juin 2015
UNIVERSITÉ HASSIBA BEN BOUALI-CHLEF
Faculté des Lettres et des
Langues
Département de français
MÉMOIRE DE MASTER
Spécialité : Littératures Francophones
SÉMANTIQUE LITTÉRAIRE DE L'ESPACE DU
DÉSERT
DANS «LA TRAVERSÉE»DE MOULOUD
MAMMERI
Par
Abderrahmane GUETAL
Sous la direction de : Mohamed GUETARNI
Soutenu devant le jury composé de:
Mohammed KASSOUL Univ. De Chlef Président
Malika AOUNI Univ. De Chlef Examinatrice
Naima MERDJI Univ. De Chlef Rapporteuse
2
Résumé
Notre mémoire Sémantique littéraire
de l'espace du désert dans La Traversée de M. Mammeri est
consacré à l'étude de l'aspect spatial du roman. En
employant la théorie de l'espace narratif de Mitterrand, nous avons
divisé notre travail en deux parties. La première présente
une brève biographie de l'auteur, sa vie, son style d'écriture,
puis explore quelques approches théoriques de l'espace dans le but de
cibler celle qui répond à l'objectif de notre travail. La seconde
retrace d'abord les étapes du voyage telles qu'elles sont
décrites par le narrateur, ensuite effectue une catégorisation
des lieux figurant dans le récit et voit quelles sont les valeurs qui
recouvrent cette répartition. Elle dégage le symbole
idéologique contenu dans l'oeuvre pour finalement établir le
modèle narratique ou toposémique.
3
Remerciements
À notre directeur de thèse Monsieur le
professeur Guetarni Mohamed.
À tous les enseignants du département de
français.
À Xorak Mohamed pour les nombreuses
références sur la littérature maghrébine.
À Boualia Mustapha, pour son soutien matériel et
moral malgré la distance qui nous sépare.
Également à tous ceux qui, durant ce
parcours, m'ont donné un petit coup de pouce.
4
Sommaire
? Résumé
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.2
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? Remerciements
|
3
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? Table des matières
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.4
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? Introduction
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6
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Partie théorique
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9
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Chapitre 1 : Présentation de l'auteur
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10
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1-1Sa vie
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10
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1-2Un auteur, une écriture, un style
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11
|
1-2-1 Son rapport à la langue
française
|
11
|
1-2-2 La Traversée, une
écriture métissée
|
13
|
1-2-2-1 Les lettres
|
14
|
1-2-2-2 Le journal intime
|
14
|
1-2-2-3 L'épopée
|
15
|
1-2-2-4 La Tragédie
|
.15
|
Chapitre 2 : Cadre théorique .16
2-1 La poétique de l'espace .17
2-2 L'approche linguistique de l'espace 17
2-3 L'espace comme métaphore 17
2-4 L'approche spatiale de Mitterrand .18
Partie pratique 22
Chapitre1 : Le voyage 23
1-1 Les étapes de la narration 24
1-2 Lieux, symboles et idéologie 31
Chapitre2 : La métaphore de l'Algérie
34
2-1 La métaphore de l'Algérie
34
2-2 La métaphore du voyage 36
5
2-3 La métaphore de l'Algérie
Française 38
Conclusion 40
Bibliographie 44
Annexes 48
Carte géographique de l'Algérie sur laquelle figure
l'itinéraire du voyage.
6
Introduction générale
L'année 1982, l'auteur faisait paraitre aux Editions,
Phon, « La Traversée »1, son
quatrième et dernier roman, après une absence de dix-sept ans sur
la scène littéraire. Durant cette période, toutes les
oeuvres de M. Mammeri y compris « La Traversée »
seront frappées d'interdit, que ce soit dans la presse ou dans
l'édition. Auparavant, il avait publié : « La Colline
oubliée »2(1952), ce premier roman a suscité
une vive polémique au sein du milieu nationaliste. En cette même
année, il est couronné par le « Prix des Quatre Jury »
que l'auteur a refusé, « Le Sommeil du juste
»3(1955) où l'auteur retrouve son
algérianité, comme en témoigne Othmane Saadi (juin 1967)
dans AL-Moudjahid athaqafi en arabe : « (...) le louant d'avoir
trouvé son algérianité avec Le Sommeil du juste
(1955)»4. « L'Opium et le Bâton
»5 (1965) est adapté au cinéma par l'Office National du
Cinéma et de l'Industrie Cinématographique (ONCIC) en 1969, sorti
en salle en 1971 sous la réalisation d'Ahmed Rachedi. Chacun de ces
romans se restreignait à un espace géographique clos : le
village.
Pour l'essentiel, le narrateur nous raconte dans le roman,
l'histoire de Mourad, un journaliste d'une quarantaine d'années environ,
qui vient de déposer sa démission au journal « Alger
Révolution », car il ne veut plus jouer le jeu des élus
qui lui ont ouvert les portes du paradis. Mais avant de quitter le journal,
Mourad rédige un article intitulé « La Traversée
du désert (apologue en trois tableaux) »6.
Ça n'a pas l'air de plaire à certaines autorités. Cela
dit, bien entendu, le directeur du journal Kamel n'a pu faire autrement que de
constater qu'il y avait une dimension politique masquée. Mourad
décide de s'exiler en France. En attendant, il effectue un voyage
symbolique, jette un dernier regard sur les tréfonds de son
arrière-pays (Le Sahara) qui se délabre continuellement. Il
préfère retourner au village, rejoindre ses origines avant que la
mort ne l'emporte.
Il s'ensuit clairement que le roman raconte le drame de
Mourad. Intellectuel et héros, à la fois, il appartient par ses
origines à une minorité linguistique isolée, dans un
village (Tasga) asphyxié, devenu fantôme. La société
que décrit le narrateur avec une lucidité teintée
d'amertume, renie ses idéaux et à laquelle il ne s'identifie pas
totalement. Il exprime ses états d'âme, son mal de vivre, ses
désillusions. Le héros est coincé entre deux espaces :
celui des
1 M. Mammeri, La Traversée, Phon,
1982,197p
2 M. Mammeri, La Colline Oubliée,
Phon, 1952, 255p
3 M. Mammeri, Le Sommeil du juste, Phon,
1955, 254p
4 Jean Déjeux, Situation de la
littérature maghrébine de langue française, O.P.U,
Alger, 1982, p. 150
5 M. Mammeri, L'Opium et le Bâton,
Phon, 1965, 290p
6 M. Mammeri, La Traversée,
Éditions EL-OTHMANIA, Alger, 2005, p.30
7
siens, méconnaissable ; celui de la
société urbaine qui a fini par trouver des
stéréotypes, pour mener « la grande vie
»7. Lui et ses semblables mènent une vie au
ralenti, se déchantent lentement, faute de croire à des valeurs
pouvant justifier l'existence. La seule issue possible à ce
déchirement : la fuite au terme d'une prise de conscience par le
héros de ce qu'il est, un homme d'une époque révolue. Il
ne croit même plus à la révolution qui avait pourtant
motivé pleinement son engagement, pour son combat contre l'oppresseur.
Il s'est avéré que cette révolution faite de promesses,
ouverte sur un avenir moderne, n'était que leurre. Et le narrateur ne
cesse de nous révéler l'impuissance du héros face à
l'ordre établi.
Dans La Traversée, nous assistons à une
ouverture de l'espace : c'est le désert qui devient, essentiellement, la
scène ou plusieurs lieux sont cités et les personnages se
déplacent continuellement. Il faut souligner que le déroulement
de la diégèse dans un contexte postcolonial représente un
indice qui exprime l'importance qu'occupe l'espace dans le roman. Or, celui-ci
ne peut se limiter à une simple mention de lieux, ou de décors
statiques mais intervient de la même manière que le ferait un
personnage. Le décor est donc le premier élément faute de
quoi l'action ne peut se réaliser. En outre, le décor
relève du domaine du réel. L'auteur doit créer l'illusion
réaliste afin de donner plus de vraisemblance au récit. C'est
à partir de cette caractéristique que nous avons eu l'idée
d'entamer le roman dans son aspect spatial.
Nous proposons de faire une étude de l'espace de La
Traversée qui consiste à montrer : comment l'auteur
présente les différentes étapes du voyage qu'effectue
l'équipe des journalistes. Quelles sont les valeurs symboliques et
idéologiques attribuées aux lieux visités ? Peut-on parler
de métaphores développées au cours de la narration ?
Partant de ce questionnement, nous aboutissons à l'interrogation
globalisante de notre problématique qui se résume comme suit :
« L'espace du désert joue-t-il le rôle
d'actant dans La Traversée ?».
Notre objectif est de dégager l'aspect
sémantique de l'espace du désert dans La
Traversée. A ce stade de notre réflexion, nous
émettons les hypothèses suivantes :
Le désert comme espace topographique et fonctionnel,
organisé et suggéré par l'auteur, dégage des
valeurs symboliques et idéologiques.
Le désert en tant qu'actant sert de véhicule de
concepts plus abstraits et permet de dégager des métaphores en
particulier celle de l'Algérie.
7Mammeri 2005, p.7
8
Notre intérêt transparait dans le désir
d'informer le lecteur sur cet auteur talentueux, qui a écrit durant plus
d'une trentaine d'années, et que l'en croit connaitre mais qui demeure
le chantre de la culture berbère, non reconnu à sa juste valeur,
parfois même lésé dans sa propre oeuvre. Il s'agit
également d'apporter quelques précisions sur la
littérature algérienne d'expression française, notamment
celle qui s'illustre dans l'espace de la production romanesque.
Le choix de notre thème n'est pas du tout de
circonstance, mais réside dans le constat selon lequel, nous sommes en
présence d'un roman qui fait partie du patrimoine culturel
algérien. Il est produit par un maitre de l'écriture. Une
denrée rare de nos jours. A la lecture du roman, nous étions
entrainés dans une diversité d'espaces dont le voyage à
travers le désert s'accorda à nos ambitions, ce qui nous a
motivés d'en faire un objet de travail. Ce voyage d'un mois nous a fait
découvrir le monde isolé du sable, la nature sauvage. S'il est
certes long et pénible, il nous a orientés sur d'autres pistes de
lecture en particulier sociopolitique. Reste que le roman se
révèle intéressant et imbu de symboles à
décrypter.
Notre travail se compose de deux parties
complémentaires. Dans la première partie, nous étalerons,
tout d'abord, un aperçu sur la biographie de l'auteur, ainsi que les
faits importants qui ont couronné sa vie. Ensuite, nous aborderons le
mode d'écriture dans le roman La Traversée. Enfin, nous
examinerons quelques-unes des approches théoriques qui nous
étaient offertes, afin d'avoir une certaine direction, et pour qu'on
puisse le mieux situer notre théorie spatiale choisie. Dans la
deuxième partie, nous retracerons les différentes étapes
du voyage apparaissant dans la diégèse. Ensuite nous tenterons de
dégager les valeurs symboliques et idéologiques qui s'y
attachent. Enfin, nous étudierons la métaphore de
l'Algérie. Pour clôturer notre travail, nous synthétiserons
la totalité des étapes de l'analyse de notre corpus.
9
Partie théorique
10
Chapitre n°1 : Présentation de l'auteur
1-1Sa vie :
Mouloud Mammeri est né le 28 décembre 1917
à Taourirt Mimoune, un petit village de la grande Kabylie coupé
du monde extérieur. D'une famille aisée et d'un père
détenteur de savoir. Mouloud Mammeri est donc confronté
très tôt au choc d'une double culture. Il découvre un monde
qui lui est étranger. Jusqu'à onze ans, il fréquente
l'école du village, première école dite kabylo
française, implantée en Kabylie en 1883 dans le cadre de la mise
en place de l'école laïque. Ces premières années de
formation orientent Mouloud Mammeri vers : « L'ouverture la plus large
possible sur les plus divers horizons »8. Il poursuit ses
études secondaires d'abord à Rabat, puis à Alger. Ayant en
vue l'école normale supérieure, il part pour le lycée
Louis Le Grand à Paris. De ces années d'études, Mammeri
dira :
J'ai réussi une formation remarquable. Après
tant d'années écoulées depuis ce lointain passé, je
suis encore gré à mes maitres de me l'avoir dispensé ;
j'en ai eu d'éminents : j'ai eu Jean Grenier comme professeur de philo
(c'est lui qui m'a poussé à écrire mon premier papier) ;
j'ai aimé Homère à travers Louis Gernet
9
Mobilisé en 1939, il est libéré en 1940.
