de la
forêt doit préserver son patrimoine et éviter les critiques
des organisations qui militent pour la conservation des
écosystèmes forestiers intertropicaux. Bien que le DME ait
été fixé de façon à permettre le
renouvellement des espèces exploitées dans leur milieu (les
arbres étant supposés être sexuellement mûrs avant
d'avoir atteint ce seuil), certaines études permettent d'établir
des perturbations qui ont des conséquences sur les processus devant
assurer la régénération de la diversité
génétique, et en particulier les mécanismes reproducteurs
(Jennings et al. 2001 cités par Lourmas, 2005). En effet, le
prélèvement concerne des individus qui sont supposés
être reproducteurs, des individus âgés qui sont souvent
considérés comme des réservoirs de la diversité
génétique. Leur exploitation est de nature à limiter la
reproduction de l'espèce. Même si l'exploitation sélective
des forêts se caractérise par le prélèvement des
arbres situés au dessus d'un seuil de diamètre (appelé
diamètre minimum d'exploitabilité) fixé par espèce
et mesuré à 1,30 mètre du sol, elle ne cause pas moins des
dégâts sur la forêt. L'exploitation pourrait conduire
à la raréfaction des arbres les plus vieux dont certaines ne se
régénèrent que très lentement. Elle entraîne
aussi une ouverture importante du milieu forestier (ouverture de la
canopée) (Lourmas, 2005).
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103
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Figure 2 : La reconstitution d l'évolution
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104
Ainsi, les espèces des haies sont à l' origine
de la diversification des activités des exploitants agricoles, avec
constitution d'un patrimoine d'arbres de valeur, sans interrompre le revenu
courant des parcelles plantées. Elles jouent un rôle protecteur
des arbres pour les cultures intercalaires ou pour les animaux : effet
brise-vent, abri du soleil, de la pluie, du vent, fixation des sols,
stimulation de la microfaune et de la microflore des sols.
En outre, elles favorisent la récupération par
les racines profondes des arbres d'une partie des éléments
fertilisants lessivés ou drainés ; nous notons aussi
l'enrichissement du sol en matière organique par les litières
d'arbres et la mortalité racinaire des arbres.
Une étude menée dans deux sites
représentatifs du bassin de production du cacao du sud Cameroun à
savoir Ngomedzap à 110 km environ au sud de Yaoundé, capitale
politique du Cameroun, en zone de forêt humide à
pluviométrie bimodale et Bokito à 150 km au nord de
Yaoundé en zone de transition forêt - savane par Bidzanga Nomo et
al. en 20095 a permis de caractériser les perceptions des
paysans sur la contribution des essences associées à
l'amélioration de la fertilité des sols sous cacaoyers pour
certaines essences dont les racines sont mieux colonisées par les
mycorhizes : Ficus mucoso (53-73%), Ficus exasperata (53%), Ceiba
pentandra (60-67%), Ricinodendron heudelotii et Canarium
schweinfurthii (47%), Spathodea campanulata (40%),
Entrandropragma cylindrica (13-33%), Terminalia superba (33%),
Milicia excelsa (20-27%). Les paysans soutiennent que les essences
à système racinaire profond améliorent la structure du sol
et n'entrent pas en compétition avec d'autres plantes pour l'eau. Ils
observent aussi que le sol autour de ces essences garde une humidité
relativement élevée par rapport aux autres niches du
système. Par contre, ils estiment que les essences à
système racinaire superficiel « assèchent » le sol et
par conséquent, empêchent le développement normal des
cultures associées. La surface foliaire et la surface des feuilles des
essences associées, selon les perceptions paysannes, déterminent
la biomasse produite, qui une fois décomposée, améliore la
fertilité du sol (Bidzanga Nomo, Op.cit.).
Les espèces des haies vives yambassa sont des
espèces à potentiel agroforestier. Voacanga africana a
l'avantage d'être intégré dans les agroforêts
à cacao du Cameroun. Ces espèces favorisent la restauration de la
fertilité des sols, apportent de l'ombrage aux cacaoyers proches au
même titre que Ceiba pentandra et Bombax buonopozense,
jouent un rôle de
5Bidzanga Nomo et al., 2009. Mycotrophie
et fertilisation dans les agroforêts et connaissances paysannes des
essences fertilitaires dans les agroforêts à base de cacaoyers du
sud Cameroun. Cameroon Journal of Experimental Biology 2009 Vol. 05 N°
02, 79-86.
105
brise-vent et constituent des habitats pour faune. Leur
exploitation entraîne également une légère
modification de la biodiversité floristique.
Photo Youta Happi, 2013
Photo 18 : Au coeur d'un bosquet implanté entre
les haies de Ceiba et de Bombax à Yambassa
Lorsque les haies se sont implantées
définitivement dans les savanes, les populations ont d'abord
aménagé des palmeraies derrière le rideau d'arbres
(Beauvilain et al., 1985). Au début du 20e siècle, les
agriculteurs ont aussi déployé des plants de cacaoyers aux
mêmes emplacements. Plus tard, les savanes ont été
éliminées et remplacées par des agroforêts à
base de cacaoyers, de palmier à huile et de fruitiers. Ailleurs, tous
les espaces non aménagés en champs et plantations sont
systématiquement envahis par des bosquets.
IV.1.2. La poursuite de la sélection et de
l'introduction des essences utiles IV.1.2.1. L'enrichissement de la
biodiversité
Les arbres associés aujourd'hui aux haies vives ont
entraîné la dispersion d'autres espèces de plantes.
L'enrichissement direct se traduit par la culture des essences à bois
précieux et des fruitiers. Les fruitiers en particulier donnent des
aliments, non seulement aux hommes, mais
106
aussi aux animaux et aux oiseaux (figure 27). A leur tour, les
arbres pionniers qui se sont installés opportunément à
l'instar des Ficus, constituent des pôles d'attraction pour de
nombreux oiseaux et mammifères comme les chauves souris qui s'y posent
pour consommer leurs fruits ou simplement pour nicher. Au passage, leur
déjections et fientes qui comportent des graines et semences contribuent
à la dissémination d'autres espèces dont ils ont
consommés les fruits ailleurs.
IV.1.2.2. Le rôle des espèces auxiliaires
des haies vives
Les autres espèces des murs vivants sont en grande
partie les espèces forestières qui se sont
développées à l'ombre de Ceiba et
Bombax. Sur le plan écologique 100% de notre échantillon
affirment que ces espèces jouent le rôle d'ombrage, de brise-vent
et de création des cacaoyers. D'autres ont des rôles
spécifiques. Il s'agit d'espèces à bois précieux
(Mansonia altissima ou bété, Triplochiton
scleroxylon ou ayous, Milicia excelsa ou iroko, Terminalia
superba ou fraké, Pycnanthus angolensis ou ilomba),
d'espèces produisant un bon bois de chauffage comme (Ficus
spp), d'espèces ayant une valeur rituelle et/ou médicinale
(Voacanga africana, Rauwolfia vomitoria), et d'espèces à
valeur alimentaire (Dacryodes edulis, Canarium schweinfurtii, Myrianthus
arboreus) (figures 27et 28).
