Etudes de la pierre de taille a travers les
Temples Commemoratifs d'Antananarivo :
Essai
d'Ethnologie des Techniques
(Mémoire de maitrise Es Lettres et Sciences
Humaines)
Université d'Antananarivo
Faculté des Lettres et Sciences
Humaines Département d'Etudes Culturelles U.F.R
Cultures-Sociétés-Individu
|
|
Présenté par : Haja Mampionona Hillarion
RAJERISON
Membres du jury :
President : Monsieur Lala
RARIVOMANANTSOA, Professeur titulaire
Juge : Madame Lolona Nathalie RAZAFINDRALAMBO, Maitre
de conférences
Rapporteur : Monsieur RAFOLO
ANDRIANAIVOARIVONY, Professeur
Université d'Antananarivo
Faculté des Lettres et Sciences
Humaines Département d'Etudes Culturelles U.F.R
Cultures-Sociétés-Individu
|
|
Etudes de la pierre de taille a travers les
Temples Commemoratifs d'Antananarivo : Essai
d'Ethnologie des Techniques
(Mémoire de maitrise Es Lettres et Sciences
Humaines)
Présenté par : Haja Mampionona Hillarion
RAJERISON
Membres du jury :
President : Monsieur Lala
RARIVOMANANTSOA, Professeur titulaire
Juge : Madame Lolona Nathalie RAZAFINDRALAMBO, Maitre
de conférences
Rapporteur : Monsieur RAFOLO
ANDRIANAIVOARIVONY, Professeur
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer mes reconnaissances à
Monsieur RAFOLO ANDRIANAIVOARIVONY en acceptant de diriger ce travail ; d'avoir
donné de son précieux temps pour les corrections et les
importants conseils.
J'adresse également mes vifs remerciements :
- Aux membres du jury,
- A tous les responsables des centres de documentation et
bibliothèques consultés, - A ma famille et amis
A tous ceux qui ne sont pas cités, qui ont
contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce
mémoire, qu'ils trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 6
I-LA PIERRE ET LES MALGACHES DE L'IMERINA AVANT LES
TRANOVATO
CHAP I LES DIVERSES UTILISATIONS DE LA PIERRE EN IMERINA
9
CHAP II L'INTERDIT DE LA PIERRE EN IMERINA DEPUIS
ANDRIANAMPOINIMERINA
A RANAVALONA II .19
CHAP III LA LEVEE DE L'INTERDICTION SOUS RANAVALONA II
26
II LE MATERIAU PIERRE DANS LES QUATRE EGLISES
COMMEMORATIVES
CHAP IV LES ORIGINES DES CONSTRUCTIONS RELIGIEUSES
32
CHAP V LA CONSTRUCTION DES TRANOVATO
36
CHAP VI BREVES COMPARAISONS DES MONUMENTS EN PIERRE
55
III LES EGLISES DE PIERRE : NOUVEAUX SYMBOLES, NOUVEAUX
REPERES VISIBLES
CHAP VII VALEURS DES QUATRE MONUMENTS
61
CHAP VIII LE CONCEPT DE « TRA N~~~~o ,,
70
CHAP IX LES EGLISES COMMEMORATIVES DES NOUVEAUX REPERES ET
SYMBOLES. 76
CONCLUSION 83
BIBLIOGRAPHIE 85
TABLE DES ILLUSTRATIONS 89
TABLE DES MATIERES 90
FINTINA 93
RESUME 94
SUMMARY 95
INTRODUCTION
L'usage de la pierre date d'environ deux millions
d'années. Les Hommes des cavernes s'en servaient comme outils de
défense et de chasse1. Depuis, les techniques et les usages
de ce matériau n'ont cessé d'évoluer. Du matériau
de survie, la pierre devenait des objets témoignant les croyances
ancestrales2. Elle revête de ce fait des caractères
sacrés. Une matière associée aux cultes des
ancêtres, la pierre occupait, comme ailleurs, une place
considérable à Madagascar3, surtout sur les
Hautes-Terres4.La présence des Vatolahy dans
différents endroits en sont les preuves. L'aménagement de
l'habitat y était aussi soumis à des règles strictes au
souci du respect des ancêtres. L'art de bâtir, très
caractéristique et propre, y était en fonction du climat, du
matériau et a été repris de génération en
génération. L'arrivée des Européens dans la grande
île marquait le début d'une nouvelle ère dans divers
domaines.
CHOIX ET INTERETS DU SUJET
L'architecture traditionnelle malagasy se caractérise
par l'emploi intégral de matière végétale
d'où sa qualification de civilisation du
végétal5. Ce style s'imposait du fait du bois,
principal matériau à proximité et abondant. La cité
était également liée à un édit royal
interdisant l'emploi d'autres matériaux que ceux « vivants ».
Une nouvelle ère commençait avec les missionnaires dès
Cameron (J.) en 1826. Des influences architecturales européennes
s'observaient. Les maisons en briques, à vérandas, gagnaient de
la place. L'usage de la pierre faisait son apparition avec la construction
successive des Temples commémoratifs de la Capitale, des bâtiments
à formes et styles importés d'Europe. La levée de
l'interdiction des Sampy par Ranavalona II libérait l'ancienne
cité pour l'usage de la pierre ; ajoutés à cela, la
raréfaction du bois, les incendies fréquents sur la haute ville.
Voulant créer des foyers de cultes durables en mémoire des
martyrs malagasy, les missionnaires-architectes apportaient de nouveaux styles,
de nouvelles techniques étrangères à la population de
l'Imerina. Ceci va influencer le domaine de la construction et l'art
de bâtir malagasy. L'édification des Temples
commémoratifs
1 Période de la pierre taillée- de la pierre polie
: Préhistoire, une période que Madagascar n'a connu,
jusqu'à la découverte de preuve (exemple : restes humains de
10.000 ans ou des pierres travaillées : polies ou taillées).
2 Les grands monuments sont cependant parmi les plus anciens.
Les grands alignements bretons ont été construits entre 4000 et
3000 ans av. J.-C. La construction de Stonehenge en Angleterre a
débuté en 2750 ans av. J.-C. et s'est poursuivi jusqu'en 1500 ans
av. J.-C. Les grands dolmens de Newgrange et de Knowth sont datés de
2000 ans av. J.-C. Les menhirs de Corse quant à eux datent de 1000 ans
av. J.-C. (source : Les mégalithes in Wikipedia)
3 Madagascar est parmi les pays où se localisent les
mégalithes, cités par des archéologues.
4 Une recherche concernant les pierres levées a
été déjà entreprise (Les Vatolahy dans le
Fisakana par RANDRIANANDRASANA, mémoire de maitrise 2005)
5 DOMENICHINI-RAMIARAMANANA (B.) Architecture dans la
tradition des hautes terres centrales in Bulletin de
l'Académie Nationale des Arts, Lettres et Sciences Tome
71/1-2 1993, pp 13-14
montrait également l'adoption du christianisme, devenu
religion de l'Etat, à la place de l'idolâtrie. Toutes ces raisons
que nous avons jugées importantes ont déterminé notre
choix.
PROBLEMATIQUE
Quelles techniques ont été
déployées pour la construction des Temples Commémoratifs
d'Antananarivo ? Les connaissances sur les techniques et méthodes de
construction, les concepteurs de ces travaux, les ouvriers des chantiers
demeurent encore vague voire même inexplorées. Aussi les
connaître nous est-il d'un intérêt important. Mais tout
d'abord il faudrait essayer d'étudier les diverses utilisations de la
pierre en Imerina, ensuite le matériau pierre dans les temples
commémoratifs. Enfin que constituent ces monuments par rapport au temps
et à l'espace ?
Etant donné que toute technique est une production
sociale1, nous posons l'hypothèse que l'adoption des
nouvelles techniques contribue à la création de nouvelles
identités en Imerina.
METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Il est important de cadrer l'étude car les
Tranovato témoignent de grandes révolutions dans
l'Histoire et la culture de l'Imerina. De ce fait, le recours à
une démarche historique est nécessaire. Le fait que ces monuments
appartiennent au passé et à l'Histoire, les collectes de
données et d'informations se faisaient par consultation de documents,
d'ouvrages et d'archives... Il faudrait analyser et interpréter toutes
ces informations recueillies d'où l'utilité d'une approche
analytique. On ne peut cependant écarter une démarche descriptive
ni moins une approche déductive. La conjugaison de ces approches nous
permettrait d'étudier au mieux notre sujet.
PLAN DU TRAVAIL
Notre travail se divisera en trois grandes parties. Etant
donné que la pierre jouait un rôle crucial bien avant
l'édification des « Tranovato », il est
nécessaire tout d'abord, dans une première partie de voir les
liens entre les Malagasy de l'Imerina et la pierre. Ensuite, on
traitera dans la deuxième partie l'utilisation du matériau pierre
dans les quatre églises. Enfin, dans la troisième partie, on
parlera de la place qu'occupent ces monuments dans la société
merina. Nous allons donc entamer avec la première partie de notre
travail.
1 Cf. Dictionnaire de l'Ethnologie et de l'Anthropologie
P.U.F, Paris 1992
PREMIERE PARTIE
LA PIERRE ET LES
MALAGASY DE L'IMERINA AVANT LES
TRANOVATO
CHAPITRE I LES DIVERSES UTILISATIONS DE LA PIERRE EN
IMERINA
La pierre occupait déjà une place
considérable dans la vie des Malagasy d'hier. Ce fait s'explique
probablement par la présence en abondance de cette matière
presque partout. D'ailleurs, les notices géologiques du Docteur Catat
(L.)1 ainsi que les descriptions de Copalle2 les
confirment. L'Homme Malagasy a autour de lui des matériaux
inépuisables. Cette importance était également, du fait de
son usage, observable dans le quotidien de nos ancêtres. En effet, la
pierre était utilisée dans plusieurs domaines de leur vie. Nos
ancêtres ont exprimé leurs capacités et leur savoir faire
par l'intermédiaire de cette matière. La pierre était
intimement liée à la vie des Malagasy d'autrefois. Nous allons
donc par la suite, expliciter étape par étape ce lien qui
attachait la matière pierre et le Malagasy de l'Imerina dans sa
civilisation bien avant l'édification des Tranovato.
I-1 LA PIERRE DANS LES FORTIFICATIONS- PROTECTION DE LA
CITE
Conquérir des terres afin d'agrandir le territoire et
le royaume était toujours dans l'objectif des souverains qui se sont
succédés à Madagascar. La plupart des anciennes
cités de la grande ile, surtout en Imerina, étaient
pourvues de Hadivory (littéralement : fossés). Ces
sortes de grands canaux étaient aménagées dans l'ultime
but de protéger, un village et son peuple contre toutes sortes
d'invasions extérieures. En plus de ces fossés qui entouraient la
cité, il y avait également le kodiavato (portail en
disque de pierre). La pierre a été grossièrement
façonnée pour obtenir une forme circulaire. Cette forme a
été prise de façon à ce qu'on pouvait facilement la
manier quand vient le matin pour sortir ou la fermer le soir ou en cas de
guerres ou présence d'envahisseurs. La présence de telle
construction montre déjà les savoir faire et les capacités
créatrices des anciens. En effet, même s'ils n'avaient en leur
possession que des techniques et outils rudimentaires, nos ancêtres, avec
les matériaux existant, créaient des objets monumentaux. Des
questions sur les moyens de transports de ces matières méritent
également d'être élucidées. En effet, vu que nos
techniciens avaient à faire à des mégalithes, on se
demande comment ils étaient transportés ? Qui se sont
chargés de cette lourde tâche ?... Il est également
à noter que le disque de pierre, pour éviter qu'il ne tombe
facilement, était toujours accompagné de deux autres pierres qui
ont des formes (grossièrement) allongées, appelées
poternes. Ces dernières qui se trouvent à l'intérieur du
mur de protection servaient de cale pour le disque de
1 « Antananarivo est située sur un massif rocheux de
gneiss et de granite. Le gneiss à feld- spath et à quartz
grisâtre émergent du sol, en gros blocs dans les quartiers de
Faravohitra ; Fiadanana ; Ambohipotsy ... » in
Etude du patrimoine architectural urbain de
Tananarive
2 Madagascar d'autrefois in Revue de Madagascar
3é- 4é trimestre 1969 pp 5- 61
pierre. Il y a également la grosse dalle de pierre qui
sert de traverse au portail, appelée linteau en haut des deux poteaux de
pierre.
Photo1 : un portail d'entrée d'un village
d'Ambatomanga avec disque de pierre à droite (Le portail a
été déjà modifié pour que les
véhicules puissent entrer au village)
Photo. 2 Photo. 3
Photos 2 et 3 : Un portail sis à Andohalo
(cliché de l'auteur) et une ancienne porte
(Ambatofisaorana) in Histoire de
Madagascar (G. BASTIAN et H. GROISON) p71
Ces techniques de protection s'observaient également
ailleurs mais pas seulement en Imerina. Dans le pays Betsileo par
exemple, on observait d'autres formes de protection du village. A une certaine
époque, l'agglomération était établie sur la pointe
extrême des montagnes. Les parties basses, marécageuses
étaient malsaines, inhabitables1 .Cet aménagement
était bien protégé du coté des pentes
1 Histoire de Madagascar p54 par G. BASTIAN et H.
GROISON, Paris 1967
douces par des remparts de pierres surmontés
d'épines fixés par des blocs mobiles. Les portes des multiples
enceintes se fermaient par d'énormes pierres que l'on poussait de
l'intérieur1.
I-2 LA PIERRE DANS LES NOMS DES LIEUX : TOPONYMIE
La matière pierre, comme nous l'avons
évoqué précédemment abonde dans l'environnement
depuis toujours. Le Malagasy d'hier aimait observer et étudier le lieu
où il se trouvait. Il était en liaison très étroite
avec sa nature. Ce caractère curieux et intelligent le permettait de
donner des noms au milieu qui a été observé ou qui lui
servait de territoire. Les composantes biologiques et écologiques du
milieu permettaient d'en céder un nom. Beaucoup de lieux à
travers la grande île portent le nom avec la mention pierre en
préfixe. Que se soit un quartier, un village, une ville, il en existe
presque partout. Des chercheurs ont même affirmé que le nom de
notre pays « Madagascar » veut dire, si on le décompose, la
« pierre des Malagasy » (Malagasy ; Hara=vato : vaton'ny
Malagasy)2.
Les noms de ces endroits, mentionnant la pierre, varient selon
les caractères, les qualités, les couleurs de cette
dernière. On peut prendre l'exemple de : Ambatofotsy
(littéralement pierre blanche) ou Ambatomena (pierre rouge),
Ambatomanga (pierre bleue), Ambatomainty (pierre noire)...Des
noms de quartiers et villages qui se rapportent sur les couleurs des rochers ou
pierres qui s'y trouvent. Des noms peuvent également être
donnés en fonction d'une personne, d'un individu qui avait de
l'influence ou occupait une place importante dans les anciennes
sociétés ou autres raisons... Nous pouvons prendre l'exemple
d'Ambatondralambo (de la Route Nationale 3).Ralambo était un
des souverains merina de l'ancienne époque. Il y a aussi
Ambatondrafandrana là où se trouve le tribunal sous la
reine Ranavalona II, près du palais de la reine (pierre de
Rafandrana). Un autre quartier porte le nom de ce personnage :
Ampandrana.
D'autres types de noms de village et/ou quartier ont
été également donnés par rapport à la
stature de la pierre. Il y a par exemple Ambatomitsangana (le quartier
de la ville d'Antananarivo et village se situant sur la route nationale 3) qui
veut dire littéralement pierre levée (ou dressée).Des noms
en rapport avec les caractères de la matière pierre. On a tout
d'abord Ambatomitokana (litt. : à la pierre qui est seule ou
isolée) (un village de la route nationale 3), après, il y a
Ambatomiranty (route vers Sadabe) qui veut dire la pierre
exposée, bien visible ; ensuite ; viens Ambatomirahavavy (route
nationale 1) les pierres soeurs ; enfin, il y a Ambatobevohoka (litt.
: à la pierre enceinte) (qui demeure jusqu'à présent dans
un de nos proverbes) qui veut dire littéralement la pierre enceinte.
1 D'après DUBOIS in Histoire de Madagascar p 40
G. BASTIAN et H. GROISON
2 Rakibolana Rakipahalalana, d'après RAFOLO
A.-Akademia MALAGASY Antananarivo 2005, pp 837-838
La liste des toponymes malagasy mentionnant la pierre est
vraiment innombrable. On ne peut pas les citer, tous, dans notre recherche,
mais quelques uns seulement. En tout cas, on peut affirmer, partant de ce qui a
été dit que la pierre occupe une place importante dans la vie des
Malagasy d'hier. D'autres faits montrent également l'importance de la
pierre dans le quotidien des Malagasy.
I-3 LA PIERRE DANS LES DICTONS ET PROVERBES
Les Malagasy des anciennes époques se distinguaient par
leur sagesse. En effet, même si nos ancêtres n'avaient aucune
idée sur ce qu'étaient l'école et l'écriture (qui
n'ont fait leur apparition qu'au XIXe siècle sous Radama I),
ils avaient des connaissances. Ces connaissances mélangées de
sagesse se manifestaient en partie par des formes oratoires. Le Kabary
tenait depuis des siècles et des siècles une place importante
dans tous les faits et événements qui se passaient dans leur vie.
En fait, le Kabary consiste à savoir jouer des mots en
employant des Sarin-teny et Fanoharana, des Haiteny
ou des Tsilalaon-teny. Ce sont des figures de styles
utilisées durant une prise de parole, une discussion.... Le choix des
mots utilisés se faisait avec le plus grand soin. Un de nos dictons dit
clairement « Avadibadiho im-pito ny lela vao miteny » (litt.
: il faut bien modérer ou peser ses paroles). Nos ancêtres font
toujours références à leur environnement et entourage pour
s'exprimer. En se référant à leur monde (avec les
repères comme l'espace et le temps), ils ont pu, avec l'habileté
de « jouer » avec les mots, créer, inventer, imaginer des
situations ou des constats.
Chaque objet ou matière dans les quotidiens des
Malagasy d'hier avait sa place. En ce qui concerne la pierre en particulier,
beaucoup de proverbes en parlent. Celle ci, comme dans la sous partie que nous
avons traitée précédemment ; car elle tenait une place
importante pour eux. Les gens d'hier comparaient leur vie avec tout ce qui les
entourait en utilisant des proverbes et des figures de style. Dans une
société on peut toujours rencontrer des problèmes et une
petite déstructuration mais cela, après discussion et
éclaircissement, finit par s'arranger. «Vato ambany riana: tsy
mikorontana fa mifanam-boatra toerana» ou «Vato
an-dava-drano: tsy miady fa mifanajary toerana» (litt. Des rochers
sous une cascade: ils ne sont pas en confusion mais s'aménagent entre
eux). La vérité est une des valeurs qui était importante
dans la vie des Malagasy. Beaucoup de dictons en parlent également comme
« Ny marina tsy mba maty ».Les anciens croyaient que nous
récolterons les résultats de toutes les choses durant notre vie
« Ny atao no miverina ». Tout acte venant d'un individu se
retournera, tôt ou tard, que se soit une bonne ou mauvaise action, contre
lui. On ne peut tout cacher. Tout se dévoilera au grand jour
«Vato an-tanimbary : na tsy voan'ny antsy fararano aza, ho tratry ny
angady
lohataona » 1(litt. Un rocher d'une
rizière : si la faucille de la moisson ne le touche ; la bêche
s'en chargera en automne). La présence dominante de la jeune
génération fait forte pression sur la précédente et
dont les jours sont comptés « Ny tanora vato mandondona, ny
antitra hazo amorontevana » (litt. Les jeunes sont des gros rochers
pressants ; les âgés des arbres au bord d'une falaise).
Il y avait autrefois des situations où même une
chose que l'on estime sans importance l'était pour les anciens. Il y a
un dicton qui dit « Tain'omby mivadika aza misy tompony »
(litt. Une bouse de boeuf retournée a déjà un
propriétaire). Ceci, afin de préserver le «
Fihavanana » et de garder une certaine harmonie de la
société. On respectait ne serait-ce qu'une minime des
règles de cette société. La confiance régnait entre
les personnes de peur du « tody ».Si on demandait du service
ou de l'aide à quelqu'un on pouvait espérer une réponse
satisfaisante : « Mandry ivohon'ny vato » (litt. dormir sur
de la pierre), une matière stable sans changements importants.
Nous pouvons donc affirmer que les Malagasy savaient
parfaitement tirer et comparer leurs vies quotidiennes à d'autres formes
de vies de leur entourage. Le sens de l'observation qu'ils avaient montre leur
intelligence et leur sagesse incroyable sans même fréquenter
l'école. Il y également d'autres situations qui montraient
l'importance et les liens entre le Malagasy d'hier et la matière
pierre.
I-4 LA PIERRE DANS LES COMMEMORATIONS
La terre des ancêtres « Tanindrazana
» (litt. Terre des ancêtres) occupe une place fondamentale dans la
vie des Malagasy. L'importance de cette dernière demeure dans le fait
qu'elle est le patrimoine le plus sacré. En outre, cette terre va
être le lieu où se reposera, dans le caveau familial le corps d'un
défunt. En outre, le commerce est une des activités qui fait
vivre beaucoup de Malagasy, en l'occurrence, ceux de la région de
Manjakandriana et ceux du sud (faire du « varo-mandeha
» ou « mila ravinahitra » : faire du commerce). Cette
nécessité « filàna ravinahitra » pousse
le Malagasy à quitter son Tanindrazana pour voyager afin de
trouver, de chercher l'utile (Mitady ny mahasoa), ce qu'il y a de
meilleur. Ceci est justifié même par le proverbe : « Ny
fitadiavana (filàna) mahazaka maniraka » (litt. La
nécessité pousse à partir).Chacun se déplace,
parfois tout le temps, afin d'essayer de vivre au mieux et de satisfaire les
besoins nécessaires. Presque partout dans la grande île, dans
chaque région, on observe un cosmopolitisme. Quitter son
Tanindrazana ne pose pas de problème. Cependant, il y a souvent
des cas où le voyageur, très loin de ses terres ancestrales ou
faute de moyens ou pour d'autres raisons(attaquer par les dahalo et
corps introuvable) ne parvient plus à rentrer, et même mort le
corps
1 Ny Ohabolan'ny Ntaolo nangonina sy nalahatr'i COUSINS (W.)
sy PARRETT (J.), p 148 Imprimerie Imarivolanitra Tananarive, 1912
n'a pas été rapatrié. Le concept de
« very faty »ou « tsy hita faty » (litt.
corps du défunt non rapatrié ou disparu) n'est pas acceptable
pour les Malagasy. Croyant qu'il existe une autre vie après la mort et
que les Razana bénissent, les vivants en prenaient soin. Ceci
également dans le but de les honorer parce que leur souvenir est cher
à leur entourage. Les Malagasy essayaient toujours de rapatrier le corps
d'un défunt au caveau familial. Quelques fois, seuls les membres du
disparu parviennent à la famille. Cette situation serait à
l'origine du terme Taolam-balo (ou littéralement huit os).En
effet, pour éviter des difficultés de transport, on enlevait
-dit-on- les chairs des os des bras et des pieds et on amenait seulement ces
huit os afin de les inhumer dans le tombeau familial. Dans certains cas, la
situation de « very faty » (litt. : corps du défunt
introuvable) se réalise vraiment. Le Malagasy est doté d'un sens
de respect envers le défunt (qui va devenir Razana), d'une part
et d'une créativité étonnante et imaginative, d'autre
part. Cette créativité se matérialise par l'utilisation de
la pierre. Cette matière, ornée et sculptée symbolise la
perte d'un être et pour en garder des souvenirs. Lebras
(J.F.)1 évoque un exemple de pierres levées qui
commémorent la disparition de personnes. Ces pierres, au nombre de
quatre à cinq, sises à Ambohimanarivo (RN3 vers
Anjozorobe) sont dédiées, dit-il, à quelques personnes.
Une de ces pierres porte une inscription « Fahatsiarovana an'i
Razafinatoandro mianaka very faty tamin'ny tany malagasy ».Ces
pierres ont été érigées tout simplement pour qu'on
ne les oublie jamais. Selon le Tantara2 les pierres
débout ont quelques raisons d'être érigées.
Premièrement, parce qu'un tel est mort et le corps n'arrive pas au
tombeau familial car on ignore l'endroit où il était
décédé. Les membres de la famille du défunt, pour
se souvenir de leur bien aimé, érigeaient une pierre en sa
mémoire. Deuxièmement, ces pierres sont également des
monuments funéraires édifiés sur des lieux où ont
été déposés des restes mortels. Enfin, ces
constructions qui parsèment les collines de l'Imerina sont
mémorielles.
Photo 4 : une Pierre commémorative sise à
Talatan'ny volonondry en souvenir des défunts
(RN3) à coté d'une tombe (cliché de
l'auteur)
1 In Transformation de l'architecture funéraire en
Imerina LEBRAS (J.F.), 1971- p116
2 Ibidem p 116
Partout dans la grande île, il existe beaucoup de formes
et types de pierres levées. Selon Lebras1, on distingue deux
types de pierres levées (en Imerina).Il y a d'un coté
l'Orimbato. Il y a de l'autre coté les Tsangambato.
Ces types de pierres débout avaient leurs justifications et raisons
d'érection distinctives. Si la première est érigée
afin de commémorer des événements guerriers ou publics ;
des adoptions ; des procès ; des achats..., la deuxième par
contre, entrait dans le cadre de souvenir d'un défunt. L'exemple que
nous avons cité auparavant, illustre cette dernière. Pour la
première catégorie, nous pouvons prendre comme exemple la
stèle de l'Independence sise à Antaninarenina. Ce monument
était érigé afin de commémorer notre
Indépendance proclamée le 26 juin 19602. Le
deuxième exemple, c'est la stèle à l'Université d'
Antananarivo, à l'entrée de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines. Ce monument marque la 180e année
(1823-2003) de l'introduction de l'écriture à Madagascar sous le
règne de Radama I. Il existe encore d'autres usages de la pierre.
I-5 AUTRES UTILISATIONS DE LA PIERRE
I-5-1 Marque du pouvoir, du territoire et de la
collectivité
Le Vatomasina (pierre sacrée) jouait un
rôle crucial dans les anciennes sociétés Malagasy, du point
de vue de la gouvernance. En effet, à chaque fois qu'un souverain meurt
il y avait toujours quelqu'un qui la succédait. Celle ou celui qui
accédait au trône devait se montrer au peuple lors du «
Fisehoana ». Il (ou elle) devait monter sur le
vatomasina et prononcer le discours royal. Cette action était
vraiment nécessaire car elle montrait au peuple que le nouveau roi (ou
reine) prenait les pleins pouvoirs. Le peuple tout entier lui devait
obéissance et toutes les terres lui appartenaient ainsi que certains
animaux domestiques (Omby mazava loha-Volavita).En Imerina et
ailleurs, selon Rasoarifetra3, interviewée par une des
presses locales, la pierre sacrée (vatomasina) jouait un
rôle crucial dans la construction d'une société. En effet,
ce chercheur affirmait que : « c'était une coutume en
Imerina et partout dans la grande île ; quand on construisait un
village, que le roi déposait une pierre montrant que la terre et le
pouvoir lui appartenaient ».Cette coutume héritée des
Indonésiens était, selon elle, transmise depuis bien avant le
règne d'Andrianjaka (1610-1630).Certaines informations affirment que
c'était au XIVe siècle que cette tradition
était instaurée à Madagascar.
1 In Transformation de l'architecture funéraire en
Imerina
2 In Histoire de Madagascar
3 Journal Ao raha paru le 16
février 2010 numéro 1352 Article écrit par
ANDRIANTSIFERANARIVO (B.) p 4 rubrique Société-
Recherches récentes que RASOARIFETRA (B.) avait faites à propos
du palais de la reine à Manjakamiadana pour l'obtention du Doctorat.
Cette manifestation du pouvoir par la pierre était
également visible ailleurs. Dans le pays Betsileo, le roi Andriamanalina
du Lalangina (1750-1780) fonda le royaume d'Isandra et groupait, par la force,
par la diplomatie ou par ruse les fiefs indépendants du Betsileo sous
son autorité. Ce roi marquait tous ses territoires et son
autorité par des Vatolahy1. Les pierres
levées symbolisent également d'autres situations. En effet,
d'après Randrianandrasana2, les Vatolahy
commémorent la fondation d'un village. Tout en l'érigeant, on se
souvient de la date de la création mais aussi l'événement
qui se sont déroulés durant cette fondation. Les pierres
débout peuvent être également des témoins de la
solidarité de la population. En effet, ériger une pierre d'une
taille monumentale qu'étaient certaines pierres levées
n'était en aucune manière chose facile. De telles
érections avaient forcement besoin de beaucoup de mains d'oeuvres que ce
soit dans le transport ou bien dans l'érection proprement dite. Il y a
même un village appelé Ambatonaorina (Fandriana) dans le
Betsileo du nord dédié aux 150 hommes de Sahamadio pour leurs
collectivités. La solidarité de ceux qui avaient
érigé les pierres levées était donc prouvée
par les pierres elles-mêmes. Tous ces monuments sont des preuves
concrètes de notre passé et font partie de ce qui forme notre
Histoire. L'érection de pierres levées ne se limitait pas
seulement dans la commémoration d'événements ou de
personnes. Il y a aussi, par exemple, le Vatolahy érigé
sur le lieu de passage de Ranavalona II à Amoron'i Mania. D'autres
formes d'utilité de la pierre existent également.