Remobilisé en 1942, il prend part aux compagnes de l'Italie, France et
Allemagne. En 1947 à Paris, il subit avec succès les
épreuves du concours pour le recrutement de professeurs de lettres.
Enseignant à Médéa en 1947-1948, ensuite il est
nommé au lycée Ben-Aknoun près d'Alger. La plume de
l'auteur se voue pleinement à la cause nationale, lorsque la guerre de
libération éclate en novembre 1954. En 1957, alors que la guerre
de libération fait rage, Mouloud Mammeri rédige sa pièce
de théâtre « Le Foehn », qui traite de la
guerre d'indépendance. Elle ne sera jouée qu'en 1967 en
français au théâtre national d'Alger, ainsi qu'aux
théâtres régionaux de Constantine et d'Oran. En 1969,
Mouloud Mammeri motivé par la sauvegarde du patrimoine culturel
Algérien, traduit et transcrit les poèmes de Si Muhand Ou M'hand,
les préservant ainsi de l'oubli. De retour en Algérie, juste
après l'indépendance, Mouloud Mammeri est professeur à
l'Université d'Alger pendant quelques années où il y
assure un cours sur l'ethnographie de l'Afrique du nord. Il a aussi
dirigé à partir de 1969, le Centre de Recherches
Anthropologiques,
8 Tahar Djaout, Entretien avec Mouloud
Mammeri, Alger, Laphomic, 1987, p. 50
9 Djaout 1987, p.16
11
Préhistoriques et Ethnographiques (CRAPE) à
Alger. Suite aux évènements du printemps berbère du 20
avril 1980, il est exclu du champ culturel étatique, avant de prendre sa
retraite en 1982. Tout compte fait, l'auteur poursuit son oeuvre
littéraire et ses travaux sur la littérature orale
berbère. Entre 1969 et 1989, il a produit sept ouvrages entre l'essai et
la poésie, publiés chez Phon, Europe, Maspero ou Bordas,
précisément : La table ronde, La Meute,
Machaho, deux pièces de théâtre, Le foehn
ayant pour cadre la guerre de libération, et le Banquet,
précédée de La Mort des Aztèques où
il nous décrit l'extinction de toute une civilisation, et l'effondrement
de l'empire aztèque. Il publie aussi deux recueils de conte pour
enfants. Mouloud Mammeri crée en 1982 à Paris, avec la
collaboration de son ami Pierre Bourdieu, le Centre d'Etudes et de Recherche
Amazigh (CERAM) et la revue AWAL. De plus, il donnait des
conférences sur la langue et la littérature Amazigh, au sein de
l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales(EHESS). Durant l'année
1988, Mouloud Mammeri reçoit à Paris, de la part de
l'Université de la Sorbonne, le titre de « Docteur Honoris Causa
». Le 26 Février 1989, Mouloud Mammeri décède
à la suite d'un accident de voiture près d'Ain Defla à son
retour d'un colloque tenu à Oujda au Maroc.
1-2 Un auteur, une écriture, un style
1-2-1 Son rapport à la langue française
:
Dès son jeune âge, Mouloud Mammeri devient un
admirateur fervent et nostalgique de ses origines, de la culture de ses
ancêtres, de la société dans laquelle il vit. Pierre
Bourdieu, sociologue et ami de l'auteur dira:
L'histoire du rapport de Mouloud Mammeri à sa
société et sa culture originelle peut être décrit
comme une odyssée avec un premier mouvement d'éloignement vers
les rivages inconnus et plein de séduction, suivi d'un long retour, lent
et semé d'embûches, vers la terre natale10
Son oeuvre romanesque n'est pas abondante, contrairement
à certains écrivains de sa génération ; citons M.
Dib par exemple, mais ses romans ont tous été traduits en
plusieurs langues. Mouloud Mammeri est l'un des représentants les plus
éminents de la littérature algérienne des années
cinquante. Il s'empare tôt de la langue française, pour exprimer
son désarroi, sa frustration face à une époque coloniale
dramatique, et qui a pulvérisé toutes les
10 P. Bourdieu, L'Odyssée de la
réappropriation, Alger, in Awal, 1998, p.5
12
certitudes du passé d'un peuple. C'est à partir
de ce contexte que l'auteur a éprouvé la nécessité
d'écrire en cette langue, sans complexe d'exil ou d'aliénation.
Dans un entretien accordé à l'écrivain-journaliste Tahar
Djaout, il déclarait :
J'ai appris le français à l'école, il
s'agit donc d'un apprentissage artificiel. Mais une fois la langue acquise
j'avoue que j'en ai apprécié les avantages. Ce n'est pas pour ses
bénéfices pratiques, parce qu'elle permet une ouverture
très large sur le reste du monde, en particulier le monde moderne [...].
C'est surtout parce que c'est un instrument de libération- y compris
d'elle-même11
La question identitaire est au centre de ses romans. Elle se
conjugue en une inquiétude existentielle, un souci des origines. Il
revendique son algérianité à travers les discours
développés par les personnages de ses romans. La langue et la
culture berbère, longtemps ignorées par les instances politiques,
sont bien enracinées chez l'auteur. Mouloud Mammeri dévoile son
désappointement de cet état de fait à Tahar Djaout :
L'Etat algérien, [...] après un quart de
siècle d'indépendance, vit le scandale de ne pas reconnaitre
comme algérienne une langue parlée en Algérie depuis des
millénaires12
Pour lui, le berbère est sa langue maternelle, et par
laquelle s'exprime son bien-être. Mais la berbérité que
revendique l'auteur est perçue comme refuge contre la
dépersonnalisation, pour ce peuple isolé dans la montagne.
Dans Le Sommeil du juste le personnage d'Arezki
illustre bien cette idée. Le sujet tente, dans un premier temps, de se
démarquer de son identité d'origine, alors que ce n'était
qu'une illusion. Dans une lettre adressée à son maitre, M.
Poiré, Arezki dit : « [...] ce que j'ai avalé, de
siècles d'auteurs, de mots, de raisonnements
[...]»13.
11 Djaout 1987, p. 49
12 Djaout 1987, p. 49
13 M. Mammeri, Le Sommeil du juste, Phon, p.
133
13
Rappelé dans l'armée française, il s'est
rendu compte qu'en situation de dominé, s'exprimer par la langue de ses
aïeux, c'est affirmer son identité. Le narrateur nous le fait
savoir à travers ce passage :
Depuis que je suis un guerrier, écrit Arezki
à son ancien maitre, c'est fou ce que j'économise les mots, du
reste, j'ai par bonheur oublié tous ce qui ne servent à rien, la
moitié des vôtres y ont sombré14
Mouloud Mammeri est un intellectuel engagé, producteur
de pensées. Influant grandement les générations des
années soixante-dix et quatre-vingt, il a bien marqué son
époque. Dès sa parution en 1982, le roman est muni d'un
dispositif dit occulteur et dont l'origine sont les organes de la presse
algérienne. L'exception étant faite d'un article paru dans «
Révolution Africaine » en 1986. Dans ce sens M. Mammeri
déclarait à A. Djeghloul :
Quand La Traversée a paru, la moindre des
choses aurait été d'en parler en bien ou en mal, qu'importe. Or,
je sais que des journalistes ou des critiques littéraires ont
écrit des papiers sur La Traversée. Ils les ont proposés
à des journaux qui les ont refusés15
Cette déclaration affermit le discours sociopolitique
développé dans le roman, ce qui lui a valu non seulement sa
marginalisation médiatique, mais certainement son absence
d'édition. Ce n'est qu'à partir de 1991, deux ans après la
disparition tragique de l'écrivain, que son édition reprit son
cours.
L'écriture de M. Mammeri dans La Traversée
demeure la seule écriture prémonitoire et clairvoyante.
Comme roman, il retrace la situation de l'Algérie au lendemain de
l'indépendance. L'auteur choisit un cadre spatial ouvert sur les
inquiétudes, pour traduire l'évolution de son écriture et
le cheminement de sa pensée. Une vision antinomique s'installe chez
l'auteur non pas comme une tare, mais comme une chance qui présage un
avenir meilleur.
1-2-2 « La Traversée », une écriture
métissée
14 Mammeri 1955, p.133
15 Le Courage lucide d'un intellectuel
marginalisé-in AWAL- n° spécial, 1990, p.p.79-99
14
Dans ce roman, l'auteur pratique la satire de
l'actualité, sous couvert de la fiction romanesque en recourant à
la lettre, à l'article de journal, à l'épopée,
à la tragédie, à la poésie. L'auteur choisit
l'écriture de la discontinuité ; une stratégie discursive
comme pour montrer l'authenticité du récit puisqu'il s'inspire de
faits réels. C'est à partir de cette technique de transgression
des normes du genre romanesque que s'exprime la singularité de son
écriture. Notons que dans La Traversée, il n'y a aucune
division en chapitres, ce qui en fait une structure éclatée.
1-2-2-1 Les lettres :
Elles sont au nombre de quatre dans La
Traversée. L'une d'elles est adressée à Sekoura par
Chabane, son beau-fils dont voici le texte intégral :
Je ne veux pas t'écrire une longue lettre, parce
que ce que je vais te dire n'a pas besoin de beaucoup de paroles. J'ai pris ta
fille dans ma maison pour qu'elle soit la mère de mes enfants et ma
compagne dans les jours bons et dans les jours mauvais, mais pas pour qu'elle
coure les forêts et danse devant des hommes qu'elle ne connait pas. Tu
vas dire que tu n'y peux rien, mais tu pouvais m'écrire et tu ne l'a pas
fait. Alors, à partir d'aujourd'hui, tu peux reprendre chez toi ta
fille, je la répudie16
Cette lettre réfère au thème de : l'image
de la femme dans la société traditionnelle Kabyle.
L'auteur nous montre que la lettre est une issue pour établir
la communication, et en même temps dénonce l'abandon de la femme
par les hommes qui partent pour travailler en France. Ils ont l'avantage de
répudier leurs femmes par lettre. C'est une stratégie discursive
qui brise l'ordre ancestral établi, où la femme est
traitée comme un objet.
1-2-2-2 Le journal intime :
L'auteur utilise ce moyen d'écriture, pour abolir le
passé au profit du présent. Ce qui permet au lecteur
d'appréhender les évènements dans leur
instantanéité. Le journal intime établit la
véracité des actes, des évènements, de l'existence
de l'être. De ce fait, le récit tiré d'un journal intime
s'avère authentique. Dans La Traversée, un seul journal
intime est inséré
16Mammeri 2005, pp. 47-48
15
dans le texte, celui de Souad et porte l'en-tête : «
-Journal de Souad : « Vingt sixième
jour...»17
1-2-2-3 L'épopée :
Il s'agit de l'article écrit par Mourad La
Traversée du désert et publié dans Alger
Révolution. C'est un arrêt qui permet au lecteur de se
projeter dans un autre récit. Il retrace l'itinéraire d'une
caravane devancée par des héros qui traverse le désert.
Ces derniers sont éliminés et remplacer par des épigones
une fois l'oasis atteinte. Le lecteur prend connaissance de l'article par le
biais de Souad, une journaliste de l'équipe de la rédaction, qui
lit l'article : « La voix de Souad était morne
»18.