Figure 27 : Les services écologiques et
économiques rendus par les arbres inclus dans les haies
107
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Ceiba pentandra
|
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|
Palmier à huile
|
|
|
Bombax buenopozen se
|
|
(Eters guineensis)
|
|
·
|
Ficus spp
|
·
|
Arbres fruitiers
|
|
·
|
Albiaia spp
|
|
Axe d'alignement
|
Sources: Relevés
|
·
|
Autres espèces de la forêt dense
|
|
des haies
|
de terrain
|
Classe des diamètres
>100cm 70 à 100 40 à 69 20 à 39 5à
19
Figure 28 : La distribution de la biodiversité
sur le transect de Yambassa
108
IV.1.3. La contribution à la préservation et
à la restauration de la biodiversité
Les haies vives du pays Yambassa sont un véritable
facteur de transformation de l'interface forêt-savane dans cette region
même si elles restent pour les populations locales un souvenir de leurs
ancêtres. Elles favorisent le développement d'un couvert
végétal forestier dans cette localité. Au départ,
elles ont formé des couloirs de forêts denses longeant les pentes
et côtoyant par ci par là les galeries forestières. Puis,
derrière le rideau à côté des habitations, des
arbres utiles (fruitiers principalement) ont été plantés.
La diversification biologique s'est ensuite réalisée à la
faveur de dispersions spontanées d'autres espèces
pionnières de la forêt comme les Ficus (figures 26, 27,
28 et 29 et photo 18).
A l'échelle de la région, cette évolution
s'est traduite par la constitution de bosquets et d'îlots forestiers. La
dynamique est alors de type «coalescence de bosquets», avec
conversion de la savane en forêt par apparition, croissance et
coalescence de bosquets en pleine savane due à l'agroforesterie. Ce
scénario se traduit par une afforestation en masse des savanes. Il
s'agit d'un scénario beaucoup plus rapide que dans la dynamique du type
«déplacement de lisière». Ainsi, les forêts ont
de tout temps fourni aux Hommes, aux animaux et aux écosystèmes
des biens et services parmi lesquels la protection et l'amélioration de
la fertilité (hydrique et minérale) des sols (Akpo, 1993 ; 1998)
pour la nutrition des plantes, la réduction de la pauvreté dans
le monde rural et la sécurité alimentaire (FAO, 2003) par divers
produits forestiers ligneux et non ligneux.
Les haies vives sont à l'origine de l'agroforesterie.
La « reforestation» ou « arborisation» à base
d'agroforêts comprenant des cultures pérennes remplit des
fonctions de production de biens (alimentation, bois énergie, plantes
médicinales, produits de vente comme, le cacao et le bois d'oeuvre) et
de services environnementaux (maintien de la biodiversité et de la
fertilité du sol, contrôle des flux d'eau et de l'érosion,
séquestration du carbone, habitats pour la faune) (Aboubacar et al.,
2007). Dans le village yambassa, les plantations ont pris la forme de
systèmes agroforestiers complexes dénommés «
agroforêt ». Une agroforêt se définit comme
l'association d'une ou plusieurs cultures pérennes (caféier,
cacaoyer, colatier, fruitiers) avec un grand nombre de composants
végétaux (arbres, arbustes, lianes, herbacées) aux usages
multiples (De Foresta, Michon, 1996 ; 1997). Pour Torquebiau (2007),
l'agroforesterie est définie comme un système de gestion durable
de la terre qui augmente la production totale, et associe des cultures, des
arbres, des plantes forestières parfois avec des animaux
d'élevage, simultanément ou en séquence.
109
Photo 19 : Photographie aérienne n° 172 de
la mission IGN 016 AEF 1951/1952 au 1/50000
Figure 29 : Photo interprétation de la
photographie aérienne IGN n° 172, AEF de 1951
110
Les murs vivants attirent les espèces pionnières
de la forêt qui profitent de l'ombrage qu'ils offrent pour se
développer. Ils accélèrent la croissance en
diamètre des arbres. Ils sont aussi à l' origine de :
· La création de paysages originaux, attractifs,
favorables aux activités récréatives. Les parcelles
agroforestières représentent un potentiel paysager
réellement novateur, porteur de symboles forts et favorables à
l'image de marque des agriculteurs dans la société.
· La lutte contre l'effet de serre : constitution de
systèmes efficaces pour la séquestration du carbone, par
combinaison du maintien du stock organique des sols et superposition d'une
strate arborée fixatrice nette de CO2, mais aussi d'azote.
· La protection des sols contre les eaux, en particulier
dans les périmètres sensibles (nappes de surface,
écoulements hypodermiques, zones sensibles à l'érosion)
· L'augmentation de la biodiversité, notamment
par l'abondance des effets de lisières. Cela permet notamment une
amélioration cynégétique, en favorisant l'habitat du
gibier.
· Accélération de la croissance de la
forêt.
Les arbres peuvent aussi constituer un frein à
l'érosion dans les zones cultivées. Ces lignes d'arbres ou
arbustes autour des champs constituent des brise-vent. La plantation des arbres
réduit localement l'intensité du ruissellement des eaux de pluies
(Djombaye, 2005).
Dans le contexte actuel où de nombreux pans de
forêt dense sont dégradés à l'échelle
planétaire, la haie contribue à préserver
ce qui peut encore l'être, notamment grâce à ses
fonctions de remaillage des écosystèmes soumis
à une fragmentation croissante. Les réseaux de haies vives
forment des corridors écologiques permettant de relier des sites
boisés ou systèmes de lisières ou clairières utiles
ou nécessaires au déroulement des cycles biologiques de la faune:
sites de nourrissage, de repos, de reproduction,
etc. la haie est aussi un corridor essentiel
pour certains champignons forestiers et pour des plantes forestières
(soit par le transfert de leurs fruits ou graines par des animaux circulant
dans les haies, soit par un transfert de pollen de certaines espèces ),
malgré le caractère « linéaire » de la
haie.
Les haies plantées en privilégiant les
espèces locales et génétiquement diversifiées
participent à la conservation de la diversité
génétique. En outre, la biodiversité nécessitant
à la fois une intégrité écologique, une certaine
hétérogénéité écopaysagère et
une complexité des écosystèmes ; la haie
différencie des zones plus ou moins abritées des
intempéries, et des zones d'ombre et de soleil, plus sèches ou
plus fraîches et humides aux sols moins colmatés,
111
etc. Elle offre à un grand nombre d'espèces le
minimum de complexité écopaysagère nécessaire
à leur survie.
L'agroforesterie joue un rôle important dans la
satisfaction de la demande pour les produits du bois. Au Pakistan, environ 90%
du bois de chauffage et 46% du bois d'oeuvre sont pourvus par des plantations
d'arbres sur des terres agricoles privées. Les cacaoyères sont
des écosystèmes agroforestiers multistrates dont la gestion a
pendant des décennies été orientée vers la
production du cacao en se servant de l'ombrage fourni par les arbres. Ce sont
des structures qui imitent la forêt naturelle, végétation
climax dans les basses terres humides des tropiques (Norgrove, 1999 ; Sonwa,
2004). La stratification horizontale et verticale des composantes qu'on y
retrouve est un facteur important de la durabilité. Les agroforêts
cacaoyers du sud Cameroun font de ce fait partie des systèmes durables
d'utilisation des terres dans les zones forestières d'Afrique centrale
et de l'ouest (Gockowski et Dury, 1999).
