II. La possible acquisition de droit de
propriété sur des biens incorporels.
Les droits de propriété intellectuelle sont
pleinement compatibles avec les modes d'acquisition de la
propriété en droit musulman, que ce soit par le travail ou
75
Voir note supra 35.
Page 294.
76
Voir note supra 35.
Page 298 : « Trade is another legal source of earning wealth
which is encouraged by Islam. It too is well circumscribed by regulations in
order that it not be abused or constitute any injustice among people.»
Traduction: « Le commerce est une autre source légale
d'enrichissement qui est encouragée par l'Islam. Cela est aussi
circonscrit par un ensemble de règles afin qu'il n'y ait pas d'abus ou
que des injustices n'apparaissent pas entre les gens ».
77
Voir supra, note 25.
78 Page 522, § 4.
Traduction : « Le Coran et la Sunna imposent aux
musulmans de remplir leurs obligations contractuelles. Les contrats sont
considérés comme étant non seulement obligatoires mais
aussi sacrés, et les exécuter est considéré comme
faisant partie de la foi. « La doctrine plaidant pour la primauté
de la maxime « pacta sunt servanda » dans le droit musulman est
importante. Néanmoins, en ce qui concerne le sujet de cet article, il
serait suffisant de citer le Hadit du Prophète Mohamed qui est que
« les musulmans sont liés par ce qu'ils stipulent. »
par le commerce. Cette compatibilité est d'autant plus
forte qu'il est possible de faire une analogie avec d'autres situations
prévues par la Shari'a où des droits de propriété
sont octroyés dans des conditions similaires.
1. La compatibilité entre la
propriété intellectuelle et les modes d'acquisition de la
propriété permis par la Shari'a.
En ce qui concerne le travail, tout d'abord il est
évident que les efforts déployés par une personne dans la
création d'une oeuvre de l'esprit doit permettre de jouir de droits sur
cette oeuvre. Les droits de propriété intellectuelle sont une
juste récompense de l'effort fourni. C'est en tout cas l'avis du Mufti
Taqi Usmani, qui, dans son Fiqh79, défend cette idée
:
« [T]he law of "copyright" prevents a person from the
wide commercial use of an object on the ground that the person who has invented
it by his mental labor is more entitled to its commercial benefits, and any
other person should not be allowed to reap the monetary fruits of the former's
labor without his permission. The author of a book who has worked day and night
to write a book is obviously the best person who deserves its publication for
commercial purposes. »80
Ainsi, le droit de propriété intellectuelle, et
donc la rémunération qui l'accompagne, vient en récompense
de l'effort fourni par le créateur. Une difficulté pourrait tout
de meme survenir dans la détermination d'un effort suffisant à
l'acquisition d'un droit de propriété. Mais les solutions
choisies par les pays occidentaux pourraient être des pistes tout
à fait en accord avec la Shari'a. Ainsi l'activité inventive
nécessaire à la brevetabilité d'une invention en droit
français pourrait tout à fait permettre de justifier l'effort
intellectuel de l'inventeur et donc son droit de propriété
intellectuelle.
Concernant le transfert des droits de propriété
intellectuelle par contrat, cela ne pose pas de problème dans le
principe. En effet, c'est le principe de la liberté contractuelle qui
est applicable, et ce, tant que l'acte ne s'applique pas à un domaine
79
Voir note supra 61.
80 Traduction : « Le droit d'auteur emprche qu'une
personne exploite commercialement une chose dans la mesure où la
personne qui l'a inventée gr~ce à son activité
intellectuelle est celle qui a le plus le droit d'en tirer des
bénéfices, et personne d'autre ne devrait ~tre autorisé
à récolter les fruits du travail qu'il a fourni
sans son autorisation. L'auteur d'un livre qui a travaillé
jour et nuit pour l'écrire est évidement celui qui mérite
le plus de le faire éditer dans un but commercial. »
interdit par la Shari'a. Donc, rien ne s'oppose à la
cession du droit de propriété sur un actif incorporel par
contrat. Cependant, des problèmes peuvent apparaitre avec les usages
contractuels de la propriété intellectuelle, en ce qui concerne
notamment la détermination de la rémunération de
l'exploitation des droits de propriété intellectuelle. Ce point
sera étudié dans le chapitre II du présent titre.
Par contre, dans l'hypothèse d'un cessionnaire
bénéficiant de l'exploitation d'un droit de
propriété intellectuelle qu'il aurait obtenu par contrat pour un
prix dérisoire, cela pourrait se révéler contraire
à la Shari'a. Ainsi que l'indique Heba A. Raslan81,
l'honneteté et la bonne foi sont indispensable à la
légalité du contrat en droit musulman :
« Commercial honesty and fairness in dealings are
prerequisites for the legality of any transaction or contract. »82
Il pourrait donc être utile de mettre en place des
règles protectrices des créateurs dans leurs relations avec leurs
financeurs. L'objectif étant que le créateur soit associé
à l'exploitation de l'actif immatériel objet du droit de
propriété intellectuelle qu'il aura cédé, et le cas
échéant, qu'il soit aussi associé au succès de
cette exploitation.
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