1-2-2-4 La tragédie :
Dans La Traversée, Mourad vit la crise de tous
les enfermements parce que les nouveaux dirigeants de l'Algérie
indépendante se sont arrogé le pouvoir. Ils se sont
empressés de refermer jalousement les portes du paradis derrière
eux :
Comme on leur avait répété que le
paradis était pour tous ils y avaient cru et ils pressaient sur les
portes si fort qu'un de ses quat' elles allaient céder
19
Cette situation imposée par le pouvoir et
l'idéologie dominante pousse le héros à la recherche d'un
ordre nouveau. Il décide de s'exiler, non pas de l'autre
côté de la mer, mais au Sahara comme déserteur. A la fin du
roman, Mourad connait une fin tragique. M. Mammeri répondait à
une question que lui posait T. Djaout, concernant les personnages de ses romans
:
Je ne crois pas aux stéréotypes, aux
héros de commande, aux traitres conventionnels, aux acteurs positifs,
aux notions prêt à porter et autres balancelles de la
littérature bien pesante. Ils pêchent contre la
vérité qu'à la dense, confuse, profuse, multiples
réalités des hommes, ils substituent de pâles artefacts
privée de vie, privés de sang et de sens. Il n'y a pas d'un
côté, les bons qui vivent et
17 Mammeri 2005, p.106
18 Mammeri 2005, p.26
19 Mammeri 2005, p.5
pensent selon la droiture, de l'autre les méchants
voués au mal par destin. Ce départ manichéen entre le
diable et le bon Dieu tourne le dos à la vérité
20
De cette citation émerge la définition du
héros tragique. Pour l'auteur, c'est un homme avec ses qualités
et ses défauts.
1-2-2-5 La poésie :
Dans La Traversée, la poésie des
origines (Kabyle) est présente dans les moments de délire de
Mourad, provoqués par les fièvres, en voici un extrait :
-Les nuits sont longues sur la place...
-Et les jours.
-Les pierres sont froides... -Les nuits sans
lampes... 21
Ce mode d'expression utilisé par l'auteur, fait
référence au poète Si Mohand-ou-Mhand pour libérer
la pensée devenue trop abstraite.
Les différents modes d'écritures dont nous
venons de donner un bref aperçu, sont multiples dans leurs formes. Elles
représentent un espace d'affirmation du personnage Mammerien, en sa
qualité d'homme libre avec tous ses manques, ses
déséquilibres et susceptible par-dessus tout de prendre son
destin en main.
16
20 Djaout 1987, p. 38
21 Mammeri 2005, p.160
17
Chapitre n°2 : Cadre Théorique
Dans le présent chapitre, nous voudrions examiner
quelques-unes des approches de l'espace qui nous étaient offertes de
telles sortes d'en avoir assuré une certaine vue d'ensemble, et qui nous
guidera à mieux localiser la théorie spatiale choisie. Longtemps,
la théorie littéraire s'est dévouée à la
dimension temporelle du récit. En outre, la critique traditionnelle ne
voit dans l'espace romanesque qu'un simple décor, un
arrière-plan, ou un mode de description. L'espace ne peut se limiter
à une fonction anodine. C'est un véritable enjeu
diégétique. Son appréhension comme structures spatiales de
l'intrigue permet aux personnages d'exprimer des mondes possibles.
2-1La poétique de l'espace :
Gaston Bachelard, le philosophe, est parmi les premiers
à consacrer ses recherches au domaine de la spatialité en
littérature. Dans La Poétique de l'espace, Gaston
Bachelard propose une approche qu'il nomme topoanalyse. Elle : «
Serait donc l'étude psychologique systématique des sites de
notre vie intime »22
Selon lui, l'étude de l'espace d'un roman vise à
dégager les valeurs symboliques liées aux paysages du point de
vue du narrateur ou de ses personnages. Mais cette démarche a
été décriée par la critique, en particulier le
sémioticien Henri Mitterrand qui estime que La Poétique de
l'espace ne permet pas de couvrir toute la dimension du texte.
2-2 Approche linguistique de l'espace :
-Pour Weisgerber, l'espace romanesque n'est pas un espace
auquel s'intéresse les sciences exactes mais celui qui s'apparente aux
sciences humaines ; c'est un espace :
Jonché d'obstacles, criblé de fissures,
défini par des directions et lieux de privilégiés,
bourré de sons, de couleurs, de parfums23.
De plus, il conteste, dans son ouvrage L'espace
romanesque, la relégation de l'espace aux sphères du
décor et de la description. En revanche, Weisgerber élève
l'espace au même rang qu'un personnage. Sa démarche prend en
considération les points de vues : du narrateur, des
22 G. Bachelard, La Poétique de
l'espace, Paris, Presses Universitaires de France, 1957, p. 27
23 J. Weisgerber, L'Espace romanesque,
Lausanne, Editions L'Age d'Homme, Bibliothèque de
littérature comparée, 1978, p.19
18
personnages et du lecteur. Selon Weisgerber, conjonctions,
adverbes et prépositions unissent non seulement les différents
lieux investis par les personnages, mais créent aussi la tension
diégétique.
-Roland Bourneuf met en valeur la relation de l'espace avec
les autres éléments constitutifs du roman. Il considère
l'espace « Au même titre que l'intrigue, le temps ou les
personnages comme un élément constitutif du roman
»24. Pour lui, une étude sur l'espace devrait
reconstituer la topographie du roman, ou il s'agit : d'identifier et de
caractériser chaque lieu de l'espace choisi pas l'auteur, de
dégager les relations qui s'établissent entre les lieux et les
actions des personnages. Comme il conviendra aussi de distinguer les lieux
réels ou évoluent les personnages et l'espace imaginé,
évoqué à travers la conscience des personnages, des
actions qui se déroulent dans chaque lieu et lui confèrent une
fonction dans le récit.
2-3 L'espace comme métaphore :
La narratologie de Gérard Genette ne tient aucun compte
de l'espace dans le récit. Cependant, ce théoricien a reconnu
l'existence de :
Quelque chose comme une spatialité active et non
passive, signifiante et non signifié, propre à la
littérature, spécifique à la littérature, une
spatialité représentative et non représentée
25
D'autre part, Genette envisage l'espace dans un sens
figuré. Il souligne que la métaphore spatiale est utilisée
par l'homme pour discuter sur un sujet donné en se
référant à l'espace pour avoir des perspectives d'avenir
ou, tel le cas de notre roman. L'approche spatiale chez Genette élude le
lien essentiel entre fiction et réalité. Néanmoins,
Genette confirme la fonction dynamique de l'espace et son autonomie
narrative.
2-4 La théorie spatiale narrative de H.
Mitterrand:
Mitterrand dans son ouvrage Le Discours du roman met
en avant le rôle essentiel de l'espace romanesque qu'il définit
comme étant le :
24 R. Bournef, « L'Organisation de l'espace dans
le roman ». Etudes littéraires, 1970, Vol, n°1,
p.82
25 G. Genette, « La Littérature et
l'espace », dans Figure II, Paris, Le Seuil (Points), 1976.
p.44
19
Champ de déploiement des actants et de leurs actes,
comme circonstant, à valeur déterminative, de l'action
romanesque 26
Pour Mitterrand, l'espace fait émerger le récit,
détermine les relations entre les personnages et agit sur leurs actions.
Une étude spatiale ne peut se limiter à une démarche
simplement topographique mais s'attèle à «
Dégager les valeurs symboliques et idéologiques
attachées à sa représentation »27.
Selon Henri Mitterrand, l'espace est muni d'une double dimension : l'une
topographique et l'autre fonctionnelle. C'est un instrument qui organise et
découpe les sous espaces affectés aux personnages, ordonne leurs
places, leurs mouvements, et leurs actes.
L'espace dans lequel évoluent les personnages dans
La Traversée est réel et préexiste au roman. Ces
lieux et déplacements sont porteurs de sens et de là-même
capables de remplir une fonction textuelle. C'est en nous basant sur la
théorie de l'espace narratif de Mitterrand que nous allons tenter
d'étudier l'espace dans La Traversée. Mais auparavant,
nous allons nous pencher sur l'analyse de Ferragus de Balzac.
Mitterrand démontre que l'auteur attribue le rôle d'actant
à l'espace. Pour lui, l'espace parisien est doublement
sémantisé puisqu'il est à la fois représenté
et commenté, autrement dit
d'un côté, [l'espace] se trouve inclus dans
l'univers raconté [...]; d'un autre côté, il fait l'objet
d'un discours, explicite ou implicite, s'inscrivant dans une conception, une
vision, une théorie de Paris28
Pour mieux cerner l'analyse faite par Mitterrand,
permettez-nous de vous étaler un bref résumé de
Ferragus. Dans le Paris de 1818, Auguste de Maulincour, officier
appartenant à la société du faubourg Saint-Germain, est
secrètement amoureux de Clémence Desmarets, épouse de
Jules Desmarets, un agent de change de la rue Ménars. Un jour,
Maulincour découvre que la jeune femme rend visite à un homme,
rue Soly, et il l'a suspecte rapidement d'avoir un amant. Profitant d'une
réception à l'hôtel du baron de Nucingen, rue Saint-Lazare,
il révèle à Clémence qu'il a percé son
secret. Après cette annonce, Maulincour échappera à la
mort à plusieurs reprises avant d'être finalement
empoisonné par Ferragus, l'homme à qui la jeune femme rendait
visite. Toutefois, avant de mourir, Maulincour a eu le temps de
dénoncer
26 H. Mitterrand, Le Discours du roman,
Paris, Presses Universitaires de France, coll. `Ecritures', 1980, p.190
27 Mitterrand 1980, p.194
28 Mitterrand 1980, p.189-212.
20
Clémence à son mari. Or, il apparaît que
Ferragus, un ancien forçat et le chef de la société
secrète des Treize, n'est autre que le père de Clémence.
Craignant que ce mensonge fait à son mari sur ses rendez-vous secrets
ainsi que sur ses pauvres origines n'altère l'amour que celui-ci lui
porte, Clémence se laisse mourir. Terrassé par la douleur, Jules
quitte maison et travail pour aller vivre à l'extérieur de Paris.
Quant à Ferragus, il est aperçu, hagard et perdu, suivant le
cochonnet des joueurs de boules. Et toute cette intrigue se noue du fait d'une
rencontre fortuite, rue Soly.
Dans son analyse, Mitterrand procède d'une
manière rigoureuse. Il étudie d'abord les lieux tels qu'ils
figurent dans la diégèse et démontre que l'espace
participe à l'action et ne sert pas seulement de décor. Prenant
en considération les noms des rues ou se déroule l'intrigue,
Mitterrand a choisi la rue comme axe du récit. De notre
côté, nous avons choisi les axes Nord-Sud, Est-Ouest et vertical
dans l'étude de La Traversée. Cet axe de la rue est mis
en relation avec le personnage principal, Clémence Desmarets. Ainsi d'un
côté, apparait le Paris traditionnel, soit les rues Soly de
Ferragus et de Bourbon de Maulincour, et de l'autre, le Paris moderne, soit les
rues Ménars de Jules et l'Hôtel de ville où siège le
préfet. D'autre part, le Paris traditionnel représente les
relations naturelles, puisque Clémence se déplace d'un lieu
à l'autre, allant de chez son mari à son père. Pour ces
relations mondaines, Clémence peut fréquenter le Paris moderne
c'est-à-dire la rue Ménars et l'Hôtel de ville. En
utilisant différents discours sur les lieux pour créer un
discours littéraire, Mitterrand démontre que Balzac fait jouer le
rôle d'actant à l'espace. En outre, à travers les
figurations représentées, c'est l'histoire de la
société parisienne qu'il nous est possible de lire.
Afin d'aboutir à une telle conclusion, Mitterrand
analyse le récit en procédant de façon rigoureuse. Il
étudie d'abord les lieux réels apparaissant dans la
diégèse et voit quels sont les discours qui leur sont
associés. Cette partie est nommée la "narraticité". Puis,
il passe à l'établissement de la mimésis
géographique, c'est-à-dire qu'il effectue une répartition
des lieux mentionnés dans le récit et voit quelles sont les
valeurs qui recouvrent cette répartition. Ensuite, il peut
dégager le symbole idéologique contenu dans l'oeuvre pour
finalement présenter un modèle narratique ou toposémique.