L'agroforesterie offre de nombreux avantages, tant pour les
producteurs agricoles que pour la société en
général. Sans doute, l'agroforesterie par ses multiples fonctions
environnementales et économiques, peut aider les secteurs agricole et
forestier. L'agroforesterie qui s'inscrit de façon pratique dans le
concept du développement durable se révèle un outil
concret pour mettre en valeur la multifonctionnalité de l'agriculture.
Les pratiques agroforestières peuvent contribuer à la mise en
place de « paysages humanisés » dans les régions
rurales et elles représentent aussi un volet important de l'approche
multiressource de la gestion de la forêt privée. « Cette
polyvalence contribue à l'intérêt grandissant que
démontrent des acteurs du développement économique
régional pour les pratiques agroforestières, lesquelles sont
intégrées dans divers projets d'aménagement et de
développement» (Baets, 2007).
IV.1.4. L'implantation des agroforêts et des
bosquets anthropiques
En milieu de savanes, la mise en valeur agricole conduit dans
certains cas à la création des agroforêts et des bosquets.
Le processus comporte plusieurs étapes qui varient souvent d'un endroit
à un autre selon les espèces de plantes cultivées et selon
la durée de l'exploitation:
IV.1.4.1. L'élimination des graminées par
les défrichements et la suspension des feux
Elle consiste au défrichement d'une parcelle de savane.
Le travail commence par l'installation des champs de cultures vivrières
composées de la manière suivante: taro, arachide, maïs,
manioc et bananier plantain. Ces plantes sont souvent aménagées
en association par deux ou trois en même temps. Dès la
première année, les parcelles de savanes cultivées sont
protégées des feux de brousse.
112
IV.1.4.2. L'introduction volontaire et
spontanée des arbres et des espèces pionnières de la
forêt
Une ou deux années après les premières
cultures, les agriculteurs introduisent des arbres de manière
isolée. Ici et là les espèces varient et on rencontre
aussi des manguiers, des avocatiers et des safoutiers. A certains endroits, on
trouve des espèces à bois d'oeuvre comme le teck (introduit dans
la région au début du 20e siècle par les
colonisateurs allemands). Ces arbres sont composés essentiellement de
fruitiers au premier rang desquels le palmier à huile. La durée
de vie des arbres plantés est élevée du fait de la
suspension durables des feux qui seuls empêchent la colonisation
spontanée de la savane par la forêt.
IV.1.4.3. L'implantation durable des arbres et des
espèces pionnières de la forêt
Une fois la parcelle exploitée par les cultures
vivrières, les plants de cacaoyers sont introduits à
côté des arbres et de quelques plantes vivrières comme le
bananier plantain qui est gardé longtemps dans les champs. La suspension
des feux durant plusieurs années successives permet une croissance
élevée des espèces pionnières. Celles-ci sont en
majorité composées d'espèces héliophiles à
croissance rapide et à bois mou comme Ceiba pentandra, Albizia
glaberrima, Albizia zygia, Albizia adianthifolia. Le recensement n'est pas
exhaustif parce qu'au fil des ans, certaines espèces jugées peu
utiles pour diverses raisons sont éliminées
systématiquement.
IV.1.4.4. La colonisation de la forêt par
élargissement des bosquets d'origine anthropique
Lorsque les jachères de savanes ne sont pas
transformées en cacaoyers, elles sont néanmoins envahies en
totalité par des espèces d'arbres de la forêt. La
différence entre ces bosquets anthropiques qui se mettent en place et
les bosquets naturels réside dans la composition floristique. Les
bosquets spontanés sont essentiellement composés d'espèces
de la forêt dense.
Tableau 7 : Opinion sur le milieu de création des
cacaoyères
`
Milieu de création des
cacaoyères
|
Effectifs
|
pourcentages
|
Savane
|
56
|
93,33
|
Forêt
|
4
|
6,66
|
Total
|
60
|
100%
|
113
Dans la localité de Yambassa, les cacaoyères sont
plus créées en milieu de savane. Ceci contribue à un
élargissement du couvert végétal forestier puisqu'ils
associent à cette culture les arbres fruitiers et d'autres
espèces à bois précieux. Sur 60 paysans interrogés,
56 affirment qu'ils créent les cacaoyères en milieu de savane
(Tableau 7).
Photo Lemoupa, 2013
Photo 20 : Implantation d'un bosquet à la suite
d'un boisement de teck (Tectona grandis)
Les bosquets anthropiques quant à eux sont en partie
composés de fruitiers exotiques tels que les manguiers, les avocatiers
et d'espèces indigènes comme le palmier à huile, le
safoutier et les colatiers. Les deux types se ressemblent néanmoins par
une grande richesse floristique en espèces héliophiles à
croissance rapide. Des travaux plus approfondis pourraient permettre
d'évaluer les richesses respectives en biodiversité
floristique.
Toujours est-il que ces processus d'investissements des
parcelles de savanes par les cultures vivrières suivies de longues
jachères ou d'aménagements de plantations de cacao ont conduit
à une dispersion des bosquets. La répétition de ces
procédés dans le temps et dans l'espace a finalement conduit
à une nette augmentation des surfaces boisées dans la
région depuis le début du 20e siècle (figure
29).
IV.1.5. Les haies vives comme corridors de
dissémination d'espèces de la forêt dense
Sur le plan écologique, les haies contribuent nettement
au maintien de la biodiversité. La haie est aujourd'hui
constituée de strates floristiques qui sont autant de milieux de vie
pour une flore et une faune diversifiées. Le maillage de l'espace,
même s'il est localisé autour de quelques terroirs, fait office de
lien entre différents milieux (forêt galeries dans les bas
fonds,
114
savanes arbustives sur les versants, savanes herbeuses dans
les bas fonds marécageux) et offre des corridors de dispersion
importante (figure 30 et 31). En effet, les haies servent de couloirs de
circulation pour les animaux et d'étapes de déplacements pour
diverses espèces d'oiseaux frugivores. Toute cette faune joue un
rôle déterminent dans la dispersion de graines d'espèces
forestières. Pour les animaux il s'agit principalement, d'après
les enquêtes, des singes et des rongeurs comme les aulacodes, les taupes,
les rats des champs, les écureuils et les rats palmistes qui
disséminent les graines à travers leurs déjections. Ils
les dispersent aussi en les stockant dans leurs terriers. Parmi les oiseaux on
recense principalement les chauves souris qui, en se nourrissant notamment des
fruits des Ficus et d'autres arbres fruitiers, contribuent à
leur dispersion à travers leurs fientes.