Berthier3, évoque que les Tatao, des amas de pierre
dressée en des points levés ou des croisements de routes,
seraient élevés à la demande d'une personne, lorsque cette
dernière était encore envie. Ceci permettait à ceux qui
l'honoreraient après sa mort de voir leurs voeux exaucés.
Les ancêtres ne meurent pas, pour les Malagasy, ils
continuent à vivre dans l'au-delà. C'est seulement après
l'exhumation que le défunt deviendra Razana. Mais il passe
à de différents stades avant d'en arriver là. Après
la mort, il y a le stade où on l'appelle revenant (angatra),
l'esprit est encore errant. En attendant son exhumation, le revenant se
transforme en Avelo ou Ambiroa. Dans l'Ankay (Bezanozano),
beaucoup de personnes croyaient et continuent à croire que les vivants
ont le devoir d'ériger des pierres levées pour les morts. Ceci
pour que ces derniers aient leurs « Zara tokontany 4» afin
qu'ils n'errent partout. Les Tsangambato dans cette localité,
pour certaines familles sont groupés en un seul endroit. Ceux dont le
corps n'a pu être rapatrié à leur Tanindrazana ont
également des pierres levées avec celles de la famille. Dans
d'autres régions, il y avait également d'autres types
d'utilisation de la pierre.
1 In Histoire de Madagascar - les pierres levées
de ces époques ressemblent donc aux bornes posées par le service
des domaines actuelles marquants la propriété d'une personne ou
d'un groupe de personne. Pp 38-39.
2 In Les Vatolahy dans le Fisakana pp
20-29(mémoire de maitrise ès Lettres 2008).
3 In Transformation de l'architecture funéraire en
Imerina LEBRAS p116.
4 Tantaran'i Madagasikara isam-paritra RANDRIAMAMONJY
(F.)
I-5-2 Lieu du « Dina » ou du « Velirano
»
Il existe beaucoup de pierres débout dans l'Ankay. Ces
monuments présentent les différents aspects de l'Histoire de
cette localité et également les formes de la vie de sa
population. L'alliance avait pour les anciens une importance cruciale.
Même s'il n'existait aucun lien de parenté entre deux individus,
ils avaient quelque chose de commun et se comportaient comme de vrais
consanguins. Ils avaient consolidé leur lien par le
Fatidrà. Afin de préserver ce Fihavanana, ils
construisaient un Orimbato qui témoignaient les pactes à
respecter (« Velirano natao am-pasambazimba ka izay mivadika kely ila
»).Ces pierres se groupaient également et s'alignaient. On
appelait ces gens des Mpiray Saotra .Il y a également le
Vato Filahoana. Ce type, avec association de grosses et de petites
pierres, a la même fonction que le Tatao que nous avons
évoqué pour le cas du Betsileo. En effet, c'est là qu'une
personne se met débout pour prier et demander les
bénédictions de ses ancêtres et ses dieux. On a enfin le
Vato natsangana qui est dédié à des personnes
célèbres. Beaucoup d'entre eux portent de noms dans l'Ankay.
Beaucoup de Malagasy croient que les pierres au dessus des
tombeaux de Vazimba sont sacrées et ont des pouvoirs d'exaucer
des voeux. Certaines personnes viennent même offrir des sacrifices tels
un coq rouge ou un mouton. On éparpillait le sang des offrandes sur les
pierres1. Des fois, on les enduisait d'huile lorsque les
prières ont été exaucées : « Vato
nahitàna soa aza hosora-menaka » (litt. On oint une pierre
bienfaisante)
Photo 5
Un autre exemple de Vatolahy qui était dit-on
à l'origine du nom du village Ambatomitsangana à
Talatavolonondry (RN3)
1DELAHAIGUE-PEUX affirmait, dans son livre
intitulé Manjakamiadana 1996, p84 que par la « pierre
les souverains affirmaient leurs droits : parce qu'ils ne savaient par
écrire, les rois d'autrefois firent des pierres leurs titres
d'héritage, un titre durable et qui ne serait jamais détruit
.Cette pierre sainte était une pierre polie, taillée et
enfoncée profondément sur laquelle on rependait le sang d'un
boeuf [..j et devant laquelle le roi invoquait les Dieux, le créateur et
les ancêtres ».
I-5-3 La pierre dans les jeux
Les enfants Malagasy d'autrefois avaient des jeux qui leur
servaient de passe-temps quand ils gardaient les animaux ou quand venait le
soir (diavolana) .En effet, la société ancienne avait
différents jeux qui leur étaient propres. A l'aide de l'argile
par exemple, les garçons façonnaient des petits zébus :
kiombiomby. Avec de la bouse de zébu sèche et du
fandrotrarana (herbe) on creuse un trou sous terre et on obtenait
l'amponga tany.
Concernant la matière pierre, elle occupait
également une autre place dans les jeux et divertissements. En effet,
des jeux malgaches anciens montraient l'utilisation de la pierre. Le
Tanisa, un jeu qui consiste à jongler au moins deux pierres,
par exemple, était l'un qui figurait parmi les jeux de
l'Imerina1.Il y a aussi le Tsobato, exclusivement
pour les filles, avec cinq petites pierres au moins, il consiste à
savoir les jongler afin d'accumuler des points. Les Fanorona et les
Katro employaient également des pierres comme pions. Les
fillettes quand à elles, utilisaient (certaines encore l'utilise
actuellement) des morceaux de pierres personnifiées pour des
Tantara pour imiter ou reproduire des scènes de la vie
quotidienne.
La pierre était vraiment liée à la
civilisation malagasy. Ceci est visible dans beaucoup de situations dans le
quotidien de nos ancêtres. Les Malagasy d'autrefois accordaient une place
importante aux différents éléments de leur nature et de
leur environnement. Cette importance est prouvée par l'idée de
Manan-jina ou de Misy tsininy (qui sont sacrés).
Beaucoup d'endroits à travers la grande île par exemple, ont leurs
tabous, des interdits qui ne devaient et ne doivent en aucun cas être
profanés ou transgressés. Les Malagasy savaient parfaitement
associer les « matériaux » de leur entourage avec les cultes
et les besoins nécessaires aux quotidiens. Prévenant les attaques
et agressions venant de l'extérieur et pour protéger le peuple,
on construisait des fossés et des murs pourvus de portails avec des
disques de pierres ; on érigeait des pierres dans les fondations de
village, marquages de territoire ou bien dans les jeux des enfants. On peut
donc en conclure que la pierre était utilisée presque dans toutes
les facettes de la vie quotidienne des anciens. Certes, la pierre était
vraiment liée à notre civilisation par sa présence dans le
quotidien des Malagasy d'hier. Cependant, il existait quand même des
limites du fait qu'elle était liée à un interdit. Nous
allons par la suite essayer de donner des explications sur cet interdit.
1 « Tanisa, tanisa, lalaon'Imerina... »
Extrait de la parole de la chanson de NALY (J.)
CHAPITRE II L `INTERDIT DE LA PIERRE EN IMERINA DEPUIS
ANDRIANAMPOINIMERINA A RANAVALONA II
Les Malagasy d'autrefois, bien avant l'entrée du
christianisme, avaient leurs croyances1.En effet, ils croyaient
à des « forces surnaturelles »supérieures à eux
et qui peuvent être bénéfiques ou maléfiques par
rapport aux actes et comportements de chacun. Nos ancêtres respectaient
l'espace qu'ils considéraient comme sacré2.Beaucoup de
lieux, du fait de cette force invisible ont été
spécialement choisit pour les objets divinisés. Nous pouvons
citer comme exemple la construction et l'orientation d'une maison, son
emplacement par rapport au caveau...Il y a également les animaux
interdits tels le porc (fady ho an'ny andriana, sy ny vazimba), le
chien (tabous à Vohipeno)3 et bien d'autres.
Considéré comme sacré, un objet, un endroit ou une place,
afin de conserver sa sacralité, avait et certains continuent d'avoir des
interdits. Ces tabous ne peuvent en aucun cas être profanés. Les
anciens croyaient qu'il arriverait malheurs à ceux qui osaient
enfreindre ces interdits. Les souverains Malagasy avaient également
leurs « dieux », les sampy royales qui assuraient des
rôles importants dans le royaume tout entier et
vénérés par le peuple (ambanilanitra).
II-1 LES PALLADIUMS ROYAUX
A l'origine les sampy étaient des talismans
ody en forme de chapelet. Ils se portaient soient au cou soient aux
membres ou en bandoulière 4.Cette dernière
forme est faite exclusivement pour les guerriers qui partaient en
expédition. Les sampy étaient donc aux débuts
individuels. Chaque personne avait « quelque chose »qui la
protégeait. Au fil du temps, surtout en Imerina, des amulettes
considérées comme les plus importantes furent misent à
part. La puissance de ces derniers n'était plus individuelle mais
collective. En effet, cette puissance s'appliquait à un clan tout entier
ou même à un peuple entier. Les fétiches devenaient des
objets de véritable culte avec la montée au pouvoir
d'Andrianampoinimerina au début du XIXe siècle et
conservèrent leurs pouvoirs jusqu'au règne de Ranavalona II. Ces
talismans se caractérisaient par des pouvoirs étendus et des
efficacités multiples,
1 C'est visible dans un de nos proverbes « Aza ny
lohasaha mangina no jerena fa Andriamanitra antampon'ny loha »
2 Madagascar et le christianisme HUBSCH (B.) éd.
p 29
3 « Taboo » RUUD (J.), pp 77-110 « les
animaux tabous », Imprimerie luthérienne 1970
4 Les sampy, idoles royales in Revue de
Madagascar 2é trim. VALMY(R.)1956 p 56
« Ary izany Anakandriana izany tsy olona tsy biby fa
zavatra tsy fantatra...ary lava-bato no itoerany ery Fandàna
atsinanan'Ambohimanambola no itoerany...nandehanan'ny olona betsaka ka hataka
sy vavaka ary hasim-bola no anaovana eo... » A l'origine du sampy, un
être légendaire Ranakandriana in Tantara ny Andriana p 82.
Les sampy avaient les mêmes statuts que les dieux, des
dieux visibles (tapakazo, fonosam-pasika, landihazo voadidina vakana atao anaty
vata ...) Madagascar et la Christianisme HUBSCH (B.) éd,
1993 édition
Karthala/Ambozontany p 83.
des talismans polyvalents. Le roi et peuple entier accordaient
à ces sampy des statuts de véritables dieux, on les
abritait dans des cases spéciales. Leurs gardiens dit-on avaient des
castes spéciales (qu'Andrianampoinimerina les avait
conférés un statut).La transmission de cette tâche se fait
de père en fils ainé et le gardien devait avoir les parents
vivants. On les attribuait le nom de mpiandry sampy ou
Mpanazary, et ils sont considérés comme des personnes
que l'on ne peut condamner (tsy maty manota) quelque soit les fautes
qu'ils avaient commises. Selon Valmy1, avant de partir en guerre ou
en expédition, il y avait des invocations des sampy. Ce sont
des rituels et cérémonies préliminaires qui consistaient
à se « doper », à demander des forces pour être
plus fort que l'adversaire. Pour que les pouvoirs de ces sampy aient
les effets sur quelqu'un, des fady étaient strictement à
respecter. Il y avait par exemple l'interdit du hena ratsy, viande de
boeuf immolé lors des funérailles, pour tout les
sampy.
Depuis les temps d'Andriamasinavalona, on attribuait des
places fixes aux palladiums. Ces derniers étaient au nombre de
douze2, comme les collines sacrées de l'Imerina
(avec les douze femmes).Le chiffre « 12 » était symbolique et
sacré, un chiffre royal. Ikelimalaza se trouvait à
Ambohimanambola ; Ifaroratra à Alasora ; Ifantaka
à Ambohitrandriananahary ; Ramahavaly à Andrarakasina ;
Itsimanompolahy, Rahambana et Rafiringa à
Alasora ; Izanaharitsimandry et Imanjaibola étaient
également prisent par Andrianjaka comme royales.
Andriatsitakatrandriana introduit Imaroakany ; Ratsimahalahy
et Rabeaza par Andriatsimitoviaminandriana et Imanjakatsiroa
par Andrianampoinimerina.3
Les sampy sont les protecteurs du royaume en
Imerina. Ils avaient certains pouvoirs et occupèrent des places
importantes dans la vie aussi bien de la royauté que du peuple. Ils sont
tellement importants qu'avant chaque action à entreprendre, il fallait
les invoquer et demander leur protection. Chaque sampy, avec ses
pouvoirs étendus et efficaces avait leurs spécialités. On
invoquait celui ci pour une telle raison, on invoquait tel autre pour telle
autre...Les sampy royaux avaient également des
hiérarchies selon leurs pouvoirs. Le souverain confiait aux
sampy son royaume pour sa bonne marche. Les rois qui se
succédèrent en Imerina avaient chacun leurs talismans
depuis Ralambo jusqu'à Andrianampoinimerina. Ces sampy
intervenaient dans tous les aspects de la vie. Ils avaient des
1 Les sampy, idoles royales in Revue de
Madagascar 2é trim 1956 p 56
2 Tantara ny Andriana eto Madagascar 2é edition
tome I 1981 RP CALLET
3« Tantaran'i Madagasikara isam-paritra »
RANDRIAMAMONJY (F.) p 424
Une autre version dans le livre revue de Madagascar
1956, dans l'article de VALMY (R.) intitulé Les sampy, sampy
royales pp 56-64 affirme qu'il y avait 12 sampy royales. Parmi eux, 06
seulement avaient autrefois acquis une grande Célébrité.
Rakelimalaza à Ambohimanambola ; Manjakatsiroa
à Ambohimanga ; Ramahavaly à Amboantany ;
Rabezaha à Manankasina ; Rafantaka à
Ambohimanga et Ratsimalahady à Ambohitrolomahitsy.
interventions dans la politique, sur le plan militaire («
avia sampy manatona ahy ; hamoriako tany sy fanjakana »hoy
Andrianampoinimerina)1.
Chaque sampy avait certes de pouvoirs. Le peuple et
le roi accordaient leurs confiances. Pour que les demandes aient une
réponse favorable et que la société en bonne marche, il
fallait respecter les interdits fady de chaque talisman.
II-2 LES Fady D'IKELIMALAZA
Les palladiums étaient d'origine populaire. Rakoto
(I.)2 précise même qu'ils les étaient durant la
période d'extension et d'unification du royaume en Imerina du
XVIII et XIXe siècle. Ils furent confisqués par la
royauté sous la forme de sampimasina, pour devenir un
élément important de l'appareil de l'Etat et dans son
fonctionnement.
D'après ce que nous avons parlé
précédemment, parmi les sampy, il y avait ceux qui
acquéraient des célébrités et des renommés
très importants. Ikelimalaza(ou Rakelimalaza), «
le petit célèbre » était parmi eux. Ce
sampy, considéré comme le dieu des sampy,
venait du Betsileo3.Il appartenait à Ikalabe et au
début il n'était qu'un simple talisman protecteur des
rizières. Ikelimalaza est considéré comme le plus
ancien des sampy. En effet, on dit qu'il remontait au roi
Ralambo4 et qu'il avait occupé la première place et
avait le droit au parasol rouge et au Hoby, une acclamation
particulière. Il résidait à Ambohimanambola ensuite, au
rova avec une case spéciale construite à droite du
portique d'entrée donnant accès à la cours. Il avait une
grande importance parce que c'était grâce à lui qui
Ralambo, Andrianjaka et d'autres rois avaient pu régner5.
Les sampy étaient des objets de cultes et de
cérémonies pendant les royautés. Le roi ainsi que tout le
peuple entier s'adressaient à eux pour des demandes des
bénédictions. Aux temps d'Andriambelomasina, les offrandes
étaient des Malaza6 et des vola tsy vaky
(monnaie de ces époques). Pour que ces demandes aient un résultat
satisfaisant et que les sampy agissaient vraiment des fady
1 Tantara ny andriana eto Madagascar, p227 cité
par RAKOTO (I.), RAMIANDRASOA (F.), RAZOHARINORO in Corpus d'histoire du
droit et des institutions fiche 12 : NY SAMPY, E.S.S DEGS
juin 1975 Université de Madagascar
2 In Corpus du droit et des institutions fiche 12
3 Les sampy, idoles royales in revue de Madagascar
2é trim 1956
DOMENICHINI (J.P) affirme dans Les dieux aux services des
rois « Ny Sampin'andriana » pp 62-126 que c'était au sud
de l'Ikongo que ce sampy a été ramené
4 « [...] fiarovana amin'ny aretina sy fitondra-manafika
Ikelimalaza.ka izy no sampy nitokisan-dRalambo sy Andrianjaka ka hatramin'ny
Ranavalona [...] » in Tantaran'ny Malagasy manontolo
RAINITOVO
5 Tantara ny Andriana Tome I 2é edition 1981
6 Les Malaza était des boeufs appelés
Omby Jaka destinés à la royauté in Les dieux au
service des rois (Histoire des sampin'andriana) DOMENICHINI (J.P.) pp 62-126
étaient à respecter. Ikelimalaza
interdisait des animaux tels que le cochon, le cheval, le chat, l'escargot... ;
des objets européens. Les européens ne pouvaient entrer dans le
village où il se trouvait1.Il y avait également des
jours autorisés « andro velona »2 pour les
offrandes et demander les bénédictions.
Ikelimaza interdisait également certaines
constructions. Considérées comme une matière sans vie et
inerte, la pierre était formellement prohibée pour la
construction de maisons. Jusqu'en 1869, personne n'avait l'autorisation la
pierre3 dans la construction car elle figurait parmi les
fady (tabou ou interdits) d'Ikelimalaza. Cette matière
était destinée exclusivement pour la construction de tombeaux et
de sépultures et pour autres monuments funéraires. L'interdiction
s'applique dans toute la cité. Même le transport des
matériaux avaient des hiérarchies selon le type de construction.
Pour une habitation, il faut tout d'abord transporter les bois, les briques et
les autres matériaux. La pierre était la dernière
matière à transporter sur le sentier (certaines personnes
conservent cette coutume jusqu'au nous jours). Contrairement à cette
première construction, la matière pierre était
transportée avant les autres sur le lieu à bâtir pour la
construction de tombeau. Les sampy royales d'un autre coté
n'aimaient pas des matières mortes comme la pierre. A l'intérieur
de la vieille ville, on ne pouvait mettre ensemble des constructions en pierre
et le sampy, protecteurs de la cité.
La pierre était donc jusqu'alors
considérée comme une matière morte, froide et inerte ne
pouvait être la matière première pour la construction des
habitations des vivants. En effet, étant donné que la
société traditionnelle malgache était fondée sur le
culte des ancêtres, la pierre était réservée
exclusivement pour les demeures et commémorations des morts, de ceux qui
ne bougeaient plus c'est à dire des caveaux. « Mivoaka amin'ny
varavaran-kazo, miditra amin'ny varavaram-bato » (litt. Sortir du
porte en bois ; entrer par la porte en pierre), un proverbe qui montre vraiment
que les deux états d'un être sont séparés. Encore en
vie, celui ci demeure dans une maison faite de matière vivante (le bois
pour la porte).Mort, il doit le quitter pour se reposer dans un git sans vie
(porte en pierre).Il est à noter que c'était sous le règne
du grand roi Andrianampoinimerina que la loi interdisant toutes constructions
avec le matériau pierre était vraiment en vigueur. Dans ses
travaux de recherche, Delahaigue-Peux4 affirme que « [...] les
obligations de la ville à construire uniquement en bois date
d'Andrianampoinimerina [...] ». Liée à une interdiction aux
temps des rois de l'Imerina, la pierre était surtout
utilisée pour les cultes des morts. Celle-ci a été
utilisée essentiellement et uniquement pour la
1 Les sampy, sampy royales in revue de Madagascar 1956
VALMY(R.) pp56-64
2 Les jours autorisés étaient le
lundi-mercredi-jeudi-dimanche (andro fanetsehana azy) in Tantara ny
andriana eto Madagascar Tome I 2é édition 1981 R P CALLET
3 Transformation de l'architecture funéraire en
Imerina 1971 LEBRAS (J.F.)-Histoire de Madagascar BASTIAN (G.) et
GROISON (H.), Paris 1967
4 « Manjakamiadana ou le palais de la reine »
1996 p 14
construction des tombeaux. Comment était donc l'aspect
de la cité des mille à ces époques ?, quels étaient
les matériaux de construction ? Telles sont les questions que nous
tenterons d'élucider dans les prochains paragraphes.
II-3 LES MATERIAUX AUTORISES
Tenant compte des tabous d'Ikelimalaza,
d'après ce que nous avons évoqué
précédemment, on ne pouvait jamais ériger des maisons
qu'avec des matériaux vivants. En effet, même dans les jours
favorables pour évoquer ce sampy, il fallut choisir les «
andro velona » (littéralement jours vivants) pour que les
demandes soient exaucées. Dans toutes ses constructions, nos
ancêtres avaient toujours et uniquement utilisés des
matériaux vivants. Puisque la pierre était interdite par des lois
royales, ils utilisaient des matières végétales pour
toutes constructions. La plus fréquente des ces dernières
était le bois, ensuite, il y a le jonc...Cette utilisation de
matière exclusive nous positionne dans ce qu'appelle
Domenichini-Ramiaramanana (B.) « Civilisation du végétal
»1 ; qui, en fait, dessine l'identité culturelle des
Malagasy d'hier. On observait fréquemment des trano kotona,
faites avec des madriers, type commun de l'habitation merina au XIXe
siècle ou également des trano sarendry. On peut citer
par exemple la case du roi Andrianampoinimerina, les besakana des
palais d'Ambohimanga et de Manjakamiadana ou celui de Radama II sis à
Ilafy. Notons que c'était aux temps d'Andrianampoinimerina que
l'architecture en bois s'était développée. La construction
de maison en bois a commencé, selon Belrose Huygues2avec ce
roi qui forma des charpentiers et désigna des chefs pour les commander.
Il y avait également des cases du peuple dont l'intérieur
était couvert d'un enduit ; une mixture de chaux et de bouse de vache,
parfois tapissé de nattes de jonc3.Ces maisons avaient tous
à peu près les mêmes formes. Les toits de ces maisons
étaient soient des chaumes soient des planches minces en forme de tuile
qui sont appelés des bardeaux4.Tout cela montraient
déjà une très grande capacité créatrice de
nos ancêtre qui montre leurs savoir faire avec les matériaux de la
nature et des inventions techniques étonnantes. L'auteur de l'article
« architecture dans les traditions des hautes terres centrales »
affirme même que le sens étymologique du terme « architecte
» veut dire patronmaître des ouvriers du bois. On peut dire alors
que les Malagasy d'hier étaient de véritables architectes. Bien
avant l'arrivée des étrangers, ils avaient déjà
certaines connaissances sur ce qu'était construire,
1 Architecture dans la tradition des hautes terres
centrales in Bulletin de l'Académie Nationale des Arts,
Lettres et Sciences Tome 71/1-2 1993
2 « Un exemple de syncrétisme esthétique
du XIXe siècle » in Omaly sy Anio
1975(1-2)
3 Histoire de Madagascar BASTIAN (G.)-GROISON (H.), p
69, Paris 1967
4 « Architecture traditionnelle à Madagascar : reflet
de l'identité d'un peuple », article de RAFOLO A. in Madagascar
fenêtre décembre 2002 pp100-116
l'art de bâtir, d'aménager leur terres
d'occupations. Certes, ils étaient de vrais architectes doués de
multiples talents. Cependant toutes ces constructions, puisqu'elles avaient
tous comme matières première des végétaux,
n'avaient que de courte durée d'existence. En effet, ces constructions
qui devraient être des témoins visibles de notre passée
sont dans la plupart des cas incapables de traverser des siècles.
Attaquées par des insectes (termites par exemple), et par les
pourritures et souvent aussi par des incendies, ces constructions succombent et
réduites à néant. C'est seulement à partir de
récits et histoires écrites qu'on peut connaître que tels
ou tels types de constructions, de tels bâtiments ont existé
auparavant. Seules quelques constructions ont réussi à voyager
dans le temps en Imerina, ils ont quand même reçus
quelques touches de réhabilitations en gardant toujours les formes
originelles. A l'exemple, ce que nous avons prit auparavant, le
Besakana et le Mahitsielafanjaka d'Andrianampoinimerina et le
Lapa de Radama II .Ces types de constructions et l'utilisation des
végétaux étaient rencontrées presque partout dans
l'île. D'après Decary1, à Madagascar, il existe
des habitations tribales dont les aspects et les modes de constructions varient
tout en respectant certaines règles générales d'ordre
technique ou rituel avec les conditions physiques extérieures et la
nature des matériaux. Ce sont en général des
végétaux surtout dans les régions côtières.
L'habitation humaine est conditionnée par les caractères naturels
du pays. Le sol ; le climat et autres facteurs jouent des rôles
cruciales. Les maisons doivent s'adaptées au pays comme s'y adaptent les
habitants.
A part le fait que certaines matériaux de construction
n'étaient pas autorisés à savoir la pierre et quelques
végétaux (vintanina ; amontana : attirant la
foudre, valimpangady ; lambinana qui sont
réservés aux morts...)2, il y avait également
eu une autre raison majeure dans le choix de matériaux de construction.
Nous savons tous que le nom de la capitale était autrefois (retenu
jusqu'à aujourd'hui) Analamanga (la forêt bleu).Ce nom
nous donne une impression qu'à une époque, cette ville
était couverte d'arbre. La population locale de ces temps avait donc une
matière vraiment à proximité. Parce que la matière
qui domine et qui existe le plus était le bois, ceci devait être
plus utiles par tous pour construire. Il ne fallait pas aller loin pour
chercher de quoi construire.
Nos ancêtres savaient parfaitement utilisés cette
matière bois dans la construction de leurs habitations. Ils n'avaient
pas seulement fiés à leurs capacités créatrices
pour les érections. Pour eux et pas moins pour nous, toutes
constructions sont toujours liées, selon Ratsimiebo3 aux
destins zodiacaux (vintana).Il ajoute également que nulle ne
construisaient qu'avec leurs sampy protecteurs. Toutes constructions
avaient un sens et une signification bien définie et représente
des fonctions symboliques.
1 In « Contribution à l'étude de l'habitat
à Madagascar », imprimerie Marri poney Jeune, 2 place de la
libération 1958 p3
2 In « Tantara ny andriana eto Madagascar » RP
CALLET cité par DECARY dans « Contribution à
l'étude de l'habitat à Madagascar » p 10
3 La cité des mille, CITE- TSIPIKA, ISBN 1998,
p33.
Si on parle techniques de construction, on peut dire que les
Malagasy en avaient. En effet, voyant les cases qui ont pu
résistées et réussies à traverser des
siècles et des siècles, on peu dire que les
créativités et l'imagination étaient présentes.
Nous pourrons nous demander comment les ouvriers de ces époques avaient
fait pour transporter le mat grandiose qui se trouve au centre de la case
besakana d'Andrianampoinimerina... ou pour le dresser ? Il a fallu
certes beaucoup de monde pour cela et avec une technique bien définie
.Cet art de bâtir, d'aménager l'espace ;nous pouvons affirmer que
nos ancêtres les avaient déjà puisqu'il savaient en ces
temps qu'il fallait construire sur les hauteurs (collines et sommets ).Ce choix
pour pouvoir guetter l'ennemie mais surtout pour éviter les inondations
et les montées des eaux et que les bas fonds étaient faites pour
les cultures. Ils avaient comme matière vraiment à
proximité le bois et ils en pouvaient user bon leur semblent de cette
matière. Cette usage du bois comme matière première fait
que toutes les cases même celui des souverains1 étaient
en bois et avaient toutes à peu près les mêmes formes et
orientations. Ces formes et architectures représentaient en fait
l'identité de ce peuple.
De même dans les architectures funéraires, nos
ancêtres savaient utiliser le matériau pierre qui était
attribuée exclusivement pour ce domaine bien avant l'arrivée des
Européens. D'après Lebras2, il y avait des styles
prélabordiens tels les rochers aménagés, les types
à gradins, les sépultures indéterminées, la
sépulture royale...Autant de savoir faire liés à la
matière.