Nous allons décidément appliquer la même démarche
que Mitterrand, tout en respectant la totalité du parcours des
protagonistes à travers le désert. La poétique de
l'espace de Bachelard nous accompagnera aussi tout au long de notre
travail. A présent, nous passons à l'application des
différentes étapes de l'analyse. Dans le premier chapitre, nous
allons donc retracé les lieux réels apparaissant dans l'oeuvre,
établissant ainsi la narraticité. Il s'agissait de relever les
caractéristiques qui servent à rendre
21
l'illusion spatiale romanesque réaliste. Ce chapitre
est divisé en deux sections soit le parcours analeptique-
c'est-à-dire le voyage qui est effectué avant le présent
narratif, il est question de l'article écrit par Mourad - et, les
parcours du présent narratif, ces derniers recouvrant les diverses
étapes du voyage. Ensuite nous nous consacrons à
l'établissement de la mimésis géographique, soit la
catégorisation des lieux mentionnés et le système de
valeurs qui y est associé. Dans l'oeuvre de Mammeri, cette
catégorisation des lieux s'est effectuée suivant les axes de
déplacements à travers les régions désertiques et
subdésertiques du pays (axes Nord-Sud et Est-Ouest), et suivant les
figures verticales, telles les formations naturelles et constructions humaines.
À chacun de ces axes correspond un système de valeurs qui vient
influencer le récit et qui participe même à l'intrigue.
À titre d'exemple, mentionnons le lien entre la caravane devancée
par les héros et le voyage des protagonistes. Dans ces
déplacements, le Sud représente le rêve, l'espoir d'un
avenir meilleur et ce, autant pour les protagonistes de La Traversée
que pour les héros. Ce Sud est un ailleurs qu'il est possible de
rêver, un futur. Toutefois, tant pour les protagonistes que pour les
héros, plus on s'approche du rêve, plus celui-ci s'effrite. Et la
localisation du rêve est toujours dans l'ailleurs par rapport à
l'ici - qui correspond au présent narratif.
Il est donc possible de voir à quel point l'espace et
les déplacements influencent la diégèse du récit.
Et non seulement l'espace est-il actantialisé, mais aussi sert-il de
véhicule à des notions plus abstraites; ce qui nous a
amené à parler des métaphores développées au
cours de la narration. Nous traiterons entre autres, dans le second chapitre,
celle de l'Algérie, de l'Algérie française, et de celle du
Voyage. Nous étudierons le mythe du désert et verrons comment il
s'est transformé. Nous analyserons encore la représentation
romanesque de l'Algérie des indépendances au désert, ainsi
que ce qu'il reste du rêve d'une Algérie française. Les
parcours des trois protagonistes -Mourad, Boualem et Serge - sont pour leur
part inclus dans la métaphore du voyage où, là encore, il
est possible d'observer la dynamique existant entre les systèmes
topologique, actantiel et diégétique. Nous réservons pour
la conclusion la présentation du système topologique apparaissant
sous la forme d'un carré sémiotique dans lequel nous pourrons
suivre les déplacements d'un personnage principal, Mourad. Le
modèle que nous proposerons intègre les axes et le système
narratif de l'oeuvre. Il sera ainsi démontré que l'espace est un
élément actif dans l'oeuvre étudiée, que La
Traversée se révèle un roman bien ancré dans
son époque et qu'une expérience de l'espace mythique du
désert y est largement narrée et vécue par les personnages
du roman.
22
Partie Pratique
23
Chapitre n°1 : Le voyage
La Traversée, quatrième et dernier
roman de Mouloud Mammeri, se situe juste après l'indépendance,
quelque temps après les évènements du printemps
berbère du 20 avril 1980. L'occurrence de divers aspects du
désert dans le texte justifie l'intérêt qu'accorde l'auteur
pour certains aspects topographiques. Le désert Mammerien est
décrit par le parcours qu'effectue Mourad et ses compagnons, à
travers leur périple dans le grand-sud. Un mois est la durée
consacrée à ce voyage. En plus de Mourad, le groupe se compose de
journalistes ; personnages de cultures et d'opinions assez différentes.
Boualam nouveau chevalier d'Allah est le disciple d'un certain Djamel
Stambouli. La jeune Souad, secrétaire du groupe tout au long de
l'expédition. Serge, un ancien communiste, qui a le sens du dialogue.
Amalia (alias Aimée Delaunay) a été amenée à
aider le FLN, journaliste qui vient effectuer un reportage sur le
pétrole du Sahara pour la revue Plaisir de France .C'est un
trajet circulaire dont voici l'itinéraire :
Voici l'itinéraire : Ghardaïa, Ouargla, Hassi
Messaoud, un tour à In Amenas, puis Djanet. Au retour vous prenez une
route différente : Tamanrasset, In Salah, Timimoune, El Golea 29
Sont incorporées à cet espace topographique :
une descente sur Laghouat, une escale à Ghardaïa, un pique sur
Ouargla, une visite à Hassi-Messaoud et In Amenas, enfin un arrêt
à Djanet et à Tamanrasset. In Salah, Timimoune et El Goléa
constitue le trajet retour vers Alger. Cet espace est fondé sur des
lieux réels situé au grand Sud algérien.
1-1 Les étapes de la narration :
Avant d'entamer le voyage, Mourad se comporte comme un
personnage écrivain. L'article qu'il rédige est un récit
linéaire. Une caravane devancée par des héros traverse
l'espace du désert pour atteindre l'oasis. Au fur et à mesure que
la caravane progresse, les héros sont éliminés et
remplacer par des épigones, une fois le but atteint, c'est à dire
l'oasis. Nous remarquons que tout le texte est bâti autour de symboles
que le lecteur doit décrypter. Ce récit, véritable
épopée et antérieur à la diégèse,
sert d'ancrage au trajet qu'effectuent Mourad et ses compagnons dans le
désert et annonce surtout le chemin de renoncement que doit suivre le
héros.
29 Mammeri 2005, p. 33
24
Les différentes étapes du voyage qu'effectuent
Mourad et ses compagnons s'inscrivent dans les parcours du présent
narratif. Elles sont au nombre de neuf. Bien distinctes, chacune d'elles
étant liée à un contexte différent.
-La première étape du voyage est une descente qui
mène le groupe d'Alger à Ghardaïa en passant par Laghouat.
En longeant la route à travers la plaine fertile de la Mitidja, le
narrateur nous livre sous l'oeil d'Amalia, des images assez
représentatives de : l'Histoire de la Colonisation.
Elle laissa défiler les champs plats de la Mitidja,
tirées au cordeau, les fermes à tuiles rondes, ou se voyaient
encore les margelles vermoulues de puits désaffectés. Elle
s'interdit de trouver belle la coupure abrupte et sinueuse des gorges de la
Chiffa, qui les fit pénétrer dans l'Atlas. Elle s'étonna
seulement de voir toujours debout les guérites construites par
l'armée contre les maquisards. Ils commencèrent à
percevoir le désert qu'après Laghouat, au vide épais que
les lands devaient déchirer devant elles pour avancer. Malgré
leurs prévisions ils n'arrivèrent au-dessus des ravins du Mzab
qu'à la nuit tombante 30
Une pareille description de la géographie historique de
la Mitidja est un choix délibéré de la part de l'auteur.
Les sites relevés ont appartenu aux colons avant de passer aux
Algériens. Un prétexte pour associer Amalia, aux origines
françaises, à l'image mythique du passé. Le voyage se
poursuit pour les protagonistes et le déplacement se fait du nord au
sud. En s'introduisant dans l' Atlas, le passé rejoint le présent
encore de nouveau. Le narrateur mentionne à l'attention du lecteur, la
présence de guérites dressées par l'armée
coloniale, pour faire obstacles aux représailles des moudjahidines.
L'Atlas, un repère géographique, indique non seulement la
verticalité du lieu, mais aussi une barrière difficile à
franchir ou à contourner pour l'armée française, sans
parler des maquisards qu'il fallait combattre. L'épopée de la
guerre de libération puise son invincibilité dans ces montagnes.
A travers ces bribes d'Histoire, le trajet se poursuit avec rapidité et
sans aucun arrêt comme si les protagonistes devaient arriver à
tout prix à destination. Le désert n'apparait qu'une fois
Laghouat franchie. L'auteur ne donne aucun détail sur les sites
rencontrés, sauf qu'au vide
30 Mammeri 2005, p. 56
25
épais du désert. La vallée du Mzab n'est
atteinte qu'à la tombée de la nuit. Suite à cette halte,
et sur une idée de Mourad, le groupe descend à «
L'hôtel Transatlantique »31.
L'hôtel où descend le groupe, est dominé
par des images qui évoquent la verticalité du lieu. Pour Mourad,
l'oasis qui lui était si chère jadis, est devenue un lieu de
transit pour les pétroliers. Seule une narration soutenue en fait une
description,
La porte basse et cintrée de bois massif avait
gardé son heurtoir. Le bassin de la cour continuait de refléter
à l'envers l'éventail des palmiers susurrant sous la brise. A
trois mètres le jet d'eau renonçait à escalader le ciel et
s'effritait vite en grêles grains de lumière, qui dansaient avant
de choir sur la surface lisse, ou il faisait le même bruit de pas nus sur
un sol dallé. [...]Presque toutes les tables étaient prises par
les pétroliers, qui remontaient vers le nord pour leur congé,
après la période règlementaire passée dans les
bases du sud. Les éclats de voix couvraient la masse à peine
distincte de musique des années trente diffusée par un
tourne-disque32
Le narrateur nous dévoile aussi l'état
psychologique dans lequel se trouve Mourad. Il renonce à la promenade
nocturne dans la palmeraie. Amalia s'est fait accompagner par Serge pour une
randonnée nocturne. En regagnant sa chambre, Mourad n'arrivait pas
à trouver le sommeil :
Mourad était contrarié. [...].Les murs de sa
chambre étaient tendus d'étoffes rouges. Mourad s'étendit
tout habillé sur le lit, rouge aussi 33
La couleur rouge auquel recourt le narrateur pour
décrire la chambre, est une marque qui exprime l'ampleur de la blessure
de Mourad causée par l'état de délabrement de l'ombreuse
oasis.
31 Mammeri 2005, p. 56
32 Mammeri 2005, p. 56
33 Mammeri 2005, p. 57
26
-La Seconde étape du voyage conduit les protagonistes
de Ghardaïa à Hassi-Messaoud en passant par Ouargla, «
C'est l'antichambre du désert pétrolier
»34.
Le déplacement se fait vers le Sud-Est, cette fois le
groupe s'arrête au premier site de pétrole : Hassi-Messaoud.
L'auteur ne donne pas de détails sur le site, mais exprime sa
sensibilité, il note :
[...] Hassi-Messaoud était pour Boualem une insulte
au désert prophétique. Pendant qu'Amalia, Serge et quelque fois
Mourad couraient à travers la base, lui se mêlait au manoeuvres
des chantiers dans l'espoir que derrière le déguisement ridicule
de leurs bleus de travail, il allait rencontrer, étouffée mais
brulante encore, l'étincelle de vérité. Il ne tarda pas
à déchanter35
Apparemment, c'est l'espace industriel qui prédomine
dans cette étape du voyage. Le narrateur fait remarquer que tous les
ouvriers de la base, excepté quelques-uns espéraient faire
fortune.
La troisième étape du voyage In Amenas, le
groupe découvrait à la place des méharis rien «
[...]que les masses poussives des grands camions ocres [...]»
36
Ce qui confirmait le désenchantement de Mourad et Boualem
tombés tous les deux dans la dérision.
L'étape suivante, Djanet : cette fois-ci, le trajet est
différent, il se fait en empruntant la piste où « De
temps à autre, ils rencontraient des trains de grands pneus, [...] pour
l'aplanir »37.
El Adeb est la dernière station qui mène au sud.
Ce lieu constitue un nouveau départ pour Mourad et ses compagnons.
Dès leur arrivée à une heure tardive, le chef de la base
les invita à diner à la cantine. Un guide accompagnera le groupe
où ils rejoindront le camp de Maraval. Le guide c'est Amayas, Touareg,
l'utile et le chaleureux. Les protagonistes s'en servent pour
34 Mammeri 2005, p. 58
35 Mammeri 2005, p. 58 52 Mammeri 2005, p.
58 37Mammeri 2005, p. 59
27
s'orienter sur la piste et pour approfondir leurs
connaissances sur le désert, et révélant aussi au lecteur
la manière d'y arriver. Le narrateur fait intervenir Amalia :
Avec Amayas il n'y avait pas de risque, dit Amalia, il
connait la région dune par dune, mais au camp de Maraval, il connaissait
aussi tout le monde37
Cette étape est peuplée de rencontres. Celle des
hommes des zéribas que Boualam préférait leur tenir
compagnie dans l'espoir de les endoctriner. Celle de la visite d'Amalia et de
Mourad au camp Maraval. Seuls Souad, Serge et Boualam s'adonnaient aux
commentaires. Pour Serge, Amalia et Mourad représente la guerre
d'indépendance. Souad ne l'entendait pas de cette oreille. Elle voit
leur disparition derrière les dunes douteuse. Boualam, quant à
lui soupçonnait Amalia d'être un agent de la CIA. Celle des
enfants qui surgissent de derrière la dune, de lekbir le flutiste, et Ba
Hamou. Avec eux et jusqu'à l'aube, le groupe veille en compagnie de
« L'air des Amaria.»38 , et du thé
préparé par Amayas.