Certes, les haies se sont émiettées dans le
temps. Les arbres morts n'ont pas été remplacés. Mais de
manière globale, le taux de boisement a augmenté dans la zone :
d'une part du fait de l'augmentation des boisements anthropiques, mais aussi de
la multiplication et de la densification des plantations de cacaoyers et de
palmeraies. L'augmentation globale du taux de boisement et même de
l'étendue de la forêt offre ainsi plusieurs avantages
écologiques sur le site. D'abord parce que la forêt offre plus de
services écosystémiques que les savanes : une grande
capacité de stockage de carbone et des gaz à effet de serre, une
grande richesse en biodiversité floristique et plus
d'opportunités de mise en valeur agricole puisqu'on peut implanter en
forêt aussi bien des champs de cultures vivrières que des
plantations de cacaoyers.
Toutefois, compte tenu de la dégradation partielle, les
alignements d'arbres « géants» risquent de disparaître
à long termes si les individus morts ou abattus ne sont pas
remplacés systématiquement. Les arbres comme Ceiba pentandra
et Bombax buonopozense sont après tout des espèces
héliophiles à croissance rapide, mais leur durée semble
relativement moyenne. Dans la littérature, leur longévité
n'est pas précisée, mais la plupart des individus manquants
aujourd'hui sont mort de vieillesse, d'après les enquêtes.
Cependant, La superposition des images de 1951 et de 2013
montre une progression nette de la forêt et des agroforêts sur la
savane. Sur un territoire de 4553 ha, la savane occupait 3810,6 ha en 1951 soit
83,7% de la zone contre 742,4 ha pour la forêt (16,3%). En 2013 la savane
est étendue sur 3022,4 ha, soit 66,4% de la zone. Quant à la
forêt, elle occupe 1530,6 ha en 2013, soit 36,6%. Au final, la
forêt a plus que doublé sa superficie en s'étendant en
savane sur 788,2 ha, soit une progression de 17,31 ha/an.
Figure 30 : La reconstitution de l'implication de
l'aménagement des haies vives défensive
115
Figure 31 : La dynamique des contacts forêt-savane
sur le site de Yambassa entre 1951 et 2013 : l'expansion de la
forêt
116
117
IV.2. Les impacts socio-économiques IV.2.1. Les
impacts thérapeutiques
Dans le monde, les différentes parties des plantes
(feuilles, écorces, racines, fruits, graine, fleurs) ont toujours
été utilisées comme médicaments. Les
molécules à base de plantes sont considérées comme
peu toxiques et doux par rapport aux médicaments pharmaceutiques obtenus
à partir de composés chimiques. Les industries pharmaceutiques
sont de plus en plus intéressées par l'étude
ethnobotanique des plantes. L'Afrique dispose d'une diversité importante
de plantes médicinales. Dans le monde tropical en général,
et en Afrique en particulier, Ceiba et Bombax
possèdent d'importantes vertus médicinales et culinaires.
Au Nigeria, les feuilles, l'écorce, les pousses et les
racines sont largement employées. Les herboristes utilisent cette drogue
en combinaison avec d'autres plantes locales pour traiter l'hypertension et le
diabète. Les biochimistes de ce pays ont montré qu'un extrait
d'écorce donné à des rats ayant un diabète (induit
artificiellement) réduisait significativement leur niveau de glucose
sanguin. Au Cameroun, les enquêtes sur les marchés
révèlent une propriété efficace de l'écorce
pilée pour le traitement des ulcères d'estomac et de la peau. Sur
le site, cette plante est réputée traiter le mal de tête,
les vertiges, la constipation, les troubles mentaux, la fièvre et la
diarrhée affectant les enfants. En effet, d'après les travaux de
Nwagba et al., (2013) des extraits de feuilles de Bombax traiteraient
l'ulcère.
Les plantes médicinales constituent des ressources
précieuses pour la grande majorité des populations rurales en
Afrique où plus de 80% de personnes s'en servent pour assurer les soins
de santé (Jiofack et al., 2009, 2010). De plus, les produits forestiers
non ligneux ont éveillé un intérêt
considérable en Afrique au cours de ces dernières années
pour leur contribution à l'économie des ménages et la
conservation de la biodiversité végétale (Betti, 2002).
Compte tenu de leur apport dans l'usage médicinal, ces plantes se
trouvent au centre de plusieurs activités liées aux produits
forestiers non ligneux. La diversité de produits émanant des
forêts tropicales est sans limite. On estime qu'il existe 150 produits
forestiers non ligneux importants pour le commerce international dont la valeur
moyenne se situait entre 5 et 10 milliards de dollars USA dans les
années 1990 (Apema et al., 2010). Ces estimations ne tiennent pas compte
des produits forestiers non ligneux qui sont commercialisés au niveau
national et local. La mise en valeur des produits forestiers non ligneux exige
la prise en compte de leur sécurité future et celle des
forêts qui en fournissent. Au Cameroun, les plantes médicinales
sont vendues régulièrement sur les marchés des
118
centres urbains en différentes saisons de
l'année (Betti, 2002). Ils alimentent le petit commerce de
proximité exercé par les deux sexes et apportent un revenu
minimum acceptable dans de nombreux ménages.
Les haies vives sont pour les populations un lieu
sacré, une zone productrice, non seulement une source de revenus, mais
aussi contribuent au ravitaillement en bois de chauffe, bois d'oeuvre et autres
produits forestiers non ligneux. Les décoctions issues des racines,
feuilles et écorces sont également utilisées à des
fins thérapeutiques.
IV.2.2. Les utilités stratégiques et
foncières
Par le passé les espèces des haies vives ont
servi de barrière et de front d'attaque contre les invasions des ennemis
et de délimitation du territoire. Mais aujourd'hui, elles produisent des
biens et des services, dont certains d'entre eux sont vendus sur le
marché et ont une valeur commerciale directe. Tel est par exemple le cas
de l'extension des plantations de cacaoyers (photo 17). Ces espèces sont
à l' origine de la diversification des activités des exploitants
agricoles: la cueillette du vin de palme, les cultures vivrières et de
rente et même la production du bois d'oeuvre sont autant
d'activités qui offrent des revenus.
Ainsi, non seulement la mise en culture des lisières
n'est pas un facteur de savanisation comme on aurait pu s'y attendre, mais au
contraire, elle accélère la progression grâce aux effets
conjugués de la suspension des feux de brousse et de l'implantation des
arbres par les populations locales. En effet, lorsque les feux sont suspendus,
les savanes se couvrent spontanément d'espèces de la forêt
grâce à un climat humide. L'accélération de la
dynamique forestière par la mise en culture a été
localisée dans le sud des savanes baoulé (Côte-d'Ivoire) et
dans la région de Béoumi (Nord-Ouest du V, à la latitude
de Bouaké) par Aboubacar et al,. (2007). Comme nous l'avons
observé en pays yambassa, les études similaires
réalisées par Lassailly et Spichiger (1981) dans le centre de la
Côte-d'Ivoire révèlent que l'extension des brousses
forestières mésophiles est favorisée par la mise en
culture de certaines zones privilégiées de savanes. Il s'agit ici
des cultures de café et d'ignames.