Des influences venues de l'étranger s'observaient quand
Radama I ouvrait la porte aux Français et les Britannique. La
coopération apportait des fruits au bénéfice des Malagasy.
On peut prendre pour exemple les jeunes Malagasy envoyés en Angleterre
pour y apprendre l'artisanat et d'autres la musique3 à
l'île Maurice. Nombreux développements étaient
apportés par ces étrangers. Premièrement la mise en place
d'une armée. Deuxièmement des progrès spirituels et
intellectuel par l'entrée de l'écriture et la première
école et aussi la traduction de la bible en langue malagasy. Enfin,
troisièmement, des progrès de l'artisanat, de la forge et de la
bijouterie, de la charpenterie et maçonnerie(le commencement du
remplacement de la toiture en herana en bois).Sous le règne de
Ranavalona I, cette coopération s'était affaiblie. Vu que
c'était une reine conservatrice, elle considérait les
vazaha comme des « diables ».Ils étaient même
chassés du territoire4. Radama II, quant à lui
essayait de réouvrir à nouveau les portes de Madagascar aux
étrangers. Ce souverain accordait
1 En différence avec celles du peuple, les maisons des
souverains étaient en planche et pourvues de cornes « tandro-trano
»
2 LEBRAS op. Cit
3 Neuf jeunes garçons pour les artisanats et huit pour la
musique in « Tantaran'i Madagasikara isam-paritra »
RANDRIAMAMONJY (F.) 2006 p 505
4 Départ de tous les étrangers au mois de juin
1836. A partir de la, le christianisme était interdit et il y avait des
terribles persécutions à l'encontre de ceux qui s'opposaient aux
dires de la reine. RANDRIAMAMONJY (F.) op. Cit p517
beaucoup de faveur aux Français1. La
coopération avec les britannique n'était pas vraiment visible
durant le court règne de ce roi mais les sites (quatre) pour les futures
églises commémoratives étaient obtenues sous son
règne.
Rasoherina quant à elle renouvelait les
coopérations avec les étrangers et commençait
également à travaillait avec les Américains. Deux figures
sont à retenir dans l'Histoire des innovations des constructions et de
l'architecture en Imerina et même dans d'autres régions
de l'île. Cameron (J.) (Ingahikama) était parmi les
missionnaires les plus importants. Il arrivait dans la capitale le 6 septembre
18262. Il y avait aussi le Français Laborde (J.) (Sous
Ranavalona I).C'était cet homme qui concevait le palais royal en bois.
Il avait pour la première fois construit des fonderies pour la
fabrication de fusils à Ilafy. Il construisait également le
haut-fourneau à Mantasoa pour le fer et l'acier transformés en
fusils, en canons et épées... Celui ci apportait des innovations
dans la construction de tombeaux3 avec des pierres équarries
des arcades et balustrades et divers décorations (de plusieurs hauts
personnages Malagasy comme celui de Rainiharo...)
Ce qui marquait le plus l'Histoire du royaume malagasy
c'était l'arrivée au pouvoir de Ranavalona II. Nous allons par la
suite voir les changements culturels apportés par cette reine.
CHAPITRE III LA LEVEE DE L'INTERDICTION SOUS RANAVALONA
II
III-1 RANAVALONA II AU POUVOIR
Rainilaiarivony, le premier ministre de cette époque
avec quelques officiers avaient déjà tout préparé
en ce qui concernait la personne qui succèderait à Rasoherina, la
reine qui venait de rendre son âme. Ils décidèrent que ce
serait Ramoma4, cousine de la défunte reine, qui devrait
être la nouvelle souveraine. Le lendemain, on annonçait et la mort
de la reine et le nom de celle qui la succèderait. Selon les hommes
forts de cette époque, la nomination de celle-ci était conforme
à tous ce qu'Andrianampoinimerina disait étant donné
qu'elle était la fille de Ramasindrazana soeur de Ranavalona I.
1 BASTIAN (G.)- GROISON (H.) op.cit. p 85 Beaucoup de cadeaux
ont été offert par la France lors du couronnement de ce roi, la
couronne du roi était un présent de l'empereur Napoléon
III et de l'impératrice Eugénie. Un des plus grands accords avec
la France était la charte Lambert.
2 « Ingahikama » COUSINS traduit par
RANDZAVOLA Imprimerie Imarivolanitra. Ce grand homme avait également
revêtu en pierre le palais construit par Laborde.
3 LEBRAS (J.F.) op.cit. 1971
4 RANDRIAMAMONJY (F.) op.cit. p 535Elle était
également une des épouses de Radama II
La première apparition de la reine qui avait prit le
nom de Ranavalona II au peuple était la date du 03 septembre 1868
à Andohalo. Cette fête avait été assistée par
les officiers et les familles des nobles. En plus de cela, un peuple d'environ
150.000 venait acclamer la nouvelle reine. Elle décrivait dans son
Kabary les grandes lignes de ses projets pour diriger son royaume.
Dans son discours la reine affirma selon Randriamamonjy1 que chacun
était libre de suivre la religion qu'il voulait. Donc la reine
officialisait une bonne fois pour toutes la liberté religieuse en
Imerina.
Ainsi instaurée, cette liberté de choisir sa
religion se cristallise par la déclaration de la reine, lors de son
discours de suivre le christianisme et d'en faire la religion de l'Etat.
III-2 LA CONVERSION DES DIRIGEANTS AU CHRISTIANISME
Lors de son apparition à Andohalo, la reine avait
à ses cotés une Bible. Le trône avait également un
versé de la Bible (« Voninahitra any Andriamanitra amy ny avo
indrindra-fiadanana amy ny avo indrindra-fiadanana amy ny tany-fankasitrahana
amy ny olona-Andriamanitra no antsika »).Contrairement à
celle-ci, tous les souverains qui se sont succédés avaient lors
des intronisations les sampy royales2.Ranavalona II quand
à elle, lors de son intronisation, affirme Delahaigue-Peux3,
avait exclu les gardiens des sampy le jour de la fête du
Fandroana. Les représentants des sampy furent
écartés du protocole et à leurs places tenaient des
chapelains et des pasteurs.
A partir de la date du 25 octobre 1868, des cultes protestants
avaient eu lieu dans le palais. Pour confirmer l'appartenance au
protestantisme, la reine Ranavalona II et le premier ministre Rainilaiarivony
avaient été baptisés le 21 février
18694. La reine ordonna à tous ses sujets que
désormais il faudra cesser de travailler le dimanche, car c'est un jour
consacré aux prières.
Pour pouvoir prêcher librement et être plus
proche, la reine avait fait construire un temple dans l'enceinte même du
palais royal. Avec l'avènement de Ranavalona II au pouvoir affirme
DelahaiguePeux5 : « une très importante décision
royale de libérer la ville de son obligation datant
d'Andrianampoinimerina de construire uniquement en bois. Cette reine, en
même temps qu'elle devenait chrétienne, décida de faire
construire un temple dans l'enceinte du rova ; mais pour cela, il faut lever
l'interdit sur l'habitat ». En effet, pour affirmer sa conversion au
christianisme la reine
1 « Tantaran'i Madagasikara isam-paritra »
p536
2 «Tamin'ny zoma 12 jona 1829 nisehoan'i Ranavalona I
tao Andohalo.Notazoniny teny an-tanany ny fanevan'ny sampimpanjakana anankiroa
dia Rafantaka sy Imanjakatsiroa» in Tantaran'i Madagasikara
isam-paritra p 508
3 « Manjakamiadana ou le palais de la reine »
édition l'Harmattan, Paris 1996 p 80
4 « Tantaran'i Madagasikara isam-paritra » p
536
5 « Manjakamiadana ou le palais de la reine
»
mettait fin aux interdits de la pierre en l'utilisant comme
matière première dans la construction de ce temple. La
levée de ce tabou a permit également plus tard, le
revêtement en pierre de Manjakamiadana. Le passage du bois vers la pierre
confirme le passage du royaume malgache de l'idolâtrie au christianisme.
D'autres raisons de la levée de l'interdit sont également
évoquées. Dans le livre « Manjakamiadana
»1, l'auteur ajoute que l'Imerina avait connu une
désertification progressive due probablement aux emplois
incalculés du bois. Il y avait aussi d'autres part, des séries
d'incendies qui faisaient ravage du fait que le bois est une matière
très combustible surtout quand il est sec. Toutes ces raisons
favorisaient l'avènement de la pierre (matière robuste
résistante) et incitaient la souveraine à lever le tabou de la
construction. Pour affirmer au monde entier et au peuple cette tournure
vraiment importante dans la vie de la société, la reine avait
prit des décisions qui va marquer l'Histoire de la foi et de la croyance
en Imerina.
III-3 L'AUTODAFE : LA DESTRUCTION DES SAMPY ROYALES
La vie et la bonne marche de la société
étaient confiées pendant des années aux sampy.
Chacun en avait chez lui et devait également respecter ceux du royaume.
Le peuple aussi bien que les souverains depuis Andrianjaka jusqu'à
Ranavalona I faisaient confiance à ces sampy. Ils leur
accordaient même des statuts de dieux visibles2. La
montée de Ranavalona II au pouvoir était un tournant qui marquait
l'Histoire. Se déclarant chrétienne et recevant le baptême,
cette souveraine modifiât complètement la tradition qui
s'était succédée au cours du temps. Pour marquer la
noblesse et la continuité du règne, celle ou celui qui
était au trône devait construire un
édifice3.Andrianampoinimerina édifia
Mahitsielafanjaka ; Radama I Tranovola...Ranavalona II, quant
à elle, érigea à son tour un temple totalement en pierre.
Ce temple symbolise la relation entre le christianisme, l'Etat et sa
conversion. Cette construction annonçait également la rupture
avec la tradition. En effet, aucun souverain n'avait jamais osé
construire avec d'autres matériaux que le bois à cause des
interdits des sampim-panjakana. Ce bouleversement de la
tradition était également matérialisé par le
revêtement en pierre du palais en bois construit par Laborde pour
Ranavalona I. Trente ans plus tard, Cameron le missionnaire-architecte
britannique utilisa la pierre pour le rendre plus solide et plus durable. Cette
décision était prise pour vaincre une bonne fois pour toute les
sampy du
1 DELAHAIGUE-PEUX p88
2 «Madagascar et le christianisme» HUBSCH (B.)
éd, p84
Ny sampy dia nalamin'Andrianampoinimerina, nomena lanja teo
amin'ny Fanjakana-Radama tsy dia nino ny sampyRanavalona nanandratra
an'Ikelimalaza...
3 « Tantaran'ny Tranovato anatirova »
royaume. « Le temple du palais signait la conversion
d'une reine au protestantisme et rompait avec les règles
établies. Cette mutation était le prix à payer à la
nouvelle religion [...] »1
La reine, dès son accession au trône, se
déclara chrétienne et démontra ce changement d'une
façon révolutionnaire. En plus de la pose de la première
pierre2 du temple au palais, une marque de la volonté de
remplacement d'un culte par un autre, Ranavalona II ordonna la destruction de
toutes les sampy royales.
Le 8 septembre 1869, le gardien d'Ikelimalaza,
Ratohatra avec des nobles et officiers se rendaient chez la reine afin de lui
faire savoir qu'elle avait encore des devoirs envers ce sampy de
l'Etat. La tradition voulait que celui ou celle qui vient d'accéder au
trône devait honorer le fétiche Ikelimalaza qui lui
appartenait. La reine en retour donna l'ordre de les détruire tous car
ils ne servaient à rien3.En plus de cela, ces sampy
était, pour les missionnaires, des faux dieux et des obstacles à
la conversion du peuple.4
Ranavalona II envoyait donc des officiers à
Ambohimanambola pour détruire Ikelimalaza lahy et à
Amparafaravato pour Ikelimalaza vavy. Ifantàka
à Ambohimanga ; Ramahavaly à Amboatany ... Les
destructions se succédaient de jour en jour (du 8 au 10 septembre 1869
selon Randriamamonjy).Des sampy des périphéries de la
capitale étaient également touchés. Il y avait
Itsimahalahy à Ambohitrolomahitsy ; Rahodibato de
Vakinisisaony.
En un mois, presque tous les sampy populaires de
l'Imerina étaient détruits. Depuis, chaque village avait
la conviction de construire un temple ou une église.
La pierre occupait donc une place vraiment importante dans la
civilisation malgache. On la rencontrait souvent dans le quotidien du peuple.
La culture matérielle malgache ne peut se passer de cette
matière. Présente dans les proverbes, la pierre se personnifie et
donne une idée de la structure que pourrait avoir la
société malagasy et son fonctionnement. Elle caractérise
également un lieu ; un endroit ou un village par sa forme ou par
d'autres critères. Des systèmes de fortifications, conçus
par nos ancêtres étaient également faits avec des pierres
(kodiavato), des portes d'accès : disque de pierre de
1 DELAHAIGUE-PEUX (M.) op.cit.
2 RANDRIAMAMONJY. Op.cit p 536 Le mardi 20 juillet 1869
«[...] nanomboka tamin'ny 25 oktobra 1868 dia nisy
fotoam-pivavahana protestanta tao Anatirova.Natao batisa ny mpanjaka sy ny
praiminisitra ny 21 febroary 1869[...] tamin'ny 4 jolay 1869 dia noraisina ho
mpandray ny fanasan'ny Tompo ny mpanjaka sy ny praiminisitra [...]
»
3 « ... Ary satria izaho no tompo'Ikelimalaza, dia
hodorako ny ahy fa mandrebireby ny vahoakako, mihambo ho andriamanitra nefa tsy
mahefa na inona na inona. Ka hodorako ny ahy hahitanareo ambanilanitra ny
laingany fa ho lasanko setroka sy hanjary ho lavenona... » In
Tantaran'i Madagasikara isam-paritra p537 RANDRIAMAMONJY- « [...]
tamin'ny taona 1877 no nodoran'i Ranavalona II Ikelimalaza [...]
» In Tantaran'ny Malagasy manontolo RAINITOVO
4 « Bible et pouvoir à Madagascar, invention
d'une identité chrétienne et construction de l'Etat »
RAISON-JOURDE (F.) pp 314- 320
deux mètres en moyenne de hauteur en plus des
tamboho ou des fossés aménagés. Cet usage de la
pierre se situe dans le contexte profane. Mais dans une société
fondée sur le culte des ancêtres comme la notre, affirme
Delahaigue-Peux1, la pierre était réservée
à la demeure et à la commémoration des morts. Elle
devenait également un moyen de laisser des souvenirs et des
héritages pour les descendances.2Bien avant l'introduction
des innovations apportées par Laborde, les Malagasy avaient
déjà honoré les défunts. Ils plaçaient le
corps à plat, protégé par une dalle et recouvert ensuite
par un amas de pierre grossièrement cubique ou
parallélépipédique3.Il existe d'autres types de
sépultures (à part celui-ci) construits par nos ancêtres.
Malgré toutes ces attributions pour cette matière, son
utilisation se limita dans la construction de caveau du fait qu'une loi datant
d'Andrianampoinimerina interdisait son usage dans la construction d'habitation
surtout à l'intérieur de la cité. Cette matière,
considérée comme sans vie, était également tabous
pour les sampy royales. Les souverains qui se succédaient,
respectaient cet interdit jusqu'à Ranavalona II. Arrivée au
pouvoir, la souveraine, se déclarant chrétienne, prenait une
décision cruciale puisqu'elle va libérer la ville de son
obligation de construire uniquement par le bois. Elle décida en
même temps de faire construire un temple en pierre dans l'enceinte
même du palais. Ce Tranovato représentait une rupture
audacieuse avec la tradition par l'utilisation de la pierre comme
matière. Dès 1863, les églises commémoratives
s'élevaient à Antananarivo alors que le bois demeurait le seul
autorisé à l'intérieur de la cité. La levée
du tabou en 1868 permettra un an plus tard le revêtement en pierre de
Manjakamiadana. Le passage du bois à la pierre était né de
la volonté d'affirmer l'appartenance à une nouvelle religion. La
fin du tabou correspond également à une période de
développement technique qui favorisait la pierre dans la construction de
ces édifices religieux. Le matériau pierre sera le centre
d'intérêt de notre deuxième partie. Nous allons y
démontrer les techniques de construction, les savoir faire et
créativités du génie humain, dirigés par les
missionnaires-architectes Cameron, Sibree ; Pool. Nos sites d'études
seront les quatre temples (protestants) commémoratifs d'Ambatonakanga ;
Ambohipotsy ; Faravohitra et Ambonin'Ampamarinana.
1 DELAHAIGUE-PEUX p84
2 Ibidem p84 « [...] parce qu'ils ne savaient pas
écrire, les rois d'autrefois firent des pierres leur titre
d'héritage, un titre durable et qui ne serait jamais détruit.
Cette pierre sainte était une pierre polie, taillée et
enfoncée profondément sur laquelle on rependait le sang d'un
boeuf ou d'un coq [...] et devant laquelle le roi évoque les Dieux, le
Créateur et les ancêtres... »
3 LEBRAS op. Cit.
DEUXIEME PARTIE :
LE MATERIAU PIERRE DANS
LES QUATRE EGLISES
COMMEMORATIVES
Chaque souverain du royaume merina avait chacun des points qui
le différencient de ses prédécesseurs. Ces
différences étaient constatées par les exploits ou les
travaux que d'autres, auparavant, ne pouvaient, n'imaginaient ou même
n'osaient entreprendre. Chaque règne se caractérisait par des
innovations, d'autres apportaient des changements car comme disaient les
ancêtres « Miova andriana, miova sata ». Roi ou reine
essayait d'apporter développement et prospérité pour la
cité. Andriamanelo, seul descendant de Rangita faisait abondamment
forger le fer à ses sujets1. Ralambo, son fils quant à
lui avait amené l'arme à feu en Imerina... Le grand
Andrianampoinimerina, petit fils d'Andriambelomasina essaya d'organiser
l'Imerina en obligeant son peuple (Fokonolona) à
travailler. Radama I, créait la première armée pour le
royaume. Avec les Européens (Français et Britannique) qui
étaient encouragés par le roi à s'installer en
Imerina, l'école voyait le jour2par l'entrée
de l'écriture. Il y avait également, en son temps la traduction
de la bible en langue malagasy. On assistait à des progrès
politiques, intellectuels, spirituels et techniques. Après ces
règnes de prospérité et de développement,
Ranavalona I sera à l'origine des persécutions des
chrétiens et de xénophobies qui seront les points de
départ des constructions sur lesquelles cette étude se basera. Un
long règne de persécution de Ranavalona I marquera le
XIXe siècle. A sa fin, la « liberté »
revenait de nouveau. Les étrangers apportaient leur soutien, des
innovations du point de vue technique s'affirmant par les différentes
constructions dans la capitale et ailleurs en guise de souvenirs
d'événements ou de personnes.
CHAPITRE IV : LES ORIGINES DES CONSTRUCTIONS
RELIGIEUSES
IV-1 RADAMA II AU POUVOIR ET LA LIBERTE DE RELIGION ET DE
CULTE
Le terrible règne de Ranavalona I prit fin le 15 aout
1861. Son fils Rakotondradama montait au pouvoir. Ce nouveau roi était
adoré et respecté par le peuple. Une nouvelle ère
commençait. En effet, Radama II proclamait la liberté religieuse.
On parlait souvent du passage du Tany maizina au Tany mazava.
Une fois cette liberté déclarée, le royaume n'était
plus concentré sur un seul pôle de la notion du sacré. Il y
avait d'un coté, le vieux Malagasy attaché aux coutumes et
traditions et d'un autre, les catholiques et les protestants3.
Dès son arrivée au trône, Radama II ordonna la
libération de tous les
1 Ce roi peut ainsi disposer d'armes supérieures à
celles des voisins (sagaies à pointe de fer). Il était
aidé par les Taimorona ; forgeait également des angady
pour assécher les marécages in « Histoire de
Madagascar » p52
2 ROBIN, un Français apprenait à lire et
écrire au roi, fonde la première école puis les
missionnaires britanniques en créaient une trentaine en Imerina.
3 Annales de l'université de Madagascar,
série Sciences Humaines n°11, 1970 RAISON-JOURDE (F.)
détenus sous Ranavalona I1. Quand la
liberté religieuse était proclamée, les chrétiens
dans chaque village essayaient de construire une église. Il y avait eu
par exemple, le Trano zozoro, premier temple à Amparibe,
à Ambondrona puis à Ambatonakanga. Ces temples ont
été tous fondés en 1861. Le roi, voulant changer le cours
de l'Histoire avait fait une proclamation à Tamatave2 qui
autorisait tous les étrangers à résider à
Madagascar s'ils le voulaient.
Coté coopération, contrairement à son
père Radama I qui favorisait les Britannique durant son règne,
Radama II, quant à lui optait pour une nouvelle direction. En effet, ce
souverain était en proche contact avec plusieurs vazaha.
Laborde jouait un grand rôle dans son éducation. Il a
été même dit que c'était lui qui avait poussé
Radama II à aimer le christianisme et les Français. On peut dire
donc que les Français avaient l'Avara-patana : le
privilège et les traitements de faveur du roi. Beaucoup de conventions
et de contrats furent signés durant son règne. Les
Français savaient bien « parler » aux jeunes nobles qu'ils
réussissaient à les faire signer des papiers d'accaparation de
terre.3Néanmoins, face à ce privilège, Radama
II avait quand même autorisé les Britannique à continuer
leurs oeuvres après 30 années d'absence. Les missionnaires
britannique par l'intermédiaire d'Ellis, un des
délégués de la mission avaient des grands projets pour
honorer les martyrs de la foi de Madagascar.
La grande île n'était plus isolée du reste
du monde. Les coopérations se multiplièrent en nombre. Aussi bien
que les Britannique, les Français recevaient une grande part.
Signé le 10 septembre 1862, la charte Lambert était la plus
importante. Plusieurs dirigeants et la grande partie du peuple
éprouvaient du mécontentement envers cette charte et envers le
roi. D'autres comportements4 du roi également avaient
incité des nobles dirigés par Rainivoninahitriniony à
l'assassiner le 11 mai 1863.
IV-2 LE PROJET D'ELLIS (W.)
Aussitôt que la liberté de culte et de religion
fut proclamée, les diverses coopérations avec les
étrangers réouvraient de nouveau. Cette réouverture
était surtout marquée par le retour des missionnaires aussi bien
français qu'britannique. Les missionnaires français explique
Randriamamonjy
1 « [..j raha vao nanomboka nanjaka Radama II, dia
nanome teny mba handefasana ireo mpifatotra saiky novonoina.Nisy 17 izy ka ny 9
dia efa maty tam-patorana ka ny 8 sisa tra-pamonjena [..j namoaka didy Radama
II nanome famotsorankeloka ho an'ny voaheloky ny fitsaram-panjakana rehetra
tamin'ny alahady 1 septambra 1861. »
RANDRIAMAMONJY op. Cit. pp 523-524
2 RANDRIAMAMONJY (F.) ibidem p 524
3 RANDRIAMAMONJY donne des exemples comme celle de BETIA à
Sainte-Marie et TSIMIEKO à Nosy Be. Mais la plus importante des
conventions était le Charte Lambert qui autorisait ce Français
à exploiter le sol et le sous-sol malgache.
4 Le roi était dépendant de l'alcool-avait comme
conseillers les Menamaso que personne n'aimaient
(F.) arrivèrent dans la capitale le 11 novembre
18611. Les Britannique, eux aussi débarquèrent au pays
peu de temps après.
Ces derniers marquaient vraiment notre Histoire. En effet, les
Britannique ont énormément contribué au
développement de la capitale et ses habitants au cours du
XIXe siècle. Ils avaient sur le plan intellectuel
apporté l'écriture durant le règne de Radama le
père. En son temps également, les connaissances techniques des
jeunes Malagasy se développèrent avec la création
d'atelier (Cameron). Avec la volonté d'étendre d'avantage
l'évangélisation sur la terre païenne, les Britannique
érigeaient des édifices religieux.
Ainsi, arrivé dans la capitale le 16 juin
18622, Ellis (W.) avait un projet qui va bouleverser le domaine de
la construction. Ce délégué de la London Missionary
Society avait comme idée d'ériger des temples sur les lieux
où les chrétiens étaient exécutés sous les
persécutions de Ranavalona I. Son but était d'associer à
ces endroits des lieux de culte la mémoire de ces confesseurs de la foi,
mais également de créer des foyers de culte durables. Les sites
ciblés par Ellis étaient Ambatonakanga, Ambohipotsy, Faravohitra
et Ampamarinana. Le premier, sur lequel se trouvait un temple provisoire
était le lieu où Rasalama fut emprisonnée. Il y a ensuite
Ambohipotsy, situé à l'extrême sud de la colline royale.
Cet endroit servait d'exécution des condamnés. Rasalama en
faisait partie. Sous les ordres de Ranavalona I elle était
exécutée le 14 aout 18373 à coup de sagaie. A
Tsimihatsaka ou Ampamarinana, on précipitait les
condamnés à mort enroulés dans des nattes. Sa
célébrité, selon Valette (J.)4date du 28 mars
1849. A cette date, Rainimiadana et 13 autres chrétiens
trouvèrent la mort. Ramanandalana et ses trois amis, tous descendants
d'Andriamasinavalona, ont été brulés vifs à
Faravohitra le 28 mars 18495. D'autres endroits et d'autres
évènements marquaient également les
exécutions6mais c'étaient ces quatre sites qui
attiraient vraiment Ellis, du fait qu'ils ont des vues panoramiques et visibles
de loin. Le roi Radama II accorda les sites aux Britannique. Le 23 aout 1862,
Ellis écrivait aux directeurs londoniens pour la récolte de fonds
afin de construire les temples. En une semaine, 14OOO livres sterling ont
été rassemblées7.
Ainsi, la construction vont débuter sous divers
problèmes tels de langue ; de techniques encore nouvelles pour les
Malagasy... Des obstacles se présentaient : le monopole de l'Etat des
matières
1 « Tantaran'i Madagasikara isam-paritra »
p524
2 « Madagascar et le christianisme » HUBSCH
éd, 1993 Ambozontany
3 RANDRIAMAMONJY op. Cit. p517. Rafaralahy ANDRIAMAZOTO y
était aussi exécuté le 19 février 1838.
4 « Le temple d'Ampamarinana » article in
Le courrier de Madagascar du lundi 22-04 -1963
5 « Eglise protestante Faravohitra 1870-1960 »
septembre 1960 -certains auteurs à l'exemple de VALETTE (J.) donnent
comme date d'exécution des martyrs le 29 mars 1849 au lieu de 28
mars.
6 Il y avait des chrétiens dont on avait coupés la
tête à Ambohipotsy et à Anjoma et il y avait ceux qui ont
été lapidés à mort à Fiadanana le 18 juillet
1857 et bien d'autres.
7 RAISON-JOURDE, « La fondation des temples protestants de
Tananarive » in Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11, 1970
premières, des ouvriers1 mais
également sous l'oeil vigilant des Malagasy. La méfiance envers
les étrangers n'était pas encore effacée.
Aussi difficile que cela était, les missionnaires avec
les Malagasy d'hier ont pu quand même ériger les édifices
qui commémoraient les martyrs de la foi. Ellis avait même
invité Cameron pour la construction des Temples commémoratifs. Ce
dernier avait des connaissances sur la langue2 et la population
locale du fait qu'il résidait dans la capitale depuis 1826. De plus,
celui ci avait déjà initié les jeunes Malagasy aux travaux
de bois et la pierre comme fondation de maison. C'était lui qui avait
découvert la pierre à chaux.
La volonté de la population à changer les cours
des choses se montrait dans la construction de divers édifices
religieux. Après la mort de Ranavalona I, la construction
d'églises se multipliaient et gagnaient de plus en plus du terrain.
Entre les années 1861 et 1868, quelques temples appelés «
reny fiangonana » voyaient le jour. D'après Clark (H.
E.)3, ces églises mères étaient au nombre de
neuf dont : Amparibe ; Ambatonakanga ; Analakely ; Ambohipotsy ;
Ambavahadimitafo ; Ambohitantely ; Ambonin'Ampamarinana ; Avaratr'Andohalo et
enfin Faravohitra4. La présence de ces édifices
marquait le glissement petit à petit d'un royaume païen vers un
autre, christianisé. Le peuple également ne cachait pas sa
volonté d'adopter une nouvelle religion. L'édification de ces
temples, avec la montée de Ranavalona II au pouvoir et la levée
de l'interdiction, marquèrent également le basculement d'une
« civilisation du végétal » à une autre, la
pierre qui était jusqu'alors attribuée aux domaines des sans vie.