La voix douce de la flute luttait contre le vent qui dans
les bourrasques, la couvrait entièrement. Puis Lekbir s'arrêta, il
ouvrit les yeux, regarda Ba Halem en souriant, et, reprenant la flute,
commença un autre air, très différent de ce qu'il avait
joué jusque-là. [...] L'air de Lekbir se met à marteler la
nuit avec des notes dures ; [...]. Ba Hamou soudain laissa s'affaisser sa
tête, ses épaules, ses bras, comme s'il avait reçu un coup
dans la poitrine. Ses traits se crispèrent, il se mit à
frissonner, puis il poussa un cri strident et sauta au milieu du cercle. Souad
cria avec lui. Ba Hamou fit face à Lekbir et, le dos voûté
vers lui, se mit à s'agiter frénétiquement. Ses bras, ses
épaules, les battements sourds de ses pieds sur le sol suivaient la
moindre inflexion de la musique, le corps de Ba Hamou suivait docilement, comme
le naja fasciné par la baguette du charmeur39
38 Mammeri 2005, p. 66
39 Mammeri 2005, p. 66-67
28
Ce lieu est différent de ceux déjà
visités par les protagonistes. Le narrateur attire l'attention du
lecteur que personne ne résiste visiblement à l'air des Amaria
joué par lekbir. En effet, un sentiment d'exaltation s'est emparé
des membres du groupe, et qui a dégénère en duel à
l'épée entre Boualam et Amayas parce que:
La musique leur faisait oubliée leurs soucis, leurs
maladies. Ils ont failli s'entretuer. Tous ceux qui
descendent au Sahara, à un moment ou à un autre, attrapent la
folie du désert40
El Adeb s'avère être un lieu topographique
mythique. C'est en déplaçant ses personnages vers ce lieu que
l'auteur réussit à surprendre le lecteur des effets du
désert. Suite à l'évènement déjà
survenu, et tôt le matin, Mourad fait part à Serge de ses
reproches, et qu'il aurait dû mettre en garde ses compagnons. Car la
folie du désert est une maladie qui donne une impression étrange.
Serge, lui, attribut cette mutation du corps aux éléments
naturels tels que l'air, les vents alors que Amayas, lui, parle de djinns.
Souad est de cet avis. Le seul élément nouveau apporté ici
est que le désert manifeste ses effets, par rapport aux humains qui
l'habitent tels Amayas, Lekbir et Ba Hamou, et ceux qui le traversent aussi
comme Mourad et ses compagnons.
La reprise de la traversée par le groupe se fait le
lendemain, en empruntant la piste pour se rendre à Djanet. La rencontre
d'un Touareg détacha les membres du groupe du mutisme qui les
engloutissaient depuis qu'ils s'enfonçaient dans l'erg. Ils ne
parviennent à destination qu'au début de la nuit. Durant cette
étape, l'espace est dominé par une constante qui indique un seul
repère géographique : « [...] des touffes de
tahlés de plus en plus denses, dont certains bordaient la piste
»41.
Le jour suivant, ils se rendirent au chef-lieu de la
daïra des Ajjer. Selon un axe vertical, Mourad et ses compagnons se
trouvent ainsi réuni dans le bureau climatisée du chef. Le
café leur est servi par un jeune noir qui laissa pénétrer
de l'air chaud par la porte d'entrée. Ainsi le désert
traditionnel se trouve sous les auspices du désert pétrolier et
administratif. Telle est la connotation politique qu'on peut entrevoir dans le
choix de ce site par l'auteur dans la trame
40 Mammeri 2005, p. 69-70
41 Mammeri 2005, p. 70
29
narrative. L'objet de la visite est la rencontre des nomades.
Cependant, cette action s'avère difficile selon le
sous-préfet,
-Il y en a, mais ou les trouver ? Voilà deux ans
que je leur cours après pour les soigner, les instruire ou seulement
leur donner une carte d'identité, les compter. Autant courir
après le vent42
Après une longue discussion avec les membres de
l'équipe des journalistes, il rajoute :
La semaine dernière les enfants se sont
sauvés de l'internat. Nous avons repéré la direction
qu'ils ont prise : c'est probablement celle de leur campement. Nous avons
envoyé les gendarmes les récupérer. S'ils ne les ont pas
retrouvés d'ici deux ou trois jours, les enfants vont mourir de soif
[...].D'une façon générale ils n'aiment pas
l'école43
Toutefois l'auteur se montre préoccupé par le
problème des nomades. Le chef de la daïra tente de les
sédentariser mais en vain. Suite au débat engagé avec le
sous-préfet, les protagonistes se rendent à l'école. Il
parait que c'est le lieu propice pour être en contact direct avec les
nomades. Le narrateur nous dit que l'établissement présente les
mêmes caractéristiques que ceux bâties au nord. Notons
qu'ici le sud rejoint le nord et qu'ils se définissent l'un par rapport
à l'autre. Au cours de cette visite, les élèves affichent
une attitude anxieuse à l'égard des visiteurs. Le maitre exposait
un cours d'histoire aux élèves. La présence du
sous-préfet et de Mourad et ses compagnons les gênaient
certainement. Bloqués, ils ne répondaient pas à la
question du maitre. Les enfants nomades manifestent leur hostilité
à l'égard de toute intégration. Insaisissables, ils
refusent les bancs de l'école, désirent tous devenir chauffeurs
pour concrétiser l'idéal de liberté qui les anime :
[...] chauffeur, bon, dit le maitre, mais expliquez-vous,
pourquoi chauffeur ? Ahitaghel leva le doigt. Oui toi dit le maitre. Parce
qu'on va ou on veut [...]44
42 Mammeri 2005, p. 71
43 Mammeri 2005, p. 73
44 Mammeri 2005, p. 77
30
Après cette visite, le déplacement se poursuit
le lendemain matin en direction de la Sébiha, un lieu de rassemblement
où ils assistèrent à une fête Touaregs haute en
couleurs et en bruits, nous dit le narrateur. Ce spectacle obéit aux
règles et coutumes guerrière d'une ethnie, encore actuelle de sa
population. Serge et Amalia gardaient en guise de souvenirs des images
inexplicables pour les lecteurs de Plaisir de France. Sur le plan
verticalité, seule une crête surplombait l'oued et la piste
devenue poussiéreuse. De retour à Djanet, Amayas, Fendou, et le
jeune haratine accompagnaient le groupe de journalistes.
-En se détachant de Djanet et en empruntant durant deux
jours la piste qui mène à Tamanrasset, Mourad est associé
sans cesse à une forte fièvre. Au dispensaire de la ville, le
médecin eut la sagesse de le garder pour quelque temps. Amayas saisit
cette opportunité pour entreprendre une visite à la mère
d'Ahitaghel, du côté de Timiawine, non loin des frontières
libyennes. Entre-temps :
Il passa la matinée à fait le tour des
boutiques pour acheter du thé, du sucre, des parfums, des
étoffes, puis monta dans le camion de la lutte antiacridienne, qui
partait sur Tin-Zaouatin45
Quant aux autres, ils profitèrent pour visiter Tam et
l'Asekrem. D'ailleurs, c'est l'espace urbain qui domine cette étape du
voyage. A travers le parcours narratif du récit, l'Histoire de l'errance
des Touaregs nous est contée par le Patron de l'hôtel du Hoggar.
En effet, du temps de la colonisation, l'administration a tenté par tous
les moyens de sédentariser les coureurs de vent mais: « Les
nomades prenaient les denrées, circonvenaient les chefs et se jouaient
des généalogies »46.
Ce jour-là, Mourad avait quitté le dispensaire,
il parait que la fièvre l'avait abandonné et il pouvait d'un
moment à l'autre reprendre le voyage avec le groupe. De retour à
Tam, Amayas était métamorphosé. La mère d'Ahitaghel
vivait du tendé des frontières comme toutes ses semblables.
Timiawine est un lieu fréquenté par les ouvriers des mines et du
pétrole. Ainsi l'argent du pétrole offre le plaisir aux uns et la
survie aux autres.
-Poursuivant leur périple, l'équipe entame une
piste semblable à celle déjà parcourue qui les mène
à In Salah, le lieu de leur ultime campement :
45 Mammeri 2005, p. 93
46 Mammeri 2005, p. 94
31
Les lits de camp étaient éparpillés
sur le fond plat de l'oued, auquel les bagages jetés au hasard donnaient
une allure de souk47
Dans sa tente, Mourad ne trouve pas le sommeil. Il prit la
direction de la montagne qui effaçait l'horizon. Ce déplacement
nocturne de Mourad, sur le chemin caillouteux, est lié au rêve et
à un aspect naturel du lieu, en relation avec le Corps. Seul le
narrateur a su nous décrire la scène qu'a vécue le
héros. Plus tard, il est retrouvé et
récupéré par Amayas, l'homme du désert. Ce lieu
auquel l'auteur associe son personnage évoque le rêve ou la
quête des origines.
-l'étape suivante et la dernière, Timimoune. Le
narrateur nous invite à découvrir la belle histoire de Ba Salem,
le cultivateur de tournesols et symbole de la culture orale. Poète.
Admirateur et chanteur d'ahellils, de fêtes Touaregs. Depuis la mort de
sa femme Ouda, il cessa d'aller aux ahellils. Sa mort au pied du tombeau d'un
saint, nommé Sidi Otman, annonce la disparition d'une
société. Les membres du groupe n'ont pas raté l'occasion
d'assister à Massine puis à Sidi Hadj Belkacem à la
fête des saints et du Mouloud. Timimoune, le lieu où se
rassemblaient les vendeurs qui affluaient de partout, la plus part venaient du
nord. Les Ksouriens paradaient jusqu'à une heure tardive de la nuit. Le
lendemain, ils se rendirent à la zaouia. Une plaine dominée par
des mamelons de sable. C'est de là que commence la marche vers le
mausolée de Sidi Hadj Belkacem, où des populations
entières se retrouvent.
De retour à Ghardaia, les voyageurs rencontrent
quelques désagréments en cour de route, des problèmes
mécaniques avec la première Land. Mourad et Amalia furent
secourus par un taxi vert et jaune qui allait dans leur direction. Ils se
séparèrent à l'aérodrome de Ghardaïa ou Amalia
devait prendre l'avion pour Alger, une heure après. Quant à
Mourad, il rentre à Alger dans le même taxi.
C'est sur cet épisode que s'achève le voyage
effectué par l'équipe des journalistes. Mourad prend le chemin du
renoncement. Boualam regagnant Alger, noie ses doutes dans l'alcool. Les autres
sortent indemne de cette traversée.
47 Mammeri 2005, p. 97
32
1-2 Lieux, valeurs et symboles :
Si l'auteur inscrit les étapes du voyage dans des lieux
réels, il nous autorise ainsi de suivre les personnages à travers
le désert. En investissant ces mêmes lieux de valeurs autres que
celles qui leurs sont historiquement attribuées, dans ce cas seulement
il fait preuve de créativité. L'espace participe à
l'action et influence la diégèse, il est perçu comme
actant dans la théorie de Mitterrand. Dans cette partie de notre
étude, nous voudrions :
Reconstituer dans l'oeuvre romanesque à la fois la
répartition exacte des lieux et le système de valeurs qui
recouvre cette répartition48
Le voyage au désert nous fait vivre les
déplacements des personnages selon un double plan : d'abord horizontal
et qui englobe les déplacements du Nord au Sud et d'Est en Ouest,
ensuite selon un axe vertical qui implique les repères
géographiques naturels-comme les dunes et les palmeraies, les montagnes,
les ergs et les regs, et urbains tels les constructions publics : chef-lieu de
daïra, dispensaire, hôtel et auxquelles nous joignons les sites de
pétroles. Les directions recensées sur le plan horizontal se
rapportent à un espace défini : la route goudronnée, la
piste. Le périple n'est amorcé qu'à partir de Ghardaia,
lieu géographique qui engendre chez Mourad un sentiment de
déception. Ce fut aussi le point de départ d'une visite à
Hassi-Messaoud, le premier vrai site de pétrole situé au Sud-Est.