L'agroforesterie liée à la haie offre de
nombreux avantages économiques, il produit des biens et des services,
dont certains d'entre eux sont vendus sur le marché et ont une valeur
commerciale directe, tandis que d'autres ne sont pas vendus sur le
marché, mais ont aussi une valeur économique. D'autres services
rendus sont par exemple le bois de chauffage et d'autres produits non ligneux
comme les feuilles, graines, fleurs etc. De l'autre coté, les arbres
119
constitutifs des agroforêts servent comme les
brise-vents. Ils servent aussi à l'amélioration de la
fertilité des sols, d'ombrage et de fourrage pour le bétail et
embellissent en même temps le paysage. Ils constituent aussi des
pôles de conservation de la biodiversité aux échelles
locales et régionales.
IV.2.3. Le développement de la
cacaoculture
Le développement de la cacaoculture à yambassa
se fait généralement à travers les associations de type
GIC. Aujourd'hui, le village compte cinq GIC légalisés qui
fonctionnent donc quatre appartiennent à une union connu sous le nom
UGROPLAY oeuvrant dans le domaine de la cacaoculture. Il s'agit de : GICAMBY,
GICPLACY, PAY et GICABOY. On a également un autre GIC hors de l'union
connu sous le nom de GICAG.
Les bosquets du pays yambassa ont été mis
à profit pour devenir des espaces de cacao culture qui est aujourd'hui
la principale source de revenus de la région. La culture des
variétés locales de cacao nécessite l'ombrage des arbres.
Elles doivent par conséquent être installées en
forêt. Autrement dit, pour que des cacaoyers soient cultivés en
milieu de savanes, il a fallu au préalable installer des forêts
sous formes de bosquets et d'îlots. Sur le site, les enquêtes
révèlent que les exploitations sont tenues sur le mode familial.
Elles sont petites (de 0,2 à 4 hectares) et souvent anciennes. Mais les
agriculteurs yambassa préférant en général chercher
un nouvel espace pour installer des jeunes plants plutôt que de
renouveler leurs plantations ce qui pose des problèmes fonciers (M.
Filipski, 2005).
La création des agroforêts cacaoyers est
très souvent associée à la déforestation, surtout
en Afrique de l'ouest où le cacaoyer est cultivé sans ombrage
(Sonwa, 2004). Bien que dans ces conditions les rendements soient meilleurs, un
raccourcissement de la durée de vie des arbres a été
mentionné.
Au Cameroun, la pratique agroforestière à base
de cacaoyers existe dans le grand bloc forestier du sud du pays. Dans le
domaine de la mosaïque forêt-savane, elle est aussi largement
rependue, notamment dans les forêts galeries, les îlots et les
massifs forestiers. Ce qui est original dans le secteur du confluent Mbam et
Sanaga, c'est l'implantation des cacaoyers dans des parcelles de savanes
converties en bosquets par les populations.
Lorsque le cacaoyer est installé en forêt
naturelle, l'aménagement nécessite au préalable des
travaux de défrichements. Ceux-ci sont suivis, au cours de la
première année, de la mise en place des cultures vivrières
pendant une ou deux saisons de culture, ce qui permet d'améliorer la
structure du sol et d'accroître le taux d'infiltration d'eau du sol
(Bidzanga, 2005). La
120
végétation préexistante à la
création des agroforêts cacaoyers joue un rôle primordial
car certaines de ces espèces sont conservées pour procurer de
l'ombrage aux cacaoyers. Les espèces d'importance
socio-économique et/ou spirituelle sont également
conservées (Bidzanga, 2005) pendant que d'autres sont laissées
sur pieds par manque de matériaux d'abattage appropriés. Quelques
unes des espèces couramment conservées sont: l'andok
(Irvingia gabonensis), le kome (Coula edulis), le njansang
(Ricinodendron heudelotii). Les cacaoculteurs par expérience
connaissent les espèces les mieux indiquées pour fournir de
l'ombrage aux cacaoyers. Wood et Lass (1987) rapportent que les espèces
telles que Terminalia spp., Chlorophora excelsa, Albizia
spp., Ficus vogeliana et Entandrophragma spp. sont
souhaitables pour jouer ce rôle alors que Piptadeniastrum
africanum, Pentaclethra macrophylla, Cola nitida et
autres Cola spp. sont rejetées par les planteurs pour la simple
raison qu'elles peuvent être attaquées ou servir d'hôtes aux
parasites et maladies du cacaoyer.
Photo Lemoupa, 2013
Photo 21: L'alignement de Bombax et de
Ceiba sur le transect
121
Notes: Au premier plan, des plants de cacaoyers. Au
deuxième, l'alignement conservé de Ceiba et de
Bombax. Néanmoins, des trouées existent parce que les
arbres morts ne sont pas remplacés. Toutefois, le paysage offert est
très beau et pourrait valoriser l'écotourisme dans la
région.
Conclusion
Les populations de la localité de Yambassa, en
concevant un système défensif végétal à base
d'alignements de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense,
ont mis en place des conditions de recrutement et de dispersion
d'espèces pionnières de la forêt dense humide. Les guerres
entre voisins terminées, ils ont consolidé les implantations de
bosquets et d'îlots forestiers en intégrant, derrière et
sous les arbres « défensifs» d'autres arbres utiles. Il s'agit
en particulier, pour les espèces exotiques, du manguier (Mangifera
indica), de l'avocatier (Persea americana), de l'oranger
(Citrus sinensis). Pour les espèces indigènes, il s'agit
du palmier à huile (Elaeis guineensis) et d'autres arbres
fruitiers comme le safoutier (Dacryodes edulis) communément
appelé « prune» en langage local, le « djansan »
(Ricinodendron heudelotii) et les colatiers (Cola lepidota, Cola
lateritia, Cola spp) et le fruit noir (Canarium schweinfurthii).
Ces espèces utiles cohabitent localement avec des espèces de la
forêt qui se sont installées spontanément, sans doute
disséminées par le vent, les oiseaux et les animaux. Parmi
celles-ci, on distingue essentiellement des Moraceae avec en tête
Ficus thonningii, suivie de Ficus exasperata, Ficus sur
et Ficus spp. On note aussi la présence d'arbre à
bois précieux comme Mansonia altissima (Bété),
Terminalia superba (fraké) et Milicia excelsa (iroko).
Mais le plus évident est l'extension des cacaoyers sous l'ombre de
Ceiba et de Bombax, y compris tous les autres. Autrement dit, le
développement des agrosystèmes et des agroforêts s'est fait
grâce à l'appui des arbres introduits en savanes par les
hommes.
122
CONCLUSION GENERALE
123
L'un des principaux résultats de cette étude
tient au fait que contrairement aux analyses de Beauvilain et al (1985) qui
affirment que les murs végétaux défensifs des Yambassa
sont composés essentiellement de Ceiba pentandra, nos
relevés établissent qu'une autre espèce est
associée. Il s'agit de Bombax buonopozense qui a une
densité relative (Dr) de 24,9% des individus du relevé alors
que Ceiba représente 25,1% de la population. Les deux
espèces partagent donc équitablement la flore des haies vives. Il
convient de préciser que les deux espèces présentent
à quelques exceptions près la même morphologie. En plus de
partager la même architecture (grand arbre, tronc élancé,
branches haut perchées et horizontales, forme du houppier, feuilles
composées, caducité des feuilles), leurs bases sont
caractérisées par des contreforts élancés et
robustes. Toutefois, alors que les pétales de la fleur de Ceiba sont
blancs, ceux de Bombax sont rouges. De plus, Ceiba présente
à maturité des contreforts ailés pouvant par ailleurs
s'élever à 6 m (photo 15) alors que Bombax porte des
contreforts arqués ne s'élevant qu'à 3 m tout au plus.