Imaginatif, le projet de construction des temples commémoratifs en
pierres demeurait l'un des plus grands au cours du XIXe
siècle. Au regard des édifices « simples » de la
population locale, c'était très cher et très dur de
construire avec les pierres de taille. Un nouveau style de construction voyait
le jour et va influencer aussi bien l'architecture civile que religieuse. Cet
art de bâtir et ces nouvelles techniques de construction à travers
les quatre temples commémoratifs seront les vrais centres de notre
recherche.
1 Daty malaza Pasteur RABARY « On dit qu'il
sera interdit de continuer la construction d'Ambatonakanga et de travailler au
service des vazaha » communication de COUSINS le 29 juin 1866.
2 « Madagascar revisited » Rev ELLIS p364.
3 « Tantaran'ny fiangonana eto Madagasikara hatramin'ny
niandohany ka hatramin'ny taona 1907 » 3è édition
1918
4 Dans le livre dirigé par HUBSCH : «
Madagascar et le christianisme » édition Karthala et
Ambozontany 1993, les églises mères étaient au nombre de
03 à savoir Analakely ; Amparibe ;
Ambatonakanga qui étaient tous en dehors des murs de la
ville.
CHAPITRE V : LA CONSTRUCTION DES TRANOVATO
A partir de 1861, la construction d'édifices religieux
se multiplia. Chacun montrait une volonté de prendre part dans
l'extension de la nouvelle religion, connotée auparavant «
Fivavahambazaha ».Les Renifiangonana (ou églises
mères) voyaient le jour. Quelques Malagasy commençaient
également à s'intéresser à
l'évangélisation. Aussi, ils suivirent des cours dirigés
par les missionnaires britanniques afin de devenir pasteurs. La construction
commençait par des temples provisoires. En attendant la construction en
dur, la population locale érigeait des maisons en bois en guise de
Trano fivavahana. Comme exemple, il y avait celle à
Faravohitra érigée par les décisions de quelques
personnes1.Celle d'Ampamarina était une Trano kotona
au tout début. Ensuite en Zozoro à
Antsahatsiroa2. Ces édifices en bois étaient souvent
victimes d'incendie3. La construction à vive allure des
édifices cultuels affirmaient le développement du christianisme
et de l'architecture en Imerina. Ainsi, avec la loi interdisant toutes
constructions avec des matériaux autres que le bois, levée par la
reine Ranavalona II, de nouveaux types et styles de bâtis apparaissaient
en Imerina. La construction montrait les influences
européennes. Aussi bien françaises qu'britanniques, elles
stupéfiaient les Malagasy. En effet, du point de vue matériaux,
c'étaient nouveaux du fait que le bois était l'unique
matière première. Concernant les techniques, les
ouvriers-artisans Malagasy n'en avaient aucune connaissance. Ce qui marquait
également ces constructions c'était leur taille et leur volume.
Déjà sous Ranavalona I4, les bâtiments en bois
prenaient de plus en plus d'ampleur, de gigantisme. Ils avaient continué
à évoluer avec l'avènement de la pierre et de la brique
comme matériaux de construction. Tandis que pour les bâtiments
civils, les briques dominaient ; les pierres étaient destinées
non seulement pour les tombeaux mais également pour les édifices
religieux.
Les édifices cultuels gagnaient de la place un peu
partout après 1861.Les missionnaires catholiques aussi bien que les
protestants songeaient à construire des édifices durables. Les
oeuvres de la London Missionary Society (LMS) étaient parmi les plus
remarquables. Par l'instauration de la liberté religieuse sous Radama
II, ces missionnaires obtenaient des terrains de construction. Devenus
chrétiens, Ranavalona II et les dirigeants politiques de 1868 en
accordaient une place cruciale puisque le protestantisme était devenu la
religion de l'Etat. A Antananarivo, pour preuve, les temples
1 « [...] Fiangonana vonjimaika naorina araka ny
fanampahan-kevitr'i RAINIJESY ; RAINILAIJEMISA ; RANDRIANAIVO tao
Ambatomiangara [...] » in Eglise protestante Faravohitra
2 Antananarivo d'autrefois in Revue de Madagascar
3e-4e Trimestre, MANTAUX « [...] à Ampamarinana
était édifié en zozoro comme lieu de culte.Quelques jours
après son achèvement, un incendie le ravagea le 2 mai 1864. Tout
le quartier fut détruit et le palais royal lui même fut un moment
menacé [.] ». pp 5-61
3 « Fiangonana Tranovato Ambonin'Ampamarinana
1874-20quatre »
4 LABORDE construisait un palais en bois pour la reine, CAMERON
30 ans plus tard l'avait revêtu en pierre
protestants dominent surtout sur la haute ville et ses
alentours. Ellis (W.), chef de file de la London Missionary Society avec l'aide
d'Ingahikama (Cameron) décidait de construire des
édifices en pierres. Il choisit en premier les lieux où les
Malagasy avaient perdu leur vie pour leur foi. Les maitres d'oeuvre de ces
édifices étaient Cameron-Sibree-Pool1.Ce dernier
remplaçait Aitken2 obligé de quitter Madagascar pour
des raisons de santé. Les tâches étaient réparties
entre ces architectes. Sibree dessinait les plans d'Ambatonakanga,
d'Ambohipotsy et de Faravohitra3et se chargeait également de
leurs réalisations. Cameron quand à lui supervisait la
construction de Faravohitra ; Pool se chargeait de surveiller les travaux
d'Ambohipotsy-d'Abonin'Ampamarinana. Pour de telle construction il fallait une
somme d'argent considérable. En effet, c'étai très
chère d'ériger des bâtiments intégralement en
pierre.14000 livre sterling étaient récoltée en une
semaine destinée pour Faravohitra. Certain missionnaires s'opposaient
même croyant que c'était un gaspillage d'argent4. En
tout, la mission avait disposé de 320.0005 francs pour les
quatre temples mémoriels. Sous divers problèmes, tels les mains
d'oeuvres ; les matériaux de constructions, la construction
avançaient quand même. La construction commençaient par le
temple d'Ambatonakanga ensuite celui d'Ambohipotsy après Faravohitra et
enfin Ambonin'Ampamarinana. Comment se déroulaient la construction ?-
D'où les matériaux provenaientil ?- Quelles techniques ont
été utilisées ?- Qui étaient les ouvriers des
chantiers ? Telles sont les questions qui méritent d'être
soulever.
V-1 LES ORIGINES DU MATERIAU PIERRE
V-1-1 Ambatonakanga
Le nom de ce quartier, dit-on, vient du fait qu'autrefois des
pintades sauvages s'y trouvaient6.Il est à noter que ce
quartier se trouve à l'extérieur des murs de la vieille ville. La
première
1 Certain livres évoquent d'autres noms d'architectes
britannique qui avaient contribués massivement aussi bien dans
l'élaboration du plan mais également dans les constructions. Il y
avait ROBIN et TOY.
2 AITKEN, artisan fut remplacé par POOL arrivé le 7
juillet 1865
3 « Tananarive d'autrefois » MANTAUX
p51-D'autres livres affirment que le plan de Faravohitra étaient
dessinés par ROBIN en Angleterre (in le Temple de Faravohitra).
Ampamarinana quant au temple, il était érigé par
ROBIN-SIBREEPOOL selon le livre Le Temple d'Ampamarinana
4 Faravohitra a été rejeté par HARTLEY :
« l'argent prévu pour Faravohitra pourrait être
employé à meilleur escient que dans la construction d'un temple
en pierre [...] » in La fondation des temples protestants à
Tananarive entre 1861-1869 RAISON-JOURDE (F.)
5 Tandis que le frais évalué par ELLIS pour les
quatre temples commémoratifs en 1864 était de 2500 livre sterling
in « Annales de l'Université de Madagascar, série
Sciences Humaines n° 11, 1970
6 In « Ambatonakanga : église protestante
1867-1977 »
résidence de Cameron s'y trouvait. Lorsque ce
missionnaire arriva dans la capitale1, Radama I lui donna comme lieu
de travail Ambatonakanga là où le temple en pierre est
érigé. Mais bien avant la construction du temple, ce lieu avait
une autre utilité. Pendant le règne d'Andrianampoinimerina et
celui de son fils, c'était un terrain de culture de patates et
manioc2. Avant la construction du temple, selon Mantaux3,
il y avait une vieille chapelle indigène, de construction sombre et
basse qui se trouvait à l'Est du temple en pierre. Ce temple servit de
prison des chrétiens Malagasy durant les persécutions sous
Ranavalona I. Le lieu où se trouve le temple d'Antsampanimahazo ou
également des quatre chemins4 se caractérisait par la
présence en abondance de pierres. En effet, si on se
réfère tout simplement par la toponymie de ce quartier, on
constate très rapidement le préfixe « Ambato- ».On peut
donc en conclure que des pierres s'y trouvaient. Partant des constatations du
docteur Fontoynont5, on peut également affirmer qu'il y avait
justement des pierres en cet endroit. Il affirme même dans son livre que
« le temple a été construit sur un vaste rocher dont les
fragments ont servi à la construction ». Ainsi, on peut en
déduire que la matière première pour la construction du
temple se trouvait sur place même. Il reste donc à savoir les
techniques de déplacement des pierres, leur taille mais également
tout ce qui concerne la construction. Ambatonakanga (littéralement
aux-rochers-des pintades) se caractérise donc par la proximité du
matériau pierre. Il se caractérise également par son
ancienneté. C'est une des premières églises construites
dans la capitale puisque dès 1831, elle existait
déjà6.Le temple d'Ambatonakanga était
également le premier temple construit entièrement en pierre. Mais
qu'en est-il d'Ambohipotsy. D'où provenait le matériau pierre
pour sa construction ?
V-1-2 Ambohipotsy
Ce quartier se trouve à l'extrême Sud de la
colline de la ville ; à la base du pied de l'« Y
» car la haute ville se pose sur une colline qui a cette forme.
Il tient son nom diverses raisons. Premièrement c'était en ce
lieu, durant le règne de quelques souverains, le lieu d'exécution
des condamnés. Là où on laissait son corps aux chiens et
aux oiseaux. La population se méfiait de cet
1 D'après COUSINS (livre traduit par RANDZAVOLA) in «
Ingahikama ou James CAMERON », CAMERON débarquait à
Antananarivo le 06 septembre 1826
2 MANTAUX op.cit. 1969
3 « Tananarive d'autrefois » p 54
4 On appelait autrefois le temple d'Ambatonakanga par ce nom-
quatre chemins était donné par les colons français. In
Fiangonana Tranovato Ambatonakanga : Ny tantarany nandritra ny 110
taona
5 « Toponymie de Tananarive » p3
6 Il est à noter que cette date correspond à
l'édification du temple en bois et chaume par la volonté des
chrétiens Malagasy. Mais c'était en 1864 que commençait la
construction du temple en pierre par SIBREE.
endroit croyant que c'était un lieu maudit et
malfamé. C'était également sur ces lieux d'après
Ravel1 qu'on jetait les impuretés vu que c'est le Sud. Les
objets d'un défunt tels les oreillers ou les nattes y étaient
laissés d'où le nom Ampanarianondana. La colline blanche
était soupçonnée d'être un lieu
hanté2.Mais avant qu'Ambohipotsy eût toutes ces
mauvaises réputations, il y avait quelqu'un qui y habitait. Mantaux
affirme dans son article Tananarive d'autrefois 3 que : «
quoique ce quartier soit en dehors des fortifications de la ville, il n'en est
pas moins ancien. C'est déjà avant qu'Andrianjaka n'habitait le
Rova, Andrianentoarivo y avait sa demeure. Ce quartier servit
ensuite de lieu d'exécution de malfaiteurs »
Une des caractéristiques d'Ambohipotsy c'est que ce
quartier se trouve sur une plaque de pierre. Ravel affirme dans son
journal4 qu'Ambohipotsy était riche en roche. Les blocs de
pierre y étaient abondants. abondants.
Le nom du quartier vient du fait que sur place, il y avait
abondamment de pierre blanche5-du granite. Vu que le quartier
d'Ambohipotsy était sur une grosse plaque de pierre, il servait de
carrière pour diverses constructions. Andohamandry était
le principal lieu où l'on extrayait les blocs de pierres dont on a
besoin. Puisque la carrière était à proximité et
que Sibree affirme que le temple commémoratif d'Ambohipotsy avait comme
matière première principale la pierre blanche- le vieux granite,
on peut affirmer que c'était sur place même que provenaient les
pierres de construction. Qu'en est-il du matériau pierre pour
Faravohitra ?
V-1-3 Faravohitra
Faravohitra se trouve au versant nord-est de la colline
d'Antananarivo. Comme son nom l'indique c'était là que se
terminait le village de la ville haute. Au tout début du XIXe
siècle, selon
Razoharinoro6, c'était surtout dans la
partie sud de la colline d'Antananarivo que les maisons se construisaient
(partant du Rova jusqu'au sud).Le village commençait à se
développer vers le versant nord et couvrait le «
tampom-bohitra ». Cette extension ne s'arrêtait
que jusqu'à ce que les maisons ne couvraient la colline entière,
du sud jusqu' au sommet nord.
1 Ambohipotsy 1968
2 Le FIRAKETANA affirme qu'Ambohipotsy tient son nom de la
présence des ossements humains condamnés à mort qui
s'éparpillaient partout
3 MANTAUX op.cit.
4 « Ambohipotsy » 1968
5 « White stone » d'après SIBREE
6 Cet auteur du livre « Le développement
d'Antananarivo » est ici cité dans l'ouvrage Ny Fiangonana
Tranovato Faravohitra sy ny mpitandrina Razafotrimo mivady 1968-2006
Faravohitra se trouve sur un sommet1 ; ce village
est entouré : à l'Est d'Antsakaviro lieu où il y avait du
poudre à canon, Ampandrana à l'Est, Andravoahangy «
ambany avaratra » là où habitait Ravoahangy, un
vazimba, Ambondrona « ambany andrefana avaratra » où
il y avait un puits public, Analakely « ambany andrefana »
là où l'on manufacturait du savon et de la poudre à canon,
Ambohijatovo au sud. Concernant ses caractéristiques, Faravohitra
était un endroit couvert de buisson et d'arbrisseaux.
L'Anjavidy (bruyère), les fougères et les herbes y
étaient abondantes. Mais ce qui nous intéresse est que
Faravohitra regorgeait de tas de pierre, des « korontam-bato
» affirme le pasteur Ravelojaona. On peut donc tirer une idée
que les pierres nécessaires pour la construction du temple
commémoratif étaient locales. Faravohitra était difficile
d'accès vu qu'il était relié par de fort mauvais chantiers
et coupés d'amoncellements de rochers. Le projet de construction
était contesté par Hartley considérant comme étant
très loin de la population et hors de tous les secteurs
d'activités. Mais que pouvons-nous dire concernant les origines du
matériau pierre pour l'église commémorative sise à
Ambonin'Ampamarinana ?
V-1-4 Ambonin'Ampamarinana
Situé sur le versant ouest de la colline,
Tsimihatsaka2 se caractérise par la présence
d'un grand rocher sur lequel se trouve le temple actuel. Mais même si ce
quartier est riche en pierre, le matériau pierre pour la construction du
temple était extrait ailleurs. En effet, vu qu'il y avait
déjà une carrière située à Ambohipotsy qui
servait pour la construction du temple commémoratif en ce lieu,
c'était là bas que provenaient les pierres pour Ampamarinana.
Valette (J.) affirmait dans son article3 que toutes les pierres
nécessaires pour la construction du temple d'Ampamarinana fussent
extraites de la carrière d'Ambohipotsy. Un autre livre sur la
jubilée du 130è année du temple d'Ampamarinana4
confirme également l'extraction des pierres pour les constructions. Il a
été dit que « tao ambany atsimo atsinanan'Ambohipotsy no
nangalana ny vato ». Les pierres de construction venaient donc
d'Ambohipotsy.
La matière pierre abonde à Antananarivo et ses
environs. Cette abondance est en partie justifiée par la présence
de plusieurs villages et quartiers qui portent des noms avec préfixe
Ambato-.
1 RAVELOJAONA « Firaketana »
2 C'est le nom que l'on avait attribué à ce
quartier autrefois-là où on précipitait les
condamnés à mort tels les 14 chrétiens aux temps de
Ranavalona I.
3 Le temple d'Ampamarinana ; article in Le courrier de
Madagascar du lundi 22 avril 1963
4 Fiangonana Tranovato Ambonin'Ampamarinana
1874-20quatre
Muthuon1, justifiant ce qui a été dit
affirme même qu' « à priori, on a quelque droit de s'attendre
à trouver des affleurements de granite dans l'Imerina...
».Il employait même, pour qualifier cette abondance, le nom d'un
village : Ambatomiranty (Littéralement aux roches qui saillies)
ou bien Ambatomaro. Sa procuration ne posait donc pas de
problèmes majeurs pour les architectes missionnaires vues sa
proximité et son abondance. Le matériau fondamental pour la
construction des quatre églises commémoratives était
facile à trouver. La colline de la cité des mille est riche en
pierre. Pour preuve, des voyageurs-chercheurs ou missionnaires
décrivaient même cet aspect de la capitale. Copalle2,
en 1825, donnait son point de vue sur l'aspect géographique3
et géologique de la capitale. « Tananarive est bâti sur un
rocher situé au milieu d'une plaine environnée de petites
montagnes ». Cette plaque de pierre sur laquelle Tananarive se trouvait
était une excellente matière pour les constructions.
D'après Sibree4, la matière pierre est
inépuisable dans la capitale. Le gneiss serait admirable pour les
constructions. Facile d'accès et gratuite, la pierre comme
matière première ne posait aucun problème pour les
constructions. Vue cette abondance, d'autres endroits avaient également
servi de carrière d'extraction de la pierre de construction. Il y avait
la carrière de Malakialina ou bien celle
d'Ambatomaro5 qui est toujours en service jusqu'à
maintenant. Les questions qui méritent une vive attention seraient
maintenant de savoir les techniques qui ont été utilisées
dans tous les travaux nécessaires pour façonner la matière
pierre.
V-2 LES TECHNIQUES UTILISEES
La technique selon Creswell (R.)6, est « une
action de l'Homme sur la matière en vue d'un résultat
précis lié à la satisfaction de ses besoins ».Cette
technique doit d'une façon ou d'une autre produire quelque chose qui
sera le résultat de la conjugaison d'éléments. Il y a
quatre 7éléments fondamentaux qui vont ensemble
lorsqu'on parle de technique. Il y a premièrement, la matière qui
sera la base même du travail ; ensuite viennent les objets ou les outils
de travail ; après, on a les gestes ou les sources d'énergie qui
mettent en mouvement les objets ; enfin, il y a les représentations
particulières qui sou tendent les gestes techniques. En fait, la
technique, qui est une production sociale peut être
1 Les alignements granitiques de la région de Tananarive
in Bulletin de l'Académie Malgache Tome I 1914 p 73
2 MANTAUX op.cit.
3 Contrairement pour d'autres matériaux utilisés
pour la construction tant locaux (bois-ardoise...) qu'étrangers
(vitrauxcloches ...)
4 SIBREE
5 Ces carrières étaient surtout utilisées
pour extraire les pierres nécessaires pour le revêtement du palais
de la reine : Tantaran'ny Malagasy manontolo
RAINITOVO p52- la carrière d'Ambohipotsy également
6 Elément d'ethnologie (2) : Problèmes
et Concepts chapitre 12 pp 44-79 éditions Armand Colin Paris
1975
7 Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie
P.U.F 1992
résumée comme un ensemble de savoir faire en
coordinant, selon Ducasse (P) 1le cerveau et la main. Nous sommes
donc confrontés à dire que toutes techniques viennent de l'Homme
et ses inventions sont les preuves concrètes de son imagination et de sa
capacité créatrice. Cette aptitude à créer pour se
manifester a besoin d'une matière afin de donner un « objet »
qui sera propre avec des techniques uniques et sans égales.
Notons que bien avant l'arrivée des étrangers,
les Malagasy d'hier avaient déjà leur propre technique concernant
les constructions. Ils se caractérisaient essentiellement par
l'utilisation des végétaux comme matériaux de construction
principale. Toutes les habitations de l'Imerina se
caractérisaient par ses formes qui étaient toutes à peu
près les mêmes. La construction était selon
Decary2, des oeuvres collectives. Ce type de matériau
caractérise vraiment les Malagasy. Ramiaramanana-Domenichini
(B.)3qualifie même cette forme d'architecture d'une «
Civilisation du végétal ». Elle affirme également
également que « architecte » veut dire patron-maitre des
ouvriers du bois. Ce type d'architecture (technique-matériau de
construction-orientation...) reflétait l'identité des anciens
Malagasy. Dans l'enceinte de la cité, jusqu'en 1867, le seul
matériau de construction autorisé était le bois. Ceux en
briques ou autres matériaux étaient Fady comme
étant contraires aux Sampy ou talismans des souverains. La
rareté du bois et les influences des européens, selon Decary,
avaient entrainé la levée de l'interdit. Ainsi on assistait
jusqu'alors à un basculement du monde de la construction avec
l'entrée des nouveaux matériaux ainsi que des techniques de
construction. Les missionnaires apportaient et apprenaient de nouvelles
techniques. Il nous est utile de savoir comment ces techniques se manifestaient
chez les groupes de personnes qu'avaient enseignés les architectes
missionnaires britanniques tels Cameron ou bien d'autres étrangers.
V-2-1 L'extraction de la pierre
Le travail de la pierre, très dur, nécessite
plusieurs étapes avant son utilisation dans les constructions.
Après avoir localisé la carrière, on passe à
l'étape de l'extraction des blocs de pierres. Concernant cette
dernière, la technique existait depuis des générations et
des générations à Madagascar et surtout en
Imerina. Le sens de l'observation et de l'application avaient
montré le savoir faire des anciens. Le feu ne s'était pas
seulement limité aux simples utilisations dans la cuisson ou bien de
réchaud. Les anciens occupants de l'Imerina l'employaient pour
extraire des blocs de pierre. Selon
1 Histoire des techniques QSJ P.U.F 1961
2 Contribution à l'étude de l'habitat à
Madagascar imprimerie Marri porrey 2, place de la libération
1958
3 Architecture dans la tradition des hautes terres
centrales tome 72(1-2) B.A.M section ARTS-LETTRES-SCIENCES.
Paillet1, d'après les recherches qu'il avait
entreprit à Arivonimamo, à 50 Km au sud d'Antananarivo vers les
années 80, c'était par observation des phénomènes
naturels2 que leurs ancêtres, racontaient ceux qui ont
été enquêtés, que l'extraction de la pierre a
été apprise. Depuis, cette technique a été
transmise de père en fils. Traditionnelle qu'elle est, cette technique
est extrêmement simple et nécessite aucun matériel
complexe. Il suffit de rassembler des troncs d'eucalyptus ou des bouses de
boeufs pour la « cuisson » avec le feu et on brûle selon la
forme voulue. Cette technique s'appelle le choc thermique3. Cette
technique traditionnelle était surtout utilisée pour extraire des
dalles pour la construction des tombeaux. Selon Jully4, la technique
d'extraction par le feu5 serait contemporaine du roi
Andrianampoinimerina. La présence d'une telle technique prouvait la
capacité et le génie créatif de nos ancêtres en
usant les matériaux de son entourage. Ce savoir faire transmit de
génération en génération, en fait, est un des
constituants de l'identité des anciens Malagasy de l'Imerina.
Les étrangers, de leur coté, avaient apporté leur part
dans la création d'une nouvelle identité, d'une nouvelle vision
des « choses » en tant que matière pouvant être
transformée en d'autres objets. Avec l'arrivée des missionnaires
que ce soient des Français ou d'Britannique, d'autres techniques ont
été apportées concernant l'extraction de la pierre.
Des techniques totalement nouvelles pour les Malagasy
étaient apportées par ces missionnaires pour extraire la pierre.
La poudre à canon pour les armes à feu n'était pas
probablement méconnue par les anciens depuis la création de
l'armée malagasy. Cependant, au lieu d'être employé dans
les armes à feu, ce produit était utilisé pour extraire de
la pierre dans les carrières. Sous la forme de dynamite, il était
employé pour faire exploser les pierres. Cette technique était
utilisée par les missionnaires dès la construction
d'Ambatonakanga, le premier temple commémoratif.6Cette
technique a été probablement employée par ces
ingénieurs-architectes car l'extraction était rapide. Elle serait
sans doute utilisée pour l'extraction des pierres nécessaires
pour toutes les constructions d'autant plus que le résultat avec ce
moyen est vraiment rapide.
1« L'extraction et la taille des vastes dalles de granit
à Arivonimamo » in Recherche pour le développement
série S.H.S n°2 1986 p207-220
2 Selon PAILLET : « Les anciens disent que leurs
ancêtres avaient découvert cette technique d'extraction en
constatant les effets d'un grand feu de brousse allumé par la
foudre[...] Après le passage de l'incendie ils se rendirent compte que
toute la surface était détachée de la roche mère en
une grande dalle[...] ».
3 Le choc thermique a 02 effets : il étonne d'abord la
surface de la pierre et produit de la pierraille ensuite il affecte la masse
même du granit et crée une fissure profonde dans un plan
parallèle à celui de la surface. PAILLET
4 Cité par DELAHAIGUE-PEUX in « Manjakamiadana
» édition l'Harmattan Paris
5 Cette technique était utilisée, selon
RANDRIANANDRASANA dans son mémoire intitulé « Les
Vatolahy dans le Fisakana », avant la connaissance du fer ou
bien dans les sociétés où le fer était interdit :
VATO TSY NANDIA VY
6 British introduction of new uses of stones in Antananarivo
1826-1889 mémoire de maitrise
Après avoir été extraites à la
roche mère, les pierres de construction devaient être
transportées sur les chantiers. Différentes techniques ont
été mises en oeuvre pour le transport du matériau pierre.
Nous allons essayer de voir quelles étaient ces techniques de
transport.
V-2-2 Les transports du matériau pierre
Comme nous l'avons expliqué dans le paragraphe
ci-dessus, les anciens Malagasy avaient leurs techniques pour l'extraction de
grosses dalles de granites à l'aide du feu. De plusieurs milliers de
kilos voire même des tonnes, c'était quasi-impossible de
transporter ces blocs de pierre, étant donné qu'en ces temps, il
n'existait pas encore de moyens de transport pour ces lourds matériaux.
Puisque la collectivité était une des caractéristiques de
la société traditionnelle malgache1, le transport des
blocs de pierres se faisait en groupe. Ce moyen de transport était
surtout employé lorsqu'un groupe de personne fondait un village ou
érigeait une pierre commémorative ou construisait une tombe. Dans
cette technique de transport à laquelle chaque individu du groupe y
participait, surtout les hommes, on faisait usage de troncs d'eucalyptus pour
faire avancer la dalle de pierre. Cette technique est la technique par
glissement ou par roulement. En même temps que des personnes tiraient la
pierre, d'autres se chargeaient de déplacer les troncs qui ont
été libérés d'arrière vers l'avant. La
population concernée utilisait également des lianes ou des
écorces de bois en guise de corde pour tirer le bloc. Lars
Vig2 parle également de cette technique. Le bloc de pierre
était tiré par une centaine d'hommes dirigés par le
Komandora. Si la technique de roulement utilise des troncs d'arbres
pour avancer la pierre, cette seconde quant à elle pour que le trajet
soit lisse, on employait de la bouse de vache frais. Si les pierres
étaient de petites tailles, on les transportait à dos
d'hommes.
Figure. 6 : Schéma illustrant le transport d'un
bloc de pierre sur des troncs d'arbres ou rondin
1 «Izay mitambatra vato; izay misaraka fasika»-
«Ny firaisankina no hery»- «Tao-trano tsy efan'irery»...
2 Conception religieuse des anciens Malagasy, 2001
France- edition Ambozontany Analamahitsy: « Fomba fitanterana vato
nofatorana tamin'ny tady bozaka norandranina- nolafihana rambaramba- mba
hampalama ny lalana dia norarahana tain'omby vao ». Concernant encore
le moyen de transport des grosses dalles, les vieux païens se servaient
d'un charme particulier appelé BETSIMAVESATRA pour assurer avec
succès le transport. Un sacrifice de coq rouge avant de tirer la pierre
de ses lieux d'extraction.