Ce déplacement n'amène pas le bien recherché : la
déception s'empare non seulement de Mourad, mais aussi de Boualem.
Après, ils se rendent à In Amenas, lieu de dérision pour
Boualem, ensuite El Adeb, le dernier lieu où on peut trouver du
pétrole. C'est dans ce lieu que fut la première rencontre avec
les Touaregs. A cet endroit ou pour rejoindre l'équipe de Maraval, il
faut passer par la piste. Amayas se charge de les y conduire. Le lieu est
à une heure de marche à pied, le temps de bien sentir le
désert. En se déplaçant vers ce lieu, les protagonistes
vivent le désert tel qu'il se présente à eux. Suite
à l'évènement survenu, ils passent la nuit sous les
tentes. Si les protagonistes se rendent dans ce lieu, c'est qu'il renferme des
informations sur le mode de vie des Touregs. A Djanet Mourad et ses compagnons
désirent voir les nomades, ils sont accueillis par le sous-préfet
de la daïra des Ajjers. Dans une de ses narrations, il dit :
«Qu'il faut arracher les Touregs à leurs violents
»49. Les protagonistes, à l'issue de leur visite
à l'école, accèdent à une forme de
vérité. L'état tente de sédentariser les enfants
nomades.
48 Mitterrand 1980, p. 197
49 Mammeri 2005, p.72
33
Encore plus que cela est révélé, ils sont
persécuter, tués même par les gendarmes, comme le
frère d'Ahitaghel. La situation est celle d'une minorité victime
des instruments de l'appareil de l'état. Pour les enfants nomades,
l'école est une véritable prison, un lieu qui les prive de leur
liberté. Encore loin dans leur périple, l'équipe des
journalistes s'arrête à Tamanrasset. Le narrateur mentionne que le
drame surgit du désert pétrolier et institutionnel, situations
qu'Amalia énonce clairement à Mourad « La
réalité est à l'image de l'apologue rédigé
par ce dernier» 50
D'autres endroits situés au Sud-Ouest ont
été visités. Ils évoquent le rêve ou une
quête d'un niveau personnel. Pour le savoir, il suffit de signaler la
piste d'In Salah, la nuit passée dans la montagne, l'écho de
l'appel proférer par Mourad. Timimoune rappelle la civilisation du
désert. Les cérémonies et les pèlerinages offrent
aux visiteurs des sables des images captivantes, véritable
démonstration qu'une civilisation détenant ses coutumes et
rythmes particuliers y trouva autrefois sa place. De toutes ses
pérégrinations, Mourad allait enfin voir Ba Salem, le chanteur de
l'ahéllil. Timimoune semble lui apporter un certain réconfort.
Mais avec la mort du poète, Mourad cesse d'être séduit par
le désert de ses propres croyances. Il perd la conscience de ses
racines.
Certaines des images verticales construites apparaissant dans
le texte narré, constituent des symboles encore plus solides par la
relation dont ils font l'objet. Les guérites et l'Atlas sont
mentionnés en relation avec la Guerre de Libération dont nous
avons précédemment parlé. Les constructions humaines tels
les sites de pétrole à Hassi Messaoud remplacent les formations
naturelles : les dunes, les ergs et tentent de remplacer ou de camoufler une
Algérie profonde presque en voie de disparition (et ce, aux points de
vue géographique et sociologique). La narration met en évidence
la fragilité et le caractère éphémère des
formations naturelles verticales pour montrer la solidité des
constructions humaines verticales. Les déplacements du nord au sud
modifient pour leur part les états d'âme des protagonistes; tandis
que l'axe vertical tend à démontrer la suprématie des
constructions verticales humaines sur les formes naturelles, à masquer
la faiblesse de l'Algérie. Ainsi la mise en scène spatiale a pour
but d'influencer la diégèse, mais aussi de présenter une
image de l'Algérie des indépendances dans notre texte.
50 Mammeri 2005, p.95
34
Chapitre n°2 La métaphore de
l'Algérie
A travers les différentes étapes franchies par
les protagonistes et les axes de leurs déplacements, le lecteur est
incessamment amené à lire et relire l'espace pour pouvoir se
faire une image globalisante de l'Algérie. Les lieux visités au
sud reflètent la désillusion. Si nous nous reportons à
l'approche de l'espace telle que développée par Mitterrand, la
troisième étape de la présente analyse devrait être
une lecture de la société à travers l'espace. Nous
tenterons de dégager les grandes lignes du concept de l'Algérie
tel qu'il transparait dans La Traversée; un concept qui est
véhiculé par un auteur s'inscrivant dans une
société et une époque données. Ceci nous permettra
d'en arriver à une lecture de la société telle que
proposée par Mitterrand: soit l'analyse d'une métaphore de
l'Algérie qui se voudrait le "reflet" d'une société
algérienne du début des années 1970.
2-1La métaphore de l'Algérie :
Cette métaphore de l'Algérie ne peut être
dégagé qu'en faisant concourir l'axe des déplacements et
la verticalité des lieux visités. D'après le dictionnaire
Hachette 2010, le mot métaphore signifie : « Figure de
rhétorique qui consiste à donner à un mot un sens qu'on ne
lui attribue que par une analogie implicite »51.
Ce sont des concepts situés au niveau du texte que le lecteur peut
en toute liberté interpréter en vue d'en faire une
représentation abstraite. C'est à partir de ce point de vue que
nous envisageons découvrir une métaphore construite par l'auteur.
Le voyage à travers le sud n'engendre que la désillusion parmi
les protagonistes. Si les lieux du nord reflètent une image assez
idéalisée de l'Algérie des indépendances, ceux
situés au sud n'amènent que le rêve et les gisements de
pétrole. En effet, les lieux comme l'hôtel transatlantique de
Ghardaïa, le site pétrolier de Hassi Messaoud attirent ; l'un
permettait une halte, l'autre la richesse. Par contre, d'autres lieux
visités comme la piste d'El Adeb, ou celle d'In Salah éveille le
rêve. Elles donnent accès à des informations sur la culture
d'une minorité : Les Touregs. Le désert pétrolier et
administratif remplace le désert traditionnel. Néanmoins, les
déplacements réalisés du Nord au Sud ont permis de
déterrer une vérité : plus les protagonistes s'enfoncent
dans le Sud plus il y a désillusion, du fait de l'écart existant
entre le rêve et la réalité. Le voyage entreprit par les
protagonistes nous présente un espace fondé sur des lieux
affectés de noms propres. Les discours développés sur ces
lieux visités, font ressortir une image assez signifiante et
globalisante même de l'Algérie des indépendances,
c'est-à-dire celle des années 70-80.
51 Hachette, Edition 2010, p. 1032
35
Sur l'axe vertical, la narration permet l'émergence de
symboles dominants comme pour dissimuler ceux qui sont de formation naturelle
ou en voie d'extinction. Ainsi, le narrateur ne s'empêche pas de
mentionner que l'hôtel transatlantique est devenu un symbole de faiblesse
pour Mourad :
Le charme désuet de l'hôtel continuait
d'opérer sur lui comme au temps de sa splendeur passée. Pourtant
un délabrement insidieux mais sur le faisait s'effriter chaque saison un
peu plus [...], Mourad ne reconnaitrait plus rien de l'ombreuse oasis qu'il
avait jadis aimée52
De plus, ce lieu est devenu par excellence un transit pour les
pétroliers venant du sud pour regagner le nord. Un autre symbole de
construction humaine, il s'agit du site de pétrole de Hassi-Messaoud
:
Air conditionné, goudron, béton, fleurs
poussées sur de la terre rapportée, Hassi- Messaoud était
pou Boualam une insulte pour le désert
prophétique53
Cette image verticale peu décrite par le narrateur est
un symbole solide est durable, il exprime la faiblesse du désert naturel
des nomades. Une autre image symbolique, cette fois ci à In Amenas:
À la place des méharis d'antan on ne voyait
plus[...] que les masses poussives de grands camions ocre, qui brinquebalaient
dans la poussière comme des d'énormes hannetons
aveugles54
En se référant à une époque
lointaine, le narrateur nous dit qu'In Amenas est le lieu des méharis.
Un symbole fort ancien des peuples nomades, aujourd'hui menacés
d'extinction par la présence permanente de machines ocre. Cette image
marque la supériorité de cet objet de déplacement
mécanique conçu par l'homme, face à un moyen de
déplacement vieux comme le monde. Le narrateur n'hésite pas de
comparer les camions ocre à des hannetons. Cette manière de
métaphoriser les objets n'est pas fortuite quand on connait l'issue
réservée au
52 Mammeri 2005, p.56
53 Mammeri 2005, p.58
54 Mammeri 2005, p.58
36
territoire propre aux déplacements des méharis.
C'est comme si toutes les images qui expriment un état naturel devaient
être anéanties ou représentaient un symbole de faiblesse.
Boualem parait être sensiblement déçu depuis l'étape
de Hassi- Messaoud, pour lui le désert est devenu pervers. Une autre
image construite symbolise le désert administratif, il s'agit du
chef-lieu de la daïra de Djanet. Le sous-préfet reçoit les
recommandations du nord et veille à leur application. Celui-ci fait
remarquer à ses hôtes :
Djanet est la vraie capitale saharienne, vous le verrez
vite. Les centres que vous avez traversés jusqu'ici sont des
créations du pétrole, vous vous en êtes aperçus. Ici
nous sommes en retard. Vous le verrez demain, si vous allez à la
sébiha, la fête traditionnelle de Djanet. Nous sommes en retard,
mais nous travaillons à rattraper le temps perdu à grande
enjambées et bientôt vous serez à Djanet comme dans
n'importe quelle ville du nord 55
Ainsi le désert traditionnel se trouve conquis et
gouverné par le désert administratif et pétrolier. Comme
si la modernité devait succéder à tout prix à la
tradition. Le narrateur nous souligne que le sous-préfet tente de
sédentariser par tous les moyens les coureurs du vent. Derrière
ce jeu de mot se dissimule toute une idéologie : d'une part il y a les
nomades en déplacement régulier, de l'autre une élite au
pouvoir qui dénie sa mouvance et sa culture. Une autre image assez
solide, il s'agit de l'école où l'enseignement dispensé
aux jeunes nomades est conforme aux directives du pouvoir central.
L'encadrement est assuré par des pédagogues et des
administrateurs venus du nord. Ce qui rappelle l'époque coloniale.
Enfin, l'image de l'Algérie proposée dans notre
corpus obéi à une constante. D'une part, nous avons un
passé historique, de l'autre un avenir plein de promesse qui devrait
être concrétisé. Cette idée n'est pas celle qui
prend l'avantage après l'indépendance A l'issu de leur
périple, Mourad et ses compagnons ne sont pas arrivés à
faire l'équilibre entre les deux époques. Néanmoins, notre
modeste étude nous a donné la possibilité de connaitre
certains aspects de la société, mis au clair par le texte et par
la dynamique de la spatialité.
2-2 La métaphore du voyage :
55 Mammeri 2005, p. 71
37
Dans la littérature algérienne de langue
française, le voyage à travers le désert autorise un
pessimisme existentiel et politique de s'exhiber pour ceux qui l'effectuent.
Généralement, les héros meurent ou reviennent bredouilles
au lieu de départ. Leur quête n'aboutit pas ou du moins, elle est
vue comme mal définie. La fin du voyage pour le personnage principale se
différencie tout le long du parcours.
Le personnage de Mourad, ex maquisard, représente la
désillusion après le rêve d'un côté et
illustre sa propre fatalité de l'autre. Boualem évoque le
néo fondamentalisme musulman et un penchant pour la dictature. Par
contre Serge prétendant jouer le rôle de précurseur de la
révolution socialiste, est membre du Parti communiste algérien.