Le choix a été porté sur les deux
espèces, non pas pour la qualité de leur bois. En effet, elles
développent un bois mou inutilisable dans la construction des oeuvres
d'habitations comme les perches, les planches, les lattes ou les chevrons. Bien
sûr que ce bois est utilisé traditionnellement pour la fabrication
des pirogues. Le bois des deux espèces est utilisé comme bois de
bourrage des contreplaqués et est aussi débité pour la
confection des emballages. Mais cette attention est réservée aux
régions où le choix des essences est très limité.
Par ailleurs, leurs vertus médicinales et mystiques sont diverses aussi
bien en régions dominées par les savanes qu'en territoires de
forêts denses.
En revanche, les deux espèces ont des avantages que nulle
autre espèce ne possède:
1) Elles peuvent s'établir en savane:
ce sont des plantes héliophiles qui s'adaptent à tous les milieux
ouverts de la forêt (chablis, clairières, jeunes jachères
de forêt, lisières de forêt, berges des cours d'eau
forestiers). Elles s'adaptent aussi en savane à condition que les feux
de brousse n'y passent pas au stade de jeunes plants;
2) Elles manifestent une croissance rapide:
ce sont des plantes peu exigeantes en termes de qualité des sols. Elles
occupent tous types de sols, y compris les sols hydromorphes des bas fonds
périodiquement inondés. Certes, elles ne sont pas
sollicitées comme le genre Eucalyptus par les programmes de
reboisements du fait de leur pauvre valeur en bois d'oeuvre;
3) Les contreforts très
développés leur donne un aspect imposant et utilitaire comme
système défensif végétal: il est rare,
voire impossible de retrouver des
Il ne semble donc pas superflu de penser à estimer dans
des recherches futures le bilan carbone de ces investissements. Il s'agit aussi
de souligner que dans les régions tropicales,
124
contreforts plus développés que ceux des deux
espèces dans toutes les forêts denses. Elles ne sont pas certes
les seules à constituer de telles bases. D'autres espèces comme
Terminalia superba, Triplochiton scleroxylon ou Mansonia altissima
développent aussi des extensions latérales sur leur base,
mais elles ne sont pas aussi imposantes. De plus, elles mettent beaucoup plus
de temps à en former.
Par ailleurs, en implantant des espèces
pionnières de la forêt dans les savanes, les habitants ont
contribué directement et indirectement à la colonisation de ces
savanes par la forêt. D'une part, ils ont contribué directement
à l'expansion de la forêt en plantant des arbres dans les savanes.
D'autre part, ils ont permis indirectement la colonisation de la savane par la
forêt. En effet, en éliminant lentement les graminées sous
leur ombrage, les arbres introduits ont créé des conditions de
recrutement d'autres espèces de la forêt. Dans un premier temps
les espèces pionnières de la forêt sont apparues. Elles se
sont par la suite mélangées, non seulement aux arbres fruitiers
plantés comme le palmier à huile (Elaeis guineensis), le
safoutier (Dacryodes edulis) ou le manguier (Mangifera
indica). Les relevés révèlent que d'autres
espèces moins plastiques de la forêt se sont elles aussi
implantées progressivement, contribuant ainsi à l'enrichissement
de la biodiversité. On n'oublie pas non plus que grâce à
l'implantation des haies vives, les populations locales ont pu étendre
la culture du cacao sous l'ombrage de Ceiba pentandra et de Bombax
buonopozense. Bien entendu, les boisements à base de ces
espèces semblent aujourd'hui en déclin, mais d'autres arbres plus
utiles dans le contexte actuel sont diffusés. D'après les
relevés, il s'agit surtout des arbres fruitiers, des arbres à
bois précieux comme le teck (Tectona grandis) et des arbres
ornementaux comme Cassia javanica.
Au centre Cameroun en général, les conditions de
climat humide sont favorables à une extension de la forêt sur les
savanes. Mais dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le
fleuve Sanaga, cette expansion bénéficie en plus des conditions
de mise en valeur des sols favorables. Il est donc certain aujourd'hui que les
populations ont favorisé une extension de grande ampleur de la
forêt dont le point de départ est sans doute l'implantation des
systèmes défensifs végétaux. En suspendant les feux
de brousses dans les parcelles de savanes occupées par les champs et les
habitats, les hommes ont en quelque sorte impulsé une
accélération du processus. Les autres formes de boisements comme
la création de cacaoyers et d'autres systèmes d'agro forêts
ont aussi participé à la colonisation de la forêt.
125
l'homme ne participe pas seulement à la
déforestation ou à la dégradation de la forêt. Dans
certaines régions et dans certaines situations, il parvient au contraire
à provoquer une extension de la forêt à base
d'espèces indigènes. Autrement dit, certaines populations
paysannes participent à la séquestration du CO2 en permettent
ainsi une expansion des forêts en territoires de savanes.
Enfin, lorsqu'on évoque le patrimoine culturel et
historique du Cameroun, on parle souvent des paysages de bocage des hautes
terres de l'ouest ou des terrasses de Mandara dans l'extrême nord. Le
paysage agraire des yambassa mérite aussi que l'on s'y attarde
en termes de publicité. Le fait est que les « murs vivants »,
termes employés par Beauvilain et al. (1985), ne sont pas entretenus.
Les individus morts ne sont pas remplacés. Pourtant, si ces anciennes
haies végétales défensives étaient classées
comme patrimoine national, elles attireraient des personnes
intéressées par l'écotourisme. Par ailleurs, il convient
aussi de mener des études botaniques détaillées sur
l'ensemble de la zone pour chiffrer l'extension réelle des haies autour
de tous les sites qu'elles entourent.
126
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35. MAPONGMETSEM P.M., DUGUMA B., NKONGMENECK B.A.,
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Tropicultura, 1998-99, 16-17. 4, 176-179
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36. MARTIN D., (1973). Les horizons
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199-200.
131
II. Mémoires et
thèses
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paysages au contact de la forêt et de la savane dans la région
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Vers la conception d'un observatoire pour le développement,
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53. CARRIERE, S. M., (1999). « Les
orphelins de la forêt » Influence de l'agriculture itinérante
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54. DELARUE J., (2007). Mise au point
d'une méthode d'évaluation systémique de l'impact des
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construction des biefs, évaluation des effets et estimation d'impacts
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Dschang, 100 p.
56. DONFACK P., (1993). Etude de la
dynamique de la végétation après abandon de la culture au
nord-Cameroun, Thèse Doctorat 3è cycle, UYI, 192
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forêt-savane en Côte-d'Ivoire centrale: rôle de Chromolaena
odorata (L) R. King et H. Robinson dans la dynamique de la
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58. KINI J., 2007. Analyse des
déterminants de l'adoption des technologies de conservation des eaux et
des sols au Burkina Faso. Mémoire. de DEA, Université de
Ouagadougou, 160 p.