Concernant les transports des pierres nécessaires pour
la construction des quatre temples commémoratifs d'Antananarivo, les
techniques de transport ont été différentes. En effet, les
transports des dalles posaient quelques problèmes. Vus les
caractéristiques accidentés de la colline d'Antananarivo, pour
alléger et faciliter, probablement, le transport des pierres, les
missionnairesarchitectes adoptaient une autre technique. Afin d'éviter
que le portage soit lourd et difficile, les pierres étaient, sans doute
taillées sur place, c'est à dire sur la carrière
d'extraction même. Cette technique était déjà
utilisée depuis le moyen Age en Europe1.Pour les pierres de
construction des temples commémoratifs, les pierres ont
été transportées dans des paniers depuis la
carrière d'extraction jusqu'au chantier de construction. Ellis
(W.)2écrivait dans son livre que « Femmes et enfants
transportaient de la terre ; des pierres [...] dans des paniers sur leur
tête »
Il est à noter que seules les pierres de constructions
du temple d'Ambonin'Ampamarinana n'étaient pas locales mais provenaient
d'Ambohipotsy. Depuis cette carrière, les chrétiens, avec leurs
convictions personnelles avaient transporté, une par une les pierres et
les autres matériaux servant à la construction3.Pour
les trois autres sites, le transport des pierres ne posait pas de
problèmes majeurs. Puisque les pierres étaient locales, il
restait leur acheminement sur la construction elle même. Avec des
paniers, les femmes et les enfants se chargeaient de transporter les pierres,
une technique de transport était déjà utilisée en
Europe au XIIe siècle de notre ère. Le portage humain
par civière était également pratique pour amener les
matériaux jusqu'au chantier4. Les anciens Malagasy avaient
déjà leurs techniques concernant le transport du matériau
pierre pour les constructions. Cependant, l'utilisation de la pierre se
limitait seulement sur quelques domaines. Etant donné que cette
matière était attachée à un tabou, et que la
société traditionnelle malgache était fondée sur le
culte des ancêtres ; la pierre y était prioritaire. Par
collectivité, ils ont pu créer des monuments gigantesques telles
les pierres levées honorant leurs ancêtres ou les défunts,
ou des tombes. Depuis lors, nos aïeux montraient déjà leurs
techniques et savoir faire avec la pierre. Lebras5 nous montre
d'ailleurs cela dans son ouvrage. Dans le contexte profane, la pierre
était utilisée dans la fortification de la cité. Les
anciens villages de l'Imerina comportaient des fossés avec des
disques de pierres comme portail. Voyant ces portails, l'on ne peut nier que
les Malagasy d'hier savaient extraire la pierre. Puisqu'avec cette extraction
avec le feu, ils
1 Les transports terrestres in Les origines de la
civilisation technique Tome I 1962 pp 439-456 DE LA CALLE ; CASTAGNOL ;
CONTENAU
2 The Martyr church of Madagascar ,
1870
3 « fiangonana Tranovato Ambonin'Ampamarinana
1874-20quatre » - Firaketana ny teny sy ny zavatra Malagasy
: « Ny fitaonana ny vato hatrany antsinanan'Ambohipotsy vitan'ireo
olona niorina ho fiangonana tao »
4 Les origines de la civilisation technique Tome I 1962
cette technique était par exemple utilisée pour l'abbaye de
LINDSFARE en Angleterre
5 LEBRAS op. Cit.
dessinaient grossièrement la forme de pierre voulue sans
les tailler .Avec les Européens, les techniques de taille de la pierre
ont été apportées. Quelles était ces techniques de
taille ?
V-2-3 La taille de la pierre
Beaucoup de techniques ont été apportées
depuis l'arrivée des Britannique et Français en Imerina
en ce qui concerne la construction. Les Malagasy savaient utiliser la pierre
mais son exploitation se limitait à l'extraction avec une forme
grossière. Dès son arrivée dans la capitale en 1826,
Cameron enseignait des techniques de construction. C'était lui qui
initiait pour la première fois en Imerina la taille de la
pierre1 pour les fondations d'une maison. Avec l'arrivée de
Laborde, d'autres techniques faisaient également leur apparition. Cette
innovation se manifestait par l'architecture funéraire merina.
Lebras2, explique que ces modifications se matérialisaient
par le fait que les tombeaux étaient bâtis en pierres
équarries. Mais c'étaient les missionnaires britanniques qui
initiaient la population locale au travail de la pierre pour la construction
des temples. Pour ces édifices, il fallait apprendre, s'exprimait
Sibree3, aux ouvriers-artisans à se servir des outils pour la
taille et comment rendre carré les pierres. Les outillages pour le
débitage de la pierre les plus utilisés sont le laie et le
boucharde4.D'autres outils étaient également
nécessaires à savoir les ciseaux ; l'aiguille droite et gauche ;
la coudée et la massette. Les Britannique avaient apporté
beaucoup de technique pour les travailleurs Malagasy. L'on assistait à
l'initiation dans le travail esthétique de la pierre avec la
présence des colonnes et sculptures. La stéréotomie
figurait également dans les nouvelles techniques apportées pour
le débitage de la pierre. Au sens premier du terme, la
stéréotomie est l'art de découper différents
volumes en vue de leur assemblage ; en architecture, elle désigne plus
spécifiquement l'art de la coupe des pierres en vue de la construction
des voûtes, trompes, coupoles ou volées d'escaliers. Avec cette
technique, le tailleur de pierre travaille directement la masse du
matériau auquel n'importe quelle forme peut être donnée.
Cette technique était selon Mantaux, apprise par les bâtisseurs
britannique, alors que d'autres auteurs affirment que c'était Laborde
qui l'avait enseignée5.Cependant, ces ouvriers avaient
été déjà formés à la taille de pierre
par les premiers missionnaires protestants.
1 Certain auteurs comme MANTAUX (in Tananarive
d'autrefois p 35) affirmait que CAMERON était spécialiste en
bois et en brique qu'en pierre
2 LEBRAS op. Cit. Les tombeaux styles Laborde comportaient des
arcades, des balustrades et des décorations.
3 SIBREE : Fifty years in Madagascar personal experiences of
mission life and work
4 Ces outils étaient utilisés par les tailleurs au
XIIe siècle d'après Histoire
générale des techniques p 554
5 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. : Les ouvriers [...] étaient
les chrétiens condamnés sous Ranavalona I [...] apprirent la
stéréotomie avec LABORDE.
L'initiation à la taille1 de la pierre aux
apprentis locaux posait des difficultés pour les missionnaires. Il a
fallu les suivre de près pour les détails et avoir des
résultats impeccables. A l'exemple, les pierres de constructions du
temple de Faravohitra devaient avoir tous les mêmes
dimensions2. Sibree avait lui même pris en charge de mesurer
et de marquer une par une les pierres de construction3 pour
Ambatonakanga. De lourds travaux attendaient tous les ouvriers puisque
seulement pour le temple d'Ambatonakanga, il a fallu 35000 pierres. Chaque site
avait ses problèmes concernant sa construction. Cependant, Ampamarinana,
même si sa réalisation prenait du temps du fait qu'il était
touché par l'interdit, sa construction se faisait en regardant les
moindres détails et surtout les savoir faire et techniques des ouvriers
étaient déjà à un point supérieur.
L'initiation au travail esthétique de la pierre commençait pour
les ouvriers. Puisque ils savaient débiter la pierre, il était
alors d'ores question du comment élever ces lourds matériaux.
Quelles techniques les missionnaires mobilisaient pour ériger un tel
monument ? C'est ce qui nous intéresse à présent
V-2-4 L'élévation du matériau pierre
sur les édifices
L'érection de monuments n'était pas
étrangère aux Malagasy d'hier. En effet, la présence des
mégalithes dressés presque partout en était des preuves
concrètes de ce savoir faire. En creusant un trou profond selon la
taille du vatolahy, ils arrivaient à l'ériger tel un
poteau. Ceci n'avait pas besoin de matériaux autres que des cordes pour
la tirer et la maintenir droit jusqu'à ce que les calles fussent
posées. En ce qui concerne les maisons, vue leur taille minime, on
n'avait pas recours aux matériaux de grimpes. C'était seulement
sous Ranavalona I, selon Mantaux4 que les bâtiments en bois
prenaient une taille considérable. De là, on peut s'imaginer que
les architectes européens devaient employer des échafaudages afin
de faire monter les matériaux de construction. Le bois connaissait une
autre utilité avec les missionnaires britannique. En effet, ce
matériau d'origine végétal était employé
pour en faire un matériel de grimpe afin d'atteindre un niveau
supérieur pour la construction. Ces échafaudages en bois
étaient érigés sur les façades en construction.
C'était le cas, par exemple pour le temple commémoratif
d'Ambatonakanga.
1 Il est à noter que d'après l'ouvrage
Histoire générale des techniques Tome II, la technique
de la taille de la pierre était d'origine grecque et la taille
géométrique de la pierre est une conservation des connaissances
de la science et technique hellène
2 Les pierres de taille avaient : 30 cm de Hauteur ; 30 cm
d'épaisseur ; 30cm de long
3 SIBREE op.cit.
4 MANTAUX op. Cit.
Figure 7 : Erection d'une pierre mâle
(Vatolahy)
Nous nous posons la question sur la manière dont les
ouvriers faisaient usage pour faire monter les pierres de taille en niveau
supérieur. Un ouvrage sur les techniques1 donne des exemples
sur les moyens utilisés pour transporter les matériaux en
hauteur, en Europe. Il y avait l'usage de plan incliné au XVe
siècle, les matériaux ont été transportés
dans de sortes de cuves en bois ou dans des paniers. Cette dernière
technique était probablement celle qui a été
employée pour les temples commémoratifs. On arrivait donc
à accéder à tous les niveaux grâce à
l'échafaudage, il était question d'ores d'assembler les pierres.
En effet, pour que la structure tienne, il fallait songer à utiliser des
liants pour assembler les pierres entre elles. Nous allons donc maintenant nous
intéresser aux techniques d'assemblage des pierres pour les quatre
monuments commémoratifs.
Figure. 8 : Echafaudage du Memorial Church
d'Ambatonakanga
1 Les origines des civilisations techniques Tome I 1962
DE LA CALLE ; CASTAGNOL ; CONTENAU
V-2-5 L'assemblage des pierres
L'Imerina n'a jamais probablement connu avant
l'avènement des missionnaires, autres matériaux d'attache que les
lianes et d'autres écorces d'arbres. Ces matériaux ont
été utilisés pour attacher et assembler le bois pour la
construction des maisons. Construit totalement en bois, l'intérieur des
logements était couvert d'un enduit1 de bouse de vache qui
servait en quelque sorte de liant pour fortifier la structure et pour retenir
la chaleur à l'intérieur. L'arrivée de Cameron à
Antananarivo était un des points marquant dans le domaine des
constructions en Imerina. En effet, cet architecte-pasteurenseignant,
avec ses recherches avait pour la première fois découvert la
pierre à chaux2. Il enseignait à ses
apprentis-ouvriers à la transformer en chaux. Cette découverte
va, selon Delahaigue-Peux3, contribuer à
l'amélioration des liants. On utilisait, d'après elle, pour les
appareillages de la terre rouge. Aussi, le nouveau liant découvert
était employé dans les constructions. Les
missionnaires-architectes utilisaient pour assembler les pierres de taille
entre elles, la chaux. Avant son usage comme liant, la chaux devait passer
à des étapes de cuisson. Pour que la structure tienne, il fallut
cuire la chaux avant son utilisation. Le mortier tenait surtout à la
bonne ou mauvaise cuisson de la chaux. La technique d'utilisation de la chaux,
mélangée avec du sable comme matériau d'assemblage,
était une des caractéristiques de la maçonnerie
médiévale4.La chaux pour les églises
commémoratives était cuite. Ellis (W.)5affirmait des
propos sur le problème concernant la chaux. Il constatait l'absence de
personne sachant cuire la chaux (« no lime burners »). Il
est à noter que pour les églises commémoratives, la chaux
provenait du Betsileo6. Ce matériau existait en petite
quantité et monopolisé par le gouvernement. Ce n'était pas
seulement ce matériau qui fut l'objet d'accaparation de l'Etat. Les
ouvriers faisaient également l'objet de ce monopole par ce dernier pour
des occupations personnelles7. Ces ouvriers attirent tout
principalement notre attention. Ils étaient, après les
missionnaires, des « personnages » clé de ces constructions.
Nous nous posons des questions sur leurs identités et leur devenir mais
également sur leurs initiateurs.
1 BASTIAN (G.) - GROISON (H.) op. Cit.
2 « Ingahikama » COUSINS traduit par
RANDZAVOLA imprimerie Imarivolanitra Antananarivo 1920
3 DELAHAIGUE-PEUX op. cit.1996
4 Les origines de la civilisation technique Toment I
1962 DE LA CALLE - CATAGNOL - LEROI GOURHAN
5 Madagascar revisited
6« La fondation des temples protestantes à
Tananarive entre 1861-1869 » RAISON-JOURDE (F.) in Annales de
l'Université de Madagascar, série Sciences Humaines n°
11- 1970
7« Maçons-tailleurs-charpentiers [...]
recherchés par les grands officiers qui, sous prétexte du service
de l'Etat, les utilisaient sous forme de corvée à la construction
de vaste demeures particulières » in Fondation des temples
protestants à Tananarive entre 1861-1869, RAISON-JOURDE (F.) Annale de
l'Université de Madagascar n°11 1970
V-3 LES OUVRIERS DES CHANTIERS
Les Malagasy de la société ancienne savaient
coopérer et travailler ensemble : « asa vadidrano ; tsy vita
raha tsy hifanakonana ». Le Valintanana montrait cette
collectivité entre la population. Il y avait de l'autre coté le
devoir envers le souverain. Aux temps de la royauté, la
société se divisait en classes. Selon Boiteau1 , il y
avait les nobles ou andriana ; les Hommes libres ou hova ;
les esclaves affranchis ou hova vao ; les hova réduit à
l'esclavage ou zaza hova ; les esclaves royaux ou tsiarondahy
et enfin les esclaves ou andevo. Ces derniers avaient des obligations
de travaux qui leurs étaient imposés. En effet, les esclaves
avaient comme fonction la corvée ou Fanompoana. Depuis
Andrianampoinimerina, chaque peuple devait « travailler » pour le
roi. Les femmes esclaves s'occupaient des travaux domestiques tandis que les
esclaves mâles des constructions de bâtiments civils et de
l'entretien de la digue de Betsimitatatra2. Il est à signaler
l'existence d'esclaves originaires d'autres pays à
Madagascar. En effet, des « corvéables »
locaux étaient des esclaves mozambicains et des
Africains3.Est-ce que ces esclaves étrangers avaient-ils
contribué dans l'érection des temples commémoratifs ?
Telle est la question qui se pose et mérite d'être
étudiée, de par ces sources.
V-3-1 Qui étaient ces ouvriers ?
Bien avant l'arrivée des missionnaires, les Malagasy
avaient des techniques qui leur étaient propres concernant la
construction que ce soit habitation ou autres. Cameron, quant à lui,
avait ouvert des ateliers pour former les jeunes Malagasy4. Partant
de cette information, nous ne pouvons pas encore encore affirmer que ces
ouvriers étaient des Malagasy. Ceci, puisqu'on n'a pas de données
montrant qu'ils avaient participé aux constructions des temples
commémoratifs. L'industrie du bâtiment avait connu une
prospérité à un moment donné. Avec Radama II au
pouvoir, la capitale, selon Mantaux5 , commençait à
voir les premiers édifices cultuels, la pierre et la brique se faisaient
de plus en plus nombreuses ... Devenant une source considérable de
revenu, selon Boiteau6, l'extraction et la taille de la pierre, la
préparation de la brique et de tuile se développaient. Les
apprentis ont été guidés par les
1 « Contribution à l'Histoire de la nation
malgache » édition sociale Ministère de la culture et
de l'art révolutionnaire 1982
2 Sources de l'Histoire de l'esclavage : affranchissement et
transaction diverses RAINIZAFINIARY mémoire de maitrise en Histoire
2005
3 RAINIZAFINIARY ibidem
4 INGAHIKAMA : misionera mpanao taozavatra teto
Madagasikara, COUSINS traduit par RANDZAVOLA (H.) : « Tsy latsaky
ny 600 ny mpianany (rafitra) »
5 « Madagascar d'autrefois » in Revue de
Madagascar 3è et 4è trim. 1969
6 « Contribution à l'Histoire de la nation
malgache » édition sociale Ministère de la culture et
de l'art révolutionnaire 1982
artisans britanniques, Cameron et Pool. Notons bien que la
technique de façonnage de la pierre de taille fut transmise par Cameron,
dans les années 1827.On utilisait ces pierres pour les fondations des
maisons.
Partant de l'information donnée par Sibree1,
nous pouvons identifier les ouvriers qui avaient contribué aux
constructions. Ce missionnaire britannique remarquait que « les Malagasy
(malagasy workmen) travaillaient irrégulièrement pendant
la semaine. Ils surveillaient leurs rizières et les repiquages du riz
». Il y avait également les habitudes et coutumes locaux. Sibree
affirmait que : « les affaires familiales interrompent constamment le
travail tels les naissances, circoncisions, mariage, et principalement les
funérailles ». Ces informations ont été
observées et données par Sibree durant la construction
d'Ambatonakanga, le premier temple commémoratif. Nous pouvons
déjà à partir de là, en déduire que ces
ouvriers étaient Malagasy. Cette affirmation peut être
justifiée par le fait que Sibree citait des coutumes et traditions
typiquement malagasy. La langue parlée était aussi, à un
certain moment évoquée comme problème. Sibree ne
comprenait pas la langue locale. Cameron, qui résidait assez longtemps
en Imerina en avait des notions.
D'autres ouvrages parlent également de ces ouvriers.
Dans l'ancienne société, le roi et les nobles avaient droit
à des esclaves qui se chargeaient de toutes les tâches, le
Fanompoana. Ces esclaves, selon Ravel2 ont
été prêtés par quelques « grands » de
l'époque. Vu l'avancement des travaux, les hommes d'Etat à cette
époque, en inventant le prétexte de corvée avaient
retiré les ouvriers pour des constructions personnelles3.
Donc, nous pouvons affirmer que les ouvriers qui travaillaient sur les quatre
chantiers étaient des Malagasy. Ces ouvriers, cités à
plusieurs reprises dans des ouvrages que les travaux étaient des
corvées, avaient le statut d'esclaves. A aucun moment, dans les ouvrages
lus, il n'était cité autres ouvriers venant d'autres pays.
Certes, il y avait des esclaves mozambicains à Madagascar, cependant on
ne saurait dire s'ils avaient ou non contribué à la construction
des temples. Ce que nous pouvons dire c'est que les Malagasy y avaient
contribué. Pour preuve, Andriambelosoa (H.)4 en parlait
également dans ses recherches. Elle affirmait que « [...] les
travailleurs Malagasy ont été formés par le
L.M.S. Ils avaient déjà 35 années d'expérience
depuis la construction d'Ambatonakanga [...] »5. Dans ses
travaux de recherche, elle citait le nom de Rainibao, un des tailleurs
de pierre en ces temps. Cet ouvrier travaillait sur les sites mais il
participait également à la fondation de la cathédrale
d'Ambohimanoro.
1 SIBREE : Fifty years in Madagascar personal
experiences of mission life and work
2 AMBOHIPOTSY 1968 - il y avait même des contre
maîtres Malagasy sur le sentier d'Ambohipotsy
3 « La fondation des temples protestants à
Tananarive entre 1861-1869 » RAISON-JOURDE (F.)
4 British introduction of new uses of stones in Antananarivo
1826- 1889 Memoires de maitrise 2001
5 Les mêmes ouvriers avaient contribués à la
construction de la cathédrale ST Laurent Ambohimanoro
Les ouvriers étaient donc des Malagasy. Le recrutement
de ces ouvriers posait des problèmes pour les missionnaires. En effet,
de telles constructions avaient besoin de personnes qualifiées
(tailleurs- couvreurs- maçons- charpentiers). Comme nous l'avons dit,
les Malagasy avaient comme matériaux de construction habituelle du bois
; jonc ; de la boue. Les techniques étaient traditionnelles.
L'apprentissage de ces ouvriers au nombre fort restreint était de
lourdes tâches pour les missionnaires. Aussi, les esclaves qui avaient
auparavant travaillé gratuitement sous forme de corvée
(puisqu'ils étaient des esclaves) devenaient des ouvriers qui
percevaient des salaires en fonction de leurs travaux sur les sites des
memorial churches. Mais que devenaient ces ouvriers après la
construction des temples ?
V-3-2 Que devenaient les ouvriers après la
construction ?
Après la construction des temples commémoratifs,
les ouvriers avaient été appelés pour d'autres
constructions. L'interdiction de construire en dure était levée
par Ranavalona II, en 1868. Depuis, les bâtiments en pierre ou brique se
multipliaient sur la haute ville et même dans l'enceinte de la vieille
cité. Selon Delahaigue-Peux1, les ouvriers qui ont
été formés par les missionnaires britanniques dans la
taille de la pierre avaient participé au revêtement en pierre du
palais de la reine. Cette construction (1869-1875) se déroulait en
même temps que celle de Faravohitra et Ampamarinana. Le temple du palais
était également construit en cette année. Ceci peut
expliquer l'accaparation des ouvriers corvéables par l'Etat.
Après ces constructions, de nouveaux édifices religieux et
d'autres communautés s'implantaient dans la ville. Les Anglicans
s'installaient aussi dans la capitale. En 1883, la première pierre
était posée. Les mêmes ouvriers que ceux des temples
commémoratifs y travaillait. Un passage dans les travaux de recherche
d'Andriambelosoa affirmait que « évidemment, les travailleurs
Malagasy ont été formés par les missionnaires de la L.M.S.
Ils avaient déjà 35 année d'expériences depuis la
construction d'Ambatonakanga ».
Ainsi, les corvéables Malagasy, après la
construction des temples commémoratifs, oeuvraient dans des travaux de
constructions que ce soit des bâtiments civils ou religieux. Concernant
les Masombika, un traité sous Ranavalona II les avait
libérés de l'esclavage. L'apprentissage de ces ouvriers au nombre
fort restreint était de lourdes tâches pour les missionnaires. Qui
étaient-ils ? Les identités des initiateurs de nouvelles
techniques de construction méritent amplement d'être connues.
1 DELAHAIGUE-PEUX op.cit. 1996
V-3-3 Qui étaient les initiateurs des techniques
?
Puisque l'idée de construction des « Memorial
Churches » était conçue par Ellis, un missionnaire
Britannique, ceux qui vont construire les temples les étaient
également. Nous allons en savoir d'avantage sur ces missionnaires
à la fois révérends, architectes et ingénieurs.
V-3-3-1 Cameron (J.)
Il figure parmi les principaux noms de missionnaires qui
avaient appris aux Malagasy les nouvelles techniques de construction. Il
remplaçait Brooks (T.), un autre missionnaire mort du paludisme, une
maladie tropicale. Dès son arrivée dans la capitale en 1826,
Ingahikama avait ouvert des ateliers pour y enseigner les techniques
de constructions. Il apprenait aux Malagasy la charpenterie (ouvrage bois) ; la
taille de la pierre et le façonnage de la brique1 en terre
battue. Dès 1827, Cameron initiait aux apprentis-ouvriers à
utiliser la pierre dans les fondations des maisons, en dehors de la
cité. Il découvrait pour la première fois la pierre
à chaux et apprenait son extraction. Cameron construisait le toit et la
tête du temple d'Ambatonakanga, avec Sibree. C'était lui qui avait
surveillé la construction du temple de Faravohitra avec le plan
dessiné par Robin en Angleterre. Toujours avec Sibree, il surveillait la
construction d'Ampamarinana. Le revêtement en pierre du palais de la
reine figure aussi parmi ses travaux.
V-3-3-2 Sibree (J.)
Ingénieur civil de formation, Sibree se chargeait de
dessiner et de fonder le premier temple commémoratif, à savoir
Ambatonakanga, lui-même et Cameron étaient les patrons des
chantiers. Avec Pool, il contribuait à la construction d'Ambohipotsy. Il
participait également à la fondation du quatrième temple
d'Ampamarinana, avec Robin et Pool. Le révérend Sibree
contribuait également à l'apprentissage des ouvriers des quatre
sites. Constatant que personne ne savait encore travailler la pierre,
Sibree2 avait appris aux travailleurs comment rendre carré la
pierre. Mais la taille des pierres nécessitait l'utilisation de nouveaux
outils de constructions, les mesures... Pool figurait également parmi
ceux qui avaient enseigné les nouvelles techniques de construction.
Travaillant avec Cameron,
1 Ingahikama RANDZAVOLA
imprimerie Imarivolanitra 1920
2 SIBREE : Fifty years in Madagascar personal
experiences of mission life and work
tous deux guidaient les travaux d'extraction et la taille de la
pierre. Sibree imposait son propre style de construction en créant le
Cottage ou le « style Sibree ».
D'autres missionnaires Britannique y contribuaient
également, on va en parler plus loin. Laborde, un missionnaire
Français apportait également de nouvelles techniques de travail
de la pierre. Il enseignait la stéréotomie aux chrétiens
condamnés sous Ranavalona I qui devenaient ensuite les ouvriers du
palais de Manjakamiadana1 . Il bouleversait l'architecture
funéraire surtout en Imerina.
Ainsi les missionnaires apprenaient les nouvelles techniques
aux ouvriers Malagasy. Ils vont travailler sur les sites. D'autres
ingénieurs-architectes qui ont contribué aux constructions
méritent également d'être connus.
V- 4 AUTRES INGENIEURS ET ARCHITECTES
D'autres ingénieurs et architectes britannique qui
apportaient leurs savoir faire et contribuaient au changement de la face de
l'Imerina méritent également d'être
présentés en quelques mots.
V-4-1 Robin
Le nom de cet architecte figure sur la stèle de
commémoration, dans le temple de Faravohitra et celui d'Ampamarinana. Ce
missionnaire avait dessiné le plan du temple de Faravohitra. Robin
n'avait jamais vu Madagascar.
V-4-2 Parret (J.)
On a peu d'information sur ce missionnaire. C'était lui
qui avait dessiné le tribunal d'Ambatondrafandrana. Parret (J.)
(Paritra, son nom malgache) était l'imprimeur de la LMS
à Imarivolanitra, mais il savait dessiner à ces moments perdus ;
il n'était pas architecte comme les autres.
V-4-3 Pool (W.)
Ce missionnaire-architecte était l'un des plus
célèbres du XIXe siècle. Pool arrivait à
Antananarivo le 15 juillet 1865. Il était aussi bien architecte que
charpentier. Lui et Cameron travaillaient souvent
1 « MANJAKAMIADANA » DELAHAIGUE-PEUX 1996
ensemble. Le plan du temple commémoratif d'Ambohipotsy
était son oeuvre1. Le pasteur Rabary2 affirme
qu'il avait participé également dans la conception du plan du
Tranovato Faravohitra. Pool avait également dessiné le
plan du temple Tranovato Anatirova. Cet architecte-missionnaire, selon
Mantaux3, révolutionnait le style de construction qui va
être réservé aux dignitaires et nobles. Comme exemple, le
plan du palais du premier ministre ainsi que sa construction étaient
parmi ses oeuvres.
V-4-4 Toy
Cet homme figure également dans certains ouvrages.
Faute de sources de documentations, on ne peut donner autant d'information sur
lui. Toy avait peut être contribué dans la fondation du temple
commémoratif d'Ambohipotsy. Son nom figure d'ailleurs sur la
stèle de commémoration à l'intérieur du temple
même. Raison-Jourde (F.)4 en parle aussi.
Ainsi la mission protestante, avec les missionnaires
architectes britannique apportaient aussi bien une nouvelle religion que de
nouvelles techniques de constructions. C'était difficile de trouver les
ouvriers, de les former. Ceci puisque de nouveaux styles d'architectures vont
apparaitre à Antananarivo, aussi bien de bâtiments civils que
religieux, avec l'utilisation de nouveaux matériaux de constructions. Le
temple d'Ambatonakanga et Ambohipotsy ont été dessinés
dans style Normand avec des colonnes doriques et des arcades tandis que le
style classique a été adopté pour Faravohitra et
Ampamarinana. Il se caractérise par la présence d'une grande
salle, pas de colonnes ni arcades. Cette architecture est simple avec des
lignes droites et des symétries (proportions mathématiques
d'après Encyclopédie Universalis volume 4). D'autres missions
apportaient également leurs techniques de constructions. Nous allons
entamer une brève comparaison des temples commémoratifs avec la
cathédrale immaculée conception d'Andohalo de la confession
catholique puis avec la cathédrale Saint Laurent Ambohimanoro.
CHAPITRE VI : BREVES COMPARAISONS DES MONUMENTS EN
PIERRE
Après l'instauration de la liberté religieuse
depuis Radama II, les confessions essayaient tous, de bâtir des
édifices cultuels durables en pierre ou en brique. A part le
protestantisme, la mission
1 ELLIS affirme dans la livre « The martyr Church of
Madagascar » que le plan d'Ambohipotsy a été fait par
SIBREE
2 « Daty Malaza » Boky faharoa tonga i
Pool mpita-marika nahavitana ny Tranovato 02 (Ambohipotsy- Fravohitra)
3 MANTAUX op.cit.1969 p 14
4 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11, 1970
catholique se développait aussi dans la capitale en
érigeant des églises comme la cathédrale Immaculée
Conception d'Andohalo. L'anglicanisme apparaissait également. Cette
confession s'installait en érigeant dans la capitale des édifices
religieux comme celui d'Ambohimanoro. Quelles sont les caractéristiques
de ces édifices comparables avec les temples commémoratifs ?