Chacun de ces personnages est projeté sur l'un des axes (horizontal ou
vertical) et en attribue la signification. A partir de là, Mourad du
rêve à la désillusion qu'il manifeste constamment, est
associé à l'axe nord-sud ou inversement, Boualem à la
quête d'un équilibre entre les forces peut-être en relation
avec le même axe. Quant à Serge, se voulant avant-gardiste soutien
le pouvoir en place, est lié à l'axe vertical. A présent
nous allons nous intéresser au parcours réalisé par Mourad
au sein de la métaphore du voyage.
Soulignons d'abord que Mourad fait partie de cette
génération des années cinquante, et est éminemment
lié à l'Histoire de la Guerre de la Révolution de Novembre
54 et à celle de ses héros. Mourad se place loin des
persécutions du système, car incapable d'adhérer au cercle
des compromis, et d'intégrer les clans. Mourad ne trouve qu'une
alternative et quand il en prit conscience, il dit : « Il n'y a qu'une
alternative, on rêve sa vie ou on la change »56.
Mais cette échappée n'est que temporaire. Mourad se rend à
l'évidence que changer sa vie est illusoire. A Timimoune, après
avoir assisté à la rencontre des pèlerins, Mourad : «
f...] avait le sentiment que le Dieu jaloux le chassait du paradis
»57. Le désert donne à voir à Mourad
qu'il est d'une race qui tend à disparaitre et à laquelle il
s'assimile : les berbères, « J'aime mieux être le dernier
des mohicans que le premier des traitres»58. Car le
désert des rêves de Mourad est balisé de frontières.
Il ne peut lui révéler l'authenticité de ses origines
ancestrales. Mourad l'intellectuel ne peut être délivré par
« la folie du désert »59 parce que les
vraies causes de son désespoir et de son aliénation sont
humaines. La sensibilité de Mourad traduit le drame de celui qui se sent
étranger à un espace devenu mirage, et auquel il ne croit pas. La
fuite est aussi une quête à double objectifs : désir de
langage et désir
56 Mammeri 2005, p.119
57 Mammeri 2005, p.118
58 Mammeri 2005, p.155
59 Mammeri 2005, p.70
38
d'écriture. La quête du héros devient
équivoque, du moment que l'espace du désert devient pour lui, non
seulement prétexte, mais quête d'âmes mortes,
légendaire, voire mythique, et aussi un espace de séquestration
et d'étouffement, de renoncement. Lors de la dernière
étape avant le retour à Ghardaïa, le narrateur rapporte
l'écriture à un temps tragique. Le dialogue qui s'établit
entre Mourad et Amalia, explicite une vision antinomique d'une pensée
profonde:
Amalia-un déserteur qu'est-ce que c'est ? Mourad-
c'est quelqu'un qui vit au désert. Amalia- ou qui y meurt ?
Mourad- c`est la même chose 60
Pour le narrateur, le héros ne peut échapper
à son destin tragique, terrassé par le malaise qui le ronge, il
prend le chemin du renoncement. Dans sa dernière lettre adressée
à Amalia, et qu'il détruit au lieu de la lui envoyer ou il expose
les raisons de son abandon :
Si je croyais aux signes, je trouverais cette
traversée exemplaire et j'en ferais un apologue pour l'endoctrinement
puéril des générations à venir. Car maintenant je
suis sûr que, si le désert atavique n'est entré que tard
dans ma vie, il est inscrit dans mes veine depuis toujours. Peut-être
l'ai-je apporté avec moi en naissant. Un jour nous devrions nous
rencontrer61
Mourad n'avait que faire d'une rubrique de la page culturelle
du quotidien Alger Révolution pendant que toute une
civilisation se délabre dans un Sud, en proie à de profondes
mutations. Mourad promenait dans son intimité le désert auquel il
rêvait. Si Bachelard soulignait qu' « Au contact du
désert, on ne change pas de place, on change de nature
»62.Tout porte à croire que Mourad est
devenu désert. A la fin du voyage, les rêves deviennent des
déceptions, le héros retourne à son village natal pour y
mourir. C'est à peu près le même sort réservé
aux héros de son propre apologue. La métaphore du voyage,
à travers le parcours de Mourad selon l'axe des déplacements nord
sud, apparait comme une quête de soi.
2-3 La métaphore de l'Algérie
Française :
60 Mammeri 2005, pp.108-109
61 Mammeri 2005, p.155
62 Bachelard 1957, p.187
39
Sur une carte géographique du Maghreb, le lecteur peut
voir le territoire algérien qui appartenait à la France depuis
1830. Devenu non seulement territoire français, mais peuplé de
colons. La présence de l'Algérie Française se fait sentir
à la lecture de l'incipit du roman, et ce concept marquera son
omniprésence dans la trame narrative du roman. Citons l'exemple :
Ils avaient épousés des bourgeoises
ripolinées [...], qui parlaient français, les plus chanceux, ou
les plus inconscients, avaient épousés des Européennes
[...j63
Comme Kamel, le directeur du journal qui avait
épousé Christine, juste avant l'indépendance. Devenu
ensuite bigame, il épouse, Zineb, une algérienne. Il y a aussi
Amalia qui parle très bien le français, et qu'a connu Mourad
à Poitiers. Plus loin, la mère supérieure Anne-marie et
soeur Véronique, vouées au service de Dieu, s'expriment en
français, ainsi que le lieutenant Cottin et le sergent Bernadi. Au
maquis après avoir soigné presque tous les blessés,
Elles partirent avec deux maquisards, à qui le chef
donna des consignes en français, afin qu'elles comprennent ce qu'il
disait 64
Toutes ces manifestations de la présence francophone
sur le territoire de l'Algérie s'avèrent importantes. Elle marque
les traces d'une présence française en Algérie. Il faut
souligner que d'autres personnages algériens comme Boualem, le Go et
Souad s'expriment aussi en cette langue dans ce roman. Plus loin dans la trame
narrative, le territoire parcouru a par les protagonistes, au cours de la
première étape du voyage, rappel au lecteur la présence
française encore existante, comme ruines du passé et emprunte du
présent. Et puis, sur la route vers Ghardaïa, les voyageurs
rencontrent une vieille dame anglaise parlant français avec un parfait
accent anglais. C'est là un fait qui justifie l'importance de la langue
française sur les plans linguistique et culturel. Ainsi la narration
fait ressortir la présence française encore vivante. La
traversée comme roman se place en ligne directe avec les
années 70. Le fait français trouve toute son affirmation durant
cette période. Il devient non seulement un outil de communication
incontournable pour le fonctionnement des appareils de l'état, mais
surtout une langue d'enseignement. Le roman souligne l'importance passée
et présente du fait français en Algérie.
63 Mammeri 2005, p. 5
64 Mammeri 2005, p. 38
40
Conclusion
C'est donc en suivant la piste tracée par Henri
Mitterrand que nous avons abordé l'aspect spatial de La
Traversée. Si nous nous reportons à l'étude
effectuée par Mitterrand sur le Ferragus de Balzac, il est possible de
diviser ainsi son approche : nous retrouvons une topographie mimétique
en surface, un modèle narratique formel en profondeur et un symbole
idéologique subsumant le tout. Tous ces niveaux sont aussi
explorés dans la présente étude. La partie pratique
retrace dans un premier chapitre ; la topographie mimétique en surface.
Le deuxième chapitre expose les symboles idéologiques ou les
métaphores tandis que, plus loin dans la conclusion, nous examinerons le
modèle narratique profond. Pour que cette démarche soit
applicable à une oeuvre, il faut que l'espace littéraire
préexiste au roman, ce qui était le cas pour l'oeuvre que nous
avons étudiée. L'étape dont nous parlons maintenant
s'appelle la narraticité et elle a été l'objet
d'étude du premier chapitre de la partie pratique de ce mémoire.
Il s'agissait en fait de voir quels étaient les lieux mentionnés
dans le récit et de vérifier leur authenticité par rapport
à un espace réel. C'est en relevant les différents
parcours effectués par les protagonistes que nous avons
déterminé la narraticité du texte.
Dans cette partie, nous nous sommes penchés sur le
parcours linéaire ou l'article écrit par Mourad. Une tribu
s'acharne à traverser le désert, précédée de
héros ... Ces derniers sont chargés d'indiquer la voie et
d'assurer la protection du convoi. Mais, "seuls et exaltés », ils
se lancent à l'aveuglette, suivis tant bien que mal par la meute
essoufflée. Aussi téméraires que distraits. Ils se font
décimer en grand nombre. Le reste des héros succombent une fois
l'oasis atteinte. Les épigones prennent les commandes et se proclament
les dignes successeurs des héros. A travers ce récit
linéaire, le lecteur aura reconnu l'Algérie en guerre et les
épigones ne sont que les futurs idéologues qui puisent dans les
anciennes doctrines des recettes pour gouverner le pays. Tous les indices
relatifs à ce parcours linéaire sont insérés dans
le récit du présent narratif. Les déplacements, ayant lieu
lors du présent narratif, se divisent en neuf étapes distinctes,
chacune associée à l'histoire de l'Algérie des
indépendances. Tant au niveau des parcours analeptiques qu'à
celui du récit premier, il est démontré que l'espace
déployé relève du domaine du réel et, qu'à
ce titre, il nous était possible de procéder à une
étude de la spatialisation narrative dans La Traversée.
La seconde étape de notre étude consistait donc à
établir la mimésis géographique ou la topographie
mimétique en surface, c'est-à-dire établir des
catégories de lieux et voir quelles valeurs leur sont attachées
afin de déceler une éventuelle actantialisation de l'espace. Les
catégories que nous avons établies sont celles des axes Nord-Sud,
Est-Ouest et la verticalité. L'axe Nord-Sud, lié à la
traversée du désert, s'est
41
révélé l'axe de l'apprentissage alors que
les protagonistes font l'expérience de l'espace et découvrent que
plus ils se rapprochent du Sud -qu'ils avaient associé au rêve-
plus leurs rêves s'estompent. Ils doivent alors faire face à une
réalité qu'ils avaient espérée tout autre. Et, dans
La Traversée, il semble que cette dynamique, propre à
l'axe Nord-Sud, soit venue influencer la diégèse. Avec tant de
force que les échos du passé s'impriment dans le présent
narratif et le modifient. Quant à l'axe Est-Ouest, il est
rattaché aux déplacements dans les lieux visités où
les protagonistes tentent de recueillir des informations sur les nomades ou sur
l'histoire de leur civilisation. Il faut préciser qu'il existe une
différence entre les lieux situés à l'Est et ceux
situés à l'Ouest. Les premiers relèvent des
réalisations du pétrole, de la modernité et les seconds de
la tradition. Les protagonistes essayent de faire un équilibre tant
géographique que psychologique entre les deux pôles.
Pour sa part, l'axe vertical propose une substitution des
figures verticales naturelles par des constructions humaines plus solides afin
de présenter une image de force. L'axe vertical démontre aussi la
stratification des différents discours apparaissant à travers
l'histoire de l'Algérie des indépendances, et à travers le
récit romanesque permettant ainsi une pluralité discursive. Les
intersections des trois axes et les valeurs qui leur sont associées
historiquement ou spatialement viennent ainsi participer à la
diégèse et s'imposent au déroulement du récit.
Toutefois, l'espace tel qu'utilisé ici ne sert pas seulement comme
actant. Son intervention dans le récit contribue aussi à
transmettre un message symbolique. Le lecteur est ainsi mis en présence
de métaphores qu'il doit traduire. Lors de l'étude de La
Traversée, nous avons relevé trois métaphores
principales liées à l'espace et que nous avons examinées
plus en détail. Il s'agit de la métaphore de l'Algérie, de
celle de l'Algérie française -et de celle du Voyage.
Le mythe du désert des rêves et des souvenirs de
Mourad et la promesse d'un avenir meilleur qui est véhiculé par
ce mythe sont transposés dans La Traversée. La
désillusion semble persister jusqu'à la fin du récit,
l'espoir s'effrite. Mourad retourne à Tasga, un lieu qu'il a
défini comme un village fantôme et où il retrouvera
l'éternel repos, donc la possibilité de ne plus rêver.