59. KUETE M., 1990.
Géomorphologie du plateau Sud-Camerounais à l'Ouest du
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Doctorat. es Lettres,
Université. Yaoundé, 917 p.
132
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l'Exploitation Forestière sur la Démographie et la Dynamique de
la Diversité Génétique. Le cas d'une espèce de
forêt tropicale humide africaine, le Sapelli (Entandrophragma cylindricum
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Monpellier II, 321 p
61. MANIANA J.J, (2010). Inventaire et
étude descriptive des arbres à contreforts et à
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maîtrise, Université de Yaoundé I. 162 p.
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cacao: étude diachronique de deux terroirs camerounais. ORSTOM, col
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III, 3 tomes, 1175 P. et cartes hors texte.
70. VANPEENE BRUHIER, S. (1998).
Transformation des paysages et dynamique de la biodiversité
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Grenoble.
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Représentations et dynamiques foncières en zone de contact
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133
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contre graminées : la lente invasion de la savane par la forêt au
centre Cameroun. Thèse de doctorat, Université de Sorbonne
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naturelle aux agroforêts en Guinée forestière. Cahiers
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80. FAO, (2001). Global forest resources
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81. FAO, 2003. Étude prospective du
secteur forestier en Afrique. Rapport sous-régional Afrique centrale.
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couvert forestier dans les jachères de savane au Sud-est du Togo.
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développement rural. Courier de l'environnement, INRA, n°
52, septembre.
134
85. NWAGBA C., EZUGWU C., EZE C., ANOWI F., EZEO S.,
NWAKILE C., (2013). Anti-ulcer activity of Bombax buonopozense
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Pharmaceutical Science Vol. 3 (02), pp. 139-142
86. VIVIEN, J. ET FAURE, J. J. (1995).
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NGUILA-KEROU,\France, 416p.
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www.fao.org, consulté le 07
avril 2013
www.hortipedia.com,
consulté le 07 avril 2013
http: //
www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/biblio/pigbsom.htm,
consulté le 05 février 2014
http://cybergeo.revues.org/docannexe/image/25588/img-1.jpg,
consulté le 14 mars 2014
www.arpnjournals.com,
consulté le 07 avril 2014
135
ANNEXES
i
Annexe 1 : Fiche d'enquête
UNIVERSITE DE YAOUNDE Faculté des Arts, Lettres et
Sciences humaines DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE
|
|
THE II UNIVERSITY OF YAOUNDE
II
l Faculty of arts, lletters and Human
sciences
DEPARTMENT OF GEOGRAPHY
|
Les informations que nous allons collecter à
travers ce questionnaire sont confidentielles et ne seront exploitées
que pour un but académique. Ces questions sont relatives aux
systèmes d'agriculture à yambassa.
I. GENERALITES
Date de l'enquête! !.
Numéro de la fiche ! !
II. IDENTIFICATION
1- Sexe:M!___ !. F!___ !.
2- Tranche d'âge : moins de 30ans!____ !. 30-40
ans!____ !. 40-50 ans!____ !. plus de 50 ans!____ !.
1. Quels types de cultures pratiquez-vous dans votre
localité? Listez-les :
1&&&&&2&&&&
3&&&&&4&&&&6&&&&.7&&&8&&&&&.9&&&&.10&&&&&
11&&&&12&&&&13&&&&.14&&&&&
15&&&&&16&&&&&&.etc.
2. Quelles sont les techniques
utilisées?
2.1. En savane
:&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.
Ø Quand ?(les étapes)
ØPourquoi?&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Ø Comment?
2.2. En forêt
:&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Ø Quand? (les étapes)
ØPourquoi
?&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Ø Comment ?
3. Quels sont les avantages et les inconvénients
des parterres?
3.1.
avantages&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
3.2.
Inconvénients&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
3. 3. Où trouve-t-on les parterres ?
3. 4. Pourquoi ?
4. Utilisez-vous le feu en agriculture?
4.1. Oui
|
Non
|
(cochez s la réponse)
|
4.2.Pourquoi ?
5. Observez-vous les jachères?
5.1. Oui Non
5.2. Sur quelles durées
?&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
5.3. Pourquoi ?
6. Quel est le contexte de création des
cacaoyères?
6.1. En savane seulement? Oui Non
6.2. En forêt seulement ? Oui Non
6.3. En savane et en forêt Oui
|
Non
|
6.4.Pourquoi ?
7. Quelles sont les utilités (ou services) des
arbres qui sont dans les egaga et les cacaoyères? (cochez les
réponses)
1.
bois de chauffage 4. Aliments 7. Autres
2. bois d'oeuvre 5. Rituel
3. médicaments 6. Ombrage
8. Comment arrivez-vous à implanter les
cacaoyères en savane? 8.1. Comment ?(Les processus ou
mécanismes)
8.2. Quand ?(les étapes)
9. Plantez-vous d'autres arbres en savane?
oui
|
non
|
(cochez la réponse)
|
9.1. Quellesespèces
:&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
9.2.