VI-1 LA CATHEDRALE CATHOLIQUE IMMACULEE CONCEPTION
D'ANDOHALO
L'église d'Andohalo (étymologiquement :
là où coule la source d'eau) est faite entièrement en
pierre de taille. Avant la construction en dure, il y existait, sur cette place
selon Mantaux1 , un édifice de culte, en bois et comme toit,
du chaume. Le terrain et la case en bois appartenaient à un certain
Ramboasalama, un dignitaire royal qui les avait attribués à la
mission catholique2. Laborde donnait aussi une partie de son terrain
à la mission pour que celle-ci mène à bien les
constructions.
VI-1-1 Les techniques de construction
Les informations sur les techniques de construction de cet
édifice restent encore fragmentaires et minimes. On sait seulement que
des ouvriers Malagasy y avaient travaillé (probablement ceux qui ont
été formés par Laborde). On note également la
présence d'ouvriers étrangers3 de la mission
catholique participant à la construction. Ils avaient également
recours à des échafaudages lors des travaux. Concernant le
matériau de construction, on n'a pas de source sur la carrière
d'extraction- le transport des matériaux. On peut néanmoins poser
l'hypothèse que la taille se faisait par stéréotomie comme
l'avait enseigné Laborde (J.).
VI-1-2 L'année de construction
La pose de la pierre de fondation était
effectuée par monseigneur Cazet, préfet apostolique de Madagascar
en présence de Ravoninahitrarivo, 15 honneurs et ministre de Ranavalona
II, le 8 mai 1873. La construction fut achevée le 17 décembre
1890. Cette Cathédrale de style gothique,
décrétée
1 « Tananarive d'autrefois » in Revue de
Madagascar 3e- 4e trimestre 1969
2Cathédrale de l'Immaculée
Conception Andohalo- Antananarivo : centenaire du bâtiment en pierre, de
l'orgue et de l'horloge 1890-1990-(brochure de guide)
3 Le Frère Laborde, un des ouvriers de la mission
catholique, travaillant seul, trouva la mort au cours de l'exécution des
travaux de la cathédrale de l'Immaculée Conception.
« monument historique classé » en janvier 1964,
en un témoin de l'histoire religieuse et politique de Madagascar.
VI-1-3 Les formes, les styles
Le plan de cette cathédrale fut dessiné par un
prêtre jésuite1. Père Gonsalvien dessinait une
église, avec un style gothique dotée de plusieurs ornements, avec
une toiture qui était en tuiles écailles. C'était un plan
ingénieux et flamboyant mais qui coutait énormément. Taix
(A.), un autre père jésuite, non moins un peintre-architecte,
réarrangeait ce plan. Il dessinait un style simple et
sévère de façon à construire un monument moins
couteux et de meilleur goût. La cathédrale a un style ogival. Elle
comporte deux tours carrées de 30 mètres de hauteur. La
cathédrale d'Andohalo est un monument d'une taille considérable.
L'église s'étend à une longueur de 37,60 mètres
contre 18 de largeur. L'hauteur du toit s'élève à 21
mètres ; les murs à 11 mètres. La façade, quant
à elle, fait 19 mètres ; dotée de sobres
décorations, à savoir une rosace à dix pétales
formant en leur milieu une croix tréflée. Il y a également
une croix potencée, sculptée au dessus du portail central. La
cathédrale montre également d'autres caractéristiques
telles la façade montrant l'ogive (remplacée après les
grandes pluies de 1982), les tours, la nef, le choeur, les tribunes, les
paliers ...
Les français avaient, par l'intermédiaire des
architectes tels que : Gonsalvien ou bien Taix, su montrer leur savoir faire et
leur technicité à travers la cathédrale d'Andohalo. La
construction coûta 17 années d'effort et de labeur. Cependant,
d'autres Européens montraient également leur faculté dans
le domaine des bâtis. Plus proche de la confession protestante, les
anglicans décidaient également de fonder des foyers de culte dans
la capitale. Quels styles et quelles techniques apportaient-ils ? Telles
questions nous intéressent maintenant.
VI-2 LA CATHEDRALE SAINT LAURENT AMBOHIMANORO
Cet édifice cultuel appartient à la confession
anglicane. Cette mission était en étroite relation avec la
mission protestante. On a peu d'informations lui concernant.
1 MANTAUX affirme dans Tananarive d'autrefois que :
« 03 plans furent réalisés ; c'est celui du père
TAIX (A.) Qui a étéretenu ».
VI-2-1 Les techniques de constructions
La mission anglicane, norvégienne d'origine,
déployait également, pour la construction de la cathédrale
des moyens avancés. Les pierres nécessaires pour la construction
du temple étaient extraites de la carrière sur place même,
c'est-à-dire à Ambohimanoro. Pour l'extraction, on utilisait de
la dynamite. Les fragments de roches, après l'explosion, ont
été taillés afin d'être les principaux
matériaux de construction du temple. Les ouvriers qui travaillaient sur
le chantier étaient ceux qui avaient fondé les temples
commémoratifs. Andriambelosoa en parle dans ses travaux de
recherche1. Un passage affirme que « évidemment, les
travailleurs Malagasy ont été formés par les missionnaires
de la L.M.S. Ils avaient déjà 35 années
d'expérience depuis la construction d'Ambatonakanga ». Les
mêmes ouvriers contribuaient donc à d'autres fondations que les
Mémorial Churches.
VI-2-2 L'année de construction
Rainilaiarivony, le premier ministre à cette époque
se chargeait de poser la pierre de fondation. La date marquante de cet
événement était le 13 septembre 1883.
VI-2-3 Les formes, les styles
Les Norvégiens, avaient eux aussi, leurs styles
d'architecture et leurs architectes. Etant donné que ces derniers et la
mission protestante britannique étaient proches, on voit des similitudes
et des ressemblances, voire même des influences sur les styles de
construction. En effet, la cathédrale d'Ambohimanoro a été
construite avec un style normand (gothique sobre). Le temple se
caractérise par la présence de tours octogonaux comme les
châteaux médiévaux d'Europe. Construite sur une petite
élévation, la cathédrale se distingue ainsi par son plan
qui prend la forme d'une croix. La toiture est en tuiles écailles. Saint
Laurent Ambohimanoro a été dessiné par l'architecte
norvégien White (W.). Ce plan de style normand a été mis
sur pied par Anker (A.).
Ainsi, une nouvelle ère dans le domaine de la
construction commençait. Les Européens, par
l'intermédiaire des pasteurs et prêtres architectes,
bouleversaient le domaine du bâti en introduisant diverses techniques.
Les missionnaires britanniques joueront un rôle vraiment crucial dans ce
basculement. Cameron (J.) va être l'un des initiateurs en introduisant
diverses techniques de
1 ANDRIAMBELOSOA (H.) Op. Cit Mémoires de maitrise 2001
construction. Ellis (W.) eut comme idée de fonder des
foyers de cultes entièrement en pierre, en la mémoire des Martyrs
de la foi, qui était, jusqu'alors interdit. Après la mort de
Ranavalona I et la montée de son fils, Radama II au pouvoir, le
christianisme va connaître un grand essor. Dès leur retour, les
missionnaires avaient chacune décidé de s'installer
définitivement en créant des foyers de cultes durables presque
partout en Imerina. Les édifices religieux gagnèrent en
nombres. Les bâtiments civils connaissaient également de grand
développement. Une vague de construction va marquer le XIXe
siècle en Imerina. La décision de Ranavalona II de lever
l'interdiction de bâtir en dur, jouait également un rôle
important dans le domaine de la construction.
Ces changements affecteront divers domaines de la vie des
Malagasy, aussi bien dans son Histoire que dans sa culture. L'introduction des
ces techniques d'une façon ou d'une autre, vont contribuer à de
grandes réformes que l'Imerina n'avait connu jusqu'alors. Dans
la troisième partie de notre recherche, nous parlerons des apports et
valeurs véhiculés ces monuments en pierre.
TROISIEME PARTIE
LES EGLISES DE PIERRE,
NOUVEAUX SYMBOLES ET
NOUVEAUX REPERES VISIBLES
L'identité des anciens Malagasy se reflète, en
partie par le style de construction et son architecture. Les anciens savaient
parfaitement organiser leur habitat et aménager leur espace.
L'architecture traditionnelle malagasy se caractérisait
particulièrement par le fait que le principal matériau
était du végétal, en l'occurrence, du bois. Des
chercheurs1 qualifient même notre civilisation comme
civilisation végétale. Ceci du fait qu'un des interdits
d'Ikelimalaza, un des sampy royaux, n'autorisait en aucun
cas, la construction de maisons avec d'autres matériaux comme la brique
ou la pierre. Seule la matière « vivante » a été
autorisée par le sampy, tant vénéré aussi
bien par le roi que par le peuple. La matière « morte » quant
à elle, a été destinée uniquement pour les morts.
La pierre était également utilisée dans d'autres contextes
de la vie des anciens dont nous avons auparavant parlé. Aussi bien dans
la construction avec les matières vivantes comme le bois qu'avec les
mortes telle la pierre, les Malagasy avaient leur technique et savoir faire et
en accordaient une certaine valeur. Avec l'arrivée des Européens
au début du XIXe siècle, de nouvelles techniques dans
le domaine du bâti influenceront celles locales. Les édifices
cultuels en brique ou en pierre se multiplièrent. L'extraction et la
taille de la pierre sous la direction de Cameron et Pool, devenaient source de
revenu considérable. Ainsi, une nouvelle ère commençait
dans le domaine de la construction. L'arrivée des
missionnaires-architectes européens et l'avènement de Ranavalona
II au pouvoir contribuaient à des changements et offraient une nouvelle
mode de vision. De nouvelles valeurs apparaissaient avec ces influences
étrangères sur divers plans : sur l'Histoire ; la Culture et
autres domaines. Quelles sont les nouvelles valeurs véhiculées
par ces monuments ? Telle question est à soulever.
CHAPITRE VII : VALEURS DES QUATRE MONUMENTS
Totalement différentes aux Soatoavina, valeurs
locales, ces monuments cultuels en pierre contribuaient à des grands
changements dans l'Histoire, la Culture et dans d'autres domaines et
apportaient de nouvelles valeurs que l'Imerina prenait très
vite comme siennes. Quelles sont ces valeurs historiques ?
VII-1 VALEURS HISTORIQUES
Les valeurs Historiques de ces édifices
commençaient par la foi chrétienne sous Ranavalona I.
Les chrétiens étaient, pendant une longue période,
victimes de persécution, d'emprisonnement et même de
1 RAMIARAMANANA DOMENICHINI (B.) : Architecture dans la tradition
des hautes terres centrales in Bulletin de l'Académie Nationale des
Arts, Lettres et Sciences Tome 71/1-2 1993
condamnation. Radama II va réinstaurer la
liberté de la religion et de culte ainsi que l'idée d'Ellis (W.)
de construire des temples en souvenir des persécutions à
l'encontre de ces martyrs de la foi succédant ces longues années
de persécution. Ensuite, on assistait à la montée au
pouvoir de Ranavalona II au pouvoir, se proclamant chrétienne. En 1868,
elle levait la loi interdisant la construction en pierre ou en brique dans
l'enceinte de la vieille ville. Tous ces événements changeaient
l'Histoire de l'Imerina. Les temples commémoratifs
étaient et continuent d'être les témoins de l'enracinement
d'une nouvelle religion en Imerina. Ce sont, d'après un
ouvrage1 « les témoins vivants de
l'évangélisation de la religion protestante à Madagascar
». En outre la libération du tabou interdisant tout autre
matériau que le bois favorisait d'autres styles de construction avec la
pierre que jamais quiconque n'avait utilisé pour les vivants. Une
ère nouvelle, marquée par la liberté religieuse
commençait. Aussi, on assistait également à la
réouverture à l'occident. Ainsi, le cours de l'Histoire
merina changeait complètement. Le XIXe siècle
était surtout marqué par l'avènement des missionnaires
européens qui avaient pour but de propager leur religion sur les terres
païennes, en l'occurrence, le christianisme. En plus de
l'évangélisation, les missionnaires britanniques non moins des
architectes et ingénieurs apportaient de nouvelles techniques de
constructions avec des matériaux jamais utilisés pour une maison
et autres bâtiments. Les temples commémoratifs représentent
les phases qui se succédaient dans l'Histoire religieuse de
l'Imerina. Il y avait premièrement, sous Radama I, le
règne qui laissait libre champ aux pratiques religieuses et aux diverses
coopérations avec les étrangers. On assistait ensuite, avec
Ranavalona I, à des interdictions voire même, des condamnations
à mort de ceux qui pratiquaient le christianisme ou «
fivavaham-bazaha » avec une rupture totale de toutes
coopérations. Enfin, on assistait à une période nouvelle
marquée par le retour de la liberté de religion et de culte et
également, par le retour des missionnaires après 30 longues
années d'absence.
La construction des divers édifices religieux tels les
temples commémoratifs affirmait une volonté de s'installer
définitivement. L'un des buts poussant Ellis (W.) à construire
les temples commémoratifs selon Raison-Jourde (F.)2
était de créer des foyers de culte durable. Elle ajoutait
également que l'inauguration des ces temples devenait l'un des grands
moments de la vie de la capitale. En effet, avec les Mémorial
Churches, les martyrs de la foi étaient introduits dans l'Histoire
malagasy. Les flèches de ces temples étaient comme les
Vatolahy commémorant la persécution des
chrétiens. Cette dernière était devenue également
à son tour une partie qui formait l'Histoire merina. La volonté
d'adopter le christianisme se montrait également du coté des
dirigeants Malagasy. Les décisions prises par l'Etat depuis Radama II et
surtout sous Ranavalona II modifiaient complètement le cours de
l'Histoire
1 AMBATONAKANGA, Eglise protestante 1867- 1977
2 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11 1970
merina. Les sampy royales ont été
remplacés par une bible lors du Fisehoana (intronisation) de la
reine ; elles ont été ensuite brulées suivi du
baptême des dirigeants ; la levée de l'interdiction... Cette
dernière va faire apparaître des constructions qui montraient les
changements. En plus des temples commémoratifs, d'autres édifices
en pierre apparaissaient également sur la haute ville. Le palais de la
reine a été recouvert en pierre par Cameron en même temps,
un temple entièrement en pierre se dressait dans l'enceinte même
du rova.
Toutes ces étapes mettaient en place un nouvel visage
à l'Histoire de l'Imerina. Toutes les décisions prises
par l'Etat malagasy depuis Radama II à Ranavalona II montraient une
volonté de changer, de tourner une page. Le fivavaham-bazaha
devenait la religion de l'Etat. Le revêtement du palais de la reine en
pierre et la construction d'un temple dans l'enceinte même de la
cité, montraient qu'une nouvelle religion s'installait
définitivement. A ces périodes correspondait également un
développement de la technique. Les missionnaires-architectes britannique
l'avaient montré avec la construction des temples commémoratifs
totalement en pierre. A travers ces bâtis, les architectes tels que
CameronPool-Sibree, selon Delahaigue-Peux1 ont pu développer
les capacités des ouvriers. Avec des styles et savoir faire totalement
nouveaux, ces Européens changeaient le mode d'usage de la pierre. En
effet, depuis longtemps, si les vivants n'avaient droit qu'aux bois ; et cela
depuis toujours, les morts eux, à la pierre. La diffusion de la religion
chrétienne était en expansion. Les édifices cultuels en
pierre en étaient les témoins. Ces monuments en pierre
possèdent donc des valeurs historiques incontestables. En effet, en plus
du fait que ces temples sont des Vatolahy commémorant
l'avènement du christianisme en Imerina mais également
les souvenirs de ceux qui étaient martyrs, ils marquaient aussi la
révolution au niveau de la technique de construction. Les
édifices civils et religieux garnissaient la colline de la cité.
La réouverture à l'occident permettra le développement
galopant d'un nouveau style d'architecture. La « fièvre de
bâtir s'emparait d'Antananarivo »2. Les quatre temples
commémoratifs font partie des points marquant de l'Histoire de
l'Imerina. Ils nous aident à nous souvenir des phases qu'avait
traversées l'Imerina. Ils nous aident également à
nous situer par rapport à ces évènements. Ces monuments
témoignent également la volonté et le savoir faire de ceux
qui participaient dans leur conception. Par leur intervention, le visage de la
ville changeait. Les grandes valeurs Historiques des quatre monuments religieux
dont les formes et les aspects font, selon Raison-Jourde3
rappelé leur origine britannique. Des mémoires de lieux et lieux
de mémoires, ces temples en pierre ou
1 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996 p 88
2 « Etude du patrimoine architectural urbain de
Tananarive »
3 Bible et Pouvoir à Madagascar au XIX e siècle
: Invention d'une identité chrétienne et construction de
l'Etat
« Tranovato » possèdent
également des valeurs culturelles qui ne sont pas à
négliger. Nous allons en parler dans les paragraphes qui vont suivre.
VII-2 VALEURS CULTURELLES
Si l'on parle du matériau pierre, les Malagasy en
avaient leurs propres styles et usages. Nous en avons déjà
parlé auparavant. La pierre était utilisée dans divers
contextes de la vie de nos ancêtres. Dans le contexte profane, tels les
portails (disques de pierre) des villages comme dans le contexte sacré
(à l'exemple du vatomasina), lors d'un sacre d'un souverain ou
bien les vatolahy, afin de commémorer un défunt ou un
évènement, la pierre jouait de grands rôles. Etant
donnée que cette matière est sans vie ; inerte et glacée,
on évitait son utilisation dans la construction de maison. La pierre
était réservée pour construire la demeure des morts. Les
vivants n'avaient pas le droit de fonder une maison qu'avec des matières
vivantes tel le bois. L'avènement des missionnaires apportait de
nouvelles visions concernant l'utilisation de la pierre. Ces européens
faisaient appel à des matériaux jamais utilisés pour les
maisons ou autres bâtiments dans ce pays, à civilisation du
végétal. Aussi, un style totalement nouveau et étranger
apparaissait en Imerina. Cette nouvelle architecture et l'usage d'un
nouveau matériau constituaient le nouveau reflet de l'identité de
l'Imerina dont l'ancienne était celle du bois. L'utilisation de
la pierre ne se limitait donc plus aux domaines de la mort. Les
missionnairesarchitectes apprenaient aux ouvriers locaux de nouvelles
techniques, les façonnages et le travail esthétique de cette
matière. Une matière à laquelle on n'imaginait
jusqu'alors, construire la demeure des vivants. Un nouvel art de bâtir
apparaissait donc en Imerina. L'apparition de nouvelles techniques de
construction ainsi que la fondation des églises, avec comme
matériau la pierre, contribuaient à changer le visage et les
formes architecturales de la colline de l'Imerina.
Nous savons bien que toutes les monarchies de
l'Imerina, depuis leur début avaient une confiance totale aux
« dieux » qui leur fournissaient une protection et
bénédictions assurant la prospérité de la
cité. Ces Sampy jouaient des rôles vraiment importants
dans la bonne marche de la société ancienne. Mais afin que les
sampy aussi bien royales que populaires aient des effets
bénéfiques sur la société que sur un individu ;
elles exigeaient des règlements à ne pas enfreindre.
Ikelimalaza, l'une des sampy royales la plus
célèbre, était à l'origine de l'interdit
empêchant toute construction en dure, aussi bien en brique qu'en pierre.
Tous les souverains qui se succédaient en Imerina suivaient
à la lettre ces tabous. L'avènement de Ranavalona II au pouvoir
entrainait un bouleversement de la tradition. En effet, lors de son
intronisation, la reine avait à ses cotés une bible alors que
tous ses prédécesseurs tenaient en main
les sampy. La reine ordonnait ensuite la destruction
de toutes les sampy. Dès son accession au trône, la reine
se déclarait chrétienne1, comme le confirme
Delahaigue-Peux2 dans son ouvrage. En 1868, une importante
décision a été prise par Ranavalona II. En plus de sa
déclaration comme étant chrétienne, la reine promulguait
une loi levant l'interdiction de construire en pierre à
l'intérieur de l'ancienne cité. La reine voulait montrer sa
volonté à changer complètement le cours de l'histoire
ainsi que les traditions locales. Le protestantisme était devenu la
religion de l'Etat. Un an après la levée du tabou, le palais de
la reine était revêtu en pierre par l'architecte-missionnaire
britannique Cameron. Pour montrer sa conversion, la reine et quelques membres
de son gouvernement se faisaient même baptiser. Un temple était
également en cours de construction dans l'enceinte du palais. Avec la
libération des tabous ainsi que l'implantation des églises
commémoratives, un nouveau cadre culturel a été mis en
place. Depuis, le royaume n'était plus concentré sur un seul
pôle de croyance3. Puisque la croyance traditionnelle a
été renversée par le christianisme, une nouvelle
conception de la notion du « sacré » faisait son apparition.
Aux temps des fétiches, les souverains et le peuple se rendaient
à l'emplacement du sampy afin de demander des
bénédictions avec des offrandes, exemple à
Ambohimanambola, chez Ikelimalaza. De leur coté, les temples
mémoriels devenaient des nouveaux lieux où se déroulaient
des cultes à un dieu totalement nouveau pour la population locale de la
capitale. A la place des tabous sous l'emprise des sampy, de nouvelles
lois d'interdiction faisaient apparition dans la société
merina. Avec la conversion des dirigeants au christianisme et
l'adoption de cette religion comme religion de l'Etat. De nouveaux interdits
apparaissaient4. Le marché était, par exemple,
interdit le dimanche, les corvées et tous manoeuvres militaires
également. Ainsi, toutes les décisions prises par la reine
montraient sa volonté d'adopter une nouvelle coutume et d'en laisser une
partie de la sienne à laquelle ses ancêtres étaient
rudement attachés. Les questions religieuses prenaient d'ampleur dans la
capitale. Une rupture avec la tradition s'annonçait. En effet, suivant
la coutume, la reine manifestait un désir de construire un nouveau
palais, un projet qu'elle abandonna au profit de la réfection en pierre
des façades de Manjakamiadana5. Les Tranovato en
étaient également des preuves concrètes de changements
d'un lieu de culte, mais aussi une nouvelle perception de ce qui était
sacré. Les temples commémoratifs,
1 « Mon royaume se repose sur dieu. Mes
ancêtres par ignorance mettaient confiance aux sampy, mais moi en
dieu » ; Ranavalona II in Bible et pouvoir à Madagascar au
XIXe siècle : invention d'une identité
chrétienne et construction de l'Etat RAISON-JOURDE (F.)
2 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
3 La fondation des Temples protestante à Tananarive entre
1861- 1869 in Annales de l'Université de Madagascar
série Sciences Humaines n°11, 1970 RAISON-JOURDE (F.)
4 Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe
siècle : invention d'une identité chrétienne et
construction de l'Etat RAISON-JOURDE (F.)
5 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
devenaient des lieux de mémoire important pour la
population de l'Imerina. Avec leurs flèches grise ; les
Mémorial Churches s'érigeaient telles les pierres
levées en mémoire des martyrs de la foi.
Les Eglises Mémorielles montrent, d'une façon ou
d'une autre, les liens entre la culture malagasy et celle des
Britannique. « La forme et les aspects des bâtiments devaient
rappeler aux générations futures l'origine britannique de ces
structures ». A traves ces monuments se matérialisent une
acculturation. Ceci puisque d'une partie, certaines des traditions ancestrales
ont été mises à l'écart voire même
supprimées. De l'autre partie, il y avait l'adoption de certaines des
habitudes et croyances des Européens, véhiculées
principalement par les Britannique. Ces derniers apportaient de nouvelles
techniques de construction qui, pour la première fois étaient
utilisées en Imerina. La pierre n'était plus seulement
utilisée pour la construction d'un tombeau. La civilisation du
végétal se transformait en civilisation de la pierre. On voyait
cette matière d'un angle différent, sa conception changeait. Ces
édifices, étrangers à la ville et au pays, étaient
des morceaux d'Angleterre implantés dans la capitale (voir :
Raison-Jourde : Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe
siècle). La pierre devenait un objet ordinaire comme un autre
après la levée du tabou lié aux sampy qui,
pendant longtemps emprisonnait l'ancienne cité.
On ne peut donc nier les valeurs culturelles que
véhiculent les quatre temples commémoratifs. Si on parle
d'habitation : son organisation ainsi que les matériaux et les
techniques de construction, les Malagasy avaient leur savoir-faire et des
caractéristiques qui leur étaient propres. Certes, la pierre
était utilisée comme matière première. Cependant,
les Malagasy, surtout les anciens, voués aux cultes des ancêtres,
utilisaient la pierre pour commémorer les défunts ; pour demander
leur bénédiction mais également pour invoquer les esprits.
Les Européens, avec l'aide de Ranavalona II changeaient totalement la
façon dont on usait la pierre. Les influences architecturales
européennes commençaient dès le début du
XIXe siècle. Seul le bois était encore admis. Le
gigantisme avec ce matériau prenait de l'ampleur1 avec divers
styles de construction. Ravagé à plusieurs fois par des
incendies, le bois devenant de plus en plus rare favorisait l'avènement
de la pierre. « Le passage du bois à la pierre, par la levée
de l'interdit sous le règne de Ranavalona II, était né de
la volonté politique d'affirmer la nouvelle religion - Mais la fin de ce
tabou correspondait également à une période de
développement des techniques qui a favorisé la pierre dans la
construction des édifices religieux2 »
L'arrivée des Européens entrainait beaucoup de
changements. Influencées par celles de ces
étrangers, certaines des coutumes ancestrales ont été
mises à part, voire même, supprimées et oubliées.
Par le
1 Etude du patrimoine architectural urbain de Tananarive
.Cet ouvrage rapporte même que sous Radama I, il existait
déjà un palais en pierre à Ambohipotsy.
2 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
contact avec ce groupe, de nouvelles habitudes et traditions
faisaient leur apparition. Les temples commémoratifs
matérialisent de nouvelles valeurs culturelles du XIXe
siècle à nos jours. Ils montrent non seulement une
révolution dans le domaine de la technique de construction mais
également l'utilisation et la nouvelle conception du matériau
pierre. Les temples de pierre véhiculent aussi des valeurs religieuses.
Quelles sont ces valeurs ?
VII- 3 VALEURS RELIGIEUSES
La société malagasy ancienne était
fondée sur le culte des ancêtres. Ils croyaient à des
forces surnaturelles ; honoraient leurs ancêtres. En ce qui concerne la
pierre, elle occupait une place vraiment cruciale dans cette
société d'antan. En effet, ce matériau était
réservé exclusivement à la demeure et à la
commémoration des morts. En outre, la pierre était
également le lieu sur laquelle le nouveau roi (ou reine) se
plaçait lors de son intronisation. Parmi les pierres sacrées la
plus connue à Antananarivo était celle d'Andohalo. La
montée du nouveau souverain sur le vatomasina symbolisait le
fait que ce roi (ou reine) prenait le plein pouvoir. Aussi, le peuple lui
devait obéissance, tout lui appartenait (terres et quelques animaux
comme l'Omby volavita). Des rituels se déroulaient
également sur cette pierre. Le roi y invoquait les dieux
créateurs et les ancêtres pour avoir leur
bénédiction. Des sacrifices accompagnaient ces
événements. Ainsi, la pierre tenait des fonctions symboliques
importantes dans la société traditionnelle malagasy. On
voit par tous ces faits cités la conception religieuse des anciens
Malagasy. Rendre hommage aux dieux et aux ancêtres leur était
vraiment essentiel.
Mais même si la pierre avait de telles importances pour
nos aïeux, il existait des contraintes et des limites pour son
utilisation. Les sampy, considérés comme des dieux
protecteurs interdisaient toute construction d'habitation en pierre dans
l'enceinte de la cité. Les Fady devaient être
respectés pour la bonne marche de la société. Les
sampy avaient droit également à des offrandes puisqu'ils
étaient les « dieux ». Aussi, la pierre était interdite
pour les sampy étant donné leurs caractéristiques
inertes, froide et sans vie. Les sampy et la pierre n'allaient jamais
ensemble. Le souverain ainsi que son peuple avaient une autre conception du
matériau pierre, ici. Il était, comme tels autres aliments et
animaux, interdit. Son usage entrainait des conséquences
maléfiques car les sampy détenaient des pouvoirs ; des
caractères divins leur étaient attribués.
Avec les Britannique et les constructions, la pierre prenait
de nouvelles valeurs. En effet, dès 1831, début de la
construction du temple d'Ambatonakanga, l'utilisation de ce matériau
changeait complètement. Un nouveau culte orienté vers un nouveau
dieu faisait son apparition. La présence des temples
commémoratifs était une preuve du fait que la croyance
n'était plus concentrée sur un seul
pôle. En effet, on sait bien que Ranavalona I, pendant
son règne interdisait la pratique du christianisme1. Avec
Radama II, la liberté religieuse s'instaurait de nouveau. Mais ce qui va
marquer la royauté merina ce sera l'avènement de Ranavalona II.
