Le rôle du Conseil de Paix et de sécurité de l'Union Africaine dans la prévention et la résolution des conflits en Afrique: analyse appliquée au cas du Darfour( Télécharger le fichier original )par Gervais Anselme GBENENOUI Université de Bangui - Maà®trise en droit public (relations internationales) 2006 |
PARAGRAPHE II : LES ALTERNATIVES POSSIBLESDeux possibilités s'offriraient lorsqu'il y aura impossibilité quant au renforcement de la MUAS, d'abord celle d'une mission jumelée ONU/UA (A) et enfin un remplacement pur et simple de la MUAS par une force onusienne (B). A - UNE MISSION JUMELEECette première alternative selon notre vision consistera d'abord à maintenir la MUAS à l'état actuel et ensuite à déployer une mission de maintien de la paix de l'ONU en complément des effectifs des troupes de la MUAS. Cette symbiose peut se concevoir aisément à une condition. Cette condition implique le déploiement d'un minimum de six mille (6 000) à un maximum de dix mille (10 0000) casques bleus pour combler les limites numériques de la MUAS. Il apparaîtra que les troupes onusiennes auront certes un équipement plus complet par rapport aux troupes africaines de la MUAS mais cette différence n'empêchera pas la synchronisation de leur mission, à moins que le mandat onusien n'impose d'autres attributions aux casques bleus. Les deux missions pourraient aussi accomplir des fonctions différentes, l'une n'aura pour tâche que l'observation du cessez-le-feu et l'autre l'interposition. Dans cette dernière hypothèse, les fonctions d'observation du cessez-le-feu reviendront aux soldats de la MUAS qui sont sous-équipés par rapport aux troupes onusienne. Ce qui laisse aux casques bleus, les fonctions de l'interposition entre les milices et les populations, la protection des interventions humanitaires qui sont exposées aux attaques diverses mais surtout des milices arabes Djandjawids, et enfin la protection des populations civiles qui font le gros des victimes de la crise du Darfour. La première hypothèse semble être la plus vraisemblable parce qu'elle préconise des opérations conjointes aussi bien dans les domaines de l'observation du cessez-le-feu et d'interposition entre les belligérants et la population civile. Les avantages d'une opération conjointe sont multiples, d'abord elle permet une cohabitation solidaire, ensuite éloigne le spectre de la discrimination entre les deux missions et enfin témoigne l'attachement international dans la poursuite d'un objectif unique qui se résume à la paix et à la sécurité internationale. Même si cette hypothèse n'est pas mauvaise, elle n'est pas la seule puisque le remplacement pur et simple des soldats de la MUAS est encore envisageable et sera réel dès que le Gouvernement soudanais l'acceptera. B - UNE MISSION ONUSIENNELa perspective du déploiement d'une force de maintien de la paix des Nations Unies semble s'imposer avec force depuis la mission d'évaluation en vue du déploiement d'une éventuelle force de l'ONU au Darfour. Par la résolution 1679 adoptée le 16 Mai 2006 à l'unanimité, le Conseil de Sécurité demande à toutes les parties à l'Accord de paix au Darfour de collaborer pour accélérer la transition d'une force de l'Union Africaine (MUAS) à une force de maintien de la paix des Nations Unies. Cette résolution a réactualisé la résolution N°1633 adoptée le 24 Mars 2006 par le Conseil de Sécurité. La mission d'évaluation technique a pour objectif de faire « des recommandations sur tous les aspects du mandat, y compris la structure de la force, les renforts nécessaires, les pays qui pourraient fournir les contingents et le détail des coûts à prévoir. »37(*) Le Secrétaire Général des Nations Unies pour sa part a déclaré qu' « il n'y a pas un jour à perdre » 38(*) et que les Nations Unies doivent s'impliquer profondément dans la résolution de la crise de Darfour. Une intervention onusienne au Darfour, pour être efficace, doit se conformer obligatoirement au Chapitre VII de la Charte de Nation Unies afin de permettre la protection nécessaire aux civils et aux missions humanitaires. Car, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, cette intervention a le pouvoir de prendre des mesures énergiques et efficaces, telles que l'interdiction de voyager et le gel des avoirs, à l'encontre de toute personne ou tout groupe qui contreviendrait à l'Accord de paix au Darfour ou tenterait d'en empêcher la mise en oeuvre. Rappelons tout de même que le chapitre VII prévoit des mesures