Pourquoi&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
9.3. Est-ce qu'il y'a des exemples visible sur le terrain?
(espèces plantées en savane). oui non
(cochez la réponse)
9.4. Est-ce toi qui les a planté ou alors tes parents? moi
mes parents (cochez la réponse)
Merci
iv
Annexe 2 : Calendrier de création d'une
cacaoyère
Activités Période
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JF
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MAMJ
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JAS
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OND
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I-PEPINIERE (année I)
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|
1.1 Choix et aménagement du terrain
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|
1.2 Remplissage des sachets
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|
|
1.3 Confection des planches
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|
1.4 semis des graines
|
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|
1.5 Installation de l'ombrière
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|
1.6 Entretien pépinière
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|
II PLANTATION (Année II)
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2.1 Choix et délimitation du terrain
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|
2.2 Défrichement
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|
2.3 Abattage/tronçonnage
|
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|
2.4 Piquetage/trouaison
|
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|
2.5 Plantation (planting ou transplantation)
|
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2.6 Réglage ombrage
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|
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|
|
|
2.7 «Tchapia»
|
|
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|
2.8 Récolte sanitaire
|
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|
|
|
|
2.9 Application fongicide
|
|
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|
2.10 Traitement insecticide (MIRIDES)
|
|
|
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|
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|
Source : SODECAO
VIII- OBJECTIFS DE RECHERCHE 26
VIII-1-Objectif principal 26
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
RESUME iii
ABSTRACT iv
LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS v
SOMMAIRE vi
LISTE DES FIGURES vii
LISTE DES TABLEAUX viii
LISTE DES PHOTOS ix
INTRODUCTION GENERALE 1
I. DEFINITION DU SUJET 3
II. DELIMITATION DU SUJET 4
II.1. Délimitation thématique
4
II.2. Délimitation spatiale 4
II.3. Délimitation temporelle 5
III. INTERETS DE L'ETUDE 5
IV-PROBLEMATIQUE 7
V-CONTEXTE SCIENTIFIQUE 8
VI-QUESTIONS DE RECHERCHE 19
VI.1.Question principale de l'étude 19
VI.2. Questions spécifiques 19
VII. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 20
VII.1. Cadre conceptuel 20
VII-2-Cadre theorique 23
VII.2.1.Théorie de la savanisation et de la
disparition des forêts liée à l'homme 23 VII.2.2. La
théorie de la progression de la forêt sur la savane liée
aux conditions
écologiques favorables 24 VII.2.3. La
théorie de l'extension des agroforêts sur la savane liée
aux cultures
pérennes 24
VII.2.4. Les théories de la dynamique des
peuplements végétaux 25
VII.2.4.1. La théorie organiciste de Clements
25
VII.2.4.2. La théorie stochastique de Gleason
25
vi
VIII-2-Objectifs specifiques 26
IX. HYPOTHESES DE RECHERCHE 26
IX-1-Hypothese principale 26
IX.2. Hypotheses specifiques 26
X- METHODOLOGIE DE RECHERCHE 27
X.1. Le materiel de terrain 27
X.2. La collecte des donnees secondaires : la recherche
documentaire 28
X.3. La collecte des donnees primaires : les enquetes
humaines 28
X.4. Les traitements d'images 29
X.5. Les releves botaniques sur transect 29
PRESENTATION DU MEMOIRE 30
PREMIERE PARTIE: LE CONTEXTE ECOLOGIQUE ET HISTORIQUE DE
LA
MISE EN PLACE DES HAIES VIVES DEFENSIVES 32
CHAPITRE I : LE CONTEXTE ECOLOGIQUE DU PAYSAGE
AGRAIRE
YAMBASSA 33
I.1. UN CLIMAT MARQUE PAR UNE CHALEUR ET UNE
HUMIDITE
CONSTANTES 33
I.2. LE RELIEF ET LES SOLS 36
I.2.1. Un relief de plateau peu accidenté
36
I.2.2. Un réseau hydrographique dense
dominé par la rivière Ofoué 37
I.3. DES FORMATIONS SUPERFICIELLES PARTAGEES ENTRE LES
SOLS
FERRALLITIQUES ET LES SOLS HYDROMORPHES 38
I.3.1. Les sols ferrallitiques. 38
I.3.2. Les sols hydromorphes 39
I .4. UNE VEGETATION DE MOSAÏQUE FORET-SAVANE
42
I.4.1. Les savanes préforestières ou
péri forestières 42
I.4.1.1. Les savanes herbeuses 42
I.4.1.2.Les savanes arbustives 44
I.4.2. La forêt dense humide semi décidue
45
I.5. LES AMENAGEMENTS AGRICOLES 46
CHAPITRE II : LE CONTEXTE HISTORIQUE DE L'IMPLANTATION
DES HAIES
VIVES DEFENSIVES 51
II.1. L'ORIGINE DU NOM YAMBASSA 51
II.2. L'ORGANISATION POLITIQUE PRECOLONIALE
51
II.3. L'ORGANISATION ECONOMIQUE 52
II.4. LES GUERRES TRIBALES ET L'ORIGINE DES MURS
ENCEINTS
DEFENSIFS VEGETAUX 53
II.5.
CHAPITRE IV : LES IMPLICATIONS ECOLOGIQUES ET
SOCIO-
ECONOMIQUES DES HAIES VIVES 101
LES IMPLICATIONS DE LA COLONISATION ALLEMANDE
57
II.5.1. La stabilisation de la région
57
II.5.2. Le bouleversement des institutions politiques
traditionnelles 58
II.4.3. L'exploration et l'ouverture de la
région et l'imposition de l'impôt 58
II.5.4. La désorganisation de l'économie
traditionnelle 58
II.5.5. Le prélèvement de la main
d'oeuvre forcée 59
II.5.6. La diffusion de la culture du cacao
60
II.6. LES ROLES ORIGINELS DES HAIES 61
II.7. L'EVOLUTION ET LA DISTRIBUTION DE LA POPULATION
61
DEUXIEME PARTIE: DISTRIBUTION ET IMPLICATIONS
ECOLOGIQUES ET
SOCIO-ECONOMIQUES DE CEIBA ET BOMBAX 64
CHAPITRE III: LA DISTRIBUTION REGIONALE ET LOCALE DE
CEIBA
PENTANDRA ET DE BOMBAX BUONOPOZENSE
65 III.1. LA DISTRIBUTION REGIONALE DE CEIBA PENTANDRA ET
BOMBAX
BUONOPOZENSE 65
III .1.1. Ecologie et description de Ceiba
65
III.1.1.1. Ecologie 65
III.1.1.2. Description 66
III.1.1.3. Usages et utilités 69
III.1.2.Ecologie et description de Bombax
70
III.1.2.1. Ecologie 70
III.1.2.2. Description 71
III.1.2.3. Usages et utilités 72
III.1.3. la diffusion anthropique des deux especes
72
III.1.4. La distribution regionale des murs vegetaux
defensif 74
III.1.4.1. Les murs enceints végétaux
autour des villages: exemple du site de
Yambassa 77
III.1.4.2. Les lignes entourant les autres groupements
d'habitations 78
III.1.4.3. Les lignes entourant les concessions
78
III.2. LA DISTRIBUTION LOCALE SUR TRANSECTS ET
PLACETTES 81
III.2.1. Les exemples de « murs defensifs
vegetaux » précoloniaux des steppes du
nord 81
III.2.2. Les héritages du système
défensif végétal yambassa 84
III.2.2.1. Les relevés botaniques
84
III.2.2.2. La densité relative des individus et
des espèces 85
III.2.2.3. Le critère de dominance des
individus et des espèces 87
III.2.2.4. Le critère de dominance des familles
90
III.2.3. Les données de la structure des haies
: l'importance des trouées 92
IV.1. LES IMPACTS ECOLOGIQUES 101
IV.1.1. Les impacts écologiques de Ceiba
pentandra et de Bombax buonopozense
105
IV.1.2. La poursuite de la sélection et de
l'introduction des essences utiles 105
IV.1.2.1. L'enrichissement de la biodiversité
105
IV.1.2.2. Le rôle des espèces
auxiliaires des haies vives 106
V.1.3. La contribution à la
préservation et à la restauration de la biodiversité
108
V.1.4. L'implantation des agroforêts et des
bosquets anthropiques 111 V.1.4.1. L'élimination des
graminées par les défrichements et la suspension des
feux 111 V.1.4.2. L'introduction volontaire et
spontanée des arbres et des espèces
pionnières de la forêt 112 V.1.4.3.
L'implantation durable des arbres et des espèces pionnières de la
forêt
112 V.1.5. Les haies vives comme corridors de
dissémination d'espèces de la forêt
dense 113
IV.2. LES IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES 117
V.2.1.Les impacts thérapeutiques
117
V.2.2. Les utilités stratégiques et
foncières 118
V.2.3. Le développement de la cacaoculture
119
CONCLUSION GENERALE 122
BIBLIOGRAPHIE 126
ANNEXES 135
|