La Traversée révèle aussi une
métaphore de l'Algérie française au lecteur attentif aux
signes. Le concept d'une Algérie française à
l'échelle du territoire géographique du pays apparaît
faible et comme appartenant au passé. Des vestiges d'une présence
française subsistent mais sans plus. Il faut ici rappeler que le voyage
à travers le désert est vu comme
une quête d'identité. Mais peut-être
serait-il utile de revoir ici les parcours de chacun des deux protagonistes :
Mourad et Boualem. Voyons d'abord celui de Mourad qui a parcouru tout le
désert pour se rendre compte qu'il est d'une race qui tend à
disparaitre. Toutefois, à la fin du voyage, Mourad prend le chemin de
renoncement, l'unique issue pour les marginaux. Si nous regardons les
déplacements de Boualem, nous pouvons constater qu'il n'a pas
rencontré les grands nomades après lesquels il courait, pour les
rallier à sa croisade. Dès son retour, il va vers la mer, vers
laquelle il n'était jamais allé, comme si elle pouvait effacer
les doutes auxquels il est en proie. Ainsi, ni Mourad ni Boualem ne sortent
indemnes de ce périple au Sahara. Serge, le communiste, soutient le
pouvoir en place. Son parti se situe au spectre du mouvement islamique, comme
pour nous montrer les dangers d'une idéologie islamique tentée de
prendre la succession d'un marxisme. Du côté féminin,
Amalia préfère coucher avec tout homme venu que de faire son
métier de journaliste. A la fin du voyage, les touristes
étrangers retournent chez eux sans que leur vie soit bouleversée.
Quant à Souad, elle joue l'utilité à côté de
la française.
A présent, nous suggérons un modèle
toposémique du parcours de Mourad, comme Mitterrand l'a établi
dans son étude de Ferragus de Balzac.
(Relations géographiques)
Nord Le mythe du désert Sud
Contraires
Point d'arrivée
Point de départ
42
Est Le désert pétrolier et traditionnel Ouest
(Relations psychologiques)
L'axe Nord-Sud correspond au voyage à effectuer
à travers le désert. Le véritable point de départ
des voyageurs ne s'amorce qu'à partir de Ghardaïa en direction du
Sud-Est vers Hassi-Messaoud, et le dernier point pour le retour est
situé au Sud-Ouest, c'est à dire Timimoune. Par contre, l'axe
Est-Ouest fait référence aux déplacements dans les lieux
visités et aux états d'âmes des protagonistes. Du point de
vue sémiotique, Mourad ne peut passer de l'Est vers l'Ouest, d'où
l'obligation d'une descente vers le Sud à destination de Djanet. Au
Sud-Est, nous avons le désert pétrolier, aussi une Algérie
moderne ou du présent, autrement dit d'où commencèrent
l'expédition du pétrole et la narration; alors qu'au Sud-Ouest,
nous avons le
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désert traditionnel, aussi une Algérie profonde
ou du passé et le lieu ou prend fin le périple. Mourad cherchait
le désert de ses rêves. Sur l'axe des contradictoires, les
informations sur le désert traditionnel et le contact avec les coureurs
du vent sont recueillis en empruntant la piste que Mourad traversera du Sud-Est
(El Adeb) au Nord-Ouest du Sahara (Timimoune). Ici, il faut se rappeler le nom
d'Amayas, celui qui assuma le rôle de guide. Mourad se retrouve,
très tôt le matin du dernier jour, devant le panneau d'El Golea ou
dormait Ba Salem tranquillement. En outre, ce même panneau indique, par
son axe, le déplacement à travers le désert et donne
à Mourad la possibilité de se réfugier dans son village
natal, où il mourra. Ainsi le roman s'achève sur une fermeture ou
le héros connaitra une fin tragique. Le narrateur ne laisse pas une
ombre de liberté au lecteur d'imaginer une suite à l'intrigue.
L'approche de l'espace narratif de Mitterrand nous a
donné l'occasion de lire l'espace dans La Traversée et
de localiser ces spécificités. Le roman nous a offert beaucoup de
détails historiques, culturelles et géographiques sur
l'Algérie. Avec la dynamique de l'axe principale Nord-Sud, il nous
présente des personnages types qui tentent de se redéfinir en
effectuant une quête personnelle. Celle-ci s'avère infructueuse
dans le contexte de l'Algérie sous la gouvernance du parti unique. En
somme, l'oeuvre de M. Mammeri s'inscrit particulièrement dans un
contexte politique par le combat d'idées, que menaient les intellectuels
dans les années 70-80 pour un avenir prometteur et
générateur d'une vraie démocratie.
Le roman La Traversée aura surement parcouru
l'espace du désert pour transmettre au lecteur une image assez
signifiante de l'Algérie sous la gouvernance du parti unique. Tous les
rêves et les souvenirs sont anéantis à travers ce vaste
espace. Il est devenu quasiment impossible de vivre dans un pays ou
l'intellectuel est marginalisé. Pour l'auteur, le voyage à
travers le désert vise à dévoiler des
vérités, à réveiller le lecteur et non l'endormir.
La génération de l'après l'indépendance se trouve
trompée et ensuite mise à l'écart. Le voyage devient une
fuite sans issue. Notre travail n'a couvert qu'une dimension
infinitésimale de la spatialité dans le texte. Beaucoup de
domaines restent à explorer dans l'oeuvre de l'auteur. Dans un avenir
proche, nous ambitionnons étendre notre étude sur la
spatialité à toute l'oeuvre romanesque de l'auteur.
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Bibliographie : 1-Le Corpus :
MAMMERI, Mouloud, La Traversée, Phon,
1982,197p.
2-Les autres romans de M. Mammeri :
La Colline oubliée, Phon, 1952, 255p. Le
Sommeil du juste, Phon, 1955, 254p. L'Opium et le bâton,
Phon, 1965, 290p.
3-Théâtre
Le Banquet, précédé d'un essai La
mort absurde des Aztèques, Paris, Librairie académique Perrin,
1973.
Le Foehn ou la preuve par neuf, Paris, Publisud, 1982,
pièce écrite et jouée à Alger en 1967.
4-Nouvelles
« Ameur des arcades et l'ordre », Paris, éd.
« La table ronde », N°72, 1953.
« Le Zèbre », Preuves, Paris,
N°76, Juin 1953, pp.33-67 ;
« La Meute », revue Europe, Paris,
N°567-568, Juillet-Août 1976.
« L'Hibiscus », Montréal, Dérives,
N°49, pp. 67-80.
« Le Désert atavique », Paris, quotidien Le
Monde du 16 août 1981.
« Ténéré atavique », Paris, Revue
Autrement N°5, 1985.
« Escales », Alger, Révolution
africaine, 1985.
Escales, recueil de nouvelles, La Découverte,
1992 (réed. Bouchène, 1995).
5-Travaux sur M. Mammeri :
BONN, Charles, Littérature et oralité au
Maghreb, Hommage à M. Mammeri, in Itinéraire et Contacts de
culture, Volume n°15 /16, 1°et 2° semestre 1992, L'Harmattan,
Paris, 1993.
BOUDJEDRA, Rachid, « les croque-morts »,
Révolution Africaine, n°1309 du 7 avril 1989.
BOURDIEU, Pierre « Dialogue sur la poésie orale en Kabylie »,
in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°23, Paris,
septembre 1978.
45
BOURDIEU, Pierre, L'Odyssée de la
réappropriation, Alger, in Awal, 1998, p.5.
CHAULET ACHOUR, Christiane, « Mouloud Mammeri et Mohammed
Dib- itinéraires conjoints », Algérie
littérature/Action, N°87-88, janv-fév- 2005, p. 52
à 65. (Conférence BNF Paris, 2003).
DJAOUT, Tahar, Entretien avec Mouloud Mammeri, Alger,
Laphomic, 1987.
Jean DEJEUX, « Mouloud Mammeri ou les chemins de
laliberté » in Littérature maghrébine de langue
française, Québec, Editions Naaman,
[1èreéd. 1973], 3ème éd. 1980
revue et
corrigée.
LACETE-TIGZIRI, Nadjia, Relecture de la Colline
Oubliée de Mammeri, Mémoire de D.E.A., Paris VIII, 1998.
VATIN, Jean-Claude, Pour une sociologie politique des
nouveaux désenchantements : A propos d'une lecture de La
Traversée de M. MAMMERI. Annuaire de l'Afrique du Nord,
édition du C.N.R.S, Paris, 1982.
BOUZAR, Wadi, Lectures maghrébines, O.P.U, 1984,
Alger.
6-Ouvrages théoriques cités :
BACHELARD, Gaston, La Poétique de l'espace,
Paris, Les Presses Universitaires de France, 1957, 214p.
BOURNEF, Roland, « L'Organisation de l'espace dans le roman
».Etudes littéraires, vol 3, n°1, Québec,
avril 1970, 77-94.
DÉJEUX, Jean, Situation de la littérature
maghrébine de langue française, O.P.U, Alger, 1982, 271p.
GENETTE, Gérard, « La littérature et l'espace
». Figure II, Paris, Éditions Seuil, 1969, pp.43-48.
MITTERRAND, Henri, Le Discours du roman, Paris, Les
Presses Universitaires de France, coll. "Écriture",1980.
WEISGERBER, Jean, L'Espace romanesque, Lausanne,
Éditions L'Age d'homme, Bibliothèque de littérature
comparée, 1978.
7-Ouvrages consultés :
BAKHTINE, Mikhaïl, Esthétique et théorie
du roman, Paris, Éditions Gallimard, 1978.
46
BLANCHOT, Maurice, L'Espace littéraire, Paris,
Éditions Gallimard, coll. "Idées", 1955.
BUTOR, Michel, « L'Espace du roman ». Essais sur le
roman, Paris, Éditions Gallimard, coll. "Idées", 1964,
pp.48-55.
GRIVEL, Charles, Production de l'intérêt
romanesque, Paris, Éditions Mouton, 1973.
MITTERRAND, Henri, « Chronotope romanesques : Germinal
». Poétique, n°81, Paris, 1990, pp.89-103.
TADIE, Jean-Yves, Le Récit poétique,
Presses universitaires de France, coll. "Écriture",1979.
8-Dictionnaires et Articles :
Hachette, Edition, 2010.
Le Courage lucide d'un intellectuel marginalisé-in
AWAL- n° spécial, 1990, p.p.79-99. L'Opinion, quotidien
national, du 20 avril 1993, Algérie.
El Moudjahid, quotidien national, du 01 mars 1989,
Algérie.
9-Sitographie :
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[en ligne], disponible à l'adresse URL : <
https://is.muni.cz/th/217445/pedf
b/L analyse de Volkswagen Blues.pdf>(consulté:le 02/04/2015)
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Parcours narratifs dans l'oeuvre de Le Clézio et
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DOURARI Abderrezek, «Discours épistémique,
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Littérature, entretien avec Tahar DJAOUT [en ligne], accessible
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http://la-plume-francophone.com/2014/05/14/mouloud-mammeri-entretien-avec-tahar-djaout/>
47
Compte rendu du roman La Traversée de Mouloud
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Relecture de la colline oubliée de Mouloud
MAMMERI [en ligne], accessible de : <
http://www.limag.refer.org/Theses/DEALacete-Tigziri.PDF(consulté:le
05/07/2014)> Ecriture Romanesque Et Intertextualité Le cas de
La Traversée comme réécriture de La Colline
Oubliée de Mouloud MAMMERI [en ligne], accessible de : <
http://bu.univ-ouargla.dz/Amira
Bouricha.pdf?idthese=42(consulté:le 25/07/2014)>
Pour une approche pragmatique des indices d'énonciation
dans Loin de Meddine D'Assia DJEBBAR Et dans La Traversée
de Mouloud MAMMERI [en ligne], accessible de : <
http://bu.univ-ouargla.dz/Aini
BETTOUCHE.pdf?idthese=37(consulté:le 15/03/2015)>
48
7-Annexes : Nord de la carte
Sud de la carte
Sur cette carte figure en couleurs gras, les différentes
étapes du parcours effectué par l'équipe des
journalistes.