coercitives en cas de menace à la paix, allant des sanctions économiques... n'impliquant pas l'emploi de la force armées (Ch. VII art 41 de la charte). C'est sûrement la seule possibilité qui pourrait trouver une issue véritable à la crise du Darfour même si le Président El Béchir a déclaré que « Le Darfour sera un cimetière pour les troupes étrangères qui seraient dépêchées sans l'accord du Gouvernement », ce qui montre son opposition à la fin du conflit. Au terme de ce parcours analytique, avec pour trame le rôle du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine dans la prévention et la résolution des conflits en Afrique, appliquée au cas du Darfour, trois constats s'imposent : - D'abord, une sincère volonté du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine à s'impliquer dans la gestion des crises en Afrique ; - Ensuite un engagement véritable à être le premier à prendre en compte les questions de sécurité et de paix sur le continent par son intervention au Darfour ; - Et enfin, une attitude presque passive de la Communauté Internationale. Nous développerons ces constats plus profondément dans les lignes qui suivent. Le conflit du Darfour qui a commencé depuis le mois de février 2003 a provoqué une guerre civile ainsi qu'une très grave crise humanitaire. Cette crise a fait aujourd'hui, selon les estimations, entre cent quatre vingt à trois cents milles (180000 à 300000) morts et deux millions quatre cents milles (2400000) personnes déplacées et réfugiés. Le nombre des victimes a poussé l'Organisation des Nations Unies à qualifier cette crise comme la «plus grave crise humanitaire du 21ème siècle », ou comme un « nettoyage ethnique »39(*). Cependant, la Communauté Internationale ne s'est montrée résolue à trouver une solution que par des condamnations diverses sans pour autant chercher à ramener à l'ordre les commanditaires des crimes commis à grande échelle au Darfour. Ainsi, comme cela avait été annoncé, trois constats s'imposent avec un relief tout à fait particulier. Le premier constat s'attelle à la sincère volonté du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine à s'impliquer dans la gestion des crises en afrique. Cette volonté a certes une incidence directe sur la réalisation des objectifs de l'Union en général, comme condition préalable à la mise en oeuvre de l'agenda de l'Union dans le domaine du développement et de l'intégration. Ainsi donc, l'architecture continentale de paix et de sécurité qui a pris forme dans le Conseil de Paix et de Sécurité doit permettre à l'Union Africaine de répondre aux aspirations des peuples africains à une existence pacifique ainsi qu'à un développement durable. Conscient du fait que, de son avenir et de son efficacité dépendra la crédibilité des activités de l'Union toute entière, le Conseil de Paix et Sécurité alors « nouveau-né » n'a pas hésité à prendre acte de la mission à lui confiée. Le deuxième constat qui met en exergue l'initiative du Conseil de Paix et de Sécurité à s'engager en premier face aux conflits sur le continent africain, peut être facilement illustré par son implication dans la recherche d'une issue à la crise du Darfour. Cette entreprise se montre a priori difficile dans le seul cadre de l'Union Africaine, mais fort heureusement, elle est appuyée par les ressources et le soutien actif et total des partenaires internationaux de l'Union Africaine (Union Européenne, Organisation des Nations Unies, etc.). Cependant, le Conseil de Paix et de Sécurité ne peut utiliser que les moyens qui sont à sa disposition, ce qui implique des limites dans son action. C'est l'instant ou jamais, de louer l'intervention du Conseil de Paix et de Sécurité au Darfour par l'intermédiaire de la Mission de l'Union Africaine au Soudan, car sa diligence a permis d'épargner plusieurs vies humaines alors que le reste de la Communauté Internationale a gardé l'inertie même si elle a contribué financièrement et matériellement à cette mission. Ses nombreuses tentatives pour amener les parties belligérantes à la table de négociations dans l'unique but de trouver un règlement amiable devraient aussi être mentionnées et inscrites sur le registre de l'histoire pour servir d'exemple aux générations futures. Ces phases devraient, à l'issue des négociations trouver une solution holistique à cette crise mais ce conflit perdure dans le temps à cause de la mauvaise volonté des parties belligérantes qui croient n'avoir pas encore atteint leurs