1.1.5. Modèle théorique d'Hubert de MILLY
(2003)
Outre la dimension territoriale et la forme institutionnelle
rattachée à la gouvernance par les différents auteurs
cités ci-dessus, Hubert de MILLY de CIRAD-Ecopol avec un regard
d'économiste gestionnaire s'est intéressé à la
question de la gouvernance mais surtout à l'échelon villageois
souvent oublié. Sa réflexion porte alors sur des questions
affectant la gouvernance à ce niveau territorial qu'est le
village ; il s'agit de la pérennité des structures, de la
réorientation des projets, mais également de bâtir de
nouveaux projets dans un contexte où l'on a à faire à des
populations généralement analphabètes. C'est pourquoi
notre modèle explicatif pour comprendre les difficultés des
communautés villageoises béninoises (majoritairement
analphabètes) à assurer la pérennité des actions de
développement et le développement durable se réfère
à lui.
1.1.5.1. Le modèle explicatif d'Hubert de MILLY
(2003)
Hubert de MILLY est allé au coeur des problèmes
de développement des zones rurales en Afrique de l'Ouest
caractérisées par de très faibles revenus par habitant. Il
s'est appuyé sur le développement local (qu'il définit
comme une dynamique de groupes locaux destinée à améliorer
les conditions économiques et sociales de l'espace où ils vivent)
en tant que objectif, mais aussi en tant que moyen de gouvernance locale. Pour
lui, les processus de développement local dans les pays de l'Afrique
subsaharienne ont un impact sur les institutions territoriales.
Sa conception de la gouvernance locale dans ces pays
nouvellement engagés dans le processus de décentralisation est
une manière de révéler au grand jour les
difficultés qui pendant longtemps ont entretenu et continuent
d'entretenir le sous-développement dans les zones rurales en Afrique de
l'Ouest. Elle vise à attirer l'attention des différents
partenaires de développement en interaction sur la
nécessité de réorienter et de bâtir de nouveaux
projets qui tiennent compte d'une réelle implication des
communautés.
1.1.5.2. La démarche méthodologique
d'Hubert de MILLY
Il part du fait que la décentralisation est un outil
de développement qui instaure des collectivités
décentralisées de plein exercice. Cependant, il souligne que la
reconnaissance du village en tant que niveau institutionnel devrait l'affecter
sur le plan socio-économique avant de souligner que l'échec ou la
durabilité des investissements réalisés dans les zones
rurales est apparu tout aussi patent. A cet effet, il relie la question de la
durabilité à la notion de participation : participation au
diagnostic aboutissant au choix des investissements et participation au
financement pour s'assurer de l'intérêt des populations. L'aspect
choix et l'aspect financement conditionnent de ce fait la durabilité
d'un investissement en milieu rural. Mais il relève qu'une participation
restée au choix et au financement reste perverse. Il faut
dépasser cette étape de mobilisation et d'intéressement
des villageois pour créer de véritables instances locales (le
local vu ici comme le niveau villageois) qu'il appelle des structures projets
pour l'étude de propositions de réalisations, pour les
décisions d'affectation de fonds, parfois même pour la
propriété de ces fonds, ainsi que pour la maîtrise
d'ouvrage des investissements entrepris. Le constat est que ces structures
projets ont des problèmes de durabilité une fois le partenaire au
développement retiré. Il propose donc une refondation
des pouvoirs publics locaux avec comme base le développement
local. Il fait alors le constat que l'échelon inter-villageois
malgré l'analphabétisme est pertinent pour aborder les questions
d'aménagement et plus largement de développement local. Il met
alors l'accent sur le fait que des analphabètes pouvaient être mis
en situation de bailleurs de fonds, gérer des budgets d'investissement
importants, et exercer leur maîtrise d'ouvrage, à condition de
bénéficier des outils et des appuis nécessaires et d'un
cahier des charges précis et cohérents.
Hubert de MILLY dans sa démarche met l'accent sur le
lien réciproque entre deux notions que sont le développement
local et le renforcement du projet politique de décentralisation ou de
refondation de l'Etat. Le développement local est à la fois
objectif en soi, et moyen pour la gouvernance locale car la durabilité
des investissements passe par leur appropriation par les
bénéficiaires d'une part et la durabilité physique au prix
d'un fort investissement dans le capital humain villageois
généralement oublié dans la construction du pays. Il
révèle de ce fait que les villages sont enclins à des
contraintes levables.
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