Les déplacés allemands après la seconde guerre mondiale( Télécharger le fichier original )par Fortis Matthieu Copin Raphaël Paris-Est Marne-la-Vallée - Licence Histoire 2013 |
II. TypologieMais il reste à savoir qui était concerné par un tel projet. Aujourd'hui, nous sommes en mesure d'affirmer grâce aux recherches des historiens que cela a touché environ 13 millions d'individus. Déplacer une telle masse humaine semble avoir quelques critères en ce qui concerne sa sélection. Nous savons que les expulsés viennent d'anciens territoires allemands situés en Europe centrale et de l'est comme la Silésie, la Poméranie orientale, le Brandebourg oriental, la Prusse orientale, le Danzig, des Sudètes mais aussi de Hongrie, de Roumanie, de Yougoslavie et d'Union soviétique. Même s'ils venaient principalement de Pologne et de Tchécoslovaquie, revendiquaient-ils une identité culturelle allemande ou d'une autre nation ? Cela, les gouvernements n'y accordaient, a priori, peu d'attention avec les décrets Benes qui considéraient comme Allemand toute personne qui, depuis 1929, avait adopté la nationalité allemande ou était membre d'un parti rassemblant des citoyens de nationalité allemande5(*). A l'image de Benes en Tchécoslovaquie, les pays désirant expulser leur population allemande décidèrent arbitrairement du choix des critères. Les Allemands étant de près ou de loin impliqués dans le régime nazi ou possédant des idées à tendance pangermaniste étaient expulsés jusqu'à preuve du contraire. Les perspectives d'expropriation et de redistribution des biens influençaient parfois le choix des expulsés et élargissaient progressivement les caractéristiques justifiant une expulsion. Mais cela représentait une désorganisation totale et le processus d'identification des Allemands se resserra autour des décrets du IIIe Reich définissant la citoyenneté allemande (Reichsbürgergesetz). Ainsi était Allemand, selon la loi sur la citoyenneté du Reich en son article 2, §1, qu'« un citoyen du Reich est uniquement une personne de sang allemand ou apparenté et qui, à travers son comportement, montre qu'elle est à la fois désireuse et capable de servir loyalement le peuple allemand et le Reich ». Un individu est donc de nationalité allemande s'il possède du sang allemand, s'il a un lien de parenté avec des Allemands ou s'il a servi le régime de n'importe qu'elle façon. Les Allemands des régions d'Europe centrale et de l'Est n'étaient pas contre un rattachement au Reich même si on ne peut pas affirmer qu'il y avait consensus sur ce point. Les Volksdeutsche, c'est-à-dire les individus vivant en dehors des régions peuplées majoritairement d'Allemands et ne possédant pas la nationalité allemande mais étant germanophone ou en parenté avec des Allemands, étaient donc autant concernés les Sudetendeutsche, les Allemands des Sudètes en Tchécoslovaquie. Ainsi, un nom à consonance germanique suffisait de motif et de justificatif d'expulsion. Cependant, cela pouvait se révéler problématique pour certains individus et le plus souvent pour les Polonais. En effet, un édit polonais du 28 février 1945 visait à la confiscation des possessions immobilières de tous les individus inscrits sur la Deutsche Volklist, c'est-à-dire une liste où on retrouvait les Allemands polonais se revendiquant de nationalité allemande. Il est apparu que sur cette liste, il y avait presque plus de Polonais que d'Allemands. Pour certains, se revendiquer de nationalité allemande était une façon d'échapper aux souffrances causées par le régime nazi. Ainsi, cela compliquait encore plus comment définir qui était Allemand et les pays expulseurs ne pouvaient donc pas simplement prendre les personnes avec des noms à consonance germanique ou étant inscrits sur une liste de ressortissants allemands. Des vérifications furent demandées pour prouver l'appartenance à la nationalité polonaise ou tchécoslovaque. Ainsi, selon le contexte, des individus s'étaient déclarés comme Allemand pour échapper aux persécutions comme les Hongrois en Pologne. Quelques Allemands échappèrent à l'expulsion en falsifiant des papiers prouvant qu'ils étaient de nationalité polonaise. Mais qui étaient ces Volksdeutsche ? Ils témoignaient d'une certaine mixité sociale et certains vivaient en dehors des frontières de l'Allemagne depuis des décennies voire des siècles avec une présence dès le Haut Moyen-Âge et pour d'autres, cela était plus récent. Il fut constaté que les hommes étaient particulièrement qualifiés pour le travail industriel ce qui influença nettement les expulsions. En effet, il y avait plus de femmes et d'enfants de moins de 16 ans qui étaient expulsés. La première explication est évidemment liée à la guerre qui ravagea la population européenne que ce soit du côté des alliés ou de l'axe. Les pays européens ont peu d'hommes valides au lendemain de la guerre, ce mal leur est tous commun. La limite minimum d'âge pour être réquisitionné étant 16 ans, cela explique la présence de nombreux enfants et la faible présence d'adolescents. Mais la seconde explication vient du fait que les hommes étaient une main d'oeuvre convoitée dont la qualification pour le travail influençait les gouvernements. La reconstruction nationale met en avant des contradictions à gérer : faut-il expulser des individus pouvant servir l'économie ou les garder en choisissant d'expulser leurs familles ? * 5Olga Smidova, Dans l'ombre des Sudètes, Mémoire et identité collective des Allemands tchèques, Revue d'études comparatives Est-Ouest, 2010, vol.41, N°1, pp. 141-162 |
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