Se déclarant chrétienne, cette reine prenait des décisions
bouleversant le cours de l'Histoire. Le passage du bois à la pierre par
la levée de l'interdit, la pose de la première pierre du temple
du palais étaient nés de la volonté politique d'affirmer
une nouvelle religion2 A cette volonté s'ajoutait la
décision sur le sort réservé aux sampy. La reine
ordonnait la destruction de ces derniers étant donné que son
royaume était sous la protection du dieu des chrétiens.
Edifiés sur les sites des martyrs de la foi chrétienne, les
temples commémoratifs constituent les fondements du nouvel enracinement
religieux. A la place des anciens lieux sacrés des païens, ces
endroits devenaient importants aussi bien pour le souverain que pour le peuple.
En ces lieux se déroulaient des cultes totalement différents de
ce qui existaient auparavant, dans des maisons totalement en pierre
(Tranovato).
Les Malagasy d'autrefois avaient déjà une
croyance en dieu. Pour preuve, l'existence des endroits sacrés dans tout
Madagascar. Des lieux qui mettent les vivants en relation avec
Zanahary, le créateur et les ancêtres. L'arrivée
des Européens favorisait une nouvelle conception de la notion du
sacré et de dieu. Les quatre temples commémoratifs
possèdent incontestablement des valeurs religieuses. La pierre qui ne
pouvait être mise ensemble avec les sampy devenait les murs
d'édifices dans lesquels avaient lieu des cérémonies et
des cultes rendant hommage à un nouveau dieu. Il existait en
Imerina, selon Raison-Jourde3 deux tendances. D'un
coté, il y avait les « vieux Malagasy » ; attachés aux
coutumes et traditions- De l'autre, les protestants et les catholiques
prenaient place. Outre ces valeurs citées, les quatre monuments
religieux en pierre possèdent également des valeurs patrimoniales
incontestables.
Ces valeurs patrimoniales méritent d'être
parlées dans les prochains paragraphes.
VII- 4 VALEURS PATRIMONIALES
Durant plusieurs siècles, les souverains qui se
succédaient en Imerina, bien avant l'arrivée de
l'écriture utilisaient la pierre à titre de patrimoine. «
Parce qu'ils ne savaient pas écrire, les rois d'autrefois firent des
pierres leur titre d'héritage, un titre durable et qui ne serait jamais
détruit »4. Comme héritage, donc, les rois et
reines léguaient à leurs descendants des patrimoines traversant
des générations. Aussi, la pierre jouait déjà le
rôle d'héritage par son caractère.
1 Tantaran'ny Tranovato anatirova : «
Ranavalona I nandrara izany- fampirafesana fivavahana ary koa fivavahana
amin'ny razam-bazaha »
2 DELAHAIGUE-PEUX op.cit.
3 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines, n° 11, 1970
4 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
Les habitations en bois quant à elles,
représentent incontestablement des patrimoines à valeurs
inestimables même si il n'existe plus que peu (du fait que ces
dernières se construisaient avec des matériaux
biodégradables. Avec le temps et le climat, ces matériaux s'usent
et pourrissent. Besakana d'Andrianampoinimerina par exemple en est une
qui reste encore débout en ce moment). En effet, ces bâtis
reflètent en un coté, l'identité du peuple malagasy du
passé. Considérée comme une « civilisation du
végétal », nos ancêtres montraient avec leurs
constructions des techniques propres à eux, un savoir faire sans
égal.
La construction européenne, face à ce qui
existait auparavant, forment également une nouvelle identité
orientée vers une construction faisant appel à un matériau
qui n'avait jamais été utilisé que pour édifier la
demeure des morts. Avec les temples commémoratifs, de nouveaux styles de
construction apparaissaient dans la capitale. Par l'idée d'Ellis et avec
la participation active des ingénieursarchitectes non moins
révérends Britannique tels que Cameron- Sibree-Pool ; des
ouvriers Malagasy, le visage de la capitale, surtout la colline changeait
complètement. Des églises avec leur lourde silhouette
garnissaient la ville haute. Une nouvelle forme d'architecture voyait le jour
en Imerina.
Les Britannique, pour que la construction aille au mieux,
formaient des artisans Malagasy pour pouvoir bien travailler la pierre. Puisque
les anciens Malagasy n'avaient jamais osé utiliser ce matériau
pour les habitations, même s'ils possédaient un peu de notion sur
l'extraction de la pierre, on leur a appris de nouvelles techniques. Des
techniques sur l'extraction (utilisation de la dynamite) ; le transport ;
l'élévation ; la taille (en l'occurrence la
stéréotomie) ; l'assemblage ; la sculpture et autres
décorations de cette matière étaient soigneusement
assimilés. Ainsi, les connaissances et le savoir-faire des artisans
locaux se développaient. L'introduction de nouveau style de construction
avec une matière jamais utilisée, influençaient le domaine
du bâti en Imerina. D'autre part, ces édifices religieux
occupent également des places non négligeables dans l'Histoire
merina. Les persécutions, à l'origine des fondations,
étaient « Un des chapitres les mieux fixés dans la tradition
merina 1». Témoins de la foi chrétienne,
les temples commémoratifs favorisaient l'intégration des martyrs
dans le centre même de l'Histoire de l'Imerina, mais
également des Malagasy. Leur implantation manifestait aussi
l'implantation définitive de la religion chrétienne dans la
capitale. L'unité architecturale de la ville haute annonçait
l'approche de la conversion royale.
Ces monuments en pierre montraient également la
volonté aussi bien de la souveraine que du peuple d'adopter un nouveau
culte et de supprimer ce qui existait auparavant.
Edifiés sur les sites de condamnation des Martyrs, les
temples commémoratifs rappellent et témoignent la
ténacité et l'enracinement de la foi chrétienne en
Imerina. D'autre part, les nouvelles techniques et
1 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines, n° 11, 1970 RAISON-JOURDE (F.)
savoir-faire ont été apportés par les
Britannique avec comme matériau de construction principale la pierre.
Ces édifices religieux montraient également la conversion massive
du royaume au christianisme et le passage de la secte à
l'église1. Aussi, ces Memorial Churches constituent
des lieux de mémoire et des mémoires de lieux. Les églises
commémoratives constituent de nouvelles références
Historiquesreligieuses et culturelles. Le fait de leur présence montrait
la nouvelle tournure de l'Histoire merina. Ces monuments de pierre
sont des héritages matériels et culturels pour les
générations futures. Ils constituent une nouvelle identité
et une partie intégrante non effaçable du passé de
l'Imerina.
Vues toutes ces valeurs aussi bien Historiques, culturelles
que religieuses, les quatre temples commémoratifs avaient
déjà bénéficié, avec les autorités
nationales de la première république un classement de l'ordre des
« Monuments du Patrimoine National » en 19622, suivant
l'arrêté N° 203 du 22 janvier promulgué par le
Ministère chargé de la protection et de la Préservation du
Patrimoine National.
Témoins de la foi chrétienne et des nouveaux
savoir faire techniques, les quatre temples commémoratifs constituent de
véritables trésors du patrimoine architectural en pierre
d'Antananarivo. Par ces monuments, une nouvelle identité et de nouvelles
valeurs apparaissaient. La population locale avait une nouvelle perception de
la matière pierre. Dans le prochain chapitre nous allons parler de la
perception qu'avait le peuple et leurs concepteurs vis-à-vis de ces
monuments de pierre.
CHAPITRE VIII : LE CONCEPT DE « TRA N~~~~O
»
Pendant longtemps, comme nous l'avions déjà dit
auparavant, l'architecture traditionnelle malagasy se
caractérisait par l'utilisation du bois3 comme matière
première principale de construction. Etant donné que les autres
matériaux étaient prohibés, surtout à
l'intérieur de la cité et que la nature donnait faveur à
la végétation (d'où le nom d'Analamanga) autant
de matériaux « verts » étaient disponibles. D'autre
part, considérée comme une matière froide, sans vie, la
pierre s'utilisait exclusivement pour la demeure des morts. Avec
l'arrivée des Britannique, son emploi changeait. Les maisons
traditionnelles en bois (Trano hazo ; trano kotona- sarendry)
laissaient place aux maisons en pierre ou Tranovato. La pierre
devenait une matière première pour la fabrication de la demeure
des vivants. Quelles sont particularités et caractéristiques des
quatre Memorials Churches ?
1 Construction nationale de l'identité
chrétienne et modernité RAISON-JOURDE (F.) Thèse de
Doctorat
2 Cf. Journal Officiel de la République de Madagascar
(année 1962)
3 L'Habitat à Madagascar DECARY (R.) Imprimerie
Mari porrey, 2 places de la libération 1958
VIII- 1 L'IDEE DE DURABILITE- DE SOLIDITE
L'architecture traditionnelle malagasy représente
incontestablement un des aspects de l'identité de son peuple. Par
contre, des problèmes à ne pas du tout négliger
survenaient toujours. En effet, puisque les habitations de l'ancienne
cité étaient toutes sans exception en bois, des matériaux
combustibles, de terribles incendies en faisaient souvent ravage. A l'exemple,
l'édifice cultuel d'Ampamarinana, en bois : Trano kotona ; en
zozoro, celui qui remplaçait le premier à Antsahatsiroa
furent tous les deux détruits par les flammes1. D'autres
problèmes sont également cités par des
chercheurs2. Puisque les végétaux, en l'occurrence le
bois, était le seul matériau autorisé, des
problèmes de raréfaction de matériaux étaient
inévitables. La désertification progressive de l'Imerina
ainsi que les incendies fréquents favorisaient l'avènement
d'un autre matériau avec des caractéristiques
particulières. Ellis (W.) saisissait l'occasion qui s'était
présentée afin de matérialiser son projet d'ériger
des édifices pour les martyrs de la foi chrétienne de Madagascar.
Les buts de la construction des quatre temples commémoratifs
étaient pour les Britannique, d'abord une extension du christianisme sur
les terres païennes. Ensuite et surtout, ils créaient des foyers de
culte durables pour les fidèles. Nous savons bien que l'une des
caractéristiques des végétaux, sous l'action de l'eau, de
la chaleur et autres facteurs de dégradations est la pourriture. Le
bois, principal matériau de construction dans l'ancienne cité ne
peut en aucun cas traverser plusieurs siècles. Sous les diverses actions
que nous avons citées tout à l'heure, le bois et autres
matériaux végétaux viennent à la pourriture.
Sibree3 avait même, dans la conception du plan du temple
d'Ambatonakanga dessiné un édifice de style Normand avec une
toiture basse. Ceci dans le but de prévoir la pluie qui abonde en saison
sèche. Un pays à climat tropical et humide, la pluie est
favorable à Madagascar. Ce climat favorise la dégradation rapide
du matériau bois. Aussi, le matériau pierre était
idéal pour les constructions. Avec ses caractéristiques solides
et robustes et définie par Leroi-Gourhan (A.)4comme
«solide stable » ; une matière première dont les
constitutions et les propriétés physiques ne varient pas avant ;
pendant et après les traitements, la pierre qui abonde en
Imerina était utilisée par les architectes britannique
pour la construction des temples mémoriaux. Ces monuments de pierre ont
réussi à traverser le temps et restent intacts malgré les
changements climatiques du pays. Pour preuve, ils sont toujours là avec
leurs formes authentiques et originelles, sans modification majeure. Un
récent ouvrage5 affirme même que de 1874 à nos
jours, l'architecture intérieure et extérieure d'origine du
temple d'Ampamarinana a été soigneusement préservée
pour
1 « Fiangonana Tranovato Ambonin'Ampamarinana 1874-
2004»
2 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996 p 88
3 SIBREE : «low pitched-roof»
4 L'Homme et la matière
5 Fiangonana Tranovato Ambonin'Ampamarinana 1874-
20quatre
conserver le cachet historique de l'édifice. Aussi
vrais que ces édifices, même s'ils ont la parure simple et
modeste, ils sont solides et résistants. A preuve, depuis tout ce temps,
ils ne présentent aucun dommage ni fissure même si Ampamarinana
est exposé aux vents de l'Ouest ; au bord d'une falaise1. Ils
représentent des faits historiques et reflètent une image
à laquelle on peut faire référence. Ces quatre temples
représentent et renferment également d'autres valeurs
inestimables pour les générations futures. Le fait que ces
temples étaient intégralement en pierre, symbolisait probablement
la ténacité de la foi chrétienne qui s'installait
définitivement en Imerina.
VIII-2 L'IDEE DE MEMOIRE
Chaque évènement qui se déroulait dans la
société traditionnelle malagasy était marqué par
l'érection d'un vatolahy ou pierre levée2.
L'usage de la pierre dans la commémoration n'était pas
étranger à nos ancêtres. Dans son projet, Ellis avait les
perspectives de créer les premiers foyers de culte durables dans la
cité des mille. Il était également question d'associer
à ces lieux les mémoires de ceux qui y ont perdu la vie. Aussi,
les édifices cultuels avaient suivi la même ligne que les pierres
commémoratives de nos ancêtres. Ils portent même le nom de
Memorial Churches. Les temples commémoratifs sont des
témoins de grands évènements marquant le XIXe
siècle de l'Imerina. En les voyants, on arrive à se
souvenir de l'une des phases cruciales de l'Histoire malagasy. Ambatonakanga ;
Ambohipotsy ; Faravohitra et Ampamarinana sont les témoins de la foi des
chrétiens Malagasy. Associées à cette
ténacité de la foi, il y avait les interdictions de Ranavalona I
de ne pratiquer autre religion que celle des ancêtres. Des
persécutions avaient été lancées à
l'encontre de ceux qui persistaient à suivre le «
Fivavaham-bazaha ». Aussi, les temples commémoratifs sont
les pierres levées des Martyrs de la foi incluant la persécution
et la condamnation à mort des chrétiens. Les flèches et
cloches des temples se dressaient tels des Tsangambato3.
Les quatre monuments, aussi bien l'un que l'autre, constituent des
mémoires de lieux mais également des lieux de mémoire.
Ambatonakanga, premier édifice cultuel durable (en pierre) de la
capitale, était le lieu de l'emplacement de la prison de Rasalama, la
première martyre Malagasy. Cette martyre de la foi a été
exécutée à coup de sagaie à Ambohipotsy en 1837 ;
le deuxième site de construction. Faravohitra, quant à lui,
était l'endroit où les quatre chrétiens de caste noble
(Andriamasinavalona) périrent. Ils furent brulés vifs sur des
buchers.
1 Firaketana ny Fiteny sy ny Zavatra Malagasy Tome I
Imprimerie Industrielle de Tananarive, janvier 1937
2 « Pierres levées » in Les
transformations de l'Architecture funéraire en Imerina LEBRAS
(J.F.) 1971 - Les vatolahy dans le Fisakana mémoire de maitrise
RANDRIANANDRASANA
3 DELAHAIGUE-PEUX
Ampamarinana, le dernier des temples commémoratifs fut
bâti en la mémoire des 14 chrétiens enroulés dans
des nattes puis précipités du haut de la falaise de
Tsimihatsaka.
Edifiés sur les sites des martyrs, les temples
commémoratifs constituaient les nouvelles bases d'un enracinement
religieux. Ils témoignaient l'adoption du christianisme mais
également la conversion massive du royaume merina. Les dirigeants de ces
époques se faisaient, de ce fait, baptiser le 29-02- 1868. Une nouvelle
orientation du régime1 s'annonçait puisque des
croyances ancestrales ont été remplacées, voire
même, supprimées, laissant place aux us et coutumes
étrangers. Ajouté à tous ces évènements,
Ranavalona II faisait construire un temple à l'intérieur de
l'enceinte même du palais.
Photo.9 Photo.10
Photo. 7 : Ambatonakanga : lieu
d'emprisonnement de Rasalama (dans un temple en bois devenu un étable
plus tard), première Martyre Malagasy (1837). Conçu avec un style
normand, il était également le premier édifice cultuel en
pierre de la capitale. Il était ouvert au culte le 22 janvier 1867.
Photo. 8 : Ambohipotsy : lieu
d'exécution à coup de sagaie de Rasalama et d'autres
chrétiens, martyrs de la foi (1837). Au devant, (à gauche de la
plaque, au premier plan) une stèle commémorant cette condamnation
à mort. Son inauguration datait du 17 novembre 1868. C'est un temple
avec une flècheclocher : « Norman style »
1 Madagascar et le christianisme HUBSCH (B.) éd,
1993
Photo. 11 Photo. 12
Photo 11 : Faravohitra : A cet endroit
avaient péri les quatre Martyrs de caste « Andriamasinavalona
» brulés vifs sur des buchers le 28 mars 1849. L'inauguration de ce
temple à un style classique s'effectuait le 15 septembre 1870.
Photo 12 : Ampamarinana : Du haut de cette
falaise granitique ; nommée en ces temps Tsimihatsaka
(emplacement actuel en relief du nom de la capitale), 14 chrétiens
y furent précipités. Les cadavres furent ensuite acheminés
vers Faravohitra pour y être brulés. Le temple, également
de style classique a été inauguré le 28 mars 1874.
Les temples commémoratifs se dressaient tels des
monuments qui rendaient honneur aux chrétiens Malagasy ayant souffert et
perdant leur vie durant le long règne de Ranavalona I. Ces
édifices marquaient également la réouverture des
coopérations malgacho-britannique. Ils montraient les liens
inséparables entre l'Histoire des deux nations. La forme et l'aspect des
bâtiments devaient rappeler aux générations futures,
l'origine britannique de ces structures1. Vues les grandes
contributions des Britannique dans ces constructions mais aussi dans beaucoup
d'autres domaines, ces bâtiments sont des morceaux d'Angleterre
implantés dans la capitale.
Ces temples commémoratifs occupent incontestablement des
places vraiment importantes dans l'Histoire de l'Imerina mais
également pour toute Madagascar. Ils témoignaient les
différents
1 Propos d'ELLIS (W) cité par RAISON-JOURDE (F.) in
Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe siècle :
invention d'une identité chrétienne et construction de
l'Etat
changements apportés par les Européens.
Souvenirs matériels d'évènements de notre Histoire, les
quatre temples commémoratifs, contribuent, selon Raison-Jourde
(F.)1 à faire des persécutions, l'un des chapitres le
mieux fixé de la tradition merina. En plus de la
commémoration des Martyrs de la foi, les Memorial Churches nous
aident également à nous souvenir des grands initiateurs de ces
travaux mais aussi des ouvriers Malagasy qui y avaient participé. Leur
savoir faire et génie créative se matérialisaient par ces
monuments.
Les Tranovato constituent sans le moindre doute, des
témoins visibles des phases de l'Histoire de l'Imerina. Avec
leurs unités architecturales et la matière première de
construction, ces monuments sont des héritages matériels et
culturels des générations futures. Ces monuments changeaient
définitivement l'utilisation de la pierre. Cette matière,
étant donné qu'elle était prohibée pour la
construction d'habitation des vivants ; s'usait pour la demeure des morts et
aussi pour la commémoration d'évènements ou de personnes.
Les Memorial Churches jouent les mêmes titres et rôles que
ces derniers. Dans ces recherches, Delahaigue-Peux affirme que parce qu'ils ne
savaient pas écrire, les rois d'autrefois firent des pierres leur titre
d'héritage ; un titre durable et qui ne serait jamais
détruit2. Les temples protestants ; oeuvres d'Ellis (W.) et
de ses collègues du London Missionary Society, des foyers de culte
durables3 selon le but de leur construction, font partie des
trésors du patrimoine architectural de la capitale. Ils sont des
héritages pour les générations futures. Etant donné
que ces temples constituent à la fois des lieux de mémoire et des
mémoires de lieux, et que la matière principale de leur
construction est la pierre, ce sont des monuments qui participent à la
conservation de notre Histoire. Ces temples ont pu traverser le temps du fait
qu'ils ont été construits avec la pierre. Un matériau
robuste, résistant à toutes agressions extérieures. Les
quatre Temples commémoratifs ; solides et durables, oeuvres et dons des
Britannique étaient ; selon Sibree4, des témoins dans
les temps à venir de la fermeté et le courage des
chrétiens Malagasy qui avaient sacrifié leur vie plutôt que
de renier leur foi envers le christianisme. Ces édifices religieux
donnent une image et une nouvelle conception du matériau pierre ;
considérées longtemps comme le droit exclusif des morts. Elle
devenait des matériaux
1 Annales de l'Université de Madagascar
série Sciences Humaines n° 11 1970
2 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
3 Fondation des temples protestants à Tananarive entre
1861- 1869 in Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11 1970 RAISON-JOURDE (F.)
4 « We thus gave the Malagasy Christian O4
substantial and durable house prayers which will testify in all time to come to
the steadfastness and courage of those to whose fidelity to conscience and to
truth their country owe (...) Great building have
always been a power and have given a certain fixed and enduring character to
all systems with which they have been connected »
in SIBREE 1924.
idéals et admirables pour construire des habitations.
Les Memorial Churches sont des pierres levées1
dédiées aux Martyrs de la foi. Considérés comme
tels, ils devenaient l'un des évènements marquant de l'Histoire
merina. « Ils attirent la haute société et
contribuent à faire des persécutions, l'un des chapitres les
mieux fixés dans la tradition merina. Leurs inaugurations
devenaient l'un des grands moments de la vie de la capitale2 ».
Un nouveau cadre culturel était mis en place. On accordait une
importance capitale à ces endroits.
CHAPITRE IX : LES EGLISES COMMEMORATIVES : DES NOUVEAUX
REPERES ET SYMBOLES
Certains lieux, dans la tradition ancienne des Malagasy
étaient sacrés. A ces endroits se liaient toujours des
interdits3. Ces lieux, étant donné leur
sacralité ; étaient toujours associés aux
divinités. Des endroits où, en Imerina, les Malagasy
entraient en relation avec les numineux4. Les sanctuaires ou
Doany étaient et continuent de nos jours à exister ; en
sont les preuves concrètes. Même à l'intérieur d'une
maison malagasy, le coin Nord-est, est réservé exclusivement aux
Dieux de la maison5. Aussi, des rites se déroulaient sur ces
lieux sacrés afin de les honorer et demander leur
bénédiction. Il y avait par exemple, des festivités
spéciales lors de la période des semailles mais également
de la moisson6. Les tombeaux ; les pierres et colonnes,
Tsangambato et d'autres endroits figuraient également dans les
lieux sacrés respectés des Malagasy.
Les douze collines7 représentaient
également des lieux sacrés aussi bien pour le souverain que pour
le peuple, durant les différentes monarchies de l'Imerina.
Instaurées depuis le début de la royauté,
1 Fiangonana Tranovato Ambatonakanga ; ny Tantarany nandritra
ny 110 taona 1977
2 Annale de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11 1970 RAISON-JOURDE (F.)
3 Taboo, RUUD (J.), Etudes des coutumes et croyances
Malagasy Imprimerie Luthérienne 1970 : Il faudrait bien choisir
l'emplacement idéal, le moment propice (consultation d'astrologues et
devins) avant de construire une maison. D'après RATSIMIEBO (H.), dans
l'ouvrage La cité des Mille, toutes constructions d'habitations
étaient ; dans les temps anciens toujours liées aux destins
zodiacaux.
4 La conception malgache du monde du surnaturel et de l'Homme
en Imerina, MOLET (L.) Tome I, édition l'HarmattanParis
5 Fireham-pinoan'ny Ntaolo Malagasy
traduction de Les conceptions religieuses des anciens
Malagasy VIG (L.). Edition Ambozontany- Analamahitsy ; Karthala, 22-24
boulevard Arago 75013 Paris
6 VIG (L.) : cf. chapitre sur Toerana Masin'ny Malagasy
(lieux sacrés des Malagasy)
7 D'Andrimasinavalona (1675-1710) au règne de Ranavalona
III, les douze (12) collines sacrées furent Analamanga (Antananarivo),
Ambohidrabiby, Alasora, Imerimanjaka, Antongona, Antsahadinta, Ambohimanga,
Ilafy, NamehanaAmbohidratrimo, Amboantany, Ambohijoky et Ikaloy. Après
avoir restauré l'unité merina, Andrianampoinimerina (1787- 1810)
décida de consacrer les collines où résidaient ses douze
épouses : Ambohimanga, Analamanga (Antananarivo), Ambohidratrimo, Ilafy,
Ikaloy, Ivohilena, Merimandroso, Alasora, Miadamanjaka, Ampandrana,
Ambohidratrimo et Ambohitrontsy. D'autres ouvrages affirment l'existence
d'autres collines consacrées par les souverains qui se
succédaient à la tête du royaume merina. Par la suite,
Rasoherinamanjaka consacra Iharanandriana, Ranavalona II, Isoavinimerina et
Arivonimamo, et Ranavalona III, Fenoarivo.
sur chacune d'elles se déroulaient des cultes en
l'honneur des sampy, les dieux en ces temps. Sur ces sommets se
trouvent des tombeaux de Vazimba ; des palais mais aussi les caveaux
des rois et reines : les Trano Masina. Les sampy, dieux
visibles et protecteurs de la cité s'y trouvaient
également1. Les collines dites sacrées étaient
des références pour tous. Mais avec l'arrivée des
missionnaires européens, dans l'intention d'une
évangélisation, de grands changements faisaient ses apparitions.
Avec la conversion massive et l'implantation des foyers de culte, surtout les
temples commémoratifs des Britannique, de nouveaux repères et
références apparaissaient dans la capitale.
IX-1 DES REFERENCES TEMPORELLES ET SPATIALES FACE AUX DOUZE
COLLINES DITES SACREES
Edifiés sur des sites dont Ellis, initiateur des
projets de construction, n'avait pas choisi au hasard. Les quatre temples
commémoratifs constituaient de nouveaux repères et
références aussi bien dans l'espace que dans le temps. Par les
faits Historiques importants qui s'y étaient produits, ces lieux ont
gagné le rang d'endroits sacrés aux yeux des chrétiens
Malagasy, face aux douze collines dites sacrées et
vénérées par les païens. A coté des collines
sacrées de l'Imerina, les temples commémoratifs
constituaient également des lieux sacrés pour les
chrétiens2. Ces sites gagnaient de nouveaux statuts. En
effet, certains étaient considérés depuis toujours tels
des lieux maudits et malfamés3. Faravohitra et Ambohipotsy en
étaient. On y abandonna aux chiens et aux oiseaux le corps d'un
condamné. Ambohipotsy était le lieu où l'on jetait toute
impureté car c'est le côté Sud (les objets d'un mort :
oreillers-nattes...)4. La colline blanche était
également soupçonnée d'être un lieu hanté.
Les quatre sites, monuments en pierre, devenaient des endroits sacrés
sur lesquels des cultes se déroulaient en l'honneur du « dieu de
l'occident » adopté par la population locale devenue pour la
plupart des chrétiens. Aussi, les sites désolés et
malfamés abritaient depuis, des temples commémoratifs, d'immenses
lieux de cultes totalement étrangers à la population5.
Face aux collines sacrées de la capitale, les quatre temples
commémoratifs contribuaient à faire de l'Imerina le lieu
de l'enracinement chrétien6. Ces temples,
édifiés sur les sites de martyrs constituaient, en ces temps, la
base du nouvel
1 I Madagasikara sy ny Fivavahana kristianina,
édition Karthala- Ambozontany 1993 : Nalamin'Andrianampoinimerina ny
sampy. Nomena lanja teo amin'ny Fanjakana. Miisa 12 ny sampy masina ho an'ny
tany sy ny Fanjakana
2 La fondation des Temples protestante à Tananarive entre
1861- 1869 in Annale de l'université de Madagascar,
série Sciences Humaines n° 11- 1970 RAISON-JOURDE (F.)
3 RAISON-JOURDE (F.) op. Cité
4 AMBOHIPOTSY, RAVEL (H.) 1968-, RAISON-JOURDE (F.)
5 Bible et pouvoir à Madagascar : Construction
Nationale de l'identité chrétienne et modernité, le
premier XIXe siècle RAISON-JOURDE (F.)
Thèse de Doctorat 1988-1989
6 Madagascar et le christianisme HUBSCH
éd. Édition Karthala- Ambozontany 1993
enracinement religieux du royaume devenu chrétien,
depuis la montée au pouvoir de Ranavalona II. Ils constituaient alors
les nouveaux lieux sacrés de culte du royaume. De ce fait, les endroits
sacrés, en l'occurrence le palais (rova) où l'on gardait
les sampy de l'ancienne société perdaient leur valeur.