objectifs à travers les hostilités. L'expérience a toujours montré que la mauvaise volonté est un rédhibitoire aux compromis issus des Accords ou d'un engagement quelconque parce qu'ils ne seront pas respectés. Cette phrase est l'illustration parfaite du comportement des parties soudanaises, mais surtout du comportement des milices Djandjawids dépourvues de tout sens de pitié et de celui du Gouvernement central de Khartoum car les rebelles sont plus ou moins tolérants. A l'opposé de cet argument, la réflexion approfondie ressort l'idée d'une faiblesse de la Mission de l'Union Africaine au Soudan face aux parties si bien qu'elle ne peut observer valablement le cessez-le-feu et jouer en même temps un rôle d'interposition pour protéger les civils. Le troisième constat quant à lui, révèle une attitude presque passive de la Communauté Internationale face aux atrocités qui sont commises au Darfour. Alors que traditionnellement, lorsque les conflits prennent une ampleur jusqu'à entraver les missions humanitaires, les Nations Unies au lieu de formuler des condamnations verbales comme elle l'a fait au début de la crise du Darfour, cherchent à établir un projet en vue du déploiement d 'une force de maintien de la paix, car elles craignent des répercutions sur la paix et la sécurité internationales. Et dans le cas de figure, la crise du Darfour resurgit sur le Tchad avec pour comble les attaques diverses dont sont victimes les populations qui se trouvent aux frontières tchado-soudanaises, mais aussi sur la République Centrafricaine, dont les frontières sont très poreuses, au cours de l'année 2005 lorsque l'on fait référence aux propos ténus sur les ondes par les autorités centrafricaines. Et le comble a été les dernières cascades de mouvements rebelles au Nord-Est plus précisément dans la région de Birao et de N'délé puisque ces groupes ont bénéficié d'une complicité directe venant du Soudan. Certes, la Mission de l'Union Africaine au Soudan a eu de soutiens relativement consistants de la part des Nations Unies, de l'Union Européenne et des différents donateurs dont l'Organisation du Traité de l 'Atlantique Nord (OTAN) qui a accordé une assistance logistique à la mission africaine. Mais le souhait était pour une implication directe de toute la Communauté Internationale. Cette inattention a pour cause principale le fait que le Darfour ne représente aucun intérêt stratégique par rapport au Gouvernement soudanais qui suscite des convoitises à cause du pétrole. Il fallait citer comme exemple d'une indifférence particulière, la position sans cesse réaffirmée de la Chine quant à la menace de l'usage de son droit de veto contre le déploiement forcé d'une force onusienne au Darfour. In fine, la gestion des conflits sur le continent dans le cadre juridique accompli alloué au Conseil de Paix et de Sécurité est un processus pratique, un effort dans le temps et à la mesure des expériences qui implique des ressources financières adéquates à flux régulier et constant. Des ressources humaines et matérielles indispensables devront être mobilisées par les Etats membres qui constituent, par leur volonté et leur détermination, le socle qui doit permettre au Conseil de Paix et de Sécurité de rebondir.
En outre, son « bras diplomatique » est la Commission qui se situe au carrefour de la synthèse de l'Union Africaine, de l'impulsion et de la facilitation pour l'accompagnement de toutes les politiques de l'Union. Cela ne pouvait être rempli valablement que grâce à un énorme « gisement de sens », de valeurs, de créativité et d'inventivité. Les fonctions sont énormes et nécessitent la contribution de tous les africains et puisque l'optimisme et la détermination obligent, le Conseil de Paix et de Sécurité pourra un jour arracher ce mal provoqué par le fléau des conflits aux racines afin de permettre à l'Afrique de connaître un moment d'existence pacifique et de développement durable. A cela, nous ne cesserions d'y penser avec optimisme. * 37Ce sont les exigences formulées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies a l'endroit de la mission d'évaluation technique au Darfour. * 38 Propos de M. Kofi ANNAN recueillis dans un article du journal « Financial Times » du 15 Mai 2006, lors de son exhortation à l'organisation d'une conférence des donateurs. * 39 Propos de M. Jan Egeland, Secrétaire Générale adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence des Nations Unies (Sources : The wall street journal). |
|