Aussi, les temples commémoratifs devenaient des références
temporelles incontournables pour la capitale. Ils contribuaient à faire
de ces lieux des emplacements sacrés où se déroulaient des
cultes de vénération d'un nouveau dieu et sont en
perpétuelle continuation de nos jours. Ils commémorent le
sacrifice des martyrs de la foi. En outre, ils témoignent à
travers le temps, la triomphe du christianisme face à une religion
traditionnelle. Ces monuments cultuels avaient pu rester intacts malgré
les années et les intempéries qui avaient traversé le
pays. Ils constituent donc ainsi de nouvelles références
identitaires pour les chrétiens de l'Imerina. Les Memorial
Churches sont des orientations pour la génération future.
Ils font partie des séquences les plus importantes de notre
passé, notre Histoire. Se référant aux
évènements marquant qui se sont déroulés sur ces
sites, les emplacements des temples commémoratifs constituaient
également des lieux sacrés. En effet, face aux endroits
vénérés et adorés des païens (tels les
collines dites sacrées de l'Imerina et autres sites), ces lieux
devenaient sacrés pour ceux qui adoptaient le christianisme. Ces
endroits ont été vénérés depuis, en tant que
lieux sacrés. Ceci du fait des sacrifices des martyrs de la foi. Des
cultes et cérémonies en l'honneur du « dieu » s'y
déroulaient hebdomadairement1.
Construits sur les hauteurs de la capitale, les temples
commémoratifs couvraient bien le panorama de la ville d'Antananarivo.
D'ailleurs, Ellis (W.)2avait remarqué, lorsqu'il les
parcourait que : « combien ces sites étaient des points bien en vue
par rapport à la topographie générale du site de la ville
». Ces sites se préparaient donc à accueillir des
églises. A l'extrême Sud de la colline, le temple d'Ambohipotsy,
est érigé en mémoire de l'évènement du 28
mars 1849. Elle donne une grande ouverture sur tout le coté ouest de la
capitale. Faravohitra, le temple des petits enfants de la Grande Bretagne,
quant à lui, occupe le coté nord de la colline. Ces temples
attirent l'intérêt de tous, chrétiens ou non3.
Ces temples commémoratifs et d'autres édifices cultuels ; au
même titre que le palais avec une carapace en pierre, constituaient de
nouveaux repères et références identitaires dans l'espace.
Les temples commémoratifs constituent de nouvelles
références spatiales pour la capitale. Ces monuments en pierre
aussi bien que
1 Ranavalona II, lors de son Kabary le 29 octobre 1868, avait
sorti une loi. Elle ordonnait qu'en Imerina, les marchés hebdomadaires
qui se tenaient jusqu'alors les dimanches fussent transférés le
lundi ou le samedi. Cf. La conception malgache du monde surnaturel et de
l'Homme en Imerina Tome I, édition l'Harmattan.
2 Fiangonana Tranovato ambonin'Ampamarinana 1874-
20quatre. Ambohipotsy- Faravohitra et Ampamarinana, selon
RAISON-JOURDE (F.) in Construction Nationale de l'identité
chrétienne et modernité, le premier XIXe siècle, sont
effectivement biens situés pour s'imposer à la vue et pour donner
l'ensemble de l'espace par la vue deux points étroitement liés
à la symbolique merina du pouvoir. L'argument de la vue ne s'imposait
nullement à Ambatonakanga.
3 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines n°11, 1970 RAISON-JOURDE (F.)
d'autres édifices qui garnissent la haute ville forment
des repères visibles de loin. Ces édifices monumentaux en pierre,
avec des modèles européens font partie des marques distinctives
de la capitale. A travers le temps, ils vont constituer, pour les
générations futures des références et
repères montrant l'enracinement religieux ainsi que la présence
pour les chrétiens de nouveaux lieux sacrés face aux douze
collines sacrées des païens. Ils étaient également,
suivant le projet d'Ellis (W.) érigés en mémoire des
chrétiens qui sacrifiaient leur vie pour la foi.
IX-2 SOUVENIRS DES MARTYRS DE LA FOI DU XIXe SIECLE
Le but ultime de la mission britannique par les idées
fructueuses d'Ellis (W.) avant tout, c'était de rendre hommage aux
personnes qui avaient été condamnées durant les
persécutions sous Ranavalona I1. L'édification des
quatre églises commémoratives avait pour but d'associer à
des lieux de culte la mémoire de ces confesseurs de la foi2.
Aussi, ces édifices cultuels, implantés sur les hauteurs de la
capitale rappellent les évènements et faits marquant de
l'Histoire du christianisme en Imerina mais également pour
Madagascar. L'ardeur et la ténacité de la foi qu'avaient ces
chrétiens se reflètent par ces édifices cultuels en
pierre. Aussi, dans les temps à venir, ces monuments, robustes et
durables vont continuer à témoigner la grandeur de la foi des
Malagasy à un dieu qu'ils n'avaient jamais jusqu'alors, connu. Les
Memorial Churches servaient également à montrer à
tous, le changement ainsi que l'adoption du christianisme comme la religion de
l'Etat.
Une des coutumes malagasy était ici, prise et
utilisée par les missionnaires britanniques. On sait bien les usages de
la pierre dans la civilisation malagasy. Celle-ci a été
utilisée pour marquer des évènements ou bien de personnes.
Avec la même matière, la pierre, les Britannique et les ouvriers
locaux érigeaient des maisons entièrement en pierre
(Tranovato) pour honorer dieu et pour la mémoire des martyrs
Malagasy. Les flèches grises et les cloches de ces
Temples commémoratifs, selon Delahaigue-Peux3 se dressaient
tels des Tsangambato. Visibles de loin, ces monuments permettront aux
générations futures de se situer par rapport au passé
qu'avaient vécu la capitale et ses habitants. Les temples
commémoratifs, le temple du palais et autres édifices de la haute
ville, témoignaient la volonté de changer un culte par un
autre4. Leur construction annonçait l'installation
définitive du christianisme à
1 Sous le règne de Ranavalona I, ELLIS (W.) a
été autorisé à venir à Antananarivo et a pu
parcourir les sites de persécution. Il avait alors remarqué
combien ces points se prêtaient à la construction
d'églises.
2 Madagascar et le Christianisme HUBSCH (B.), éd.
édition Ambozontany/Karthala 1993
3 DELAHAIGUE-PEUX op. Cit. 1996
4 HUBSCH (B.) édition Ambozontany/Karthala 1993 op. Cit.
Cette volonté d'adopter la religion des étrangers, comme
l'affirme RAISON-JOURDE (F.) in Bible et pouvoir à Madagascar,
invention d'une identité chrétienne et construction de
Madagascar, d'un coté et de l'autre, l'abandon des
cultes traditionnels. Mais ces Memorial Churches contribuaient
également à faire de ces sites des lieux sacrés,
commémorant dans tous les temps à venir, les martyrs Malagasy.
Ces lieux de mémoire et mémoires de lieux témoignaient le
courage des chrétiens Malagasy qui sacrifiaient leur vie plutôt
qu'abandonner leur foi. On peut alors parcourir de l'extrême Sud de la
colline de l'Imerina jusqu'à l'autre bout, au Nord, trois sites
où s'érigent des édifices cultuels importants pour les
Malagasy. Ambatonakanga, même sur un endroit à faible hauteur,
n'est pas du tout de moindre importance que les autres. Étant
donné que c'est l'implantation du premier temple1 en pierre
en Imerina mais aussi dans le pays. Ces sites devraient faire rappeler
aux générations futures le supplice des chrétiens Malagasy
mais aussi leur sacrifice. Ambatonakanga est dédié à
Rasalama, première martyre malagasy (lieu où elle était
emprisonnée). Celle-ci a été exécutée
à Ambohipotsy, deuxième site de monuments de souvenir. Quatre
chrétiens ont été brulés vifs en 1849, à
Faravohitra, et 14 autres furent précipités à Ampamarinana
la même année. Ce sont respectivement le troisième et
quatrième temple, souvenirs monumentaux en pierre de taille, rendant
hommage aux confesseurs de la foi chrétienne en Imerina.
Souvenirs matériels et esthétiques
d'évènements très importants de l'Histoire de Madagascar,
les temples commémoratifs constituaient les témoins de la foi des
chrétiens malagasy. Les temples commémoratifs attirent la haute
société. Ils intègrent les martyrs au coeur de l'Histoire
malagasy et contribuent à faire des persécutions l'un des
chapitres les mieux fixés dans la tradition merina2.
Leurs lieux d'implantation devenaient depuis, des lieux
vénérés (car lieux de sacrifice des Martyrs) en tant
qu'endroits sacrés. En souvenir de ces sacrifices et du courage que ces
personnages importants du christianisme de l'Imerina faisaient preuve,
la Société des Missions de Londres (L.M.S) par les idées
d'Ellis érigeait des édifices cultuels en mémoire de ces
confesseurs de la foi. Ces monuments de pierre, trésors du patrimoine
architectural se dressaient sur la colline de l'Imerina, avec leurs
flèches telles des Tsangambato, commémorant pour des
années, ces personnes. Les liens aux martyrs étaient
rappelés par les chrétiens pour définir leur
identité de chrétien malagasy. En effet, les temples
commémoratifs étaient les témoins visibles de la nouvelle
appartenance religieuse des Malagasy. Ces monuments commémorent
également la massive contribution des Britannique dans
l'évangélisation, en créant des
l'Etat étaient justifiée par la conversion
des dirigeants de ces temps au protestantisme. Ils se faisaient baptiser le 21
février 1869. Lors du FISEHOANA, Ranavalona II avait à
ses cotés une bible à la place des sampy royales qui peu de temps
après avaient été brulés sous les ordres de la
reine. Des nouvelles interdictions apparaissaient également. Le dimanche
par exemple, le marché était interdit - arrêt de toutes les
corvées et tous manoeuvres militaires.
1 Ambatonakanga, église protestante 1867-
1977. Les quatre temples figurent également parmi
les neuf églises mères de la capitale.
2 Annales de l'Université de Madagascar,
série Sciences Humaines, n° 11 1970
foyers de culte durable, en associant la mémoire des
martyrs. Ces monuments de souvenir annonçaient également le
début d'une révolution dans le domaine du bâti en
Imerina. On assistait à l'apparition de nouvelles techniques de
construction avec l'utilisation d'un matériau qui, auparavant,
était réservé exclusivement à la demeure des morts.
Donnons un dernier mot de synthèse à notre travail.
CONCLUSION
Les matières végétales
caractérisaient l'architecture traditionnelle malagasy. Nos
ancêtres développaient un art de construire adapté au
climat, aux matériaux et aux styles de vie. Le quotidien des Malagasy
est régi par le culte des ancêtres. L'aménagement de
l'habitat était donc soumis à des règles strictes en
respect des ancêtres ainsi que des sampy, dieux visibles de ces
époques. L'usage de la pierre dans la construction d'habitation y
était prohibé du fait de son caractère. Cependant, ce
matériau occupait une place considérable dans divers domaines de
la vie des Malagasy. Nos ancêtres avaient des connaissances rudimentaires
concernant le travail de la pierre. La montée au pouvoir de Ranavalona
II révolutionnait la société merina. Se déclarant
chrétienne, elle rejeta les croyances de ses ancêtres en brulant
tous les charmes royaux, tout en autorisant les vazaha à
instaurer leur religion et à édifier des foyers de culte. Ces
édifices cultuels, en l'occurrence Tranovato, témoignent
la foi des chrétiens malagasy. Les temples commémoratifs
attiraient la haute société. Ils intègrent les martyrs au
coeur de l'Histoire malagasy et contribuent à faire des
persécutions l'un des chapitres les mieux fixés dans la tradition
merina. Ils sont également des preuves concrètes de
savoir faire technique apporté par les missionnaires-architectes
britannique, assimilé par les ouvriers malagasy. De nouvelles
techniques et arts de bâtir étaient enseignés à un
autre groupe bien déterminé1. En effet, à un
certain moment, cet art de bâtir était un privilège
exclusif de ceux qui avaient été choisis. Le bois était
une certaine marque d'appartenance à un groupe social
élevé2. Cette pratique mettant en relief le rang
social était consacrée par le roi3. Nous pouvons
affirmer l'assimilation de gré de certaines cultures européennes,
une acculturation4. Ce travail nous a permis de recueillir des
informations sur les faces cachées des Memorial Churches. Cette
initiation à la recherche nous a aidés à mieux comprendre
les relations de l'Homme à la matière. Les quatre édifices
cultuels sont les expressions des techniques et savoir faire des ouvriers
Malagasy, initiés par les missionnaires-architectes britannique. On ne
saurait citer les bienfaits apportés par les Européens tels les
Français Laborde (J.) ou bien Gros (L.) et les Jésuites ou bien
les Britannique comme Cameron (J.), Sibree (J.) et tant d'autres en
Imerina. Le domaine de la technique et de l'architecture avaient connu
des révolutions phénoménales. Ces dernières
caractérisaient le XIXe siècle en Imerina.
Cette influence avait malheureusement aboutie à l'abandon à petit
feu, voire même, au rejet total de l'art de bâtir et de certaines
cultures locales. Les Temples
1 Depuis des temps mémoriaux et jusqu'à RADAMA
I, l'art de bâtir était l'apanage d'un groupe assez restreint.
Cette élite Malgache, proche parenté du roi, bâtissant
selon des critères qui empruntaient surtout l'art divinatoire sans
aucune fantaisie. Les habitats étaient alors fidèles
répliques de son voisin. In Antananarivo Renivohitra : Etude du
patrimoine architectural urbain.
2 In La cité des mille p66
3 En l'occurrence ANDRIANAMPOINIMERINA qui réglementait
également toutes la construction sur la haute ville ; la division des
quartiers et l'interdiction d'employer la terre et la pierre pour les cases des
nobles
4 Processus par lequel un groupe humain ou un individu en contact
direct et continu avec un autre groupe, assimile de gré ou de force,
totalement ou non la culture de ce dernier
commémoratifs se dressaient désormais tels des
Tsangambato en souvenirs matériels et esthétiques
marquant les événements de la foi chrétienne
malagasy. Ils devenaient les nouveaux lieux sacrés des
Malagasy. Ces édifices cultuels prouvent également les
échanges et la participation des Européens dans le
développement de l'art de bâtir malagasy. Ils
témoignent alors les techniques et savoir faire des
ouvriers Malagasy enseignés par les Européens.
Déjà inscrits dans la liste des patrimoines nationaux,
iifaudrait prendre des mesures très strictes afin de mieux
préserver ces monuments qui témoignent notre
Histoire, donc l'une des bases fondamentales de l'implantation
définitive du christianisme en Imerina. Des bâtis qui
sont devenus une des composantes citées par Collet (H.) qui
façonnent notre nouvelle identité culturelle. Face au
développement de l'architecture et des techniques de construction
actuelles, quelle place ces monuments en pierre occupent t-ils de nos jours ?
Quelles mesures devra t-on donc prendre pour la valorisation et la protection
de ces sites témoins de notre Histoire et de la révolution
architecturale malagasy du XIXe siècle ?
BIBLIOGRAPHIE
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WEBOGRAPHIE
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LISTE DES ILLUSTRATIONS
n°
|
Légende des illustrations
|
Page
|
1
|
Portail d'un village à Ambatomanga
|
10
|
2
|
Portail sis à Andohalo
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10
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3
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Portail d'Ambatofisaorana (illustration dans l'ouvrage
Histoire de Madagascar, Bastian-Groison p 71)
|
10
|
4
|
Pierre commémorative, souvenir de défunts
à Talatan'ny Volonondry
|
14
|
5
|
Pierre mâle, vatolahy d'Ambatomitsangana Talatan'ny
volonondry
|
17
|
6
|
Technique de transport d'un bloc de pierre sur des rondins
|
44
|
7
|
Technique d'érection d'une pierre mâle,
vatolahy
|
48
|
8
|
Memorial Churh d'Ambatonakanga avec l'échafaudage
|
48
|
9
|
Memorial Churh d'Ambatonakanga
|
73
|
10
|
Memorial Churh d'Ambohipotsy
|
73
|
11
|
Memorial Churh de Faravohitra
|
74
|
12
|
Memorial Churh d'Ambonin'Ampamarinana
|
74
|
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 6
I-LA PIERRE ET LES MALGACHES DE L'IMERINA AVANT LES
TRANOVATO
CHAP I LES DIVERSES UTILISATIONS DE LA PIERRE EN IMERINA
9
I-1 La pierre dans les fortifications et protections de la
cité 9
I-2 La pierre dans les noms des lieux : toponymie
11
I-3 La pierre dans les proverbes et dictons
12
I-4 La pierre comme commémoration 13
I-5 Autres utilisations de la pierre 15
I-5-1 Marque de pouvoir, de territoires et de collectivité
15
I-5-2 Lieu du « Dina » ou du «
Velirano » 17
I-5-3 La pierre dans les jeux 18
CHAP II L'INTERDIT DE LA PIERRE EN IMERINA DEPUIS
ANDRIANAMPOINIMERINA
A RANAVALONA II 19
II-1 Les Palladiums royaux 19
II-2 Les fady d'IKELIMALAZA 21
II-3 Les matériaux de construction autorisés
23
CHAP III LA LEVEE DE L'INTERDICTION SOUS RANAVALONA II
26
III-1 RANAVALONA II au pouvoir 26
III-2 La conversion des dirigeants au christianisme
27
III-3 L'autodafé ou la destruction des sampy royales
28
II LE MATERIAU PIERRE DANS LES QUATRE EGLISES
COMMEMORATIVES
CHAP IV LES ORIGINES DES CONSTRUCTIONS RELIGIEUSES
32
IV-1 Radama II au pouvoir et la liberté de religion et de
culte 32
IV-2 Le projet d'ELLIS (W.) 33
CHAP V LA CONSTRUCTION DES TRANOVATO
36
V-1 Les origines du matériau pierre 37
V-1-1 Ambatonakanga 37
V-1-2 Ambohipotsy 38
V-1-3 Faravohitra 39
V-1-4 Ambonin'Ampamarinana 40
V-2 Les techniques utilisées 41
V-2-1 Extractions 42
V-2-2 Transports 44
V-2-3 Taille 46
V-2-4 Elévation 47
V-2-5 Assemblage 49
V-3 Les ouvriers 50
V-3-1 Qui étaient-ils ? 50
V-3-2 Que devenaient-ils après la construction ?
52
V-3-3 Les initiateurs des techniques ? 53
V-3-3-1 Cameron 53
V-3-3-2 Sibree 53
V-4 Autres ingénieurs et architectes
54
V-4-1Robins 54
V-4-2Parret 54
V-4-3Pool 54
V-4-4Toy 55
CHAP VI BREVES COMPARAISONS DES MONUMENTS EN PIERRE
55
VI-1 Comparaison avec la cathédrale catholique
Immaculée Conception Andohalo 56
VI-1-1 Les techniques de construction 56
VI-1-2 L'année de construction 56
VI-1-3 Les formes, les styles 57
VI-2 Comparaison avec la cathédrale anglicane ST Laurent
Ambohimanoro 57
VI-2-1 Les techniques de constructions 58
VI-2-2 L'année de construction 58
VI-2-3 Les formes, les styles 58
III LES EGLISES DE PIERRE NOUVEAUX SYMBOLES, NOUVEAUX
REPERES VISIBLES
CHAP VI I VALEURS DES QUATRES MONUMENTS
61
VII-1 Valeurs Historiques 61
VII-2 Valeurs Culturelles 64
VII-3 Valeurs Religieuses 67
VII-4 Valeurs patrimoniales 68
CHAP VIII LE CONCEPT DE `' TRAN~~~~O~~
70
VIII-1 L'idée de durabilité, de solidité
71
VIII-2 L'idée de mémoire 72
CHAP IX LES EGLISES COMMEMORATIVES DES NOUVEAUX SYMBOLES ET
REPERES
VISIBLES 76
IX-1 Des références temporelles et spatiales face
aux douze collines dites sacrées 77
IX-2 Souvenirs des Martyrs de la foi du XIXe
Siècle 79
CONCLUSION 83
BIBLIOGRAPHIE 85
TABLE DES ILLUSTRATIONS 89
TABLE DES MATIERES 90
FINTINA 93
RESUME 94
SUMMARY 95
FINTINA
Nanana anjara toerana lehibe ny vato teto Imerina.
Hita taratra izany tamin'ny fiarovana ny tanäna (Hadivory; kodiavato);
maro ny anaran-tanäna mifantoka aminy; ny ohabolana sy fomba fiteny koa
ahitäna azy. Nampiasaina ihany koa izy teo amin'ny fahatsiarovana sy
amin'ny tranga samihafa. Nofadiana anefa ny fampiasana azy tamin'ny
fanorenan-trano noho izy akora tsy misy aina.Tsy nety nampiarahana tamin'ny
sampim-panjakana, nila akora velona. Nasiaka tamin'ny fampiharana io didy io
Andrinampoinimerina.Radama I indray, somary nisokatra, nampiditra zavatra maro
niaraka tamin'ny vazaha. Ranavalona I kosa namerina ny nentin-drazana;
nandroaka ireo vazaha, nanenjika ireo kristianina teratany hatramin'ny 1861.
Naverin-dRadama II ny fahalalahana ara-pinoana sy fivavahana, fifandraisana
tamin'ny vahiny; nandritra ny fitondrany. Nanomboka teo ihany koa ny
fanorenan-trano samihafa.
Ranavalona II no nitondra fanoväna lehibe teto
Imerina. Nanadra-tena ho kristianina izy; nampandoro ny
sampy; namaha ilay fady namatotra ny tanäna. Niroborobo ny asa
fanorenan' ireo misionera. Nanankevitra i Ellis hanorina fiangonana mafy sy
maharitra tamin'ireo toerana namonoana ny Martiora. Niova ho akora fototra
tamin'ny fanorenan-trano ny vato. Natao ho rindrin'ny fiangonana:
Ambatonakanga-Ambohipotsy-Faravohitra-Ambonin'Ampamarinana ity farany.
Fiangonana nomena anarana hoe: Tranovato. Tsy nanana traikefa momba ny
paibato anefa ny mpiasa Malagasy (nanana ny sata andevo) na dia teo aza ny
fampiasana ny afo ho famakiana vato efa nampiasain'ireo razana. Ingahikama, efa
nampianatra nanomboka ny taona 1826 sy i Sibree, no nampianatra ireo
fahaizamanao tamin'ny fampiasana ireo fitaovana fipaihana vato, sy ny
fampiasana ny vato tsara paika ary ny fampiasana sokay. Nampitombo ny
traikefan'ireo mpipaika ny fandraisany anjara tamin'ny fanorenana ny
Tranovato efatra sy trano maro samihafa teto Imerina, taty
aoriana. Harem-bakoka manana ny maha izy azy ny Tranovato efatra.
Tsangambato anisan'ny singa lehibe amin'ny Tantaran'ny Malagasy nandritra ny
taonjato faha XIX ny Tranovato. Porofon'ny famakän'ny fivavahana
kristianina teto Imerina izy ireo.Teraka ny fiovam-pirehana sy ny
fomba fijery vaovao mikasika ny vato. Nanana toerana masina vaovao
Imerina. Toerana miteronterona nanolo ireo tendrombohitra
roambinifolo. Noraisina ho sotoavina vaovao izy ireo. Toerana mitahiry ny
fahaiza-manaon'ny mpiasa Malagasy nampianarin'ireo misionera. Fahatsiarovana
niampita taona maro ireo Martioran'ny finoana kristianina teto Madagasikara.
Teny iditra: Imerina- Vato-
Tranovato- Paibato- Taonjato faha XIX - LMS- Martiora
RESUME
La pierre occupait une place importante en Imerina.
On l'employait comme protection et fortification de la cité. Des noms de
village portent le préfixe « Ambato-». Certains
dictons et proverbes en comportent aussi. Les anciens dressaient des Vatolahy
pour commémorer un défunt ou des circonstances de la vie. Sans
vie, il était cependant prohibé de l'utiliser dans la
construction de maison par des interdits prescrits par les Sampy.
Andrianampoinimerina était strict dans l'application de ces
prescriptions. Radama I, quant à lui, s'orientait plutôt vers
l'ouverture et apportait des progrès en travaillant avec les
Européens. Ranavalona I, conservatrice, arrivait au pouvoir. Elle
expulsait les étrangers tout en persécutant les chrétiens
locaux jusqu'en 1861.Radama II, son fils optait pour le retour de la
liberté de culte, de religion et des coopérations avec les
missionnaires. Le changement radical s'observait avec Ranavalona II. Elle se
déclarait chrétienne ; faisait bruler les sampy et
promulguait une loi annulant le fady de la cité. Les travaux
des missionnaires progressaient. Ellis songea à édifier des
temples solides et durables sur les sites où les martyrs
périrent. Les missionnaires édifièrent les
Tranovato avec des murs intégralement en pierre. Les ouvriers
Malagasy, des esclaves, cependant n'avaient aucune connaissance des techniques
de façonnage de la pierre de taille. Les anciens avaient, quand
même, déjà su l'extraction de la pierre avec le feu.
Cameron (J.) qui enseignait déjà depuis 1826 en Imerina
et Sibree (J.) se chargeaient d'apprendre à ces derniers les diverses
techniques concernant la taille de la pierre, l'emploi de cette dernière
et de la chaux et divers autres outils de construction. Les ouvriers Malagasy
acquièrent des expériences en participant à
l'édification des quatre temples commémoratifs et d'autres
bâtiments plus tard. Les Tranovato constituent des patrimoines
incontestables. Ils sont une des périodes les plus importantes du
XIX e siècle et de notre Histoire. Montrant l'enracinement du
christianisme, ils prouvent l'orientation de l'Imerina vers une
nouvelle croyance. Devenant de nouveaux lieux sacrés, ils
remplaçaient les douze collines. Ils conservent, de ce fait, les
nouvelles valeurs et les nouvelles identités de la cité et de sa
population. Par ces monuments reflètent les techniques et savoir faire
des artisans Malagasy enseignés par les missionnaires-architectes
Britanniques. Ils constituent également des Tsangambato
à travers le temps et l'espace commémorant dans le passé,
le présent et dans les temps à venir les Martyrs de la foi
chrétienne.
Mots clés : Imerina-
pierre-temples commémoratifs-pierre de taille- XIXe
siècle- LMS-Martyrs.
SUMMARY
Stone occupied a crucial place in Imerina's people
life. They used it to protect city. More places have a name with this material.
We note as well his presence in idioms. Stone is also use to commemorate died
person. However, stone, material without life was forbidden in house
construction. State idol needed living material. Andrianampoinimerina was very
strict about taboo purpose. Radama I, go in for collaboration with European and
brought more progress. Ranavalona I's rein marked the back to the traditional
values. The queen was suspect foreign mission. European missions were expelling
by merina sovereign and Malagasy Christian was persecuted until 1861.
Liberty of religion and belief were restoring by Radama II. Different building
started. Ranavalona II brought the great revolution in Imerina. She
declared herself Christian. The queen ordered to burn all idols and got rid of
the stone taboo. The London Missionary Society with Ellis (W.) was idea to
built four robust and durable Memorial Churches to honor Malagasy Martyrs.
Stone conception changed at this moment. Stone was becoming the wall of the
Memorial Churches of Ambatonakanga, Ambohipotsy, Faravohitra and
Ambonin'Ampamarinana. Four church which has Tranovato like name. Yet,
Malagasy (slaves) worker haven't any knowledge about stone quarry even ancient
previously had technical to extract stone by fire. Cameron (J.), who was
already teaching young Malagasy (1826) and Sibree (J.), were training her about
quarrying stone; using freestone and lime and another material to build.
Malagasy workmen's skill developed with their participation in building
Memorial Churches and another construction in Imerina. The
four Memorial churches constitute some heritage monuments. These monuments were
one the more important part of the 19th century and our History.
Their existences prove the definite putting in place of Christianity in
Imerina. A new conception of the stone was installed. Imerina
have from now on some new sacral places. They were some high and panoramic
places which substituted through the time and the spaces the twelve's sacral
hills. These places compose a new value and identity for Imerina and
its population. Memorial Churches are keeping skill and knowledge of Malagasy
workmen training by the British missionary. The Four Tranovato
constitute for the past, the present and the future some Tsangambato
memory of those sacrificed their life for the Christian faith.
Key words: Imerina- stone- Memorial
church- stone quarrying-19thcentury- LMS- Martyr.
Etudes de la pierre de taille a travers les
Temples Commemoratifs d'Antananarivo :
Essai d'Ethnologie des Techniques
RAJERISON Haja Mampionona Hillarion
Etudiant a la Faculte des Lettres et Sciences Humaine
bepartement d'Etudes Culturelles
U.F.R Cultures-Societes-Individu
Adresse : Lot IIP 91 Avaradoha 101 Antananarivo Tel :
0330705128-0325431458
E-mail : rpounkel@
yahoo.com
birecteur de Memoire : Professeur RAFOLO A.
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